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Les réactions des employeurs à la fixation de taux particuliers pour l'assurance-chômage : données provenant d'entreprises canadiennes et américaines

Gordon Betcherman et Norm Leckie

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Objet

Le présent document résume les résultats préliminaires d'une étude sur les différences observées quant aux réactions des employeurs canadiens et américains à l'assurance-chômage. La recherche s'attache d'abord et avant tout à la relation qui existe entre, d'une part, le financement de l'assurance-chômage, et, d'autre part, les mises à pied et la formation parrainée par l'employeur. La principale question étudiée a trait aux répercussions de la fixation de taux particuliers sur ces deux aspects du comportement de l'employeur. De façon plus précise, l'évaluation vise à vérifier deux hypothèses : (i) toutes choses étant égales par ailleurs, une entreprise est plus susceptible de s'adapter à une baisse de la demande en main-d'oeuvre en faisant des mises à pied lorsque des taux particuliers adéquats ne sont pas fixés pour les cotisations d'assurance-chômage; et (ii) toutes choses étant égales par ailleurs, une entreprise est moins susceptible d'investir dans la formation lorsque les cotisations d'assurance-chômage ne font pas l'objet de taux particuliers adéquats. La recherche aborde également une question secondaire : la relation entre la disponibilité de la rémunération à court terme que procure l'assurance-chômage (ou le travail partagé) et les mises à pied.

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Contexte

Les décideurs et les économistes connaissent bien l'abondante documentation qui a trait aux effets de l'assurance-chômage sur le comportement des travailleurs. De façon générale, on conclut dans la documentation que la disponibilité des prestations d'assurance-chômage allonge effectivement la durée de la période de chômage, même si tout le monde ne s'entend pas quant au degré avec lequel elle le fait. En comparaison, on a accordé beaucoup moins d'attention à l'influence de l'assurance-chômage sur le comportement des entreprises. Toutefois, les caractéristiques d'un régime d'assurance-chômage, et tout particulièrement le financement qu'il offre, pourraient théoriquement avoir des répercussions sur les décisions d'un employeur, particulièrement en ce qui touche les mises à pied.

À vrai dire, une série d'études américaines effectuées récemment soutiennent de façon empirique l'hypothèse selon laquelle la façon dont les employeurs contribuent à l'assurance-chômage a un effet réel sur les décisions d'effectuer des mises à pied. Aux États-Unis, les contributions faites par les entreprises adoptent partiellement la formule de la fixation de taux particuliers, en ce sens que leurs antécédents en matière de mises à pied influeront dans une certaine mesure sur ce qu'elles payent. L'ampleur de la fixation de taux particuliers - c'est-à-dire la hausse d'impôts qui accompagne une mise à pied supplémentaire - varie selon l'État, et les chercheurs américains ont utilisé cette variation pour mesurer la répercussion de la fixation de taux particuliers sur les mises à pied. La principale conclusion de ces études est qu'une fixation «incomplète» de taux particuliers pousse les employeurs à faire des mises à pied, particulièrement des mises à pied temporaires et saisonnières. La recherche indique en outre que si l'on établit un lien plus étroit entre l'impôt que paye l'employeur pour l'assurance-chômage et ses antécédents en matière de mises à pied, on pourra peut-être réduire les mises à pied futures, mais quand même ne pas réduire le taux de chômage car cette mesure aura pour effet de dissuader l'employeur d'embaucher des travailleurs puisqu'il est susceptible de payer plus cher en bout de ligne s'il veut les mettre à pied.

Au Canada, les cotisations de l'employeur ne varient pas en fonction de ses antécédents de mises à pied. Étant donné les résultats des études américaines, on peut se demander si l'absence de fixation de taux particuliers amène davantage les entreprises canadiennes à recourir aux mises à pied que les entreprises américaines. De plus, la question a un lien logique avec la formation offerte par l'employeur : s'il est possible que la fixation de taux particuliers puisse réduire à zéro les mises à pied, il faudrait s'attendre à ce qu'elle ait des répercussions négatives sur la formation. En effet, des taux élevés de mises à pied seraient associés à de courtes périodes d'affectation, et on connaît depuis longtemps la corrélation positive qui existe entre l'accessibilité de la formation pour l'employé et la durée de sa période d'affectation.

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Méthodologie et données

En soi, la conception d'une méthodologie de recherche sur les effets du régime canadien d'assurance-chômage sur le comportement de l'employeur est problématique puisqu'on ne retrouve aucune variation dans les ententes de financement et dans les autres caractéristiques du programme qui nous intéressent. Pour obtenir cette variation, il a fallu inclure dans l'étude des entreprises du Canada et des États-Unis. En restreignant l'analyse à deux industries manufacturières (machinerie et produits métalliques ouvrés) et à une province et trois États «frontaliers» (l'Ontario, la Pennsylvanie, le Minnesota et le Wisconsin), on a eu pour stratégie d'observer les courbes des mises à pied et de formation chez des employeurs qui fabriquaient des produits communs dans des marchés semblables, mais dont le régime d'assurance-chômage variait.

