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ID : 30553
Ajouté le : 2003-05-28 9:54
Mis à jour le : 2004-10-29 23:49
Refreshed: 2006-01-26 15:20

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LES SEMENCES DU MONDE / Chapitre 4 : Les leçons tirées de l'expérience
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Ronnie Vernooy

Chapitre 4

Les leçons tirées de l'expérience

La phytosélection participative

Une solution partielle

Le chapitre précédent fait état de six projets représentatifs d'une décennie de recherche à travers le monde, dont certains sont toujours en cours. Ils révèlent que des agriculteurs, parfois des collectivités entières, se sentent investis d'un pouvoir jusque-là ignoré et qui leur permet d'avoir, ne serait-ce que dans une faible mesure, la haute main sur leurs ressources naturelles. Ils montrent que des scientifiques ont découvert la valeur de porter leurs travaux au-delà du laboratoire ou du centre de recherche pour profiter du savoir et de l'expérience des hommes et des femmes qui vivent de la terre. Évidemment, tout récit contient un message, une leçon; ces comptes rendus ne font pas exception. Quelles leçons pouvons-nous tirer de la revue de dix années de recherche ? Comment pouvons-nous mettre ces leçons à profit et améliorer la prise de décisions sur l'orientation future des politiques et de la recherche sur l'agriculture et l'environnement ?

Les enjeux sont évidents: l'érosion génétique progresse à un rythme alarmant. Nous en avons un exemple en Chine, où la collection de germoplasme de maïs contient environ 16 000 entrées, mais où seules cinq grandes variétés hybrides couvrent 53 % des zones de culture du maïs au pays. Cette situation se répète dans la majorité des terres nourricières du globe; elle donne un sens nouveau à l'expression «faire plus avec moins».

Le revers de la médaille, c'est que les plus défavorisés de la planète dépendent des produits biologiques pour satisfaire jusqu'à 90 % de leurs besoins -- en nourriture, combustible, médicaments, abri, transport. Environ 1,4 milliard de personnes, pour la plupart des paysans pauvres, utilisent et améliorent depuis toujours les semences provenant de leurs propres cultures, permettant ainsi de créer de nombreux cultivars traditionnels pour chaque espèce cultivée. Environ 75 % de la population mondiale s'en remettent aux médecines traditionnelles pour leurs soins de santé primaires. Ces ressources biologiques, y compris les compétences et les connaissances qui contribuent à cette diversité, sont de plus en plus menacées par les changements qui se produisent dans les structures sociales, économiques et politiques, dans les milieux naturels, et en raison de la demande croissante de ces mêmes ressources.

La menace qui pèse sur la biodiversité est une question complexe dont les nombreuses ramifications nous touchent tous -- que nous vivions au Nord ou dans les pays du Sud -- parce qu'elle peut influer sur les disponibilités alimentaires. Si la phytosélection participative est une solution partielle, il est important de bien comprendre ce que cette approche relativement nouvelle de la recherche a permis d'accomplir et comment les résultats obtenus peuvent être appliqués plus efficacement à grande échelle.

Rappelons que l'approche de la recherche sur l'agrobiodiversité, exposée au chapitre 2, se fonde sur trois objectifs communément admis: parfaire les connaissances sur l'agrobiodiversité; élaborer et expérimenter des pratiques et des mesures qui valorisent l'agrobiodiversité; créer des solutions de rechange, d'ordre politique et législatif, à l'appui de ces objectifs. C'est de là qu'il faut d'abord tirer des leçons, mais une nécessité sous-tend ces objectifs: retenir les résultats de projets qui ouvrent la voie à de nouvelles recherches et politiques (voir le tableau 4). En voici quelques exemples:

  • recherche, sensibilisation, élaboration de méthodes et de politiques, innovation;
  • renforcement des capacités de recherche, individuelles et institutionnelles;
  • formation ou consolidation de partenariats entre les intervenants ou intersectoriels;
  • recherche et politiques répondant véritablement aux besoins des utilisateurs.

