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PLAN DIRECTEUR DE CHANGEMENT

RÉPONSE AU RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L'AVENIR DU SECTEUR DES SERVICES FINANCIERS CANADIEN

Rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

Le président : L’honorable Michael Kirby

Le vice-président : L’honorable David Tkachuk

Décembre 1998


COMPOSITION DU COMITÉ

L'honorable Michael Kirby, président

L'honorable David Tkachuk, vice-président

et

Les honorables sénateurs :

Angus, W. David Kenny, Colin
Austin, Jack, c.p. Kolber, E. Leo
Callbeck, Catherine S. *Lynch-Staunton, John (ou Kinsella, Noel A., intér.)
*Graham, Alasdair B., c.p. (ou Carstairs, Sharon) Meighen, Michael Arthur
Hervieux-Payette, Céline, c.p. Oliver, Donald H.
Kelleher, James F., c.p. Stewart, John B.

*Membres d'office

 

Nota : Les honorables sénateurs Carney, c.p., Di Nino, Joyal, c.p., Kinsella, Kroft, Perrault, c.p., Poy, St. Germain, c.p., et Spivak ont été membres ou ont assisté à des séances à diverses étapes de cette étude.

 

Personnel de la Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement :

M. Gerry Goldstein, directeur, Division de l'économie;
Mme Margaret Smith, attachée de recherche, Division du droit et du gouvernement et
Monsieur Dan Shaw, attaché de recherche, Division de l'économie.

 

Personnel de la Direction des comités et de la législation privée :

Mme Lise Bouchard, adjointe administrative et M. Till Heyde, greffier législatif.

 

 

Le greffier du Comité
Gary Levy


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat du mercredi 22 octobre 1997 :

« L’honorable sénateur Carstairs, au nom de l’honorable sénateur Kirby, propose, appuyé par l’honorable sénateur Callbeck,

QUE le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la situation actuelle du régime financier du Canada;

QUE le Comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d’information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux; et

QUE le Comité présente son rapport final au plus tard le 10 décembre 1998.

La motion, mise aux voix, est adoptée. »

 

Le greffier du Sénat
Paul Bélisle


TABLES DES MATIÈRES

CHAPITRE PREMIER : La restructuration du secteur des services financiers — Six ans après

CHAPITRE DEUX : Le rôle particulier des institutions financières (et notamment des institutions de dépôt)

CHAPITRE TROIS : Les fusions de banques envisagées

CHAPITRE QUATRE : Les objectifs des politiques gouvernementales

CHAPITRE CINQ : Le fer de lance du Rapport du Groupe de travail

CHAPITRE SIX : Une vision du secteur des services financiers de demain

A. Survol du contexte économique
B. Objectif : favoriser le contrôle, par des Canadiens, des institutions clés du secteur des services financiers
C. Objectif : établir un cadre de saine concurrence dans le secteur des services financiers
D. Objectif : assurer la fiabilité, la solidité et l’intégrité du système financier canadien
E. Objectif : permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclairées et les protéger contre les pratiques commerciales abusives
F. Objectif : remplir les responsabilités d’intendance des institutions financières

CHAPITRE SEPT : Nos observations finales

ANNEXE

LISTE DES TÉMOINS

LISTE DES ORGANISATIONS ET DES INDIVIDUS QUI ONT ENVOYÉ DES MÉMOIRES MAIS QUI N'ONT PAS COMPARU

CHAPITRE PREMIER

La restructuration du secteur des services financiers — Six ans après

  1. Le 1er juin 1992, le gouvernement fédéral proclamait son nouveau cadre législatif pour les institutions financières sous réglementation fédérale : les banques, les sociétés de fiducie, les sociétés d’assurances et l’organisation nationale des coopératives de crédit.

  2. Cette nouvelle mesure modifiait profondément le champ d’action des institutions financières de régie fédérale en leur accordant toute une gamme de nouveaux pouvoirs, mais aussi en changeant leur régime de propriété et en établissant de nouvelles mesures prudentielles.

  3. En août 1995, le Comité rendait public son Rapport intérimaire sur la législation de 1992 traitant des institutions financières. Il y faisait observer que :

  4. Le Ministère [des Finances] est d’avis que la nouvelle législation fonctionne assez bien en pratique, et peut-être même très bien si l’on tient compte de l’ampleur des changements effectués. Dans l’ensemble, le Ministère est satisfait de l’orientation prise en 1992 et ne s’attend pas que d’importants changements aux diverses lois soient nécessaires en 1997. (Rapport intérimaire sur la législation de 1992 traitant des institutions financières, 1995, p. 3)

  5. Le rythme des événements des dernières années a toutefois contraint les décideurs à revoir cette position. La déréglementation du secteur des services financiers dans les économies de marché et le rythme affolant de l’évolution technologique dans les communications et le traitement des données ont créé un monde où les marchés financiers internationaux s’interpénètrent de façon inextricable. Les fournisseurs de services financiers sont devenus de puissants compétiteurs multinationaux qui fonctionnent dans bien des cas comme des entités non réglementées. Les défis à relever par le secteur canadien des services financiers ont forcé les décideurs à se poser des questions fondamentales sur son avenir.

