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La norme d'admissibilité à l'assurance-chômage

David Green et Craig Riddell

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Objet

Le présent document résume une étude qui fait partie d'une nouvelle et importante évaluation du programme canadien de prestations ordinaires d'assurance-chômage. L'étude s'attache à établir le bien-fondé d'un régime public d'assurance-chômage, en examinant les répercussions de la norme d'admissibilité sur le comportement de l'offre de main-d'oeuvre. Il s'agit de la première des trois parties d'une analyse portant sur la protection temporaire du revenu et le rôle d'assurance que joue l'assurance-chômage.

[ Table des matières ]

Introduction et contexte

Le principal objectif déclaré du régime d'assurance-chômage est de procurer une assurance contre l'interruption de rémunération attribuable au chômage. Ce principe pourrait être nommé objectif d'assurance ou objectif d'efficience, en ce que la quasi-impossibilité pour les marchés privés d'offrir de l'assurance-chômage d'une façon exhaustive constitue en soi la justification fondamentale de l'efficience d'un régime d'assurance-chômage financé par le public.

Deux phénomènes inhérents à tout marché d'assurance influent sur la mesure dans laquelle l'objectif d'assurance peut être atteint : l'antisélection et le risque moral. L'antisélection se produit lorsque les personnes les plus susceptibles d'acheter de l'assurance sont celles qui sont les plus exposées à un risque. Le risque moral découle du fait que les personnes qui sont assurées modifient leur comportement d'une façon qui les rend plus susceptibles de devoir demander une indemnisation. En raison de ces deux phénomènes, il est plus coûteux pour la société d'offrir un tel programme au public.

En ce qui concerne le régime d'assurance-chômage, les problèmes qui découlent de l'antisélection sont réduits de façon substantielle par l'obligation d'y adhérer. Au Canada, où plus de 90 % des travailleurs sont couverts par le régime d'assurance-chômage, les problèmes rattachés à l'antisélection tiennent principalement à la récente croissance de l'emploi non standard (par exemple, le travail à temps partiel, la sous-traitance, etc.) qui, à l'heure actuelle, n'est pas couvert. Cependant, les effets du risque moral demeurent une préoccupation capitale au chapitre de l'assurance-chômage, et la présente étude s'y intéresse de façon importante.

La mesure dans laquelle le régime d'assurance-chômage répond à l'objectif d'assurance dépend du montant et de la durée des prestations. Plus elles sont généreuses (c'est-à-dire plus la période d'attente est courte, plus le taux de remplacement du salaire ou taux des prestations est élevé, plus la période de prestations est longue), plus la valeur de l'assurance-chômage en tant qu'assurance est élevée, mais plus les effets du risque moral de l'assurance-chômage sont importants eux aussi. Par conséquent, il faut trouver un compromis entre la satisfaction de l'objectif d'assurance et la réduction au minimum des coûteux effets secondaires du risque moral.

Au cours de son évolution, l'assurance-chômage a aussi tenté de répondre à des objectifs d'équité quant à la répartition du revenu parmi les particuliers et les régions. La mesure dans laquelle l'assurance-chômage devrait tenter de satisfaire des objectifs d'équité, et celle dans laquelle les objectifs d'assurance et de répartition devraient s'équilibrer sont d'importantes questions auxquelles devrait s'attacher toute évaluation globale du régime d'assurance-chômage.

L'étude plus importante sur le rôle de l'assurance-chômage comme protection temporaire du revenu ou assurance aborde un certain nombre de questions, à savoir les compromis à faire pour atteindre l'objectif d'assurance, par suite des effets du risque moral, et les compromis possibles entre les objectifs d'assurance et d'équité du régime. Ces questions soumises à l'évaluation sont intimement liées aux questions se rapportant aux effets des paramètres de l'assurance-chômage (comme le taux des prestations, la période de prestations et la norme d'admissibilité) sur la participation au marché du travail ainsi que sur la durée d'emploi et de non-emploi.

La norme d'admissibilité à l'assurance-chômage constitue un outil capital pour régler les problèmes de risque moral de l'assurance-chômage et elle est l'objet de la présente analyse. Le relèvement de la norme d'admissibilité, c'est-à-dire la prolongation de la période de travail, fera en sorte que les particuliers seront moins susceptibles de se trouver un emploi ou de prolonger une période d'emploi temporaire pour devenir admissibles à l'assurance-chômage. L'établissement d'une norme d'admissibilité très élevée peut aussi décourager le recours à l'assurance-chômage pour subventionner le travail saisonnier. Par contre, une courte période de travail peut faire en sorte qu'il en coûte moins cher aux travailleurs et aux entreprises pour mettre fin à une relation d'emploi de piètre qualité, ce qui peut permettre aux travailleurs de consacrer plus d'efforts à trouver un emploi qui leur convient mieux. Pour ces deux raisons, il serait utile de savoir si la norme d'admissibilité a des répercussions importantes sur la durée d'emploi et comment les particuliers s'adaptent aux modifications de la norme d'admissibilité.