Enfin, il importe de déterminer si la recherche a des répercussions directes ou indirectes. La recherche a-t-elle été adoptée et adaptée ailleurs ? A-t-elle eu un «effet multiplicateur» ? La recherche a-t-elle donné lieu à de nouvelles approches, de nouvelles réflexions ? Bref, s'est-on contenté de tirer des leçons de l'expérience ou les a-t-on mises en pratique ? Avons-nous tiré tous les enseignements possibles de nos expériences ?

L'agrobiodiversité

De l'importance de l'information et de l'identité collective

Dans leurs efforts pour mieux faire connaître l'agrobiodiversité, les chercheurs ont consacré beaucoup de temps et d'énergie à réunir de la documentation et à décrire les cultures et les systèmes de culture existants ainsi que le savoir local ou indigène qui s'y rapporte. Leurs études laissent entendre qu'en bien des endroits, la conservation de l'agrobiodiversité fait partie intégrante de l'identité culturelle des gens et constitue généralement une façon de réagir à l'incertitude et à la fragilité environnementale, écologique et économique. Parfois, il s'agit simplement d'un moyen pour tirer parti des conditions du marché.

La diversité et les connaissances qu'en ont les agriculteurs sont une réalité bien vivante dans nombre de régions, quoique nous ayons la preuve que l'on exerce sur les systèmes de culture traditionnels des pressions croissantes. Nous entendons par systèmes de culture, les céréales, les plantes racines, les légumineuses, les épices, les plantes fourragères et les espèces végétales comestibles «sauvages», ou non cultivées.


Il y a de nombreux exemples d'outils de recherche qui «circulent» d'un côté à l'autre -- d'un chercheur ou d'un agriculteur à un autre.

La pression exercée sur ces systèmes est en partie due aux forces du marché, mais plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte. Les sciences menacent les cultures et les systèmes de culture traditionnels parce qu'elles introduisent un nombre limité de variétés hybrides qui viennent remplacer un ensemble diversifié de variétés traditionnelles. L'activité humaine aussi y contribue par les migrations, la «modernisation» et, dans certaines régions, la guerre. Des catastrophes naturelles, comme les ouragans, les inondations et les tremblements de terre sont des facteurs imprévisibles mais omniprésents. Les modes d'utilisation des ressources est un autre élément qui a fait surface dans la dynamique de la diversité et l'espace dont les agriculteurs doivent disposer pour conserver ou accroître les variétés végétales. Il faudra procéder à d'autres recherches pour mieux comprendre ces facteurs et déterminer d'éventuelles pistes et moyens d'action.

La dynamique de l'agrobiodiversité et les tendances dans ce domaine sont beaucoup mieux connues et étudiées aujourd'hui. Bien que l'envergure et la qualité des résultats varient, un bon nombre d'outils innovateurs ont été mis au point pour permettre l'analyse détaillée de ces tendances, à plusieurs égards: cultures, champs, systèmes d'exploitation. Il y a de nombreux exemples d'outils de recherche qui «circulent» d'un côté à l'autre -- d'un chercheur ou d'un agriculteur à un autre.

Nous avons en outre accumulé une importante somme de connaissances sur les rapports entre les facteurs humains et biophysiques à des degrés divers. Les facteurs humains comprennent le savoir, les compétences, les besoins et les intérêts différents selon le sexe, l'âge, la classe sociale et l'origine ethnique. L'examen de leur influence sur les cultures, les systèmes de culture et le paysage (au sens scientifique du terme) lorsqu'ils sont associés aux facteurs biophysiques permet de mieux comprendre comment et pourquoi les collectivités conservent la biodiversité.

