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L'assurance-chômage et la productivité de la recherche d'emploi

Pierre-Yves Crémieux, Pierre Fortin, Paul Storer et Marc Van Audenrode

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Portée et thème

La présente étude vise à évaluer l'efficacité du programme de prestations ordinaires d'assurance-chômage quant à la productivité de la recherche d'emploi. En plus d'avoir utilisé un modèle de recherche théorique, les auteurs ont intégré certaines idées innovatrices à leur travail empirique. Dans un premier temps, l'étude s'attache aux liens qui existent entre les paramètres du programme de prestations ordinaires d'assurance-chômage et les réactions comportementales du chômeur et, dans un deuxième temps, évalue les répercussions de ces réactions sur les résultats de la recherche d'emploi.

Dans la présente étude, l'intensité de la recherche d'emploi est considérée comme l'intrant du processus de recherche, tandis que le salaire obtenu d'un nouvel emploi et la probabilité de réembauche sont considérés comme les extrants des activités de recherche d'emploi. Les liens entre les intrants et les extrants et leur interdépendance sont tous des parties intégrantes du cadre quantitatif-analytique.

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Sources de données et méthodologie

L'étude utilise les données provenant de l'enquête à échantillon constant entreprise pour l'«Évaluation du service national de placement», effectuée par Emploi et Immigration Canada de 1986 à 1988. Deux cohortes composées de clients des Centres d'emploi du Canada ont été sondées, chacune sur une période de 24 mois. Chaque enquêté a subi une entrevue au premier contact, puis des entrevues de suivi ont eu lieu après deux mois, six mois, douze mois et 24 mois. Les périodes d'étude des deux cohortes se chevauchaient : la première allait de septembre 1986 à août 1988, et la seconde, de janvier 1987 à décembre 1988. L'ensemble des données de cette enquête à échantillon constant est unique au Canada, tant par la quantité que par le genre d'informations riches et détaillées qui ont été réunies sur les activités de recherche d'emploi grâce à des séries d'entrevues effectuées auprès des clients des CEC. L'activité de recherche d'emploi se reflète dans les données par le nombre de contacts que les personnes en chômage ont eus avec des sources possibles d'offres d'emploi (par exemple, le nombre de visites auprès des employeurs, des Centres d'emploi, des bureaux de placement syndicaux, le nombre de fois qu'elles ont consulté les annonces dans les journaux, etc.). Un vaste échantillonnage de répondants des CEC donnent des renseignements sur l'ampleur de la recherche d'emploi ainsi que sur les dépenses prévues et le salaire d'acceptation. Ces données d'enquête sont complétées par des données administratives de l'assurance-chômage, ce qui permet d'avoir une image très complète des antécédents d'emploi et de chômage des clients des CEC.

Les auteurs établissent un indice d'intensité de la recherche, en fonction de moyennes pondérées des diverses activités ayant trait à la recherche d'emploi, de façon à résumer ces composantes de la recherche. En outre, ils utilisent des méthodes économétriques particulières pour contourner diverses difficultés techniques.

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Résultats empiriques

L'assurance-chômage et l'intensité de la recherche

La durée du chômage joue un rôle plus important que les prestations d'assurance-chômage lorsqu'il s'agit de déterminer l'intensité de la recherche d'emploi. L'intensité de la recherche ne dépend pas de façon importante du fait qu'une personne soit admissible ou non aux prestations d'assurance-chômage. Le seul effet notable de ce phénomène est celui-ci : les prestataires qui ont droit à des prestations pendant 40 à 49 semaines semblent faire une recherche plus active que ceux qui ont droit à 50 semaines, l'écart équivalant grosso modo à 5 % de l'indice d'intensité moyenne.

L'effort de recherche est rapidement déployé après la fin d'emploi et conserve un niveau quasi-constant durant les neuf mois suivants. Par la suite, l'intensité de la recherche baisse de façon constante pour se stabiliser à un degré de beaucoup inférieur après 18 mois. Ensuite, la personne qui cherche l'emploi interrompt pratiquement sa recherche.

L'assurance-chômage et le salaire à la réembauche

L'étude a permis de faire ressortir l'effet positif des prestations d'assurance-chômage sur le taux salarial à la réembauche, mais cet effet est relativement faible.

Quoi qu'il en soit, ce résultat confirme le concept selon lequel les prestations d'assurance-chômage aident le chômeur à obtenir des fonds durant la période où il recherche un emploi de façon à ce qu'il puisse s'attacher d'abord et avant tout à choisir le meilleur emploi disponible.

