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CHANGER LE COURS DES CHOSES Les membres des Premières nations au Québec sont en train de modifier leur façon de voir le développement économique de leurs communautés. Les stations-service, les casse-croûte, les dépanneurs et les services de guides demeurent des éléments importants de leur économie locale. Un nouveau fonds de capital-risque axé sur les besoins des entrepreneurs autochtones va cependant leur permettre d’atteindre un niveau de développement supérieur à celui des petites entreprises familiales. La Société de capital de risque autochtone du Québec (SOCARIAQ) est le premier fonds du genre au Canada. Lors de son lancement en mai dernier, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il investirait 1,7 million de dollars dans le fonds, soit 1 million de dollars provenant d’Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC) pour le financement du fonds, et 700 000 $ d’Industrie Canada, par l’entremise de son programme Entreprise autochtone Canada, pour couvrir les coûts opérationnels. « Nous estimons que ce fonds de capital-risque est essentiel au développement économique des Premières nations, affirme Robert D. Nault, ministre d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Cela fait partie de notre engagement à l’égard des entrepreneurs autochtones qui deviendront des joueurs de premier plan dans leur communauté, des modèles de comportement et des employeurs. »
Pierre Pinsonneault, directeur général du fonds, a œuvré pendant plus de 20 ans dans l’industrie des services bancaires d’investissement et des valeurs immobilières, entre autres au sein de la Scotia McLeod et de la Bourse de Montréal. La SOCARIAQ lui a proposé un autre genre de défi. « Il ne s’agit pas seulement de permettre aux Premières nations de faire de l’argent. Il s’agit plutôt de changer le cours des choses. Ce fonds va véritablement améliorer la situation des entrepreneurs autochtones, dont les ambitions ont été freinées parce qu’ils n’avaient pas accès aux fonds dont ils avaient besoin. » Le fonds aidera les gens d’affaires de trois façons : en offrant d’acheter comptant les parts d’une compagnie, en procurant un prêt non garanti ou en négociant un prêt avec participation à un taux d’intérêt inférieur, en échange d’un pourcentage des recettes ou des bénéfices. Cette dernière option est souvent avantageuse durant les premières années d’existence d’une société, années pendant lesquelles elle fait souvent moins d’argent. La SOCARIAQ est officiellement entrée en activité le 6 mai 2002, soit trois jours après que le ministre Nault eut annoncé l’investissement d’AINC dans le fonds. Depuis, M. Pinsonneault a reçu 10 soumissions de tous les coins de la province. Les plans d’affaires provenaient tant d’entreprises bien établies que de nouvelles entreprises, et ils représentaient diverses industries (par exemple l’industrie de pointe, de l’édition, de la foresterie, etc.). Selon Pierre Pinsonneault, l’idée du fonds est née chez des Autochtones au Québec. « On assiste actuellement à un babyboom dans de nombreuses communautés autochtones. Les gens qui vivent dans ces communautés se rendent compte qu’ils doivent développer leur économie afin de suivre le rythme de leur taux de natalité. Autrement, un surcroît de population joint à une réduction du nombre d’emplois conduit tout droit à la misère. » Toutefois, d’autres raisons ont motivé la création d’un fonds de capital-risque particulièrement pour les entreprises autochtones. Tom O’Connell enseigne à la John Molson School of Business de l’Université Concordia, à Montréal. Il souligne qu’en vertu de la Loi sur les Indiens, les investisseurs dans une entreprise de Premières nations ne peuvent saisir son actif en cas de faillite. « Les institutions financières hésitent à investir dans les entreprises de Premières nations, poursuit-il. C’est trop risqué. Si un entrepreneur d’une Première nation ne peut offrir des biens en garantie, comment un investisseur pourra-t-il compenser ses pertes si la société fait faillite? De plus, les fonds de capitalrisque préfèrent les sociétés qui ont fait leurs preuves, ce qui est le cas de peu d’entreprises de Premières nations. » Tom O’Connell entretient de grands espoirs pour le fonds. « L’activité entrepreneuriale est au cœur du développement économique de toute communauté. La SOCARIAQ permettra aux entrepreneurs des Premières nations de sortir des sentiers battus, de nourrir des rêves plus ambitieux, de ne pas s’en tenir aux commerces familiaux et de créer quelque chose de substantiel, peut-être une entreprise qui leur permettra de procurer des emplois aux jeunes de la communauté et de générer des occasions dérivées. Il est vrai que nous assistons à un babyboom autochtone. Cela constitue un avantage. Ces entreprises auront un accès immédiat à une main-d’œuvre croissante, ce qui n’est pas le cas dans le reste du Canada. » Pierre Pinsonneault voyagera beaucoup au cours des prochaines années, ce qui lui permettra de connaître la province et les Premières nations encore mieux qu’il n’aurait pu l’imaginer. « Je suis déjà allé à Winneway et à Essipit, puis à Montréal, où j’ai rencontré les chefs, pour essayer de transmettre le message. » Et quel est donc ce message qu’il apporte aux Autochtones vivant au Québec? « Si vous avez une idée d’entreprise, nous voulons la connaître, indique M. Pinsonneault. Nous avons de l’argent à investir, mais nous ne sommes pas un organisme caritatif. Il s’agit d’argent privé pour lequel on cherche à obtenir un bon rendement. Et nous n’obtiendrons un bon rendement que si l’entrepreneur autochtone obtient lui-même un bon rendement. »
