Communication de renseignements confidentiels en vertu de la Loi sur la concurrence
Auteur: Directeur, Politique de la concurrence, Bureau de la concurrence
Mai 1995
Table des matières
Introduction
Le présent énoncé précise la façon dont
le Bureau de la politique de concurrence (le « Bureau »)
traite l'information qu'il obtient dans le cadre de l'application et du contrôle
d?application de la Loi sur la concurrence (la « Loi »)(1)
. Le Bureau s'est engagé à traiter cette information de
manière responsable et il fait preuve d'une vigilance constante pour
éviter de communiquer des renseignements confidentiels pendant qu'il
mène un examen. La politique du directeur des enquêtes et recherches
(le « directeur ») consiste à communiquer le moins
possible de renseignements confidentiels. Même si, dans un cas donné,
le directeur peut, en vertu de la loi, communiquer des renseignements, il ne
le fera pas nécessairement, la communication des renseignements confidentiels
n 'étant pas la règle, mais l'exception.
Le directeur enquête sur les affaires dont il est saisi afin de déterminer
si elles comportent des agissements anticoncurrentiels ayant une certaine incidence
sur l'économie canadienne. L'article`10 de la Loi prévoit
que le directeur est tenu d'enquêter sur « toutes questions
qui, d'après lui, nécessitent une enquête en vue de déterminer
les faits ». Cette obligation ne s'accompagne d'aucune restriction
quant à la manière dont, pour l'essentiel, le directeur doit mener
ces enquêtes, si ce n'est qu'il doit le faire en privé, (c.-à-d.
non publiquement). Le paragraphe 10(3) prévoit le processus que le directeur
doit suivre au cours d?une enquête. Le paragraphe 10(3) prévoit
que « Les enquêtes visées au présent article sont
conduites en privé ». Ainsi, la procédure d'enquête
doit se dérouler à l'abri des regards du public. Lorsqu'il mène
ses enquêtes, le directeur s'acquitte de son mandat le plus possible en
privé, selon les circonstances.
Sous la gouverne du directeur, le Bureau examine les pratiques commerciales
ainsi que les inquiétudes qu'elles suscitent au sujet de la concurrence,
dans le cadre d'un examen (2), ce qui englobe l'étude
attentive des renseignements, leur analyse et leur synthèse en vue d'approfondir
les questions soulevées, et enfin leur évaluation dans le but
de choisir une méthode d'application visant à résoudre
des problèmes constatés au chapitre de la concurrence.
Au cours de ses examens, le Bureau recueille une grande quantité de
renseignements auprès de différentes sources, ce qui lui permet
de brosser un tableau de l'état de la concurrence dans une industrie
donnée. Les renseignements incluent habituellement des données
sur le chiffre d'affaires, les profits et les parts de marché antérieurs
et projetés, d'énoncés sur la stratégie concurrentielle,
de contrats confidentiels liant des clients et des fournisseurs, de renseignements
détaillés sur les coûts de production ainsi que d'analyses
de l'incidence sur la concurrence qu'ont certaines entreprises ou certains produits
sur le marché considéré. Souvent, de tels renseignements
sont extrêmement délicats d?un point de vue commercial et,
bien qu?ils soient fournis volontairement plus souvent qu?autrement,
le directeur peut les obtenir en exerçant les pouvoirs formels que lui
confère la Loi à cet égard. Ces renseignements peuvent
servir à formuler des questions et à favoriser la tenue de discussions
fructueuses avec les personnes visées par l'examen ainsi que des tiers.
Il est fréquent que l'on se mette en rapport avec des clients, des concurrents
ou des fournisseurs afin de se renseigner, par exemple, sur les marchés
pertinents, la nature et l'étendue des entraves à l'accès
de même que le rôle et l'importance de concurrents en particulier
sur le marché. Tout cela se fait automatiquement sans qu?il ne soit
nécessaire que le Bureau communique des renseignements particuliers à
des tiers.
