GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES
SUR LES POPULATIONS AUTOCHTONES
DIX-SEPTIÈME SÉANCE, DU 26 AU 30 JUILLET 1999
DÉCLARATION DE LA DÉLÉGATION OBSERVATRICE DU CANADA :
LES PEUPLES AUTOCHTONES ET LEUR RELATION AVEC LA TERRE
PRONONCÉE PAR M. ROBERT WATTS,
SOUS-MINISTRE ADJOINT,
MINISTÈRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADA
GOUVERNEMENT DU CANADA
GENÈVE, LE 29 JUILLET 1999
Merci madame la Présidente.
J'ai maintenant le
plaisir de présenter la déclaration du Canada au sujet des
peuples autochtones et de la relation qu'ils entretiennent avec la terre.
Je vous exposerai aussi quelques-uns des changements qui ont été
apportés à la façon dont les questions relatives
aux terres et aux ressources ont été traitées au
Canada.
La terre revêt
une signification bien particulière pour les peuples autochtones
de tous les coins du monde, et les Autochtones du Canada n'y font pas
exception. L'accès aux terres et aux ressources naturelles peut
aider les peuples autochtones à obtenir une assise et des possibilités
économiques viables menant à une autosuffisance accrue.
Les précisions concernant le pouvoir exercé sur les terres
et les ressources procurent également la certitude quant à
leur exploitation et permettent une plus grande stabilité politique.
De telles conditions établissent un fondement propice à
une saine gestion, à une économie forte et au respect des
droits de la personne. Le défi consiste souvent à déterminer
la façon d'atteindre un juste équilibre entre, d'une part,
l'accès aux terres et aux ressources qui est accordé aux
Autochtones et, d'autre part, les autres revendications.
Depuis la Proclamation
royale de 1763, une politique établie dans ce qui est devenu aujourd'hui
le Canada confie au gouvernement la responsabilité de traiter avec
les Autochtones au sujet des questions relatives aux terres et aux ressources.
Au cours des premières décennies de la confédération
canadienne, une série de traités ont été signés
par la Couronne et par les groupes autochtones. En vertu de ces traités,
des terres étaient réservées pour les Indiens. De
plus, ces traités autorisaient la chasse, la pêche ainsi
que le piégeage sur les terres inoccupées de la Couronne
et accordaient également d' autres droits et avantages. Les traités
représentent donc des composantes essentielles de la relation qui
existe entre la Couronne et les Premières nations.
Bien que bon nombre
des engagements stipulés dans ces ententes aient été
respectés, certaines préoccupations ont été
exprimées à l'effet que la part que devait accomplir le
gouvernement dans cette relation n'a pas toujours été entièrement
acquittée. En 1973, le Canada a présenté un processus
sur les revendications particulières en prévision des situations
où le gouvernement n 'avait pas rempli les obligations énoncées
dans les traités, dans la Loi sur les Indiens ou dans toute
autre entente. Plus de 200 revendications particulières ou
revendications fondées sur des droits fonciers issus de traités
ont été réglées et, parmi celles-ci, plusieurs
portaient sur des questions relatives aux terres et aux ressources. Par
exemple, en mai 1997, l'Entente cadre du Manitoba sur les droits fonciers
issus des traités a été signée par 19 Premières
nations, par le Canada et par le Manitoba. Cette entente prévoyait
le transfert de 4 454 kilomètres carrés de terres aux
réserves des 19 Premières nations. Une bonne partie de ces
terres appartenaient à la Couronne provinciale, et le reste devait
être acheté des propriétaires de terres privées
à l'aide des fonds prévus par l'Entente.
En vertu de l'accord
sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, nous
avons alloué aux réserves actuelles quelque 1,9 million
d'acres supplémentaires, ce qui représente plus du double
de la superficie totale des terres de réserve de la province.
