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Les répercussions de l'élargissement de la protection de l'assurance-chômage au travail indépendant et aux semaines de travail réduites - Une analyse de micro-simulation

Lars Osberg, Sadettin Erksoy et Shelley Phipps

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But

Le présent document expose brièvement les principaux résultats d'une analyse de micro-simulation comportementale des répercussions potentielles de l'élargissement de la protection de l'assurance-chômage aux semaines de travail indépendant et aux semaines de travail réduites (moins de 15 heures). Actuellement, ces semaines ne sont pas visées par l'assurance-chômage. Il est particulièrement intéressant d'examiner les effets de cette modification de la politique sur divers groupes socio-démographiques et sur la répartition globale du revenu.

L'étude fait partie d'un ensemble de travaux qui ont pour objet d'évaluer le Programme des prestations ordinaires d'assurance-chômage. Ensemble, toutes ces études évaluent douze questions relatives à la raison d'être du Programme d'assurance-chômage, aux répercussions et aux effets du Programme, à la poursuite des objectifs et aux solutions de rechange.

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Contexte

Étant donné que les formes de l'emploi évoluent avec le temps, les programmes d'assistance sociale (y compris l'assurance-chômage) qui sont fondés sur un certain type d'organisation du travail peuvent se révéler de moins en moins adaptés aux réalités du marché du travail. La présente recherche répond à une préoccupation selon laquelle la croissance des formes d'emploi non traditionnelles peut faire en sorte que la structure actuelle du programme d'assurance-chômage ne corresponde pas adéquatement aux besoins en soutien du revenu d'une proportion croissante de la population active.

Par exemple, le nombre de personnes membres de la population active qui se déclarent travailleurs autonomes a augmenté de manière significative. Cependant, il est possible qu'une bonne partie de ces personnes soient des travailleurs salariés inadmissibles plutôt que des entrepreneurs indépendants. Dans les cas où des personnes sont théoriquement des «travailleurs indépendants», bien qu'elles vendent leurs services à un seul acheteur qui exerce une importante maîtrise sur le rythme, la qualité et l'orientation de leur travail, le pouvoir de l'«acheteur de services de main-d'oeuvre» de dicter la quantité et le type de travail peut être impossible à distinguer de celui d'un «employeur». Mais, du point de vue du travailleur, il existe au moins une différence très importante : l'employé dont les services ne sont plus requis est admissible aux prestations d'assurance-chômage alors que l'«entrepreneur indépendant» ne l'est pas.

De la même façon, en vertu des dispositions du Règlement sur l'assurance-chômage adoptées en 1994, la personne qui présente un dossier de plusieurs emplois faiblement rémunérés, dont chacun contenait moins de 15 heures de travail par semaine, n'est pas admissible à la protection de l'assurance-chômage par suite d'une interruption de l'emploi. Donc, pour certains, la malchance sur le marché du travail signifie aussi la malchance en matière de soutien du revenu disponible.

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Méthodologie et données

Pour examiner les répercussions de l'élargissement de la protection de l'assurance-chômage au travail indépendant et aux semaines de travail réduites, les auteurs utilisent la «version 1990» du modèle de micro-simulation développé à l'Université de Dalhousie sur l'assurance-chômage. Ce modèle présente un avantage important en ce qu'il incorpore les réactions comportementales aux changements de programmes. Par exemple, est-ce qu'un plus grand nombre de personnes choisiraient de demeurer à l'extérieur de la population active s'il y avait une coupure des prestations d'assurance-chômage? Ces modifications du comportement influenceraient la compréhension des répercussions des modifications du programme.

Le modèle de l'Université de Dalhousie est fondé sur 54 équations comportementales dans huit modules comportementaux séparés, de même que de nombreuses identités comptables. Les équations comportementales sont évaluées au moyen de l'Enquête sur l'activité de 1988-1989 et les simulations sont effectuées à partir d'une population de répondants à l'Enquête de 1990. Le modèle effectue les prédictions suivantes : si la personne fera partie de la population active et, le cas échéant, pendant combien de semaines; si la personne est en chômage et pour combien de temps; si elle est en mesure d'obtenir autant de semaines de travail que désiré; si les contraintes sur la demande restreignent les options d'emploi; si elle possède des semaines de travail indépendant au cours de la période; le nombre de semaines d'emploi et le nombre de semaines de travail réduites.

