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ID : 26051
Ajouté le : 2003-02-07 13:26
Mis à jour le : 2006-01-03 14:45
Refreshed: 2006-01-26 11:31

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Portrait d’un chercheur -- Touhami Abdelkhalek, coordonnateur du projet MIMAP-Maroc


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2002-12-23
Michelle Hibler

Touhami Abdelkhalek (Photo CRDI : M. Hibler)

Sur la route qui mène de Beni Mellal à Marrakech, au centre du Maroc, on dirait que le temps s’est arrêté. Dans l’ombre chiche que jettent les affleurements rocheux, de jeunes garçons et des vieillards en djellaba surveillent d’un air distrait de maigres chèvres qui scrutent le paysage aride à la recherche de quelques brins de fourrage. Les regards furtifs des femmes voilées s’insinuent dans la lumière ocre que laissent passer les portes entrouvertes de leurs maisons basses en terre séchée. Des douzaines d’ânes chargés de cruches transportent des enfants qui vont chercher de l’eau au puits de la commune ou en reviennent.

Cette scène offre un contraste frappant avec le trafic débridé qui file à vive allure sur l’autoroute et les rutilantes stations-services qui desservent véhicules et passagers.

« En réalité », affirme Touhami Abdelkhalek, professeur et chercheur à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (INSÉA) du Maroc, « il y a deux Marocs : le moderne et le traditionnel; le riche et le pauvre. »

C’est ce second Maroc qui retient son attention. Le professeur Abdelkhalek coordonne un réseau de chercheurs qui tentent de comprendre la pauvreté et d’élaborer les stratégies qui s’imposent pour la réduire. L’équipe fait partie du réseau Impacts micros des politiques macroéconomiques et d'ajustement (MIMAP), financé par le CRDI, qui met en contact des chercheurs, des fonctionnaires chargés de l’élaboration de politiques, des organisations non gouvernementales et des experts internationaux d’une douzaine de pays de l’Asie et de l’Afrique.

Touhami Abdelkhalek a toutefois une connaissance beaucoup plus intime de la pauvreté. « En développement », confie-t-il, « je n’ai pas besoin de beaucoup de références, puisque je les ai toutes en tête. » Né dans un oasis de la province d’Errachidia au sud du Maroc, il est le cadet d’une famille de 12 enfants. « Toutes les définitions du développement, on les retrouve dans toute ma vie », poursuit-il. « Famille nombreuse, parents analphabètes, mortalité infantile élevée, et puis je n’avais pas 9 mois quand mes parents ont décidé de quitter la petite ville de Midelt où je suis né : c’était l’exode. »

Le père d’Abdelkhalek était au métayage dans la ferme d’un colon français. « Le métayage est un concept que nous enseignons aujourd’hui lorsque nous abordons la théorie économique. Le salaire journalier de mon père dans le temps était de quatre dirhams (0,50 $) par jour pour nourrir toutes ces bouches. Je sais ce qu’est la faim », souligne le chercheur. « Et mes parents ne pouvaient nous assurer à tous une scolarisation », ajoute-t-il. « Mes soeurs, à part la plus jeune, n’ont pas été à l’école. Mon frère aîné, qui devait subvenir aux besoins de la famille, a quitté très tôt la maison pour aller dans l’armée. »

C’est un de ses frères qui fait valoir l’importance d’envoyer les enfants à l’école. « Ma vie a changé le jour où ma mère m’a inscrit à l’école », dit-il encore. « Ça a été le tournant. » Il se souvient qu’il a dû travailler au magasin du village pour payer ses fournitures scolaires. « Mon premier cahier d’examen à l’école primaire, j’ai dû le payer pendant un an, un cent par semaine, parce que mes parents n’avaient pas de quoi m’acheter des cahiers. »

Une ouverture économique sur le monde

Abdelkhalek a découvert les sciences économiques au secondaire, alors qu’il fréquentait dans la ville de Meknès une des plus grandes écoles du Maroc. « Si j’avais à refaire mon cheminement, je choisirais encore l’économie », déclare-t-il. « C’est une discipline où on est ouvert. Avec l’économie, on ne peut pas ne pas être ouvert. On doit s’intéresser à la santé, à l’énergie, à l’agriculture. On s’intéresse aux pauvres, on s’intéresse à la richesse — pratiquement à tout. »

