Pêches et Océans Canada / Fisheries and Oceans Canada - Gouvernement du Canada / Government of Canada
 
Discours du ministre

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Notes d'allocution

pour

L’honorable Geoff Regan, C. P., député
ministre des Pêches et des Océans

pour inaugurer la Conférence de St. John’s


St. John’s (Terre-Neuve)
Le 2 mai 2005

PRIORITÉ AU DISCOURS PRONONCÉ



Introduction

Monsieur l’Ambassadeur Djalal, Monsieur May, chers délégués, Mesdames et Messieurs :

Pour commencer, permettez-moi de reprendre les souhaits de bienvenue prononcés hier soir par le premier ministre Martin. À titre de natif du Canada atlantique – une région dont la pierre angulaire est depuis si longtemps l’industrie de la pêche –, je ne pourrais penser à un endroit plus approprié que la ville de St. John’s et la province de Terre-Neuve-et-Labrador pour accueillir cette conférence internationale sur la gouvernance, dont l’importance est cruciale. Nous sommes enchantés de vous avoir à nos côtés.

Il est rare que l’on réunisse des représentants de 44 pays, dont 16 ministres et des partenaires majeurs des gouvernements, des universités et de la communauté internationale des ONG. Nous avons parmi nous plus de 300 experts d’un vaste éventail de spécialités, tous portant leur attention sur la question singulièrement inquiétante de la surpêche en haute mer. Cela représente beaucoup de connaissances au même moment et au même endroit pour élaborer des solutions précises à ce qui a semblé être un problème insoluble au cours des dernières décennies.

Dire que cette réunion est primordiale est un euphémisme. Dire qu’elle survient à un moment critique pour les pêches internationales n’est pas exagéré. Les citoyens de nos pays respectifs nous regardent – en particulier ceux dont les moyens de subsistance sont menacés à cause de notre incapacité chronique à passer à l’action. Ces quatre mots – Passons à l’action – sont plus que le slogan accrocheur d’une conférence, ils représentent les attentes de toute la planète. Et c’est bien sûr pour combler des attentes que nous sommes ici cette semaine.

Nous avons beaucoup de travail devant nous.

Le problème, tel que nous le connaissons

La partie facile de notre tâche est d’admettre l’évidence. La surpêche est endémique partout dans le monde. Bon nombre de stocks de poisson sont récoltés à des niveaux d’exploitation qui excèdent leur capacité de se reconstituer. Nous savons qu’à elles seules, les pêches illicites, non réglementées et non déclarées – qui s’effectuent trop souvent à l’abri des regards et hors des mécanismes d’application de la loi – représentent 30 pour cent des prises mondiales de poisson.

Nous connaissons également les estimations de la FAO selon lesquelles 50 pour cent des ressources halieutiques marines du monde sont exploitées à pleine capacité, et qu’un autre 25 pour cent est surexploité. À certains endroits, les prises de poisson commercialement important atteignent le triple des niveaux permis. La production dans 12 des 16 régions mondiales de pêche de la FAO ont diminué à des niveaux rarement atteints. Le résultat est que trop d’espèces sont menacées d’une extinction commerciale, voire d’une extinction absolue. Les stocks de morue de l’Atlantique Nord, les stocks du thon obèse du Pacifique, les stocks de l’hoplostète orange de l’océan Indien et de la légine australe de l’Antarctique n’en sont que quatre exemples.

Nous savons également que le peu d’attention accordée jusqu’ici aux répercussions sur les écosystèmes s’est traduite par une perte au niveau des ressources marines et des stocks de poissons commercialement exploitables.

Il est donc évident que des mesures à l’échelle internationale doivent être prises de manière urgente pour régler les problèmes immédiats de comportements illégaux et non conformes en haute mer. Cette partie de l’histoire existe depuis longtemps, et ceux d’entre nous qui ont un intérêt dans l’industrie la connaissent depuis de nombreuses années.

Nous avons déploré les faits alarmants lors d’innombrables tribunes internationales. Malgré cela, à quelques exceptions près, les pêches dans le monde poursuivent leur déclin inexorable et la détérioration des écosystèmes associés compromet aussi le potentiel de rétablissement.

Au cours des 16 dernières années, la communauté internationale a mis en place une série de mesures volontaires ou juridiquement contraignantes. De la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer – qui a donné lieu à l’Accord des Nations Unies sur la pêche – à l’Accord de conformité de la FAO – et aux plans d’action et aux codes de conduite nationaux et internationaux – les pays pêcheurs de la planète se sont approprié le problème.

Cependant, la mise en œuvre de ces mesures continue d'être désespérément lente. Il existe un décalage entre ce que nous disons que nous allons faire, ce que nous sommes prêts à faire — et ce que nous faisons en réalité. Étant donné le manque de volonté politique dans certains endroits pour recourir à ces mesures, il n'est pas surprenant que peu de choses ont changé dans le problème mondial de la surpêche.

Durant nos délibérations, nous pourrions nous demander : pourquoi pas? Pourquoi n'utilisons-nous pas les outils que nous possédons déjà? Pourquoi reste-t-il des points d'achoppement qui, à défaut d'être corrigés, pourraient entraîner l'effondrement total des pêches dans le monde?

Honnêtement, une partie de ce décalage déborde de notre mandat, mais nous devons y porter au moins une certaine attention.