Un des premiers projets portant sur la biodiversité que le CRDI ait appuyé consiste en une étude, entreprise en 1992, sur les facteurs de conservation du cultivar traditionnel de sorgho en Éthiopie, où l'on croit qu'est apparue cette graminée qui tient une place si importante dans l'alimentation humaine. Depuis lors, ce projet a connu bien des prolongements et il est toujours en cours. Il a servi à documenter -- par des observations, des enquêtes et des entrevues -- les vastes connaissances taxonomiques des agriculteurs éthiopiens et a confirmé l'importance de leur rôle dans la conservation de la diversité du cultivar traditionnel du sorgho dans les régions de Shewa, au Nord, et de Welo, au Sud, afin de réduire les risques d'homogénéisation. En outre, l'étude rassemble des informations sur le savoir des agriculteurs sur les conditions d'entreposage et la durée de vie des cultivars traditionnels du sorgho ainsi que sur les mesures à prendre pour réduire les pertes causées par les parasites. La recherche se centre sur deux domaines: la dynamique et les tendances de l'agrobiodiversité; et les critères de sélection des agriculteurs et des agricultrices selon que la sélection a lieu dans les champs, à l'échelle de la collectivité ou dans l'écosystème agricole tout entier. Elle examine aussi divers facteurs qui influent sur l'utilisation et la gestion de la diversité.

D'autres projets se sont penchés sur des systèmes de culture complexes et fort différents comme les jardins privés et les cultures sur brûlis, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, de même que sur les potagers indigènes en Afrique orientale et australe. D'autres encore portent sur les systèmes intégrés d'élevage d'animaux et de culture des végétaux tels que les systèmes d'exploitation de riz et de poisson dans le delta du Mékong au Viet Nam.

Partout dans le monde, les femmes jouent un rôle de premier plan dans la gestion de l'agrobiodiversité. La reconnaissance de ce rôle, toutefois, laisse à désirer en bien des endroits. Il faudrait également effectuer des études plus systématiques et rigoureuses sur les divers rôles que les femmes et les hommes sont appelés à jouer, et sur les conséquences sexospécifiques des changements qui touchent la diversité. Pour être utiles, cependant, les recherches sur cette question doivent aller au-delà d'une simple présentation des données selon le sexe des participants. L'âge, l'origine ethnique, la situation économique et le niveau d'instruction sont des facteurs dont il faut également tenir compte.

Aujourd'hui, les chercheurs disposent d'une foule de méthodes de recherche novatrices. Les programmes des petites subventions en est une. Ils financent une vaste gamme de projets et de méthodes sous un thème de recherche commun. Les programmes de recherche multilatéraux en est une autre. Ceux-ci fournissent un cadre de travail commun aux chercheurs qui adoptent une même approche et une même méthodologie, et fonctionnent en réseaux.

D'heureuses retombées

La valorisation de la conservation et de l'utilisation de l'agrobiodiversité

Dans la majorité des recherches axées sur la phytosélection participative, la valorisation économique, sociale ou culturelle constitue un élément fondamental que l'on intègre dès le départ. Dans d'autres types de recherche, on ajoute cet élément uniquement après avoir réuni la documentation et terminé le descriptif du projet. Tout dépend de la conception du projet et de l'approche adoptée, mais dans les deux cas, les résultats sont impressionnants.

Les outils et méthodes de recherche qui «circulent» d'une région ou d'un pays à un autre sont aussi une façon de valoriser l'investissement initial. Voilà pourquoi la production de retombées directes ou indirectes, maximisant l'incidence des résultats de la recherche, est un des objectifs de bon nombre de projets.

