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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
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Brevetage des formes de vie supérieures et enjeux connexes

Rapport adressé au Comité de coordination ministériel de la biotechnologie du gouvernement du Canada

Comité consultatif canadien de la biotechnologie
Juin 2002

Table des matières

  1. Remerciements
  2. Résumé
  3. Liste des recommandations
  4. Introduction
    1. Données de base
    2. Biotechnologie, propriété intellectuelle et régime des brevets
    3. Grands enjeux et structuration du rapport
  5. Préoccupations sociales et éthiques soulevées par la biotechnologie
  6. Brevetabilité des formes de vie supérieures
    1. Application de l’énoncé des principes au débat sur la brevetabilité
    2. Brevetabilité des êtres humains
    3. Brevetabilité des formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux)
    4. Portée des droits des détenteurs de brevets
      1. Privilège des agriculteurs
      2. Contrevenants innocents
      3. Utilisation pour la recherche et l’expérimentation
  7. Autres enjeux concernant la biotechnologie et la propriété intellectuelle
    1. Responsabilité pour dommages-intérêts
    2. Certaines considérations sociales et éthiques
      1. Accès aux ressources génétiques et partage des bienfaits
      2. Connaissances traditionnelles et propriété intellectuelle
      3. Effet du brevetage en biotechnologie sur le système des soins de santé
  8. Amélioration de la gestion du régime des brevets
    1. Directives applicables aux brevets et aux procédés en biotechnologie
    2. Rapports sur le rendement
    3. Harmonisation internationale du droit et des procédures des brevets
    4. Système simplifié en matière de contestation de brevets
  9. Conclusion

  10. Liste des annexes
    1. Publications et rapports de recherche du CCCB
    2. Processus de recherche et de consultation du CCCB sur la brevetabilité des formes de vie supérieures
    3. Structuration du débat
    4. Méthodes possibles pour régler les problèmes soulevés par les considérations sociales et éthiques
    5. Principes éthiques : réaction des participants aux tables rondes et prochaines étapes
    6. Non-brevetabilité des êtres humains : Exemples de textes de lois
    7. Brevetabilité de matières provenant de plantes, d’animaux et d’humains et des processus basés sur des formes de vie supérieures, au Canada et dans d’autres pays


Résumé

Le présent document, intitulé Brevetabilité des formes de vie supérieures et enjeux connexes, est un rapport préparé par le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB) à l’intention du Comité de coordination ministérielle de la biotechnologie au gouvernement du Canada. La question principale qui y est abordée est celle de savoir si le Canada doit permettre le brevetage des végétaux, des graines et des animaux. Le rapport dégage un certain nombre de facteurs qui influent sur cette question. Pendant le déroulement du projet, il est devenu évident que le brevetage des matières biologiques en général, qu’il s’agisse de séquences d’ADN, de gènes liés au cancer du sein, de microbes ou de l’oncosouris de Harvard, soulève un certain nombre d’autres enjeux méritant d’être pris en compte.

Au long du processus qui a mené à la formulation de ses recommandations, le CCCB a commandé des recherches, consulté les intéressés et la population en général et tenu compte des commentaires retus en réaction à son Rapport provisoire sur la question. Le présent document est agencé selon la structure du Rapport provisoire, sauf que certains des éléments descriptifs de ce premier rapport figurent ici en annexe afin de bien manifester l’importance primordiale des recommandations. Maintenant ramenées au nombre de 13 (il y en avait 16 à l’origine), les recommandations et leur formulation tiennent compte d’un Énoncé de principes et de valeurs que le CCCB a adopté pour orienter ses activités.

Le présent rapport est divisé en fonction des quatre grands thèmes suivants :

  • Les préoccupations sociales et éthiques soulevées par la biotechnologie. Cette section décrit un certain nombre de préoccupations sociales et éthiques ayant des liens de cause à effet ou autres avec l’expansion de la biotechnologie, et elle résume trois démarches possibles pour traiter ces préoccupations.
  • La brevetabilité des formes de vie supérieures. Après avoir abordé la question de la brevetabilité des êtres humains, cette section décrit les principaux arguments pour et contre le brevetage des végétaux, des graines et des animaux. Quatre des cinq recommandations qui s’y trouvent sont reliées et devraient être étudiées en bloc.
  • Les autres enjeux reliés à la biotechnologie et à la propriété intellectuelle dans ce domaine. Cette section porte sur d’autres enjeux de nature sociale ou éthique qui sont clairement liés au régime de brevets. Elle contient des recommandations sur les points suivants : la responsabilité en cas de dommages causés par la dissémination fortuite de produits de la biotechnologie; l’accès aux ressources génétiques; le partage des bienfaits; la protection des connaissances traditionnelles. On y présente aussi des faits récents concernant les incidences des brevets de biotechnologie sur le système des soins de santé.
  • Les améliorations à apporter au régime canadien de brevets. Cette section contient une série de commentaires et de recommandations sur l’administration et l’orientation stratégique du régime canadien de brevets. Les conseils formulés à l’intention du gouvernement du Canada ont pour but de veiller à ce que les politiques et les méthodes relatives aux brevets aillent de pair avec les progrès réalisés dans l’industrie canadienne de la biotechnologie, et de faire en sorte, également, que s’établisse et perdure un équilibre judicieux entre les intérêts des inventeurs et ceux des citoyens. Cette section porte avant tout sur la détermination d’une série de mesures propres à renforcer le régime canadien de brevets.
  • Conclusion. Une fois que sera prononcé l’arrêt de la Cour suprême au sujet de l’oncosouris de Harvard, et quelle que soit la teneur de cet arrêt, le gouvernement fédéral devra prendre ses propres décisions. Le présent rapport a pour but d’offrir des conseils et de proposer des orientations stratégiques au gouvernement lorsque viendra le moment de prendre ces décisions.

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Liste des recommandations

Les Êtres humains ne sont pas brevetables

  1. Nous recommandons que la Loi sur les brevets soit modifiée afin d’y inclure la déclaration suivante :

    Aucun brevet ne peut être accordé à l’égard des corps humains à quelque étape que ce soit de leur développement.

Brevetabilité des formes de vie supérieures

  1. Nous recommandons que les formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux) qui satisfont aux critères de nouveauté, de non-évidence et d’utilité soient reconnues brevetables. La portée des droits conférés par les brevets relatifs à ces formes de vie supérieures doit être déterminée en fonction des recommandations 3, 4 et 5.

Privilège des agriculteurs

  1. Nous recommandons qu’une disposition sur le privilège des agriculteurs soit intégrée à la Loi sur les brevets pour spécifier que les agriculteurs ont le droit de conserver et de replanter des graines provenant de plantes brevetées ou de reproduire des animaux brevetés à condition, respectivement, que les générations descendantes de plantes ne soient pas vendues comme matériel reproducteur commercial et que le créateur d’un animal génétiquement modifié ne voie pas baisser la valeur commerciale de son brevet relatif à l’animal. La formulation de cette disposition devra tenir compte des différences qui existent sur le plan de la nature et de l’utilisation de plantes et d’animaux.

Contrevenants innocents

  1. Nous recommandons que la Loi sur les brevets comprenne des dispositions qui mettront les contrevenants innocents à l’abri de poursuites pour violation de brevet lorsqu’il y a dissémination accidentelle de graines brevetées ou de matériel génétique breveté, ou insémination d’un animal par un animal breveté.

Utilisation pour la recherche et l’expérimentation

  1. Nous recommandons que la Loi sur les brevets soit modifiée afin d’y inclure une exception dans les cas d’utilisation pour la recherche et l’expérimentation. La disposition devrait stipuler ce qui suit :

    Il n’y a pas violation de brevet lorsque l’on se sert d’un procédé breveté ou d’un produit breveté pour :

    1. un but privé ou non commercial; ou
    2. étudier la matière d’une invention brevetée afin d’en examiner les propriétés, de l’améliorer ou de créer un nouveau produit ou procédé.


Responsabilité pour dommages-intérêts

  1. Nous recommandons que le Canada participe activement aux négociations internationales concernant les questions de responsabilité et de recours lorsqu’il y a dissémination accidentelle de graines brevetées ou de matériel génétique breveté, ou insémination d’un animal par un animal breveté.

Accès aux ressources génétiques et partage des bienfaits

  1. Nous recommandons que le gouvernement fédéral, en consultation avec les autres ordres de gouvernement et les autres intéressés, élabore des politiques et des pratiques propres à encourager le partage des bienfaits qui découlent de recherches faisant appel au matériel génétique. Nous recommandons particulièrement ce qui suit :
    1. Que les bienfaits découlant de la recherche médicale et pharmaceutique basée sur du matériel génétique humain (et l’exploitation commerciale de cette recherche) soient partagés avec les groupes ou les collectivités qui ont fourni ce matériel génétique. Toutes les entités (organismes publics et privés et entreprises commerciales) qui prennent part au financement de la recherche ou à l’instauration de lignes directrices ou de codes visant la conduite éthique de la recherche devraient s’assurer que le partage des bienfaits soit prévu. Santé Canada devrait diriger un programme en vue de faire participer tous les intéressés à l’élaboration de pratiques exemplaires relativement au partage des bienfaits lorsqu’il est question de recherches faisant appel à des sujets humains.
    2. En ce qui a trait aux recherches basées sur du matériel génétique végétal ou animal, le Canada devrait :
      • maintenir sa participation aux processus actuels de la Convention sur la diversité biologique afin de traiter des questions non résolues qui ont trait aux Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des bienfaits qui découlent de leur utilisation, notamment les obligations du pays utilisateur et la prise en considération, par le groupe de travail, de l’article 8(j) des Directives données par les collectivités autochtones et locales;
      • encourager et faciliter la conformité aux lignes directrices de Bonn, au Canada et dans le monde entier;
      • signer et ratifier aussitôt que possible le Traité international sur les ressources génétiques végétales pour l’alimentation et l’agriculture; participer à l’élaboration de l’accord type sur le transfert de matériel génétique, y compris les dispositions exigeant le partage des bienfaits; et encourager et faciliter la mise en oeuvre des dispositions du Traité au Canada;
      • de faton générale, encourager et faciliter la conclusion d’ententes de partage des bienfaits entre les utilisateurs des ressources génétiques et les collectivités traditionnelles et locales du Canada.

Connaissances traditionnelles et propriété intellectuelle

  1. Nous recommandons que le Canada appuie le travail entrepris au sein de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle par le groupe de travail sur les ressources génétiques, les connaissances traditionnelles et le folklore pour déterminer si, et comment, une forme de propriété intellectuelle peut être élaborée à l’égard des connaissances traditionnelles.
  1. 9. Nous recommandons que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada fournisse conseils et orientation aux examinateurs de brevets afin que ceux ci sachent évaluer comme « dossier d’antériorité » les connaissances traditionnelles rendues publiques par transmission orale ou écrite.

Directives applicables aux brevets et aux procédés en biotechnologie

  1. Nous recommandons que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada mette au point et publie des directives explicatives concernant les inventions biologiques. Ces directives devraient être mises à jour de faton régulière et fournir des paramètres aux demandeurs et aux examinateurs, notamment au sujet :
    1. de l’interprétation des critères d’émission d’un brevet (c’est-à-dire, nouveauté, nonévidence, utilité et portée de l’application) en ce qu’ils s’appliquent aux inventions biologiques;
    2. du processus auquel doit s’astreindre tout demandeur de brevet en biotechnologie et les paramètres des délais de chaque étape, dans la mesure où ces délais pourraient, le cas échéant, différer de ceux propres à d’autres demandes de brevet.

Rapports sur les normes de service et le rendement

  1. Nous recommandons que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada :
    1. mette régulièrement à jour ses normes de services, en fonction des pratiques exemplaires internationales, pour ce qui est du traitement des demandes de brevet;
    2. présente des rapports périodiques sur son propre rendement par rapport à ces normes et sur les mesures prises pour les respecter (par exemple, en augmentant les capacités ou le niveau des compétences).

Harmonisation internationale

  1. Nous recommandons que le Canada travaille en faveur d’une harmonisation plus poussée des politiques et des procédures relatives aux brevets, à l’échelle internationale :
    1. en continuant de participer aux initiatives internationales d’harmonisation dans ce domaine, notamment la réforme du Traité de coopération en matière de brevets, les travaux du Comité sur le droit substantiel des brevets et ceux entrepris dans le cadre du programme d’élaboration du Système international de brevets (le programme du droit des brevets);
    2. en ratifiant aussitôt que possible le Traité sur le droit des brevets, lequel précise des exigences formelles relatives au dépôt d’une demande de brevet et au maintien d’un brevet.

Procédure de contestation d’un brevet

  1. Nous recommandons que le gouvernement ajoute aux dispositions de la Loi sur les brevets une procédure permettant de contester la délivrance d’un brevet en invoquant que ce brevet est invalide ou de nul effet. Puisqu’il est essentiel que la nouvelle procédure soit plus rapide, moins lourde et moins coûteuse que les méthodes actuelles, nous recommandons aussi que la date limite de dépôt d’une contestation soit dans les six mois suivant la date de la délivrance du brevet, et que des procédures soient mises en oeuvre et que des fonds soient affectés afin de faire en sorte que la procédures puisse se conclure dans les 18 mois suivant la date de la délivrance du brevet.
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Introduction

Données de base

Le gouvernement du Canada, par la publication de la Stratégie nationale en matière de biotechnologie, en 1983, et par d’autres moyens, a désigné la biotechnologie comme l’un des secteurs essentiels à une économie fondée sur le savoir. Un des principaux éléments de la version renouvelée de cette stratégie, diffusée en 1998 sous le titre de Stratégie canadienne en matière de biotechnologie, consiste en la décision de créer un organe composé d’experts de l’extérieur de l’administration fédérale et chargé de conseiller le gouvernement au sujet des enjeux de la biotechnologie, de sensibiliser le public à ces enjeux et de faire participer les Canadiens et les Canadiennes à un débat sur les questions de biotechnologie. C’est ainsi que le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB) a vu le jour, en 1999, avec le mandat de donner des avis au gouvernement sur des questions stratégiques primordiales liées aux dimensions éthique, sociale, réglementaire, économique, scientifique, environnementale et de santé de la biotechnologie. Le CCCB présente ses avis au Comité de coordination ministériel de la biotechnologie (CCMB), lequel se compose des ministres fédéraux de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, de la Santé, de l’Environnement, des Pêches et des Océans, des Ressources naturelles, et du Commerce international. On trouvera des renseignements plus détaillés sur le CCCB et ses activités, ainsi que sur la biotechnologie en général, en consultant le site Web du Comité à www.cbac-cccb.ca.

Au début de 2000, le CCCB a lancé un programme de recherche et de consultation (en voir la description détaillée aux annexes A et B) sur la brevetabilité des formes de vie supérieures et les enjeux liés à cette question. Si le CCCB a choisi ce thème d’étude, c’est parce que la cause de l’oncosouris de Harvard était devant les tribunaux au Canada et que des hauts fonctionnaires de l’administration fédérale et des membres du CCCB avaient cerné les questions générales de propriété intellectuelle en biotechnologie et, plus particulièrement, la brevetabilité des formes de vie supérieures, comme étant l’objet de préoccupations grandissantes. La plupart des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), y compris les États-Unis et les membres de l’Union européenne (UE), mais pas le Canada, autorisent le brevetage de plantes et d’animaux. Par contre, de nombreux pays en développement s’inquiètent des incidences éventuelles du brevetage des inventions biologiques découlant de plantes ou d’animaux en l’absence de dispositions protégeant les connaissances traditionnelles. De plus, une part de l’opinion publique estime que de tels brevets ne devraient pas être émis, non seulement quand il s’agit de plantes et d’animaux, mais également de toute matière vivante (séquences d’ADN, gènes, cellules) pour des raisons d’ordre moral. Présentement, le Canada n’autorise pas le brevetage des formes de vie supérieures, ce qui veut dire qu’il ne s’occupe pas d’un certain nombre de préoccupations liées à l’innovation et aux investissements ainsi qu’aux effets et incidences de la biotechnologie. Même au sein des pays qui acceptent actuellement de breveter les formes de vie supérieures, il n’y a pas consensus sur la faton de traiter les considérations sociales et éthiques. L’annexe C, Structuration du débat, regroupe ce vaste éventail d’opinions sous quatre démarches visant à déterminer les rapports qui conviennent entre les préoccupations d’ordre social et éthique et le régime de brevets.

L’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) traite du brevetage des formes de vie supérieures à l’article 27.3 b), lequel permet aux pays membres d’exclure les plantes et les animaux de la brevetabilité. Quand aura lieu l’examen prescrit de cet article, on pourra s’attendre à ce que certains pays (surtout parmi les pays en développement) en appuient le maintien, ou l’accroissement de la portée, tandis que d’autres (en particulier les États-Unis) voudront probablement réduire ou éliminer cette exception. Le Canada réussira à mieux contribuer au débat sur cette question en se dotant d’une politique nationale avant le début de ces négociations.

En vue d’examiner tous ces enjeux, le CCCB a commandé plusieurs recherches, organisé trois tables rondes d’intervenants (membres d’organismes non gouvernementaux, scientifiques et représentants de l’industrie) et étudié les résultats de sondages d’opinion publique. Ensuite, le CCCB a publié un document de consultation pour solliciter l’apport des Canadiens tant directement que par l’entremise d’une série de tables rondes à intervenants multiples tenues à travers le Canada au printemps 2001. Enfin, à l’automne 2001, le Comité a fait paraître un Rapport provisoire sur la biotechnologie et la propriété intellectuelle, en invitant tous les Canadiens intéressés à faire part de leurs commentaires jusqu’en mars 2002. Un résumé de ces réactions est affiché au site Web du CCCB. Depuis lors, un certain nombre de rapports ont paru au Canada et à l’étranger et plusieurs réunions internationales ont eu lieu sur ces enjeux.

Le présent rapport exprime les points de vue du CCCB sur la brevetabilité des formes de vie supérieures, points de vue dégagés en tenant compte des résultats des recherches effectuées, des tables rondes sectorielles, des sondages d’opinion, des consultations à intervenants multiples et des réactions au Rapport provisoire.

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Biotechnologie, propriété intellectuelle et régime des brevets

Le CCCB définit la biotechnologie comme un ensemble de connaissances techniques au sujet des organismes vivants ou de leurs parties constituantes, et la biotechnologie appliquée comme les aspects de la biotechnologie servant à créer des produits ou à gérer des procédés utilisés à des fins sociales, scientifiques ou économiques. L’industrie de la biotechnologie affiche un taux de croissance parmi les plus rapides au monde et la demande mondiale, qui était de 20 milliards de dollars en 1995, devrait plus que doubler pour s’établir à 50 milliards en 20051. Le Canada est en train de devenir un pilier de cette croissance. Selon les données de Statistique Canada pour 1999, le secteur canadien de la biotechnologie2 a produit des recettes de près de 2 milliards de dollars, dont 718 millions en exportations, et tout indique que ces revenus dépasseront 5 milliards en 2002. Le Canada compte plus d’entreprises de biotechnologie par habitant que tout autre pays au monde. Il se classe au second rang, derrière les États-Unis, quant au nombre d’entreprises; au troisième rang, après les États-Unis et le Royaume-Uni, pour ce qui est des recettes; et au premier rang mondial en ce qui concerne la quantité de R-D par employé3. Tant au Canada qu’à l’échelle planétaire, c’est dans le domaine des soins de santé que la biotechnologie a les effets les plus marqués. Plus de 90 p. 100 des produits de la biotechnologie de pointe offerts sur le marché mondial touchent à la santé. Selon les prévisions, les trois quarts environ de la demande mondiale de biotechnologie resteront liés à la santé.

Lorsque la recherche en biotechnologie mène à l’invention d’un produit ou d’un procédé nouveau, les créateurs et/ou les commanditaires tentent souvent d’obtenir des droits de propriété intellectuelle afin de protéger l’invention. Il existe d’autres formes de protection (dont le secret commercial et le droit des obtentions végétales), mais le brevet est le mode le plus répandu de protection de la propriété intellectuelle en biotechnologie.

Un brevet peut être émis si l’invention satisfait aux critères de nouveauté, de non-évidence et d’utilité prescrits par la Loi sur les brevets. Le brevet confère à son titulaire le droit d’empêcher qui que ce soit de fabriquer, d’exploiter, d’importer ou de vendre une invention brevetée, et ce pendant 20 ans à partir de la date du dépôt de la demande de brevet4. Le Canada accorde des brevets visant le matériel génétique (ADN, ARN et gènes) d’origine végétale, animale ou humaine ainsi que les organismes unicellulaires tels que les bactéries, certains champignons et certaines algues, les lignées cellulaires et les hybridomes5. Les procédés de la biotechnologie, c’est-à-dire les moyens qui servent à créer de nouveaux produits biotechnologiques, sont aussi brevetables.

De nombreuses applications de la biotechnologie promettent d’importantes retombées économiques et sociales dans les domaines de la santé, de l’agriculture, de l’environnement et de l’industrie. Cependant, un brevet ne confère pas à son titulaire le droit de commercialiser ou même d’utiliser l’invention brevetée. S’il en est ainsi, c’est que certaines applications de la technologie risquent de mettre en danger la santé humaine ou animale ou l’environnement, d’outrepasser les capacités des mesures actuelles touchant à la protection de la santé et de l’environnement et/ou de soulever d’autres problèmes sociaux et éthiques graves qu’il faut d’abord régler. Les limites imposées aux détenteurs de brevet, quant à la liberté d’exploiter leurs propres inventions, sont exposées et expliquées dans les textes du droit de la concurrence et du droit pénal, dans des mesures législatives précises telles que le projet de loi sur la procréation humaine assistée et dans les règlements qui régissent les pratiques et les installations de recherche, la sécurité des produits, l’étiquetage et bien d’autres questions. La population s’attend à ce que l’État agisse de faton à ce qu’elle puisse tirer parti des avantages tout en étant protégée contre les dangers. Le CCCB espère que le présent rapport aidera le gouvernement fédéral à s’acquitter avec succès de cette double responsabilité.

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Grands enjeux et structuration du rapport

Après avoir examiné la vaste gamme d’enjeux sociaux et éthiques liés au brevetage des formes de vie supérieures, ainsi que les propositions connexes de modifications à apporter à la Loi sur les brevets, telles que formulées dans les rapports de recherche et pendant les consultations, le CCCB s’est penché sur un certain nombre de questions apparentées, à savoir :

  • Les formes de vie supérieures devraient-elles être assujetties aux droits conférés par les brevets?
  • Dans l’affirmative, quelles mesures faudrait-il prendre pour protéger la dignité et le respect dus aux êtres humains?
  • Si les droits des brevets sont applicables aux plantes et aux animaux, quelle devrait être la portée de ces droits, compte tenu de la nature particulière des plantes et des animaux?
  • Comment faudrait-il procéder pour rendre le régime des brevets plus efficace en ce qui a trait aux formes de vie supérieures?
  • L’intersection des inventions biologiques et du droit des brevets soulève-t-elle d’autres problèmes à régler, que ce soit dans le régime des brevets ou ailleurs?