Pour obtenir plus de renseignements
Pierre Pinsonneault (418) 843-7070
MICMACS DE GESGAPEGIAG
Il y a quatre ans, Catherine Johnson survolait pour la première fois le territoire Baldwin en Haute-Gaspésie dans un avion monomoteur. Elle se souvient comme si c’était hier de ce qu’elle a vu par le hublot, tout en bas : « C’était la première fois que je voyais une coupe à blanc, dit-elle. Le sol semblait totalement dévasté. Je ne pouvais y croire! J’en avais les larmes aux yeux. Je me suis demandé comment cela avait pu se produire. Puis, j’ai pensé : nous devons trouver un moyen de mettre un terme à cela. » Mme Johnson, qui venait tout juste d’entreprendre ses nouvelles fonctions en tant que directrice du développement économique pour le conseil de bande de Gesgapegiag, précise immédiatement que les entreprises forestières n’avaient violé aucune des ententes conclues avec le gouvernement. Elle sait bien qu’elles sont là pour faire de l’argent. Mais ce jour-là, elle s’est promis qu’elle trouverait un moyen afin que les entreprises, le gouvernement et sa communauté travaillent ensemble pour exploiter les forêts sans les détruire de façon à ce que son peuple en profite aussi. Catherine Johnson a tenu sa promesse. Lorsqu’elle a été embauchée en 1998, le conseil de bande de Gesgapegiag détenait déjà quelques petits contrats avec des entreprises forestières locales. « Les membres de la communauté faisaient des coupes d’éclaircie précommerciales, nettoyant la broussaille des jeunes forêts afin que les arbres susceptibles d’être commercialisés puissent pousser plus librement. Mais les choses n’allaient pas très bien. » Les travailleurs n’avaient pas suffisamment d’expérience. Mme Johnson s’est rendu compte que la formation était essentielle à l’atteinte de bons résultats. Elle a insisté pour que les membres de sa communauté obtiennent la formation nécessaire pour bien accomplir leur travail. « Je ne voulais pas que les sociétés forestières se sentent obligées de nous accorder des contrats pour répondre à un certain devoir social, déclare-t-elle. Je voulais qu’on obtienne ces contrats parce je savais qu’on pouvait faire le travail aussi bien que n’importe qui. » Depuis ce temps, Mme Johnson a contribué à mettre sur pied plusieurs programmes de formation avec des entreprises forestières locales, telles que Tembec, Rexforêt, Cederico, G.D.S. et Produits forestiers St-Alphonse. Là où il n’existait auparavant que 3 emplois, il y en a maintenant 15. Actuellement, une douzaine de travailleurs, dont 6 femmes, sont en cours de formation. La plupart des emplois saisonniers sont occupés par des membres de la communauté âgés entre 18 et 25 ans, qui ont maintenant une raison de demeurer dans la communauté. Leonard Leblanc, superviseur à Rexforêt, souligne que le but est de former ces jeunes gens pour qu’ils puissent occuper un emploi permanent. « Le potentiel est considérable. Il y a beaucoup de jeunes gens dans cette région qui sont à la recherche d’un emploi. Si nous voulons les garder ici, nous devons nous assurer qu’ils ont du travail. » Les revenus que tire la bande de ces contrats lui permettent d’acheter l’équipement nécessaire pour les coupes d’éclaircie précommerciales. Le principe est simple : un meilleur équipement se traduit en davantage de contrats et en contrats à plus long terme, ce qui amène en retour un plus grand nombre d’emplois pour les membres de la communauté. « Avec l’argent que nous avons fait, et grâce à une subvention de près de 600 000 $ obtenue dans le cadre de la stratégie d’Affaires indiennes et du Nord Canada destinée à répondre au jugement Marshall, nous avons pu acheter un « Menzi Muck », fait remarquer Mme Johnson. C’est une machine pour la récolte qui vient de Suisse. Elle est très facile à manier sur les pentes raides et n’endommage pas les sols sur lesquels on l’utilise. Le respect à l’égard de la terre est un élément très important pour Catherine Johnson et les autres Micmacs de Gesgapegiag. « Le développement durable n’est pas un nouveau concept pour nous, explique-t-elle. Bon nombre de ces stratégies sont fondées sur les connaissances traditionnelles des Premières nations. »