Comme nous l'avons vu, la méthode mise en application par le Centre international d'agriculture tropicale (CIAT) en Colombie a été adoptée presque partout en Amérique latine. Environ 250 groupes d'agriculteurs se sont lancés dans des expériences pour accroître la diversité des cultures, améliorer la productivité et assurer la conservation des sols et de l'eau. Plus récemment, certains des éléments de l'approche ont fait leur chemin jusqu'en Chine et à Cuba. De même, le projet d'amélioration du maïs dans le sud-ouest de la Chine a repris des éléments d'un projet semblable parrainé par le CRDI et le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) au Mexique. Voici d'autres exemples: au Népal, des paysans de villages adjacents au site de recherche se sont inspirés de certains principes de la recherche et ont commencé à faire leurs propres expériences. En outre, devant le succès de travaux menés au Maroc, en Syrie et en Tunisie, le Centre international de recherches agricoles dans les régions sèches (ICARDA) applique les enseignements tirés du projet sur l'amélioration de l'orge en Afrique du Nord et au Moyen-Orient à d'autres pays de la région et ailleurs dans le monde.

Certaines recherches connaissent une renommée mondiale. Ainsi, dans son rapport The state of the world's plant genetic resources for food and agriculture, paru en 1998, la FAO citait le programme communautaire de conservation de la biodiversité et du développement (CBDC) comme exemple de conservation in situ. Ce programme est une initiative interrégionale lancée par divers organismes gouvernementaux et ONG en Afrique, en Asie, en Amérique latine, aux Pays-Bas, en Norvège et au Canada.

En 1996, le CRDI a participé à l'organisation de deux colloques internationaux, un en Inde et l'autre aux Pays-Bas, qui ont été le point de départ d'une collaboration toute nouvelle dans le domaine de la biodiversité des cultures. Dans le cadre du colloque tenu en Inde, des phytogénéticiens, des chercheurs et des militants politiques ont évalué les pratiques et les façons de penser en Asie méridionale au sujet de l'agrobiodiversité. Comme ils se sont tôt rendu compte de leur communauté d'idées et d'intérêts, ils ont exploré la convergence de leurs points de vue et les possibilités de collaboration future.

Ce colloque a donné des résultats concrets, notamment la création, en 1997, d'un programme de petites subventions, la Bourse agrodiversité. Ce programme aide les organismes et les chercheurs locaux qui travaillent avec des agriculteurs de l'Asie du Sud à entreprendre des projets de recherche appliquée sur l'utilisation de la biodiversité agricole -- plantes sauvages, plantes cultivées et animaux d'élevage -- pour répondre aux besoins des ménages agricoles et protéger l'environnement. Ces bourses favorisent également la collaboration et les échanges entre chercheurs ainsi que la diffusion de l'information parmi les secteurs structuré et non structuré sur les moyens pratiques d'accroître l'utilisation durable de la biodiversité agricole.

Le colloque qui a eu lieu aux Pays-Bas a réuni un groupe, enthousiaste et se réclamant des mêmes idées, de chercheurs, de membres du personnel du GCRAI, de la FAO, d'organismes gouvernementaux européens, d'un certain nombre de systèmes nationaux de recherche agricole et de donateurs voulant explorer les enjeux, intérêts et méthodes qu'ils avaient en commun. Les participants ont passé en revue les activités de phytosélection participative menées par des sélectionneurs, des environnementalistes et des spécialistes en sciences sociales, et ils ont proposé des idées de collaboration afin de stimuler davantage la recherche et les pratiques de sélection végétale à l'échelon local.

Ce colloque a eu encore d'autres avantages car il a jeté les bases de ce qui allait devenir le programme de Recherche participative et analyse du genre (RPAG). Ce programme du GCRAI a d'abord été élaboré, à titre officieux, en 1996, puis établi en bonne et due forme l'année suivante.


Une vaste gamme de questions liées au commerce exigent une approche plus systématique.

On a aussi amélioré l'expérience en reliant la conservation in situ et ex situ, et en renforçant les systèmes de production de semences au moyen de foires et de banques de semences, par exemple. Ces éléments se retrouvent dans le projet de l'Instituto Nacional de Ciencias Agrícolas (INCA) à Cuba et dans celui sur l'amélioration du maïs en Chine. En outre, un projet mené au Costa Rica a tenté de servir d'intermédiaire pour la commercialisation de haricots tapado comme produit certifié biologique, au pays et à l'étranger: voilà un bon exemple de valeur ajoutée, du côté de la demande cette fois. À n'en pas douter, non seulement les produits certifiés biologiques, mais aussi une vaste gamme de questions liées au commerce, comme les pratiques déloyales et l'interdépendance des marchés, exigent une approche plus systématique.