Le présent rapport synthétise et structure la recherche sur les politiques effectuée par le CCCB, les commentaires découlant du document de consultation et des tables rondes sectorielles et régionales ainsi que des réactions au Rapport provisoire et des délibérations internes du Comité. Il énonce également des recommandations sur la faton dont le gouvernement du Canada pourrait procéder en ce qui a trait à la brevetabilité des formes de vie supérieures et aux autres enjeux pertinents liés aux brevets. La plupart des recommandations sont rédigées dans un langage non spécialisé et n’ont donc pas pour but d’être directement transposables dans des mesures législatives. Lorsqu’il y a recours au langage spécialisé, le fait est signalé dans le texte de la recommandation.

En plus de la présente Introduction, le rapport contient 13 recommandations et se compose de quatre sections principales :

  • Préoccupations sociales et éthiques soulevées par la biotechnologie
  • Brevetabilité des formes de vie supérieures
  • Autres enjeux ayant trait à la biotechnologie et à la propriété intellectuelle
  • Amélioration de la gestion du régime des brevets.

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Préoccupations sociales et éthiques soulevées par la biotechnologie

Les membres du CCCB se sont penchés sur un certain nombre d’enjeux sociaux et éthiques découlant des progrès réalisés en biotechnologie et ils ont décrit trois démarches possibles pour régler ces problèmes. Les enjeux examinés se rapportent aux objets de préoccupation suivants : la réification de la vie; le partage équitable des avantages à tirer des inventions biologiques; la préservation et l’utilisation des connaissances traditionnelles et locales; le bien-être des animaux; la concentration de la propriété et son corollaire, la disparition de la concurrence; les abus possibles de pouvoir économique; et l’accès aux ressources génétiques.

Le Comité a cerné trois démarches pouvant servir à aborder les questions de nature sociale et éthique soulevées par le brevetage des formes de vie supérieures. Ces démarches reflètent des perspectives différentes quant au bien-fondé et à l’opportunité d’intégrer directement les considérations d’ordre social et éthique aux lois concernant les brevets. Voici un résumé des trois démarches envisagées :

  • Statu quo : Aucun rôle pour le régime des brevets -- La plupart des préoccupations sociales et éthiques surviennent soit à l’étape des recherches préalables à la demande de brevet, soit à l’étape de la commercialisation une fois le brevet délivré. Il existe déjà un certain nombre de mécanismes autres que le régime des brevets pour régler ce genre de problèmes.
  • Ajustement : Rôle limité pour le régime des brevets -- Les droits conférés par un brevet seraient annulés ou suspendus seulement si l’invention est liée à une activité ou à un produit dont la commercialisation est déjà interdite au Canada.
  • Grande discrétion : Rôle étendu pour le régime des brevets -- Les brevets seraient accordés de la même faton que dans les deux autres démarches, mais dans les cas de problèmes éthiques ou sociaux graves et urgents découlant de la commercialisation de l’invention, un organisme distinct aurait le pouvoir de suspendre l’application du brevet jusqu’au règlement des causes du problème.

Le Rapport provisoire présentait une analyse des questions ci-dessus ainsi que certaines démarches possibles pour y remédier. Le texte complet de ces propos figurent à l’annexe D. Les lecteurs du Rapport provisoire étaient invités à faire part de leurs commentaires sur l’utilité d’une telle catégorisation des démarches, afin que le CCCB puisse tenir compte des opinions exprimées. En outre, le Comité demandait au plus grand nombre de lecteurs possible d’indiquer, parmi les démarches proposées, celle qui semblait convenir le mieux au règlement des problèmes les préoccupant le plus.

De façon générale, les commentaires reçus concordaient avec l’opinion selon laquelle les pratiques les plus susceptibles de soulever des préoccupations sociales et éthiques se déroulaient à l’étape précédant la demande de brevet et à celle de la commercialisation de l’invention. Selon ces commentaires, certains mécanismes existants, autres que le régime des brevets, sont déjà en place et peuvent servir à contrôler de telles pratiques, mais il est possible que ces mécanismes doivent être mis à jour périodiquement afin de veiller à ce qu’ils aillent de pair avec les défis posés par les progrès de la biotechnologie.

Les commentaires venus de l’industrie favorisaient généralement la conservation du statu quo, mais presque tous les intervenants reconnaissaient la validité des soucis d’ordre social et éthique liés à la biotechnologie. De fait, en mars 2002, BIOTECanada, une association d’industriels du secteur de la biotechnologie, s’est donné une déclaration de principes d’éthique qui doit servir de guide à ses membres en cette matière. Dans la plupart de leurs commentaires, les industriels faisaient valoir que les préoccupations méritant une réaction de l’État pourraient et devraient être réglées à l’extérieur du régime des brevets. Selon eux, cette façon de procéder serait plus efficace et perturberait moins le fonctionnement et les objectifs du régime des brevets. Les mécanismes de rechange à utiliser pourraient comprendre un large éventail de politiques, directives, règlements ou interdictions légales, soit existants, soit nouvaux.

En examinant toutes ces questions, les membres du CCCB ont cherché à cerner les organes et les centres de responsabilité qui sont autorisés à régler les problèmes soulevés et à l’étude, ou qui pourraient être invités à étudier les mesures d’encouragement à offrir et les limites éventuelles à imposer aux détenteurs de brevets et à leurs brevets (on trouvera plus de détails à ce sujet à l’annexe D). Des mesures ou instruments législatifs tels que la Loi sur la concurrence, le Code criminel ou le projet de loi sur la procréation humaine assistée interdisent certains comportements, par exemple les pratiques économiques déloyales, la cruauté envers les animaux ou le clonage des êtres humains. En outre, avant de pouvoir être mis en vente au Canada, de nombreux produits doivent être prouvés conformes à des règlements et autres exigences conçus notamment dans le but de protéger la santé des personnes et de l’environnement, et de garantir l’innocuité des produits. L’observation de normes volontaires telles que les Règlements sur les bonnes pratiques de laboratoire ou les directives du Conseil canadien de protection des animaux est absolument nécessaire au maintien de la confiance des consommateurs à l’endroit du produit et de son fabricant.

Les membres du CCCB en sont venus à la conclusion qu’il fallait conserver le statu quo, c’est-à-dire continuer de traiter principalement les questions d’ordre social et éthique propres à la biotechnologie sans recourir à la Loi sur les brevets. Bien que certains intervenants aient proposé de modifier la Loi sur les brevets (voir l’annexe D), il existe déjà une gamme imposante de mécanismes permettant de restreindre ou d’interdire des activités jugées socialement ou moralement répréhensibles. S’il faut créer de nouvelles limites, il serait plus efficace, pour le moment, de modifier ou de renforcer les règlements actuels que d’ajouter un tout nouveau mécanisme à la Loi sur les brevets.

Un des avantages qu’il y a à conserver l’approche actuelle tient au fait que ce choix offre l’occasion d’évaluer les progrès en rapport avec le développement technologique et avec les pratiques de l’industrie et de déterminer ainsi le bien-fondé de la mise en oeuvre éventuelle d’une démarche nouvelle. L’Union européenne a adopté un mode d’action semblable avec sa Directive concernant la protection juridique des inventions biotechnologiques, puisque la Directive en question prévoit la publication périodique de rapports sur l’éthique dans le domaine du brevetage en biologie. Le CCCB a également remarqué que dans son document d’opinion de mai 2002 sur les dimensions éthiques du brevetage des inventions basées sur les cellules souches humaines, l’organe chargé par la Directive de l’UE de préparer ces rapports, le Groupe européen de l’éthique en science et en nouvelle technologie, avait recommandé qu’un examen éthique par une entité autonome soit intégré au processus d’examen des demandes de brevet. Par conséquent, même si le CCCB conclut qu’il est prématuré d’ajouter un nouveau mécanisme à la Loi sur les brevets, l’idée mérite tout de même une étude plus approfondie.

Ayant jugé finalement que les préoccupations d’ordre social et éthique devraient être traitées principalement au moyen de mécanismes indépendants de la Loi sur les brevets, il n’en reste pas moins certaines mesures qui peuvent et devraient être prises au sein des paramètres de la Loi. Ces mesures seront abordées dans les sections suivantes du présent rapport.

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Brevetabilité des formes de vie supérieures

L’expression « forme de vie supérieure » n’est pas définie dans la loi. L’usage veut qu’il s’agisse des plantes et des animaux6, autres que des organismes unicellulaires. Au Canada, le Bureau des brevets décrit les formes de vie supérieures comme étant des organismes multicellulaires différenciés (plantes, graines et animaux) et ne les considère pas comme brevetables7. Cette interprétation de la loi canadienne sur les brevets est présentement débattue dans l’affaire de l’oncosouris de Harvard. Le commissaire aux brevets a refusé la demande de brevet de Harvard, qui a logé un appel devant la Cour fédérale du Canada. Celle-ci a confirmé l’appel de Harvard et le commissaire a logé un appel devant la Cour suprême du Canada. Après une audience le 21 mai 2002, celle-ci examine maintenant la question de la brevetabilité d’animaux en vertu du droit canadien. Dans son argumentation devant la Cour, le gouvernement fédéral a dit que la décision relative à la brevetabilité ou à la nonbrevetabilité des formes de vie supérieures est une question complexe à laquelle le Parlement, grâce à sa capacité de tenir compte d’intérêts divers, est mieux placé pour répondre.

Même si le gouvernement a soutenu en cour que les formes de vie supérieures ne sont pas brevetables8, et même si la Cour suprême opine dans le même sens, le Canada pourrait décider, par le truchement du processus parlementaire, que le brevetage des formes de vie supérieures pourrait être permis, soit comme tel, soit sujet à certaines exclusions ou restrictions touchant aux droits normalement conférés par brevet. En décidant d’exclusions ou de limitations, le Canada devrait tenir compte des accords commerciaux internationaux qu’il a signés. Ces accords, dont les ADPIC et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), spécifient que les pays membres ne peuvent faire de discrimination entre des technologies. Cela signifie probablement que, dans le contexte de ces accords, un pays peut se doter de ses propres règles quant à une technologie donnée, en fonction uniquement de la nature de l’invention et non de ses conséquences éthiques9.

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Application de l’énoncé des principes au débat sur la brevetabilité

Les recommandations en matière de politique publique sont, ou devraient être, formulées dans un contexte éthique. Les jugements éthiques ne sont pas des jugements indépendants, plutôt des jugements « toute réflexion faite » qui tiennent compte de facteurs économiques, politiques, juridiques, scientifiques et autres. C’est dans cette optique que le CCCB a formulé un Énoncé de principes et valeurs pour faciliter les consultations et les discussions avec des Canadiens (voir l’encadré à la page suivante).

Cet énoncé constitue le cadre éthique qui a soustendu la démarche et l’élaboration des recommandations du Comité. Celui-ci s’est également fié à cet énoncé pour stimuler des discussions au sujet de ces principes et de leur mise en application pendant le développement de politiques officielles touchant à la biotechnologie (détails en annexe E).

Le Comité s’est référé à ces principes et valeurs pour résoudre les enjeux principaux du débat quant à l’autorisation ou non du brevetage des formes de vie supérieures au Canada. Il suggère au lecteur de reconnaître la nature interdépendante de ces principes et valeurs et donc de considérer les recommandations dans leur ensemble, étant donné que chacune d’elles reflète un aspect particulier de ces principes et valeurs.

La première question fut de déterminer l’identité de l’organe qui devrait décider si des changements au droit canadien des brevets s’imposaient : les tribunaux ou le Parlement. Les principes de l’imputabilité et de l’autonomie militent beaucoup en faveur d’un processus ouvert de résolution des enjeux touchant au brevetage des formes de vie supérieures. Vu l’importance de ces enjeux aux yeux de la société canadienne en général et en matière de soins de santé et d’agriculture en particulier, sans compter le poids considérable des « valeurs » soulevé par ces enjeux, le Comité estime que c’est au Parlement et non aux tribunaux que devrait revenir la décision à savoir si, et à quel degré, les droits conférés par brevet doivent s’appliquer aux plantes et aux animaux.

Énoncé de principes et de valeurs qui guideront les travaux du CCCB

Justice L’engagement à assurer la répartition équitable des avantages et des fardeaux, et à veiller à ce que les politiques et les pratiques ne contribuent pas à l’oppression des groupes vulnérables
Imputabilité L’engagement à mettre en place les conditions voulues pour permettre aux Canadiens d’agir selon leurs valeurs et intérêts propres. L’engagement à la transparence et à la reddition de comptes.
Autonomie L’engagement à promouvoir le choix éclairé.
Bienfaisance L’engagement à rechercher des avantages pour les Canadiens et tous les autres habitants de la planète.
Respect de la diversité L’engagement à respecter la diversité des modes et des formes de vie.
Connaissance L’engagement à valoriser à les connaissances traditionnelles tout autant que les connaissances scientifiques.
Prudence L’engagement à adopter une démarche prudente lorsque les connaissances insuffisantes.

En prenant cette position, le CCCB reconnaît que les tribunaux en arriveraient probablement à formuler des positions semblables à celles proposées ici, particulièrement en ce qui a trait à la non-brevabilité du corps humain. Néanmoins, le Comité a argumenté dans son mémoire consultatif du 8 septembre 2000, en réaction au renversement par la Cour fédérale d’appel de la décision du commissaire aux brevets sur l’oncosouris de Harvard, que c’est au Parlement que revient la responsabilité de formuler les politiques en matière de brevetabilité des formes de vie supérieures. Même s’il est techniquement possible que les tribunaux élaborent des réponses quant à ce qui peut ou ne peut pas être breveté et formulent les règles du jeu en conséquence pour donner effet à cette décision, les principes d’imputabilité et d’autonomie appellent une solution parlementaire. Comme le mémoire consultatif le mentionnait, même la Cour fédérale d’appel dans la cause de l’oncosouris de Harvard traitait du fait que le Parlement devait s’impliquer.

Le Comité a examiné une deuxième question touchant au concept des droits conférés par brevet. Dans le cadre de rencontres sectorielles, de consultations à intervenants multiples et de sollicitation de commentaires au sujet du Rapport intérimaire, le CCCB a appris que le spectre d’opinions va du droit naturel de l’inventeur à une forme d’expropriation (« piraterie ») de ressources communes. Ces extrêmes passaient outre le fondement du droit des brevets. L’on accepte depuis fort longtemps que ces droits ne sont rien d’autres que des outils privilégiant le bien commun. Comme le décrivait le juge Jackson de la Cour suprême des États-Unis en 1945 :

L’objectif premier de notre régime des brevets n’est pas de récompenser l’individu, mais de faire progresser les arts et les sciences. L’incitatif vise le dévoilement de nouvelles connaissances au profit de la société dans son ensemble; ce n’est pas un certificat de mérite, mais un encouragement au dévoilement10.

Les juridictions fondées sur le droit civil, par exemple la France, ont également encadré leur droit des brevets pour atteindre ces mêmes fins11.

Le régime des brevets milite donc en faveur du bien commun. Cela répond au principe de justice défini par le CCCB en partie comme « l’engagement à assurer la répartition équitable des avantages et des fardeaux ». Le régime des brevets y parvient en offrant aux inventeurs suffisamment d’incitatifs -- mais sans plus -- pour dévoiler leurs inventions et les rendre disponibles au public. Par conséquent, sauf lorsque l’octroi du brevet équivaudrait à manquer de respect envers le sujet du droit conféré par brevet -- p. ex., le cas du corps humain -- les droits conférés par brevet ne doivent pas être considérés en isolation mais à la lumière de leurs incidences sur la société en général. À cette fin, il faut établir un juste équilibre entre les divers intervenants d’un secteur d’activité, par exemple en biotechnologie. En d’autres mots, la formulation d’une politique des brevets touchant aux formes de vie supérieures appelle un engagement envers la justice.

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Brevetabilité des êtres humains

Si le Canada accepte d’émettre des brevets sur des formes de vie supérieures, il lui faudra exclure les corps humains, et ce à tous les stades de leur développement. Cependant, cette restriction n’empêcherait pas l’émission de brevets sur des séquences d’ADN, des lignées germinales ou des cellules souches d’origine humaine. L’on tient généralement pour acquis que le détenteur d’un brevet sur une séquence d’ADN ou des cellules (y compris des lignées germinales) ne pourrait fort probablement pas exercer de contrôle sur un corps humain renfermant cette séquence ou ces cellules. Néanmoins, la loi est toujours demeurée muette à ce sujet.

Aucun pays, y compris le Canada, n’émet de brevet sur le corps humain. Il est généralement accepté qu’un corps humain entier ne puisse pas être breveté. Cette position découle du principe universel du respect de la dignité humaine, un principe reconnu dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits de l’homme. L’un des piliers du concept de la dignité humaine veut que l’homme ne soit pas un bien de base. Même si le fait d’émettre un brevet sur un être humain inventé ne violait pas les droits humains fondamentaux, le fait de tenter d’exercer le droit exclusif conféré par brevet de faire, d’utiliser ou de vendre un être humain inventé irait certainement à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Recommandation : Les êtres humains ne sont pas brevetables

  1. Nous recommandons que la Loi sur les brevets soit modifiée afin d’y inclure la déclaration suivante :

    Aucun brevet ne peut être accordé à l’égard des corps humains à quelque étape que ce soit de leur développement.

La façon d’exprimer le principe de la nonbrevetabilité des êtres humains peut varier grandement en termes de spécificité. Par exemple, alors que l’Australie le décrit fort brièvement et en termes très généraux, la Directive de l’Union européenne concernant la protection juridique des inventions biotechnologiques décrit ce même principe dans plusieurs énoncés et avec beaucoup de détails. Ces dispositions figurent à l’annexe F.

Avant d’opter pour une formulation détaillée ou d’ordre général du concept de la non-brevetabilité du corps humain, il faut tenir compte de plusieurs principes sous-tendant le droit des brevets. Tout d’abord, ce droit traite par définition d’inventions que l’on ne peut anticiper. Il s’ensuit que le langage servant à exprimer le concept doit être suffisamment flexible et clair pour s’appliquer à des technologies de demain. Ainsi, toute tentative d’identification exhaustive d’inventions non brevetables ou même de regroupements serrés d’inventions est vouée à l’échec. Deuxièmement, comme le droit des brevets exclut déjà le brevetage de substances se produisant d’ellesmêmes dans la nature, point n’est besoin de chercher à établir une distinction entre la découverte et l’invention. Troisièmement, la détermination de ce qui est brevetable en principe diffère de la détermination du fait qu’une invention soit ou ne soit pas nouvelle, non évidente et utile. Ainsi, dire qu’une partie constituante du corps humain ne peut être brevetée à moins de démontrer qu’elle a une utilité spécifique entraînerait de la confusion; il ne serait pas clair si cet énoncé vise à modifier le critère d’utilité ou à l’exclure en termes généraux de la brevetabilité. Une partie des difficultés que vit l’Europe à l’égard de sa Directive découle de ce type de confusion.

À la lumière de ces principes du droit des brevets, le CCCB a trouvé qu’il serait préférable de définir le principe de la non-brevetabilité du corps humain en termes généraux plutôt que de façon détaillée. Cette suggestion reflète la Directive de l’Union européenne. Malgré les énoncés détaillés et les dispositions de la Directive, la confusion règne en Europe quant aux éléments du corps humain qui sont brevetables. La France, par exemple, a demandé à la Commission européenne de clarifier le sens de la Directive quant aux gènes d’origine humaine. Les dispositions détaillées de la Directive donnent également des résultats confus. Par exemple, le paragraphe 3 de l’article 5 exige que la demande de brevet comprenne la démonstration de la fonction d’un gène humain, mais n’exige pas la même chose dans le cas de gènes d’origine autre qu’humaine. Cependant, comme le même gène peut exister à la fois chez des animaux et chez l’homme, il n’est pas clair à quelle exigence on doit se référer.

L’expression « êtres humains » utilisée dans le Rapport provisoire et dans la loi sur les brevets australienne porte à confusion, tel que noté dans plusieurs commentaires reçus. Un être humain est un concept métaphysique, non un concept biologique. La substitution du mot « corps » pour le mot « être » élimine cette gaucherie et le Comité a donc remplacé le mot « être » par le mot « corps » dans la recommandation 1. Il a opté pour le pluriel afin d’indiquer clairement que seuls les corps humains dans leur entier sont touchés par cette exclusion, en ce sens que le pluriel place l’emphase sur le corps humain dans son ensemble plutôt que sur ses parties constituantes (p. ex., des organes humains développés artificiellement). Ainsi, le segment « des corps humains à quelque étape que ce soit de leur développement » sera plus probablement lu dans un sens bien circonscrit -- comme l’entend le Comité. Il est important de procéder de cette façon pour ne pas décourager la recherche sur les cellules souches et le développement d’organes artificiels.

Le Comité se sert de « à quelque étape que ce soit de leur développement » pour faire état de son intention non seulement d’ajouter les corps de nourrissons, d’enfants et d’adultes dans l’exclusion, mais également tous les précurseurs du corps humain, des zygotes aux foetus. Quoiqu’il n’y ait pas d’interprétation judiciaire du segment de phrase « à quelque étape que ce soit de leur développement », le CCCB croit qu’il ne sera pas interprété comme incluant les ovules ou les cellules du sperme étant donné que ceux-ci ne constituent pas par eux-mêmes des corps humains à l’un ou l’autre stade de développement. Le segment de phrase ne comprend pas non plus les cellules souches ou d’autres cellules, étant donné que celles-ci sont retirées d’un précurseur multicellulaire du corps humain (exception faite du zygote). Par conséquent, elles ne représentent pas un corps humain à une ou l’autre des étapes de son développement.

Ainsi, l’énoncé « Aucun brevet ne peut être accordé à l’égard des corps humains à quelque étape que ce soit de leur développement » ne s’appliquera qu’au corps humain en son entier, du zygote à l’adulte; les séquences d’ADN, les gamètes, les cellules souches et autres, ou les organes demeureront brevetables. Il faut remarquer que cette recommandation est conforme au projet de loi sur la procréation humaine assistée, déposé au Parlement le 9 mai 2002 par la ministre de la Santé. Cette loi permettrait les recherches sur des séquences d’ADN, les gamètes et les cellules humains (y compris les cellules souches), ainsi que les embryons sous certaines réserves, mais interdirait la production ou l’utilisation de clones humains.

L’exclusion d’espèces autres que les humains demeure une question épineuse. Si les lois actuelles permettent de rejeter la brevetabilité des êtres humains sur une base pratique sinon éthique, la question est très différente quand il est question d’exclure des animaux de diverses espèces. Si l’on désire exclure certains animaux, devrait-il s’agir de ceux qui sont quantitativement semblables aux êtres humains (p. ex., un certain pourcentage de variation génétique par rapport aux êtres humains) ou de ceux qui sont qualitativement semblables aux êtres humains (p. ex., l’aptitude à la pensée et au raisonnement)?

Il semblerait qu’une décision basée sur le quantitatif s’avèrerait inapplicable et pourrait mener au résultat indésirable qu’un organisme dérivé essentiellement de gènes humains pourrait être considéré comme brevetable, mais en autant qu’il franchit le seuil menant à une variance génétique par rapport à la norme génétique humaine. De plus, tout seuil proposé pourrait être jugé arbitraire et la tentative de différencier les anthropondes d’autres animaux pourrait s’avérer inapplicable12.

