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RÉPERCUSSIONS

DES RESTRICTIONS DE L'UNION EUROPÉENNE
SUR L'IMPORTATION
DES FOURRURES D'ANIMAUX SAUVAGES

RÈGLEMENT EU 3254/91

RÉPERCUSSIONS DU RÈGLEMENT
SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES
DU CANADA

Conseil du village d'Old Massett
C.P. 189, Old Massett
Haida Qwaii, via Poste Canada
V0T 1M0


Table des matières


Ce document a été commandité par
le Conseil du village d'Old Massett de Haida Gwaii

L'auteur

Richard Maracle fait partie de la nation mohawk et réside sur le territoire mohawk de Tyendinaga dans l'est de l'Ontario. À titre d'expert-conseil indépendant, il a consacré la dernière décennie à faire des recherches et à rédiger des comptes rendus sur les questions qui intéressent les peuples autochtones, sur le développement durable et sur les économies des collectivités autochtones du Nord qui ont une assise territoriale. Il fait, depuis deux ans, une recherche majeure pour la Commission royale sur les peuples autochtones et, entre autres choses, une étude sectorielle sur l'exploitation de la faune, qui traite de façon exhaustive de la question des fourrures. De 1985 à 1991, il a été conseiller principal d'Indigenous Survival International (Canada) dans le dossier des fourrures. Il est actuellement conseiller auprès du Conseil du village d'Old Massett en ce qui touche aux innovations économiques en développement durable et conservation.


RÉPERCUSSIONS DU RÈGLEMENT 3254/91 DE L'UNION EUROPÉENNE (UE) SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES DU CANADA

[ I ] RÉSUMÉ

En janvier 1996, si le Canada ne satisfait pas aux exigences de l'Union européenne (RÈGLEMENT EU 3254/91), l'UE interdira l'importation des fourrures et des produits dérivés de 12 espèces d'animaux à fourrure exploités par les peuples autochtones. Cela entraînera un certain nombre de conséquences économiques, sociales et culturelles dévastatrices qui affecteront plusieurs collectivités autochtones du Canada.

Le RÈGLEMENT EU 3254/91 aura des incidences directes et indirectes sur plus de 73 000 Autochtones adultes et sur leurs familles. Ces incidences seront particulièrement pénibles pour les familles qui exploitent la faune dans le but d'assurer leur subsistance. On craint les conséquences suivantes :

  • la destruction d'un élément intégral des économies mixtes des collectivités autochtones du Nord;
  • la perte de millions de dollars de revenus annuels chez les collectivités autochtones qui font le commerce des fourrures;
  • l'affaiblissement de la capacité des chasseurs et des trappeurs autochtones de générer l'équivalent de centaines de millions de dollars en aliments traditionnels et autres revenus non financiers;
  • un accroissement des pathologies sociales au sein des collectivités autochtones;
  • un accroissement des coûts d'assistance sociale et de soins de santé;
  • l'érosion de la transmission des connaissances traditionnelles;
  • la destruction des cultures et des systèmes sociaux de plusieurs collectivités autochtones du Canada;
  • la perte d'habitats naturels et fauniques.

Attribuable, en grande partie, à certains groupes de défense des droits des animaux, qui sont bien organisés et bien financés et qui ont monopolisé l'attention du Parlement européen, le RÈGLEMENT EU 3254/91 contredit directement la raison d'être, l'intention et l'esprit de plusieurs accords, déclarations, conventions et traités internationaux. Dans ces documents juridiques, plusieurs pays membres de l'Union européenne se sont moralement et juridiquement engagés:

  • à ne pas restreindre le commerce de produits qui reposent sur des méthodes de traitement et de production (1) . Le RÈGLEMENT EU 3254/91 restreindra certainement le commerce qui repose sur des moyens de production;
    (1) Accord général sur le commerce et les tarifs (GATT), Article XI, Organisation mondiale du commerce (OMC).
  • à protéger le mode de vie des peuples autochtones (2). Le RÈGLEMENT EU 3254/91 détruira les cultures et le mode de vie de milliers d'Autochtones d'Amérique du Nord;
    (2) Paragraphe 2, Résolution sur les peuples autochtones adoptée à l'unanimité par le Parlement européen en janvier 1995..
  • à respecter le droit des peuples autochtones de jouir en toute sûreté de leurs moyens de subsistance et de s'adonner librement à leurs activités traditionnelles et économiques et, en particulier, à la chasse (3) . Le RÈGLEMENT EU 3254/91 détruira les cultures et le mode de vie de milliers d'Autochtones d'Amérique du Nord.
    (3) Projet de déclaration des Nations Unis sur les droits des peuples autochtones. 1994.

Il est paradoxal que l'Union européenne fasse fi de droits de la personne reconnus, déroge aux principes du droit international et cherche à saper l'assise des cultures autochtones au Canada à l'aube même de la Décennie internationale des peuples autochtones.

[ II ] CONTEXTE

Le 1er janvier 1996, l'Union européenne (UE) appliquera la portion internationale du RÈGLEMENT EU 3254/91. Ce RÈGLEMENT interdit déjà depuis le 1er janvier 1995 l'utilisation de pièges à mâchoires au sein de l'Union européenne et il interdira l'introduction dans les pays de la communauté des fourrures et des produits manufacturés provenant de 13 espèces d'animaux à fourrure capturés dans les pays qui permettent l'utilisation de pièges à mâchoires ou de méthodes de capture qui ne respectent pas les normes de piégeage humanitaire acceptées internationalement.

