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L'interaction entre l'assurance-chômage et l'aide sociale

par Garry F.Barrett, Denise J.Dorion, David A. Green et W.Craig Riddel

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Introduction et contexte

L'assurance-chômage et l'aide sociale sont les deux plus importants programmes de sécurité du revenu destinés aux Canadiens en âge de travailler. De nombreux égards, il s'agit de programmes fondamentalement différents. Le principal objectif du programme d'assurance-chômage est de procurer aux personnes actives une assurance contre la perte temporaire de revenu attribuable au chômage. L'assurance-chômage n'est pas un programme universel de soutien du revenu; elle exclut spécifiquement toute personne qui ne fait pas partie de la population active ou qui n'a pas le lien requis avec le marché du travail, qui est travailleur autonome ou qui a épuisé ses prestations. En outre, les prestations versées en vertu du programme sont fondées sur les gains antérieurs et ont une durée limitée.

Les programmes d'aide sociale du Canada ont pour objectif de fournir une aide financière à toutes les personnes et familles dans le besoin, quelle qu'en soit la cause. Contrairement à l'assurance-chômage, il s'agit d'un programme universel. L'admissibilité à l'aide sociale est fondée sur un examen des besoins et n'a pas de lien avec l'emploi précédent; les prestations sont fondées sur l'évaluation du déficit budgétaire du ménage et n'ont pas de lien avec les gains antérieurs; enfin, une personne peut recevoir des prestations d'aide sociale indéfiniment.

Des ouvrages portent spécifiquement sur l'utilisation et les effets comportementaux de l'assurance-chômage au Canada. Récemment, des chercheurs ont entrepris de décrire et d'analyser l'interaction des particuliers et de leur famille avec les programme d'aide sociale. Cependant, rares sont les ouvrages où l'on examine directement l'interaction entre les programmes d'assurance-chômage et d'aide sociale.

L'interaction entre les programmes d'assurance-chômage et d'aide sociale peut prendre plusieurs formes. Tout d'abord, l'aide sociale est le programme de sécurité du revenu de dernier recours. Les personnes dans le besoin et celles qui ne sont pas admissibles à des prestations offertes par d'autres programmes ciblés peuvent se tourner vers l'aide sociale. De plus, les personnes qui n'ont pas obtenu d'emploi au moment où expire leur période de prestations peuvent se tourner vers l'aide sociale pour obtenir un soutien du revenu. Par conséquent, les modifications de l'assurance-chômage qui restreignent l'admissibilité ou qui diminuent la générosité du programme peuvent amener certaines personnes à devoir désormais se tourner vers l'aide sociale.

Ensuite, l'évolution de l'économie et du marché du travail peut faire en sorte que l'aide sociale devient une forme d'assurance-chômage pour certains segments de la main-d'oeuvre. Par exemple, on a assisté dans les années 90 à un effondrement du marché du travail des jeunes et à une augmentation du chômage à long terme chez les jeunes travailleurs. Cette situation peut contribuer à faire en sorte que les personnes nouvellement arrivées sur le marché du travail doivent se fier davantage que celles des générations précédentes à l'aide sociale plutôt qu'à l'assurance-chômage.

Les pratiques administratives sont un autre champ d'interaction entre les programmes. De façon plus particulière, on a observé un important arriéré dans le traitement des demandes d'assurance-chômage à la fin des années 80. Par conséquent, le délai de traitement d'une demande était nettement plus long que la période de carence de deux semaines. Cette situation plaçait dans une situation difficile de nombreuses personnes qui devaient se tourner vers l'aide sociale en attendant que leur demande d'assurance-chômage soit traitée. Par conséquent, on a observé une augmentation de la clientèle d'aide sociale « en attente de prestations d'assurance-chômage », qui était uniquement attribuable aux caractéristiques administratives du programme d'assurance-chômage.

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Objet

Vu les interactions possibles entre les deux programmes, la présente étude vise à examiner la mesure dans laquelle ces interactions se produisent réellement. Le fait que la clientèle de l'assurance-chômage et celle de l'aide sociale soient ou non essentiellement distinctes constitue une importante question de politique. Pour y voir plus clair, nous comparons les caractéristiques et les expériences du groupe de personnes qui ont demandé des prestations aux deux programmes à celles des personnes qui participent à l'un ou l'autre d'entre eux.