De l'extérieur, ce qui est devant nous doit ressembler à un dilemme insoluble, un dilemme apparemment inextricable formé de distractions publiques, d'indécision politique, d'avidité d’entreprises et de particuliers, de surcapacité, et de manque de ressources. Le tout enrobé de peur et de cynisme. Ce nœud gordien qui semble résister à tous les efforts peut être une combinaison passablement dévastatrice.

Renforcer la gouvernance internationale

Donc, comment faire pour briser ce nœud entremêlé d'intérêts divergents et quelles sont les solutions? Nous savons que le problème n'est pas tant de mettre en place les règlements, car nous les avons déjà établis au moyen d'accords, de règles de conduite et de certaines institutions au sein desquelles nous travaillons. Le problème réside sur la mise en œuvre et l’application des règlements là où les pêches en haute mer sont réglementées par les organisations régionales de gestion des pêches. Le régime de gouvernance régionale doit être modernisé partout dans le monde.

Voilà une question que le Canada prend très au sérieux. Comme j’ai annoncé vendredi, le Canada investira 20 millions de dollars pour améliorer la gouvernance internationale des pêches dans une variété de domaines.

Mais pour réaliser des progrès à l’échelle internationale, nous devons examiner les faiblesses dans la mosaïque mondiale d'organismes régionaux de gestion des pêches, et les débats dans les institutions multilatérales qui frustrent tous les participants en raison d'un manque de consensus persistant quant à la façon de protéger les écosystèmes et la biodiversité des océans.

Dans l'étude des options qui s'offrent à nous, plus nous touchons des points précis, plus l'adoption d'un consensus représentera un défi mais nous devons être spécifiques.

L'engagement des ministres et des pays à ratifier l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson et sa mise en œuvre dans les organismes régionaux de gestion des pêches ne devrait pas être un problème dans nos délibérations.

Notre attention doit se porter sur l’amélioration de certains secteurs des régimes de gouvernance régionaux.

Premièrement — Nous devons nous assurer d’appuyer nos décisions sur les données scientifiques en tenant compte des écosystèmes et en agissant avec précaution.

Deuxièmement — Nous devons améliorer notre processus décisionnel pour que nos décisions soient plus transparentes et pour assurer une certaine stabilité des quotas en parvenant à un équilibre entre les intérêts et les besoins des États côtiers et des pays en développement. Nous devons également nous assurer que nos flottes respectent leurs quotas.

Troisièmement — Nous devons être davantage en mesure de faire face à la question des contrevenants en appliquant une politique de tolérance zéro envers la pêche INN, en améliorant les méthodes de détection et en imposant des sanctions sévères pour prévenir les écarts de conduite.

Conclusion

S'il y a un temps opportun pour faire preuve de leadership dans la question de la surpêche, ce temps est arrivé.

Dans la mythologie grecque, le nœud gordien était un nœud complexe et enchevêtré attaché par un roi. La personne qui le dénouerait obtiendrait un pouvoir important. Selon la légende, Alexandre le Grand l'a tranché d'un coup.

Régler d'un seul coup le problème de la gouvernance internationale en haute mer est peut-être un peu trop ambitieux.

Néanmoins, notre défi consiste à provoquer un changement dans la pêche mondiale afin que la dégradation des espèces ne soit plus inévitable, mais bien impossible. Il nous faudra du courage pour agir en fonction de nos convictions et de nos déclarations publiques. Après cette conférence, les tentations d'agir dans le seul intérêt de nos pays respectifs seront considérables.

Les parties prenantes à la pêche ne sont pas seules à nous regarder cette semaine : l'histoire en fait autant. De plus, l’histoire jugera si nous amorçons un processus qui marque non pas la fin de nos pêches, mais bien le début de la fin des pratiques destructrices qui font que l'on récolte ce qu'il reste de nourriture dans les océans.

Le naturaliste australien Tim Flannery1 a écrit que « [traduction] ...le dernier demi-siècle a été marqué par une intensification des efforts visant à sauver la biodiversité de la planète, mais des centaines d'espèces continuent de tomber dans l'oubli. En effet, beaucoup de scientifiques soutiendraient que la vague des extinctions prend de l'ampleur avec la croissance de la population humaine... » Selon lui, « dans certaines périodes de l'histoire, le taux d'extinction est si rapide que des écosystèmes entiers sont déstabilisés, puis balayés. La terre perd alors de sa productivité, de sa stabilité et de sa richesse. »

Laisser un tel scénario se produire sous nos yeux est tout simplement inacceptable. Notre objectif à tous en est plutôt un de revitalisation, pour ensuite gérer des pêches viables et respectueuses de l'environnement partout dans le monde.

Voilà le défi que nous nous lançons pour les prochaines jours : améliorer l'existence.

C'est avec cette tâche intimidante en tête que je vais vous remettre aux soins de nos deux présidents. Mes collègues ministres assisteront à des réunions pendant la journée. Plus tard dans l'après-midi, ils vous présenteront un résumé de nos vues concernant les défis auxquels nous sommes confrontés ce qui nous aidera dans vos discussions tout au long de la semaine.

Je vous remercie de votre présence et de votre participation à cette conférence. J'anticipe avec plaisir de poursuivre ce dialogue avec vous ce soir.

1 A Gap In Nature: Discovering the World’s Extinct Animals; Tim Flannery & Peter Schouten

 

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Dernière mise à jour : 2005-05-02

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