Pour chaque industrie, on a fait une enquête sur des entreprises en Ontario (où la fixation de taux particuliers n'existe pas), dans un État où le régime d'assurance-chômage état «libéral» (et où la fixation de taux particuliers existait sans toutefois être prévalente) et dans un État où le régime d'assurance-chômage était «sévère» (et où la prévalence de fixation de taux particuliers était élevée). Dans le domaine de la machinerie, les territoires qui ont été étudiés étaient l'Ontario, le Wisconsin (régime libéral) et le Minnesota (régime sévère), tandis que, pour les métaux, l'étude portait sur l'Ontario, l'État de New York (régime libéral) et la Pennsylvanie (régime sévère). L'analyse est faite à partir d'un échantillon final de 300 entreprises dans cinq administrations-secteurs (l'État de New York a été abandonné en raison d'un faible taux de réponses). Dans chaque cas, on réunissait les données de l'entreprise quant au roulement du personnel (mises à pied et embauches) et à la formation, ainsi que sur un éventail d'autres variables qui, selon toute logique, influaient sur le phénomène. Les hypothèses de départ étaient que, toutes choses étant égales par ailleurs, les entreprises de l'Ontario signaleraient davantage de mises à pied (particulièrement de mises à pied temporaires) et moins de débouchés de formation que leurs pendants des États américains où le régime d'assurance-chômage est libéral et, de façon plus particulière, ceux où le régime est sévère.

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Résultats

Les données descriptives concernant les mises à pied en 1993 se conformaient de façon générale à nos attentes. Dans les deux secteurs, les entreprises de l'Ontario signalaient les taux les plus élevés de mises à pied temporaires et permanentes. Manifestement, les différences observées d'une administration à l'autre pouvaient être attribuables à de nombreux facteurs, notamment aux différences entre les divers régimes d'assurance-chômage. Pour étudier les répercussions de chacun des divers facteurs pouvant donner lieu à une explication, on a établi des modèles pour le roulement du personnel dans l'entreprise et on les a mis à l'épreuve. Ces modèles comprennent un certain nombre de variables liées à l'entreprise, dont la hausse du chiffre d'affaires, l'emploi, les récentes modifications technologiques, l'adoption de nouvelles pratiques de gestion des ressources humaines, la qualité de la négociation collective, la représentation des jeunes et des femmes dans la main-d'oeuvre, une variable fictive de l'industrie ainsi qu'une variable fictive de l'administration, le taux de chômage local et une mesure de la fixation des taux particuliers dans l'administration. On a substitué à cette dernière variable - la plus importante de l'analyse - le coût d'imposition marginal pour l'assurance-chômage, calculé dans des recherches déjà publiées (et dont la valeur était de zéro pour les répondants ontariens).

Les modèles créés pour l'occasion expliquaient de 25 % à 30 % de la variation des taux d'embauches et de mises à pied des entreprises. Après l'analyse des résultats, les différences qu'on a observées dans ces taux d'une administration à une autre étaient principalement attribuables au taux de chômage plus élevé en Ontario que dans les localités américaines. Le coefficient variable du coût d'imposition marginale n'était pas significatif sur le plan statistique dans chacune des estimations, ce qui ne permet pas de confirmer l'hypothèse selon laquelle la fixation de taux particuliers (à tout le moins la différence entre les taux moyens d'une administration à une autre) décourage nettement les employeurs de procéder à des mises à pied.

Ce résultat est conforme aux données qualitatives fournies par des répondants à un sondage sur le rôle joué par la fixation de taux particuliers sur leurs décisions de mises à pied. Les entreprises américaines, même dans les administrations où les dispositions de l'assurance-chômage étaient «sévères», attachaient une importance relativement mince à la fixation de taux particuliers lorsqu'ils décidaient de mettre ou non des travailleurs à pied. Dans chacun des États inclus dans l'étude, moins de 5 % des répondants jugeaient que la fixation de taux particuliers avait un effet important; cependant, plus de la moitié croyaient que les répercussions étaient minimes, voir nulles. Par contraste, lorsqu'on leur en a donné une notion théorique, les employeurs ontariens ont jugé qu'elle pouvait devenir un facteur beaucoup plus important.

L'enquête réunissait aussi des données sur la façon dont les répondants utilisaient les diverses mesures visant à éviter les mises à pied, dont le gel de l'embauche, le gel des salaires et les coupures salariales, la réduction des horaires, le recyclage et la mise à la retraite anticipée. On s'attendait à ce que le recours à ces mesures augmente au même rythme que les taux particuliers. Cependant, les résultats d'études économétriques n'appuient pas cette hypothèse : dans la plupart des cas, on n'a observé aucune différence importante d'une administration à une autre, et lorsqu'on en observait, elles donnaient à croire que les répondants de l'Ontario étaient plus susceptibles de recourir aux stratégies visant à éviter les mises à pied.