Madame la Présidente,
en 1973, le gouvernement du Canada a également fait connaître
sa politique sur les revendications territoriales globales. Cette politique
suppose des négociations avec les groupes autochtones dans les
régions où les revendications portant sur des titres ancestraux
n'ont pas été réglées par l'entremise de traités
ou d'autres moyens légaux. Les ententes sur les revendications
globales sont des traités modernes qui stipulent que les peuples
autochtones sont propriétaires de superficies définies de
terres et qui prévoient aussi des composantes financières
permettant d'améliorer les conditions des collectivités,
de construire l'infrastructure et d'investir dans des initiatives de développement
économique. Ces ententes apportent également des précisions
sur la question de la propriété des terres et des ressources,
et protègent de façon durable les intérêts
fonciers traditionnels des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne
la chasse, la pêche et le piégeage, par l'intermédiaire
d'offices de cogestion de la faune.
Le règlement
des revendications globales aide à créer un environnement
économique stable et propice aux projets de développement
économique, projets qui se traduisent par la création d'emplois,
par des possibilités d'affaires et par l'attribution de revenus
tant pour les Autochtones que pour les non-Autochtones. Les ententes de
règlement dans le Nord canadien ont notamment permis d'ouvrir de
vastes terres à l'exploration et à l'exploitation minières.
En retour, les entreprises minières ont parfois n égocié
des ententes sur les répercussions et les avantages avec les collectivités
autochtones avoisinantes. De telles ententes peuvent comporter des engagements
à offrir des emplois, des possibilités d'affaires, de la
formation, des bourses d'études ainsi que des indemnisations financières
annuelles tant et aussi longtemps que la mine est en exploitation. Une
récente étude effectuée en Colombie-Britannique a
confirmé que les Autochtones n' étaient pas les seuls à
bénéficier du règlement des revendications globales.
Dans plusieurs cas, les ententes de règlement sont à l'origine
de partenariats plus forts entre les sociétés autochtones
et non autochtones, et ont ouvert la voie à des initiatives économiques
conjointes.
Dans le Nord québécois
et d'un bout à l'autre du Nord canadien, 13 revendications globales
ont maintenant été réglées, dont la plupart
au cours des dix dernières années. Des progrès ont
également été réalisés dans les négociations
au Labrador et en Colombie-Britannique.
Étant donné
les nombreuses revendications en Colombie-Britannique, la Commission des
traités de la Colombie-Britannique a été établie
en 1993 en vue de faciliter et de surveiller les négociations de
traités, et d'allouer des fonds de négociation aux groupes
autochtones de la province. Sous la présidence de Miles Richardson,
de la nation haida, la Commission a annoncé que 50 dossiers
étaient prêts pour la négociation et que des ententes
cadres ont été signées avec 38 Premières
nations. Au printemps dernier, une entente de principe a été
paraphée dans le cadre des négociations du traité
avec les Sechelts.
L'Accord définitif
Nisga'a constituera la première revendication globale à
être réglée en Colombie-Britannique. Il a été
paraphé par les Nisga'as et par les gouvernements de la
Colombie-Britannique et du Canada en août 1998. Le traité
a ensuite été ratifié par les Nisga'as en
novembre 1998 et par l 'assemblée législative provinciale
en avril 1999. En mai dernier, le gouvernement du Canada a signé
l'Accord définitif Nisga'a aux fins d'étude par le
Parlement.
Le règlement
avec les Nisga'as est également le premier traité
au Canada à porter à la fois sur les revendications territoriales
et sur l'autonomie gouvernementale. Il réserve une superficie d'environ
2 000 kilomètres carré s de la vallée de
la rivière Nass à titre de terres des Nisga'as et
établit un gouvernement central nisga'a, dont la compétence
porte sur des questions de régie interne et inhérentes à
la culture nisga'a. Les Nisga'as seront propriétaires
des droits de surface et des droits souterrains sur leurs terres, et pourront
recevoir une part des stocks de saumon de la rivière Nass ainsi
qu'une part des récoltes de la faune de la région de la
Nass. Le traité prévoit aussi un transfert financier aux
Nisga'as de l'ordre de 190 millions de dollars payables sur 15 ans.
Ces fonds favoriseront le développement économique tant
au sein de la Première nation des Nisga'as que dans les
collectivité s avoisinantes.
La création
du Nunavut constitue un exemple de règlement de revendications
globales auquel ont participé les Inuits de l'Arctique de l'Est
et qui a donné lieu à l'établissement d'un gouvernement
populaire dans le Nord. En 1993, une entente de règlement sur les
revendications globales était signée avec la Fédération
Tungavik du Nunavut. Cette entente prévoyait les dispositions pour
l'établissement d' un nouveau territoire : le Nunavut.