L'article 29 et la confidentialité
L'article 29 accorde une protection particulière à certains genres
de renseignements détenus par le directeur, comme l'identité d'une
personne de qui des renseignements ont été obtenus en application
de la Loi, l'information obtenue grâce à l'exercice d'un
pouvoir formel et celle fournie de pair avec un préavis de fusionnement
ou une demande de certificat de décision préalable. Les renseignements
confidentiels non mentionnés à l'article`29 ne bénéficient
de la protection d'aucune disposition de la Loi, mais étant donné
le caractère généralement critique de tels renseignements,
la politique du directeur consiste à tenir pour acquis qu'ils sont visés
par l'article`29.
L'interdiction de communiquer l'information visée à l'article`29
ne s'applique pas lorsque les renseignements en cause sont devenus publics.
Tel est le cas, par exemple, lorsque la personne visée par l'examen divulgue
des renseignements ou lorsque la personne qui fournit de l'information au directeur
rend son identité publique. Lorsque les médias ou d'autres tiers
lui demandent, par exemple, de confirmer des renseignements rendus publics,
le directeur accepte généralement de le faire. L'article 29 autorise
également la communication à des organismes canadiens chargés
du contrôle d'application de la loi ou « dans le cadre de l'application
ou du contrôle d'application » de la Loi.
Organismes canadiens chargés du contrôle d'application
de la Loi
Pour l'essentiel, le directeur a préservé son indépendance
vis-à-vis des organismes chargés du contrôle d'application
de la loi, se contentant de communiquer de l'information principalement aux
fins de renvoyer à d'autres organismes des plaintes qui relèvent
de leur compétence. À l'inverse, les organismes qui sont saisis
de plaintes visées par la Loi les transmettent au Bureau. Lorsqu'il
y a communication de renseignements à un organisme canadien chargé
du contrôle d'application de la loi, relativement à un examen mené
conformément à la Loi, seuls sont communiqués les
renseignements nécessaires à l'organisme pour fournir au directeur
l'aide demandée. Cependant, la communication autorisée à
l'article`29 ne doit pas nécessairement permettre de faire progresser
une affaire en particulier fondée sur la Loi et elle peut avoir
lieu expressément aux fins d'aider un organisme canadien chargé
du contrôle d'application de la loi à s'acquitter de son mandat.
« Application ou contrôle d'application »
Selon le directeur, l'exception liée à « l'application
ou au contrôle d'application » de la loi concernant l'interdiction
de communiquer des renseignements visés à l'article`29 autorise
la communication aux fins de la progression d'un examen mené sur le fondement
d'une ou de plusieurs dispositions de la Loi(3).
Cette exception engloberait également la communication de tels renseignements
à un organisme étranger chargé du contrôle d'application
de la loi lorsque la communication projetée vise à faire en sorte
que l'organisme collabore à un examen mené au Canada.
Engagements en matière de confidentialité
La capacité du directeur d'appliquer la Loi ou d'en contrôler
l'application peut être entravée s'il est fait droit à la
demande d'une personne qui fournit volontairement des renseignements à
l'effet de limiter la communication de ceux-ci. La règle veut qu'une
telle demande ne soit pas accueillie et que les cas exceptionnels soient examinés
individuellement. Toutefois, la personne qui fournit des renseignements est
incitée à faire valoir le caractère critique de ceux-ci
sur le plan commercial.
Entraide juridique au palier international
Dans le domaine de l?entraide juridique au palier international, les renseignements
confidentiels qu?ils soient ou non visés à l?article
29, sont traités de la même manière. Les demandes formulées
en vertu d?un traité d?entraide tel que le Traité
d'entraide juridique en matière pénale entre le gouvernement du
Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, sont
administrées par le ministère de la Justice conformément
aux dispositions du traité et de sa loi d?application, la Loi
sur l'entraide juridique en matière criminelle(4)
.
En réponse à une telle demande, les renseignements dont le directeur
dispose peuvent être communiqués à un organisme étranger
chargé du contrôle d?application de la loi lorsque le bureau
et l?organisme étranger travaillent à la même affaire
et lorsque le directeur décide que la communication des renseignements
à l?organisme étranger pourrait lui être utile dans
le progrès de son examen.
L'échange de renseignements entre les états a toujours lieu sous
le sceau du secret. L'information fournie au directeur par un organisme étranger
est utilisé à la seule fin de l'application ou du contrôle
d'application de la loi.