Traditionnellement, la majorité (75 p. 100) des fourrures d'animaux sauvages prélevées au Canada étaient exportées en Europe, soit à l'état brut, soit transformées en produits finis, et il en est encore ainsi. En 1991, on estimait (4) que la valeur de ces exportations s'établissait entre 50 et 100 millions de dollars. En 1992, la valeur des fourrures d'animaux sauvages du Canada vendues aux enchères s'élevait à 23,8 millions de dollars (5).
(4) Chambre des Communes, Canada. Le commerce de la fourrure : un mode de vie autochtone en péril. Cinquième rapport du Comité permanent des affaires autochtones. 1993: 16
(5) Statistique Canada. Statistiques du bétail. No de catalogue 23-603F, 1993. La valeur est établie en dollars constants, l'IPC étant 1986 = 100.

L'histoire de l'Amérique du Nord se confond avec celle de la traite des fourrures, qui a forgé des liens entre les Européens et les peuples autochtones. Cette traite a débuté vers l'an 1500 (6) et elle s'est développée rapidement dans la seconde moitié du XVIe siècle, pour satisfaire la demande croissante de fourrures d'animaux sauvages en Europe, particulièrement le castor. L'importance accrue de la traite des fourrures a entraîné l'exploration et la domination des Européens en Amérique du Nord et les vagues subséquentes de colonisation et d'exploitation européennes des ressources et territoires des peuples autochtones du Canada.
(6) Coates, Ken & Morrison, William. The Forgotten North, A History of Canada's Provincial Norths. James Lorimer and Company, éditeur, Toronto, 1992.

En 1991, on estimait que 20 p.100 (7) (73 390) des adultes autochtones du Canada s'adonnaient à des activités liées à la subsistance, dont le piégeage, pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Tout comme les collectivités inuit, qui avaient subi, en 1983, un boycott des peaux de phoques sur les marchés d'Europe, ces familles risquent de perdre beaucoup plus que leurs marchés traditionnels de fourrures d'animaux sauvages. Si l'UE applique son RÈGLEMENT 3254/91 dans sa forme actuelle, beaucoup de collectivités autochtones du Canada subiront des conséquences économiques, sociales et culturelles désastreuses. Ce document examinera la façon dont une décision maladroite de l'Union européenne imposera encore une fois un fardeau accablant, surtout aux peuples du Canada qui sont les plus vulnérables économiquement, à ceux dont la subsistance dépend de l'exploitation durable de la faune. Il n'y a qu'une seule façon de voir cette situation, c'est un nouvel incident dans une série d'agressions perpétrées par les Européens depuis 500 ans, contre la survie économique et culturelle des peules autochtones de l'Amérique du Nord.
(7) Le Quotidien, 20 septembre 1993. Statistique Canada, No de catalogue 11-001F.

Il est évident que le RÈGLEMENT EU 3254/91 a été rédigé pour amadouer certains organismes européens bien organisés et bien financés, qui se portent à la défense des droits des animaux. Comme ce fut le cas lors de la campagne dénigrant la chasse aux phoques, les peuples autochtones du Canada sont des cibles faciles pour ces groupes. Peut-être la société urbaine et industrialisée comprend-elle mal les activités de subsistance des peuples autochtones (et elle peut donc s'attaquer au mode de vie de ces peuples sans compromettre ou remettre en question la nature profondément destructrice de l'environnement qui entache les habitudes des sociétés urbanisées de l'Europe et de l'Occident). Ces populations autochtones étant en grande partie isolées dans des régions éloignées, elles ne sont pas en mesure d'élaborer de vastes réseaux de soutien et elles n'ont donc que peu de chances d'organiser la défense de leurs moyens de subsistance ou de se faire entendre dans les médias qui conditionnent l'opinion publique.

Les peuples autochtones n'arrivent pas à comprendre que certains non-Autochtones tolèrent volontiers l'élevage d'animaux gavés ou engraissés aux hormones dans des conditions d'entassement indescriptibles, sans aucun scrupule social ou émotif, mais que ces mêmes gens déplorent le prélèvement d'animaux qui ont vécu toute leur existence dans leur milieu naturel. En outre, aucune espèce d'animal à fourrure du Canada n'est actuellement menacée ou en voie d'extinction et la plupart des trappeurs autochtones ont abandonné les pièges à mâchoires pour adopter des méthodes de piégeage plus efficaces et plus humanitaires, qui ont été mises au point au Canada depuis une vingtaine d'années. Il subsiste, toutefois, quelques espèces pour lesquelles la saisie d'un membre est plus sélective et plus humanitaire.

Il est franchement ironique que des groupes européens de défenseurs des droits des animaux, qui habitent des pays où la faune est pratiquement absente, se permettent de dicter, par l'intermédiaire du Parlement européen, une éthique de d'exploitation des animaux sauvages à ceux dont la vie se confond avec la nature. Les peuples autochtones ne s'avisent pas de dire aux Européens la façon dont ils doivent s'intégrer à leur environnement. Pourquoi donc les Européens s'arrogent-ils le droit de dicter aux peuples autochtones un mode de vie et de supposés principes de «morale» ou «d'éthique» qu'eux jugent acceptables? Le chancelier d'Allemagne, M. Helmut Kohl, a, semble-t-il, constaté cette arrogance lorsqu'il a récemment visité une collectivité inuit à Pangnirtung dans les Territoires du Nord-Ouest. À l'occasion de cette visite, ila déclaré (8) aux reporters allemands : «En notre qualité de citadins, nous ne saurions nous montrer arrogants et prendre des décisions qui affectent les populations de contrées éloignées ... nous devons reconsidérer tout cela au sein de la Communauté européenne.» Il a dit que les Inuit qu'il avait rencontrés semblaient «très soucieux de leur faune et de leur environnement.»
(8) Rosemary Speirs dans le Toronto Star du 20 juin 1995.