La gestion de la faune est un autre secteur dont l’exploitation pourrait générer davantage d’emplois dans la communauté. Les Micmacs de Gesgapegiag négocient actuellement une entente avec le ministère des Ressources naturelles du Québec et la Société de la faune et des parcs du Québec pour gérer conjointement la région de Lac-Sainte-Anne-Baldwin. Au cours des trois derniers étés, neuf jeunes ont travaillé avec l’entreprise locale PESCA Environnement à dresser un inventaire de la faune, à nettoyer les berges de la rivière et à construire un centre d’accueil pour les visiteurs. Quentin Condo, âgé de 22 ans et membre de la communauté de Gesgapegiag, est un de ces jeunes. Depuis quatre ans, au plus fort de la saison des mouches noires jusqu’aux premiers gels de décembre, il effectue des recherches sur le terrain pour PESCA Environnement. Parfois, le travail commence à 3 h du matin et l’équipe de recherche doit faire deux heures de route en camion dans la forêt pour se rendre à l’endroit voulu. Une fois sur les lieux, on part en canoë sur les eaux turbulentes de la grande rivière Cascapédia. La mission : constater comment l’érosion causée par les coupes à blanc avait atteint les frayères du saumon de l’Atlantique. « Certains jours, il y avait encore de la glace sur la rivière, fait remarquer M. Condo. On se gelait les doigts en enlevant la neige qui recouvrait encore le bord de la rivière pour pouvoir examiner les dommages causés par l’érosion. Il nous arrivait parfois de surprendre en eau profonde un banc de saumons de l’Atlantique. Ce sont de magnifiques poissons. C’est à couper le souffle!» Quentin Condo a aussi travaillé avec des biologistes à dresser un inventaire des différentes espèces d’arbres, de plantes, de poissons et d’animaux, à préparer des sentiers pédestres et à aider à l’aménagement de l’aire d’accueil des visiteurs au lac Berry. Comme on s’en doute, il adore son travail. « J’aurais pu obtenir un emploi dans la forêt, dit-il, mais je souhaitais surtout avoir un emploi qui me permettrait de trouver des moyens de protéger le territoire Baldwin. C’est tout notre avenir qui est là! Le tourisme est un secteur florissant en Gaspésie. Si on détruit les arbres, si on épuise les stocks de saumon et les ressources de la région de la baie des Chaleurs, il ne nous restera plus rien. » Cet automne, après avoir terminé sa cinquième saison avec PESCA Environnement, M. Condo entreprendra un cours en écointerprétation au Cégep de la Gaspésie et des Îles. Il espère que ce cours lui apportera les compétences dont il a besoin pour poursuivre une carrière en écotourisme. « Je suis ici chez moi. Je veux demeurer et travailler ici. Et, plus que tout, je veux partager avec d’autres toute la beauté de cette région. » Ce sont des histoires comme celle de Quentin qui ont incité Catherine Johnson à trouver des moyens pour que sa communauté et les entreprises locales puissent travailler ensemble. « Ce n’est pas toujours facile de trouver et de conserver des façons d’atteindre un équilibre entre faire de l’argent et protéger l’environnement. Cependant, on peut y arriver. Il faut du dévouement, des connaissances et de la confiance en soi. Nous commençons à voir les résultats. Mais il faut du temps. C’est comme les arbres dans la forêt... ils ne poussent pas du jour au lendemain. » OPTICIWAN La confiance. Voilà la clé d’un partenariat fructueux. Simon Awashish et Louis-Marie Bouchard vous le diront, eux qui ont travaillé de concert au démarrage d’une scierie dans la communauté atikamekw d’Obedjiwan, située à 350 kilomètres au nord-ouest de La Tuque.
Il y a quatre ans, Simon Awashish occupait les fonctions de chef lorsque le conseil de bande s’est mis à la recherche d’un partenaire commercial dans le cadre d’un projet de construction d’une scierie pour cette communauté éloignée, située sur les rives du réservoir Gouin. « À cette époque, aucun membre de la communauté n’avait d’emploi à temps plein, affirme M. Awashish. Soixante pour cent des 1 600 résidants dépendaient de l’aide sociale. Certaines entreprises forestières offraient des emplois saisonniers — consistant à éclaircir les broussailles, planter des arbres — mais rien de permanent, rien qui puisse assurer la subsistance de la communauté. À voir les entreprises forestières couper les arbres et transporter les billes vers le sud, certains d’entre nous se sont dits qu’il était temps que le travail et les bénéfices restent ici, dans la communauté d’Obedjiwan. »
Louis-Marie Bouchard était du même avis. M. Bouchard, premier vice-président de Donohue, a clairement exprimé les intentions de son entreprise. « Nous étions à Obedjiwan depuis 1993 et nous avions toujours embauché du personnel durant la saison de coupe et de plantation, indique-t-il. C’est sur ce genre de relations que nous avons voulu miser. »
Le fait que Donohue jouissait déjà d’une excellente réputation auprès des membres de la communauté atikamekw a facilité l’établissement d’une nouvelle relation. « Lorsqu’ils sont venus dans la région pour la première fois, explique M. Awashish, les représentants de Donohue (qui depuis a été achetée par Abitibi- Consolidated) ont rencontré le conseil de bande pour discuter des répercussions que pourraient avoir leurs plans d’exploitation sur les sentiers de piégeage et les territoires de chasse locaux. Ils nous ont également consulté avant de poursuivre le parachèvement de la route qui relie notre communauté à la municipalité de Saint-Félicien. C’était la première compagnie forestière à nous demander notre avis. » Ce respect initial a largement joué en faveur d’Abitibi Consolidated lorsque celle-ci a fait savoir qu’elle était intéressée à devenir partenaire dans la scierie. La communauté atikamekw a donc choisi cette entreprise, et on a entamé les négociations — sans l’aide d’avocats. « C’était là un autre facteur important de la réussite de l’entreprise, souligne Louis-Marie Bouchard. Pas d’avocats ni d’experts-conseils. Pour conclure l’entente, il n’y avait que nous et le conseil de bande. »
