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Les effets de l'assurance-chômage sur les salaires, l'intensité de la recherche d'emploi et la probabilité d'un réemploi

Pierre-Yves Crémieux, Pierre Fortin, Paul Storer et Marc Van Audenrode

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But

Le but du présent document d'évaluation est de présenter les résultats préliminaires d'un important projet de recherche sur les effets de l'assurance-chômage et d'autres déterminants sur la durée des périodes de chômage, l'intensité de la recherche d'emploi et la rémunération après le déplacement.

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Introduction

Le document s'appuie sur une étude antérieure des mêmes auteurs, intitulée L'assurance-chômage et la productivité de la recherche d'emploi, et en élargit la portée pour inclure une analyse exhaustive des déterminants du salaire d'acceptation, en mettant particulièrement l'accent sur l'admissibilité à l'assurance-chômage.

L'étude se divise en cinq sections.

  • La description des travaux entrepris sur les données du sondage Canadian Out of Employment Panel (COEP) pour les adapter à l'analyse.
  • La reprise de la validation de l'étude antérieure au moyen de données du National Employment Survey (NES) et une comparaison des résultats au moyen de la série de données du COEP.
  • L'examen des résultats préliminaires sur les déterminants du salaire d'acceptation, à la fois dans un contexte statique et dynamique, avec un accent particulier sur l'admissibilité à l'assurance-chômage.
  • La démonstration du fait que l'admissibilité à l'assurance-chômage a un effet de courbe en cloche sur la possibilité de réemploi.
  • Le sommaire des principaux résultats touchant les répercussions de l'utilisation antérieure de l'assurance-chômage sur la durée et la fréquence des périodes de chômage.

[ Table des matières ]

Méthodologie et analyse des données

Données du sondage Canadian Out of Employment Panel

L'étude antérieure présentait peut-être un biais de sélection à l'égard de l'ensemble de la population en chômage parce que toutes les personnes visées par le NES avaient pris les mesures nécessaires pour entrer en contact avec un Centre d'emploi du Canada. Le COEP corrige les limites du NES en assurant un échantillonnage aléatoire des répondants qui ont déposé un relevé d'emploi pendant le premier semestre de 1993, en utilisant une période différente du cycle économique, et en améliorant la correspondance avec le dossier administratif des répondants.

La série de données a été établie à partir de l'échantillon permanent du COEP, avec un échantillon aléatoire de travailleurs qui avaient quitté leur employeur au cours des six premiers mois de 1993. Les répondants ont été interrogés cinq, huit et douze mois après leur date de cessation d'emploi. Lors de ces entrevues, les répondants ont été interrogés sur leurs caractéristiques socio-économiques, leur situation sur le marché du travail, leurs activités de recherche d'emploi et les caractéristiques de leur nouvel emploi s'ils en avaient trouvé un.

Selon les données du COEP, un nombre important de travailleurs ayant perdu ou quitté leur emploi étaient des employés saisonniers de l'Ontario et du Québec qui avaient généralement un faible niveau d'éducation. La durée moyenne du chômage était de 24 semaines. La mise à jour de mars 1994 du profil vectoriel a été utilisée pour évaluer l'admissibilité des travailleurs aux prestations d'assurance-chômage. Trois types d'utilisateurs ont été définis : ceux qui n'avaient jamais présenté de demande, ceux qui ont présenté une nouvelle demande au moment où ils ont perdu leur emploi et ceux qui ont renouvelé une demande existante. Les données du COEP présentaient un autre avantage en ce que la disponibilité de données complètes de l'historique de la situation sur le marché du travail permettait le calcul du nombre total de demandes déposées par un répondant. Ce total comprend toutes les demandes pour lesquelles des paiements ont été accordés, le nombre de semaines payées et le montant total des paiements de ces demandeurs. De plus, pour les demandeurs ayant déposé plus d'une demande, la fréquence des demandes a été prise en compte. Cette donnée historique a été utilisée dans la présente étude pour analyser les effets de l'expérience antérieure en matière d'assurance-chômage sur le comportement du chômeur.