Depuis des millénaires, les peuples autochtones du Canada sont à l'avant-garde de la conservation et de l'exploitation dur able de la faune. En revanche, les nations européennes ont détruit ou sérieusement mis en péril leurs ressources et leurs habitats fauniques. Depuis le jugement de 1973 de la Cour suprême du Canada (le jugement Calder), les peuples autochtones du Canada ont, à plusieurs reprises, recouru à une documentation élaborée de leurs activités traditionnelles d'exploitation durable liées à la chasse et au piégeage, pour démontrer avec force leur bon droit et retarder, diminuer, voire stopper, de grands projets de développement à cause de leurs répercussions sur les ressources de leurs terres ancestrales. Par exemple, la démonstration qu'ils ont faite de leur occupation traditionnelle ininterrompue a incité la Commission d'enquête du juge Thomas Berger à déclarer un moratoire sur la construction d'un pipeline dans la vallée du Mackenzie. Plus récemment, ils ont convaincu le gouvernement de la Colombie-Britannique de fermer le complexe hydro-électrique Kemano, que l'Alcan avait commencé à réaliser et qui devait coûter des milliards de dollars.

Malheureusement, la société occidentale associe la valeur à l'exploitation, et elle juge improductives les terres qui ne sont pas utilisés à des fins industrielles. En détruisant le mode de subsistance des peuples autochtones, les Européens soutiennent des intérêts industriels mondiaux qui prétendent que la dépendance économique des peuples autochtones à l'égard de la faune est tout à fait marginale, de sorte que l'extinction de la chasse et du piégeage n'aura que des effets locaux négligeables. Cette perception conforte la thèse d'exploitation des terres qui détruit l'habitat naturel et est incompatible avec les prélèvements fauniques que pratiquent les peuples autochtones.

L'incidence du RÈGLEMENT EU 3254/91 sera ressentie de façon plus intense par les peuples autochtones qui vivent dans les régions rurales et les contrées éloignées du Canada, soit un territoire de quelque 7 783 610 km2 s'étendant, du nord au sud, de l'Extrême Arctique aux Grands Lacs et, d'est en ouest, de Terre-Neuve à la côte ouest de la Colombie-Britannique. La faune et les autres ressources naturelles ont permis à ces populations de survivre pendant des millénaires. L'accès à ces ressources a fondamentalement déterminé leur mode de vie. Il a façonné leur culture matérielle et non matérielle ainsi que leurs valeurs, leurs attitudes, leurs coutumes et leurs croyances, leur organisation, leurs gouvernements et leurs relations avec les autres. Un grand nombre du million (9) d'Autochtones du Canada vivent dans ce vaste territoire.
(9) Profil de la population autochtone au Canada. Recensement de 1991. Statistique Canada, 1995.

[ III ] CARACTÉRISTIQUES SOCIALES ET ÉCONOMIQUES DES CULTURES VISÉES

Quoiqu'elles représentent un grand nombre de cultures diverses, les collectivités autochtones du Nord ont plusieurs traits communs :

  • elles sont petites, ne comptant ordinairement que quelques centaines d'habitants;
  • leurs populations sont jeunes et s'accroissent rapidement;
  • elles ne possèdent que de très modestes infrastructures;
  • l'incidence de la pauvreté y est généralement trois fois supérieure à celle de l'ensemble du Canada; (10)
    (10) The Incidence of Family Poverty on Canadian Indian Reserves. Affaires indiennes et du Nord canadien, janvier 1993.
  • en général, les collectivités offrent des logements pauvres et inadéquats, accusent un fort taux de chômage, ont peu de revenus, ne comptent que de très rares options économiques de rechange et sont en proie à des pathologies sociales croissantes;
  • la plupart sont éloignées des collectivités non autochtones
  • elles sont situées dans des environnements naturels pratiquement vierges;
  • elles dépendent «d'économies mixtes», leur revenu provenant de chasse, de pêche, de piégeage, de transferts de paiements et de travaux rémunérés occasionnels.

La plupart des Européens, et à vrai dire plusieurs Canadiens, seraient étonnés de l'importance que revêt la faune pour les Autochtones, qui en tirent leur subsistance et un supplément de revenu, qui s'en servent pour entretenir les liens avec le passé, pour renforcer la cohésion sociale et communautaire et pour maintenir leur identité autochtone. La faune apporte aux peuples autochtones une alimentation saine et très prisée qui souvent ne saurait être remplacée. En fait, Fikret Birkes, économiste des ressources au Manitoba, s'appuie sur des études effectuées dans des collectivités autochtones de tout le Canada pour affirmer que les peuples autochtones mangent sept fois plus de poisson que la moyenne des Canadiens et que cette proportion est beaucoup plus élevée pour les gibiers. (Berkes 1990 : 35-42).