  6. Le 19 décembre 1996, le ministre des Finances annonçait le mandat et la composition du Groupe de travail sur l’avenir du secteur des services financiers canadiens. Celui-ci devait conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre pour que le système financier canadien demeure vigoureux et dynamique dans les années à venir.

  7. Le Groupe de travail a rendu public son Rapport final le 14 septembre 1998. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a alors entrepris de tenir des audiences publiques partout au pays sur ce rapport.

  8. Toute une gamme de témoins — fournisseurs (réglementés ou non) et consommateurs de services financiers, organismes de réglementation, universitaires et décideurs — a ainsi comparu devant le Comité. Pendant ce temps, le débat sur le projet de fusion de quatre grandes banques à charte, la Banque Royale avec la Banque de Montréal, et la Banque Canadienne Impériale de Commerce avec la Banque Toronto-Dominion, se poursuivait.

  9. Le Groupe de travail ne s’est pas penché directement sur ces fusions comme telles. C’est plutôt le Bureau de la concurrence qui est chargé d’en faire l’examen. D’autre part, l’avis du Bureau du surintendant des institutions financières a été sollicité sur l’incidence que ces fusions pourraient avoir sur la stabilité globale du système financier. Il appartient enfin au ministre des Finances de décider d’autoriser ou non les fusions.

  10. Sans se pencher directement sur les fusions dans le présent rapport, qui porte essentiellement sur les recommandations du Groupe de travail, le Comité a toutefois entendu beaucoup de témoignages à ce sujet. Le chapitre 3 renferme un échantillon représentatif de ces témoignages, sans commentaire de la part du Comité.

  11. Le chapitre 2 porte sur le rôle particulier des institutions financières, et notamment des institutions de dépôt, dans l’économie canadienne, et dans la société canadienne en général. Après avoir démontré que ces institutions présentent des caractéristiques et des obligations qui leur sont propres, le Comité fait valoir que les politiques gouvernementales devront tenir compte, à l’avenir, des responsabilités spéciales qui en découlent pour le secteur.

  12. Comme nous venons de le voir, le chapitre 3 offre un ensemble représentatif de citations sur les projets de fusion bancaire annoncés, sans commentaire du Comité.

  13. Le Comité examine, au chapitre 4, les objectifs de politique gouvernementale que devraient refléter, selon lui, les mesures législatives et réglementaires qui régissent les fournisseurs de services financiers au Canada. Ces objectifs visent notamment à promouvoir la fiabilité et la solidité du secteur, la saine concurrence au sein du secteur, et le contrôle par des Canadiens des institutions financières clés; ils soulignent en outre l’importance de donner aux consommateurs les moyens de prendre des décisions éclairées, et d’accorder l’accès le plus étendu possible aux services financiers au Canada.

  14. Le chapitre 5 examine le fer de lance du Rapport du Groupe de travail, à savoir l’intensification de la concurrence dans toute la gamme des services financiers, mais surtout dans les services bancaires. Le Comité va ici à l’encontre de plusieurs recommandations du Groupe de travail sur la façon d’atteindre l’objectif d’accroître la concurrence. Il craint en particulier qu’il ne faille passablement de temps pour qu’une plus grande concurrence véritable se manifeste dans le secteur.

  15. Le Comité présente enfin, au chapitre 6, sa vision du secteur des services financiers de demain. Il y reprend chacun des cinq objectifs exposés au chapitre 4 en montrant l’incidence que ses recommandations auront sur eux. Cette partie du rapport expose donc la logique derrière les recommandations du Comité. Les témoignages entendus, les rapports et études que le Comité a produits dans le passé, et les arguments exposés dans le Rapport du Groupe de travail soutiennent ces positions.

  16. Le chapitre 7 renferme des observations sur le besoin d’un ensemble équilibré de réformes, et la nécessité d’y donner suite rapidement.

  17. Chacune des recommandations du Rapport du Groupe de travail est analysée dans l’annexe à la lumière des témoignages entendus lors des audiences du Comité. Le lecteur trouvera aussi au chapitre 5 la réponse du Comité à ces recommandations du Groupe de travail.

  18. Le Comité est bien conscient de la complexité du secteur canadien des services financiers. Tout changement apporté au cadre législatif ou réglementaire se traduira à la fois, pour les intervenants, par des pertes et des gains. Le Comité s’est toutefois fait répéter maintes fois pendant ses audiences que le statu quo n’est pas une solution. D’autre part, bien que les institutions de services financiers échappent à notre contrôle dès qu’elles opèrent en dehors des frontières du Canada, nous ne saurions nous isoler de ce qui se passe ailleurs dans le monde; ce serait d’ailleurs à déconseiller. La tâche consiste donc à procéder aux réformes nécessaires pour créer un cadre susceptible de bien servir le Canada dans les années à venir. Le Comité espère que ce rapport contribuera sensiblement à nous en rapprocher.