Abitibi-Consolidated possédait également d’autres atouts. « La société avait déjà construit et administré des scieries, fait remarquer M. Awashish. Elle avait de solides marchés au Canada et aux États-Unis. Il ne s’agissait pas d’une entreprise qui tentait d’aller au-delà de ses limites. Nous étions certains qu’elle pouvait aller loin. » Chaque partenaire avait ses propres responsabilités. La communauté atikamekw était chargée de fournir le bois et la main-d’œuvre, et d’offrir la formation. Abitibi-Consolidated, pour sa part, devait voir à la construction de la scierie, à son administration et à la vente du bois d’œuvre. Après en être arrivés à une entente, les partenaires ont entrepris d’aller à la recherche de fonds. Près du tiers des 8,25 millions de dollars octroyés à l’entreprise a été accordé sous forme de prêts ou de subventions par le gouvernement du Canada, dans le cadre de programmes et de projets d’Affaires indiennes et du Nord Canada, d’Industrie Canada, de Développement économique Canada et de Développement des ressources humaines Canada. Le gouvernement provincial a travaillé conjointement avec l’équipe de partenaires en vue d’établir des subventions fondées sur les promesses d’achat ainsi que des ententes de gestion forestière permettant la coupe annuelle de 120 000 mètres cubes d’arbres. La scierie est maintenant ouverte depuis quatre ans, et Manon Pelletier, directrice générale, étale, non sans fierté, ses réalisations : un chiffre d’affaires annuel de 8 millions de dollars, une division des services forestiers, appartenant entièrement au conseil de bande, et des contrats d’exploitation forestière, de reboisement, de coupe de bois et de gestion forestière d’une valeur de 7,5 millions de dollars. La réalisation la plus importante est certainement la création d’emplois : des emplois à temps plein pour 65 personnes, dont 55 sont des Autochtones. La masse salariale de l’entreprise est de 2,8 millions de dollars; la division des services forestiers dépense plus de 800 000 $ en salaires aux 60 employés saisonniers qui sont tous des Autochtones. D’autres entreprises ont été créées pour appuyer la scierie, fournissant de l’équipement et des véhicules, ou encore des services de chargement et de transport terrestre et maritime.
Il n’est pas étonnant que l’Association d’affaires des Premiers Peuples ait déjà remis deux prix à la scierie d’Opitciwan lors du Gala des Prix d’excellence Mishtapew : un prix dans la catégorie « création d’entreprises » (1998) ainsi que le prix Entreprise autochtone de l’année (2001), lequel est parrainé par Développement économique Canada. « Nous souhaitions que la scierie soit une réussite, signale Louis-Marie Bouchard. Et nous sommes fiers de souligner que nous n’avons pas eu besoin de nouveau financement. Pas de subventions, ni d’autres prêts. Nous réalisons des profits que nous réinvestissons au sein de l’entreprise. » Simon Awashish emploie souvent le mot « fierté » lorsqu’il parle de la scierie. « Nous éprouvons un immense sentiment de fierté. Ces quatre dernières années, nous avons construit plus de 80 maisons dans notre communauté, utilisant le bois d’œuvre de notre scierie. Nous avons même été en mesure de construire un centre sportif l’automne dernier. Cette entreprise est plus qu’une scierie. Elle a littéralement changé nos vies. » « Il s’agit, par dessus tout, d’une scierie construite sur le respect et la confiance mutuelle, sans l’aide d’avocats, répète M. Bouchard. » Photos : Scierie d'Opticiwan LA FORÊT DE L'AIGLE, UN
EXEMPLE DE
La Forêt de l’Aigle, située près de Maniwaki, était autrefois le territoire de chasse et de piégeage traditionnel de la communauté de Kitigan Zibi. Cette forêt de 14 000 hectares, qui abritait des orignaux, des chevreuils, des renards, des loups ainsi que du petit gibier, assurait la survie des gens qui y habitaient. Aujourd’hui, la Forêt de l’Aigle fait partie d’un programme de « forêt habitée » qui favorise une utilisation polyvalente de la forêt dans le contexte du développement durable et de la protection environnementale. Ce programme permet aux Algonquins de la communauté de Kitigan Zibi de recommencer à tirer leur subsistance des ressources forestières. « La Compagnie internationale de papier du Canada (CIP) faisait autrefois la coupe du bois dans cette forêt, de déclarer Marc Beaudoin, directeur général de la Corporation de gestion de la Forêt de l’Aigle. Puis, dans les années 80, la province a adopté une nouvelle réglementation en matière de coupe de bois, déterminant qui aurait le droit de couper des arbres et d’exploiter les forêts du Québec. La CIP a perdu ses droits de coupe dans la Forêt de l’Aigle, et, en 1996, ce territoire a été restitué à la communauté. Nous avons maintenant la responsabilité de la gérer et de l’exploiter. Et nous voulons le faire en respectant à la fois le territoire et les besoins de la communauté. » Le conseil d’administration de la Forêt de l’Aigle est formé des sept entités suivantes : la Société sylvicole, la communauté de Kitigan Zibi, la municipalité de Cayamant, la ZEC (zone d’exploitation contrôlée) de Bras-Coupé-Désert, le club de motoneigistes Les Ours blancs, la ZEC du Pontiac et l’Institut québécois d’aménagement de la forêt feuillue.