On peut acquérir une bonne dose de connaissances et de compétences autant dans l'apprentissage par l'action que dans le cadre de projets de formation. La recherche a grandement contribué au renforcement des capacités de recherche, de documentation et de gestion de plusieurs individus et organisations. On trouve parmi les principaux organismes intéressés à la phytosélection participative un grand nombre d'organismes voués à la recherche, dont des ONG comme LI-BIRD (Local Initiatives for Biodiversity, Research and Development) et SEARICE (Southeast Asian Institute for Community Empowerment, une ONG membre du programme communautaire de conservation de la biodiversité et du développement -- CBDC); des systèmes nationaux de recherche agricole comme l'INCA à Cuba et le GMRI en Chine; des établissements universitaires comme l'Université Can Tho au Viet Nam ou les universités de Guelph et d'Ottawa au Canada; des centres internationaux comme le Centre international d'agriculture tropicale (CIAT), le Centre international d'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT), le Centre international de recherches agricoles dans les régions sèches (ICARDA), l'Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) et l'Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI).

Plusieurs des projets réalisés par ces organismes ont exploré de nouvelles voies et comportaient souvent des risques, les chercheurs osant entreprendre des recherches fondées sur des méthodes novatrices, méconnues des institutions, et aller à contre-courant des pratiques de sélection habituelles. Le succès était loin d'être assuré et bon nombre de leurs collègues mettaient en doute l'avenir de la phytosélection participative. Deux de ces audacieuses entreprises ont eu de brillants résultats: le projet de l'INCA à Cuba et le projet d'amélioration du maïs en Chine. Tous deux ont mis des systèmes nationaux de recherche agricole à contribution et ont été menés dans des pays où l'on n'avait jamais entendu parler d'une telle approche participative. Les travaux sur l'amélioration de l'orge effectués par l'ICARDA en Afrique du Nord et au Moyen-Orient sont un autre exemple de la réussite d'un projet risqué.

Le programme Recherche participative et analyse du genre (RPAG) et les organismes participants ont fait des progrès sensibles vers la modification des politiques de recherche au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). Nous en voulons pour preuve la recommandation faite au Comité technique consultatif du GCRAI, en 2000, par un groupe consultatif proposant que la phytosélection participative fasse partie intégrante du programme de sélection végétale de tous les centres du Groupe. En outre, le fait que l'équipe de recherche du projet de l'ICARDA sur l'amélioration de l'orge, dirigé par Salvatore Ceccarelli, ait publié un rapport qui a remporté un prestigieux prix décerné par le GCRAI, en 2000, est un autre signe que l'importance des travaux novateurs en cours commence à être reconnue. Toutefois, les changements profonds sont encore très lents.

Après avoir recueilli et mis en rapport des thèmes, des approches et des méthodes de recherche utilisés dans le monde, le programme RPAG a préparé un grand nombre de rapports exhaustifs. Ces documents, qui se fondent sur l'expérience globale de nombreuses équipes et divers projets, traitent des enjeux institutionnels et techniques en matière de phytosélection participative, tant du point de vue des phytogénéticiens du secteur officiel que de celui des agriculteurs-sélectionneurs. En 1999, le Groupe de travail sur la sélection des plantes de la RPAG a également élaboré des lignes directrices détaillées pour la mise en œuvre de projets de phytosélection participative.

D'autres projets ont donné lieu à quantité de documents de formation sur des méthodes particulières, comme une série préparée par le Centre international d'agriculture tropicale (CIAT) à l'intention des comités locaux de recherche agricole d'Amérique latine. De son côté, l'IPGRI s'est fondé sur son programme mondial in situ pour élaborer un manuel de formation sur la conservation à la ferme de la diversité génétique des cultures.


