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L'assurance-chômage et la redistribution du revenu

Sadettin Erksoy, Lars Osberg et Shelley Phipps

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Objet

Le présent document résume les principaux résultats d'une analyse comportementale par micro- simulation des effets du régime d'assurance chômage canadien sur la redistribution du revenu. L'étude fait partie d'une série d'études qui, collectivement, portent sur douze questions d'évaluation touchant à la raison d'être du régime d'assurance-chômage, à ses effets, à la réalisation de ses objectifs et aux solutions de rechange. Plus particulièrement, elle vise à déterminer dans quelle mesure le programme de prestations ordinaires permet de redistribuer les revenus entre les particuliers et entre les ménages.

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Méthodes et données

Selon les prévisions associées à un modèle de microsimulation des comportements, chaque membre d'un groupe représentatif a une réaction comportementale unique aux éléments incitatifs du programme, suivant ses caractéristiques personnelles et ses antécédents d'emploi. L'effet global de l'assurance-chômage est déterminé à partir des réactions comportementales de chacun, dans la mesure où tous les comportements micro-économiques des particuliers correspondent, mis ensemble, aux totaux macro- économiques. Comme les résultats enregistrés pour une année donnée modifient l'expérience de chaque personne et, de ce fait, ses possibilités futures du point de vue de l'emploi et du chômage, le modèle dresse pour chacun un bilan (gains, chômage, assurance- chômage demandée, nombre de semaines à l'extérieur du marché du travail, etc.) et illustre l'influence de l'assurance-chômage sur cette série de résultats. À partir de ces données, nous calculons des mesures normalisées de l'inégalité des résultats - parts des déciles, coefficient de Gini, indice du coefficient de variation, etc.

Nous présentons les résultats pour une période de un an et pour un cycle économique national, de façon à éviter que les périodes de chômage soient réduites en fonction de la période de un an, ce qui serait peu réaliste. Le choix du cycle économique plutôt que d'une période de un an permet encore de contourner une difficulté : les répercussions de l'assurance-chômage sur la redistribution du revenu pour une année particulière peuvent varier suivant l'état de l'économie à ce moment-là. Cette approche est raisonnable parce que le Compte de l'assurance- chômage est censé s'équilibrer au bout du cycle économique.

Ce modèle est élaboré à partir des micro-données tirées de l'enquête sur l'actif et le passif et de l'Enquête sur l'activité de Statistique Canada. Les données de l'Enquête sur l'activité servent à estimer les facteurs déterminants de l'occurrence et de la durée du chômage, y compris les effets de la dernière période de chômage. Ensuite, pour chacune des personnes soumises à l'enquête sur l'actif et le passif, il est possible de prédire les probabilités de se trouver au chômage et la durée de la période de chômage, en prenant en considération les caractéristiques personnelles. Compte tenu des simulations de la courbe du chômage et des prestations touchées au cours d'un cycle économique, nous établissons la valeur actuelle du revenu de chaque personne, ainsi que les mesures d'inégalité. L'étape finale ajoute à la simulation une analyse des réactions comportementales individuelles aux paramètres des prestations ordinaires. Cela se fait en deux volets : une évaluation rétrospective des modifications apportées au régime d'assurance- chômage et une évaluation prospective des modifications éventuelles.

L'analyse rétrospective compare les conséquences, au chapitre de la redistribution du revenu pour le cycle économique de 1981-1989, des régimes d'assurance-chômage qui ont été en place entre 1971 et 1990, par opposition au régime de base qui existait en 1986 et aux modifications annoncées dans le budget fédéral de 1994.

L'évaluation prospective simule les conséquences, en matière de redistribution du revenu, d'un ensemble de modifications possibles du régime d'assurance-chômage canadien : (i) fixer à 40 semaines, plutôt qu'à 50, la période maximale de prestations; (ii) établir à 50 %, plutôt qu'à 60 %, le taux de remplacement du salaire ou taux des prestations; (iii) fixer le maximum des gains assurables à 150 % des gains hebdomadaires moyens, plutôt qu'à 100 % comme c'est le cas à l'heure actuelle; (iv) ajouter cinq semaines à la norme variable d'admissibilité dans toutes les régions; (v) réduire la durée maximale des prestations et accroître en même temps la norme variable d'admissibilité; (vi) mettre en oeuvre toutes les mesures décrites plus haut simultanément. Dans chacun des cas, les conséquences, pour la redistribution du revenu, des modifications proposées du régime d'assurance- chômage sont comparées au régime qui était en place en 1986-1987 (période ayant servi aux estimations du modèle).

Enfin, afin d'explorer plus à fond les conséquences de la redistribution du revenu pour la politique de l'assurance-chômage dans le contexte d'autres régimes passés ou à venir, nous examinons les caractéristiques des gagnants et des perdants dans chacun des quintiles.

[ Table des matières ]

Résultats clés

1. Une comparaison des régimes en place en 1971, en 1986, en 1990 et en 1994 pour le cycle économique allant de 1981 à 1989 laisse voir que la mise en place d'un régime plus restrictif favorise les inégalités au Canada. En particulier, les quintiles inférieurs semblent perdre beaucoup plus que les quintiles intermédiaires et supérieurs lorsque le régime d'assurance- chômage est moins généreux.


2
. Les nouvelles orientations simulées ne semblent pas influer de manière notable sur l'activité moyenne (semaines de chômage par année).