    CHAPITRE DEUX

    Le rôle particulier des institutions financières (et notamment des institutions de dépôt)

  1. D’une importance critique au bon fonctionnement de l’économie, les institutions financières (et surtout les institutions de dépôt (ID) et les émetteurs de cartes de crédit et de cartes de débit) assurent d’abord le traitement des transactions et les règlements sans lesquels les opérations commerciales seraient extrêmement difficiles. Elles servent ensuite d’intermédiaires pour canaliser les fonds depuis ceux qui cherchent le meilleur rendement jusqu'à ceux qui veulent les utiliser. Sans ces intermédiaires, il serait extrêmement coûteux pour bien des prêteurs et des créanciers potentiels (surtout les plus petits) de se rencontrer. Enfin, les institutions financières gèrent globalement le risque que comporte l’économie : elles évaluent le niveau de risque de chaque demande de prêt, en fixent le prix en conséquence et l’étalent sur l’ensemble de l’activité économique. Dans la vie quotidienne des consommateurs et des entreprises, ces institutions sont donc d’une grande importance.

  2. Les caractéristiques que nous venons de décrire sont si importantes au fonctionnement de leur économie nationale que tous les pays imposent des conditions à quiconque souhaite ouvrir une grande institution financière, et une ID en particulier. Ces exigences englobent, en général, les besoins en capitaux, la réglementation de l’exploitation et de la propriété, etc.

  3. Le désir d’assurer la stabilité du système financier et la confiance du public à son égard, conditions préalables à la prospérité économique, sont au coeur de cette surveillance gouvernementale.

  4. Depuis des décennies, les gouvernements canadiens estiment essentiel, pour maintenir la stabilité du système financier et faire en sorte que les institutions financières demeurent sensibles aux besoins des consommateurs et des entreprises du pays, que le contrôle des institutions financières clés du pays reste entre les mains de Canadiens. C’est ce qui a donné lieu aux politiques qui limitaient initialement la participation étrangère au capital des grandes institutions financières à 25 p. 100 et poussaient, dans les années 1960, les grandes compagnies d’assurance-vie canadiennes à se mutualiser pour éviter d’être rachetées par des sociétés étrangères. Le « traitement national » interdit, dans l’ALÉNA, de faire une distinction entre Américains et Canadiens dans les politiques de propriété. Le souci d’assurer le contrôle canadien des grandes institutions financières transparaît donc dans la règle de propriété largement répartie — la règle des 10 p. 100 — qui vise les banques canadiennes. Cette règle est aussi motivée par des craintes de conflits d’intérêt.

  5. La réglementation canadienne vise en outre à protéger les consommateurs et à garantir globalement la fiabilité et la solidité du secteur des services financiers. La protection des consommateurs comporte trois aspects : (1) la réglementation prudentielle, c.-à-d. la protection des déposants et des titulaires de polices d’assurance par des règles qui assurent la solidité d’une institution financière, et donc la sécurité des fonds qui lui sont confiés; (2) la réglementation sur la conduite des affaires, c.-à-d. la réglementation de choses comme la divulgation intégrale d’information pertinente aux déposants ou aux créanciers, l’interdiction de techniques coercitives de ventes liées, la protection de la vie privée et la protection des renseignements personnels sur un client que détient une institution financière; et (3) l’assurance-dépôts, c.-à-d. la garantie de la première tranche de 60 000 $ dans chaque compte d’une institution de dépôt.

  6. Ce système de réglementation ne veut pas dire, comme quelques témoins l’ont suggéré, qu’il faudrait traiter les institutions financières, et surtout les banques, comme des sociétés de service public. Reconnaissant que les institutions financières sont des entreprises à but lucratif oeuvrant dans un milieu d’affaires compétitif dans le but avoué de bonifier la valeur de leurs actions, la politique canadienne ne va pas du tout dans ce sens. Ces institutions doivent réaliser des profits pour obtenir les capitaux essentiels à leur bonne santé. Il faut donc les laisser libres de prendre les décisions d’affaires qu’elles jugent dans le meilleur intérêt de leur entreprise, à condition que ces décisions ne les empêchent pas de remplir leurs grandes obligations publiques, dont nous venons de tracer les grandes lignes, et ne donnent pas lieu à une emprise indue sur le marché.

  7. Les institutions financières de dépôt sont donc particulièrement réglementées. Le cadre réglementaire vise à leur permettre de concurrencer de façon agressive du moment qu’elles continuent, ce faisant, de répondre aux critères de stabilité financière, de protection du consommateur et de propriété canadienne qui leur sont imposés.

  8. Reconnaissant les caractéristiques propres aux institutions de dépôt que nous venons d’exposer, le Comité estime que les politiques gouvernementales doivent, à l’avenir, tenir compte des responsabilités spéciales qui en découlent pour le secteur.


    CHAPITRE TROIS

    Les fusions de banques envisagées

  1. Le Comité tient à préciser d’emblée qu’il n’a pas l’intention de se prononcer sur les projets de fusion de la Banque Royale et de la Banque de Montréal d'une part, et de la CIBC et de la Banque Toronto-Dominion d'autre part. En effet, il serait prématuré pour le Comité de faire quelque commentaire que ce soit à ce sujet tant que le Bureau de la concurrence et le BSIF n’auront pas terminé leur analyse et fait connaître leurs conclusions.

  2. Cependant, étant donné que les parties concernées ont profité des audiences du Comité pour donner leur opinion sur les deux projets de fusion, nous avons décidé de donner ici un échantillon représentatif des arguments présentés par les deux camps.