Marc Beaudoin, qui participe au projet depuis les tous premiers jours, est très heureux de constater que les partenaires travaillent très bien ensemble. « Ces personnes ne s’étaient probablement jamais parlé avant de collaborer au projet. Au début, on sentait qu’il y avait une certaine méfiance au sein de l’équipe, probablement parce que nous n’avions pas encore de vision commune. À l’heure actuelle, nous visons le même objectif : administrer de façon constructive les ressources de la communauté, profiter de nos terres et promouvoir la Forêt de l’Aigle comme lieu de divertissement. La Forêt de l’Aigle est bien plus qu’un endroit pour les motoneigistes et les courses de véhicules tout-terrains. Nous voulons également y promouvoir d’autres activités : la raquette, les excursions en traîneau à chiens, le ski de fond, la randonnée pédestre et le cyclisme. À ce jour, nous avons réussi à aménager environ 150 kilomètres de sentiers récréatifs. »
Le projet de la forêt habitée est également synonyme d’emplois. Depuis 1996, nous avons créé 8 emplois à temps plein et 60 emplois saisonniers, dont 35 sont directement liés aux services forestiers. Nous effectuons toujours la coupe du bois dans la Forêt de l’Aigle, mais nous le faisons d’une manière contrôlée qui assurera à la forêt la possibilité de se régénérer au cours des décennies à venir. L’un de nos partenaires, la Société sylvicole, supervise la coupe annuelle de quelque 32 000 mètres cubes de bois dur : érable, frêne, chêne, bouleau blanc, bouleau jaune et hêtre. Ce bois est vendu à des scieries de la région de l’Outaouais. L’année dernière, les ventes de bois et les activités récréatives liées à la forêt ont généré des recettes de 2,5 millions de dollars.
![]() Néanmoins, certains ne voient pas le projet sous le même angle. Lorsque André Dumont, biologiste au service de la Corporation de gestion de la Forêt de l’Aigle depuis 1998, constate l’évolution de la coupe du bois, il voit autre chose que des arbres mesurés en mètres cubes. En fait, il voit un « laboratoire à ciel ouvert » où les expériences semblent évoluer à une vitesse folle. L’un de ses sujets d’étude est la tortue des bois, appelée ainsi parce qu’elle s’aventure dans la forêt, loin de l’eau, durant les mois d’été. La Forêt de l’Aigle est le refuge d’environ 150 reptiles de cette espèce, soit l’une des plus importantes populations de la province. La tortue des bois est considérée comme une espèce dite « vulnérable » et M. Dumont espère que son travail contribuera à assurer sa survie. Sur une douzaine de ces tortues, il a posé des émetteurs qui lui permettent d’étudier leurs comportements et leur habitat. Il a également mis sur pied un site sécuritaire pour la ponte des œufs en plus d’avoir installé des grillages autour des nids pour protéger la tortue des bois contre ses prédateurs, notamment le raton laveur.
Le projet concernant la tortue des bois n’est qu’une des activités auxquelles se livre André Dumont dans la Forêt de l’Aigle. Il effectue également l’étude des plans directeurs sur l’aménagement forestier et s’emploie à dresser des inventaires de la faune afin que la coupe du bois et les activités récréatives ne portent pas préjudice aux espèces animales qui y vivent. Il a de plus contribué à la conception d’un sentier d’interprétation et offre souvent des visites guidées aux touristes. M. Dumont adore tout simplement son travail. « Il est essentiel de protéger la biodiversité de la forêt. Ce sont nos terres. Si nous n’en prenons pas soin, qui le fera? Lorsque des espèces comme la tortue des bois s’éteindront, ce sera pour toujours. Protéger ce territoire est l’une de nos priorités absolues. » Trouver un juste équilibre parmi toutes ces priorités est l’une des responsabilités de Marc Beaudoin. Et il est fier de l’enthousiasme que manifeste la communauté ainsi que du succès qu’elle connaît. « Lorsque vous décidez d’assumer un projet comme celui-ci, c’est que vous voulez faire une différence — et nous y sommes arrivés. Il est très stimulant de voir les gens prendre leur avenir en main. Nous avons créé des emplois. Nous gérons nos propres ressources sans dépendre de qui que ce soit. Nous décidons de ce qui est important pour nous. Mais le plus important, c’est que nous le faisons ensemble. »
Photos : Conseil de bande de Kitigan Zibi
UN PARADIS RENTABLE
Lorsqu’ils atteignent le Relais du lac Sainte- Anne, les motoneigistes qui voyagent dans le secteur Tourilli de la Réserve faunique des Laurentides doivent se croire au milieu d’une oasis dans le désert enneigé du Nord. Le restaurant huron-wendat-Ehtohsarot (« relais du lac Sainte-Anne » en langue huronne) présente un menu comparable à ce qui se fait de mieux à Québec, située à deux heures de route, en direction sud. En fait, les amateurs de bonne chère auraient de la difficulté à trouver ailleurs un menu qui propose entre autres des brochettes de caribou, de la venaison bourguignonne, du pâté de lièvre, du saumon fumé, de la truite, du canard et de la perdrix, sans oublier le fameux potage du restaurant, le potage huron sagamité, composé de gibier, de fèves rouges et de maïs et servi avec du pain banique. « Les gens sont quelque peu décontenancés quand ils visitent notre établissement, de dire Réjean Gros-Louis avec modestie. En décembre 1999, lorsque nous avons décidé d’ouvrir un restaurant, nous savions déjà que nous voulions plus qu’un casse-croûte où l’on sert de la poutine. » M. Gros-Louis, agent de développement économique pour la Nation huronne-wendat, nous révèle le secret de la réussite du restaurant : le chef Marquis Daigle. M. Daigle a travaillé, entre autres, à titre de premier chef dans des installations du Club Med au Mexique et dans les Caraïbes ainsi que dans les meilleurs restaurants de Québec. Il n’est donc pas étonnant que les motoneigistes qui s’arrêtent au Ehtohsarot souhaitent habituellement y revenir.