Par contre, les distinctions qualitatives (p. ex., niveau de cognition perçue, aptitude à communiquer linguistiquement) pourraient à première vue offrir un mécanisme plus réaliste. Il se pourrait, cependant, qu’il s’agisse là d’une démarche dangereuse sur le plan éthique en ce que les humains se verraient forcés de choisir les animaux qui méritent d’être protégés, décision qui pourrait se fonder davantage sur l’opinion que sur des recherches et des données13.

De plus, le Canada doit décider si l’intégration de telles distinctions dans la Loi sur les brevets est d’intérêt public et si, ce faisant, les obligations internationales du Canada sont respectées. L’un dans l’autre, le CCCB estime que la Loi sur les brevets n’est pas un instrument suffisamment pointu pour permettre les évaluations qui s’imposeraient pour étendre l’interdiction du brevetage des corps humains aux animaux. La dignité et le respect des animaux peuvent être mieux protégés par l’entremise de dispositions sur le bien-être des animaux et la protection des habitats.

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Brevetabilité des formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux)

Grâce à diverses consultations et aux commentaires portant sur le Rapport provisoire, le Comité a pris connaissance de nombreux arguments militant pour et contre le brevetage de plantes et d’animaux. Une description détaillée des points de vue et des arguments à cet effet se trouve en annexe C. Les points suivants résument les principaux arguments mis de l’avant.

Ceux qui militent en faveur du brevetage éventuel des formes de vie supérieures présentent quatre arguments principaux.

  • Les brevets offrent l’incitatif financier voulu pour encourager l’industrie à inventer, à dévoiler et à rendre accessible au public canadien de nouvelles technologies en aidant l’industrie à intéresser des investisseurs et à récupérer ses frais de R-D. Somme toute, les brevets servent le bien public en veillant à ce que l’industrie dérive suffisamment de retombées financières des investissements en R-D voulus pour commercialiser de nouveaux produits et services en matière de santé, d’agriculture et d’autres industries. Sans ces retombées, l’industrie ne consentirait pas les investissements nécessaires de peur qu’un concurrent copie ses inventions sans avoir à assumer les frais souvent élevés de R-D.
  • La protection qu’accorde le brevet favorise l’ouverture et l’invention au sein de la communauté scientifique en offrant une solution de rechange à la protection découlant du secret commercial. Celle-ci a une incidence négative sur la communauté scientifique car elle empêche la libre circulation de connaissances fondamentales dans cette communauté. En exigeant le dévoilement public de l’invention, le brevet facilite la dissémination de connaissances une fois la demande de brevet rendue publique, soit 18 mois après la date d’antériorité14.
  • L’économie canadienne pourrait souffrir si le pays diverge de ses principaux partenaires commerciaux (États-Unis, pays de l’Union européenne et Japon) en ne permettant pas le brevetage des formes de vie supérieures (voir l’annexe G). Cette différence pourrait donner l’impression que le Canada n’est pas ouvert à la biotechnologie, ce qui ralentirait les investissements étrangers dans l’industrie canadienne de la biotechnologie. Si cette crainte a davantage trait à la réputation du Canada qu’à son droit des brevets, elle demeure un facteur pertinent de l’élaboration de la politique canadienne en matière de brevetage.
  • Présentement, les brevets sur des séquences d’ADN peuvent servir à réclamer le contrôle sur une plante ou un animal entier. En permettant explicitement le brevetage de plantes ou d’animaux entiers, des dispositions pourraient être promulguées pour établir clairement une différence entre des droits spécifiques découlant des brevets sur des plantes ou animaux entiers et ceux qui ne touchent qu’à certaines séquences moléculaires. Cette différence offre la possibilité d’en arriver à un meilleur équilibre parmi les intervenants et de s’assurer que ces droits conférés par brevet respectent des limites raisonnables.

Le CCCB a également entendu des arguments contre le brevetage de plantes et d’animaux.

  • Le brevetage de plantes et d’animaux soulève de graves questions morales et éthiques portant sur les droits des animaux, la biodiversité, la durabilité économique et environnementale et la réification de la vie. L’idée qu’une plante ou une espèce complexe de vie animale puisse être perçue comme l’invention d’une personne ou d’une société objectifie le monde naturel. Les animaux jouent un rôle spécifique dans la société et ne devraient pas être traités comme de simples objets. Ces points de vue tombent souvent dans l’oubli lors des analyses typiques de coûts-avantages dans le cadre de la formulation de politiques sur les brevets. En tant que société, il ne faudrait pas songer à appliquer le droit des brevets aux formes de vie supérieures tant que toutes les incidences pouvant en découler n’auront pas été déterminées.
  • Il n’est pas nécessaire d’accorder de brevets sur les formes de vie supérieures étant donné que d’autres brevets (p. ex., sur des séquences d’ADN ou des gènes ou des procédés menant à des plantes ou animaux inventés) et d’autres formes de droits intellectuels, dont le secret commercial et la protection des obtentions végétales, suffisent à protéger les intérêts des inventeurs.
  • Les brevets sur les plantes ou les animaux risquent de miner la viabilité économique d’industries basées sur des plantes ou des animaux. Nombre de ces industries revêtent plus d’importance économique au Canada que l’industrie de la biotechnologie. Par exemple, plusieurs personnes ont souligné que les industries canadiennes du bétail et du porc, évaluées à des milliards de dollars, pourraient souffrir advenant que des brevets s’appliquent à des animaux. Un grand nombre de caractéristiques qui donnent de la valeur à un animal reproducteur n’ont rien à voir avec les modifications génétiques et, de toute façon, la génétique animale est telle qu’une caractéristique génétique insérée ne sera pas transmise uniformément aux descendants.

Conformément à son engagement envers l’Énoncé de principes et de valeurs, le CCCB met le lecteur en garde contre une approche absolutiste à la question du brevetage des formes de vie supérieures. Ils propose que la question du brevetage ou non de plantes et d’animaux soit examinée en fonction du plus grand bien commun possible. Cela signifie que le régime des brevets devrait non seulement favoriser l’accumulation de connaissances et la dissémination de celles-ci à l’avantage des Canadiens et d’autres personnes, mais également maintenir l’intégrité des secteurs de la santé, de l’agriculture et de l’éducation au Canada et respecter les valeurs et connaissances des autochtones et des populations minoritaires du Canada.

La majorité des membres du CCCB trouve que le bien commun dans son ensemble est maximisé en acceptant que des droits soient conférés par brevet sur les formes de vie supérieures en autant qu’ils n’aient pas davantage d’ampleur que ceux accordés à d’autres inventions, en tenant compte des particularités des inventions à fondements biologiques15.

Recommandation : Brevetabilité des formes de vie supérieures

  1. Nous recommandons que les formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux) qui satisfont aux critères de nouveauté, de non-évidence et d’utilité soient reconnues brevetables. La portée des droits conférés par les brevets relatifs à ces formes de vie supérieures doit être déterminée en fonction des recommandations 3, 4 et 5.

À l’encontre d’autres types d’inventions, les inventions de nature biologique peuvent se reproduire, renfermer d’importantes caractéristiques qui n’ont rien à voir avec l’invention et comporter des données de base personnelles dans le cas des séquences d’ADN, des lignées cellulaires, des tissus et des organes. Si l’on appliquait tout simplement les droits conférés par brevet à des formes de vie supérieures, le détenteur du brevet aurait non seulement des droits prévenant d’autres activités utiles, mais obtiendrait des droits disproportionnés, par rapport à l’envergure de la protection conférée par brevet, sur d’autres inventions qui ne possèdent pas ces caractéristiques. Ce dernier point revêt une importance particulière dans le cadre des accords commerciaux internationaux en vertu desquels le Canada a convenu de rendre publics les brevets de toutes les inventions, sans égard aux champs technologiques dont les inventions relèvent. Dans les faits, en étendant la portée des brevets aux formes de vie supérieures, le Canada ferait de la discrimination en faveur de certains détenteurs de brevets dans le secteur de la biotechnologie au détriment de détenteurs de brevets dans d’autres champs16.

Il est donc impératif qu’en conférant des droits par brevet sur des formes de vie supérieures le Parlement ne pousse pas ces droits trop loin. C’est pourquoi le CCCB propose plusieurs recommandations visant, d’une part, à permettre le brevetage des formes de vie supérieures et, d’autre part, à s’assurer que la portée des droits conférés par brevet ne soit pas plus grande que celle accordée aux inventions non biologiques. Afin d’atteindre cet objectif, il est essentiel que la recommandation 2 soit lue en tandem avec les recommandations 3, 4, 5, 10 et 13 (privilège des agriculteurs, protection des contrevenants innocents, exception pour les recherches et l’utilisation expérimentale, directives pour les inventions biologiques et mise sur pied d’une procédure en opposition). De plus, étant donné l’importance spécifique que revêtent les inventions relevant de la biologie et de la biotechnologie en matière de soins de santé et d’agriculture, il serait approprié de s’assurer que les droits conférés par brevet ne portent pas préjudice indûment aux autres industries et institutions17. Le Comité réitère l’importance de lire au complet toutes les recommandations de ce rapport.

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Portée des droits des détenteurs de brevets

Étant donné que les formes de vie supérieures peuvent se reproduire sans aide, la délivrance d’un brevet sur une plante, une graine ou un animal couvre non seulement la plante, la graine ou l’animal vendu, mais également toute sa descendance renfermant l’invention brevetée, et ce pour toutes les générations jusqu’à l’expiration du brevet (20 ans à compter de la date d’antériorité). De plus, une grande partie de la valeur de toute forme de vie supérieure, particulièrement dans le cas d’animaux, provient des caractéristiques naturelles de l’organisme d’origine et n’a rien à voir avec l’invention. Vu les attributs uniques des inventions biologiques, l’octroi exclusivement au détenteur du brevet de droits qui s’appliquent non seulement à l’organisme renfermant l’invention, mais également à toute sa descendance représente une augmentation substantielle de la portée des droits offerts aux détenteurs de brevets. Il représente également un plus grand transfert d’intérêts économiques de la communauté agricole en faveur de l’industrie de la biotechnologie que dans d’autres champs scientifiques. L’Union européenne en a pris note dans sa Directive, en veillant à ce que certains usages de la progéniture d’une plante ou d’un animal breveté échappent à la portée des droits exclusifs du détenteur du brevet. Le CCCB entérine cette approche et propose deux recommandations pour raisonnablement encadrer la portée du brevet.

Privilège des agriculteurs

Tant des individus que des organisations et des groupes industriels ont fait part de leur point de vue voulant que si l’on accepte de breveter des plantes et animaux entiers, ainsi que les variétés en découlant, l’envergure des droits conférés par brevet devrait en toute logique être reliée à l’invention comme telle, non à l’ensemble de la progéniture pendant toute la vie du brevet. Comme mentionné ci-dessus, le Comité convient que l’envergure des droits conférés par brevet devrait non seulement être proportionnelle à l’invention, mais également semblable à celle des droits conférés par brevet dans d’autres champs d’activité. En veillant à ce que l’envergure des brevets soit raisonnable, le Canada pourrait à la fois favoriser l’industrie de la biotechnologie et s’assurer de la sûreté des aliments et de la robustesse de l’agriculture canadienne. L’un des éléments de cette stratégie touche à l’incorporation du privilège des agriculteurs dans le droit des brevets. Le privilège des agriculteurs permettrait à ceux-ci de conserver et de réutiliser les graines qu’ils récoltent de plantes brevetées et de reproduire des animaux brevetés pour leur propre usage. Les fermiers auraient le droit de vendre des plantes et animaux ainsi obtenus, mais n’auraient pas le droit de les vendre pour fins de reproduction commerciale18.

Recommandation : Privilège des agriculteurs

  1. Nous recommandons qu’une disposition sur le privilège des agriculteurs soit intégrée à la Loi sur les brevets pour spécifier que les agriculteurs ont le droit de conserver et de replanter des graines provenant de plantes brevetées ou de reproduire des animaux brevetés à condition, respectivement, que les générations descendantes de plantes ne soient pas vendues comme matériel reproducteur commercial et que le créateur d’un animal génétiquement modifié ne voie pas baisser la valeur commerciale de son brevet relatif à l’animal. La formulation de cette disposition devra tenir compte des différences qui existent sur le plan de la nature et de l’utilisation de plantes et d’animaux.

Les agriculteurs canadiens tirent déjà parti d’un privilège des agriculteurs en vertu de la Loi sur les obtentions végétales (cette exemption, qui constituerait en d’autres circonstances une contravention à la Loi, n’est pas stipulée dans la Loi sur les obtentions végétables, mais a été reconnue comme réelle par un tribunal). La loi européenne sur les brevets comprend une disposition sur le privilège des agriculteurs qui permet à ces derniers de reproduire des animaux et certaines plantes (en contrepartie de frais relativement modestes) à des fins d’usage personnel, sans aucune obligation d’obtenir le consentement du détenteur du brevet. Puisque ni les plantes, ni les animaux n’étaient auparavant des sujets de brevets, il n’y avait aucun besoin au Canada d’inclure un tel privilège dans le droit des brevets. Cette situation changera si la recommandation 2 est adoptée.

Lors des consultations et dans les commentaires formulés à la suite du Rapport provisioire, le Comité a été informé de différentes pratiques qui ont cours en matière de descendance végétale et animale. En proposant d’inclure un privilège des agriculteurs dans la Loi sur les brevets, le CCCB reconnaît donc qu’il faudra faire davantrage de travaux pour déterminer la portée de ce privilège. Par exemple, il importe d’analyser les relations entre la Loi sur les brevets, la Loi sur la protection des obtentions végétales et la Loi sur la généalogie des animaux. Alors que la Loi sur la protection des obtentions végétales offre à leurs producteurs une protection sur certaines variétés de plantes, la Loi sur la généalogie des animaux offre une protection en matière de commercialisation de certaines races d’animaux, ce qui pourrait comprendre les animaux transgéniques. Par conséquent, vu les différences au sein de ces lois, les usages agricoles et le degré de reproduction conforme de la plante ou de l’animal, il pourrait être pertinent de formuler des régimes distincts. Notons par exemple que l’on pourrait définir le privilège des agriculteurs par rapport aux plantes comme on le fait en Europe, alors que le privilège applicable aux animaux aurait une portée relativement plus grande. Ces différents niveaux se justifient à la lumière des différences génétiques entre les plantes et les animaux et par les variations de nature économique entre la culture des plantes et l’élevage d’animaux. Puisque le contexte animal se caractérise par ses propres complexités, le CCCB a modifié la recommandation provisoire pour reconnaître l’importance de préciser clairement la juste portée du privilège des agriculteurs applicable aux animaux.

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Contrevenants innocents

Puisque les plantes et les animaux sont aptes à se reproduire sans aide, il faut reconnaître qu’ils ne sont pas toujours entièrement sous le contrôle de ceux qui les cultivent ou les élèvent, ou même que ces personnes en sont conscientes. On peut donc prévoir des reproductions accidentelles19 de graines, matériel génétique ou animaux brevetés. La reproduction d’inventions brevetées sans la permission du détenteur du brevet contrevient aux droits de ce dernier; le détenteur du brevet peut donc intenter des poursuites en dommages et intérêts ou un recours pour stopper la contravention, ou les deux à la fois.

Présentement, le droit des brevets n’exige pas que le détenteur du brevet prouve que le contrevenant savait ou aurait dû savoir qu’il s’agissait de la reproduction d’une invention brevetée. Ce scénario place dans une situation délicate les individus ne sachant pas qu’ils reproduisent une plante, une graine ou un animal breveté sur leur propriété ou dont ils ont la responsabilité. Ces personnes (les contrevenants innocents) peuvent se retrouver accusées de contrefaçon de brevet -- l’une des poursuites les plus difficiles et dispensieuses à contrer -- et de dommages pour contrefaçon sans remède compensatoire à l’endroit du détenteur du brevet. Si cet individu peut théoriquement intenter sa propre poursuite dans le droit commun (common law) de négligence ou le droit civil sur les obligations, donnant lieu à une propagation accidentelle de la plante, de la graine ou de l’animal, les difficultés pratiques d’une telle action -- soit de prouver le devoir de prudence et le manquement à celle-ci -- pourraient rendre ce recours illusoire. Parallèlement, il ne serait pas prudent de dévier trop du principe général du droit des brevets voulant que l’intention de reproduire une invention ne soit pas pertinente. Après tout, il serait difficile pour un détenteur de brevet de démontrer ce niveau d’intention.

Afin de tenir compte à la fois des intérêts du détenteur du brevet et du contrevenant « innocent, mais technique », le Comité estime que ce dernier devrait bénéficier d’une protection codifiée dans la Loi sur les brevets. Néanmoins, le CCCB croit que de tels contrevenants devraient avoir à présenter des arguments qui sous-tendent leur innocence. Ainsi, il propose que la Loi sur les brevets renferme une disposition prévoyant que la présomption normale portant sur la contrefaçon puisse être réfutée quand l’invention est capable de reproduction, comme c’est le cas des plantes, des graines et des animaux.

Recommandation : Protection contre les plaintes de violation de brevet

  1. Nous recommandons que la Loi sur les brevets comprenne des dispositions qui mettront les contrevenants innocents à l’abri de poursuites pour violation de brevet lorsqu’il y a dissémination accidentelle de graines brevetées ou de matériel génétique breveté, ou insémination d’un animal par un animal breveté.

La question de compensation pour tout dommage causé à un contrevenant innocent dans le sillage de l’introduction accidentelle d’organismes brevetés est soulevée plus loin dans ce rapport.

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Utilisation pour la recherche et l’expérimentation

Tel que noté auparavant, le détenteur d’un brevet obtient le droit exclusif de fabriquer, d’utiliser, d’importer et de vendre son invention en échange de la publication des renseignements sous-tendant cette invention en vue de favoriser la création d’autres innovations. Les inventions en aval ne peuvent généralement être faites que dans le sillage de recherches et d’expérimentations supplémentaires qui prennent l’invention comme point de départ. Cependant, de telles activités violent les droits du détenteur du brevet lorsqu’il n’y a pas eu autorisation à cet égard. C’est pourquoi de nombreux pays ont décidé que la recherche fondée sur une invention et les expérimentations qui reposent sur une invention brevetée ne violent pas les droits du détenteur du brevet. L’exemption à des fins expérimentales tente d’établir un équilibre entre l’intérêt qu’a le détenteur du brevet de commercialiser son invention et l’intérêt qu’a la société de faire avancer les recherches.

Au Canada, l’exemption à des fins d’utilisation expérimentale n’est pas limpide et date d’une décision de la Cour suprême du Canada prise en 1971 dans le cadre de recherches visant l’usage de l’invention en vertu d’une licence d’office20. Les causes subséquentes n’ont guère fait avancer le sens de l’exception. Depuis cette décision de la Cour suprême, le Canada a éliminé les dispositions relatives aux licences d’office, ce qui met en question la portée et la nature de cette exception à des fins de recherche. Cette situation n’a pas été corrigée lors de l’inclusion de l’article 55.2 dans la Loi sur les brevets. Cet article établit une exception propre à l’utilisation expérimentale qui est applicable uniquement aux inventions réglementées, par exemple les produits pharmaceutiques. Quoique l’article 55.2(6) refère explicitement à l’exception en vertu du droit commun, telle que stipulée dans la décision de la Cour suprême du Canada, il ne clarifie en rien la nature ou la portée de cette exception.

Il est primordial que les chercheurs aient accès à des technologies de base ou de plateforme à coût abordable, telles les séquences d’ADN, les lignées cellulaires, les plantes et les animaux. L’absence actuelle de clarté au sein du droit des brevets au Canada ne peut que gêner les chercheurs universitaires et indépendants, qui pourraient craindre des poursuites pour violation de brevet. Cette douche froide pourrait réduire l’ampleur des investissements en recherche fondamentale et entraîner le nondévoilement des résultats d’expérimentations, par crainte de réaction défavorable de la part du détenteur si ces résultats étaient rendus publics. Le CCCB estime que le Canada devrait éliminer cette crainte en incorporant à la Loi sur les brevets une exception claire à des fins d’usage expérimental.

Dans le cadre des consultations menées à ce sujet, la collectivité des chercheurs et la majeure partie des membres de l’industrie des semences ont donné leur appui à un amendement à la Loi sur les brevets qui expliciterait la portée et la nature de l’exception à des fins expérimentales. Ceux qui s’opposent à cette exception préfèrent une exception ordonnée par les tribunaux plutôt qu’une disposition dans la Loi sur les brevets. Le CCCB a plusieurs raisons de croire qu’une exception décidée par le Parlement serait préférable à une décision émanant des tribunaux. Premièrement, l’aspect « valeurs » des enjeux appelle une démarche du Parlement plutôt que des tribunaux. Deuxièmenent, les commentaires qui émanent de la communauté des chercheurs suggèrent que ceux-ci estiment que l’exception actuelle à des fins de recherche manque de clarté. Troisièmement, des études ont démontré que l’absence d’une exception claire à des fins de recherches a ralenti d’importantes percées en santé21. Quatrièmement, les États membres de l’Union européenne ont incorporé à leur droit des brevets des exceptions à des fins d’expérimentation sans qu’il y ait de retombées négatives. En outre, un atelier composé d’experts de l’OCDE, tenu en janvier 2002, a reconnu la nécessité de clarifier la portée et la fonction des exemptions pour fins de recherche dans les États membres22. En fait, la recommandation présentée dans le Rapport provisoire a été favorablement accueillie à cette occasion. Cinquièmement, les gouvernements provinciaux ont demandé à ce que l’on clarifie l’exception au titre de l’expérimentation au Canada23.

Le CCCB a formulé une exception à des fins d’expérimentation en prenant pour point de départ la terminologie utilisée en Europe dans la Convention sur les brevets de la Communauté24, mais en la modifiant pour tenir compte de certaines préoccupations.

Recommandation : Exception à des fins d’usage expérimental

  1. Nous recommandons que la Loi sur les brevets soit modifiée afin d’y inclure une exception dans les cas d’utilisation pour la recherche et l’expérimentation. La disposition devrait stipuler ce qui suit :

    Il n’y a pas violation de brevet lorsque l’on se sert d’un procédé breveté ou d’un produit breveté pour :

    1. un but privé ou non commercial; ou
    2. étudier la matière d’une invention brevetée afin d’en examiner les propriétés, de l’améliorer ou de créer un nouveau produit ou procédé.


La première modification que le CCCB a faite vise à éliminer une incertitude que soulève la disposition d’usage expérimental de la Convention25. Aux termes de celle-ci, il n’est pas clair si le chercheur peut se fier à la disposition sur l’usage expérimental pour se servir d’une séquence d’ADN, par exemple afin d’identifier les molécules qui s’y lient ou qui agissent sur elle. L’ajout des mots « afin d’en examiner les propriétés, de l’améliorer, ou de créer un nouveau produit ou procédé » vise à dissiper cette incertitude. Vu l’exigence fondamentale voulant que l’usage ait trait à l’objet de l’invention, seule l’étude portant sur la nature de l’invention comme telle ferait l’objet de cette exception. Ainsi, si un outil de recherche breveté devait être consommé dans le cadre d’une expérimentation, le chercheur aurait l’obligation d’acheter le droit de se servir de cet outil dans l’expérimentation. Il s’agit de s’assurer que les scientifiques qui se servent d’inventions brevetées comme simples outils pour faire avancer des recherches aient à verser des droits d’utilisation.