Chaque équation comportementale prend en compte l'influence des éléments suivants : (1) caractéristiques individuelles mesurables (y compris l'âge, le niveau d'éducation et l'expérience antérieure), certaines caractéristiques du marché du travail où les personnes habitent et les paramètres des dispositions législatives sur l'assurance-chômage pertinentes; (2) l'influence des caractéristiques hétérogènes personnelles non observées qui entraînent des écarts permanents des résultats attendus sur la base des caractéristiques personnelles observables; et (3) les variations stochastiques d'une année à l'autre dans les revenus individuels qui ne peuvent s'expliquer par les facteurs (1) ou (2). Les auteurs estiment séparément les équations comportementales pour divers groupes démographiques afin de prendre en compte les différences selon l'âge, le sexe et l'état civil.

Les simulations comparent deux scénarios pour chaque personne : un où les antécédents de travail emploi/chômage/absence de la population active sont basés sur les dispositions de 1994 du Règlement sur l'assurance-chômage et un où les antécédents de travail pour lesquels le travail indépendant et les semaines de travail réduites sont admissibles à la protection de l'assurance-chômage. Les antécédents de travail de chaque personne sont simulés sur dix ans, de 1994 à 2004. Le modèle comprend explicitement la probabilité que certaines semaines d'emploi soient des semaines de travail indépendant ou des semaines de travail réduites (une durée égale ou inférieure à 15). Les simulations reposent sur l'hypothèse que les tendances à l'augmentation du travail indépendant observées pendant la décennie 1980 se poursuivront pendant la décennie 1990. En effet, on prévoit d'ici 2004 une augmentation de 6 points de pourcentage de la fraction de la population active constituée de travailleurs indépendants. Cette tendance n'a pas été incluse pour les semaines de travail réduites car il n'existait pas suffisamment de données pour observer cette tendance, si en effet elle existe. Les taux de chômage globaux étaient fondés sur les prévisions à long terme d'Informetrica et la sensibilité des résultats à l'égard de ce choix était évaluée.

Puisque les auteurs cherchaient à examiner les répercussions de l'absence de protection par l'assurance-chômage du travail indépendant et des semaines de travail réduites, ils précisent qu'ils modélisent la répartition et la durée des périodes réelles de ce type d'emploi selon les réponses des personnes à l'Enquête sur l'activité de 1988 à 1990. Leurs simulations tentent de décrire ce qui arriverait au système d'assurance-chômage si la protection était élargie pour englober ces situations d'emploi non traditionnelles et s'il n'y avait pas de fraude. Développement des ressources humaines Canada aurait un défi administratif majeur à relever si elle élargissait la protection de l'assurance-chômage aux semaines de travail indépendant car il serait alors essentiel de trouver des façons d'établir une distinction entre les déclarations honnêtes et frauduleuses de semaines de travail indépendant.

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Principaux résultats

Les répercussions de l'élargissement de la protection de l'assurance-chômage varient selon que la personne possède suffisamment de semaines additionnelles d'emploi assurable pour qu'il y ait une différence en matière d'admissibilité ou de durée potentielle des prestations, et selon que la personne demande des prestations. Les personnes qui possèdent relativement peu de semaines d'emploi de quelque nature ne répondront pas aux exigences minimales d'admission pour la région économique avant ou après l'élargissement de la protection. Par conséquent, l'élargissement de la protection de l'assurance-chômage au travail indépendant et aux semaines de travail réduites a peu d'effet sur les prestations d'assurance-chômage ou la protection du décile le plus pauvre dans l'échelle des revenus.

À l'inverse, les personnes qui ne sont pas en chômage ou qui sont déjà admissibles aux prestations d'assurance-chômage sur la base des semaines d'emploi assurable tireront relativement peu d'avantages de l'élargissement de la protection. Même si certains profiteront de l'élargissement de la protection dans chaque décile de l'échelle des revenus, on en retrouve peu parmi les déciles supérieurs, en partie parce que ces personnes sont moins souvent en chômage et reçoivent moins de prestations d'assurance-chômage.