M. Gros-Louis s’empresse de signaler certains autres avantages qu’offre le relais : une station-service et sept maisonnettes construites par des Hurons-Wendat ainsi que des forfaits touristiques proposant une marche en raquette jusqu’aux lignes de piégeage ou une journée de pêche sur la glace. Chacune de ces maisonnettes, qui sont toutes équipées d’eau chaude et d’une douche, peut héberger six personnes. Par ailleurs, les motoneigistes plus aventureux peuvent choisir de passer une nuit dans un tipi. La Nation huronne-wendat et le club de motoneigistes de Saint-Raymond, de concert avec la Société des établissements de plein air du Québec, ont contribué à transformer la petite ville de Saint-Raymond, situé à 40 km au nord-ouest de la ville de Québec, en paradis pour motoneigistes. « C’est la capitale de la motoneige du Québec, affirme Marcel Bérubé, président du club de motoneigistes. Chaque semaine, près de 3 000 motoneigistes passent par Saint-Raymond. Plusieurs viennent des États-Unis; quelques-uns, de l’Europe. La semaine dernière, j’ai compté plus de 200 remorques stationnées à proximité des motels de la ville, chacune transportant au moins 2 motoneiges. Cela fait beaucoup de gens. » À n’en pas douter, l’industrie du tourisme est florissante à Saint- Raymond. Selon M. Bérubé, les recettes qui sont directement liées au motoneigisme ont triplé, passant de 5 millions de dollars, en 1993, à 15 millions de dollars aujourd’hui. Grâce à une subvention obtenue dans le cadre du Programme de négociation de l’accès aux ressources d’Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), les membres de la Nation huronnewendat ont tiré profit de ces dollars touristiques en négociant des ententes avec des partenaires de la région. Ils ont actuellement entamé la deuxième année d’un contrat de cinq ans qu’ils ont signé avec le club de motoneigistes de Saint-Raymond. Chaque hiver, deux membres de la communauté sont embauchés pour entretenir les 150 km de sentiers de motoneige, auxquels s’ajoutent dix autres emplois liés à l’exploitation du Relais du lac Sainte-Anne.
« Cet exemple témoigne bien du genre de projet que soutient le Programme de négociation de l’accès aux ressources, déclare Jean Boucher, conseiller en développement économique au bureau régional du Québec d’AINC. Nous voulons investir dans des projets de cogestion qui favorisent la croissance et le développement socio-économiques des communautés des Premières nations. » AINC a aussi versé des fonds à d’autres projets communautaires. Louis Lesage, biologiste et membre de la communauté huronnewendat est ravi des premiers résultats d’un projet expérimental de gestion de la faune financé en partie par le Ministère. « Nous en sommes à notre deuxième année à effectuer des coupes d’éclaircie
précommerciales au cours de l’hiver. À maints égards, il s’agit d’une technique différente, fait-il remarquer. Nous coupons les arbres à environ trois pieds du sol plutôt que près de la base, ce qui se fait ordinairement au cours de l’été. Cela laisse un couvert de fuite essentiel pour les plus petits animaux sauvages et permet une seconde pousse. Cette technique est plus respectueuse de l’environnement et facilite l’accès à la forêt quand le sol est gelé. Même sans raquettes, nous pouvons nous rendre à des endroits qui sont inaccessibles en plein été. » La technique des coupes d’éclaircie pratiquée l’hiver a été mise au point par l’Université Laval et la Forêt Montmorency, et elle s’avère très efficace. « L’hiver dernier, une équipe de 5 personnes a défriché 55 hectares en 13 jours, ajoute M. Lesage. Durant l’été, la même équipe aurait mis 6 semaines pour accomplir le travail! » La facilité d’accès et l’absence d’une couverture végétale épaisse sont certainement des facteurs clés qui contribuent à l’efficacité de la coupe d’éclaircie d’hiver. Un autre facteur non négligeable est le fait que les travailleurs n’ont pas à composer avec les mouches noires, les moustiques et la chaleur. Peu importe les raisons, Louis Lesage est certain que les résultats du projet inciteront un plus grand nombre d’entreprises à effectuer des coupes d’éclaircie précommerciales au cours des mois d’hiver. « C’est une solution pratique pour les responsables de la gestion des forêts et de la faune, ajoute-t-il. Et ces résultats ont été rendus possibles grâce à un partenariat entre les gouvernements provincial et fédéral, le milieu universitaire et l’industrie privée. Nous pouvons tous tirer avantage de ce genre de partenariat. »
LE SIROP D'ÉRABLE PUR
AWAZIBI,
