La création du Nunavut
Le 1er avril 1999, la carte du Canada a changé considérablement pour la
première fois depuis l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, en 1949.
Les Territoires du Nord-Ouest ont été divisés en deux unités territoriales
avec la création du nouveau territoire du Nunavut à l'est. Quelqu'un a déjà
dit qu'on peut juger de la santé d'une fédération par sa capacité de grandir
et d'évoluer dans le temps au rythme des aspirations et des désirs changeants
de ses citoyens. Selon ces critères, il ne fait aucun doute que la fédération
canadienne est en santé. Pour la première fois en cinquante ans, la carte du
Canada a été redessinée, non pas dans un contexte d'affrontement, mais
plutôt dans la paix et dans la démocratie.
Le territoire du Nunavut (qui signifie «notre terre» en inuktituk) s'étend
sur quelque 1,9 million de kilomètres carrés, ce qui représente une
superficie supérieure à celle de Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Edouard, la
Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le Québec réunis. La population du
nouveau territoire est d'environ 24 000 personnes, dont 85 % sont des Inuits
(18,000). La création du Nunavut témoigne de l'engagement de l'ensemble des
Canadiens de faire en sorte que les Inuits et les autres résidents de
l'Arctique de l'Est deviennent maîtres de leur propre destinée.
Le Nunavut
![Carte : le territoire du Nunavut](/web/20060127005521im_/http://www.pco-bcp.gc.ca/aia/docs/federation/images/nunamap.jpg)
La route vers le statut de territoire
La route qui a mené à la création du Nunavut a été longue et tortueuse.
L'idée de diviser les Territoires du Nord-Ouest en deux parties a fait l'objet
de discussions pour la première fois au début des années 1960. Ce sont les
résidents de l'ouest du territoire qui ont été les premiers à aborder le
sujet. Ils étaient nombreux à croire qu'il serait plus facile de gouverner
deux petits territoires qu'un seul grand territoire géographique, soutenant que
la division du territoire permettrait d'accélérer le développement politique
du Nord et déboucherait éventuellement sur une plus grande autonomie
gouvernementale.
Avant les années 1950, c'était le gouvernement fédéral qui administrait
directement les Territoires du Nord-Ouest. Le chef du gouvernement du Nord
était un commissaire d'Ottawa qui présidait un conseil territorial également
nommé par Ottawa. Ce n'est qu'en 1951 qu'a été tenue la première élection
en vue d'obtenir un siège au Conseil. Petit à petit, les élections ont été
plus nombreuses. Il a fallu attendre jusqu'en 1975, toutefois, pour que tous les
membres du Conseil soient élus.
En 1966, le gouvernement fédéral créa la Commission Carrothers qui avait
pour mandat d'étudier la question du gouvernement du Nord. Après une étude
approfondie, la Commission conclut que, sans doute, la division des Territoires
du Nord-Ouest était à la fois bien fondée et inévitable. Elle reconnaissait
la volonté des gens du Nord d'administrer leurs propres affaires et le fait
qu'on doive leur en donner l'occasion. Parallèlement, toutefois, la Commission
soulignait qu'il fallait au préalable entreprendre une réforme gouvernementale.
Elle recommanda donc l'établissement d'un nouveau régime de gouvernement
représentatif. C'est ainsi qu'à la fin des années 1960 et durant les années
1970, le gouvernement fédéral établit progressivement des circonscriptions
électorales et transféra au gouvernement territorial la gestion de plusieurs
programmes fédéraux. Les citoyens du Nord assumèrent de plus en plus la
charge de l'administration courante de leurs propres affaires.
En 1982, un plébiscite fut tenu dans les Territoires du Nord-Ouest et les
citoyens furent invités à répondre à la question suivante : «Pensez-vous
que les Territoires du Nord-Ouest devraient être divisés?». Cinquante-trois
pour cent des électeurs admissibles participèrent au scrutin et 56,4 % d'entre
eux votèrent oui. La participation et l'appui à la division étaient
particulièrement élevés dans l'Arctique de l'Est. Les Inuits de l'est du
territoire étaient de plus en plus favorables à l'idée de l'autonomie
gouvernementale. Pour eux, c'était le meilleur moyen de promouvoir et de
protéger leur culture et leurs traditions et de régler leurs préoccupations
régionales particulières.
Tant l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest que le
gouvernement fédéral acceptèrent l'idée de diviser le territoire,
considérant qu'il s'agissait d'un pas important à franchir pour qu'un jour les
Inuits, et d'autres résidents de l'Arctique de l'Est, deviennent maîtres de
leur propre destinée. Ils entretenaient toutefois certaines réserves, car,
avant que toute mesure ne puisse être prise en ce sens, il fallait régler
certaines questions pratiques. Tout d'abord, il fallait régler les
revendications territoriales en cours. Ensuite, toutes les parties devaient
s'entendre sur une nouvelle frontière et, finalement, elles devaient s'accorder
sur la répartition des pouvoirs entre les divers échelons de gouvernement,
soit territorial, régional et local. Les gouvernements et les groupes
autochtones ont travaillé en étroite collaboration à réaliser ces objectifs.