Les résultats des projets démontrent clairement que les agriculteurs peuvent, et doivent, jouer un rôle de premier plan dans la recherche axée sur la phytosélection participative.

Quelles sont les démarches les plus efficaces, où et quand faut-il les mettre en pratique ? Il est encore trop tôt pour déterminer la viabilité des nombreuses approches qui ont été adoptées, ou sont en voie de l'être, et leur incidence à long terme sur le gagne-pain des agriculteurs. Toutefois, les démarches prônant la conservation de la diversité biologique gagnent du terrain dans bien des régions. Les rendements s'améliorent en quantité et/ou en qualité. Presque partout, on voit les capacités se renforcer. On a aussi constaté qu'il n'existe pas de solution uniforme à la conservation de l'agrobiodiversité et à l'amélioration des cultures -- il faudrait que la diversité des méthodes de recherche aille de pair avec celle des cultures pour tenir compte de la réalité du monde rural.

Les résultats des projets démontrent clairement que les agriculteurs peuvent, et doivent, jouer un rôle de premier plan dans la recherche axée sur la phytosélection participative et que l'on peut, et doit, inciter les exploitants agricoles à opter pour des pratiques culturales participatives. Ces constatations peuvent être considérées comme des résultats positifs. Cependant, plusieurs projets mettent en lumière une réalité beaucoup moins réjouissante: le manque de politiques à l'appui de changements comme ceux que préconise l'approche participative.

La recherche de solutions politiques et juridiques

L'appui national et international aux démarches locales

Les politiques gouvernementales -- ou le défaut de telles politiques -- ont, comme il se doit, une incidence considérable sur les efforts qui se font partout dans le monde pour préserver l'agrobiodiversité. Dans nombre de pays, les fonctionnaires chargés de l'agriculture ne se préoccupent même pas de ces questions. Dans d'autres, elles sont considérées comme des questions secondaires et non comme des enjeux au cœur de la pérennité des ressources vivrières.

Diverses études sur l'influence des politiques en vigueur (ou du manque de politiques) sur l'agrobiodiversité ont tenté de mieux comprendre, voire de modifier ces attitudes. Aussi, des solutions de rechange politiques et juridiques -- mesures incitatives, règlements, lois -- ont été proposées. Par exemple, le programme Recherche participative et analyse du genre a entrepris une recherche devant mener à l'élaboration d'une politique sur des questions comme la reconnaissance de la contribution des agriculteurs à l'agrobiodiversité, l'amélioration des cultures et les droits de propriété intellectuelle.

Il s'est avéré difficile d'établir un lien entre les points de vue et les intérêts des utilisateurs locaux et les politiques macroéconomiques, en particulier les politiques qui tiennent compte de tous les intervenants. Ainsi, comment veiller à ce que tous les intervenants aient voix au chapitre ou faire en sorte qu'existent des liens plus étroits entre les chercheurs et les agents de vulgarisation ou entre les chercheurs et les décideurs ? Il est manifeste qu'il faut entreprendre des études à plus long terme pour évaluer les effets des politiques, en procédant par exemple à l'analyse des éléments dissuasifs de certaines politiques. L'intégration des analyses à différents niveaux est une tâche complexe, et il est important que la recherche sur les politiques et les mesures législatives soit intégrée à la recherche axée sur l'amélioration du savoir et des systèmes de culture.


Il n'y a pas encore assez de chercheurs prêts à prendre part aux débats et aux processus d'élaboration et de mise en œuvre des politiques.

En outre, il est essentiel qu'un plus grand nombre de chercheurs commencent à s'intéresser réellement aux répercussions des politiques et des mesures législatives sur la biodiversité, en général, et la phytosélection participative, en particulier. Bien qu'ils soient plus nombreux et se fassent entendre davantage, il n'y a pas encore assez de chercheurs prêts à prendre part aux débats et aux processus d'élaboration et de mise en œuvre des politiques.