Une fois que l'examen de l'information descriptive sur les participants aux programmes a été fait, la deuxième phase de la recherche consiste à analyser les formes particulières que prend l'interaction des deux programmes. Dans la présente étude, nous tenterons d'appliquer l'hypothèse selon laquelle la durée de la période pendant laquelle une personne reçoit des prestations d'assurance-chômage varie selon la mesure dans laquelle cette personne a déjà demandé de l'aide sociale. Nous chercherons à savoir dans une étude ultérieure la mesure dans laquelle les réformes de l'assurance-chômage mises en place en novembre 1990 ont fait en sorte que les personnes jusque-là admissible à l'assurance-chômage ont dû se tourner vers l'aide sociale. De plus, nous utiliserons les variations des paramètres du programme d'aide sociale d'une province à l'autre pour déterminer l'effet de la générosité du programme d'aide sociale sur l'utilisation relative que fait une personne de l'un ou l'autre programme.

Données et méthodologie

Pour le travail empirique, on utilise le Profil vectoriel de Développement des ressources humaines Canada (DRHC), qui est tiré de l'administration du programme d'assurance-chômage et qu'on apparie au profil correspondant de l'aide sociale, lui-même tiré de l'administration des programmes d'aide sociale en Colombie-Britannique pour le période de septembre 1986 à décembre 1992. Les deux ensembles de données comprennent des échantillons aléatoires composés de 10% des dossiers des participants aux deux programmes, qui sont sélectionnées de façon à pouvoir relier les dossiers de mêmes personnes dans l'un et l'autre programme. Le fait que ces données permettent d'obtenir des antécédents détaillés et exacts du recours à l'assurance-chômage et à l'aide sociale d'une personne sur une longue période constitue un des principaux avantages de ces données. En outre, les périodes selon lesquelles les données sont regroupées sont idéales, car elles correspondent aux périodes prévues dans l'administration des programmes.

L'étude comprit d'abord l'appariement des dossiers de l'assurance-chômage et de l'aide sociale; les autres étapes furent les suivantes :

  • La création de résumés statistiques visant les populations de particuliers et de familles de la Colombie-Britannique qui ont commencé à recevoir des prestations d'aide sociale en 1986, en 1989 et en 1992 dans cette province. Les bénéficiaires furent ensuite groupés selon qu'ils avaient une demande d'assurance-chômage en cours durant la même année, et des statistiques descriptives furent établies pour chacun des sous-groupes.

  • La création de résumés statistiques sur les demandes de prestations d'assurance-chômage en 1986, 1989 et 1992. L'ensemble des demandes d'assurance-chômage fut divisé selon trois groupes : celles qui touchaient les prestataires qui avaient dû demander de l'aide sociale au cours de leur période d'assurance-chômage; celles où le prestataire a dû demander des prestations d'aide sociale immédiatement après la fin de sa période de prestations; et les prestations reçues par des prestataires qui ne demandaient pas d'aide sociale. Si on a divisé la population qui avait reçu à la fois des prestations d'assurance-chômage et des prestations d'aide sociale, c'est qu'on voulait établir une distinction entre ceux qui attendaient des prestations d'assurance-chômage et ceux qui les avaient épuisées. Après avoir présenté des informations descriptives générales sur l'ensemble des personnes qui sont inscrites tant à l'assurance-chômage qu'à l'aide sociale au cours d'une période limitée, on a examiné plus en détail l'interaction particulière entre les deux programmes. L'effet des antécédents de recours à l'aide sociale d'une personne sur la durée des périodes subséquentes où elle reçoit des prestations d'assurance-chômage est déterminé à l'aide d'un cadre de détermination du risque. Pour cette analyse, l'échantillon des demandes d'assurance-chômage est restreint aux demandes régulières présentées par des hommes entre 1987 et 1992.

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Principaux résultats

  1. On a observé un chevauchement important de la clientèle des programmes d'assurance-chômage et d'aide sociale en Colombie-Britannique, et ce chevauchement s'est accru au cours de la période à l'étude, soit de 1986 à 1992.

  2. La plupart des bénéficiaires d'aide sociale en 1986 étaient aptes à l'emploi (78 %), célibataires (65 %) et de sexe masculin (61 %). Les familles monoparentales comptaient pour 18 % des périodes d'aide sociale qui ont commencé en 1986. La durée moyenne de ces périodes étaient d'environ 14 mois. Le tiers des bénéficiaires d'aide sociale avaient également une demande de prestations d'assurance-chômage en cours en 1986. Dans d'énormes proportions, les membres de ce groupe composé de personnes ayant déjà reçu des prestations d'assurance-chômage étaient plus jeunes, de sexe masculin, célibataires ou membres d'une famille biparentale, employables et en attente de prestations d'assurance-chômage. La mobilité des membres de ce groupe était généralement plus grande, et la période moyenne durant laquelle ils recevaient des prestations d'aide sociale était de 8,9 mois.