Dans ces collectivités nordiques, le prix des aliments, du combustible et d'autres articles achetés au magasin peut être le double ou le triple du prix qui est pratiqué dans le sud du Canada. Ces prix élevés, ajoutés à une pénurie d'emplois rémunérés et d'autres débouchés économiques, laissent peu de choix à une économie fondée sur des activités de subsistance auxquelles viennent s'ajouter, de temps à autre, quelques travaux rémunérés et des transferts de paiement. Ces activités de subsistance sont la chasse, la pêche, le piégeage, la cueillette et d'autres occupations qui procurent un revenu en nature des aliments, de la chaleur, des vêtements, un toit et divers autres biens de subsistance qui sont directement consommés ou utilisés par les membres d'une famille. Dans ces économies mixtes, la nature commerciale du piégeage est indissociable de son aspect de subsistance. Les défenseurs des droits des animaux négligent de faire cette distinction.

Les règles sociales établies pour régir les activités de subsistance engagent la famille (habituellement la famille élargie), qui est le noyau de production fondamental. Chacun des membres adultes de la famille apporte son travail pour contribuer au bien de la famille, de la maisonnée et de la collectivité. Les activités de subsistance imposent souvent un travail ardu et pénible tant aux femmes qu'aux hommes. Ces derniers s'affairent à la chasse, au piégeage et à la pêche. Les femmes participent aussi à la chasse et au piégeage des animaux en plus d'accomplir leurs tâches principales, soit la préparation des peaux ou des fourrures, le soin des enfants, la préparation des aliments et autres corvées. Bien des femmes s'adonnent aussi à l'artisanat pour apporter un revenu d'appoint à leur famille. Les connaissances et les techniques traditionnelles, acquises au cours de vies successives faites d'une expérience partagée du terroir, sont transmises directement d'une génération à l'autre.

La famille est également l'unité fondamentale de consommation. Le partage des aliments et d'autres biens ou denrées entre les familles et les collectivités continue de caractériser l'organisation sociale de plusieurs collectivités autochtones. Si la production de biens tirés des activités de subsistance demeure principalement une entreprise individuelle ou familiale, le partage de ces biens favorise la cohésion sociale de la collectivité. Le partage et les offrandes de cadeaux jouent depuis longtemps un rôle dans la distribution des biens au sein des collectivités nordiques (ils déterminent le prestige) et on les décrit souvent comme un élément essentiel des systèmes sociaux et culturels autochtones. La parenté entre les personnes et les familles a une importance primordiale. Les connaissances traditionnelles et les techniques de production domestique sont largement partagées, ce qui contribue à estomper les distinctions.

Le prix des fourrures fluctue, mais est à la hausse depuis trois ans. Toutefois, pour les trappeurs autochtones et leurs familles, la valeur alimentaire de certaines espèces piégées est souvent supérieure à la valeur monétaire de leur fourrure. En outre, le prélèvement annuel de fourrures continue à fournir aux trappeurs autochtones l'une des rares occasions de gagner de l'argent comptant pour soutenir d'autres activités essentielles d'exploitation comme la chasse et la pêche qui, à leur tour, les rendent moins dépendants des aliments achetés au magasin. En plus du revenu que procurent les fourrures et de la valeur nutritive et de substitution des viandes sauvages, les peuples autochtones tirent des avantages économiques d'un certain nombre d'activités dérivées de la chasse et du piégeage, comme la fabrication de vêtements et d'articles d'artisanat.

Peter Elias, décrivant les activités de subsistance qui assurent une production domestique aux collectivités autochtones, note que des observateurs qui attribuent une valeur monétaire à la production domestique et qui comparent cette valeur au revenu global des collectivités autochtones du Nord, estiment qu'elle constitue 30 à 60 p. 100 de ce revenu. D'autres observateurs faisant usage de diverses techniques de recherche estiment que la production domestique fournit 80 p. 100 des aliments consommés dans certaines collectivités autochtones (Elias 1993 : 7). La valeur (la valeur de substitution des aliments achetés au magasin) s'élèverait à 20 000 $ par année et par ménage dans certaines collectivités autochtones (Fast & Berkes 1994 : 25). Dans une étude qu'il a menée en 1986 dans des collectivités Kaska Dena du nord de la Colombie-Britannique, Elias estime que chaque dollar dépensé pour la production domestique génère des biens et services d'une valeur de 3,92 $ (Elias 1993 : 6).

D'autres études récentes vont dans le même sens que les travaux d'Elias. À cet égard, la valeur des aliments traditionnels qu'ont consommés 4 200 familles autochtones des Territoires du Nord-Ouest en 1988 était estimée à quelque 55 millions de dollars, soit 13 000 $ par famille ou ménages (Comité canadien des ressources de l'Arctique, 1988 : v). Dans la même veine, les chasseurs cris du nord de l'Ontario ont produit pour 9,4 millions de dollars de denrées de subsistance en 1990, soit 8 400 $ par famille, dans la collectivité crie d'Omushkego du nord de l'Ontario (Berkes, F. et al. 1995 : 92). Une autre étude menée par Simon Brascoupé de la collectivité anishnawbeg de Kitigan Zibi (à une heure de route au nord d'Ottawa, capitale du Canada) estimait que la valeur de substitution totale des denrées domestiques s'élevait à 600 000 $ en 1988, soit 1 715 $ par famille (Brascoupé 1993 : 117).