  3. Un témoin, qui citait une analyse d’impact approfondie, a dit au Comité que les projets de fusion de la Banque de Montréal et de la Banque Royale et de la CIBC et de la Banque Toronto-Dominion permettraient de réaliser des économies et des gains d’efficience.

  4. ...la rationalisation pourrait faire économiser de 20 à 30 p. 100 des coûts autres que les coûts d’intérêt. Ces chiffres représentent des économies considérables par personne, de l’ordre de 1 000 à 3 000 $ sur les dix prochaines années. Ainsi, ces gains pourraient totaliser entre 29,5 et 88,5 milliards de dollars, selon l’hypothèse retenue [...] Les fusions pourraient donc générer des économies substantielles. (Jason Clemens, 28 octobre 1998)

  5. D’autres personnes sont du même avis et pensent que ces économies se traduiront en bout de ligne par des avantages nets pour le consommateur. Par exemple :

  6. Nous croyons aux principes du libre marché et nous voulons nous assurer que nos clients peuvent prospérer dans ce contexte. À l’instar de bien d’autres, notre entreprise est le fruit de fusions visant à mieux servir les clients et les associés de l’entreprise, de même que ses propriétaires et les autres parties concernées. Nous pensons que les avantages potentiels des fusions dans le secteur bancaire l’emportent sur les conséquences fâcheuses qui pourraient en résulter. (Glen C. Agro, 4 novembre 1998)

  7. et

  8. [C]es fusions peuvent constituer d'intéressantes stratégies commerciales visant à faire des banques des concurrents d'envergure mondiale.[...] Mes investisseurs et mes clients sont des gens des Premières nations. Leur économie reste locale et leurs préoccupations le sont aussi. Ils ont des besoins de services locaux. Ils font des placements internes et ont besoin de faire des placements croisés avec les autres Premières nations du Canada. [...] Cela dit, je considère que les fusions ne se feront pas au détriment du développement de notre institution. Nous avons intérêt à ce que les frais d'exploitation de la banque qui est notre partenaire baissent, et nous estimons que cela sera facilité par les fusions. Nos clients et notre banque profiteront de la baisse des coûts des banques ayant fusionné, que cela se fasse par un recours accru à la technologie ou grâce aux économies d'échelle que vont procurer à notre avis ces fusions. (Keith Martell, 27 octobre 1998)

  9. Cependant, certains témoins ont abouti à des conclusions diamétralement opposées et affirment qu’il ne faut pas confondre gains d’efficience et simple opération de réduction des coûts. Ils se demandent si les consommateurs seront effectivement mieux servis à la suite des fusions. La remarque suivante est caractéristique.

  10. Habituellement, ce que nous avons tendance à voir à la suite de fusions bancaires dans d'autres pays, c'est qu'il y a confusion entre l'efficience et la réduction des coûts. Généralement, ce que les banques appelaient de l'efficience n'était qu'une simple réduction des coûts [...] Habituellement, cela voulait dire fermer des banques, mettre des gens à pied, augmenter les frais de service et réduire les services offerts aux clients. (Marjorie Griffen Cohen, 28 octobre 1998, p. 29)

  11. et

  12. [N]ous perdrions 3 000 emplois directs en Colombie-Britannique. On craint donc des pertes d'emplois. Deuxièmement, [...] 75 p. 100 des localités de la Colombie-Britannique sont vulnérables aux fermetures de succursales par suite des fusions proposées. De ces localités, 199 sont servies par trois institutions financières ou moins. C'est ce groupe qui a le plus à perdre, et plus de la moitié de ces localités risquent de subir une fermeture de succursale à cause des fusions proposées. (Ian Waddell, 28 octobre 1998)

  13. D’autres personnes étaient du même avis et ont fait à cet égard des observations générales et des commentaires spécifiques sur les répercussions prévues des fusions sur les consommateurs canadiens.

  14. Selon le groupe de travail, il y a beaucoup trop de concentration dans les services bancaires de base, et une concurrence accrue serait avantageuse pour les consommateurs. À mon grand étonnement, les auteurs poursuivent en appuyant modérément les fusions de banques. [...] Les fusions ne seraient pas une bonne chose pour nous, en tant qu'entreprises consommatrices de services bancaires. Elles seraient aussi désastreuses pour les particuliers et pour l'ensemble de l'économie. Le fait qu'il y ait une saine concurrence dans les milieux bancaires est très important pour l'efficacité des différents secteurs en tant que concurrents. (William A. Black, 21 octobre 1998)

  15. Un autre point de vue intéressant tournait essentiellement autour de l’aptitude d’autres institutions financières à combler le vide, sur le plan de la concurrence, laissé par les parties aux fusions. Un partisan des fusions a dit ce qui suit :

  16. À moins d'être à la place des décideurs, il est impossible de prendre une aussi bonne décision. Si les banques veulent fusionner et se tirer une balle dans la tête, qu'on les laisse faire. D'autres viendront remplir le vide. L'optique sera peut-être différente et la façon de procéder aussi, mais le public recevra des services. La libre entreprise veut que là où il existe une occasion, quelqu'un la saisira, et c'est ainsi que les choses fonctionnent. L'une des choses qui est déjà en train de se passer en ce qui concerne les fusions, comme je l'ai mentionné, c'est que nous avons des positions de consortium. Au fur et à mesure que ces entreprises fusionnent, ces positions de consortium deviennent de plus en plus importantes, ce qui est bon non seulement pour nous mais pour le pays. Dans l'ensemble, nous faisons affaire avec le petit client. Alors qu'à Toronto, on recherche des transactions de 50 millions ou 25 millions de dollars, nous nous contentons facilement de toutes petites transactions [...]. (Lonsdale Holland, 20 octobre 1998)