Reprise du National Employment Survey

L'effet de l'assurance-chômage sur les efforts de recherche d'emploi des chômeurs a été réévalué de façon plus détaillée grâce à la série de données améliorées. Les deux principaux résultats de l'étude NES étaient les suivants : l'admissibilité à l'assurance-chômage n'avait presque pas d'influence directe sur l'intensité de la recherche d'emploi; l'effort de recherche diminuait après neuf mois de chômage, et devenait nul après 18 mois. La série de données du COEP fournissait une meilleure information sur les activités de recherche car on demandait précisément aux répondants combien d'heures ils avaient consacrées à la recherche d'emploi au cours d'une semaine moyenne de la période de chômage.

Deux analyses relatives aux répercussions de l'assurance-chômage sur les efforts de recherche d'emploi sont présentées. La première examine les efforts de recherche au début de la période de chômage. Les gens qui possèdent des actifs importants ont tendance à chercher moins alors que les travailleurs plus âgés, les hommes, les travailleurs ayant perdu un emploi où ils avaient de l'ancienneté et les gens qui ont des dettes importantes ou des paiements hypothécaires élevés cherchaient plus activement. Les travailleurs syndiqués cherchent beaucoup moins que les autres. L'admissibilité à l'assurance-chômage n'a pas d'effet important sur les efforts de recherche au début. Les travailleurs qui perdent un emploi saisonnier recherchent un emploi beaucoup moins intensément que les autres. L'analyse a aussi révélé que les travailleurs qui ont déposé de nombreuses demandes auparavant ont tendance à effectuer des activités de recherche restreintes non parce qu'ils ont déposé de nombreuses demandes dans le passé, mais parce qu'ils s'attendent souvent à un rappel dans le cadre de leur emploi saisonnier.

La seconde analyse a examiné l'intensité de l'effort à diverses étapes de la période de chômage. Cette analyse est fondée sur les questions posées à des travailleurs en chômage au sujet de leurs efforts de recherche d'emploi juste avant l'entrevue. Il a aussi été possible d'examiner avec quelle intensité les gens effectuaient leur recherche à divers stades de la période de chômage. Pour les travailleurs ayant droit à plus de 40 semaines de prestations, il reste qu'il n'existe aucune relation importante entre l'admissibilité et les caractéristiques de la recherche au cours des périodes de chômage, même en tenant compte de la durée du chômage. On a établi que l'intensité de la recherche a tendance à s'accroître au début d'une période de chômage puis à tomber, quelle que soit l'admissibilité du répondant à l'assurance-chômage. Le moment auquel l'intensité commence à diminuer se rapproche de la période de six mois après la cessation d'emploi dont il a été question dans l'étude précédente. On peut notamment expliquer ce résultat par le fait que l'expérience des deux dernières récessions a enseigné aux chômeurs à maîtriser leur découragement.

La série de données du COEP a donné des résultats intéressants sur le plan des salaires. Comme c'était le cas pour la série de données du NES, on a constaté que l'admissibilité à l'assurance-chômage augmentait de 7 à 8 % le salaire postérieur à l'emploi. Les pertes de salaire, même en tenant compte du salaire précédent, sont fortement reliées au niveau d'éducation. Moins les gens sont éduqués, plus ils enregistrent des pertes. En effet, les pertes de salaire sont 16 % plus élevées pour les travailleurs n'ayant pas plus qu'un cours élémentaire et 11 % plus élevées pour les travailleurs ayant une certaine formation universitaire. Les pertes de salaire sont aussi plus importantes pour les travailleurs plus jeunes. La confirmation de ces résultats donne à penser que la dernière récession a frappé plus durement les travailleurs plus jeunes que leurs aînés. Ces résultats ont été confirmés après utilisation d'un ensemble de méthodes économétriques pour traiter de ces questions potentiellement techniques.