Toutefois, le piégeage que pratiquent les peuples autochtones a une signification beaucoup plus grande qu'un apport d'argent pour soutenir d'autres activités de subsistance; il représente une relation sociale et culturelle unique avec la terre et ses ressources. Le prélèvement d'animaux sauvages est au coeur même de cette relation qui repose sur le principe de la réciprocité. Cette notion de réciprocité entre les humains et les animaux a toujours été une thématique centrale des Autochtones nord-américains. Il faut respecter les autres formes de vie parce qu'on obtient des résultats négatifs si on en abuse. Les Autochtones manifestent leur respect de la faune en évitant une exploitation excessive et en utilisant toutes les parties des animaux.

Plusieurs générations qui ont survécu dans un environnement rude et souvent inhospitalier et sans merci, ont permis aux peuples autochtones d'acquérir une compréhension, une connaissance et un respect profonds de la nature, qui est la base de leur survie ainsi que de leurs traditions et de leurs cultures. Comme chez d'autres peuples autochtones, ces cultures ont survécu pendant des millénaires parce qu'elles étaient capables d'utiliser les ressources naturelles de façon durable. Cet exploit a été rendu possible par l'accumulation d'un immense fonds de connaissances écologiques locales pertinentes (connaissances traditionnelles) et l'acquisition d'une philosophie et d'une éthique environnementales qui bannissent la surexploitation des ressources. La Stratégie mondiale de conservation a reconnu l'importance de ces connaissances traditionnelles. Cette Stratégie estime que les peuples autochtones peuvent profiter de tous les avantages de la nature et qu'ils ont beaucoup à offrir : une connaissance approfondie et minutieuse des espèces et des écosystèmes; des façons de partager et de gérer les ressources qui ont résisté à l'épreuve du temps; et une éthique qui concilie la subsistance et la coexistence, qui reconnaît que les humains font partie intégrante de la nature et qui exprime les liens spirituels qu'ils entretiennent avec les autres espèces, y compris celles qu'ils exploitent.

[ IV ] LES ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX

En général, la destruction de l'économie des fourrures dans les collectivités autochtones du Nord conférera une certaine légitimité à une extraction accrue des ressources, à la coupe à blanc et à d'autres activités industrielles affectant des territoires vierges. La capacité du territoire de supporter des habitats fauniques sera réduite et cela entraînera la surpopulation, la famine, l'apparition de maladies et le déclin des populations. Ainsi, les peuples autochtones et toute l'humanité auront perdu une ressource renouvelable précieuse.

Il est regrettable que les activités agressives et souvent trompeuses des groupes ethnocentriques qui se sont portés à la défense des animaux depuis quelques décennies, ont, en fait, détourné l'attention du public et l'affectation des ressources, de questions environnementales importantes à l'échelle mondiale, comme la dégradation du milieu et la perte de certaines espèces et de leurs habitats. Cela contraste vivement avec les efforts déployés par les peuples autochtones du Canada pour protéger et conserver les habitats naturels non perturbés. Très souvent, ils ont souffert de la dégradation de l'environnement attribuable au développement. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient été à l'avant-garde du combat pour la protection des régions sauvages du Canada. Malheureusement, leurs efforts n'ont pas obtenu des parlementaires de l'UE le même appui ou la même reconnaissance qu'ont pu obtenir des groupes voués à la défense des droits des animaux, qui se préoccupent davantage de mousser leur image et de répandre leur philosophie que de conserver la nature sauvage, de maintenir l'équilibre écologique et de faire respecter la diversité biologique.

[ V ] LES ASPECTS INTERNATIONAUX ET LES DROITS DE LA PERSONNE

La communauté internationale doit se rendre compte que le RÈGLEMENT EU 3254/91 contredit l'esprit, le but et l'intention d'au moins six accords, déclarations, conventions et traités internationaux majeurs, auxquels ont souscrit des États membres de l'Union européenne et certains de leurs organismes non gouvernementaux (ONG). Nous en avons déjà rappelés quelques-uns, mais il y a lieu d'insister.

  • Le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966, énonce le droit de tous les peuples de «disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice à des obligations de la coopération économique internationale, fondée sur le principe du droit international et de l'intérêt mutuel. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance».
  • L'article 21 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, 1992. Le principe No 22 porte que «les populations et collectivités autochtones ont un rôle vital à jouer dans la gestion et le développement de l'environnement, du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les États devraient reconnaître leur identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder tout l'appui nécessaire et leur permettre de participer efficacement à la réalisation d'un développement durable». Le principe No 12 établit que «les instruments d'intervention commerciale à des fins écologiques ne devraient pas constituer ... une restriction déguisée aux échanges internationaux. Toute action unilatérale visant à résoudre les grands problèmes écologiques en dehors du pays importateur doit être évitée.»
  • Le Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 1994, dénonce effectivement l'hypocrisie du RÈGLEMENT EU 3254/91. Ce document porte que «les peuples autochtones ont le droit de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l'État et de maintenir et renforcer leurs spécificités politiques, économiques, sociales et culturelles ... de conserver et de développer leurs systèmes économiques et sociaux, de jouir en toute sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques, traditionnelles et autres, dont la chasse. Les peuples autochtones qui ont été privés de leurs moyens de subsistance ont droit à une indemnisation juste et équitable, ... à la protection de leur environnement dans son ensemble et de la capacité de production de leurs terres et territoires, ainsi qu'à une assistance à cet effet de la part des États par le biais de la coopération internationale.»
  • La Convention 169 sur les populations indigènes et tribales des pays indépendants, Conférence internationale du travail, 1989, affirme que «l'artisanat, les industries rurales et communautaires, les activités relevant de l'économie de subsistance et les activités traditionnelles des peuples concernés, comme la chasse, la pêche, la chasse à la trappe et la cueillette doivent être reconnus en tant que facteurs importants du maintien de la culture de ces peuples ainsi que de leur autosuffisance et de leur développement économiques. Les gouvernements doivent, avec la participation de ces peuples et, s'il y a lieu, faire en sorte que ces activités soient renforcées et promues.»
  • L'Article XI de l'Accord général sur le commerce et les tarifs (GATT), Organisation mondiale du commerce (OMC), interdit aux pays de restreindre le commerce de certains produits en raison des méthodes de traitement et de production qui s'y appliquent.
  • La Convention sur la diversité biologique, Principe 2 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement (Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, 1992) établit que, «conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources conformément à leurs politiques en matière d'environnement, et ils ont le devoir de veiller à ce que les activités qui relèvent de leur compétence ou pouvoir ne portent pas atteinte à l'environnement d'autres États.»