L'Accord sur
les revendications territoriales du Nunavut a été ratifié par les
Inuits en novembre 1992, signé par le Premier ministre du Canada le 25 mai 1993
et entériné par le Parlement canadien en juin de la même année. Il s'agit de
la plus importante revendication territoriale jamais réglée dans toute
l'histoire du Canada. Le règlement attribue aux Inuits le titre de propriété
de 350 000 kilomètres carrés de terres. Il accorde également aux Inuits la
somme d'un milliard de dollars répartie sur 14 ans, montant qui sera détenu en
fiducie et dont les intérêts serviront à une foule de projets différents (financement
d'entreprises de la région, bourses pour les étudiants, etc.). Les Inuits ont
aussi obtenu une part des redevances pétrolières, des droits à la chasse et
un rôle plus important dans la gestion des terres et dans la protection de
l'environnement. En vertu du règlement de la revendication territoriale, le
gouvernement du Canada s'est également engagé à recommander que le Parlement
adopte une loi créant un nouveau territoire dans l'est des Territoires du
Nord-Ouest.
En marge des négociations en vue du règlement de la revendication
territoriale, on travaillait à déterminer quelles pourraient être les
frontières du nouveau territoire situé à l'est. Le 22 mai 1992, tous les
électeurs des Territoires du Nord-Ouest furent invités à se prononcer sur une
proposition lors d'un plébiscit. Une majorité de 54 % d'entre eux
approuvèrent les frontières proposées. Le gouvernement des Territoires du
Nord-Ouest, la Fédération Tujgavik de Nunavut (qui représentait les Inuits
durant le processus de règlement de la revendication) et le gouvernement du
Canada adoptèrent officiellement les frontières qui divisent les deux
territoires dans l'Accord politique sur le Nunavut.
La dernière étape du processus est franchie le 10 juin 1993, date à
laquelle la Loi
sur le Nunavut reçoit la sanction royale. Elle établit officiellement
le territoire du Nunavut et prévoit un cadre législatif pour la création de
son gouvernement. La loi fixe au 1er avril 1999 la date de création du nouveau
territoire.
À quoi ressemblera le nouveau gouvernement?
Le Nunavut détient les mêmes responsabilités et pouvoirs territoriaux que
les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. La Loi sur le Nunavut
ressemble à la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest et à la Loi sur le
Territoire du Yukon, sauf pour les mises à jour et changements propres au
nouveau territoire. La Loi a pour objectif de permettre de former un
gouvernement qui reflète plus fidèlement la culture et la langue Inuit et qui
tient davantage compte des conditions locales.
Le nouveau gouvernement assume poour les résidents du Nunavut la
responsabilité de l'éducation, de la santé, des services sociaux, de la
langue, de la culture, du logement, de la justice et d'autres secteurs. Le
territoire du Nunavut se compose de trois régions distinctes (Qikiqtaaluk,
Kivalliq, Kitikmeot) et de vingt-huit collectivités. Par conséquent, le
gouvernement du Nunavut sera un gouvernement décentralisé dont les ministères
et les organismes seront établis dans les collectivités un peu partout sur le
territoire. Il sera ainsi en mesure de répartir les retombées économiques et
de répondre aux besoins particuliers de chaque région. Étant donné que
l'assiette fiscale n'est pas élevée et qu'il est très coûteux de dispenser
des services gouvernementaux dans l'Arctique, le Nunavut recevra jusqu'à 95 %
de son budget de fonctionnement du gouvernement fédéral.
Une assemblée législative constituée de 19 élus ainsi qu'un cabinet et un
seul tribunal territorial sont les principales institutions du gouvernement
public. L'établissement du gouvernement du Nunavut se fera progressivement sur
une période de seize ans, soit de 1993 à 2009. Il est prévu que l'assemblée
législative fonctionnera par consensus, sans parti politique. Tous ses membres
seront indépendants. Les résidents seront représentés à l'échelon
fédéral par un député fédéral et par un sénateur.
Des élections ont été tenues le 15 février 1999. Le 5 mars, Paul Okalik a
été élu le premier dirigeant territorial du Nunavut.
La création du Nunavut est une réalisation que peuvent célébrer tous les
Canadiens. Le nouveau territoire ajoutera une voix différente et distincte à
notre fédération.
Pour des renseignements d'ordre général, consulter :
(Texte préparé par les Affaires intergouvernementales, Bureau du
Conseil privé)
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