La deuxième modification touche à l’utilisation du verbe « étudier » plutôt que de l’adjectif « expérimental » comme le fait la Convention, et de l’expression « faire des recherches » qu’on trouve dans le Rapport provisoire. Les réactions à ce rapport soulignent qu’il faut clarifier que l’utilisation en salle de classe d’une invention pour étudier son objet devrait être exclue de la violation d’un brevet. Ainsi, l’utilisation d’une séquence d’ADN, cellule, plante ou animal dans le cadre d’un cours en laboratoire visant l’étude de ses propriétés devrait être exemptée des dispositions de violation du brevet. Le CCCB s’est donc servi du verbe plus général « étudier » 26 plutôt que des mots « recherche » ou « expérimental » dont la signification est plus pointue.

La disposition sur l’usage expérimental qui en découle reconnaît deux situations qui échappent aux droits exclusifs du détenteur de brevet. La première est une exception visant à protéger les particuliers qui font des expériences privées sans motivation commerciale. La terminologie qui donne corps à cette exception ressemble à celle de la Convention des brevets de la Communauté et à l’exception actuellement en vigueur aux États-Unis. La seconde exception vise à s’assurer que les prochaines générations de chercheurs auront accès aux connaissances fondamentales qui mèneront à d’autres connaissances et à des inventions de plus grand calibre. Étant donné que même la recherche fondamentale aboutit souvent à des produits commercialisables, le Comité n’a pas cherché à faire de distinction entre les scientifiques qui font de la recherche à des fins purement universitaires et les autres qui poursuivent des intérêts commerciaux.

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Autres enjeux concernant la biotechnologie et la propriété intellectuelle

Responsabilité pour dommages-intérêts

La recommandation du Rapport provisoire pressait le Canada de participer activement à l’élaboration d’une approche internationale pour traiter les questions liées à la responsabilité en matière de migration transfrontalière de formes de vie supérieures brevetées. De nombreux intervenants ont indiqué que des dommages pourraient survenir et que des questions de responsabilité et de compensation pourraient par conséquent être soulevées au Canada et sur la scène internationale. Ils ont suggéré fortement au CCCB de donner davantage de portée à sa recommandation pour composer avec la situation intérieure et internationale.

Selon le Comité, le droit canadien traite déjà adéquatement des questions de responsabilité et de compensation dans le droit commun (common law) de négligence et dans le droit civil sur les obligations, lesquels se fondent sur les principes d’imputabilité et de responsabilité. Il n’est pas nécessaire d’invoquer des dispositions particulières dans le cas de dommages causés par des produits biotechnologiques, brevetés ou non. Il faut également tenir compte du fait que la question de responsabilité et de compensation a été soulevée dans le contexte de dommages causés par des espèces brevetées, alors que des espèces domestiques non brevetées ou invasives pourraient également causer des dommages.

À l’échelle internationale, les gouvernements commencent à s’intéresser aux questions de responsabilité et de recours liées aux organismes vivants modifiés (plantes ou microbes, par exemple), ainsi qu’aux espèces invasives, aux termes de la Convention sur la diversité biologique. Le Comité intergouvernemental du Protocole de Carthage sur la biodiversité se penche sur les organismes modifiés, tandis que la Conférence des Parties vient tout juste d’adopter 15 principes directeurs pour élaborer des stratégies efficaces visant à minimiser la propagation et l’impact d’espèces invasives étrangères. Les résultats découlant de ces travaux pourraient servir à orienter les tribunaux ou les législatures canadiennes qui se pencheront sur les poursuites conséquentes à des dommages causés par des produits de la biotechnologie, qu’ils soient brevetés ou non.

Recommandation : Responsabilité pour dommages-intérêts

  1. Nous recommandons que le Canada participe activement aux négociations internationales concernant les questions de responsabilité et de recours lorsqu’il y a dissémination accidentelle de graines brevetées ou de matériel génétique breveté, ou insémination d’un animal par un animal breveté.
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Certaines considérations sociales et éthiques

Comme mentionné précédemment, la plupart des préoccupations d’ordre social ou éthique au sujet de la biotechnologie surviennent soit pendant l’étape de la recherche et du développement (p. ex., le bienêtre des animaux) soit à cause de l’usage qui est fait d’une nouvelle application de la biotechnologie (p. ex., la technologie des cultures végétales). Le CCCB a également souligné que ces préoccupations existeraient sans égard au fait que l’invention ait été brevetée ou non, et que leur résolution devrait par conséquent se fonder principalement sur des mécanismes autres que ceux qui sont prévus dans le régime des brevets. Il subsiste cependant certaines préoccupations qui ont manifestement rapport au régime des brevets, même si ce n’est parfois qu’indirectement. La présente section en soulève plusieurs.

Accès aux ressources génétiques et partage des bienfaits

Les percées dans de nombreux secteurs de la recherche en biologie, en particulier dans les domaines de la médecine et de l’agriculture, reposent de plus en plus sur des techniques permettant de trouver, d’isoler et d’analyser des gènes, ainsi que d’analyser les fonctions et les interactions des gènes, protéines et processus biochimiques contrôlés par ces gènes. Ces techniques recourent à l’utilisation de matériel génétique prélevé chez des êtres humains, des plantes ou des animaux.

Les chercheurs du secteur médical s’intéressent à la détermination des causes génétiques de diverses maladies. Il est tout aussi intéressant de comprendre pourquoi certaines personnes semblent bénéficier d’une protection contre le développement de certaines maladies. Les mécanismes en jeu peuvent être cernés en étudiant des groupes de personnes. Une fois le facteur génétique connu, le cas échéant, il pourrait être possible de mettre au point des tests de diagnostic ou de chercher à traiter ou à guérir le patient.

En biotechnologie agricole, les bases génétiques de traits désirables, telle la résistance à une maladie, peuvent être décelées et permettre le transfert de ces traits à d’autres espèces ou variétés. De nombreuses découvertes sont rendues possibles grâce au matériel génétique provenant de plantes ou d’animaux qui vivent dans les pays en voie de développement, là où se retrouve la majeure partie de la diversité biologique de la planète. Les scientifiques se sont souvent fondés sur des connaissances traditionnelles des populations locales pour choisir des plantes et des animaux à des fins d’étude, mais ils n’ont généralement pas offert de contrepartie pour s’en être servis. La terminologie utilisée par diverses parties traduit clairement des points de vue opposés : les entreprises parlent des activités qu’elles mènent dans des pays riches en biodiversité comme étant de la « bioprospection »; les agriculteurs et d’autres parties intéressées s’objectent plutôt à ce qu’ils appellent la « biopiraterie ».

La majeure partie des connaissances tirées de l’étude de ces ressources génétiques peut être brevetée et commercialisée. Dans certains cas, les gens qui ont justement permis que la découverte se fasse, en contribuant leur propre matériel génétique ou en partageant leurs connaissances traditionnelles sur les ressources végétales et animales locales, ne sont malheureusement pas en mesure de se payer les nouveaux médicaments, traitements ou graines qui en résultent.

Recommandation : Partage des bienfaits

  1. Nous recommandons que le gouvernement fédéral, en consultation avec les autres ordres de gouvernement et les autres intéressés, élabore des politiques et des pratiques propres à encourager le partage des bienfaits qui découlent de recherches faisant appel au matériel génétique. Nous recommandons particulièrement ce qui suit :
    1. Que les bienfaits découlant de la recherche médicale et pharmaceutique basée sur du matériel génétique humain (et l’exploitation commerciale de cette recherche) soient partagés avec les groupes ou les collectivités qui ont fourni ce matériel génétique. Toutes les entités (organismes publics et privés et entreprises commerciales) qui prennent part au financement de la recherche ou à l’instauration de lignes directrices ou de codes visant la conduite éthique de la recherche devraient s’assurer que le partage des bienfaits soit prévu. Santé Canada devrait diriger un programme en vue de faire participer tous les intéressés à l’élaboration de pratiques exemplaires relativement au partage des bienfaits lorsqu’il est question de recherches faisant appel à des sujets humains.
    2. En ce qui a trait aux recherches basées sur du matériel génétique végétal ou animal, le Canada devrait :
      • maintenir sa participation aux processus actuels de la Convention sur la diversité biologique afin de traiter des questions non résolues qui ont trait aux Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des bienfaits qui découlent de leur utilisation, notamment les obligations du pays utilisateur et la prise en considération, par le groupe de travail, de l’article 8(j) des Directives données par les collectivités autochtones et locales;
      • encourager et faciliter la conformité aux lignes directrices de Bonn, au Canada et dans le monde entier;
      • signer et ratifier aussitôt que possible le Traité international sur les ressources génétiques végétales pour l’alimentation et l’agriculture; participer à l’élaboration de l’accord type sur le transfert de matériel génétique, y compris les dispositions exigeant le partage des bienfaits; et encourager et faciliter la mise en oeuvre des dispositions du Traité au Canada;
      • de façon générale, encourager et faciliter la conclusion d’ententes de partage des bienfaits entre les utilisateurs des ressources génétiques et les collectivités traditionnelles et locales du Canada.

Le principe de justice exige un engagement à veiller à ce que les avantages et les fardeaux de la biotechnologie soient équitablement répartis et que les politiques et les pratiques ne contribuent pas à l’oppression des groupes vulnérables. Ces valeurs se retrouvent dans diverses déclarations et ententes internationales portant sur l’utilisation de matériel génétique humain, animal ou végétal. Le principe de justice exige un engagement à veiller à ce que les advantages et les fardeaux de la biotechnologie soient équitablement répartis et que les politiques et les pratiques ne contribuent pas à l’oppression des groupes vulnérables. Ces valeurs se retouvent dans diverses déclarations et ententes internationales portant sur l’utilisation de matériel génétique humain, animal ou végétal.

En avril 2000, le Comité d’éthique international de l’Organisation du génome humain a publié une déclaration sur le partage des bienfaits. Celle-ci repose sur la prémisse suivante : puique le génome humain fait partie du patrimoine commun de l’humanité, le Projet sur le génome humain et les travaux qui en découlent devraient profiter à toute l’humanité. Les entreprises commerciales, les gouvernements et les institutions universitaires devraient décider du transfert des bienfaits en fonction des besoins, valeurs, priorités et attentes culturelles du groupe ou de la collectivité d’où provient le matériel génétique humain requis pour la recherche. Les bienfaits pourraient se présenter sous forme de soins de santé, de transfert de technologie ou encore de développement ou d’amélioration des infrastructures. Lorsque des profits nets découlent de la recherche, le Comité d’éthique recommande qu’un petit pourcentage soit utilisé, par exemple, pour améliorer l’infrastructure des soins de santé.

La Convention sur la diversité biologique, que le Canada a signée en 1992, poursuit trois objectifs, soit la conservation, l’utilisation durable et le partage équitable des bienfaits qui découlent de la biodiversité. Cette Convention réaffirme que les États ont des droits souverains sur leurs ressources biologiques. L’article 15 reconnaît que les pays ont le droit de contrôler leurs ressources génétiques et l’accès à ces ressources, ainsi que les conditions qui s’y rattachent. Les parties à la Convention ont convenu de faciliter l’accès aux ressources génétiques de leur territoire aux autres parties, d’obtenir un consentement préalable éclairé avant d’avoir accès à ces ressources, et de prendre des dispositions pour en arriver à un partage juste et équitable des résultats de la recherche et du développement, ainsi que des bienfaits qui découlent de l’utilisation commerciale ou autre des ressources génétiques avec le pays d’où elles proviennent. La Convention prévoit que le partage des bienfaits pourrait se faire, entre autres, par le truchement d’un programme de coopération et de formation scientifiques, le développement d’une infrastructure de recherche ou l’échange d’information ou de technologie, notamment les technologies autochtones ou traditionnelles.

Les Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des bienfaits découlant de leur utilisation ont été adoptées en avril 2002 lors de la Conférence des parties à la Convention sur la biodiversité. Ces lignes directrices internationales et volontaires offrent aux parties un guide sur la constitution de régimes d’accès et de partage des bienfaits (p. ex., démarches pour obtenir le consentement préalable éclairé) et influent sur les pratiques des intervenants en matière de régimes d’accès et de partage des bienfaits. En vertu des Lignes directrices de Bonn, les parties devraient se doter de dispositions légales, administratives et de mesures, selon les besoins, pour appuyer la conformité au processus de consentement préalable des pays d’où proviennent les ressources. Il s’agit, entre autres, de dispositions pour encourager ceux qui cherchent à obtenir un brevet ou un autre type de protection de la propriété intellectuelle à révéler l’origine des ressources génétiques et des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles de collectivités autochtones et locales27.

En novembre 2001, L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentaion et l’agriculture (FAO) a adopté un Traité international sur les ressources génétiques des plantes à des fins alimentaires et agricoles, qui est exécutoire. Ce traité est né d’un processus de révision de l’Engagement international de 1983 sur les ressources génétiques des plantes, à des fins de conformité aux exigences de la Convention sur la biodiversité, notamment des dispositions tenant compte du privilège des agriculteurs et de l’accès aux collections privées de matériel génétique végétal. L’objectif du traité est de s’assurer que les ressources génétiques des plantes qui revêtent une très grande importance pour l’agriculture ou l’autosuffisance alimentaire soient conservées et disponibles aux fins de reproduction des plantes. En vertu du Traité, les membres devront se doter d’un système multilatéral pour faciliter l’accès aux ressources génétiques et partager les bienfaits qui en découlent.

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Connaissances traditionnelles et propriété intellectuelle

Les connaissances traditionnelles englobent le savoir, les innovations et les pratiques de populations autochtones ou locales, qui sont l’expression des pratiques et modes de vie traditionnels adaptés à l’environnement immédiat. Historiquement, ces connaissances ont été transmises oralement au fil des générations, à la manière d’un apprentissage; ces connaissances pratiques (p. ex., à des fins agricoles ou médicinales) ou religieuses peuvent être communiquées publiquement ou secrètement. Comme indiqué dans la section précédente, les connaissances traditionnelles peuvent aider des chercheurs à cibler de façon plus circonscrite les sources de nouveaux médicaments ou autres matériels brevetables qu’ils convoitent.

L’article 8(j) de la Convention sur la diversité biologique exige que chaque partie « respecte, préserve et maintienne les connaissances, innovations et pratiques des collectivités autochtones et locales [...] qui présentent un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. » Cette disposition oblige également les membres à promouvoir la diffusion de ces pratiques avec l’approbation et le consentement de leurs détenteurs, tout en veillant au partage équitable des bienfaits qui découlent de l’utilisation des connaissances, innovations et pratiques traditionnelles. De nombreux pays qui se sont dotés de régimes nationaux d’accès aux ressources génétiques exigent également l’obtention d’un consentement préalable éclairé lorsque des scientifiques et des entreprises de biotechnologie veulent utiliser des connaissances traditionnelles de collectivités autochtones ou locales. Comme mesure d’appui à ces lois nationales d’accès, les Lignes directrices de Bonn encouragent les gouvernements à prendre des dispositions pour s’assurer que les demandes de brevet précisent les sources de connaissances traditionnelles.

La commercialisation de produits dérivés de ressources génétiques mises à la disposition de chercheurs par les détenteurs de connaissances traditionnelles prouve que celles-ci sont un élément d’actif qui pourrait être d’une grande valeur économique pour les détenteurs. Cette constatation est maintenant reconnue, comme en témoigne les efforts décrits dans la section précédente relativement à l’élaboration de mécanismes de retour aux collectivités-sources, par le truchement de dispositions relatives au partage des bienfaits. De plus, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a formé un comité intergouvernemental sur la propriété intellectuelle (OMPI) et les ressources génétiques, les connaissances traditionnelles et le folklore, qui examine notamment la pertinence d’établir une nouvelle catégorie de propriété intellectuelle qui offrirait ce type de protection aux connaissances traditionnelles, comme c’est le cas pour le brevetage d’inventions.

On examine également des moyens pour permettre aux examinateurs des demandes de brevet de tenir compte des connaissances traditionnelles dans la perpective de l’état des dossiers d’antériorité pour décider si une invention est suffisamment nouvelle pour mériter un brevet. Généralement, les dossiers d’antériorité sont des descriptions écrites ou publiées de l’invention soumise à un examen. Lors du processus de décision relative à la nouveauté de l’invention, on ne tient pas compte des connaissances qui sont devenues publiquement accessibles lorsqu’elles ont été transmises oralement. Plusieurs bases de données ou registres de connaissances traditionnelles ont été constitués à partir de connaissances appartenant au domaine public (ce qui exclut les connaissances traditionnelles qui sont transmises sous le couvert du secret). Le document Progress Report on the Status of Traditional Knowledge as Prior Art, publié par le secrétariat de l’OMPI en décembre 2001, décrit plusieurs questions qui ont trait à l’enregistrement ou à la codification des connaissances traditionnelles. Ce rapport fait maintenant l’objet d’un examen par le comité intergouvernemental.

Recommandations : Connaissances traditionnelles

  1. Nous recommandons que le Canada appuie le travail entrepris au sein de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle par le groupe de travail sur les ressources génétiques, les connaissances traditionnelles et le folklore pour déterminer si, et comment, une forme de propriété intellectuelle peut être élaborée à l’égard des connaissances traditionnelles.
  1. Nous recommandons que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada fournisse conseils et orientation aux examinateurs de brevets afin que ceux ci sachent évaluer comme « dossier d’antériorité » les connaissances traditionnelles rendues publiques par transmission orale ou écrite.
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Effet du brevetage en biotechnologie sur le système des soins de santé

On s’attend à ce que les inventions de nature biotechnologique aient une incidence majeure sur la médecine, les thérapies et les systèmes de soins de santé. Dans son rapport récent intitulé Genetics, Testing & Gene Patenting: Charting New Territory in Healthcare, le gouvernement de l’Ontario a relevé divers mécanismes par lesquels des brevets sur des gènes humains pourraient menacer le régime de soins de santé financé par des fonds publics au Canada. Dans ce rapport, que les premiers ministres de toutes les provinces ont entériné en principe lors de leur rencontre du 25 janvier 2002, l’Ontario a proposé qu’on approfondisse l’étude de certains effets que des brevets sur des gènes humains pourraient avoir sur le système de soins de santé. Elle a en outre proposé que les provinces travaillent de concert avec le gouvernement fédéral pour répondre aux préoccupations des provinces. Notons que le rapport de l’Ontario fait siennes plusieurs recommandations que présentait le Rapport provisoire du CCCB.

Le CCCB est d’avis que la proposition de l’Ontario voulant que les provinces et le gouvernement fédéral travaillent de concert à déterminer les effets négatifs du système de brevetage sur le régime public des soins de santé, puis à y réagir, constitue le moyen tout indiqué pour tenir compte de ces préoccupations. Ces questions sont fort importantes, comme le soulignait le Rapport provisoire, mais elles ne se situent pas au coeur du projet actuel sur la propriété intellectuelle en biotechnologie.

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Amélioration de la gestion du régime des brevets

Quelle que soit la décision du Canada en matière de brevetage de plantes et d’animaux, le régime canadien des brevets devrait pouvoir traiter toutes les demandes de brevet d’une façon aussi efficace que possible. Ceci ne signifie pas que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) devrait tout simplement accorder des brevets sans examen adéquat. L’OPIC devrait plutôt disposer des ressources nécessaires pour examiner les demandes de brevets de façon efficace et efficiente. Les personnes qui déposent des demandes de brevet devraient pouvoir obtenir au préalable suffisamment d’information pour que leurs demandes soient aussi précises et complètes que possible. Dans la section qui suit, Le CCCB recommande plusieurs mesures visant à améliorer le fonctionnement du régime des brevets au Canada.

Directives applicables aux brevets et aux procédés en biotechnologie

Il serait utile que l’OPIC émette des directives précises sur la brevetabilité du matériel biologique et sur la façon dont les demandes sont examinées. De nombreux enjeux que soulève le présent rapport ne sont pas traités dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets concernant la biotechnologie.

Le Patent and Trademark Office des États-Unis (USPTO) émet déjà de telles directives relativement à l’application des critères de brevetabilité selon différents genres d’inventions. Ces lignes directrices portent essentiellement sur les distinctions subtiles que le USPTO est appelé à faire. Elles sont généralement formulées d’une façon qui est plus compréhensible par les inventeurs et les petites entreprises que ne le sont les manuels officiels qui traitent de la brevetabilité. Ces directives se révèlent particulièrement utiles pour les petites entreprises de biotechnologie qui ne sont pas rompues aux processus de brevetage. Des directives semblables pourraient être rédigées au Canada avec le concours d’un groupe d’experts consultatif.

Recommandation : Directives applicables aux brevets sur le matériel biologique

  1. Nous recommandons que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada mette au point et publie des directives explicatives concernant les inventions biologiques. Ces directives devraient être mises à jour de façon régulière et fournir des paramètres aux demandeurs et aux examinateurs, notamment au sujet :
    1. de l’interprétation des critères d’émission d’un brevet (c’est-à-dire, nouveauté, non-évidence, utilité et portée de l’application) en ce qu’ils s’appliquent aux inventions biologiques;
    2. du processus auquel doit s’astreindre tout demandeur de brevet en biotechnologie et les paramètres des délais de chaque étape, dans la mesure où ces délais pourraient, le cas échéant, différer de ceux propres à d’autres demandes de brevet.

À mesure que l’OPIC énonce ses points de vue sur l’application du droit des brevets aux inventions de nature biologique, le CCCB l’invite à préciser comment il applique les critères de nouveauté, de non évidence et d’utilité aux formes de vie supérieures et comment il définit le degré de description exigé à l’appui des revendications d’un brevet portant sur une forme de vie supérieure. Comme premier exemple, les lignes directrices devraient clairement délimiter à quel point l’OPIC tient compte des facteurs d’uniformité et de stabilité pendant l’examen des demandes de brevet sur des plantes ou des animaux. Comme deuxième exemple, l’OPIC devrait préciser si un brevet peut être obtenu sur des formes de vie supérieures par l’entremise d’une sélection naturelle laborieuse et d’épreuves connexes, mais en l’absence de toute manipulation génétique. Une récente décison de la Cour suprême des États-Unis permettrait la délivrance d’un brevet sur une telle invention28.

De plus, le CCCB invite l’OPIC à se doter de lignes directrices précisant la portée convenable des brevets de nature biologique, y compris dans quelles circonstances le détenteur d’un brevet sur une séquence d’ADN aurait le droit d’empêcher des tiers de cultiver une plante ou d’élever un animal qui renferme cette séquence. L’OPIC devrait examiner attentivement l’opinion exprimée dans un récent rapport du gouvernement de l’Ontario sur le brevetage de gènes, voulant qu’il faudrait faire une distinction entre la structure chimique d’une séquence d’ADN et l’information qu’elle renferme, afin de remédier à certains des problèmes que soulèvent les brevets sur des gènes29. De plus, l’OPIC devrait jouer un rôle dans l’étude fédérale-provinciale en cours sur les effets que peuvent avoir les gènes brevetés sur les soins de santé.

