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L'assurance-chômage, les mises à pied temporaires et les attentes quant au rappel au travail

Miles Corak

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Objet

Le présent document résume une étude d'évaluation qui visait à établir la relation entre la nature des mises à pied et la façon dont le régime d'assurance-chômage est utilisé. Cette étude a une caractéristique unique : l'aspect demande de main-d'oeuvre est aussi considéré dans l'interprétation qui est faite de la relation entre les mises à pied et le recours au régime d'assurance-chômage. L'étude comprend trois objectifs particuliers :

  1. Réunir des données relativement à l'importance des mises à pied temporaires sur le marché du travail canadien;
  2. Étudier la relation qui existe entre les mises à pied temporaires et le recours répété au régime d'assurance-chômage;
  3. Étudier le lien entre le nombre de semaines de prestations d'assurance-chômage touchées par les travailleurs mis à pied et leur attente d'être rappelés par leur ancien employeur.

[ Table des matières ]

Contexte

Le débat actuel concernant le Régime d'assurance-chômage canadien a souvent porté sur l'interaction de l'assurance-chômage et de l'offre de main-d'oeuvre sur le marché du travail en excluant de façon à peu près totale toute question associée à la demande de main-d'oeuvre. Les défis à relever dans le cadre de la réforme de l'assurance-chômage sont souvent exprimés sous forme de questions relatives à l'offre de main-d'oeuvre (par exemple, les obstacles au travail qui sont créés ou les «abus» manifestes que font les prestataires), mais rarement sous forme de questions rattachées à la demande, comme les facteurs incitatifs qui peuvent influencer les entreprises dans leurs décisions d'embauche et de mise à pied. Plusieurs raisons expliquent ce déséquilibre, et la plus importante a fort probablement trait au genre de données auxquelles ont accès les chercheurs et les analystes de la politique. La plupart des données disponibles pour qui veut analyser les répercussions de l'assurance-chômage sur le marché du travail sont fondées sur les enquêtes menées auprès des ménages. On réunit énormément de données sur le comportement des personnes, mais très peu sur les entreprises qui les emploient.

La principale question associée à la demande de main-d'oeuvre réside dans les conséquences de l'établissement des cotisations d'assurance-chômage en fonction d'un système de taux particuliers, méthode plutôt imparfaite. On dit d'un régime d'assurance-chômage que ses cotisations sont établies en fonction d'un système de taux particuliers lorsque les impôts que paie chaque travailleur et chaque entreprise varient en fonction du montant des prestations dont ils sont responsables; ainsi, les entreprises qui sont à l'origine d'une grande utilisation de l'assurance-chômage paieront plus que les autres. Le régime d'assurance-chômage canadien ne fonctionne absolument pas de cette façon, et des analystes ont déjà laissé entendre que cela suppose qu'il subventionne implicitement les entreprises qui augmentent l'ampleur de leurs mises à pied, particulièrement lorsqu'il s'agit de mises à pied temporaires. Les mises à pied sont une façon d'adapter l'entreprise à une période où le chiffre d'affaires diminue, mais il y a d'autres façons d'y arriver : modifier les heures et les salaires, s'orienter vers la production de stocks ou modifier de façon encore plus fondamentale l'organisation du travail, les tâches et compétences des travailleurs ainsi que l'ampleur du travail partagé. Fondamentalement, les entreprises recourent davantage aux mises à pied temporaires et moins aux autres mécanismes parce qu'elles peuvent ainsi faire porter une partie du coût d'adaptation au Trésor public, par le truchement de l'assurance-chômage.

La définition de mise à pied temporaire utilisée dans la présente étude se fonde sur la mesure dans laquelle un travailleur peut s'attendre (au moment d'être mis à pied) à être rappelé au travail. La certitude d'être rappelé varie selon les travailleurs en fonction de ce qu'ils comprennent des intentions de l'entreprise. C'est ce critère qui influe sur le comportement et, en particulier, sur le recours au régime d'assurance-chômage.

On a souvent dit qu'un recours répété et intensif au régime d'assurance-chômage était un problème touchant l'offre de main-d'oeuvre. La disponibilité et la générosité du régime d'assurance-chômage décourageraient les prestataires de tenter de s'adapter de façon à être plus susceptibles d'obtenir un emploi stable à long terme ou encourageraient une participation à la vie active uniquement pour obtenir l'admissibilité aux prestations. Cependant, si la mise à pied temporaire constitue un élément important du fonctionnement du marché du travail, il peut être trompeur d'interpréter le recours répété et généralisé à l'assurance-chômage en se fondant uniquement sur les considérations qui touchent l'offre de main-d'oeuvre. Les intéressés peuvent devoir refaire sans fin le cycle de l'assurance-chômage et de l'emploi avec un même employeur. Le fait qu'on n'établisse pas les cotisations en fonction d'un système de taux particuliers peut par conséquent avoir des conséquences, sur le plan de l'utilisation du régime d'assurance-chômage, qui vont au delà de ses répercussions sur le nombre absolu de demandes de prestations.

