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Le rôle de stabilisateur économique du régime canadien d'assurance-chômage

Ernie Stokes

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Objet

Le présent document énonce les résultats d'une étude inductive sur le rôle de l'assurance-chômage comme stabilisateur automatique de l'économie canadienne et sur la façon dont ce rôle peut avoir évolué avec le temps. L'évaluation porte spécialement sur les deux dernières récessions, à savoir celle de 1981-1982 et celle de 1990-1991.

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Contexte

Il s'agit de l'une des deux études de simulation macro-économiques de l'assurance-chômage effectuées dans le cadre de la première évaluation exhaustive du programme de prestations ordinaires d'assurance-chômage au Canada. Cette recherche a été entreprise en partie pour vérifier la sensibilité des résultats dans le cas des modèles plus importants utilisés. Là où il y a convergence des principaux résultats de ces deux études indépendantes, on peut tirer des conclusions plus sûres.

L'étude mentionnée ici a été effectuée par WEFA Canada Group. L'autre étude, qui portait sur un sujet semblable, mais dont le but était légèrement différent, a été effectuée dans le cadre du Policy and Economic Analysis Program (PEAP) de l'University of Toronto, à l'aide du modèle macro-économique FOCUS. Les résultats de la dernière étude sont publiés dans un document distinct. Tout comme le régime d'impôt sur le revenu progressif, le régime d'assurance-chômage tient lieu de mécanisme stabilisateur «intégré» ou automatique de l'économie. Lorsqu'arrive une récession économique et que le chômage augmente, le montant versé en prestations d'assurance-chômage augmente lui aussi, mais les recettes d'assurance-chômage tirées des cotisations diminuent : ainsi, le régime injecte dans l'économie plus de revenus disponibles qu'il n'en retire. Par conséquent, les dépenses d'assurance-chômage augmentent davantage que les recettes. Par contre, durant une période d'expansion économique, le niveau d'emploi augmente et le chômage diminue, moins de personnes touchent des prestations d'assurance-chômage, et les recettes de l'assurance-chômage augmentent. Ainsi, le régime d'assurance-chômage tire un revenu de l'économie, ce qui réduit les pressions inflationnistes qui ont vu le jour durant la phase de reprise ou d'expansion du cycle économique. Dans les deux cas, le régime d'assurance-chômage est susceptible d'atténuer les fluctuations cycliques.

L'étendue et les caractéristiques particulières de cet effet de stabilisation de l'assurance-chômage sont des points qui se vérifient principalement par une analyse empirique. Pour analyser et quantifier cet effet de stabilisation, il faut recourir à un modèle macro-économétrique d'équilibre général afin de tenir compte de toutes les relations et interactions qui ont cours dans l'économie. Cette étude se fonde sur l'utilisation du macro-modèle canadien de WEFA Canada.

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Méthodologie

La méthodologie adoptée pour l'exécution de l'analyse consistait à recourir au modèle afin de simuler ce que pouvait être le rendement de l'économie si les recettes et les dépenses d'assurance-chômage réelles étaient maintenues à des niveaux qui prévaudraient si l'économie fonctionnait selon le niveau tendanciel ou potentiel du PIB. Ce rendement «simulé» est ensuite comparé au rendement réel de l'économie; ainsi, on peut voir, le cas échéant, dans quelle mesure le régime d'assurance-chômage a contribué à réduire le revenu au sommet du cycle économique et à l'accroître pendant les récessions.

Cette méthode suppose les étapes suivantes : 1) établissement du profil tendanciel de croissance de la production, c'est-à-dire la production qui aurait pu être réalisée dans l'économie sans les fluctuations cycliques; 2) comparaison du niveau de production tendanciel et du niveau de production réel avec, comme contexte, le régime d'assurance-chômage existant, afin d'évaluer la différence ou l'«écart de production» entre les deux niveaux dans un contexte d'assurance-chômage; 3) estimation de la différence entre le niveau tendanciel et le niveau simulé afin d'évaluer l'écart de production dans un contexte où il n'y a pas d'assurance-chômage. L'effet stabilisateur du régime d'assurance-chômage est interprété comme suit : la différence observée entre les écarts de production avec et sans le régime d'assurance-chômage.