L'élargissement de la protection de l'assurance-chômage présenterait cependant des avantages majeurs pour la «classe moyenne inférieure». En effet, les deuxième et troisième déciles de l'échelle des revenus sont influencés favorablement. En effet, tant en pourcentage des participants de la population active totale qu'en pourcentage du coût additionnel total du système d'assurance-chômage, les deuxième et troisième déciles sont les principaux gagnants. En pourcentage des participants de la population active totale, par exemple, 66 et 51 % des personnes des deuxième et troisième déciles, respectivement, obtiendraient une protection de l'assurance-chômage par suite du changement de politique. Ces données se comparent à des pourcentages de 15 à 20 % dans les déciles supérieurs, et à seulement 4 % dans le premier décile.

Pour ce qui est des différences entre les catégories de revenu, les différences visant les répercussions de l'élargissement de la protection de l'assurance-chômage parmi les cohortes d'âge et les provinces sont relativement faibles. Cependant, comme on pouvait s'y attendre, comparativement aux cohortes plus âgées, les cohortes de 16 à 24 ans et de 25 à 34 ans comprennent un pourcentage plus important qui obtient la protection de l'assurance-chômage. C'est l'Ontario qui enregistre le gain le plus élevé de l'élargissement de la protection de l'assurance-chômage, mais c'est à Terre-Neuve et dans les provinces de l'Ouest (particulièrement la Saskatchewan et le Manitoba) que l'on retrouve le pourcentage le plus élevé de la population active nouvellement admissible.

Il est aussi important de souligner qu'une majorité des bénéficiaires de l'élargissement de la protection de l'assurance-chômage seraient des femmes. Cette conclusion est raisonnable étant donné qu'il est plus probable que les femmes se retrouvent dans des modes de travail non traditionnels.

L'élargissement de la protection de l'assurance-chômage aux semaines de travail indépendant et aux semaines de travail réduites entraînerait une diminution notable de l'inégalité, telle que mesurée par des indices comme l'indice de concentration (Giniratio) ou le coefficient de variation. Les répercussions sur l'inégalité globale représentent une moyenne de l'effet massif sur les deuxième à quatrième déciles de l'échelle des revenus et des effets beaucoup plus faibles sur les déciles les plus pauvres et les plus riches de l'échelle de rémunération. Par conséquent, les changements dans l'indice de concentration ne semblent pas alarmants.

Par contre, ils sont assez importants pour être significatifs sur le plan social. La différence entre les dispositions de 1994 du Règlement sur l'assurance-chômage et la situation dans laquelle l'assurance-chômage est élargie pour englober l'emploi non traditionnel dans l'indice de concentration, à la valeur actuelle du revenu avant impôt de 1994, était de quelque 0,06. Jusqu'en 2004, la différence s'établissait à 0,08. (Les changements au niveau de la deuxième décimale peuvent indiquer des changements importants dans l'inégalité.)

Le travail indépendant et les semaines de travail réduites constituent encore un phénomène marginal sur le marché du travail canadien et le revenu relatif du travail indépendant et des semaines de travail réduites est assez minime. Selon le modèle, en élargissant la protection de l'assurance-chômage, les prestations versées aux personnes ayant de nouvelles semaines d'emploi assurable se seraient élevées à 2,2 milliards de dollars en 1994. Les cotisations auraient payé 64 % de ce montant, pour un coût net d'environ 800 millions de dollars. Selon les projections, l'élargissement de la protection entraînerait, en pourcentage, une augmentation relativement faible des coûts nets du système d'ici 2004.

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Notes biographiques

Lars Osberg est professeur d'économie à l'Université Dalhousie et l'un des administrateurs du Canadien Employment Research Forum. Il fait autorité en économie du travail, en macro-économique, en économétrie appliquée, de même qu'en politique économique et sociale. Il a publié énormément, notamment sur le chômage et l'assurance-chômage, la mobilité de la main-d'oeuvre, la répartition des revenus et de la richesse, et la mesure du bien-être économique. Ses ouvrages sur l'inégalité économique font de lui un des spécialistes les mieux connus sur les questions de répartition et de redistribution du revenu.

Shelley Phipps est professeur d'économie à l'Université Dalhousie. Elle s'intéresse particulièrement à l'économie du travail, à l'économétrie appliquée et aux finances publiques. Elle a publié des textes remarqués sur les questions de la réforme d'assurance-chômage et de la pauvreté au Canada.

Sadettin Erksoy vient d'obtenir son doctorat de l'Université Dalhousie, et a élaboré le modèle de micro-simulation comportementale utilisé dans le présent projet. Il est actuellement professeur adjoint à l'Université St. Mary.

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