Lors de notre rencontre avec le secteur industriel, des participants ont soulevé la possibilité que le Canada adopte une politique de rétablissement de la durée des brevets qui soit semblable à celles des États-Unis, de l’Europe et du Japon. Ceci permettrait aux détenteurs de brevets de récupérer la période d’exclusivité perdue pendant que l’OPIC étudie le dossier. Le CCCB est d’avis que l’OPIC et Industrie Canada devraient poursuivre les consultations et les recherches à ce sujet avant d’entériner cette position.

Dans la mesure où l’OPIC n’a pas le mandat d’agir en ce sens pour tirer au clair par lui-même ces aspects du droit des brevets, le CCCB l’invite à demander aux décideurs du gouvernement fédéral d’examiner ces questions et les options pertinentes.

Comme indiqué précédemment, si l’on devait accepter que les formes de vie supérieures soient brevetables au Canada, il faudra veiller à ce que les détenteurs de brevets sur des inventions de nature biologique aient les mêmes droits, sans plus, que les détenteurs de brevet de toute autre nature. Pour atteindre cet objectif, il faudra peut-être que les brevets de nature biologique ou les détenteurs de tels brevets soient considérés différemment des autres brevets ou détenteurs de brevets.

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Rapports sur le rendement

Les statistiques semblent démontrer que l’OPIC prend plus de temps à émettre des brevets en biotechnologie que ses homologues des autres pays développés. Il faut approfondir l’examen de la situation pour déceler la cause de ces délais. S’il s’avère que ceux-ci s’expliquent par un manque d’examinateurs compétents, il faudra y remédier sans tarder. Des participants ont proposé que l’OPIC embauche des examinateurs et augmente les salaires pour maintenir en fonction ceux qu’il emploie. D’autres ont proposé que le Canada accepte les décisions prises par les bureaux des brevets des États-Unis ou des pays européens.

Afin de pouvoir s’occuper du nombre croissant de demandes de brevet en biotechnologie et dans d’autres domaines, l’OPIC doit non seulement disposer d’un effectif suffisant, mais également des compétences spécialisées nécessaires. Il pourrait être utile de vérifier la capacité de traitement de l’OPIC pour répondre aux interrogations suivantes : Combien de demandes peuvent être traitées en une période de temps raisonnable? Faut-il davantage d’examinateurs? Y a-t-il carence de compétences spécialisées? Le gouvernement doit offrir des incitatifs pour maintenir en fonction ses employés et conserver leur savoir-faire, plutôt que de les voir accepter des emplois plus lucratifs dans le secteur privé au Canada ou aux États-Unis.

Le fait de faire rapport sur le rendement en fonction d’objectifs de rendement définis et par le truchement de comptes rendus périodiques sur l’atteinte des objectifs peut se révéler un outil utile qui favorise la transparence et l’imputabilité. S’il est techniquement exigeant de se doter de normes valables et d’un mécanisme de compte rendu connexe, c’est néanmoins un outil fort utile pour s’assurer que les intéressés puissent contrôler le rendement.

Recommandation : Normes de service et rapport de rendement

  1. Nous recommandons que l’Office de la propriété intellectuelle du Canada :
    1. mette régulièrement à jour ses normes de services, en fonction des pratiques exemplaires internationales, pour ce qui est du traitement des demandes de brevet;
    2. présente des rapports périodiques sur son propre rendement par rapport à ces normes et sur les mesures prises pour les respecter (par exemple, en augmentant les capacités ou le niveau des compétences).
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Harmonisation internationale du droit et des procédures des brevets

Étant membre de l’OMC, le Canada est assujetti aux dispositions des ADPIC. Ceux-ci visent à établir une certaine cohérence parmi les membres de l’OMC en matière de protection des droits de propriété intellectuelle, notamment des brevets. Le Canada est également membre de l’OMPI qui, elle, fait la promotion de la protection de la propriété intellectuelle et encourage la coopération administrative parmi ses membres. En juin 2000, l’OMPI a convenu d’un Traité sur le droit des brevets pour harmoniser les formalités de dépôt des demandes de brevets et de maintien des brevets. Il faudra plusieurs années pour que ce traité entre en vigueur. Le Canada l’a signé en mai 2001 et il lui reste maintenant à le ratifier.

Des représentants de l’industrie ont affirmé que les politiques de brevetage des autres nations, dont les États-Unis, le Japon et les pays d’Europe, ont plus d’incidence sur l’industrie canadienne que la politique canadienne des brevets, étant donné la forte taille de ces marchés. Plus le Canada s’alignera sur les régimes de brevets de ses partenaires commerciaux, plus il réussira à attirer et à conserver des investissements et à épauler une collectivité dynamique de chercheurs. Il en découle que le Canada devrait oeuvrer à l’harmonisation du droit des brevets et des procédures liées à la délivrance de brevets à l’échelle internationale, de façon à permettre à l’industrie canadienne de tirer parti de brevets émis à travers le monde. La mise en oeuvre du Traité sur le droit des brevets constitue un pas dans cette direction. Le Canada devrait toutefois continuer à promouvoir le développement de régimes des brevets transparents, efficients et uniformes à l’échelle internationale. Les travaux du Comité permanent sur le droit des brevets, de l’OMPI, qui vise un traité sur le droit substantiel des brevets, ainsi que les travaux qui seront réalisés dans la foulée de l’adoption récente du Programme de développment d’un système international de brevet, fourniront au Canada l’occasion d’oeuvrer dans cette direction.

Recommandation : Harmonisation internationale

  1. Nous recommandons que le Canada travaille en faveur d’une harmonisation plus poussée des politiques et des procédures relatives aux brevets, à l’échelle internationale :
    1. en continuant de participer aux initiatives internationales d’harmonisation dans ce domaine, notamment la réforme du Traité de coopération en matière de brevets, les travaux du Comité sur le droit substantiel des brevets et ceux entrepris dans le cadre du programme d’élaboration du Système international de brevets (le programme du droit des brevets);
    2. en ratifiant aussitôt que possible le Traité sur le droit des brevets, lequel précise des exigences formelles relatives au dépôt d’une demande de brevet et au maintien d’un brevet.
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Système simplifié en matière de contestation de brevets

Plusieurs commentateurs ont proposé qu’on simplifie les mécanismes d’opposition à un brevet déjà délivré. Présentement, le Canada offre un processus de réexamen lorsqu’on peut démontrer qu’une revendication contenue dans un brevet ne tient pas compte du dossier d’antériorité avant la demande de brevet (c’est-à-dire des renseignements préexistants et publics). Le dossier d’antériorité est examiné et, si l’argument a du mérite, le détenteur de brevet est prévenu et invité à répondre. La revendication contenue dans le brevet peut être annulée ou maintenue; de plus, des modifications et de nouveaux éléments peuvent être incorporés à la demande de brevet. La personne qui fait opposition au brevet ne participe pas au processus et il n’existe aucune dispositon prévoyant l’intervention de tierces parties. L’opposition à un brevet pour toute autre raison, après la délivrance du brevet, ne peut se faire que par recours juridique. Le déroulement de tels causes tend à être très lent et très onéreux.

Selons le CCCB, le Canada devrait se doter d’une procédure d’opposition, à l’instar de plusieurs de ses grands partenaires commerciaux, en instituant une procédure qui permettrait à des tiers de contester une demande de brevet après sa délivrance. Étant donné que toute procédure d’opposition s’appliquerait à tous les brevets, pas seulement à ceux qui portent sur les formes de vie supérieures ou sur d’autres inventions de nature biologique, la proposition que le Canada agisse en ce sens pourrait être perçue comme dépassant le cadre du mandat du CCCB. Celui-ci trouve néanmoins que l’idée d’un mécanisme permet-tant de résoudre rapidement les différends relatifs à la délivrance d’un brevet est fort méritoire, surtout en regard de sujets tels que des plantes et des animaux qui ont une grande importance dans les domaines de l’agriculture ou des soins de santé au Canada.

En 1998, le Comité consultatif national de la biotechnologie30 (CCNB) a recommandé que l’OPIC adopte une procédure efficace d’opposition recevable au cours des six premiers mois suivant la délivrance du brevet, à l’instar des procédures européennes. L’un des arguments présentés par le Comité voulait que les brevets soient susceptibles d’avoir une incidence sur des tiers et qu’il y va de l’intérêt public de s’assurer que la portée des brevets soit juste et que ceux-ci ne contiennent pas de revendications excessivement générales. Les brevets à grande portée, surtout quand cette dernière dépasse celle des partenaires commerciaux, peuvent gêner les activités commerciales des entreprises.

Le CCNB a également émis l’opinion qu’il serait avantageux d’instituer un tel régime au sein de l’OPIC pour permettre à des tiers de contester la validité d’un brevet sans qu’il faille se soumettre à la lourdeur judiciaire. Un tel régime permettrait un examen plus approfondi de brevets qui revêtent une grande importance sur le plan commercial. Il permettrait à l’OPIC de réexaminer ses décision à la lumière des arguments avancés par des tiers. Le CCNB a également souligné l’importance de veiller à ce que les procédures d’opposition n’entraînent aucun délai indu -- d’où la recommandation d’une procédure qui s’étend sur six mois tout au plus.

Recommandation : Procédure d’opposition

  1. Nous recommandons que le gouvernement ajoute aux dispositions de la Loi sur les brevets une procédure permettant de contester la délivrance d’un brevet en invoquant que ce brevet est invalide ou de nul effet. Puisqu’il est essentiel que la nouvelle procédure soit plus rapide, moins lourde et moins coûteuse que les méthodes actuelles, nous recommandons aussi que la date limite de dépôt d’une contestation soit dans les six mois suivant la date de la délivrance du brevet, et que des procédures soient mises en oeuvre et que des fonds soient affectés afin de faire en sorte que la procédures puisse se conclure dans les 18 mois suivant la date de la délivrance du brevet.

Exception faite de quelques intervenants de l’industrie, la recommandation présentée dans le Rapport provisoire a été accueillie favorablement. Plusieurs intervenants ont mentionné que pour être efficace, la procédure en opposition devrait être soigneusement conçue. C’est pourquoi le CCCB suggère, en proposant cette recommandation, que le gouvernement établisse des règles limpides relativement aux questions suivantes :

  • Qui peut mettre en route une procédure d’opposition? Le CCCB appuie dans ses grandes lignes la position européenne selon laquelle il peut s’agir de n’importe qui, même si la personne en question n’a aucun intérêt économique dans la question.
  • Le brevet serait-il suspendu tant que la procédure d’oppostion n’aura pas été menée à terme? Il s’agit de la règle appliquée en Europe, mais il faudrait se doter d’un mécaniame permettant d’assurer que le détenteur du brevet n’est pas lésé par le non-exercice de ses droits conférés par brevet advenant opposition frivole. Ainsi, il faudrait disposer d’un mécanisme de triage préalable à la suspension d’un brevet.
  • De quels genres de preuves et de quelles procédures se servira-t-on pour décider si l’opposition devrait être acceptée?
  • Quelle échéance devrait s’appliquer pour s’assurer que la décision soit rendue diligemment, mais de façon équitable? Il faudrait prévoir un échéancier qui préciserait la durée maximale de chaque étape, telles la notification au détenteur de brevet, la publication de l’opposition, le dépôt des interventions par les parties intéressées, les audiences sur la suspension temporaire du brevet, le dépôt des positions des diverses parties, les audiences comme telles et l’annonce de la décision.

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Conclusion

Ce projet a été entrepris, en partie, parce que la question de la délivrance ou non d’un brevet demandé par l’Université Harvard pour son oncosouris était devant les tribunaux et que le dossier se rendrait fort probablement jusqu’à la Cour suprême. L’Office canadien des brevets, à l’encontre de leurs homologues des États-Unis, de l’Union européenne, du Japon, de l’Australie et d’autres pays, a adopté la position selon laquelle les plantes et les animaux ne sont pas brevetables en vertu du droit canadien.

Cette cause est maintenant rendue en Cour suprême. Peu importe la décision de la Cour, le gouvernement aura à décider s’il doit intervenir ou non. Si la Cour suprême juge que les formes de vie supérieures sont brevetables, les politiques et les pratiques de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, qui examine les demandes de brevet, devront être révisées. Il faudrait peut-être modifier la Loi sur les brevets ou ses règlements d’application. Si la Cour suprême tranche en faveur du commissaire aux brevets, la question ne sera pas nécessairement réglée. De l’avis du CCCB, plus les lois et les règlements canadiens ressembleront à ceux des principaux partenaires commerciaux du pays, meilleures seront les perspectives du secteur de la biotechnologie au sein de l’économie canadienne. Le gouvernement pourrait donc décider que les formes de vie supérieures seront brevetables à l’avenir.

Le CCCB a entrepris ce projet afin de déterminer et d’examiner les enjeux dont il faudrait tenir compte avant de décider si les formes de vie supérieures sont brevetables au Canada et, si oui, à quelles conditions. Il a conclu que ces formes de vie devraient être brevetables, en autant que l’on tienne compte de la nature particulière des inventions de nature biologique -- et seulement à cette condition. La recommandation 2 ne devrait pas être adoptée ou mise en oeuvre à moins que les recommandations 3, 4, 5, 10 et 13 ne soient aussi adoptées. Le CCCB souligne également qu’il faudra considérer avec soin les implications pratiques qu’entraînerait la décision d’autoriser le brevetage des formes de vie supérieures. Il a relevé plusieurs questions auxquelles il faudra répondre avant d’autoriser un tel brevetage. Il enjoint le gouvernement de travailler sans tarder avec les parties intéressées pour élaborer des réponses à ces questions.

Au moment de la publication du présent rapport, la Cour suprême venait à peine d’entrendre la cause sur la souris de Harvard. On ne s’attend pas à une décision avant plusieurs mois. Une fois cette décision rendue, le gouvernement aura à prendre ses propres décisions. Le CCCB espère que les conseils présentés dans le présent rapport aideront le gouvernement dans ces choix.

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Annexe A -- Publications et rapports de recherche du CCCB

Document de consultation

Propriété intellectuelle en biotechnologie et la brevetabilité des formes de vie supérieures : document de consultation 2001.

Un résumé des principaux concepts émanant des mémoires de recherche et ne faisant pas directement l’objet du Document de consultation 2001 sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et la brevetabilité des formes de vie supérieures.

Consultations, 2000-2001

Résumé des consultations sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et la brevetabilité des formes de vie supérieures.

Rapport sommaire des rencontres tenues par le CCCB avec des organisations non gouvernementales; rapporteur Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta, le 22 novembre 2000.

Rapport sommaire des rencontres tenues par le CCCB avec des chefs d’entreprises et d’autres intervenants de l’industrie; rapporteur Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta, le 29 septembre 2000.

Rapports commandés

La biotechnologie, l’éthique et l’état : synthèse, par Michael McDonald (Ph.D.), directeur, Centre for Applied Ethics, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique).

Le brevetage des gènes, par Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta.

Les brevets en biotechnologie et la loi sur la concurrence, par Warren Grover, Q.C., Barrister and Solicitor, Blake, Cassels and Graydon, Toronto (Ontario).

Directive de l’UE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, par Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta; et Alain Gallochat, conseiller, ministère français de la Recherche, France.

The Economic Argument, par Ron Hirshhorn (Ph.D.), Hirshhorn Consulting Inc., Nepean (Ontario); et Jock Langford, économiste, Direction générale de la régie d’entreprise, Industrie Canada, Ottawa (Ontario).

Human Rights Issues in Patenting of Higher Life Forms -- The Role of the Canadian Charter of Rights and Freedoms, par Barbara von Tigerstrom, professeur de droit, Health Law Institute, University of Alberta, Edmonton (Alberta).

Human Rights Issues Related to the Patenting of Human Biological Materials, par Barbara von Tigerstrom, professeur de droit, Health Law Institute, University of Alberta, Edmonton (Alberta).

Impact of Canada’s Patent System on the Ability of Publicly Funded Organizations to Transfer, and Private Sector Firms to Commercialize Biotechnological Inventions, par Tom Clarke, Stargate Consultants Ltd, Nanaimo (Colombie-Britannique).

Innovation in the Livestock Industry, par Robert Kemp (Ph.D.), RAK Consulting Ltd, Lethbridge (Alberta).

Intellectual Property Protection for Biotechnological Innovations, par Mona Frendo, analyste juridique, Direction générale de la régie d’entreprise, Industrie Canada, Ottawa (Ontario).

New Enclosures: The Impetus for and Potential of Alternative Mechanisms for the Protection of Biotechnological Innovations, par Patrick Mooney, Rural Advancement Foundation International (RAFI), Winnipeg (Manitoba).

Patenting of Biotechnological Innovations Concerning Animals and Human Beings, par Ted Schrecker, conseiller, Ted Schrecker-Research and Consulting, Montréal (Québec); et Alex Wellington, Department of Philosophy, Ryerson Polytechnic University, Toronto (Ontario).

Patenting of Higher Life Forms and Human Biological Materials, par Ted Shrecker, conseiller, Ted SchreckerResearch and Consulting, Montréal (Québec); et Alex Wellington, Department of Philosophy, Ryerson Polytechnic University, Toronto (Ontario).

Patenting Life Forms: An International Comparison, par Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts, agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta.

Profil économique du secteur canadien de la biotechnologie, par Kenneth White, Acton, White and Associates, Manotick (Ontario).

Solutions de rechange à l’utilisation d’animaux pour la recherche et les essais et comme sources de produits du génie génétique, par Gilly Griffin (Ph.D.) et Clément Gauthier (Ph.D.), Conseil canadien de protection des animaux, Ottawa (Ontario).

Système canadien de brevets, par Vic Duy, conseiller, Ottawa (Ontario).

The Use of Animals in Scientific Research and as Sources of Bioengineered Products, par Clément Gauthier (Ph.D.) et Gilly Griffin (Ph.D.), Conseil canadien de protection des animaux, Ottawa (Ontario).

Vers l’établissement d’un cadre éthique adéquat pour l’élaboration de la politique en matière de biotechnologie, par Susan Sherwin (Ph.D.), Munro Chair in Philosophy, Department of Philosophy, Dalhousie University, Halifax (Nouvelle-Écosse).

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Annexe B -- Processus de recherche et de consultation du CCCB sur la brevetabilité des formes de vie supérieures

Le CCCB a entrepris son programme de recherche et de consultation sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures au début de 2000. Ce travail comprend quatre phases qui, avec la parution du présent rapport, sont maintenant terminées.

Phase 1 : La première phase a porté sur la cueillette et l’analyse de données sur diverses facettes du sujet. Il y a eu des mémoires de recherche et des rapports techniques par des spécialistes et des rencontres avec des représentants du secteur de la biotechnologie provenant de l’industrie, d’organismes non gouvernementaux et du milieu de la recherche pour cibler des domaines d’intérêt en prévision des tables rondes nationales à intervenants multiples en avril et en mai 2001.

Phase 2 : En mars 2001, le CCCB a entrepris la deuxième phase du projet. Cette phase comprenait deux volets, tous deux visant à obtenir les points de vue des Canadiens sur le brevetage des formes de vie supérieures. Le premier volet comprenait la publication d’un document de consultation axé principalement sur quatre grands enjeux, et l’invitation lancée aux Canadiens à les commenter31.

Afin de rejoindre le plus de gens possible, le document a été affiché sur le site Web du CCCB, et un communiqué de presse a permis d’annoncer aux Canadiens la publication du rapport et les façons de contribuer en faisant parvenir leurs opinions. Plusieurs organismes représentant des producteurs, des groupes environnementaux et de citoyens, les consommateurs, les professionnels de la santé et l’industrie ont également aidé à diffuser ce document. Le public a été invité à présenter ses commentaires, de mars au 14 mai 2001, par l’entremise de la ligne téléphonique sans frais du CCCB, du site Web, du télécopieur ou du courrier traditionnel. Un grand nombre d’organismes et de Canadiens ont pris le temps de nous fournir des commentaires pertinents.

Le deuxième volet de la phase 2 s’est caractérisé par des tables rondes nationales à intervenants multiples tenues en avril et mai 2001 dans cinq villes d’un océan à l’autre. L’objectif était de recueillir les points de vue de gens que les brevets et la biotechnologie préoccupent, ou qui y ont un intérêt. Ces tables rondes ont porté sur la capacité des Canadiens de protéger les droits de propriété intellectuelle touchant à la biotechnologie et de s’en servir d’une façon socialement raisonnable, et de déterminer si le Canada doit ou non permettre le brevetage de plantes et d’animaux non humains et/ou des processus y étant reliés. Les rapports qui résument les discussions de chaque table ronde sont affichés sur le site Web du CCCB, tout comme un rapport omnibus qui synthétise les cinq tables rondes. À la fin de la phase 2, le CCCB a préparé un rapport provisoire qui a été rendu public le 29 novembre 2001 et a servi de base pour la prochaine phase.

Phase 3 : Cette phase visait à connaître les points de vue des Canadiens et de parties intéressées sur ces recommandations provisoires, afin de préparer la rédaction du rapport final et de ses recommandations. Afin de s’assurer que les Canadiens avaient suffisamment de temps pour ce faire, ils ont pu faire parvenir leurs commentaires jusqu’au 15 mars 2002.

Phase 4 : Cette dernière phase comprenait l’analyse des commentaires reçus par téléphone, télécopieur, courrier et courriel relativement au rapport provisoire, ainsi que la tenue de consultations avec des groupes spécialisés. Un certain nombre d’organismes ont publié des rapports ou ont tenu des rencontres ou conférences depuis la parution du rapport provisoire. Le CCCB a tenu compte de tous ces intrants lorsqu’il a examiné les recommandations provisoires et préparé le présent rapport. Bien que ce dernier constitue la fin officielle du projet, le CCCB continuera à surveiller les développements dans ce domaine.

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Annexe C -- Structuration du débat

Les points de vue avancés au cours des recherches et des consultations menées par le CCCB reflètent une gamme de positions, allant de l’idée que les inventions biologiques impliquant des formes de vie supérieures relèvent de la propriété intellectuelle à celle voulant que les droits de propriété intellectuelle doivent respecter les considérations sociales et éthiques.

Le CCCB a remarqué, au cours des diverses consultations sur la brevetabilité des formes de vie supérieures ayant mené à la préparation du rapport provisoire, que la complexité du sujet a fait en sorte qu’il était difficile pour les citoyens ordinaires de participer activement au processus de consultation. Afin de simplifier la discussion d’un sujet aussi complexe, le CCCB a identifié quatre « positions » couvrant les grands points de vue qui ont été communiqués. Voici ces positions.

  1. Le régime des brevets ne devrait tenir compte que des considérations d’ordre économique et, si les préoccupations sociales et éthiques ont leur importance, elles devraient relever d’autres mécanismes (p. ex., réglementation, Code criminel, pratiques exemplaires de l’industrie).
  2. Si le régime des brevets concerne surtout des facteurs économiques, il peut, mais de façon limitée, traiter de certaines questions éthiques et sociales. À cet égard, le système de brevetage est le moyen approprié d’apporter un équilibre entre les facteurs économiques et les autres facteurs. De plus, le Canada devrait utiliser d’autres mécanismes, comme ceux décrits à la position A, pour traiter des autres préoccupations éthiques et sociales.
  3. Les préoccupations éthiques et sociales devraient avoir un poids égal à celui des facteurs économiques lors de l’examen des demandes de brevets. Étant donné que le système des brevets vise l’atteinte du bien social, il représente un mécanisme approprié pour régler les préoccupations de façon équilibrée.
  4. Il est inacceptable que des considérations économiques puissent s’appliquer aux formes de vie supérieures, donc celles-ci ne devraient pas être brevetables.