Pour illustrer cette méthode, admettons que, durant une récession, la tendance du PIB a supposé une croissance de 4 %, mais que le PIB a en réalité baissé de 3,2 % tandis que le régime d'assurance-chômage était en place. Cela signifie que la baisse réelle de production avec le régime d'assurance-chômage s'est établie à 7,2 %. Admettons que, sans l'assurance-chômage, le PIB aurait diminué de, disons, 8 %, c'est- à-dire de 0,8 % de plus. Dans ce cas hypothétique, le régime d'assurance-chômage a permis d'éviter une perte potentielle de production de 10,0 % (0,8/8,0) ou a réduit de 10,0 % l'écart entre le PIB réel et le PIB potentiel.

Comme l'effet stabilisateur du régime d'assurance-chômage varie avec le temps en raison d'incidences différées, on le mesure généralement au point d'écart maximal du PIB (une perte en cas de récession, un gain en période de croissance économique). Le régime d'assurance-chômage pourrait cependant avoir un effet déstabilisateur si, au cours d'une phase de récession, il aggravait la baisse de production plutôt que de la réduire, ou accentuait le gain de production au cours d'une période d'expansion économique.

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Principaux résultats

De façon générale, le régime canadien d'assurance-chômage a joué un rôle de stabilisateur automatique, mais les changements apportés de temps à autre aux paramètres du régime en ont quelque peu modifié les répercussions.

Les modifications apportées au régime d'assurance-chômage à la fin des années 70 (plus précisément de 1970 à 1980, phase d'expansion économique) ont fait en sorte que le régime a eu un faible effet de déstabilisation sur le PIB réel au cours de cette période, c'est-à-dire qu'il était susceptible d'accentuer l'expansion plutôt que de l'atténuer.

Le régime d'assurance-chômage a effectivement fait fonction de stabilisateur au cours de la récession de 1981-1982. Dans la phase de reprise qui a suivi (1981 à 1985), le régime d'assurance-chômage a réduit de 8,3 % l'écart du PIB, c'est-à-dire la différence entre le PIB réel et la tendance du PIB. En période de récession économique, le PIB mesuré ou réel (qui sert souvent d'indicateur de rendement global de l'économie) tombe sous le niveau tendanciel. On entend par niveau tendanciel du PIB la valeur que celui-ci aurait pu atteindre si les fluctuations cycliques ne s'étaient pas produites. Par conséquent, l'un des principaux résultats empiriques de l'étude a été que, sans le régime d'assurance-chômage, la croissance du PIB aurait été inférieure, et l'écart du PIB aurait été supérieur de 8,3 %.

En ce qui concerne l'emploi, le régime d'assurance-chômage a permis de sauver 35 000 emplois durant la phase de reprise économique de 1981 à 1985 et de réduire l'écart de l'emploi de 13,2 %. L'écart de l'emploi s'interprète de la même façon que l'écart du PIB.

Si l'effet de stabilisation est étudié sur une plus longue période, soit de 1981 à 1989, la réduction estimée de l'écart du PIB se situe entre 8 % et 11 %.

Par contre, l'effet stabilisateur du programme américain d'assurance-chômage serait inférieur, si l'on en croit une étude américaine comparable. On a estimé que le programme d'assurance-chômage américain a évité 5,4 % de l'écart de revenu, ce qui équivaut à une réduction de 4,9 % des pertes d'emploi. Ce résultat surprend peu, compte tenu du fait que le régime américain d'assurance-chômage vise moins de travailleurs et qu'il est aussi moins généreux que le régime canadien.