Le Zimbabwe a lancé un projet national en vue d'élaborer des lois sur les brevets en matière de droits de propriété intellectuelle. Il en est résulté un grand nombre de propositions pour la conception et la rédaction d'une loi et d'une politique nationales sur cette question. Un projet semblable a été entrepris au Viet Nam. Le projet zimbabwéen a aussi des répercussions à l'échelle régionale puisqu'il fait partie d'une initiative de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) visant à rédiger une loi modèle pour les pays membres. Une autre étude régionale a été réalisée sur les droits des sélectionneurs en Amérique latine.

Dans le même ordre d'idées, le Groupe Crucible a effectué des travaux d'envergure mondiale sur des questions de droit et de règlements qui sont à la fois novateurs et riches d'enseignements. Le Groupe Crucible est un collectif international qui regroupe 45 représentants de 25 pays, provenant de divers milieux: l'industrie privée, le secteur public, des groupes militants et des groupes autochtones. Ils prennent part aux discussions à titre personnel, mais tous partagent le même intérêt: la préservation et la mise en valeur du patrimoine génétique mondial. Ils abordent les enjeux de façon éclairée et formulent à l'intention des décideurs des recommandations sur l'utilisation, la conservation et la propriété des ressources phytogénétiques. Les résultats découlant de ces discussions -- qui ont fait l'objet de consensus et de divergences -- ont paru dans un ouvrage publié par le CRDI en 1994, Un brevet pour la vie: La propriété intellectuelle et ses effets sur le commerce, la biodiversité et le monde rural. Ce livre contient 28 recommandations.

À l'issue de nouvelles discussions, les observations et les recommandations du Groupe Crucible ont été mises à jour et rendues publiques, en 2001, dans un ouvrage parrainé conjointement par le CRDI, l'IPGRI et la Fondation Dag Hammarskjöld, Le Débat des semences: Volume 1 -- Solutions politiques pour les ressources génétiques; 15 recommandations y sont formulées. Le volume 2 du Débat des semences, publié en 2003, propose des solutions pour les lois nationales régissant la conservation et l'échange du germoplasme, la protection des connaissances autochtones et locales, et la mise en valeur des innovations biologiques. Plus récemment, le CRDI et divers autres donateurs ont, en collaboration avec l'IPGRI, créé l'Initiative stratégique sur les ressources génétiques (ISRG) afin de poursuivre les travaux du Groupe Crucible.

D'autres études entreprises dans le cadre de projets sur les cultures ont traité de questions liées à des organes directeurs internationaux comme la Convention sur la diversité biologique (CDB) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces efforts ont contribué à la sensibilisation à ces questions, à l'intégration d'enjeux importants aux objectifs officiels et à la prise en compte du point de vue des populations autochtones lors des négociations.

En bref

Un tour d'horizon des réalisations

Depuis une dizaine d'années, les gens ont davantage pris conscience de l'importance de l'agrobiodiversité et en comprennent mieux les enjeux. Il existe aujourd'hui une masse d'informations sur les ressources phytogénétiques locales et leur utilisation, souvent dans des endroits éloignés et difficiles d'accès. Ces connaissances s'étendent à trois types de cultures, à trois continents, à de nombreuses agroécozones et à divers systèmes autochtones.

Les résultats cumulés des recherches constituent une somme de données qui ont contribué à faire valoir l'intérêt de l'agrobiodiversité et favorisé son intégration dans les programmes de recherche internationaux, y compris ceux des organismes donateurs qui financent le développement international ou la recherche en développement.