3
. L'inégalité dans la redistribution des revenus s'accroît si le nombre minimal de semaines nécessaires pour être admissible à l'assurance chômage est augmenté de cinq semaines dans chacune des régions. Nous croyons qu'une proportion relativement faible des prestataires d'assurance- chômage serait touchée par une telle mesure (moins de 13 % des prestataires dans la base de données SPSD avaient à leur compte 19 semaines d'emploi ou moins avant de présenter leur demande) et d'autres se conduiraient différemment de manière à demeurer admissibles, mais nous observons tout de même une augmentation des inégalités dans la redistribution globale du revenu, car la non-admissibilité à toutes les prestations d'assurance-chômage occasionne des pertes de revenu très importantes pour les personnes touchées.

Plus particulièrement, le fait d'augmenter uniformément de cinq semaines le nombre minimal de semaines d'admissibilité exacerberait le problème de l'inégalité des revenus entre les hommes et entre les ménages au Canada. L'indice de Gini pour les hommes passerait de 0,448 à 0,459 pour le revenu avant impôt, alors que l'indice de Gini pour les ménages passerait de 0,474 à 0,481. Si la part du décile supérieur et du quintile supérieur augmente, celle du décile inférieur diminue pour les hommes, les femmes et les ménages. Ce résultat signifie qu'une telle mesure accroît encore davantage l'inégalité des revenus car ceux qui sont touchés peuvent essuyer d'énormes pertes de revenu s'ils perdent leur droit à toutes leurs prestations d'assurance-chômage.

4. L'inégalité dans la redistribution du revenu s'accroît si le taux de remplacement du salaire ou taux des prestations passe de 60 % à 50 %, bien que le changement provoqué soit moins important que celui engendré par l'augmentation du nombre minimal de semaines d'admissibilité. La réduction du taux de remplacement du salaire ou taux des prestations touche tous les prestataires. Tous les prestataires continuent à recevoir leurs prestations, mais à un taux légèrement moins élevé. Dans ce cas, les personnes touchées sont nombreuses, mais le changement pour une personne donnée n'est pas aussi important que celui causé par l'inadmissibilité, dont il est question plus haut. L'indice de Gini passe de 0,448 à 0,451 pour les hommes, et de 0,474 à 0,476, pour les ménages. Encore une fois, la part du décile et du quintile supérieurs s'accroît légèrement, et celle du quintile inférieur diminue quelque peu.

5. Le fait de porter le maximum des gains assurables à 150 % des gains hebdomadaires moyens réduit l'inégalité. Les salariés à revenu élevé sont moins susceptibles que la moyenne de perdre leur emploi et de demander de l'assurance- chômage. Par conséquent, les cotisations plus fortes des personnes à revenu élevé compenseraient amplement les prestations plus importantes qui seraient versées à celles qui perdraient leur emploi.

6. Réduire le nombre maximal de semaines de prestations de 50 à 40 ne produit pas d'effets notables quant à l'inégalité de la redistribution du revenu entre les hommes, les femmes et les ménages au Canada. Calculé sur le revenu avant impôt, l'indice de Gini varie très peu : il passe de 0,448 à 0,447 pour les hommes, de 0,628 à 0,627 pour les femmes et de 0,474 à 0,473 pour les ménages. En même temps, la part du décile et du quintile supérieurs diminue légèrement, alors que celle du quintile inférieur augmente faiblement pour les hommes, les femmes et les ménages, par comparaison avec le régime en place en 1986. Cela tient au fait que cette mesure ne touche qu'une proportion relativement faible des chômeurs et, donc, une très petite fraction de la population totale. Pour bien saisir les conséquences de ces résultats pour la politique d'assurance-chômage, il est essentiel de savoir la mesure dans laquelle le coefficient de Gini doit varier pour que le changement soit jugé significatif. Notre examen des données comparatives internationales montre que même les modifications apparemment légères des mesures globales de l'inégalité peuvent dénoter d'importants changements sur ce plan. Comme règle de base, nous estimons que les changements exprimés à la deuxième décimale (par exemple, l'augmentation de 0,011 de l'indice de Gini pour les hommes par suite de la hausse du nombre minimal de semaines d'admissibilité) sont importants. Les changements touchant la troisième décimale ne sont pas assez importants du point de vue statistique pour qu'on s'y attarde.

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Notes biographiques

Lars Osberg est professeur d'économie à Dalhousie University et directeur du Forum canadien de recherche sur la situation d'emploi. C'est une éminence en économie du travail, en macro- économique, en économétrie appliquée et en politique économique et sociale. Il a publié de nombreux articles qui portent, notamment, sur le chômage, l'assurance chômage, la mobilité de la main-d'oeuvre, les gains et la répartition des richesses ainsi que les mesures du bien-être économique. Ses ouvrages sur l'inégalité économique en font un des spécialistes les mieux connus des questions touchant à la redistribution du revenu.

Shelley Phipps est professeure agrégée d'économie à Dalhousie University. Ses recherches portent surtout sur l'économie du travail, l'économétrie appliquée et les finances publiques. Elle a publié des articles notables sur la réforme de l'assurance-chômage et la pauvreté au Canada.

Sadettin Erksoy, titulaire de récente date d'un doctorat de Dalhousie University, a conçu le modèle de microsimulation comportementale qui a servi à ce projet. Il est actuellement chargé de cours en économie et agrégé de recherche à Dalhousie University.

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