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La règle de l'intensité : Les répercussions sur les chômeurs

par Pierre Fortin et Marc Van Audenrode

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Objet

En vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, la formule qui réduit le taux de remplacement des prestations chez les utilisateurs fréquents du régime d’assurance-emploi (la règle de l'intensité) est entrée en vigueur le 1er juillet 1996. Ce sommaire présente les résultats de l'évaluation des répercussions de la règle de l'intensité sur les comportements des prestataires. En particulier, l'étude a pour but :

  • d'examiner les répercussions initiales de la règle de l'intensité sur l'utilisation de l’assurance-emploi par les prestataires;
  • de donner un aperçu préliminaire des économies réalisées à ce titre.

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Contexte

L'objectif de la nouvelle règle de l'intensité est de limiter la générosité du régime d'AE en réduisant les prestations accordées aux utilisateurs fréquents. Cette disposition est conçue en vue de : a) décourager certains utilisateurs de recourir inutilement au régime d'AE; et b) réduire les frais d'exploitation du régime.

Selon la règle de l'intensité, lorsqu’un prestataire a touché des prestations ordinaires antérieurement, son taux de remplacement est réduit de un p. 100 pour chaque période de 20 semaines pendant lesquelles il a reçu des prestations ordinaires au cours des cinq années précédentes. La réduction maximale est de 5 p. 100 dans le cas d’un prestataire qui a touché plus de 100 semaines de prestations au cours des cinq dernières années. Étant donné que les semaines de prestations reçues avant le 30 juin 1996 n’étaient pas prises en compte au moment de déterminer le taux de remplacement, la règle de l’intensité n’atteindra pas son plein rendement avant 2001.

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Méthode et sources de données

La règle de l'intensité repose sur un modèle théorique de recherche dans le cadre duquel des éléments comme les caractéristiques personnelles, la conjoncture économique générale et la générosité du régime d'AE déterminent l'utilisation que fait un chômeur de l'AE. Cette étude tente d'isoler les répercussions d'un aspect particulier du régime d'AE, c'est-à-dire la règle de l'intensité, sur l'utilisation qu'en font les gens.

Deux approches ont été retenues. Premièrement, les auteurs ont fait une analyse de durée pour déterminer le nombre de semaines pendant lesquelles des prestations ont été demandées avant et après l'entrée en vigueur de la règle de l'intensité. Deuxièmement, ils ont estimé parallèlement l'utilisation de l'AE et les taux de remplacement.

Les auteurs se sont également demandé s'il y avait une tendance marquée à cesser de demander des prestations pendant la 19e semaine. La réponse sera affirmative si la règle de l'intensité influence le comportement des prestataires. Même si les prestataires qui demandent des prestations jusqu'à la 19e semaine ne risquaient pas de voir leurs prestations réduites à l'avenir, les répercussions marginales d'une 20e semaine de prestations étaient considérables.

L'étude s'inspire de données administratives de DRHC, de même que des données de l'Enquête canadienne par panel sur l'interruption d'emploi (ECPIE). Les données ont été tirées du profil vectoriel de toutes les demandes de prestations présentées par les répondants de l'ECPIE entre juillet 1995 et juin 1997. Deux groupes témoins ont ainsi été établis : celui des demandes présentées l'année qui a précédé l'entrée en vigueur de la règle de l'intensité (juillet 1995 à juin 1996) et celui des demandes présentées l'année qui a suivi (juillet 1996 à juin 1997).