  17. et

  18. Nous considérons qu'il y a un créneau pour nous dans le Canada atlantique. Nous n'avons aucune objection à ce qu'on autorise les grandes banques à se fusionner si, à leur avis, cela leur permettra d'être plus concurrentielles et plus rentables. Elles savent sans doute mieux que n'importe qui ne travaillant pas dans ce secteur comment gérer leurs affaires. Cependant, j'estime qu'il y a sans doute place pour un plus grand nombre de banques sur la scène bancaire canadienne. Nous devrions ouvrir les portes. Chacun trouvera une niche. De cette façon, la population sera bien servie. (Lonsdale Holland, 20 octobre 1998)

  19. D’autres personnes en revanche se sont exprimées contre les fusions.

  20. Certaines personnes ont suggéré d'autoriser les fusions le plus rapidement possible pour que des intérêts moins importants puissent reprendre les succursales ou le personnel abandonnés par les banques lors d'une fusion. Nous nous demandons comment cela fonctionnerait dans la pratique. Nous pensons qu'en cas de fusion, la grande banque essaiera de regrouper ses opérations dans les meilleures succursales, et également essaiera de conserver les meilleurs éléments, qu'il s'agisse du personnel ou du matériel. On peut donc s'interroger sur les chances de réussite de ces concurrents ou de ces petites institutions qui devraient se contenter des laissés-pour-compte des grandes banques. Ce n'est pas parce que nous doutons de la vitesse et de l'efficacité avec lesquelles une véritable concurrence peut se constituer en face des cinq grandes banques que nous sommes contre la concurrence. En effet, nous considérons qu'une véritable concurrence est la seule solution possible, le meilleur moyen de bien servir la petite entreprise, pour ne pas parler des autres segments du marché [...] Nous sommes contre toute nouvelle concentration, contre les fusions, tant qu'on n'aura pas vu s'installer une nouvelle concurrence. (Catherine Swift, 5 novembre 1998)

  21. et

  22. [J]e veux vous donner une idée du ton des audiences. [...] À Peachland, en Colombie-Britannique, dans la vallée de l'Okanagan, une succursale bancaire a fermé ses portes. Il ne restait plus aucune banque en ville, et les habitants devaient se rendre jusqu'à Westbank, à 12 kilomètres, pour faire leurs affaires bancaires. Ils ont dit au groupe de travail que cette localité avait perdu quelque chose. Cela leur a nui directement. Cette fermeture a réduit l'activité commerciale dans cette localité parce que les gens vont maintenant faire des achats dans l'autre localité. [...] Un homme de Dawson Creek a dit au groupe de travail qu'il avait essayé d'obtenir un prêt dans une banque, mais que sa demande avait été refusée. Il s'est alors adressé à la banque voisine. Il est allé dans trois banques et a finalement pu obtenir un prêt pour mettre sur pied une petite entreprise. S'il n'y a qu'une succursale dans une localité, on ne peut pas faire cela. (Ian Waddell, 28 octobre 1998)

  23. Un témoin a dit que la réaction des institutions de second niveau dépendrait des obstacles qui continuent d’entraver l’entrée dans le secteur et de leur élimination éventuelle. Par exemple :

  24. Ce que nous n'avons pas mentionné dans notre document, mais que je voudrais inclure dans ma présentation, c'est que le processus de rationalisation et la fermeture de succursales permettent à certaines institutions spécialisées de s'implanter sur les marchés qui sont ainsi libérés. En supposant que chacune des cinq grandes banques ait eu une succursale sur un marché donné, et que deux de ces succursales soient fermées, cela permet de toute évidence à d'autres joueurs d'entrer sur ce marché et de le disputer aux autres banques, à condition que les obstacles à l'entrée soient supprimés. (Jason Clemens, 28 octobre 1998)

  25. D’autres personnes avaient des positions plus nuancées. Pour un témoin, ce n’est pas le nombre de grandes banques à charte qui resteront en opérations qui est préoccupant, mais le degré de concentration sur le marché.