De toute évidence, l'application de l'interdiction de l'UE d'importer des fourrures, dans sa forme actuelle, sera très préjudiciable aux principes des droits autochtones qui existent déjà dans plusieurs accords, déclarations, conventions et traités internationaux cités ci-dessus. De plus, plusieurs principes énoncés dans ces documents, en ce qui a trait aux droits des peuples autochtones, ont été adoptés à l'unanimité par une résolution du Parlement européen en janvier 1995. En conséquence, le RÈGLEMENT EU 3254/91 a toutes les apparences d'une contradiction flagrante. S'agit-il seulement d'une manifestation ironique de l'arrogance des parlementaires européens ou n'est-ce pas plutôt l'expression de la même duplicité dont les peuples autochtones ont été victimes depuis 500 ans?

[ VI ] LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES, SOCIALES ET CULTURELLES

Les répercussions de l'interdiction de 1983 de l'UE touchant les peaux de phoques chassés par les collectivités inuit canadiennes de l'Extrême Arctique annoncent celles, plus généralisées, qui s'abattront sur d'autres collectivités autochtones du nord du Canada à la suite de l'application du RÈGLEMENT EU 3254/91. Si l'interdiction d'importer des peaux de phoques ne visait pas les chasseurs autochtones (inuit), elle a provoqué, en bout de ligne, l'effondrement total de tous les marchés de fourrure de phoque. On peut prévoir que le RÈGLEMENT EU 3254/91 aura le même effet sur les marchés de fourrures naturelles.

L'interdiction de l'UE qui frappait la fourrure de phoque a eu des conséquences économiques, sociales, culturelles et environnementales dévastatrices dans les collectivités inuit, des conséquences qui continuent de miner le fondement social et culturel de la société inuit. On parle d'ethnocide et de génocide culturel pour caractériser les événements de cette nature où les activités d'étrangers ont gravement perturbé et compromis les activités de prélèvement des Autochtones (Freeman, Milton M.R., 1986). Il est tragique de constater que l'effondrement des marchés de fourrure de phoque a provoqué une augmentation astronomique des coûts d'assistance sociale dans les collectivités inuit; des conflits familiaux et communautaires; des troubles de nutrition et de santé; et une augmentation notable des pathologies sociales, en particulier, une hausse inquiétante du taux de suicide chez les jeunes.

Mille deux cent quatre-vingt-six (1 286) chasseurs inuit ont été affectés par l'interdiction touchant les peaux de phoques en 1983 (Cournoyea 1985, cité dans Malouf et al. 1986 [2] : 246). Il est important de noter ici que le RÈGLEMENT EU 3254/91 affectera 73 000 chasseurs autochtones (y compris des chasseurs inuit qui subiront un deuxième coup dur).

En termes purement économiques, l'application du RÈGLEMENT EU 3254/91 entraînera une perte annuelle de plusieurs millions de dollars de liquidités pour les collectivités autochtones. Par ricochet, cette perte de revenu empêchera les chasseurs et les trappeurs autochtones de produire pour plusieurs millions de dollars d'aliments traditionnels et de s'assurer d'autres revenus non financiers. Un élément intégral de ces économies mixtes du Nord aura été détruit et cela compromettra sérieusement la capacité de ces peuples de poursuivre les activités de subsistance exercées sur le territoire, qui apportent à ces collectivités de 30 à 60 p. 100 de tous leurs revenus (ibid.).

À la suite de l'interdiction de 1983 de l'UE touchant la fourrure de phoque, les paiements d'assistance sociale aux collectivités inuit qui chassaient traditionnellement cet animal, se sont accrus de 176 à 445 p. 100 (Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 1994). Le RÈGLEMENT EU 3254/91 aura vraisemblablement des incidences semblables sur les paiements d'assistance sociale dans l'ensemble des collectivités autochtones du Nord. En 1993-1994, les paiements d'aide sociale aux Autochtones ont atteint plus de 427 millions de dollars (11). On peut donc imaginer l'ordre de grandeur que pourrait atteindre les dépenses publiques au titre de l'aide sociale aux collectivités autochtones du Nord si le RÈGLEMENT EU 3254/91 était mis en vigueur.
(11) Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Publication sur les données ministérielles de base, 1994 : page 63.

L'assistance sociale ne permettra pas aux collectivités autochtones du Nord de se procurer des aliments de même qualité nutritive en provenance du Sud. Cela entraînera, en bout de ligne, des problèmes de nutrition et de santé. On peut prévoir que le RÈGLEMENT EU 3254/91 augmentera de façon notable les coûts des soins de santé dans les collectivités autochtones du Nord.