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Principales constatations

Selon certaines indications, après l'entrée en vigueur de la règle de l'intensité, on a constaté une augmentation du nombre de personnes qui cessaient de demander des prestations d’AE une semaine avant que leurs futurs taux de remplacement ne soient touchés. La probabilité de cesser de demander des prestations au cours de la 19e semaine était de 1 point de pourcentage plus élevée qu’au cours de la 18e semaine, et de 0,6 point plus élevée qu'au cours de la 20e semaine. Ce phénomène ne se retrouve pas avant l'entrée en vigueur de la règle de l'intensité. Chez les utilisateurs fréquents (ceux qui ont présenté six demandes ou plus dans les années 90), la tendance était plus marquée. La probabilité de trouver du travail était de 1,3 point de pourcentage plus élevée au cours de la 19e semaine qu'au cours de la 18e. Les constatations montrent également que la différence dans l'utilisation globale moyenne attribuable à la règle de l'intensité était inférieure à 0,25 semaine (pour l'ensemble des prestataires).

Les répercussions de la règle de l'intensité varient selon divers sous-groupes

Les données tirées de l'échantillon montraient que 33 p. 100 des hommes avaient présenté six demandes ou plus dans les années 90, par rapport à seulement 27 p. 100 des femmes. Ainsi, on s'attendait à ce que les réactions des hommes soient plus marquées que celles des femmes. Cependant, il s’avère que le contraire s’est produit. Chez les femmes, la probabilité de réemploi était de 86 p.100 plus élevée la 19e semaine que la 18e semaine. Chez les hommes, le pourcentage équivalent était d'environ 21 p. 100 seulement. Chez les femmes, le nombre de semaines de prestations touchées pendant une période de prestations était moindre que chez les hommes.

En général, les travailleurs plus âgés et les prestataires ayant des personnes à charge avaient tendance à toucher des prestations plus longtemps. Il y avait également des différences importantes selon les saisons et les provinces. Les prestataires dont les prestations avaient été réduites en raison de la nouvelle règle de l'intensité ont continué d'avoir recours davantage à l'AE que le chômeur moyen. On peut en déduire que la pénalité n'est pas si importante, ou que certains utilisateurs fréquents n'ont pas d'autre choix que de compter sur le régime d'AE.

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Conclusions

Cette étude montre que les répercussions initiales de la règle de l'intensité ont eu un effet limité mais significatif lorsqu'il s'agissait d'inciter certains prestataires d'AE à mettre fin à leur demande plus tôt. Pour le moment, les répercussions financières sont limitées. Cependant, si la règle avait été mise en œuvre au milieu des années 90, et en supposant que les comportements des travailleurs n'aient pas changé, 70 p. 100 des prestataires auraient pu être touchés. Cela aurait représenté une réduction de plus de 2,5 p. 100 sur le plan des versements aux prestataires (soit entre 2 et 2,5 millions de dollars par année). Si l'on n'observe pas de résultats plus concluants à l'avenir, force nous sera de conclure que les chômeurs n'exercent pas autant de contrôle sur l'utilisation qu'ils font de l'assurance-emploi que les promoteurs de la réforme ne le supposaient. Si tel est le cas, la règle de l'intensité se traduirait simplement par une diminution du bien-être des chômeurs, sans amélioration correspondante du bien-être de la société dans son ensemble.

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Notes biographiques

Pierre Fortin est professeur d'économie à l'Université du Québec à Montréal. Il est actuellement rédacteur en chef de la revue L'actualité économique, membre du conseil de rédaction de la revue Analyse de Politiques, membre du conseil consultatif de l'Institut C.D. Howe, membre du Canadian Productivity Network ainsi que du Comité des tendances sociales de Centraide (Montréal). Les sujets de recherche auxquels il s'intéresse actuellement comprennent la dynamique des salaires et de l'emploi, les politiques budgétaire et monétaire, la politique sociale et l'économie démographique.

Marc Van Audenrode est professeur d'économie à l'Université Laval de Québec. Il est membre du conseil du Forum canadien de recherche sur la situation de l'emploi et de l'Association canadienne d'économique. Ses recherches se concentrent sur les répercussions des institutions et de la réglementation intéressant les marchés du travail. Il a publié de nombreux articles dans des revues hautement spécialisées (Journal of Political Economy, Journal of Economic Theory, Labour Economics, Economic Policy, Revue canadienne d'économique).


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