Actions privées
Le particulier qui désire obtenir des dommages-intérêts
ou une indemnité financière peut intenter une action privée
conformément à l'article`36 de la Loi. La Loi ne
prévoit aucun droit d'accès aux dossiers que détient le
directeur. Dans le but de préserver l'indépendance nécessaire
à l?exercice efficace de son mandat ainsi que l?intégrité
du processus d?un examen en vertu de la Loi , le directeur ne fournira
pas volontairement des renseignements aux personnes qui intentent une action
privée ou qui envisagent de le faire. Le directeur estime que les règles
et les procédures régissant la communication de documents en matière
civile et les mécanismes d?assignation de témoins qui s?offrent
à toute partie à une action privée à la suite du
dépôt d?une requête devant les tribunaux sont des mécanismes
adéquats qui permettent d?avoir accès à des documents,
y compris ceux qui sont détenus par le directeur.
Le directeur s'opposerait aux assignations pour production de documents pendant
la tenue d'un examen lorsque le fait de s'y conformer comporte un risque de
nuire à son examen ou diminuerait sa capacité de mettre en application
la Loi. Advenant que l'opposition du directeur soit rejetée, une ordonnance
préventive serait demandée. Lorsqu'une assignation est signifiée
après que l'examen est terminé, le directeur peut y donner suite
une fois que l'action est intentée et que le fournisseur des renseignements
est informé de la demande. Le directeur décide d'invoquer ou non
les privilèges disponibles en fonction des circonstances de chaque cas.
Loi sur l'accès à l'information
Le directeur admet que les personnes qui fournissent des renseignements au
Bureau peuvent craindre que ces renseignements soient communiqués en
réponse à une demande formulée en application de la Loi
sur l'accès à l'information(5) (la « LAI »). Or, l'article`24 de la
LAI prévoit expressément que les renseignements visés à
l'article`29 de la Loi sur la concurrence ne peuvent être communiqués
pour donner suite à une demande formulée sur le fondement de la
LAI.
Pour ce qui concerne les renseignements confidentiels qui ne sont pas énumérés
à l'article`29, la LAI prévoit que le ministre peut refuser de
communiquer des renseignements liés à un examen ou qui sont critiques
sur le plan commercial. Dans la majorité des cas, le directeur recommanderait
que les renseignements visés par ces exemptions ne soient pas divulgués.
Cependant, le directeur n'a pas le dernier mot en ce qui concerne le traitement
des documents en application de la LAI et il ne peut pas non plus prendre d'engagements
ni adopter des principes à l'effet d'empêcher la communication
de renseignements aux termes de cette loi.
(1) Le présent document se veut un énoncé
général de la pratique suivie par le directeur, qui remplace tous
les énoncés antérieurs établis par le directeur
ou par un autre dirigeant du Bureau. Il ne lie pas le directeur quant à
la manière dont celui-ci exercera son pouvoir discrétionnaire
dans une situation donnée. Il n'aborde pas non plus la question du traitement
ou de la communication de l'information après l'institution de poursuites
criminelles par le procureur général. Ce sont les règles
de procédure et les décisions du Tribunal de la concurrence qui
régissent la protection des dossiers et des parties dans les instances
civiles instruites par celui-ci. Finalement, le présent document ne traite
pas des privilèges pouvant être invoqués par le directeur
(ou par d'autres parties), comme ceux liés à la mention « sous
toute réserve », au litige et à l'intérêt
public, et il n'aborde pas non plus les circonstances pouvant lui permettre
d'envisager de se réclamer de tels privilèges ou d'y renoncer.
Le présent énoncé ne saurait se substituer à un
avis juridique. Quant à l'interprétation de la loi, elle relève,
en dernier ressort, des tribunaux.
(2) « Examens » S?entend des « préenquêtes »
et des « enquêtes ».
(3) Il est possible que la communication de renseignements
visés à l?article 29 puisse avoir lieu à de rares
occasions quand le directeur intervient, en application de son pouvoir statutaire,
devant un organisme de réglementation en application des articles 125
et 126. De telles communications peuvent avoir lieu si elles sont pertinentes
mais seulement si les renseignements ne peuvent être obtenus grâce
aux moyens dont dispose l?organisme de réglementation. Il convient
de souligner qu?un tel cas ne s?est jamais produit.
(4) L.R.C. (1985), ch. M-13.6.
(5) L.R.C. (1985), ch. A-1.