Analyse de l'assurance-chômage et du salaire d'acceptation

Les données du COEP avaient aussi pour caractéristique particulière importante de fournir des renseignements détaillés sur l'actif et le passif du répondant. Ces variables sont nettement susceptibles d'influencer le salaire d'acceptation du chômeur, sans toucher directement la durée de la période de chômage.

Avec la série de données du COEP, il est maintenant possible d'analyser le salaire d'acceptation tel que déclaré par les répondants au moment où ils ont perdu leur emploi. Ce salaire d'acceptation initial est principalement influencé par le salaire perdu. Outre l'existence de cet effet imputable au salaire avant le déplacement, on constate que les travailleurs plus âgés sont plus sélectifs et que les travailleurs plus jeunes acceptent plus facilement des coupures de salaire pour obtenir un nouvel emploi. Les femmes et les membres de groupes minoritaires ont aussi tendance à accepter des réductions de salaire, alors que les travailleurs qui ont perdu un emploi syndiqué sont moins susceptibles de le faire. Comme prévu, les actifs du travailleur en chômage ont un effet positif sur le salaire d'acceptation : plus les actifs sont importants, plus la période d'attente est longue. Fait surprenant, l'importance du loyer ou des paiements hypothécaires a aussi un effet positif. Il semble en effet que les travailleurs tenus de supporter des paiements élevés pendant une longue période accepteront uniquement un emploi qui leur permettra de satisfaire à ces obligations.

Comme prévu, l'assurance-chômage entraîne une hausse du salaire d'acceptation : en effet, le salaire d'acceptation des travailleurs inadmissibles est de 8 à 9 % inférieur à celui des travailleurs admissibles à 50 semaines. Les travailleurs qui renouvellent une demande existante ont aussi des salaires d'acceptation nettement plus importants. Le phénomène peut s'expliquer par le nombre élevé de travailleurs saisonniers dans leurs rangs qui s'attendent à une rémunération semblable avant et après leur période de chômage.

La plupart de ces résultats sont confirmés lorsque l'on étudie la dynamique du salaire d'acceptation pendant la période de chômage. On le fait en examinant le salaire d'acceptation déclaré par le travailleur à chacune des entrevues. Dans ce contexte, le salaire perdu demeure la principale variable explicative du salaire d'acceptation et diverses formes de dettes semblent jouer un rôle important à l'occasion. Par exemple, les prêts-autos semblent avoir un effet négatif, bien que ce soit à limite de ce qui est considéré comme statistiquement significatif. Encore une fois, l'admissibilité à l'assurance-chômage semble entraîner un accroissement significatif du salaire d'acceptation. L'effet de l'assurance-chômage est cependant un peu plus faible que dans l'équation statique. Comme prévu, la durée de la période de chômage a un effet négatif sur le salaire d'acceptation; cependant, cet effet est très peu significatif. Même si certaines données révèlent que les travailleurs en chômage révisent leur salaire d'acceptation à la baisse au fur et à mesure de la période de chômage, rien ne prouve que le rythme de cette révision varie d'un travailleur à l'autre selon leurs niveaux d'admissibilité. L'admissibilité influence le salaire d'acceptation dès le début de la période de chômage, mais n'influence pas sa dynamique au cours de la période.

L'assurance-chômage et la probabilité de réemploi

L'assurance-chômage a des effets positifs importants sur la durée du chômage. En effet, les travailleurs inadmissibles ont plus de chance de trouver un nouvel emploi que les travailleurs qui reçoivent 50 semaines de prestations. Les travailleurs en chômage admissibles aux prestations de l'assurance-chômage pendant moins de 30 semaines affichent un meilleur taux de réussite que ceux qui sont admissibles à 50 semaines. Ce résultat a des répercussions importantes sur le plan des politiques : l'admissibilité à l'assurance-chômage augmente la durée du chômage uniquement pour les travailleurs admissibles pendant 30 semaines et plus.