  26. Il y a déjà une forte concentration dans le secteur des banques à charte. Les pouvoirs économiques sont déjà très concentrés. L’industrie de la fiducie était auparavant un compétiteur sérieux qui a maintenant disparu. Les courtiers en valeurs mobilières avaient une approche unique, mais ils ont également disparu. Ils font tous maintenant partie intégrante du système bancaire. Nous n’avons rien eu à dire au sujet de l’éventuelle fusion des banques, et je ne crois pas que nous ayons quelque chose à y ajouter. Cela concerne les actionnaires des banques et le ministre des Finances, qui doivent considérer chacun des aspects pouvant toucher les Canadiens. Le niveau de concentration des pouvoirs est déjà plus élevé que dans n’importe quel autre pays du monde occidental. Les banques ont des pouvoirs énormes. Quand on a déjà affaire à une pareille concentration des pouvoirs, mis à part toute considération de prudence, est-il important qu’on ait six banques au lieu de quatre? La question n’est pas d’avoir six, ou quatre, ou dix banques. La question concerne la concentration des pouvoirs. (Jim Burns, 5 novembre 1998)

  27. Au sujet de la concentration sur le marché, un témoin a fait une mise en garde relativement à l’état actuel du commerce des cartes de crédit et du dilemme que pose une des fusions proposées à ce sujet :

  28. On parle de dualité quand une banque gère deux cartes de crédit concurrentes, par exemple Visa et MasterCard. Ces deux cartes seraient offertes par la même entreprise, à la différence de la situation actuelle où la Banque Royale a Visa et la Banque de Montréal, MasterCard, par exemple. [...] quand les détaillants acceptent des cartes de crédit dans leurs magasins, ils paient également des frais à la banque qui gère cette carte. Dans le contexte actuel, la carte MasterCard est offerte à un prix plus concurrentiel que Visa. Ce qui préoccupe le plus nos membres est que, si ces deux cartes se retrouvent gérées par la même banque, rien ne donne à penser que les frais que les commerçants doivent payer pour Visa baisseraient; au contraire, nous pensons qu'ils augmenteraient pour MasterCard et atteindraient le niveau actuel des frais de Visa. Par exemple, nos membres paient, par l'entremise du programme de notre conseil, approximativement 1,45 p. 100 pour MasterCard et 1,8 p. 100 pour Visa. Ils ne croient pas que, si ces deux cartes étaient gérées ensemble, le taux facturé pour Visa baisserait à 1,45 p. 100; il est plutôt probable que c'est le contraire qui se passerait. Il y a également une question de concentration du marché. (Diane Brisebois, 27 octobre 1998, p. 240)

  29. Le Comité a aussi entendu des témoignages qui jettent un éclairage différent sur ces fusions. Parlant de l’intérêt public, un témoin a affirmé que les institutions financières canadiennes fortes issues des fusions renforceraient la position des institutions canadiennes.

  30. Finirons-nous avec un régime qui préserve le choix et la concurrence? Notre opinion diffère parfois de celle de certaines personnes, parce que nous croyons que les forces de la fusion marquent de façon certaine notre industrie. Nous croyons qu'une certaine fusion est probablement inévitable au Canada et qu'elle répond probablement à l'intérêt public dans la mesure où nous voulons préserver la solidité des institutions canadiennes. Nous avons adopté une position selon laquelle nous n'avons pas d'objection, en principe, à ce que des entreprises canadiennes suivent cette tendance, à condition toutefois -- et cette réserve est importante -- que les fusions ne réduisent pas indûment la concurrence sur le marché national. Nous pensons que certaines conditions s'imposent pour, d'une part, permettre aux parties aux projets de fusion de poursuivre leurs stratégies et, d'autre part, assurer un niveau de concurrence et un choix raisonnables au Canada. (Ed Clark, 7 octobre 1998)

  31. Cependant, des arguments tout aussi convainquants étayent la thèse opposée :

  32. Il est clair que les fusions ne sont pas nécessaires ni utiles. Les fusions, en fait, sont carrément dangereuses. L’importance de la concentration dans l’industrie bancaire est une question grave, non seulement parce qu’elle mène à une augmentation du pouvoir de quelques sociétés dans les marchés, mais aussi parce qu’elle peut conférer un pouvoir politique indu [...] Nous avons vu que des analystes doutaient que le gouvernement fédéral puisse empêcher les fusions. [...] Nous avons vu très récemment des présidents de banques faire des menaces à peine voilées à propos de ce qui se produira si nous ne permettons pas les fusions. [...] Il faut presser le ministre des Finances de fermer le dossier des fusions. (Peter Bleyer, 5 novembre 1998)

  33. Du point de vue de la compétitivité internationale, certains témoins étaient en faveur des fusions proposées. Voici un exemple des arguments invoqués à ce sujet :

  34. Si les fusions ne sont pas autorisées, je pense que nous perdrons le contrôle du processus. [...] On pourrait autoriser les fusions mais imposer un certain nombre de contrôles en interdisant par exemple aux banques de fermer plus d'un certain nombre de succursales chaque année. Si les fusions ne sont pas autorisées, on assistera malgré tout à la fermeture et au regroupement de certaines succursales. Il est impossible de faire marche arrière. C'est un phénomène mondial. Nous avons parlé de la taille des banques. [...] par rapport aux grandes banques du monde, la Banque Royale n'est elle [...] qu'un grain de sable. Même après une fusion, la Banque de Montréal et la Banque Royale seraient une petite banque, mais elles seraient en mesure de s'associer à de plus grands syndicats de prêts et de conclure des opérations plus payantes. Généralement, les grandes banques prennent la part du lion et laissent le reste aux autres banques. C'est ce qui se passe dans les grosses transactions, et nous le constatons quotidiennement au Canada. Je ne pense pas que le maintien du statu quo et du vieux système serait favorable aux nouvelles institutions financières. Elles prennent actuellement la part du lion sur le marché et elles continueront à le faire. Si leur fusion est autorisée, elles se tourneront peut-être plus vers la dimension mondiale de la gestion des affaires et de la richesse ainsi que vers d'autres secteurs et laisseront à d'autres le secteur intermédiaire traditionnel. (Larry M. Pollock, 28 octobre 1998)