Souvent, le rappel n'est qu'une possibilité, et il n'est jamais absolument certain. Les entreprises peuvent, au moment d'une mise à pied, s'attendre à rappeler un employé, mais elles peuvent aussi avoir surestimé la croissance de la demande qui justifierait ce rappel ou, de façon générale, avoir surestimé leur capacité de corriger la situation. De même, elles peuvent faire l'erreur inverse et mettre à pied les travailleurs sans s'attendre à devoir les rappeler pour découvrir plus tard que les difficultés n'étaient que temporaires et qu'il serait utile de les rappeler. Les prestataires qui s'attendent à être rappelés ont moins tendance à se chercher un nouvel emploi, et ceux qui s'y attendaient à tort peuvent passer une très longue période au chômage. Le montant des prestations qui leur est alors versé est déterminé tant par les décisions du travailleur que par celles de son entreprise.

La présente étude tente de réunir les aspects de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre et s'attache particulièrement à établir comment le recours au régime d'assurance-chômage est déterminé conjointement par les décisions du travailleur et de l'employeur.

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Méthodologie et données

l'aide des renseignements contenus dans le relevé d'emploi et les relevés fiscaux des particuliers, l'étude tente d'établir un indicateur de mesure du nombre de départs temporaires et permanents qui est fondé uniquement sur les fins d'emploi réelles. Le nombre total de relevés d'emploi émis permet d'évaluer le nombre de fins d'emploi qui se produisent dans l'économie. On définit comme fin d'emploi temporaire le cas où une personne a obtenu un revenu d'emploi du même employeur dans l'année qui suit la fin de son emploi.

Au moment de l'émission du relevé d'emploi, l'employeur doit indiquer s'il s'attend à rappeler l'employé au travail, et la date à laquelle il prévoit le faire, le cas échéant. C'est la source de l'information que nous utilisons ici sur les mises à pied temporaires prévues. L'année 1986 est la première année où l'on a réuni des informations sur les rappels, et les données portent sur la période qui s'est écoulée depuis lors jusqu'à quelque part en 1992.

Comme la présente étude vise à établir le lien qui existe entre le genre de fin d'emploi et le régime d'assurance-chômage, on a réuni des renseignements figurant sur le relevé d'emploi avec les données administratives de l'assurance-chômage fondées sur un échantillonnage d'un prestataire sur dix qui a reçu des prestations d'assurance-chômage à un moment ou à un autre entre 1986 et 1988.

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Principaux résultats

Ampleur des mises à pied temporaires

Les mises à pied temporaires constituent une dimension importante du mode de fonctionnement du marché du travail. Au cours des années 1986 à 1988, presque 60 % des travailleurs mis à pied ont été rappelés par leurs employeurs, mais une proportion encore plus grande, soit 80 % environ, s'attendaient à un rappel au moment de la mise à pied.

Il arrive souvent que le travailleur qui s'attend à être rappelé ne le soit pas. Environ 20 % des travailleurs mis à pied avec une date de retour établie ne sont, en fin de compte, jamais rappelés. Lorsqu'un rappel est prévu, mais qu'aucune date n'est précisée, la proportion de travailleurs mis à pied qui ne sont pas rappelés est plus près des 40 %.

Par contre, 25 % des travailleurs mis à pied qui ne s'attendaient pas à être rappelés finissent par retourner travailler pour l'employeur qui les avait mis à pied.

Mises à pied temporaires et recours répété à l'assurance-chômage

Le recours répété à l'assurance-chômage est énorme, mais on ne devrait pas penser qu'il résulte uniquement des choix faits par les travailleurs. La dépendance chronique à l'égard de l'assurance-chômage est associée à un cycle dans lequel le chômeur passe de l'assurance-chômage à l'emploi qu'il exerçait auparavant chez son employeur.

À tout moment, une proportion aussi élevée que 80 % des prestataires d'assurance-chômage ont déjà touché des prestations auparavant, et pour quelque 40 % d'entre eux, il s'agit de leur cinquième période de prestations ou plus.