Une analyse des relations qui existent entre la rémunération à court terme ou le travail partagé parrainé par l'assurance-chômage, d'une part, et le taux de mises à pied, d'autre part, a été entreprise avec le sous-échantillon de l'Ontario. (La rémunération à court terme parrainée par l'assurance-chômage n'existe dans aucune des administrations américaines incluses dans le sondage.) Les résultats dénotent une relation positive importante entre le recours à la rémunération à court terme et le taux de mises à pied temporaires de l'entreprise. Même si ce résultat peut sembler paradoxal compte tenu des objectifs de la rémunération à court terme, à savoir de réduire les mises à pied temporaires, il reflète presque certainement le fait que les employeurs qui mettent de l'avant un régime de travail partagé sont susceptibles d'oeuvrer dans un contexte où les mises à pied sont fréquentes. Cependant, les résultats donnent à penser que le travail partagé peut avoir un effet discret sur les mises à pied (là où des taux élevés l'auraient été encore plus).

La dernière étape de la recherche vérifiait l'hypothèse selon laquelle les différences des paramètres de l'assurance-chômage influeraient sur l'ampleur de la formation en milieu de travail signalée dans les diverses administrations. Comme cette hypothèse était fondée sur des attentes antérieures au sujet des effets de l'assurance-chômage sur les mises à pied, attentes qui n'avaient pas résisté à l'analyse, il n'est pas étonnant qu'on ne puisse rien trouver qui lie le régime d'assurance-chômage à l'activité de formation.

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Conclusions

L'analyse ne permet pas de confirmer les hypothèses concernant les répercussions potentielles de la fixation de taux particuliers pour l'assurance-chômage sur le comportement de l'entreprise. Ainsi, une fixation plus généralisée des taux particuliers dans un régime d'assurance-chômage ne dissuade pas, toutes choses étant égales par ailleurs, les employeurs de recourir à des mises à pied pour répondre à une baisse de la demande en main-d'oeuvre ni ne les encourage à offrir davantage de formation. Cela ne veut pas dire que le régime d'assurance-chômage n'a aucune incidence sur les décisions des employeurs au sujet des mises à pied ou de la formation. Cependant, la présente étude ne trouve aucune donnée qui puisse permettre d'affirmer qu'une différence dans la fixation de taux particuliers modifiera leur comportement à ce sujet.

Les conclusions, particulièrement en ce qui touche les répercussions de l'assurance-chômage sur les mises à pied, contredisent celles de certaines autres études. Un certain nombre de raisons peuvent permettre d'expliquer cela. Par exemple, la nature «exploratrice» de la présente étude porte en soi des limites potentielles. Par exemple, l'analyse se restreint à deux secteurs qui peuvent ne pas être représentatifs de l'économie dans son ensemble. La mesure de la fixation de taux particuliers n'est pas propre à une entreprise; elle est plutôt fondée sur la moyenne d'un groupe d'industries dans une administration donnée. La qualité des données peut avoir posé problème, et c'est là une réalité que les chercheurs qui utilisent des données d'enquêtes effectuées auprès des employeurs doivent reconnaître.

Toutefois, il est également possible que les aspects de l'assurance-chômage examinés ici n'aient pas réellement d'effets importants sur le comportement de l'employeur. Un nombre relativement faible d'études ont porté sur cette relation et, de ce nombre, seulement quelques-unes ont été réalisées à partir de données portant sur toute l'entreprise et couvrant un large éventail de variables de contrôle. Il se peut que la fixation de taux particuliers, particulièrement si elle est incomplète, ne soit pas une force suffisante pour influencer substantiellement les employeurs, lorsqu'ils prennent la décision de mettre des travailleurs à pied. De même, les entreprises qui se trouvent dans des administrations où la fixation de taux particuliers existe déjà peuvent être portées à en minimiser les répercussions en concentrant les mises à pied sur les employés exemptés et en définissant celles-ci comme des départs volontaires lorsqu'elles le peuvent.

En conclusion, la recherche, même si elle est de nature exploratoire, attire l'attention sur un ensemble de questions dont on n'a presque pas parlé dans la documentation à ce sujet. Il faut faire une collecte de données plus exhaustive dans chaque entreprise et procéder à leur analyse pour une vaste gamme d'industries si l'on veut bien comprendre les effets de l'assurance-chômage sur le comportement de l'employeur.

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Notes biographiques

Gordon Betcherman est directeur général du groupe des ressources humaines chez Les Associés de recherches Ekos. Il a publié de nombreux articles sur l'économique du travail, les relations industrielles et la gestion des ressources humaines, ainsi que sur la politique sociale. Il est agrégé supérieur de recherches à l'école des études en politique de l'université Queen et administrateur du Forum canadien de recherche sur la situation d'emploi.

Norman Leckie est expert-conseil principal du groupe des ressources humaines chez les Associés de recherches Ekos. Auparavant, il était économiste du travail au centre de relations industrielles de l'université Queen et au Conseil économique du Canada. Il a publié des études dans une grande diversité de domaines, dont la gestion des ressources humaines, la distribution du revenu, la formation professionnelle spécialisée et les emplois non normalisés.

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