En particulier, de nouvelles méthodes interdisciplinaires ont été mises au point afin d'étudier l'agrobiodiversité et de renforcer les capacités locales de façon à conserver et accroître la diversité. Ces méthodes conjuguent différents éléments: consultation et collaboration des participants; expérimentation en milieu réel et dans les stations de recherche; analyse (à des degrés divers) différenciée de l'utilisation des ressources fondée principalement sur les sexospécificités. Ces méthodes et d'autres outils ont été solidement documentés et mis à la disposition des personnes intéressées par l'étude ou la mise en œuvre de la dynamique de l'agrobiodiversité.

Dans certains pays et organismes, des équipes continuent d'expérimenter ces nouvelles méthodes. Les projets dans le cadre desquels elles sont utilisées sont alors véritablement mis en vedette; ils attirent énormément l'attention mais ils font aussi, parfois, l'objet d'un examen rigoureux. L'institutionnalisation d'approches et de méthodes de recherche font explicitement partie des priorités de certaines initiatives, notamment de celles du programme Recherche participative et analyse du genre (RPAG) du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). Certains innovateurs ont déjà réussi à intégrer ces méthodes au programme de recherche national; c'est le cas du CIMMYT au Mexique et de l'ICARDA au Maroc et en Tunisie. D'autres équipes de chercheurs -- en particulier celles affectées aux projets qui se déroulent en Chine, à Cuba, en Éthiopie, en Jordanie et au Népal -- comptent influer d'ici peu sur les programmes de recherche de ces pays. Le Groupe Crucible, dont les publications ont présenté les enjeux sous un jour nouveau, a largement contribué à l'intégration des questions d'agrobiodiversité (comme le savoir autochtone, les droits des agriculteurs, l'accès aux avantages et le partage des bénéfices découlant de l'exploitation des ressources génétiques) aux programmes nationaux et internationaux d'élaboration des politiques. Comme ce rapport l'indique clairement, malgré le nombre de solutions de rechange (règlements, ententes, lois types) qui ont été proposées et dont on a prôné l'adoption, il reste encore beaucoup à faire pour consolider et étendre les domaines de la conservation de l'agrobiodiversité, de l'amélioration des cultures et de la phytosélection participative.

Une preuve de progrès

Vers la fin de 2002, la RPAG, en collaboration avec une autre initiative du GCRAI, le Programme de ressources génétiques à l'échelle du système (PRGES), a organisé un colloque ayant pour thème «la qualité de l'approche scientifique de la sélection végétale participative». Ce colloque a réuni 35 innovateurs, chercheurs et directeurs de recherche des quatre coins du monde, représentant le GCRAI, les systèmes nationaux de recherche agricole, des ONG et des organismes donateurs. Ils avaient pour objectif de passer en revue et de discuter des principes et des méthodes éventuellement applicables à la phytosélection participative. Les discussions ont porté notamment sur l'établissement des priorités, les essais in situ et l'évaluation des expériences, la mise à l'échelle, l'évaluation des incidences, l'application de l'approche holistique à la phytosélection participative et la biotechnologie.


Non seulement ces partenariats modifient-ils les méthodes de recherche, mais ils permettent également de poser les jalons des futures innovations et des résultats à long terme.

Ce colloque de cinq jours a prouvé que la phytosélection participative a fait de remarquables progrès. Les principes et les méthodes ont été approfondis et mûris; le nombre de spécialistes et d'organismes qui appuient la phytosélection participative s'est accru et la portée de leurs travaux s'est étendue; et on commence à relier plus étroitement la phytosélection participative et la gestion intégrée des ressources naturelles, la reproduction de semences et les questions de l'accès, de la rétribution et du partage des avantages découlant des interventions dans ce domaine.

Le colloque a été l'occasion de consolider les partenariats existants et d'en former de nouveaux -- avantage qui passe souvent inaperçu lors de l'évaluation de tels événements. Non seulement ces partenariats modifient-ils les méthodes de recherche, mais ils permettent également de poser les jalons des futures innovations et des résultats à long terme de recherches davantage axées sur les besoins des utilisateurs.





Éditeur : CRDI

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