Il poursuit ses études de premier et de deuxième cycles à l’INSÉA, puis il vient faire son doctorat au Canada. Pourquoi le Canada ? « Dans le monde francophone, lorsqu’on veut faire des études sérieuses, en langue française, à l’extérieur du continent africain », explique-t-il, « le monde devient trop petit : soit la France, soit la Belgique, soit le Canada et dans les universités québécoises principalement. » Fort en économétrie, il choisit le département de sciences économiques de l’Université de Montréal où il pourra se perfectionner dans une discipline qui se rapproche davantage de la statistique, son domaine de spécialisation. « Je suis très content d’avoir été dans ce département », dit-il, « c’était pour moi découvrir comment les gens travaillent, comment les gens apprécient ceux qui travaillent, comment les gens se respectent mutuellement. Cela m’a marqué à jamais. »

Abdelkhalek opte pour un double champ de spécialisation pour la rédaction de sa thèse : l’économétrie et le développement international, grâce au Programme de recherche économique appliquée en développement international (Programme PARADI), administré par le Centre de recherche et de développement en économique (CRDE) de l’Université de Montréal et le Centre de recherche en économie et en finance appliquées (CRÉFA) de l’Université Laval. (Financé par l’Agence canadienne de développement international [ACDI], le Programme PARADI a pris fin en 1999.) « C’est un créneau unique », indique Abdelkhalek, puisque, en règle générale, « les économètres ne connaissent pas les problèmes posés par le développement et les économistes du développement ne sont pas des économètres. » Aussi a-t-il abordé de front les deux disciplines. « C’était clair que le travail sur la pauvreté, sur les politiques de pauvreté, sur la modélisation de la pauvreté, enfin, sur tout ce qui tourne autour de cette question dans le développement international, j’étais fait un peu pour ça », poursuit-il. « Ce créneau m’attire toujours. »

En 1995, après plus de trois ans d’études, de recherches et d’enseignement au Canada, Touhami Abdelkhalek retourne à l’INSÉA à Rabat. « Je crois que je suis plus utile au Maroc qu’au Canada », explique le chercheur. « Je crois que le transfert de technologie — l’aide — peut aussi se matérialiser dans des cas comme ça, dans des gens que l’on forme et qui reviennent pour former, pour aider. »

La surveillance de la pauvreté au Maroc

Néanmoins, Abdelkhalek entretient des liens étroits avec ses anciens collègues, à titre de chercheur associé au CRDE et au CRÉFA et dans le cadre de sa participation au réseau MIMAP. Au Maroc, le projet a été lancé en 1998 afin de comprendre et d’analyser la pauvreté et l’inégalité dans ce pays et d’étudier les effets des politiques macroéconomiques sur les populations pauvres. À ce jour, le projet a grandement contribué au débat sur la pauvreté au Maroc. Ainsi, l’équipe de MIMAP a fait appel aux autorités pour que la définition traditionnelle de la pauvreté, d’ordre monétaire, soit remplacée par une nouvelle définition, multidimensionnelle, qui tienne compte de facteurs comme l’éducation et les services de santé de même que d’autres critères importants pour les populations pauvres. « Le sujet sur lequel nous travaillons n’était pas vraiment bien exploré et donc les attentes étaient grandes », affirme Abdelkhalek.

Abdelkhalek et ses collègues cherchent également à améliorer les techniques de désagrégation statistique afin de pouvoir séparer les effets attribuables à une politique anti-pauvreté de ceux qui sont dus aux changements structuraux qui surviennent dans le pays à l’étude. « Par exemple, si l’on ne tient pas compte des effets du changement technologique, on risque de surestimer l’effet des politiques », explique le chercheur.

Le projet MIMAP-Maroc en est à sa seconde phase qui consistera en particulier à porter les résultats de la recherche à l’attention des stratèges marocains. « Je sais que le chemin est encore long devant nous », ajoute-t-il, « mais nous croyons être sur la bonne voie. »

L’ACDI accorde au programme MIMAP un important apport financier. Le programme est aussi subventionné par la Direction de la coopération au développement et de l'aide humanitaire (DDA), de la Suisse; le Ministère du développement international (DFID), du Royaume-Uni; le Fonds de développement des Nations Unies pour les femmes (UNIFEM); et le Secrétariat pour les pays du Commonwealth.

Michelle Hibler est rédactrice principale à la Division des communications au CRDI.


Renseignements :

Touhami Abdelkhalek, INSÉA, BP 6217, Rabat-Instituts, Rabat, Maroc; tél. : (+212) 37 77 09 26 ou (+212) 37 77 48 60, poste 392; télec. : (+212) 37 77 94 57; courriel  : atouhami@insea.ac.ma


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