« Allier tradition et technologie » est bien plus qu’une simple formule publicitaire pour la communauté algonquine de Kitigan Zibi. Les propriétaires de l’érablière Awazibi entaillent les érables comme le faisaient leurs ancêtres il y a des centaines d’années, avant l’arrivée des Européens. En revanche, on n’utilise plus de seaux en écorce de bouleau, pas plus qu’on ne fait bouillir la sève d’érable sur un feu en plein air. On a plutôt conjugué le savoir traditionnel et la technologie moderne, créant ainsi une entreprise prospère. La communauté de Kitigan Zibi, située au sud de Maniwaki, a converti 57 hectares recouverts de différentes espèces d’érable en une exploitation commerciale qui compte actuellement 12 000 entailles. Il y a environ dix ans, la communauté a pris une importante décision stratégique pour préserver ses terres et assurer le reboisement de la forêt, notamment son peuplement d’érables à sucre. Un certain nombre de membres de la communauté de Kitigan Zibi dépendent de l’industrie forestière, mais un équilibre a été établi entre le besoin de créer des emplois et celui de conserver les forêts, gage de l’avenir de la communauté. On a donc convenu qu’il était temps d’arrêter la coupe des arbres et de commencer à les entailler. Comme un érable à sucre peut fournir de la sève pendant au moins 100 ans, il y avait là, assurément, tout un potentiel pour une entreprise acéricole. Il y a trois ans, ce rêve est devenu réalité. « Affaires indiennes et du Nord Canada et Entreprise autochtone Canada nous ont accordé un financement qui équivalait à environ 50 % de la somme dont nous avions besoin pour démarrer l’entreprise, affirme le chef Jean-Guy Whiteduck. Ce montant a couvert les coûts des infrastructures, y compris la construction d’une route menant au site et d’un bâtiment où se trouve l’évaporateur. Cependant, nous avons toujours eu comme but premier de faire en sorte que notre entreprise devienne financièrement autonome. La vente des produits que nous fabriquions devait couvrir les dépenses. Et nous avons réussi. Dès la première saison, nous n’avons reçu de financement d’aucune source; nous avons fait nos frais. Par ailleurs, avec la vente de bonbons et de beurre d’érable, nous avons commencé à pénétrer le marché des produits secondaires. Grâce à une saine gestion, notre entreprise occupe aujourd’hui une place importante dans l’économie locale et devrait être en mesure de s’autofinancer pour de nombreuses années encore. De plus, c’est une entreprise qui permet d’intégrer nos méthodes traditionnelles. »
Même le nom de l’entreprise reflète l’origine de la communauté : « awazibi » signifie en langue algonquine « recueillir de l’eau d’érable ». « En l’espace de trois ans, la communauté a fait passer le nombre d’entailles de 10 000 à 12 000, explique Norm Odjick, directeur adjoint des Services communautaires. Nous nous préparons actuellement à ajouter 5 000 entailles supplémentaires pour la saison prochaine. » L’installation de traitement au mazout assure du travail à quatre employés presque 24 h sur 24 pendasnt la période de production de 9 semaines. L’opération se fait à partir d’un système à vide qui assure le transport de la sève dans des tubes en plastique sur plusieurs kilomètres. La sève se déverse ensuite dans 3 contenants de fibre de verre d’une capacité de 2 300 litres. Il est possible de produire, toutes les 10 heures, près de 680 litres de sirop d’érable. Environ 12 000 litres de sirop sont produits annuellement. La demande s’accroît toutefois de plus en plus, et la communauté envisage les possibilités offertes par le marché du détail. »
L’érablière Awazibi a subi une rude épreuve à la fin de la dernière saison des sucres avec le décès soudain de Tom Ferguson, son gestionnaire. « Ce fut une grande perte, confie Norm Odjick. Tom avait été le moteur de l’entreprise depuis ses débuts. Il connaissait bien chacun des aspects techniques de la production et possédait également une expérience solide en horticulture. Il nous manquera. » En dépit des changements inévitables qu’entraînera la venue d’un nouveau gestionnaire, l’érablière Awazibi demeurera fidèle à son héritage. « Cette année, nous avons tenu une cérémonie de la première entaille, explique M. Odjick. Nous avons invité les élèves de notre école locale, la Kitigan Zibi Kikinamadinan, à cette cérémonie spirituelle qui nous donne l’occasion d’honorer les arbres et de rendre grâce à une autre saison d’abondance. Cette cérémonie reflète notre croyance selon laquelle si l’on prend quelque chose à la nature, on doit lui donner quelque chose en retour. » C’est une croyance que Tom Ferguson aurait certainement partagée.