Chacune des positions qui ont fait surface pendant les recherches et consultations donne lieu à de nombreuses avenues de modification des politiques et pratiques du gouvernement. D’autres questions de mise en application se sont également manifestées et il faudra en tenir compte advenant que des options spécifiques soient adoptées. Dans ce document, ces options et leurs incidences pratiques s’appellent des « options de mise en application ». Nous discutons chacune de ces options ci-après, remarquant que certains éléments d’une position sont compatibles avec ceux d’autres positions, alors que plusieurs autres éléments sont incompatibles avec les autres positions. Le lecteur doit donc lire chaque position comme une série distincte d’options découlant de la position particulière. En lisant ces positions, il doit se rappeler que le CCCB les présente simplement dans le but d’aider les Canadiens à comprendre à la fois les options politiques générales et les incidences pratiques du choix d’une position.

Économique seulement, social/éthique ailleurs Économique avec rôle limité pour social/éthique Économique et social/éthique à poids égal Valeurs sociales et éthiques dominant les valeurs économiques

Position A : Les brevets sont des outils purement économiques

Les constatations et observations suivantes reflètent le point de vue voulant que les brevets soient seulement des outils économiques. Dès lors, tant qu’une invention (y compris l’invention d’une plante ou d’un animal non humain) est nouvelle, utile et non évidente, elle devrait être brevetable. D’après cette position, la Loi sur les brevets du Canada devrait être modifiée pour permettre le brevetage de plantes et d’animaux, au lieu de ne couvrir que le matériel génétique et les cellules. Voici quelques raisons justifiant cette position :

  • La principale raison d’être de la Loi sur les brevets est d’encourager l’activité inventive en récompensant les innovateurs tout en rendant publique l’information sur ces inventions.
  • Des mécanismes ne relevant pas de la Loi sur les brevets peuvent plus efficacement tenir compte des préoccupations sociales et éthiques.
  • Les principaux partenaires commerciaux du Canada émettent de tels brevets.
  • Le fait de ne pas émettre de brevet sur une plante ou un animal non humain pourrait bien ne pas les empêcher d’être sujets à des droits émanant de brevets émis sur du matériel génétique ou des cellules (voir, par exemple, la décision récente de la Division d’appel de la Cour fédérale du Canada dans l’affaire Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser).
  • En l’absence de brevets, les inventeurs se rabattront probablement sur la protection qu’offre le secret commercial, ce qui gênerait la libre circulation des connaissances.
  • L’OPIC n’est ni qualifié ni mandaté pour prendre des décisions de nature sociale ou éthique.

Quoique la Loi sur les brevets devrait être modifiée pour interdire le brevetage du corps humain, quel que soit son stade de développement, cette restriction ne devrait pas s’appliquer aux séquences d’ADN, aux lignées germinales ou aux cellules souches d’origine humaine.

Si le Canada décide d’accorder des brevets sur des plantes ou des animaux non humains en leur entier, il lui faudra également déterminer la nature des exclusions et exemptions et les sujets à codifier avec clarté.

Méthodes de traitement médical : Le Canada ne permet pas le brevetage de « méthodes de traitement médical ». On a traditionnellement considéré que les méthodes de traitement médical ne peuvent être brevetées parce qu’elles ne satisfont pas au critère d’utilité quant à l’applicabilité et à la reproductibilité industrielles32.

Le point de vue courant veut que l’efficacité de tels traitements dépende des habiletés du médecin ou du vétérinaire traitant. Cependant, les produits pharmaceutiques et les méthodes de diagnostic, tests et appareils sont brevetables au Canada. Si diverses raisons ont sous-tendu cette distinction (p. ex., éviter des frais de soins de santé, y compris ceux découlant de poursuites en violation de brevet), on a avancé que cette distinction était d’une validité contestable, particulièrement à la lumière de techniques biotechnologiques modernes. Conséquemment, on a suggéré que le Canada modifie sa Loi sur les brevets pour permettre le brevetage de méthodes de traitement médical avec la stipulation que ni les actes médicaux d’ordre public ou de moralité rendus par des praticiens de la médecine, ni les institutions pour lesquelles ils travaillent, ne pourraient être l’objet de poursuites pour violation de brevet. Le contrôle des autres frais relèverait d’autres moyens.

Obtentions végétales : Au Canada, les obtentions végétales sont protégées par un régime ne relevant pas du droit des brevets, la Loi sur la protection des obtentions végétales (LPOV). Sur le plan international, les droits des sélectionneurs ont d’abord été reconnus en 1961 par la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (convention UPOV). En 1991, la convention UPOV a été modifiée pour permettre aux pays de se doter de la protection que confèrent le brevet et la variété et d’étendre la portée de la convention UPOV « aux variétés essentiellement dérivées et aux matières récoltées ». En 1999, un projet de loi est mort au feuilleton de la Chambre des communes, projet qui aurait permis au Canada de ratifier la version 1991 de la convention UPOV. Plusieurs nations, y compris les principaux partenaires commerciaux du Canada, ont modifié leurs règlements pour se conformer à la convention UPOV de 1991.

Exemption pour fins d’usage expérimental : Le Canada permet à des personnes autres que le détenteur d’un brevet de se servir de l’invention à des fins non commerciales (habituellement pour des recherches) ou pour voir si l’invention donne les résultats revendiqués dans la demande de brevet. La plupart des personnes qui doivent composer avec l’exemption actuelle pour usage expérimental au sens large conviennent que celle-ci manque de clarté, surtout en ce qui a trait aux inventions biotechnologiques. On a proposé que le Canada élimine cette incertitude en modifiant la Loi sur les brevets par l’intégration d’une exemption explicite pour fins d’usage expérimental. Cependant, il a été suggéré que le Canada revoie les recommandations connexes (comme celles sur les brevets pharmaceutiques), pour donner suite à des problèmes perçus par l’industrie. Il pourrait ainsi s’assurer que l’amalgame de règlements actuels et d’exemptions sans approbation pour fins d’usage expérimental ne gêne pas les entreprises qui cherchent à faire respecter leurs brevets quand des tiers s’en servent pour leur faire concurrence.

Portée de la protection par brevet : Deux questions touchant à la portée des brevets ont été cernées.

  • Comme il n’est pas assez évident qu’une étape relevant clairement du génie inventif soit nécessaire pour qu’une invention passe du cadre de « création de la nature » à celui de « création par l’homme », comme l’exige le brevet, on a suggéré que la protection conférée par brevet ne s’applique pas à de simples moyens de reproduction s’il n’y a pas d’intervention humaine pratique.
  • Étant donné que les tribunaux pourraient interpréter que des revendications par brevet sur des séquences d’ADN et des cellules s’étendent de fait à des plantes et des animaux non humains en leur entier, il faut définir la différence entre les brevets sur des séquences d’ADN et des cellules (y compris les cellules souches) et les brevets sur des plantes et des animaux non humains en leur entier. On craint également que les brevets à portée trop étendue puissent injustement entraver la recherche et le commerce.

Régime des brevets : Étant donné que le Canada doit rester concurrentiel à l’échelle internationale, l’OPIC doit disposer des ressources nécéssaires et doit satisfaire aux normes internationales en ce qui a trait au temps requis pour émettre un brevet.

Harmonisation internationale : Tout en reconnaissant qu’il faut établir un équilibre entre l’approche « fait au Canada » et l’harmonisation avec l’étranger, de sorte que le Canada soit perçu comme un partenaire commercial responsable, il faut que le gouvernement pousse à davantage d’harmonisation des politiques et des procédures de brevetage à l’échelle internationale, y compris la ratification du traité sur le droit des brevets que le Canada a signé en mai 2001.

Position B : Les brevets sont des outils économiques reflétant de façon limitée les préoccupations sociales et éthiques

Les personnes qui penchent pour la position B voient dans le droit des brevets une emphase essentiellement axée sur les incitatifs économiques, mais avec la possibilité, quoique limitée, de tenir compte de certaines préoccupations sociales et éthiques. Trois propositions ont été faites pour refléter les préoccupations sociales et éthiques : une au sein du droit des brevets, une autre en dehors du droit des brevets et la troisième, à l’échelle internationale.

  • Ordre public ou moralité : Dans le cadre du droit des brevets, l’on pourrait songer à intégrer une clause d’ordre public ou de moralité qui interdirait l’émission de brevets lorsque la sécurité publique ou les normes morales de la société sont mises à risque, ainsi que des directives permettant de traiter de ces considérations éthiques.
  • Commission nationale d’examen : Cette position accueille également l’idée que ni l’OPIC ni les tribunaux ne devraient jouer le rôle de filtre éthique, cette fonction devant plutôt revenir à une organisation ou structure publique indépendante, mandatée par la loi pour tenir compte des enjeux éthiques. Il faudrait que ce système ait le respect du grand public; reflète la diversité canadienne; soit ouvert, transparent, efficace et efficient; et ne gêne pas le processus d’émission des brevets. Une telle commission d’examen serait au fait des politiques sociales et éthiques, y compris celles sur la concurrence. Elle examinerait les demandes de brevet que lui soumettrait l’examinateur des brevets ou une tierce partie. Elle n’aurait pas le pouvoir d’accorder ou de refuser un brevet, mais serait apte à le suspendre (temporairement ou définitivement). Ses décisions seraient sujettes à révision judiciaire par la Division d’appel de la Cour fédérale du Canada, mais pas à un appel devant celle-ci. La Commission serait invitée à se doter de directives portant sur les paramètres de ses pouvoirs discrétionnaires.
  • Commission consultative internationale : Comme les activités contraires à l’éthique se produisant à l’étranger pourraient avoir des incidences au Canada, seule une approche internationale à l’éthique -- même s’il n’est ni possible ni désirable de disposer de normes internationales fixes -- indiquerait aux Canadiens que leurs préoccupations font l’objet d’examens sérieux. À cette fin, le gouvernement devrait favoriser la mise sur pied d’une organisation internationale qui prodiguerait des conseils aux nations membres quant à l’application du concept d’ordre public ou de moralité.

Appui public à la recherche : Une des préoccupations éthiques veut qu’une brevetabilité à portée plus étendue augmenterait la concentration du contrôle de l’information biologique entre les mains de l’industrie, et mettrait davantage d’emphase sur la commercialisation au détriment de la R-D dans des domaines de moindre intérêt du point de vue commercial. Quoi qu’une clause d’ordre public ou de moralité diluerait quelque peu cette préoccupation, elle ne suffira pas seule à la tâche. En réalité, le régime des brevets semble ne disposer d’aucun mécanisme pour traiter de cette question de façon satisfaisante. Il faudrait plutôt qu’une autre mesure soit adoptée par le gouvernement, celle d’épauler et de renforcer les recherches dans des domaines importants, mais qui peuvent ne pas aboutir à des produits commercialisables. Ainsi, on permettrait à la recherche de se poursuivre dans des secteurs où l’industrie ne voit pas de viabilité financière.

Privilège des agriculteurs : Si le Canada dispose d’un privilège des agriculteurs non codifié comme tel en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales, il n’existe aucun privilège applicable aux animaux. L’incorporation à la Loi sur les brevets du privilège des agriculteurs de conserver et de réutiliser des graines provenant de plantes brevetées et de reproduire des animaux brevetés pour leur propre usage codifierait leur privilège actuel en matière de plantes et l’étendrait aux animaux. Cela protègerait les personnes dont les récoltes ou animaux sont accidentellement fertilisés ou inséminés par une plante ou un animal breveté (p. ex., si des graines brevetées sont transportées par le vent sur une terre voisine et donnent lieu à une récolte). Le Canada pourrait amender sa Loi sur les brevets pour stipuler que les agriculteurs peuvent utiliser pour leurs propres fins la progéniture d’animaux brevetés qu’ils auront achetés (p. ex., un éleveur de vaches laitières pourrait se servir des descendants pour produire du lait ou vendre leur viande). Le détenteur d’un brevet pourrait accorder une licence d’utilisation à l’agriculteur, plutôt que de lui vendre l’animal ou la plante brevetée, ce qui lui permettrait d’imposer toute obligation contractuelle qu’il voudrait, y compris l’obligation de ne pas réutiliser les graines ou reproduire les animaux.

Connaissances traditionnelles : L’industrie se sert souvent des connaissances de peuples indigènes et de nations en voie de développement pour aider à identifier des plantes et des animaux non humains qui pourraient générer des produits profitables, mais les entreprises ne sont pas tenues de partager les retombées de ces produits. Le gouvernement a la responsabilité d’épauler ces groupes en cherchant à constituer un volet international de protection de la propriété intellectuelle pour pratiques et connaissances traditionnelles.

Position C : Égalité de poids entre les préoccupations sociales et éthiques et les facteurs économiques

Ceux dont les points de vue tombent sous la position C entérineraient les modifications et propositions des positions A et B, mais iraient encore plus loin en ce sens qu’ils accorderaient aux facteurs sociaux et éthiques un poids égal aux facteurs économiques dans le régime des brevets, grâce à la mise sur pied d’un système mixte impliquant les brevets et d’autres mécanismes.

Outre l’intégration d’une clause d’ordre public ou de moralité à la Loi sur les brevets, il faudrait établir une réglementation en vertu de cette loi pour disposer de directives claires d’interprétation des critères de nouveauté, de non-évidence et d’utilité de produits biologiques (il faudrait à cette fin modifier la Loi sur les brevets afin de la doter de l’autorité voulue pour créer ces règlements); et mettre en oeuvre un nouveau régime législatif qui pourrait remplacer la Loi sur la protection des obtentions végétales, de façon à protéger les produits biologiques. Ce nouveau régime, qui devrait être établi par législation fédérale, décrirait un processus de demande de protection d’un produit biologique et préciserait la portée et la durée de cette protection et les mécanismes de contrôle.

Ceux qui prônent la position C ont également examiné le volet international en demandant que le gouvernement songe à renégocier l’Accord de libreéchange nord-américain (ALENA) et les ADPIC pour permettre aux pays membres de considérer les inventions biotechnologiques différemment des autres inventions de sorte que l’on puisse tenir compte des incidences sociales et éthiques. Il serait également question que le Canada propose le développement de normes internationales quant à la conformité aux conventions sociales et éthiques, même si l’ALENA et les ADPIC ne sont pas renégociés.

Position D : Aucun brevetage de matériel génétique humain, de plantes ou d’animaux

Ceux qui prônent la position D croient qu’il est immoral de breveter un produit biologique qui provient d’une forme de vie supérieure et que la Loi sur les brevets devrait être modifiée en conséquence. Leurs préoccupations englobent :

  • des considérations spirituelles (l’aspect sacré de la vie et les conséquences de la réification);
  • des préceptes philosophiques (les humains doivent s’adapter à la nature, non l’inverse);
  • des préoccupations pragmatiques (le système de réglementation ne saurait protéger efficacement la santé humaine et celle de l’environnement);
  • l’impact économique (l’augmentation possible des coûts des soins de santé et autres coûts sociaux);
  • l’impact social (la menace possible pour le caractère privé des gènes);
  • l’impact environnemental (les nouvelles formes de vie pourraient faire du tort à l’environnement);
  • d’autres sujets, dont le manque de partage des bienfaits et le bien-être des animaux.

Plus spécifiquement, ceux qui appuient la position D proposent que la Loi sur les brevets soit modifiée pour exclure les produits biologiques (séquences d’ADN, cellules, lignées germinales, cellules souches, tissus, organes et plantes et animaux en leur entier) de la protection conférée par le brevet. Ils proposent également que l’on exclue les procédés à base de matériel biologique. Ces personnes accepteraient, cependant, d’appuyer des efforts visant à créer une forme internationalement reconnue de protection de la propriété intellectuelle relevant de pratiques et connaissances traditionnelles.

Domaines appelant un examen spécial

On a identifié trois domaines importants que le gouvernement devrait examiner tout particulièrement et qui ne s’inscrivent dans aucune des quatre positions. Il s’agit :

  • de la faisabilité d’une procédure d’opposition qui permettrait à des tiers de contester la validité d’un brevet sans avoir à prendre action devant la Cour fédérale, comme c’est le cas présentement;
  • de la mesure dans laquelle le fait de permettre l’émission de brevets sur des plantes et des animaux non humains constitue un incitatif à l’innovation par rapport à d’autres formes de la protection de la propriété intellectuelle;
  • de l’interaction entre le régime de réglementation applicable à la biotechnologie et le régime des brevets lors de la détermination du degré d’incitation nécessaire pour épauler la R-D au Canada.
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Annexe D -- Méthodes possibles pour régler les problèmes soulevés par les considérations sociales et éthiques

Préoccupations sociales et éthiques soulevées par la biotechnologie

La biotechnologie et ses usages soulèvent de par leur nature de nombreuses préoccupations sociales et éthiques. Ces préoccupations sont devenues un volet important des consultations du CCCB et ont contribué à l’analyse faite par celui-ci pour déterminer si le Canada devait accorder des brevets aux formes de vie supérieures. Étant donné l’importance de ces préoccupations, le CCCB a créé la présente annexe pour indiquer au lecteur la façon dont le CCCB comprend ces questions ainsi que pour servir de guide à de futures discussions par les Canadiens. La première partie de l’annexe présente quelquesunes des principales préoccupations soulevées, et la deuxième partie examine trois méthodes pour composer avec ces questions.

Voici les préoccupations que le CCCB a relevées lors de ses consultations et à la suite des rapports commandés :

Réification de la vie

La réification de la vie (y compris le matériel génétique) est une préoccupation éthique qui découle clairement du brevetage des formes de vie supérieures. L’émission d’un brevet, soit un droit, déclare par le fait même qu’une invention reposant sur de la matière vivante offre un potentiel de commercialisation. Cela donne lieu à la préoccupation qu’en mettant l’accent sur la valeur commerciale des animaux et des plantes, les Canadiens perçoivent de plus en plus les formes animales et végétales comme des biens.

La législation courante générale permet l’achat ou la vente de plantes et d’animaux en tant que biens (d’où la « réification »), mais interdit l’esclavage (soit l’achat et la vente d’humains). Bien que la Loi sur les brevets renforce l’aspect des plantes et animaux en tant que biens, elle n’en constitue pas la source. Si le gouvernement veut que moeurs sociales changent à cet égard, il faudrait organiser des discussions publiques à la grandeur de la société, ce qui va bien au-delà du cadre de la Loi sur les brevets. De plus, le Parlement n’a pas la juridiction, en vertu de la Loi sur les brevets, de réglementer des questions ayant trait uniquement à la vie et au matériel génétique des humains, à la propriété d’animaux et au bien-être de ceux-ci, lorsque ces questions n’impliquent pas le régime des brevets comme tel. La législation régissant les droits de propriété et de contrats entre individus, y compris la propriété d’animaux non humains et de plantes, relève des compétences provinciales plutôt que fédérales.

Partage des bienfaits

Le Canada ne dispose pas d’une politique formelle ou de lois portant sur le partage des avantages financiers découlant d’une invention brevetée avec les groupes ou populations qui y auront contribué d’une façon ou une autre. Pendant les consultations, certains participants ont mis en évidence diverses situations où il serait de bon aloi de songer à un tel partage, par exemple lorsque l’invention se fonde sur des connaissances traditionnelles (voir ci-dessous la discussion à ce sujet) ou lorsque l’invention dépend de l’accès à une population ou une sous-population dans le cadre de la recherche de la cause d’une maladie d’origine génétique. La diversité des contextes où le partage des bienfaits pourrait s’appliquer laisse entrevoir que divers types d’ententes pourraient être pertinents.

Connaissances traditionnelles

Certains participants aux tables rondes ont parlé de la répartition inégale des bienfaits découlant d’un brevet et d’entorses possibles à des normes culturelles. Ils voient dans les brevets la possibilité d’une protection des économies développées au détriment de cultures indigènes partout dans le monde et de cultures locales dans des pays moins développés.

Les connaissances traditionnelles des cultures indigènes ou locales permettent souvent à des entreprises d’identifier des plantes ou des animaux non humains dont les propriétés d’intérêt médical ou industriel leur permettraient d’arriver à des résultats à meilleur compte. Pourtant, les gens dont les connaissances traditionnelles ont contribué à une invention brevetée n’ont pas le droit, en vertu du régime actuel des brevets, d’obtenir une part des avantages découlant de l’invention ou du brevet. De nombreux participants croient qu’il y a une obligation morale de partager les profits découlant de l’utilisation de connaissances traditionnelles, et que des compensations ou redevances doivent être versées si des connaissances traditionnelles ont servi à des recherches aboutissant à une invention brevetée.

Des participants ont également noté que si un brevet est émis pour un produit chimique ou une séquence génétique provenant d’une plante sauvage, cette plante acquiert une valeur monétaire qu’elle n’avait pas auparavant. S’ensuit l’intérêt à en faire la récolte, ce qui pourrait aboutir à une surexploitation au point où ladite plante pourrait devenir « en péril ». Quand une telle plante sert à une communauté précise, sa rareté pourrait affecter la culture de cette communauté.

Bien-être des animaux

Le bien-être des animaux est un autre exemple de questions sociales soulevées pendant les consultations et où de nouvelles applications de la biotechnologie pourraient compromettre une valeur sociétale, dans ce cas-ci la protection d’animaux contre des souffrances inutiles.

Abus de pouvoir économique

Lors des consultations, plusieurs participants se sont demandé si les brevets avaient l’effet non désiré d’offrir aux multinationales un outil leur permettant de créer et d’abuser d’une position dominante dans la production et la distribution d’aliments ou de produits, tests et services reliés à la santé. Généralement, ils recommandaient de soustraire les inventions au régime des brevets ou, dans l’extrême, de refuser d’émettre des brevets quand il est question d’inventions biotechnologiques. Cette position soulève plusieurs questions, y compris les normes qu’il faudrait mettre en place pour déterminer si un degré inacceptable de puissance sur le marché a été atteint; si oui, pour juger s’il y a abus de pouvoir; l’organisme gouvernemental qui serait le mieux placé pour prendre de telles décisions; et les moyens appropriés à utiliser pour diminuer les abus ou y mettre fin.

Trois méthodes possibles

Quoique les brevets soient en général perçus comme principalement liés aux incitatifs économiques, ce ne sont pas des instruments socialement et éthiquement neutres. En offrant des incitatifs économiques pour stimuler la recherche en biotechnologie, le régime des brevets encourage des activités qui peuvent avoir des conséquences éthiques, environnementales, de santé et/ou sociales, tant favorables que défavorables. La plupartdes intervenants connaissent l’importance des brevets -- création d’incitatifs pour arriver à des produits tels que de nouveaux médicaments, amélioration de la productivité économique, et contributions à l’amélioration de la santé et du bien-être humains. Cependant, comme expliqué dans la première partie de l’annexe, certains d’entre eux voient également une gamme de conséquences possiblement défavorables -- entre autres, la réification de la vie, la répartition inégale des avantages découlant des inventions brevetées, l’abus possible du contrôle corporatif de ressources génétiques -- qui se verraient renforcées ou précipitées par l’obtention de brevets sur du matériel biologique, y compris des formes de vie supérieures.