  3. Au cours de la période de 1986 à 1992, le nombre de bénéficiaires d'aide sociale a augmenté (de 50 %), comme la proportion de personnes ayant déjà reçu des prestations d'assurance-chômage (qui est passée à 46 %). En 1992, 86 % de tous les bénéficiaires étaient jugés employables, et 14 % d'entre eux attendaient des prestations d'assurance-chômage; quant au groupe de personnes qui avaient déjà reçu des prestations d'assurance-chômage, elles étaient employables dans 92 % des cas et attendaient des prestations d'assurance-chômage dans 39 % des cas.

  4. Si l'on examine l'échantillon des demandes d'assurance-chômage, on observe qu'en 1986 environ 10 % des demandeurs appartenaient au groupe inscrit tant à l'assurance-chômage qu'à l'aide sociale. Les personnes dont les deux demandes étaient en cours connaissaient généralement des périodes de chômage plus longues, et leur nombre de semaines d'emploi assurable était inférieur à la moyenne, tout comme leurs gains hebdomadaires assurables. Le groupe de personnes qui touchaient des prestations d'aide sociale après avoir reçu des prestations d'assurance-chômage étaient plus susceptibles d'avoir épuisé celles-ci, et dans les cas où des prestations étaient effectivement versées, leur période de prestations était généralement la plus longue, tant pour l'assurance-chômage que pour l'aide sociale.

  5. Au cours de la période de 1986 à 1992, le nombre de demandes de prestations d'assurance-chômage a augmenté, tout comme la proportion des personnes appartenant à l'un et l'autre groupe. En 1992, 17 % des prestataires appartenaient au groupe qui avait touché à la fois des prestations d'assurance-chômage et des prestations d'aide sociale.

  6. Lorsqu'on a cherché à évaluer les répercussions d'une demande antérieure de prestations d'aide sociale sur la durée de la période de prestations d'assurance-chômage, on a pu établir la durée maximale au cours de laquelle une personne pouvait toucher des prestations. Nous avons découvert que les personnes qui ont déjà touché des prestations d'aide sociale sont susceptibles de connaître des périodes d'assurance-chômage plus longues (d'environ deux semaines). Cependant, après un contrôle de la durée maximale possible du versement des prestations d'assurance-chômage, on a constaté que leur taux de sortie du programme d'assurance-chômage est très semblable, et la mesure dans laquelle ils épuisent leurs prestations d'assurance-chômage est très semblable à celle de la population qui ne reçoit pas d'aide sociale.

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Notes biographiques

Garry Barrett est étudiant au programme de doctorat en économique de l'université de la Colombie-Britannique. Auparavant, il a obtenu un baccalauréat spécialisé en économique à l'université de Sydney, en Australie, et une maîtrise en économique à l'université de la Colombie-Britannique. Ses principaux domaines de recherche comprenait les relations industrielles, la théorie de l'équilibre de la fluctuation des affaires, la distribution du revenue et l'interrelation entre l'assurance-chômage et l'aide sociale.

Denise Doiron a obtenu un baccalauréat à l'université de Moncton, une maîtrise à l'université de la Colombie-Britannique et un doctorat à l'université de Colombie-Britannique (1987). Elle a été professeur adjoint à l'université Western Ontario et à l'université de la Colombie-Britannique, et entrera au service du département d'économique de l'université de Sydney, en Australie, en janvier 1995. Ses domaines d'enseignement et de recherche comprennent les relations industrielle, l'économique du travail et la politique du marché du travail.

David Green est professeur adjoint en économique le l'université de la Colombie-Britannique. Il a terminé son doctorat à l'université Stanford en 1990. Ses principaux domaines de recherche concernent les effets de l'assurance-chômage sur le marché du travail, les répercussions de la politique d'immigration et de l'adaptation des immigrants à l'économie canadienne. Plus récemment, il a aussi travaillé dans le domaine de la distribution des gains et des revenues.

W. Craig Riddell est professeur et président du département d'économique de l'université de la Colombie-Britannique. Il a écrit maints articles dans des revues savantes et professionnelles, principalement en ce qui a trait à la recherche dans le domaine des relations industrielles, de l'économique du travail et de la politique publique. Il a été coordonnateur de la recherche sur les marché du travail et les relations de travail pour la Commission royale d'enquête sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, 1983-1985 (Commission royale Macdonald). M. Riddell est actuellement coprésident du Forum canadien de recherche sur la situation d'emploi.

 


« The Interaction of Unemployment Insurance and Social Assistance », par Garry Barrett, Denise Doiron, David Green et Craig Riddell, qui paraîtra sous peu, étudie la relation entre l'assurance-chômage et l'aide sociale dans cinq provinces. Cette étude de fond sera publiée par Développement des ressources humaines Canada, en tant que rapport d'évaluation du programme d'assurance pour 1994.


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