Plus de 40 % des personnes qui ont présenté au moins cinq demandes de prestations durant la période de 12 ans qui s'est écoulée entre 1978 et 1989 avaient travaillé pour trois employeurs ou moins. Les décisions d'embauche ou de mise à pied prises par les entreprises constituent donc un important aspect de ce cycle de dépendance à l'égard de l'assurance-chômage.

Attentes quant au rappel et durée des prestations d'assurance-chômage

Plus un travailleur s'attend à être rappelé, moins le nombre de semaines de sa période de prestations sera élevé. Durant la période allant de 1986 à 1988, les travailleurs dont la date de rappel était définie (environ 9 % des travailleurs mis à pied) n'ont touché des prestations que durant 16 semaines en moyenne; ceux qui s'attendaient à être rappelés, mais qui ne connaissaient pas la date de leur rappel (68 % des prestataires) ont perçu en moyenne des prestations durant 24 semaines, et les travailleurs qui avaient été mis à pied sans s'attendre à être rappelés (environ 13 % des prestataires mis à pied) ont retiré des prestations durant en moyenne 28 semaines.

Les erreurs quant aux attentes relatives à la date de rappel allongent beaucoup la durée réelle de la période de prestations. Les travailleurs qui s'attendent à être rappelés, mais qui, en bout de ligne, ne le sont pas, représentent environ 30 % des travailleurs mis à pied, et ils reçoivent environ 35 % de toutes les prestations qui sont versées. Les travailleurs mis à pied qui s'attendent fortement à être rappelés et qui, en fait, le sont effectivement, ont perçu en moyenne 14 semaines de prestations seulement, tandis que ceux qui n'ont pas été rappelés ont touché des prestations durant presque 23 semaines.

Du côté de l'offre, les déterminants de la durée des prestations n'ont qu'un effet tout à fait secondaire. Les répercussions des attentes quant au rappel dominent nettement celles de tout autre facteur, dont l'occupation, l'industrie, la province, l'âge ou la durée d'occupation d'un emploi.

Les chances d'abandonner l'assurance-chômage pour occuper un emploi augmentent de façon marquée à mesure qu'approche la date d'épuisement des prestations, passant d'environ 10 % à plus de 30 % dans les dernières semaines de la période de prestations. Ces chiffres sont attribuables non seulement à la probabilité de trouver un nouvel emploi, mais aussi à celle d'être rappelé. Même si certains prestataires semblent chercher un nouvel emploi de façon plus intensive lorsqu'approche la fin des prestations ou acceptent plus volontiers n'importe quelle offre d'emploi, certaines entreprises semblent synchroniser leurs décisions de rappeler leurs employés mis à pied avec la fin de l'admissibilité aux prestations de ces derniers.

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Conclusions et enjeux sur le plan de la politique

Le principal message de l'étude est celui-ci : lorsqu'il faut déterminer la façon dont l'assurance-chômage est utilisée, la demande et l'offre de main-d'oeuvre sont d'égale importance. Un nouvel indicateur de mesure des mises à pied temporaires a été établi, et il est fondé sur la mesure dans laquelle le prestataire s'attend à être rappelé au travail. Les mises à pied temporaires et prévues constituent un élément très important du mécanisme de fonctionnement du marché du travail, car elles représentent jusqu'à 80 % de toutes les mises à pied. Cet indicateur permet aussi d'attirer l'attention des analystes sur un groupe de chômeurs naguère négligé : ceux qui, au départ, s'attendent à être rappelés, mais en vain. Les mises à pied temporaires expliquent aussi beaucoup le recours intensif et répété au régime d'assurance-chômage, ainsi que le nombre de semaines de prestations perçues pour toute demande de prestations. On peut considérer ces résultats comme certaines des conséquences de la politique actuelle, dans la mesure où la non-fixation de taux de cotisation particuliers occasionne un volume de mises à pied temporaires plus important.

En règle générale, ces résultats permettent de mieux comprendre la mécanique du marché du travail et son interaction avec l'assurance-chômage. Ils mettent également au jour trois enjeux quant à la politique. Le premier a trait aux recommandations d'avis obligatoire avant toute mise à pied individuelle ou collective. Ces recommandations sont souvent fondées sur des analyses qui établissent une distinction marquée entre les départs temporaires et les départs permanents. La notion de mise à pied temporaire prévue, introduite ici, donne à croire que la réalité est plus complexe, et que le groupe ciblé par cette politique du préavis (à savoir les travailleurs mis à pied de façon permanente sans attente de rappel au moment de leur mise à pied) constitue une minorité distincte. Les personnes qui, au moment de leur mise à pied, s'attendent à être rappelées, mais en vain, sont plus nombreuses, et ce genre de politique ne les sert pas. Il faut encourager les entreprises à révéler de la façon la plus exacte possible la mesure dans laquelle elles comptent rappeler leurs travailleurs. Le préavis n'est pas très utile à cet égard et pourrait même exacerber le problème.