Tel que mentionné dans le rapport, le CCCB estime que les considérations sociales et éthiques sont des assises de toute politique officielle efficace, et qu’il faut examiner l’ensemble des moyens juridiques, réglementaires et institutionnels quand il est question d’élaborer une politique officielle ayant trait aux valeurs fondamentales.

Dans le cours de ses délibérations, le CCCB a cherché à identifier des compromis possibles au sein des buts et valeurs sociétaux explicités pendant les consultations. Comme le régime des brevets et la société interagissent de façon subtile et changeante, les règles et procédures doivent être à la fois solides et flexibles, de sorte que les inventions puissent être évaluées en fonction de leur contexte particulier de mise en application. En même temps, il faut tenir compte des conséquences sociales et éthiques de ne pas encourager certaines innovations, car agir ainsi peut parfois être socialement et éthiquement aggravant.

En étudiant toutes ces questions, le CCCB a cherché à identifier des mécanismes et des structures décisionnelles qui sont mandatés pour traiter des questions soulevées et qui sont ou seraient invités à examiner les incitatifs et les limites qu’il faudrait imposer aux brevets ou aux détenteurs de brevets.

Plusieurs mécanismes proposés sortent du cadre de la Loi sur les brevets, tandis que d’autres en relèvent ou pourraient en relever. Ces options sont examinées dans les prochaines sections.

Considérations sociales et éthiques en dehors du régime des brevets

Cette option repose sur l’opinion que le système de brevetage n’est pas un outil efficace pour réglementer les questions sociales et éthiques liées à la commercialisation de la biotechnologie. Ceux qui partagent cette opinion ont soulevé entre autres les arguments suivants.

  • La plupart des activités à connotation éthique se produisent avant que la Loi sur les brevets n’entre en jeu ou une fois qu’elle ne s’applique plus. Les objectifs de politique sociale seront le mieux servis s’ils sont couverts par des lois ou règlements qui s’appliquent lors des étapes précédant la demande de brevet ou, ce qui est sans doute plus important, quand une nouvelle invention est mise en marché. Des lois spécifiques (p. ex., le projet de loi fédéral portant sur la reproduction humaine assistée, qui interdira le clonage humain à des fins de reproduction) ou des dispositifs volontaires axés sur le contrôle d’activités particulièrement répugnantes s’avèreront plus efficaces que la Loi sur les brevets pour mettre fin à des activités indésirables.
  • Même si le brevetage devait être interdit, rien n’empêcherait l’utilisation, la vente, la reproduction ou l’importation-exportation d’une invention que certains jugent moralement répugnante. En effet, la Loi sur les brevets accorde un droit exclusif sur une invention biotechnologique. Sans brevet, quiconque est au courant de l’invention -- pas uniquement l’inventeur -- est à même de faire, d’utiliser ou de vendre l’invention. Il semble donc que pour empêcher qu’une activité indésirable se produise, il faille dans la plupart des cas recourir à des mécanismes spécifiques de contrôle.
  • Même si le Canada décidait de ne pas émettre de brevets sur les plantes ou animaux, nombre de ses partenaires commerciaux le font. Ici encore, il s’ensuit que le Canada aurait besoin d’un système réglementaire conçu pour empêcher l’importation et l’utilisation au Canada de produits indésirables.

Bien-être des animaux

Quand un chercheur est en mesure de déposer une demande de brevet et que son travail a impliqué des recherches et des expériences sur des animaux, tout tort inacceptable aux dits animaux aura déjà été fait. Par conséquent, la Loi sur les brevets n’est guère utile en pareil cas.

Le Code criminel interdit la cruauté envers les animaux, tandis que les gouvernements provinciaux et les administrations municipales disposent de lois et de règlements régissant le traitement des animaux ou l’exploitation d’endroits où l’on garde des animaux.

De plus, il existe des organismes privés, dont le Conseil canadien de protection des animaux (CCPA), qui veillent aux intérêts des animaux. Le système d’examen éthique du CCPA a été conçu pour tenir compte des besoins des scientifiques, des animaux et de la communauté à l’échelle locale. Il établit des normes nationales de protection et d’utilisation d’animaux dans le milieu scientifique. Les chercheurs qui obtiennent du financement fédéral (généralement dans les milieux universitaire et hospitalier) doivent se conformer aux normes du CCPA pour bénéficier d’un tel financement. S’il ne fait aucun doute que de nombreuses entreprises privées y adhèrent, elles n’y sont pas tenues.

S’il faut se doter de nouvelles règles du jeu afin d’empêcher que des animaux souffrent inutilement, il serait probablement préférable de passer par des mécanismes spéciaux qui se basent sur les régimes actuels de protection du bien-être des animaux, plutôt que par la Loi sur les brevets.

Abus de pouvoir économique

Le Canada et d’autres nations développées disposent de lois et d’agences qui voient à ce que les sociétés privées ne puissent accumuler un pouvoir démesuré sur la place du marché ou abuser du pouvoir dont elles se sont dotées. La formulation et l’administration de ces lois est complexe et exige un savoir-faire et des ressources considérables. Ces lois et les institutions réglementaires pertinentes touchent toutes les entreprises, dans tous les secteurs de l’économie et dans toutes les régions d’un pays. Elles établissent également des relations et des accords avec leurs vis-àvis à l’étranger pour faciliter la mise en application des lois sur la concurrence internationale. Au Canada, le Bureau de la concurrence exerce une surveillance pour déceler les abus possibles et poursuivre les contrevenants devant le Tribunal de la concurrence.

Les régimes basés sur un seul ensemble de lois et le recours à une seule agence pour contrôler la concurrence se sont généralement avérés plus efficaces que ceux où s’appliquent des lois et des agences de contrôle pour chaque secteur de l’économie, pour chaque région au sein d’un pays ou pour chaque nouvelle technologie. Cependant, il est peu probable qu’une agence telle que l’OPIC puisse surveiller et contrôler efficacement des activités touchant à la prévention d’abus de pouvoir d’une société dominante. C’est, d’une part, parce qu’il ne dispose pas du savoir-faire voulu. D’autre part, ses moyens pour imposer des sanctions et ordonner des correctifs se limitent aux brevets et excluent donc la vaste gamme d’abus d’autres provenances. Il ne s’ensuit pas que les bureaux de la concurrence peuvent se laisser aller à la complaisance à mesure qu’émergent de nouvelles technologies et de nouveaux marchés et que de nouvelles stratégies corporatives se dessinent. Cela signifie, plutôt, qu’ils doivent être particulièrement vigilants quand un nouvel ensemble de connaissances et de technologies de transformation voit le jour. Cette vigilance peut et devrait comprendre un réexamen des politiques, directives, mécanismes de contrôle, correctifs et lois à la lumière des nouveaux développements.

Autres mécanismes en vigueur

Outre ces exemples particuliers, le Canada s’est doté de divers mécanismes réglementaires qui tiennent compte de certaines préoccupations sociales et éthiques déjà soulevées. Par exemple, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement exige que les substances libérées dans l’environnement (y compris les produits issus de la biotechnologie, dont les plantes et les animaux inventés) doivent être évaluées en fonction des torts causés à la santé humaine ou à l’environnement (y compris la biodiversité). Le fait que des plantes ou des animaux soient brevetés ne changerait rien à cette exigence ou aux critères auxquels il faut satisfaire pour pouvoir les libérer dans l’environnement.

Nouveaux mécanismes

Dans d’autres pays, des organismes tel que le National Biotechnology Advisory Committee des États-Unis ont pour mandat de discuter d’une grande diversité de questions sociales et éthiques touchant à la biotechnologie (pas seulement la propriété intellectuelle) et de conseiller le gouvernement. D’autres organismes s’occupent de questions sociales et éthiques touchant à un domaine ou champ particulier, par exemple le Comité d’éthique international de la Human Genome Organisation (HUGO).

Maintien du statu quo

L’analyse présentée ci-avant amène ceux qui partagent ce point de vue à s’opposer à une modification de la Loi sur les brevets pour traiter des questions sociales et éthiques.

Considérations sociales et éthiques au sein du régime des brevets

Tous les pays conviennent que les considérations sociales et éthiques sont importantes; ils ne diffèrent que dans la façon dont ces considérations sont abordées, par le biais du droit des brevets ou de lois et règlements spécifiques ne relevant pas du régime des brevets. Si certains maintiennent que la Loi sur les brevets ne devrait pas servir d’outil de mise en oeuvre de politiques sociales et éthiques, de nombreux pays se servent de leur régime des brevets à cette fin par l’entremise de dispositions d’ordre public ou de moralité. Ces dispositions interdisent l’émission de brevets dont la commercialisation irait à l’encontre de normes morales fondamentales et partagées. Les législations européennes et asiatiques sur les brevets comprennent de telles dispositions, mais celles du Canada et des États-Unis n’en comportent pas.

L’accord sur les ADPIC permet aux États membres de refuser d’émettre un brevet lorsque la commercialisation de l’invention peut menacer l’ordre public ou la moralité, y compris la santé des êtres humains ou des animaux et celle de l’environnement33. L’intégration de ce concept au droit canadien des brevets impliquerait plusieurs facteurs, dont certains sont fort complexes. L’un d’eux porte sur la portée de l’exclusion -- devraitelle nommer les produits et/ou procédés spécifiques perçus comme étant socialement ou éthiquement inacceptables, ou devrait-elle être de nature plus générale? Deuxièmement, comme l’usage commercial d’une invention peut changer avec le temps, comment le régime des brevets traiterait-il un nouvel usage qui serait apparu après l’émission du brevet, mais dont la commercialisation irait à l’encontre de l’ordre public ou de la moralité? Inversement, qu’arriverait-il si un nouvel usage avantageux faisait surface après le refus d’émission du brevet? Troisièmement, comme un brevet n’autorise pas son détenteur à exploiter l’invention34, l’exploitation commerciale peut être régie par d’autres lois pertinentes au champ d’application en question et l’est d’ailleurs fréquemment. Quatrièmement, même si le brevet est refusé, il serait toujours possible d’exploiter l’invention commercialement (par le demandeur du brevet ou une tierce partie), malgré l’entorse à l’ordre public ou à la moralité. Finalement, qui déciderait de la nature des inventions ou des usages faits d’inventions qui contreviendraient aux dispositions, quels critères invoquerait-on et comment établirait-on les critères ou directives?

Lors de discussions sur l’ordre public, beaucoup de gens invoquent la disposition que comprend la Directive relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, de la Communauté européenne. Cette disposition stipule que certaines inventions -- le clonage humain, la modification de l’identité de lignées germinales humaines, l’utilisation d’embryons humains à des fins commerciales et l’imposition de souffrances à des animaux sans qu’il en découle d’avantages médicaux significatifs au profit d’êtres humains ou d’animaux -- sont contraires à l’ordre public ou à la moralité 35. On a reproché à ce modèle d’être à la fois trop et pas assez inclusif, et trop rigide pour composer avec de nouveaux développements ou des changements de normes éthiques. De plus, comme ce modèle porte sur les inventions plutôt que sur leurs usages, il est peu probable que ce modèle réussisse à prévenir des comportements répugnants. Une disposition plus générale, qui reprendrait par exemple en partie ou en totalité l’essence de l’article 27.2 des ADPIC (voir la note 33 pour le texte), permettrait d’éviter les problèmes identifiés dans la Directive de la Communauté européenne.

Si l’on décide d’intégrer une disposition d’ordre public ou de moralité à la Loi sur les brevets, cette disposition pourrait faire partie des exigences de brevetabilité ou seulement servir de fondement d’une opposition à l’émission d’un brevet. Dans un tel cas, si l’invention est nouvelle, non évidente et utile, le brevet pourrait être émis, puis contesté parce que l’invention est contraire à l’ordre public ou à la moralité, en plus des motifs usuels de ne pas satisfaire aux exigences de brevetabilité.

Peu importe où se trouvera la disposition, il faudra orienter les décideurs pour qu’ils puissent déterminer si une invention donnée ou son usage contrevient à la disposition. De tels critères pourraient être relativement étroits comme ils pourraient être plutôt généraux.

Régime des brevets à rôle limité. Une approche étroite, qui ne porterait que sur la commercialisation d’activités déjà interdites au Canada. Selon les ADPIC, le simple fait qu’une chose soit illégale n’est pas suffisant pour établir qu’elle contrevient à l’ordre public ou à la moralité, mais la raison justifiant qu’une certaine activité a été interdite pourrait suffire. Par exemple, il pourrait être limpide lors de débats menant à une nouvelle loi que la raison pour laquelle une certaine activité a été déclarée illégale provenait du fait qu’elle avait été jugée contraire à des valeurs morales (p. ex., l’illégalité de la vente de sang au Canada parce cela allait à l’encontre de l’opinion selon laquelle le corps humain et ses parties constituantes ne doivent pas être réifiées; à l’autre extrême, le fait que les médicaments ne peuvent être vendus au Canada qu’une fois approuvés par Santé Canada même lorsqu’il n’y a aucun problème d’ordre moral). Cette approche pourrait être associée à un alignement -- soit ajuster le régime des brevets à des décisions sociétales déja établies sur des questions sociales et éthiques.

Régime des brevets à rôle élargi. Selon un régime à rôle élargi, la disposition d’ordre public ou de moralité permettrait également de s’occuper d’inventions ou d’usages d’inventions dont la commercialisation soulève des préoccupations sociales et éthiques et au sujet desquelles la loi, la réglementation ou d’autres outils sont (encore) muets. Cette méthode pourrait s’appeler non limitative. L’article 27.2 des ADPIC permet aux pays membres d’exclure de la brevetabilité (c.-à-d., de déclarer inadmissibles) certaines inventions si leur commercialisation devait offenser leurs sociétés respectives.

Tel que mentionné auparavant, une invention donnée peut avoir plusieurs usages, dont quelques-uns (peut-être un seul) sont répugnants, tandis que d’autres sont clairement avantageux. Si on ne veut pas pêcher par excès de zèle, la flexibilité s’impose, ce qui pourrait se faire en permettant au décideur de suspendre le brevet, plutôt que de le refuser. En termes juridiques, cela sous-entend que le détenteur du brevet ne pourrait pas empêcher des tiers d’exploiter l’invention. En termes pratiques, parce qu’il ne peut exclure des tiers, ce détenteur pourra fort difficilement amasser les fonds requis pour commercialiser l’invention. Une autre option serait d’accorder le brevet, de le suspendre et, également, de refuser au détenteur du brevet le droit de l’exploiter. Advenant de nouveaux développements (nouveaux usages qui n’offensent pas, évolution des sensibilités du grand public, etc.), la suspension pourrait être levée.

Il faudrait également débattre de l’identité du décideur. Dans le régime européen, les examinateurs des brevets et les experts techniques sont ceux qui prennent des décisions concernant le volet éthique, une situation qu’on a critiquée en soutenant que ces gens ne sont pas particulièrement formés en politique sociale ou éthique. Cela laisse entendre que l’Office des brevets doit se doter de gens formés sur cette question ou forger un régime qui permettrait de référer les demandes de brevets qui soulèvent des préoccupations éthiques à un organisme spécialisé dans cette question (soit pour présenter des conseils, soit pour prendre des décisions).

Utilisation des dispositions sur l’ordre public ou la moralité
Pays ou région Ordre public Moralité Santé humaine
Source : Richard Gold, Patenting Life Forms: An International Comparison, Ottawa, Comité consultatif canadien de la biotechnologie, 2001, p. 9.
Canada      
États-Unis      
Japon      
Europe      
Australie      
Hongrie      
Corée      

Que le rôle soit restreint ou non, il faudrait définir notamment le concept d’ordre public ou de moralité, les procédures et délais pour l’invoquer, les critères sur lesquels se fonder pour refuser le brevet ou en limiter la portée, l’identité et les qualifications du décideur et le système administratif à l’appui, et intégrer à la Loi sur les brevets des règlements en conséquence.

S’il faut doter le régime canadien des brevets d’une disposition d’ordre public ou de moralité, l’objectif visé devrait être de constituer un régime qui inspirerait confiance au grand public. Il reflèterait les valeurs communes de la population canadiene et serait ouvert, transparent, efficace et efficient, et ne ralentirait pas ce qui s’avère déjà un processus dispendieux et lourd.

Résumé des trois méthodes permettant de composer avec les considérations sociales et éthiques

Statu quo -- Aucun rôle pour le régime des brevets

On continue à composer avec les enjeux sociaux et éthiques par l’entremise de mécanismes existants, y compris le projet de loi sur la reproduction humaine assistée, les droits criminel et de la concurrence, les règlements de la Loi sur les aliments et drogues, les exigences des bailleurs de fonds ou des organismes professionnels axés sur le traitement éthique des humains et des animaux sujets de recherches, etc. Les enjeux qui verront le jour plus tard continueront à relever du Parlement, des conseils subventionnaires, de conseils d’éthique d’institutions hospitalières, etc., dont découleraient des lois et règlements ou d’autres mesures appropriées.

Cette option n’exige aucune modification de la Loi sur les brevets ou de son administration, et offre donc l’avantage de la continuité, de la stabilité et de la prévisibilité, trois facteurs hautement prisés par le milieu des affaires. Cependant, elle comporte un désavantage en ce que des inventions soulevant des préoccupations sociales et éthiques semblables, mais émanant de champs différents, pourraient ne pas être examinées de la même façon.

Ajustement -- Rôle limité pour le régime des brevets

Lorsque des enjeux sociaux et éthiques relèvent déjà de lois, de règlements ou d’autres outils, le brevet peut être refusé, suspendu ou limité pour s’aligner avec ces décisions. Le régime des brevets demeurerait prévisible (comme dans l’option du statu quo) en ce que les détenteurs éventuels de brevets seraient au courant des décisions actuelles portant sur les volets social et éthique. La cohérence de traitement entre le régime des brevets et les décisions prises sous l’égide d’autres outils juridiques ou réglementaires peut également être perçue comme un avantage. Le grand désavantage de cette option tient à sa nature réactive.

Grande discrétion -- Rôle élargi pour le régime des brevets

Cette option offre le maximum d’envergure pour tenir compte des considérations sociales et éthiques dans le cadre du régime des brevets36. Elle offre l’avantage particulier que les enjeux nouvellement identifiés et qui ne sont pas encore sujets à d’autres mécanismes de contrôle social peuvent être pris en considération en refusant un brevet ou en limitant sa portée. Étant donné le rythme rapide des progrès réalisés en biotechnologie, cette option est le seul moyen réaliste de répondre aux préoccupations sociales et éthiques dès l’émergence d’une nouvelle technologie. Cependant, cette possibilité d’adaptation à de nouveaux développements injecte en même temps incertitude et imprévisibilité au sein du régime des brevets, ce qui pourrait ralentir l’innovation et les investissements faits au Canada.

Chacune de ces méthodes peut être mise en application de diverses façons. Quel que soit le choix, il faudra le structurer de façon à respecter les obligations internationales du Canada en vertu des ADPIC et d’autres accords.

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Annexe E -- Principes éthiques : Réaction des participants aux tables rondes et prochaines étapes

Les lois, institutions et politiques d’une nation se doivent d’être le miroir des valeurs chères aux citoyens de ce pays. À mesure que les valeurs ou l’état des choses évoluent, les lois, institutions et politiques devraient également se mettre au diapason de nouvelles réalités.

Certaines percées récentes en biotechnologie pourraient avoir des répercussions économiques et sociales marquées. Plusieurs prédisent que ces nouvelles connaissances et leurs applications feront de plus en plus de vagues à travers le monde. Ces impacts, tant favorables que défavorables, amèneront beaucoup de membres de notre société à continuer de soulever des nouveaux enjeux et à réexaminer leurs valeurs et leurs fondements éthiques. Dans certains cas, cette analyse pourra entraîner la réévaluation de toute une gamme de lois et règlements ou la mise sur pied de tribunaux ou agences spéciaux.

L’intérêt public est la plus importante considération dans le cadre de l’élaboration de politiques et programmes gouvernementaux. L’intérêt public englobe, par exemple, la santé et la qualité de vie des citoyens, la santé de l’environnement, une économie nationale robuste et la paix au sein de la communauté internationale. Il repose sur une régie judicieuse, laquelle exige l’intégrité et la transparence du fonctionnement, l’indépendance vis-à-vis des influences indues, l’ouverture aux points de vue des Canadiens, la réceptivité aux préoccupations des citoyens et l’intégration de la diversité de leurs intérêts et priorités.

Les recommandations en matière d’ordre public sont, ou devraient être, formulées dans ce contexte éthique. Les jugements éthiques ne sont pas des jugements indépendants, ils sont plutôt des jugements « toute réflexion faite » qui tiennent compte de facteurs économiques, politiques, juridiques, scientifiques et autres. Le CCCB cherche à intégrer ces divers facteurs et à élaborer des recommandations qui sauront le mieux servir le bien commun et l’intérêt public dans son ensemble.

Le CCCB a identifié un ensemble de principes et valeurs à des fins de discussions et de consultations avec les parties intéressées et les Canadiens. Ces principes se veulent le prisme éthique au travers duquel le CCCB accomplira son travail et fera ses recommandations.

Énoncé de principes et de valeurs qui guideront les travaux du CCCB

Justice L’engagement à assurer la répartition équitable des avantages et des fardeaux, et à veiller à ce que les politiques et les pratiques ne contribuent pas à l’oppression des groupes vulnérables
Imputabilité L’engagement à mettre en place les conditions voulues pour permettre aux Canadiens d’agir selon leurs valeurs et intérêts propres. L’engagement à la transparence et à la reddition de comptes.
Autonomie L’engagement à promouvoir le choix éclairé.
Bienfaisance L’engagement à rechercher des avantages pour les Canadiens et tous les autres habitants de la planète.
Respect de la diversité L’engagement à respecter la diversité des modes et des formes de vie.
Connaissance L’engagement à valoriser à les connaissances traditionnelles tout autant que les connaissances scientifiques.
Prudence L’engagement à adopter une démarche prudente lorsque les connaissances insuffisantes.

Lors des tables rondes à intervenants multiples, qui se sont tenues en avril et en mai 2001, le CCCB a présenté cet énoncé aux intervenants dans le cadre de ses projets spéciaux sur la règlementation des aliments génétiquement modifiés et le brevetage des formes de vie supérieures. Spécifiquement, le CCCB voulait savoir si ces principes étaient pertinents et s’il fallait en ajouter.

Les principes avancés sont-ils pertinents?

Les participants ont fortement appuyé ces principes. Ils ont trouvé que les expressions générales sous-tendant leur formulation étaient pertinentes vu que ces principes visent une grande portée et ont un objectif d’orientation.

Cependant, certains ont suggéré que ces principes constituent un cadre trop axé sur les résultats. Ils ont proposé qu’avant de viser un résultat donné, le CCCB se penche sur les buts que le Canada doit se donner en matière de biotechnologie. Cela devrait se faire de façon à tenir compte des préoccupations morales et philosophiques que soulève la biotechnologie en général et la propriété intellectuelle et le brevetage des formes de vie supérieures en particulier. Ce processus devrait également comprendre la position du Canada sur des questions telles que la nature et la propriété de la vie et le droit qu’a ou n’a pas l’humanité de manipuler la vie.