La perturbation de l'économie traditionnelle du terroir entraînera également une perte d'estime de soi et d'identité chez les Autochtones qui pratiquent la chasse traditionnelle. Il en résultera un sentiment de désespoir qui ne peut qu'exacerber les nombreuses pathologies sociales qui ont déjà un caractère endémique dans plusieurs collectivités. On verra augmenter le niveau des comportements d'autodestruction, les incidences de crimes violents, de violence familiale et conjugale, l'alcoolisme, le nombre de familles dysfonctionnelles, et les actes de délinquance et le taux de suicide chez les jeunes. Ce taux est déjà le triple de celui de l'ensemble de la population canadienne.

Du fait que les activités de subsistance de ces économies mixtes seront minées, les pratiques culturelles de partage et d'offrandes de cadeaux seront érodées. Les concepts traditionnels de réciprocité entre les humains et les animaux seront aussi modifiés. Et de façon plus significative, cela perturbera la transmission et la persistance des connaissances écologiques traditionnelles entre les anciens et les jeunes, au moment même où l'on reconnaît de plus en plus l'importance de ces connaissances pour la conservation et pour un développement durable.

On peut prévoir que la concurrence augmentera pour les quelques emplois disponibles dans ces collectivités. Cela se traduira par des distinctions sociales plus marquées et par une augmentation des conflits familiaux et communautaires.

Pour prévoir les conséquences du RÈGLEMENT EU 3254/9 sur les cultures autochtones, les parlementaires de l'UE auraient pu profiter de quelques leçons de leurs sociétés plus progressistes qui exercent leurs activités au Canada. À cet égard, au milieu des années 70, URANERZ d'Allemagne et la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES MATIÈRES NUCLÉAIRES (COGÉMA) de France ont négocié, avec les peuples autochtones, des ententes socio-économiques qui ont créé des précédents, lorsqu'elles ont ouvert leurs mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan. Ces sociétés savaient d'expérience l'importance des activités de subsistance traditionnelles des peuples autochtones et elles ont conçu des mesures très innovatrices pour tenir compte de ce contexte.

CONCLUSION

Il est évident que l'application du RÈGLEMENT EU 3254/91 fera souffrir plus de 73 000 Canadiens autochtones et leurs familles. Les conséquences sur les plans social, culturel et de santé seront désastreuses pour ces peuples autochtones. Et, de façon encore plus tragique, leurs cultures, leurs traditions, leurs connaissances, leur dignité, leur liberté économique et leur mode de vie seront détruits.

Il est probable que certains parlementaires européens voudront exempter les peuples autochtones des dispositions du RÈGLEMENT EU 3254/91 de la même façon qu'ils ont exempté les chasseurs inuit de l'interdiction qui visait les peaux de phoques en 1983. Une telle interdiction pourrait donner bonne conscience à certains Européens, mais il faut voir qu'une exemption ne donnerait tout simplement aucun résultat. Elle n'a pas aidé les Inuit en 1983 et elle n'aura pas plus d'effet en 1996. La commercialisation des fourrures à l'échelle internationale est une activité fortement intégrée et il n'y a pas de moyen pratique de distinguer les peaux provenant d'un exploitant autochtone de celles d'un producteur non autochtone. De plus, le concept même de l'exemption est condescendant dans le meilleur des cas, et il est insultant et raciste dans sa pire acception.

La Décennie internationale des peuples autochtones pourra passer à la postérité comme l'un des gestes ultimes de «génocide culturel» des Européens, infligés aux peuples autochtones de l'Amérique du Nord.


Sources citées

Article 21
(1992) Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement. Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement.

Berkes, Fikret
(1990) Native Subsistence Fisheries: A Synthesis of Harvest Studies in Canada pp. 35-42.

Berkes, F et al.
(1995) The Persistence of Aboriginal Land Use: Fish and Wildlife Harvest Areas in the Hudson and James Bay Lowland, Ontario. Arctic: Journal of the Arctic Institute of North America. Vol. 48, No. 1 (March 1995) pp. 81-93.

Brascoupé, Simon
(1993) Un partage garant d'autonomie: Renforcer les économies et les perspectives traditionnelles. Table ronde nationale sur le développement économique et les ressources. Commission royale sur les peuples autochtones. Groupe Communication Canada, Ottawa.

Canada, Chambre des Communes
(1993) Le commerce de la fourrure: un mode de vie autochtone en péril. Cinquième rapport du Comité permanent des affaires autochtones.

Canadian Arctic Resources Committee
(1988) Keeping on the Land: A Study of the Feasibility of a Comprehensive Wildlife Harvest Support Programme in the Northwest Territories. Department of Renewable Resources, Government of the Northwest Territories. Résumé, page v.

Conférence internationale du Travail
(1989) Convention 169 sur les populations indigènes et tribales des pays indépendants, adoptée par la Conférence lors de sa soixante-seizième session, Genève, le 27 juin 1989.

Elias, Peter Douglas
(1993) A Framework for Understanding Northern Economies. Faculty of Management, University of Lethbridge, Lethbridge, Alberta: 6-7.

Fast, Hellen & Berkes, Fikret
(1994) Native Land Use, Traditional Knowledge and the Subsistence Economy in the Hudson Bay Bioregion. Natural Resources Institute, University of Manitoba, Winnipeg.

Freeman, Milton M.R.
(1986) Renewable Resources, Economics and Native Communities. In Native People and Renewable Resource Management, Symposium of the Alberta Society of Professional Biologists, du 19 avril au 1er mai 1986, Edmonton, Alberta.