Les résultats de l'étude peuvent aussi contribuer à une nouvelle étude de la façon dont le régime d'assurance-chômage est financé. Certains analystes ont prétendu que les cotisations d'assurance-chômage devraient toutes être établies en fonction d'un système de taux particuliers, c'est-à-dire que le taux de cotisation de chaque entreprise devrait être fonction du montant des prestations qu'on pourrait devoir verser à ses travailleurs; selon d'autres analystes, l'établissement des cotisations en fonction d'un système de taux particuliers devrait se faire au niveau du secteur d'activité.

La présente étude fait ressortir la possibilité d'établir une formule de taux particuliers légèrement différente et légèrement plus souple. Comme on a découvert que la probabilité d'un rappel semble augmenter de façon marquée avec l'imminence de la fin des prestations, on est porté à penser qu'on pourrait inciter les employeurs à rappeler leurs travailleurs plus vite si l'on augmentait le coût du chômage de longue durée pour l'entreprise. Les prestations versées aux travailleurs mis à pied pour une longue période (c'est-à-dire plus de six ou sept mois) pourraient être facturées directement à l'entreprise responsable de la mise à pied, ce qui l'inciterait à rappeler ces travailleurs plus tôt. Dans le cas de mises à pied permanentes, ou dans le cas de mises à pied temporaires prévues qui mènent à une mise à pied permanente, les entreprises seraient encouragées à participer davantage au counselling d'emploi et au perfectionnement des compétences de leurs employés. De cette façon, les cotisations d'assurance-chômage ne seraient plus des «taxes sur l'emploi» mais des «taxes sur le chômage».

Les résultats de l'étude supposent aussi qu'il faudra réformer la structure des prestations d'assurance-chômage. On établit souvent une distinction entre un régime d'assurance-chômage «passif» et un régime d'assurance-chômage «actif». Le premier offre un soutien du revenu durant les périodes de chômage, tandis que le second impose aux prestataires une certaine obligation de prendre des mesures d'adaptation afin d'améliorer leur employabilité. Un programme actif cherche à promouvoir tous les genres de mobilité dans l'espoir de stabiliser l'activité et, par le fait même, de réduire le recours à l'assurance-chômage. Le régime canadien d'assurance-chômage contient des éléments d'un soutien actif comme d'un soutien passif. Une proportion très élevée des travailleurs mis à pied s'attendent à être rappelés. Ceux-là seraient moins enclins à participer à des programmes conçus pour rompre le lien qui existe entre les prestataires et leurs précédents employeurs. De façon plus générale, un programme actif doit corriger ou modifier les attentes quant au rappel. Par exemple, si on veut que le programme de counselling d'emploi soit efficace, il doit prendre en compte non seulement la capacité d'une personne à se trouver un nouvel emploi, mais aussi la certitude qu'elle a d'être rappelée par son employeur précédent. Le programme pourra donc devoir encourager les personnes en cause à revoir leurs attentes.

En outre, deux groupes cibles pourraient être inclus dans un programme de ce genre : les travailleurs qui ne s'attendent pas à être rappelés, et ceux dont l'attente est irréaliste (ou qui, en bout de ligne, auront attendu en vain). Ceux qui ne s'attendent pas à être rappelés, qui sont susceptibles de recevoir des prestations durant la plus longue période, pourraient devoir s'inscrire à un programme de counselling professionnel au début de leur période de chômage. Ceux qui s'attendent à être rappelés, mais qui n'ont pas de date définie, pourraient devoir s'inscrire à un programme de ce genre plus tard dans leur période. Si on laisse s'écouler une période suffisamment longue, un genre d'autosélection pourrait s'effectuer. Les travailleurs qui s'attendent à bon droit à être rappelés sont les plus susceptibles de ne devoir recourir à l'assurance-chômage que durant une courte période. Le délai d'attente prévu dans le cas du programme de counselling devrait être suffisamment long pour que les personnes s'éliminent d'elles-mêmes du nombre des participants possibles, ce qui permettra de cibler de façon efficace les travailleurs dont les attentes quant au rappel sont peu susceptibles de se réaliser.

Ce sont là des exemples du genre de questions dont il faudrait débattre. Le fait qu'elles ne l'aient pas été jusqu'à présent témoigne de l'étroitesse d'une approche du marché du travail axée uniquement sur l'offre de main-d'oeuvre, approche qui devrait être élargie, du moins nous l'espérons, par les données présentées ici.

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