Kitigan Zibi Anishinabeg Case postale 309 TROUVER UN JUSTE ÉQUILIBRE
Lorsque les Montagnais du lac Saint-Jean ont entrepris, il y a deux ans, de négocier avec le secteur privé une entente pour l’exploitation d’une partie de la forêt qui se trouve près de la Réserve faunique Ashuapmushuan, ils se sont heurtés à une opposition inhabituelle, à savoir celle des membres de leur communauté. « Nous avons eu du mal à convaincre les trappeurs, explique Alain Nepton, conseiller responsable des négociations territoriales et globales au sein du conseil de bande. Nous avons tenu d’orageux débats afin de déterminer si nous devions procéder à des coupes dans la région. Et je les comprends bien. Après tout, nous avons toujours été des chasseurs et des trappeurs, pas des bûcherons. » Le conseil a cependant réussi à convaincre les trappeurs que toute coupe dans la forêt mixte située près de Roberval serait effectuée de façon à engendrer le moins de répercussions possible sur l’environnement. Cela a ouvert la voie à des contrats de cogestion avec Abitibi-Consolidated et à des emplois pour la communauté. Entre mai et septembre, 40 membres de la communauté des Montagnais du lac Saint- Jean travaillent à temps plein aux coupes d’éclaircie précommerciales — nettoyant les peuplements serrés d’épinettes, de bouleaux et de trembles pour permettre aux autres arbres de mieux pousser. C’est un travail exigeant en main-d’œuvre mais essentiel. Une forêt trop dense pousse très lentement, ce qui limite éventuellement la quantité d’arbres commercialisables qui peuvent être récoltés. Il est important de maximiser les profits, mais la protection de l’environnement est une des priorités absolues de la communauté. « Il faut réussir à atteindre un équilibre entre l’exploitation de la forêt et sa conservation, souligne Alain Nepton. C’est pourquoi il est essentiel de trouver les bons partenaires. » Depuis juin 2000, les Montagnais du lac Saint-Jean ont établi un partenariat avec Abitibi-Consolidated pour réaliser un projet de récupération du bois d’œuvre, dans le cadre duquel on a recours à une méthode écologique de coupe par blocs. Aussi connue sous le nom de « coupe en damier », cette méthode permet de laisser autant d’arbres intacts qu’il y a d’arbres coupés. Avant de décider des coupes, on tient compte des lacs et des rivières, des habitats de la faune, du contrôle de l’érosion, des lieux d’origine des graines et de l’esthétique. Les blocs qui sont laissés intacts forment une sorte de corridor protégé dans la forêt, où peut survivre la faune. « Il s’agit d’une approche de coupe contrôlée, explique M. Nepton. Les gens parlent aujourd’hui du développement durable comme si c’était quelque chose de nouveau. Les Premières nations ont toujours pris des décisions en tenant compte des générations à venir et non seulement des générations présentes. C’est une de leurs traditions. C’est cela le développement durable. » Le conseil de bande a également conclu un contrat avec Hydro- Québec. De 16 à 20 membres de la communauté travaillent chaque saison à maintenir les aires qui entourent les lignes de transport de l’électricité exemptes de tout arbre. « Ces emplois sont importants, ajoute M. Nepton. Mais la façon de faire le travail est tout aussi importante. Nous voulions obtenir le contrat parce que nous savions que nous ferions le travail manuellement, plutôt que d’avoir recours à de puissants pesticides chimiques qui empoisonnent le sol. » Comme plusieurs autres communautés au Québec, les Montagnais du lac Saint-Jean, outre les contrats en matière de foresterie, cherchent d’autres possibilités économiques. Le conseil de bande se prépare actuellement à négocier la cogestion d’aires récréatives et touristiques dans la Réserve faunique Ashuapmushuan. Une somme de 110 000 $ a déjà été investie dans les préparatifs en vue des négociations : 30 000 $ proviennent du conseil de bande et 80 000 $ d’Affaires indiennes et du Nord Canada, dans le cadre du Programme de négociation de l’accès aux ressources. « La cogestion d’aires récréatives et touristiques dans la Réserve faunique Ashuapmushuan serait quelque chose de tout naturel pour nous, de dire M. Gilbert Courtois, directeur du patrimoine, de la culture et des terres pour le conseil de bande. Les Montagnais sont des nomades par tradition. Notre peuple avait l’habitude de voyager dans tout le territoire, chassant, piégeant et commerçant. Nous connaissons bien ces terres. »
Dans les plans d’avenir de la communauté, on a prévu profiter des possibilités qu’offre le secteur touristique. « Les gens cherchent à vivre diverses expériences, explique M. Courtois. Les Européens, notamment, sont fascinés par les connaissances qu’ont les Premières nations des régions sauvages. Et c’est là quelque chose que nous pouvons leur offrir. » Parmi les objectifs de la communauté actuellement en cours de réalisation, notons une excursion en canoë d’une durée de trois jours entre le lac Marquette et le lac Ashuapmushuan ainsi que des randonnées sur des routes empruntées autrefois par les Montagnais, les Cris et les Atikamekws. Le lac Ashuapmushuan est au cœur de l’histoire de la région. C’est là que, jadis, des membres de diverses Premières nations se rencontraient pour procéder à des échanges commerciaux. « Il est essentiel que les membres de la communauté participent à ces projets, de conclure Gilbert Courtois. Notre culture est tellement riche. Partager notre langue et notre histoire est une des façons de la perpétuer. » • Depuis 1998, Affaires indiennes et du Nord Canada a investi plus de 10 millions de dollars dans 173 projets et activités liés aux entreprises autochtones au Québec. • Au cours des 10 dernières années, le nombre de nouvelles entreprises autochtones a dépassé celui des autres entreprises canadiennes de 105 %. Des 20 000 entreprises autochtones enregistrées au Canada, 2 349 se trouvent au Québec. • Au cours des 10 prochaines années, la main-d’œuvre autochtone croîtra deux fois plus rapidement que l’ensemble de la main-d’œuvre canadienne. • La plupart des entreprises autochtones sont situées dans des communautés éloignées et comptent un peu moins de 10 employés. • Parmi la population autochtone, 50 % ont moins de 25 ans – pourcentage qui est à la hausse chaque année. • Plus de 27 000 étudiants inuits et des Premières nations sont actuellement inscrits dans un collège ou une université. |
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Mise à jour : 2004-04-23 | ![]() |
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