Les résultats montrent que les travailleurs inadmissibles ont, au moment de leur réembauchage, un salaire d'environ 7 % à 9 % inférieur à celui que touchent les prestataires d'assurance-chômage qui ont retiré des prestations durant 50 semaines.

Les personnes admissibles, qui ont touché des prestations durant moins de 30 semaines, et celles qui en ont touché durant une période de 30 à 40 semaines, avaient, au moment de leur réembauchage, un salaire de 5 % inférieur à celui des chômeurs qui avaient touché des prestations durant 50 semaines.

Le salaire à la réembauche des personnes qui ont reçu des prestations durant 40 à 50 semaines est pratiquement le même que celui des prestataires qui en ont retiré durant 50 semaines.

La probabilité de réembauchage

Plus un prestataire d'assurance-chômage recherche intensément un emploi, meilleures sont ses chances d'être réembauché. Les travailleurs en chômage ont tendance à «s'accrocher» au salaire qu'ils touchaient avant d'être au chômage. Plus ce salaire est élevé, plus la probabilité de réembauchage est faible.

Le taux de chômage régional et les semaines de prestations restantes ont une corrélation négative avec la probabilité de réembauchage.

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Incidence sur la politique

Les résultats de cette étude intéressent les décideurs. On croit généralement que l'accès aux prestations d'assurance-chômage réduit l'intensité de la recherche d'emploi de la part du chômeur et, de ce fait, accroît le taux de chômage. Selon les résultats de la présente étude, l'accès à des prestations d'assurance-chômage n'a qu'un effet mineur sur l'intensité de la recherche d'emploi.

L'étude du salaire touché à la réembauche intéresse également les décideurs en raison de l'opinion très répandue selon laquelle les prestations d'assurance-chômage ne font que retarder l'activité de recherche d'emploi. Si cela était vrai, les personnes qui reçoivent des prestations pendant longtemps n'auraient pas un meilleur salaire à la réembauche que les personnes qui reçoivent des prestations durant une courte période. Cela ne semble pas être le cas ici.

En effet, l'existence d'une longue période de prestations semble avoir un effet positif sur le salaire à la réembauche. Cet effet n'est pas nécessairement constant à tous les niveaux de prestations, et certaines données donnent à croire que la quasi-totalité des effets bénéfiques de l'assurance-chômage sur le salaire touché à la réembauche sont obtenus avec une période de prestations inférieure à 50 semaines. En outre, au moins la moitié des effets favorables des prestations d'assurance-chômage semblent se produire à la suite de 30 à 40 semaines de prestations. Si on compare les périodes de zéro semaine et de 50 semaines de prestations, on s'aperçoit que le taux salarial à la réembauche est inférieur dans le premier cas de 7 % à 9 %. Par exemple, si une personne qui a reçu des prestations durant 50 semaines se trouve un nouvel emploi à 8 $ l'heure, la personne placée dans la même situation qui n'avait reçu aucune prestation ne recevrait qu'environ 7,32 $ l'heure.

Les répercussions politiques directes de ce résultat exigent qu'on procède à une analyse des avantages au regard des coûts. La différence de 0,68 $ au chapitre du taux salarial obtenu par quelqu'un qui aurait reçu des prestations durant 50 semaines de plus équivaut à 1 360 $ par année pour une année de 50 semaines de travail. Par contre, 50 semaines de prestations à un taux de, par exemple, 176 $ par semaine, équivalent à 8 800 $ par année. Ce chiffre est une limite supérieure parce que la plupart des chômeurs n'épuisent pas leurs prestations. Même si la position financière actuelle du gouvernement peut faire remettre en question l'opinion selon laquelle «les prestations d'assurance-chômage n'étant qu'un transfert pur et simple, elles ne coûtent rien à la société sur le plan social», une période de recouvrement de dix ans pourrait suffire pour rendre cet investissement valable aux yeux tant du gouvernement que de la société.

Par contre, les résultats donnent également à penser qu'on pourrait retirer une grande part de ces avantages même en utilisant moins de semaines de prestations. Plus particulièrement, des prestations maximales durant 40 semaines ou moins pourraient avoir le même effet vigoureux sur le plan salarial, mais coûteraient probablement moins cher, ce qui, par conséquent, raccourcirait la période nécessaire pour que l'investissement soit valable. La durée de cette période de recouvrement peut être cruciale. Si l'effet des prestations d'assurance-chômage sur le taux salarial à la réembauche est uniquement temporaire, ou si les personnes ont tendance à conserver leur emploi durant moins de dix ans, le coût de cette subvention sous forme d'assurance-chômage pourrait être trop élevé.