La présente étude tente de répondre à trois questions principales :

  1. La norme d'admissibilité a-t-elle un effet important sur la durée d'emploi?
  2. Dans l'affirmative, dans quelle mesure une modification de cette norme modifie-t-elle la répartition des durées d'emploi?
  3. Comment les particuliers s'adaptent-ils à un relèvement de la norme d'admissibilité?

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Données et méthodes d'évaluation

L'analyse empirique repose sur les données de l'Enquête sur l'activité de 1989 et de 1990 (EA) : fondée sur un important échantillon représentatif de Canadiens, l'Enquête sur l'activité fournit des informations rétrospectives sur l'activité et sur les caractéristiques personnelles et professionnelles durant l'année en cause. On utilise une version spéciale de l'Enquête sur l'activité, dans laquelle le code du lieu de résidence indique la région de l'assurance-chômage dans laquelle vit le particulier plutôt que la province, comparativement à l'ensemble de données de Statistique Canada à l'usage du public. Comme les paramètres de l'assurance-chômage varient selon les régions de l'assurance-chômage et que la plupart des provinces contiennent plusieurs de ces régions, l'information sur celles-ci est cruciale pour évaluer avec exactitude les effets de l'assurance-chômage sur le comportement des particuliers. La disponibilité des données de l'Enquête sur l'activité pour ces années est capitale selon le plan d'évaluation. Les données en question se concentrent sur une activité qui se prête à une expérience naturelle, c'est-à-dire sur la suspension temporaire en 1990 de la norme variable d'admissibilité (NVA). Cette suspension a accru le nombre de semaines pendant lesquelles un particulier doit travailler pour être admissible à des prestations, et l'on s'attendait à ce qu'elle modifie le comportement et suscite des réactions différentes d'un particulier à l'autre à un moment déterminé. Dans le cas présent, on peut faire une comparaison entre la répartition des durées d'emploi en 1989, lorsque la NVA avait cours, et en 1990, moment où une norme d'admissibilité fixe de 14 semaines existait dans toutes les régions.

L'analyse se concentre sur le comportement qui avait cours dans les «régions d'admissibilité maximale», régions de l'assurance-chômage où le taux de chômage était égal ou supérieur à 11,5 % tout au long de 1989 et de 1990. Dans ces régions, en 1989, dix semaines de travail permettaient aux prestataires d'assurance-chômage de toucher jusqu'à 42 semaines de prestations, alors que du 6 janvier au 18 novembre 1990, il fallait 14 semaines d'emploi pour être admissible aux prestations. Dans ces régions d'admissibilité maximale, la seule différence entre 1989 et 1990 quant aux paramètres du régime d'assurance-chômage est cette modification de la norme d'admissibilité. Comme toutes les autres caractéristiques du régime sont les mêmes, on peut examiner exclusivement les effets d'une modification de la norme d'admissibilité. Ainsi, sur le plan méthodologique, l'étude repose à la fois sur une expérience naturelle et une modélisation économétrique structurelle. L'analyse des données de l'Enquête sur l'activité est fondée sur la notion de fonctions de risque appliquées au taux de risque ou au taux de sortie de l'emploi. La comparaison des taux de risque des deux années nous permet de cerner les effets de la modification de la norme d'admissibilité.

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Principaux résultats

Dans l'ensemble, l'analyse indique que la norme d'admissibilité à l'assurance-chômage influe bel et bien sur les choix en matière d'emploi.

Une norme d'admissibilité plus élevée fait augmenter de façon importante la durée d'emploi, au point que le prestataire atteint presque ou atteint effectivement le nombre de semaines de travail requises. Plus précisément, l'augmentation marquée du taux des départs, ou «crête», observée à dix semaines en 1989, est passée à 14 semaines ou plus en 1990.

Le relèvement de la norme d'admissibilité a eu pour effet d'augmenter de 1,5 semaine la durée d'emploi moyenne et de diminuer de 0,4 % le taux de chômage dans les régions d'admissibilité maximale.

Les bas salariés des industries saisonnières sont les plus touchés par les changements.

Le fait que la durée d'emploi change beaucoup plus dans le cas des courtes périodes de travail qui se terminent par des mises à pied que dans le cas de celles qui se terminent par des départs volontaires donne à penser que les changements observés touchent tant les entreprises que les travailleurs.

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Notes bibliographiques

Craig Riddell est professeur et chef du département des sciences économiques de l'University of British Columbia. Il a publié nombre d'articles dans des publications savantes et des revues professionnelles, qui concernent principalement la recherche dans le domaine des relations de travail, de l'économie du travail et de la politique gouvernementale. Il a été coordonnateur de la recherche sur les marchés du travail et les relations de travail pour la Commission royale d'enquête sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada, de 1983 à 1985. M. Riddell est actuellement coprésident du Forum Canadien de recherche sur la situation d'emploi, à titre de représentant du milieu

David Green est actuellement professeur adjoint des sciences économiques à l'University of British Columbia, où il concentre ses activités d'enseignement et de recherche sur l'économie du travail, l'économétrie appliquée et l'histoire économique.

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