Government of the Northwest Territories
(1994) European Seal Skin Ban Impact. Northwest Territories, Fact Sheet 4/94. Department of Renewable Resources.

Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien
(1993) Fréquence de la pauvreté des familles qui vivent dans les réserves indiennes au Canada.

Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien
(1994) Données ministérielles de base (Publication): 63.

Nations Unies
(1966) Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. New York.

Nations Unies
(1994) Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. 1994. New York.

Statistique Canada
(1995) Profil de la population autochtone au Canada. Recensement de 1991. No de catalogue 94-325. Février 1995.

Statistique Canada
(1993) Statistiques du bétail. Division de l'agriculture, Section du bétail et des produits d'origine animale. No de catalogue 23-603F.

Statistique Canada
(1993) Le Quotidien, le 20 septembre 1993. No de catalogue 11-001F.


Annexe A

Le 3 juillet 1995

Monsieur le Chancelier Helmut Kohl
Briefpost
53106 Bonn (Allemagne)

Monsieur le Chancelier,

Votre récente visite dans l'Arctique canadien en compagnie du Premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien, vous a permis de constater vous-même le respect que vouent les peuples autochtones à la nature et d'apprécier la place qu'occupent la chasse et le piégeage des animaux à fourrure dans leur mode vie.

Le peuple haïda d'Old Massett était très heureux de vous entendre déclarer, avec beaucoup de sagesse : En notre qualité de citadins, nous ne saurions nous montrer arrogants et prendre des décisions qui affectent les populations des contrées éloignées et nous devons reconsidérer tout cela, en faisant référence au projet de l'Union européenne de boycotter les fourrures (EU 3254/91).

Ayant encore à l'esprit votre récente visite, nous croyons qu'il vous serait également utile de mieux saisir l'ampleur des répercussions sociales et économiques qu'aurait le règlement EU 3254/91 sur les peuples autochtones du Canada si ce règlement était appliqué dans sa forme actuelle à la fin de cette année.

Le village d'Old Massett vient de terminer la rédaction du document ci-joint, que nous soumettons à l'examen de vos conseillers. Ce document, quoique rédigé dans un style incisif, se fonde sur des faits et décrit très clairement les épreuves que nous traversons. Il résulte de plusieurs années de recherche ardue menée par les Autochtones oeuvrant en étroite collaboration avec des chercheurs et des scientifiques réputés.

À l'aube de la Décennie internationale des populations autochtones, pourquoi l'Union européenne voudrait-elle sciemment et délibérément mettre en péril l'économie des cultures autochtones du Canada, fondée sur les ressources renouvelables? Peut-on espérer que l'Union européenne modifiera le règlement EU 3254-91?

Veuillez agréer, Monsieur le Chancelier, l'expression de notre plus haute considération.

L'administratrice du Conseil d'Old Massett Village

May Russ

Pièce jointe

cc: Le très honorable Jean Chrétien


Annexe B

Le 3 juillet 1995

Le très honorable Jean Chrétien
Premier ministre du Canada
Chambre des Communes
Ottawa

Monsieur le Premier ministre,

Le peuple haïda d'Old Massett Village tient à vous exprimer sa profonde satisfaction de vous avoir vu récemment poser des gestes pour souligner la gravité du boycott imminent des fourrures par l'Union européenne. D'abord dans vos discussions avec vos invités au sommet du G-7 et, après coup, en accompagnant personnellement le chancelier Kohl dans l'Arctique, vous avez de nouveau manifesté votre souci des intérêts des Autochtones de ce pays et le soutien que vous leur apportez.

Nous croyons qu'il importe au plus haut point d'exercer un suivi tout aussi efficace en diffusant l'information que les peuples autochtones ont accumulée sur les répercussions sociales, économiques et environnementales que pourrait avoir le règlement EU 3254/91, si l'Union européenne ne modifiait pas sa position intransigeante.

En conséquence, nous sommes heureux de vous soumettre l'énoncé des répercussions ci-joint, qui fait valoir le point de vue des Autochtones sur toute la question des fourrures. Ce document rassemble des faits que les dirigeants de l'Union européenne devraient, selon nous, saisir et comprendre si nous voulons éviter un désastre majeur.

Si le ton en est incisif, notre document se fonde tout de même sur la recherche scientifique laplus fiable dont nous disposons. L'information qu'il contient a été recueillie pendant des années par les peuples autochtones, qui ont oeuvré avec des chercheurs et des scientifiques reconnus.

Nous saisissons l'occasion qui nous est offerte de soumettre notre document à une délégation du Parlement européen qui s'est rendue à Victoria pour se familiariser avec les dossiers des fourrures et des forêts. En même temps, nous communiquons notre document directement au chancelier Kohl, pour donner suite à la visite qu'il a effectuée, à votre invitation, dans le Nord du Canada.

Merci encore des gestes que vous avez posés. Je vous invite respectueusement à visiter Haida Gwaii à votre convenance. Nous espérons obtenir des résultats positifs de nos efforts communs pour convaincre l'Union européenne de respecter notre économie et notre mode de vie traditionnels.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de notre plus haute considération.

L'administratrice du Conseil d'Old Massett Village

May Russ

Pièce jointe

MR/kb

cc:
L'honorable André Ouellet
L'honorable Roy MacClaren
L'honorable Sheila Copps
L'honorable Anne McLellan
L'honorable Ethyl Blondin-Andrew
L'honorable Ron Irwin


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