Certaines données indiquent qu'une personne ne retirant aucune prestation aurait une probabilité de réembauchage de 21 % supérieure à une personne dont la situation est, autrement, équivalente et qui touche des prestations durant 50 semaines. Selon l'évaluation faite par les auteurs, le fait que les prestations soient versées durant 50 semaines peut accroître le taux de chômage total de 2,3 %. Bien sûr, cette évaluation est approximative, et elle ne tient compte ni des prestations régionales de prolongation ni des effets sur le plan de l'intensité de la recherche et du salaire à la réembauche. Elle sert uniquement à quantifier de façon approximative les répercussions d'une durée de prestations de 50 semaines pour tous, par rapport à une durée de prestations nulle pour tous.

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Conclusions

En résumé, l'étude débouche sur plusieurs conclusions intéressantes. Tout d'abord, les prestations d'assurance-chômage ne semblent pas avoir d'effets négatifs importants sur la productivité de la recherche d'emploi lorsqu'on la mesure en fonction de l'effort de recherche. Ce résultat peut surprendre compte tenu des travaux portant sur des expériences faites aux États-Unis. À l'heure actuelle, ces résultats sont fondés sur des méthodes trop différentes pour qu'on puisse faire un quelconque rapprochement direct. Toutefois, il semble possible qu'à un moment donné il y ait aux États-Unis une recherche au cours de laquelle on mesurerait l'intensité de la recherche d'emploi de la même façon qu'elle l'a été lors de l'enquête à échantillon constant menée auprès de la clientèle des CEC.

La productivité de la recherche d'emploi a également été mesurée selon les extrants du processus de recherche, à savoir le salaire à la réembauche et les probabilités de se trouver un emploi. L'étude a révélé que l'existence des prestations d'assurance-chômage peut accroître le salaire à la réembauche. L'importance de cet effet n'est pas suffisamment grande pour que l'on puisse déduire qu'elle justifie les coûts; toutefois, une analyse avantages-coûts plus approfondie fondée sur les résultats de l'étude pourrait permettre d'éclaircir la question. Ce qui est clair toutefois, c'est qu'une grande part des gains salariaux pourrait être obtenue même si la période de prestations était inférieure à 50 semaines.

L'effet de l'assurance-chômage sur la probabilité de réembauchage découlant de la recherche d'emploi donne à croire que l'assurance-chômage a des effets quantitatifs importants sur le chômage en général. Le résultat pur et net de cette étude, c'est que les prestations d'assurance-chômage ont un effet non négligeable sur la probabilité de réembauchage, ce qui pourrait avoir une incidence négative sur le taux du chômage total. Pour compenser cette incidence indésirable, les prestations d'assurance-chômage améliorent indirectement le salaire à la réembauche. Cet effet positif est peu important, et pourrait être obtenu même si les périodes de prestations étaient plus courtes. Lorsqu'on évalue le rôle des prestations d'assurance-chômage, il faut comparer la valeur positive du tandem «prestations d'assurance-chômage et recherche d'emploi» aux coûts de l'assurance-chômage en fait de prestations versées et de taux de chômage plus élevé.

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Notes biographiques

Pierre Fortin est professeur de sciences économiques à l'Université du Québec à Montréal. Il est actuellement rédacteur en chef de L'actualité économique, membre du conseil éditorial de la revue Analyse de Politiques, membre du conseil consultatif de l'Institut C.D. Howe, membre du Canadian Productivity Network et membre du Comité des tendances sociales de Centraide (Montréal). Les sujets de recherche auxquels il s'intéresse actuellement comprennent la dynamique des salaires et de l'emploi, les politiques budgétaire et monétaire, la politique sociale et l'économie démographique. M. Fortin a publié des articles savants dans nombre de revues universitaires et professionnelles reconnues.

Paul Storer, titulaire d'un doctorat de l'University of Western Ontario, est actuellement professeur au département des sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal. Il a été économiste à la Banque du Canada durant trois ans avant d'entreprendre son programme de doctorat. Parmi ses domaines de spécialisation, mentionnons l'économie monétaire, la macro-économique, l'économie du travail et l'économétrie. Marc Van Audenrode, titulaire d'un doctorat de l'University of California à Berkeley, est actuellement professeur de sciences économiques à l'Université du Québec à Montréal. Parmi ses domaines de spécialisation, notons les causes du chômage, l'économie des institutions du marché du travail et les contrats d'emploi.

Pierre-Yves Crémieux, qui a obtenu un doctorat en sciences économiques à l'University of California à Berkeley, est devenu professeur adjoint à l'Université du Québec à Montréal en 1992. Ses domaines de recherche sont l'organisation industrielle, l'économie du travail et les relations de travail.

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