Les consultations organisées par le CCCB ont bien mis en évidence que si les principes avancés fournissent un cadre raisonnable permettant de déterminer des politiques en matière de brevetage en biotechnologie, le véritable défi relève de l’interprétation et de la mise en application de ces principes. Selon de nombreux participants, le CCCB doit poursuivre son travail d’identification, de compréhension et de description des valeurs canadiennes, et s’assurer que celles-ci se reflètent dans les principes. Ils estiment également que les principes doivent être plus clairement définis, car tels quels ils laissent la porte ouverte à diverses interprétations (voir la section Suggestions portant sur la formulation des principes avancés par le CCCB). Certains participants ont enjoint le CCCB d’aller plus loin et d’expliciter comment les principes pourraient être intégrés aux décisions spécifiques prises dans le milieu de l’innovation, du brevetage et de la commercialisation.

De nombreux participants ont estimé que le Canada, fort de ses liens avec les États-Unis et l’Europe, est dans une position privilégiée pour exercer un leadership moral dans l’élaboration d’un consensus international sur les valeurs et principes et leur mise en application lors du brevetage des formes de vie supérieures. Cependant, ils pensent qu’avant de s’aventurer sur la scène internationale, le Canada devrait se doter d’une position nationale par l’entremise d’un processus inclusif, ouvert et transparent qui reflète la diversité de sa population. Ils ont suggéré que la position du Canada ne devait probablement pas être mue seulement par l’altruisme; le Canada doit s’occuper de ses propres intérêts en même temps qu’il étudie les conséquences à long terme d’un nouveau régime international des brevets.

Devrait-on ajouter d’autres principes?

Les participants ont proposé que l’on considère les principes qui suivent.

Suggestions portant sur la formulation des principes avancés par le CCCB

Justice

  • Certains participants ont suggéré que ce principe, tel que rédigé, est un énoncé politique parce qu’il traite de la répartition des avantages et fardeaux, mais ne détermine pas s’ils sont légitimes.
  • Il faudrait ajouter à l’oppression une référence quant à la prévention de l’exploitation des groupes vulnérables.
  • Ce principe devrait également tenir compte des pays en voie de développement. Présentement, la répartition des avantages découlant de la biotechnologie fait pencher injustement la balance du côté des pays développés. L’emphase quant aux avantages devrait favoriser les pays en voie de développement.
  • Il faut définir le mot justice -- que veut-on dire par « équitable », qui sont les groupes vulnérables, qui prend les décisions à cet effet?

Imputabilité

  • La définition d’imputabilité doit préciser qui devra rendre des comptes si quelque chose tourne mal.
  • Il faudrait ajouter le concept de responsabilité durable.
  • Il faudrait considérer la fusion de l’imputabilité et de l’autonomie de sorte qu’elles se fassent contrepoids.

Autonomie

  • Il faudrait peut-être développer le concept de choix éclairé. Ce principe devrait définir comment communiquer avec les personnes qui pourraient ne pas suffisamment connaître ou comprendre ce qui est proposé, de sorte qu’elles puissent poser un choix « éclairé ».
  • Il faudrait examiner le bien-fondé de scinder ce principe en deux : a) être informé et b) être apte à agir de façon autonome; et définir les deux éléments.
  • Il faudrait inclure une référence à l’absence de coercition et s’assurer de l’aptitude à faire des choix et à prendre des décisions de façon indépendante.

Beneficence

  • Il faudrait la définir comme un engagement à rechercher tous les avantages.
  • Il faudrait inclure dans la définition le concept des avantages découlant des investissements.

Respect de la diversité

  • La définition devrait spécifier la « biodiversité dans son sens le plus large ».
  • Il faudrait élargir ce concept pour inclure spécifiquement les plantes, les animaux non humains et l’environnement.

Connaissances

  • Tel que rédigé, ce principe n’est pas clair -- Il faudrait définir ce que le mot connaissances implique.

Prudence

  • On a suggéré que ce principe se résume tout simplement à « l’engagement à adopter une démarche prudente » et que le segment de phrase « lorsque les connaissances sont insuffisantes » n’est pas nécessaire. Quand il y a incertitude, le « choix le plus sûr » devrait prévaloir. Le document doit clairement définir ce principe.
  • On a suggéré que l’esprit de ce principe soit d’éviter d’embrasser ce qui est nouveau sans avoir d’abord tout examiné, mais qu’on évite également d’être si timoré que le progrès ne puisse être possible -- Il faut faire la part des choses.
  • On a noté que la biotechnologie exige « beaucoup de prudence » parce que même les experts ne s’entendent pas sur les risques possibles.
  • Le principe de la précaution, sur lequel se fonde celui de la prudence, porte à controverse et donne lieu à diverses interprétations. Le CCCB dit-il « si vous ne le savez pas, ne le faites pas » ou bien « anticipez, avancez lentement et veillez à disposer d’une porte de sortie »? Une clarification s’impose.
  • Le concept « d’équivalence substantielle » mentionné dans l’élaboration des règlements respecte-t-il ce principe?

Prochaines étapes touchant aux principes avancés par le CCCB

Aux yeux du CCCB, le processus de l’élaboration et du peaufinage des principes est l’une de ses grandes priorités. Il comprend d’ailleurs qu’en parallèle avec l’apparition de nouvelles technologies il faudra mettre ces principes à jour. À cette fin, il poursuivra ses consultations auprès des Canadiens sur le perfectionnement des principes. Les suggestions reçues au cours du processus de consultation menant jusqu’à l’étape des commentaires, et au cours de celle-ci, suivant la parution des rapports provisoires Améliorer la réglementation des aliments génétiquement modifiés et des autres aliments nouveaux au Canada et La biotechnologie et la propriété intellectuelle : la brevetabilité des formes de vie supérieures et enjeux connexes, aideront le CCCB à poursuivre ses travaux pour établir un cadre de travail complet qui traite des considérations d’ordre social et éthique liées à la biotechnologie.

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Annexe F -- Non-brevetabilité des êtres humains : exemples de textes de lois

Australie, Patent Act 1990, N° 83 de 1990

18 (2) Les êtres humains, et les processus biologiques permettant leur création, ne sont pas des inventions brevetables.

Directive 98/44/CE du parlement européen et du conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques

Énoncés

(16) considérant que le droit des brevets doit s’exercer dans le respect des principes fondamentaux garantissant la dignité et l’intégrité de l’Homme; qu’il importe de réaffirmer le principe selon lequel le corps humain, dans toutes les phases de sa constitution et de son développement, cellules germinales comprises, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments ou d’un de ses produits, y compris la séquence ou séquence partielle d’un gène humain, ne sont pas brevetables; que ces principes sont conformes aux critères de brevetabilité prévus par le droit des brevets, critères selon lesquels une simple découverte ne peut faire l’objet d’un brevet;

(17) considérant que des progrès décisifs dans le traitement des maladies ont d’ores et déjà pu être réalisés grâce à l’existence de médicaments dérivés d’éléments isolés du corps humain et/ou autrement produits, médicaments résultant de procédés techniques visant à obtenir des éléments d’une structure semblable à celle d’éléments naturels existant dans le corps humain; que, dès lors, il convient d’encourager, par le système des brevets, la recherche tendant à obtenir et à isoler de tels éléments précieux pour la production de médicaments;

(20) considérant, en conséquence, qu’il est nécessaire d’indiquer qu’une invention qui porte sur un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, et qui est susceptible d’application industrielle, n’est pas exclue de la brevetabilité, même si la structure de cet élément est identique à celle d’un élément naturel, étant entendu que les droits conférés par le brevet ne s’étendent pas au corps humain et à ses éléments dans leur environnement naturel;

(21) considérant qu’un tel élément isolé du corps humain ou autrement produit n’est pas exclu de la brevetabilité puisqu’il est, par exemple, le résultat de procédés techniques l’ayant identifié, purifié, caractérisé et multiplié en dehors du corps humain, techniques que seul l’être humain est capable de mettre en oeuvre et que la nature est incapable d’accomplir par elle-même;

Article 5

  1. Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables.
  2. Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d’un élément naturel.
  3. L’application industrielle d’une séquence ou d’une séquence partielle d’un gène doit être concrètement exposée dans la demande de brevet.

Article 8

  1. La protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées s’étend à toute matière biologique obtenue à partir de cette matière biologique par reproduction ou multiplication sous forme identique ou différenciée et dotée de ces mêmes propriétés.
  2. La protection conférée par un brevet relatif à un procédé permettant de produire une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées s’étend à la matière biologique directement obtenue par ce procédé et à toute autre matière biologique obtenue, à partir de la matière biologique directement obtenue, par reproduction ou multiplication sous forme identique ou différenciée et dotée de ces mêmes propriétés.

Article 9

La protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique s’étend à toute matière, sous réserve de l’article 5, paragraphe 1, dans laquelle le produit est incorporé et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce sa fonction.

Article 10

La protection visée aux articles 8 et 9 ne s’étend pas à la matière biologique obtenue par reproduction ou multiplication d’une matière biologique mise sur le marché sur le territoire d’un État membre par le titulaire du brevet ou avec son consentement, lorsque la reproduction ou la multiplication résulte nécessairement de l’utilisation pour laquelle la matière biologique a été mise sur le marché, pourvu que la matière obtenue ne soit pas utilisée ensuite pour d’autres reproductions ou multiplications.

Article 11

  1. Par dérogation aux articles 8 et 9, la vente ou une autre forme de commercialisation de matériel de reproduction végétal par le titulaire du brevet ou avec son consentement à un agriculteur à des fins d’exploitation agricole implique pour celui-ci l’autorisation d’utiliser le produit de sa récolte pour reproduction ou multiplication par lui-même sur sa propre exploitation, l’étendue et les modalités de cette dérogation correspondant à celles prévues à l’article 14 du règlement (CE) n° 2100/94.
  2. Par dérogation aux articles 8 et 9, la vente ou une autre forme de commercialisation d’animaux d’élevage ou autre matériel de reproduction animal par le titulaire du brevet ou avec son consentement à un agriculteur implique pour celui-ci l’autorisation d’utiliser le bétail protégé à un usage agricole. Ceci inclut la mise à disposition de l’animal ou autre matériel de reproduction animal pour la poursuite de son activité agricole, mais non la vente dans le cadre ou le but d’une activité de reproduction commerciale.
  3. L’étendue et les modalités de la dérogation prévue au paragraphe 2 sont régies par les lois, les dispositions réglementaires et les pratiques nationales.

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Annexe G -- Brevetabilité de matières provenant de plantes, d’animaux et d’humains et des processus basés sur des formes de vie supérieures, au Canada et dans d’autres pays

Il existe à travers le monde divers processus reliés au brevetage des formes de vie supérieures et des processus connexes. Le tableau qui suit compare le Canada à d’autres grands pays exportateurs de biotechnologie (États-Unis, Japon et membres de l’UE) et plusieurs autres pays (Australie, Hongrie et Corée). Les zones grises du tableau indiquent ce qu’il est permis de breveter dans ces pays.

  Canada É.-U. Japon UE Australie Hongrie Corée
* Les boîtes « Diagnostics pour animaux » et « Diagnostics pour humains » ne s’appliquent qu’aux procédures de diagnostic utilisées directement sur des animaux ou des humains (soit exclusion faite des méthodes de diagnostic extracorporelles). Dans cette même veine, la « Thérapie génique pour animaux » et la « Thérapie génique pour humains » ne s’appliquent qu’aux procédures de thérapie génique administrées à des corps animaux ou humains et ne comprennent ni les matières ayant servi à la thérapie génique ni les processus se produisant en dehors du corps.
** Quoique l’Office européen des brevets ait émis des brevets sur des gènes et des cellules humains qui sont reconnus en France, le ministre français de la Justice a déclaré en juin 2000 que ces brevets pourraient être déclarés invalides s’ils étaient contestés en France.
*** Plantes à reproduction asexuée seulement.
Source : Richard Gold, Patenting Life Forms: An International Comparison. Ottawa, Comité consultatif canadien de la biotechnologie, 2001. Ce tableau est une compilation des trois tableaux et des éléments connexes dans l’encadré « Matériel breretable » à la page 7.
Protéines (plante, animal, humain)              
Gènes (plante, animal, humain)       **      
Cellules (plante, animal, humain)       **      
Plantes             ***
Obtentions végétales              
Protection sur les obtentions végétales              
Organes d’animaux              
Animaux              
Variétés d’animaux              
Organes humains              
Processus sans intervention humaine substantielle              
Diagnostics pour animaux*              
Thérapies pour animaux              
Thérapie génique pour animaux*              
Diagnostics pour humains*              
Thérapies pour humains              
Thérapie génique pour humains*              

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1 Comité consultatif national de la biotechnologie, Assumer le leadership au prochain millénaire, Sixième rapport du Comité, Industrie Canada, Ottawa, 1998.

2 L’appellation « secteur de la biotechnologie » recouvre toutes les industries et les entreprises dont le champ d’action se situe en biotechnologie. Il est possible que la biotechnologie n’entre pas dans toutes les entreprises d’une industrie ni même dans toutes les activités commerciales d’une entreprise; par ailleurs, à peu près toutes les industries se servent de la biotechnologie dans une mesure plus ou moins grande.

3 Ernst & Young, European Life Sciences Report, 2000.

4 Jusqu’à récemment, l’inventeur devait présenter une demande de brevet dans chaque pays. Aujourd’hui, en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, dont le Canada est signataire, il suffit de présenter une demande dans un seul pays en donnant la liste des autres pays dans lesquels on veut que le brevet soit valide. Les autres pays, tout en appliquant leurs propres critères de brevetabilité, traitent la demande présentée dans le pays d’origine comme une application sous leur propre régime. Le Canada, membre de l’OMC et assujetti aux dispositions de l’Accord sur les ADPIC, a modifié ses règlements afin que les brevets demandés le ou après le 1er octobre 1989 s’accompagnent d’une protection de 20 ans à partir de la date du dépôt de la demande. Auparavant, le Canada accordait une période de protection de 17 ans après la date de la délivrance effective du brevet.

5 Une lignée cellulaire est une culture d’un type particulier de cellule capable de se reproduire indéfiniment. Un hybridome est une cellule nouvelle résultant de la fusion d’un type particulier de lignée cellulaire tumorale immortelle, par exemple un myélome, avec un lymphocyte B producteur d’anticorps. Les cultures de telles cellules peuvent croître en permanence et sécréter des anticorps contre l’antigène visé.

6 En français, le mot « animaux » ne comprend pas les êtres humains. Cela n’est pas le cas en anglais. Désormais, la plupart des avocats affirment qu’un être humain en son entier n’est pas brevetable, ou encore qu’on ne pourrait faire respecter de brevet sur un être humain en son entier.

7 Recueil des pratiques du Bureau des brevets, ch. 16, section 16.05, Matière vivante, et section 16.04, Exemples de matières non brevetables.

8 La position canadienne est conforme à ses obligations internationales, comme les dispositions de l’article 27.3 b) de l’ADPIC, lequel permet aux pays membres d’exclure les plantes et les animaux de la brevetabilité.

9 Par exemple, certains pays peuvent et ont institué des règlements spécifiques qui prévoient que le demandeur d’un brevet peut déposer des matières biologiques dans un endroit convenu plutôt que de suivre les règlements de description écrite qu’il lui serait impossible de respecter dans le cas de la biotechnologie. D’autre part, il est improbable que les accords commerciaux permettraient la mise sur pied de règlements spécifiques portant sur les conséquences éthiques d’inventions en biotechnologie.

10 Sinclair & Carroll Co., Inc., c. Interchemical Corporation, 325 US 327 (1945) p. 330-331.

11 Yves Jeanclos, « Les brevets d’invention en France à l’époque révolutionnaire : recherches sur l’objet brevetable » dans Mélanges offerts à Jean-Jacques Burst, éditions Litec, 1997, Paris, p. 19-37 à 20-21.

12 Des démarches sont présentement en cours pour en arriver à une déclaration des Nations Unies sur les droits des anthropondes, ce qui garantirait au reste des anthropondes (chimpanzé, bonobo, gorille, orang-outan et humains) certains des droits qui s’appliquent présentement aux humains : le droit à la vie, à la liberté et à la protection contre la torture. Advenant que les Nations Unies adoptent une telle déclaration et qu’elle soit ratifiée par le Canada, il sera alors logique d’amender en conséquence la recommandation 1.

13 Outre la question de la valeur qu’accordent les êtres humains à divers animaux, une démarche qualitative pourrait ne pas être acceptable sur le plan éthique, car elle pourrait être perçue comme un appui au fait que certains êtres humains (p. ex., ceux dont les capacités cognitives et de communication sont inférieures à la norme) sont moins précieux que d’autres.

14 La date d’antériorité est habituellement la première date à laquelle une demande de brevet est déposée, peu importe l’endroit dans le monde. Si, comme c’est souvent le cas, la première demande a été déposée dans un autre pays, la date de publication au Canada serait de 18 mois suivant la date de la première demande.

15 Anne Mitchell, qui conteste ce point de vue, est d’accord avec la position du commissaire aux brevets selon laquelle les formes de vie supérieures ne sont pas brevetables en vertu de la loi canadienne et, de plus, elle est d’avis que ces formes ne devraient pas devenir brevetables. Néanmoins, si la loi doit être modifiée, Mme Mitchell soutient qu’il ne devrait pas s’agir d’une décision d’un tribunal mais plutôt faire suite à un débat public exhaustif au Parlement sur tout l’éventail des questions reliées au brevetage de la vie. Mme Mitchell a toutefois convenu que, si les formes de vie supérieures devenaient brevetables au Canada, elles ne devraient l’être que dans les limites prescrites dans le présent document.

16 Si le Canada veut permettre l’émission de brevets sur des plantes, il aura sans doute à ratifier la version 1991 de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (convention UPOV) pour continuer à se conformer à ses obligations internationales. Pour plus de détails sur la convention UPOV, voir l’annexe C.

17 Conformément à l’article 30 de l’ADPIC qui stipule que « les membres pourraient prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition que celles-ci ne portent pas atteinte de manière injustifiée à l’exploitation normale du brevet ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte tenu des intérêts légitimes des tiers ».

18 Les détenteurs de brevets sur des plantes et des animaux pourront encore concéder des licences, plutôt que vendre, l’animal ou la plante brevetée, s’ils le désirent. En vertu d’une licence, les détenteurs de brevets peuvent imposer toutes les obligations contractuelles qu’ils veulent, y compris l’obligation que l’agriculteur ne réutilise pas les semences ou ne fasse l’élevage de l’animal. Tant qu’une telle activité n’est pas jugée contraire à d’autre lois ou règlements (p. ex., porter atteinte à la concurrence), les lois en place n’empêchent pas cette pratique.

19 Le Petit Robert définit « accidentel » comme un événement « qui arrive par hasard, qui est produit par une circonstance occasionnelle ».

20 Micro Chemicals Ltd c. Smith Kline & French Inter-American Corp., (1971) 2 C.P.R. (2d) 193 (CSC).

21 Voir, par exemple, Jon F. Merz, Antigone G. Kriss, Debra G.B. Leonard et Mildred K. Cho. « Diagnostic testing fails the test: The pitfalls of patents are illustrated by the case of haemochromatosis » (2002), Nature, 415, p. 577.

22 Conclusions de l’atelier d’experts de l’OCDE sur les inventions génétiques, les IPR et les pratiques d’émissions de licence, tenu à Berlin les 24 et 25 janvier 2002, disponibles en ligne à l’adresse suivante : http://www.oecd.org/EN/document/0..EN-d...27-nodirectorate-no-20-25410-27.F F.htm (consulté le 18 mars 2002).

23 Voir, par exemple : Gouvernement de l’Ontario, Genetics, Testing & Gene Patenting: Charting New territory in Healthcare, (Toronto, gouvernement de l’Ontario, 2002) disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.gov.on.ca:80/MOH/english/pub/ ministry/geneticsrep02/report_e.pdf (consulté le 18 mars 2002).

24 À noter que cette convention n’est pas exécutoire et que divers états membres ont énoncé ces principes en leurs propres mots.

25 Voir Richard Gold et Alain Gallochat, « The European Biotech Directive: Past as Prologue » (2001), European Law Journal, 7, p. 328.

26 Le Petit Robert définit ainsi le terme « étudier » : « chercher à acquérir la connaissance de quelque chose ».

27 Il reste à déterminer, cependant, si cette suggestion respecte les ADPIC. Tout particulièrement, il n’est pas certain que cette suggestion soit conforme à l’article 27(1) voulant qu’aucun pays ne puisse imposer au demandeur de brevet des critères autres que la nouveauté, une étape inventive (non-évidence) et l’application industrielle (utilité).

28 J.E.M. Ag Supply c. Pioneer Hi-Bred International Inc. 122 S.Ct. 593 (2001).

29 Gouvernement de l’Ontario, supra note 23, p. 49 : To remedy this problem, the scope of patents over genetic material may need to be more rigorously defined to separate the chemical or structure nature of genetic material from its informational content. Patents should only prevent the making, using, selling and importation of genetic material when that material is used as a chemical, but should not unduly limit access and use of the particular information content of a naturally occurring sequence regardless of whether the sequence is being used in a natural or artificial form.

30 Le Comité consultatif national de la biotechnologie a été mis sur pied en 1983 pour conseiller le ministre de l’Industrie sur des questions touchant à la croissance industrielle et à la concurrence en matière de biotechnologie et, plus tard, à un cadre réglementaire pour la biotechnologie. En 1998, il a publié son sixième rapport intitulé Assumer le leadership au prochain millénaire.

31 Ce document était accompagné d’un mémoire intitulé « Un résumé des principaux concepts émanant des mémoires de recherche et ne faisant pas directement l’objet du Document de consultation 2001 sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et la brevetabilité des formes de vie supérieures ».

32 Les résultats ne peuvent être reproduits avec prédictibilité car l’interaction entre le médecin traitant et le patient repose sur de nombreux facteurs.

33 L’article 27.2 stipule que : « Les Membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation. »

34 Un brevet ne fait qu’empêcher des tiers d’exploiter l’invention sans l’autorisation du détenteur du brevet; cela ne signifie pas nécessairement que le détenteur puisse la commercialiser ou l’exploiter d’une quelconque façon.

35 On ne connaît que deux cas où cette clause a été invoquée pour refuser une demande de brevet; l’un impliquait une souris sans poil destinée à des tests sur des produits favorisant la pousse des chevaux, l’autre une invention impliquant le clonage d’une cellule formée d’éléments humains et porcins. On a également invoqué cette clause dans le cas de l’oncosouris de Harvard. Quoique la Division européenne des examens de brevets ait d’abord trouvé que le brevet sur cette souris n’allait pas à l’encontre de l’ordre public ou de la moralité, Greenpeace et d’autres organismes ont institué des procédures en opposition à l’encontre de ce brevet. Le brevet a été confirmé en novembre 2001, mais il a été modifié de façon à s’appliquer aux rongeurs seulement et non à tous les mammifères.

36 Quoique l’on parle de grande discrétion, celle-ci, ce n’est pas sans limite. En fait, il y a des balises déterminées par l’envergure de la disposition d’ordre public ou de moralité.

http://cccb-cbac.ca


    Création: 2003-01-30
Révision: 2004-06-02
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