Selon l'étude, un salaire d'acceptation plus élevé et une recherche d'emploi plus énergique ont tendance à renforcer la probabilité de trouver un emploi. Alors que l'effet de l'intensité de la recherche correspond aux prévisions, ce n'est généralement pas le cas pour le salaire d'acceptation. Cependant, cet effet n'est pas indifférent à des modifications de spécification et devient non significatif lorsque des caractéristiques différentes sont utilisées. Par contre, il est possible qu'une hétérogénéité non observée soit à l'origine de cet effet imprévu. Les travailleurs qui s'attendent à recevoir des offres rapidement définissent un salaire d'acceptation élevé et, malgré ce fait, ils obtiennent un emploi rapidement. Ceux qui prévoient une longue période de chômage fixent un salaire d'acceptation plus bas, mais ont encore plus de difficulté à trouver un emploi. Ces résultats donnent à penser que l'assurance-chômage n'entraîne pas une prolongation appréciable de la période de chômage tel que le suggère les arguments, généralement acceptés, en ce qui a trait aux subventions accordées lors de la recherche d'emploi.

Historique du dossier d'assurance-chômage et chômage

Sur le plan des politiques, il est intéressant de savoir si les périodes de chômage antérieures et l'utilisation antérieure du système d'assurance-chômage influencent la période de chômage en cours, tant pour ce qui est de la durée que des prestations. Certains travailleurs vivent de brèves périodes de chômage répétées, alors que d'autres subissent de longues périodes de chômage peu fréquentes.

Ces résultats reflètent à la fois la double nature du chômage moyen - périodes courtes et fréquentes ou périodes longues et rares - et l'importance du dossier du travailleur à l'assurance-chômage comme déterminant de la durée de la période de chômage en cours. Il ne faut pas considérer ce fait comme un recours chronique à l'assurance-chômage. En effet, les résultats d'une étude plus approfondie ont révélé que la relation positive entre les semaines de prestations versées d'une période de chômage à l'autre pouvait simplement être attribuable aux caractéristiques du travailleur ou à un «stigmate d'infériorité» plutôt qu'à un accroissement de la durée des périodes de chômage qui s'expliquerait par une accoutumance aux prestations d'assurance-chômage. Quelles qu'en soient les causes, les périodes antérieures de chômage peuvent donner une image négative des travailleurs, ce qui peut compliquer la recherche d'un nouvel emploi.

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Notes biographiques

Pierre-Yves Crémieux a obtenu son doctorat en économie de l'Université de la Californie à Berkeley et il est devenu professeur adjoint à l'Université du Québec à Montréal en 1992. Il effectue de la recherche dans les domaines des organisations industrielles, de l'économie du travail et des relations industrielles.

Pierre Fortin est professeur d'économie à l'Université du Québec à Montréal. Il est actuellement rédacteur de L'Actualité économique, membre de l'équipe éditoriale de Canadian Public Policy, membre du Council of Advisors du C.D. Howe Institute, du Canadian Productivity Network et du comité sur les affaires sociales de Centraide (Montréal). Il effectue actuellement des recherches sur la dynamique des salaires et de l'emploi, la politique budgétaire et monétaire, la politique sociale et l'économie de la population.

Paul Storer est titulaire d'un doctorat de l'Université Western Ontario et enseigne actuellement au département d'économie de l'Université du Québec à Montréal. Avant d'obtenir son doctorat, il a été économiste à la Banque du Canada pendant trois ans. Il se spécialise notamment en économie monétaire, en macro-économique, en économie du travail et en économétrie.

Marc Van Audenrode a obtenu un doctorat de l'Université de la Californie à Berkeley et il enseigne actuellement l'économie à l'Université du Québec à Montréal. Il se spécialise notamment dans les causes du chômage, l'économie des institutions du marché du travail et les contrats d'emploi.

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