  35. Un autre témoin a présenté un argument opposé tout aussi solide.

  36. [...] nous avons essayé de déterminer si les marchés locaux étaient vraiment contestables et s'il était essentiel pour les banques de fusionner pour avoir accès aux marchés internationaux. Essentiellement, notre étude nous a permis de découvrir que la taille de la banque n'était pas essentielle à sa profitabilité sur les marchés internationaux. La Banque de Nouvelle-Écosse a d'ailleurs fait valoir ce point, affirmant qu'elle a très bien réussi sur les marchés internationaux sans être la plus grande. Cela ne semblait donc pas être un argument essentiel, et ce n'était certainement pas un argument très convaincant pour justifier une fusion. [...] La Banque royale nous a dit qu'elle comptait avoir 40 p. 100 de son actif sur les marchés internationaux après la fusion. [...] Nous avons entendu beaucoup de gens nous dire qu'ils trouvaient cela très dangereux, que le Canada se trouverait dans une position précaire si sa plus grande banque était si étroitement liée aux marchés internationaux dans ce sens. (Marjorie Griffen Cohen, 28 octobre 1998)

  37. D’autres personnes ont exprimé des vues encore plus prudentes. Par exemple, un témoin a affirmé ce qui suit :

  38. À court terme, je préférerais probablement que les banques ne fusionnent pas. À long terme, toutefois, je ne sais pas ce qui serait la meilleure réponse pour le Canada. Nous vivons à l'époque du village planétaire, et c'est un phénomène que vient alimenter la technologie. J'assiste à beaucoup de réunions à l'étranger. J'y rencontre les gros joueurs, et je sais ce qu'ils font. Nous sommes très chanceux au Canada d'avoir eu une très solide industrie nationale. Je ne saurais toutefois vous dire si nous pouvons nous attendre à maintenir cet avantage indéfiniment. Du point de vue des autorités publiques, cela me paraît être le défi à relever. (David A. Nield, 2 novembre 1998)


    CHAPITRE QUATRE

    Les objectifs des politiques gouvernementales

  1. Selon le Comité, les mesures législatives et réglementaires qui visent les entreprises de services financiers au Canada devraient tenir compte des objectifs suivants :

  2.     •assurer la fiabilité, la solidité et l’intégrité du système financier canadien;

  3.     •établir un cadre de saine concurrence dans le secteur des services financiers;

  4.     •favoriser le contrôle, par des Canadiens, des institutions clés du secteur des services financiers;

  5.     •permettre aux consommateurs de prendre des décisions éclairées et les protéger contre les pratiques commerciales abusives; et

  6.     •remplir les responsabilités d’intendance du secteur, en assurant entre autres l’accès le plus étendu possible aux services financiers dans toutes les régions et à tous les groupes de revenu.

  7. Cette liste est dressée sans ordre de priorité précis. Chaque objectif est important. Chacun est l'une des multiples facettes de ce à quoi les politiques gouvernementales doivent tendre dans ce domaine.

  8. La façon d’atteindre ces objectifs fait depuis des années l’objet d’un intense débat politique au Canada. Les moyens d’y parvenir ont en outre évolué avec le temps. Ils ne sont donc pas statiques, mais changeants.

  9. Ceux pour qui ces objectifs ne peuvent être réalisés que par une réglementation massive de toutes les pratiques commerciales des institutions financières, pour qui il faudrait essentiellement traiter ces dernières comme des entreprises de service public, se trouvent à une extrémité du spectre. À l’autre, on retrouve ceux pour qui les forces du marché devraient constituer la forme primordiale, sinon unique, de régulation des entreprises de services financiers, ce qui revient à traiter les institutions financières comme si elles ne possédaient pas les caractéristiques spéciales énoncées au chapitre 2.

  10. Le Comité rejette ces deux positions extrêmes. La première fait abstraction du fait que les entreprises de services financiers sont des entreprises ouvertes dans un marché compétitif et qu’elles ont, vis-à-vis de leurs actionnaires, l’obligation de bonifier la valeur de leurs titres. L’autre ne reconnaît aucunement que les forces débridées du marché pourraient bien aboutir à des résultats qui vont à l'encontre de certains des objectifs de politique gouvernementale énoncés, comme la fiabilité et la solidité, la protection du consommateur ou le contrôle par des Canadiens.

  11. Pour reprendre ce qu’il disait au chapitre 2, le Comité pense qu'une entreprise de services financiers est une entreprise réglementée qui se situe entre ces deux extrêmes : ce n’est ni un service public, ni un secteur débarrassé de toute entrave qui répond aux seules forces du libre marché. Le Comité reconnaît toutefois que, comme l’industrie des services financiers doit avoir une culture de vive concurrence, le système de réglementation doit être conçu pour la freiner le moins possible et assurer la souplesse voulue.