Au cours de la période de reprise qui a suivi la récession de 1990-1993 (phase qui n'est toutefois pas terminée), le régime d'assurance-chômage a réduit l'écart du PIB de 4 % et l'écart de l'emploi de 7,2 %, ce qui équivaut à 25 000 emplois. Cela signifie que le régime d'assurance-chômage a permis d'éviter que quelque 25 000 emplois ne soient perdus.

Au cours de la phase d'expansion de 1987 à 1990, le régime d'assurance-chômage a agi là aussi comme stabilisateur économique et a eu un effet de freinage sur le PIB.

Le régime d'assurance-chômage a un effet moindre sur le taux de chômage que sur l'emploi en raison de son incidence sur la population active. Une faible croissance de l'emploi décourage les travailleurs de chercher du travail et réduit de ce fait le taux d'activité de la main-d'oeuvre. L'inverse se produit au cours des phases de reprise et d'expansion. La réaction cyclique du taux d'activité réduit l'ampleur de la hausse potentielle du taux de chômage au cours des récessions et de la baisse potentielle au cours des périodes de reprise économique.

Les aspects recettes et dépenses du régime d'assurance-chômage sont les deux principaux aspects qui influent sur son comportement à titre de stabilisateur de l'économie. Depuis le milieu des années 70, l'aspect dépenses a toujours agi de façon à freiner les tendances du cycle économique. Cela s'est produit en dépit des modifications apportées au régime au chapitre de la norme d'admissibilité et des prestations hebdomadaires.

Un examen du comportement des dépenses réelles d'assurance-chômage par chômeur révèle une courbe procyclique depuis la fin des années 70. Ce comportement a réduit les effets bénéfiques de l'assurance-chômage au cours des deux dernières récessions et les a accrus de façon prononcée au cours de la reprise de la deuxième moitié des années 80. Par conséquent, ces modifications du régime ont partiellement contrebalancé l'effet de stabilisation au cours de cette période.

L'aspect recettes est le principal facteur qui a mené à une réduction marquée de l'effet de stabilisation du régime d'assurance-chômage. Ce phénomène ressort de façon particulièrement évidente depuis que le gouvernement fédéral a cessé de financer le régime. Comme le Compte d'assurance-chômage doit atteindre un équilibre sur une certaine période, la hausse des taux de cotisation suit maintenant de près les augmentations de dépenses. Cet effet retire des revenus de l'économie et annule les effets stimulants de l'aspect dépenses.

Au cours de la dernière récession, la hausse des taux de cotisation a été à l'origine d'une hausse relativement faible du déficit d'assurance-chômage, comparativement à celles qui ont été observées dans le passé. Le régime d'assurance-chômage est essentiellement un programme de redistribution du revenu. Les effets des écarts entre les recettes et les dépenses sur les entreprises et les ménages sont ce qui a permis au régime d'agir comme stabilisateur économique. La hausse des dépenses que les ménages pouvaient se permettre a plus que compensé les répercussions négatives des hausses du taux de cotisation sur les profits des sociétés.

Les simulations distinctes effectuées à l'aide du modèle FOCUS à l'University of Toronto ont donné des estimations différentes sur le plan quantitatif relativement à l'économie canadienne. Ces estimations reflètent principalement les différences de structure du modèle WEFA et du modèle FOCUS, ainsi que certaines différences concernant les périodes de référence utilisées. Mais les principales conclusions des deux études sont très semblables.

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Principaux messages en matière de politique

Ces résultats donnent à croire que la politique devrait être orientée du côté des recettes si l'on veut accroître l'effet stabilisateur du régime d'assurance-chômage. La modification des taux de cotisation pour le financement du régime a réduit son effet stabilisateur. Ce dernier s'amplifierait si l'on augmentait les taux plus lentement au cours d'une reprise ou si on les réduisait graduellement durant une phase d'expansion. Cette façon de faire augmenterait cependant les coûts du gouvernement fédéral qui aurait à fournir un financement intérim important pour couvrir les déficits accrus du régime.

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