  12. Le Comité s’est intéressé également à la façon dont certains pays européens, comme les Pays-Bas et la Suisse, établissent leur politique bancaire. Ces pays, pour qui le secteur bancaire est une industrie stratégique, cherchent à pousser quelques-unes de leurs grandes banques à devenir des leaders mondiaux dans leur domaine. Cette politique donne de bons résultats chez eux, sans violer le deuxième objectif (celui de la saine concurrence) car les consommateurs ont facilement accès, tant aux Pays-Bas qu’en Suisse, à de petites institutions de dépôt et de prêt de «second niveau» qui offrent une réelle concurrence aux grandes banques, d’envergure mondiale, sur les marchés financiers internes.

  13. Le Canada ne saurait adopter cette stratégie sans violer le deuxième objectif. À l’exception des Caisses populaires au Québec et des coopératives de crédit dans l’Ouest canadien, notamment en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, un solide réseau de banques de second niveau fait défaut au Canada. La province la plus peuplée du pays, l’Ontario, en est particulièrement dépourvue. Le Canada ne répond donc pas à la condition essentielle du modèle de l’industrie stratégique.

  14. Le Comité estime par conséquent nécessaire, pour atteindre les cinq objectifs de politique gouvernementale énumérés plus haut, d’équilibrer la réglementation gouvernementale et la surveillance exercée par les forces du marché. Les recommandations qui suivent tiennent compte de ce besoin.

  15. Ces recommandations témoignent aussi du fait que, depuis dix ans, tous les grands pays industrialisés, dont le Canada, par les modifications apportées en 1992 à diverses mesures législatives visant les institutions financières, ont pris le virage de la déréglementation partielle pour s’appuyer sur une transparence accrue et laisser davantage cours aux forces compétitives du marché.


    CHAPITRE CINQ

    Le fer de lance du Rapport du Groupe de travail

  1. La promotion d’une saine concurrence dans l’ensemble des services financiers, et les services bancaires en particulier, est, lorsqu’on les examine globalement, le fer de lance des recommandations du Rapport du Groupe de travail concernant la structure du secteur et les pouvoirs des entreprises.

  2. Le Comité abonde dans ce sens. À la suite des témoignages entendus, il rejette toutefois, comme les parties suivantes l’expliquent, certaines recommandations concernant la façon de parvenir à cette saine concurrence.

  3. Sur ce plan, le temps nécessaire pour que, une fois les politiques gouvernementales modifiées de manière à la favoriser (ou la permettre), la concurrence se manifeste sur les marchés est d’une importance critique. La question n’y est pas abordée directement, mais le Comité est convaincu, à la lecture de son Rapport, que le Groupe de travail anticipait une manifestation rapide.

  4. Selon les témoignages entendus lors des audiences du Comité, il est cependant bien clair qu’il faudra des années, au moins trois et vraisemblablement cinq, une fois que les politiques gouvernementales, les mesures législatives et la réglementation seront modifiées, pour que la nouvelle concurrence se fasse sentir de manière concrète et énergique sur les marchés.

  5. Selon des témoins du mouvement des coopératives de crédit, par exemple, il faudra trois à cinq ans pour que leur banque communautaire nationale devienne pleinement opérationnelle.

  6. D’autres témoignages entendus lors des audiences révèlent qu’il faudra environ cinq ans, à partir de l’adoption des politiques visant à favoriser la création de nouvelles petites institutions de dépôt communautaires, pour voir apparaître de nouveaux concurrents véritables aux grandes banques.

  7. La politique proposée en matière d’établissement de succursales de banques étrangères, d’abord énoncée dans le rapport de 1996 du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à laquelle le Groupe de travail se rallie dans ses recommandations, ne se traduira pas par une intensification de la concurrence au niveau des banques de détail. Et elle n’augmentera pas du jour au lendemain la concurrence entre les banques de gros. L’ouverture des frontières du Canada aux banques étrangères, tout en étant des plus souhaitable, n’est donc pas une panacée. Le Comité est d’avis qu’elle n’entraînera pas la création immédiate d’une multitude de nouvelles institutions de dépôt de second niveau axées sur le consommateur.

  8. Ce n’est toutefois que si les institutions de dépôt de second niveau actuelles (le Canada Trust, la Banque Canadienne de l’Ouest, la Banque Laurentienne, et la Banque Hongkong du Canada) pouvaient acheter, par blocs entiers, des succursales d’institutions de dépôt existantes que l’intensification de la concurrence pourrait se produire rapidement.

  9. La Banque Hongkong du Canada a aussi insisté fortement auprès du Comité pour rendre immédiatement les réseaux de guichets bancaires automatiques totalement fonctionnels. Si l’on donnait suite à cette recommandation, les clients pourraient utiliser la grande majorité de ces appareils pour retirer ou déposer des fonds, au lieu d’être limités à ceux de leur propre banque. Chaque nouvelle institution de dépôt aurait ainsi instantanément 19 000 nouveaux points de service, et les institutions existantes, quelle que soit leur taille, subiraient une concurrence intense partout au pays.

  10. À la lumière de ces témoignages, le Comité prie le gouvernement de se montrer réaliste au sujet du temps qu’il faudra aux nouvelles politiques d’intensification de la concurrence pour produire des résultats. Il faudra manifestement un certain temps après l’adoption des nouvelles politiques pour qu’une nouvelle concurrence véritable se manifeste sur les marchés.


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