Le Nunavut a vu le
jour en avril dernier. Il occupe le cinquième de la masse territoriale
du Canada. Quelque 85 p. 100 de ses 25 000 résidants sont des Inuits.
Parce qu'ils représentent une forte majorité de la population
du nouveau territoire, les Inuits seront en mesure de façonner
un régime d'exercice des pouvoirs plus réceptif et plus
adapté à leur culture et à leurs traditions, à
leurs besoins et à leurs aspirations, tout en travaillant dans
le cadre d'un régime de gouvernement populaire semblable à
celui des deux autres gouvernements territoriaux du Canada.
Le Nunavut jouit d'un
vaste potentiel de création de richesses et d'emplois. Le territoire
regorge d'importantes ressources, notamment de cuivre, d'or, d'argent,
de plomb, de zinc et de diamants, ainsi que de vastes territoires de chasse
et de pêche. Le tourisme s'y révèle une industrie
prometteuse. Le gouvernement territorial aura une forte influence sur
la façon dont ces ressources seront exploitées.
Madame la Présidente,
le gouvernement du Canada et les peuples autochtones ont travaillé
à restaurer un partenariat fondé sur la confiance mutuelle.
À cet égard, la plupart des progrès réalisés
par le gouvernement sont issus en grande partie de notre engagement envers
le nouveau plan d' action Rassembler nos forces. Il s'agit d'un
plan intégré qui s'applique à l'échelle du
gouvernement tout entier. Il vise à relever les grands défis
auxquels sont confrontés les Autochtones en procurant les outils
et les ressources nécessaires pour appuyer les efforts des Autochtones
de sorte que les collectivités puissent progresser vers l'autosuffisance.
Nous avons déjà exposé certaines des grandes lignes
de Rassembler nos forces lorsque nous avons passé en revue
les progrès réalisés jusqu'à maintenant. J'ai
alors fait remarquer la façon dont il définit de nouveaux
paramètres stratégiques pour traiter les questions autochtones,
quelle qu'en soit leur nature. J'aimerais maintenant attirer votre attention
sur certains aspects qui concernent particulièrement les terres
et les ressources.
Prenons l'exemple
de la Loi sur les Indiens, qui confère au ministre des Affaires
indiennes et du Nord canadien de larges pouvoirs de gestion des terres
et des ressources dans les réserves indiennes. D'ailleurs, même
les initiatives les plus courantes en cette matière exigeaient
l'approbation ministérielle. Toutefois, au cours des dernières
années, de nombreux efforts ont été déployés
pour soustraire les Premières nations à la Loi sur les
Indiens. Les négociations concernant l'autonomie gouvernementale
en constituent un exemple concret.
Le 17 juin 1999, le
Parlement du Canada a adopté la Loi sur la gestion des terres
des premières nations, qui ratifie une entente cadre signée
par 14 Premières nations. Elle soustrait ces dernières au
régime d'administration foncière de la Loi sur les Indiens
et leur accorde le pouvoir de gérer leurs terres. En vertu de cette
loi et de l'entente cadre, les Premières nations signataires établiront
leur propre code foncier, qui stipulera les modalités précises
du nouveau régime de gestion des terres pour chacune des Premières
nations. Les codes fonciers doivent être ratifiés par les
collectivités des Premières nations auxquelles ils s'appliquent.
Le code et le processus de ratification peuvent être définis
sur mesure et doivent être suffisamment souples pour répondre
aux besoins particuliers de chaque Première nation. Parallèlement,
la Loi et l'entente cadre prévoient certains critères de
base ainsi que le respect de la Charte canadienne des droits et libertés.
Cela démontre que l'approche canadienne à l'endroit des
questions liées aux terres et aux ressources n'impose pas de solution
universelle, mais habilite les Autochtones à trouver les solutions
adaptées à leur propre culture et à leurs propres
besoins. Des exemplaires de la Loi sur la gestion des terres des premières
nations sont mis à votre disposition.
J'ai abordé
les traités historiques, les processus sur les revendications,
le traité des Nisga'as, le Nunavut et la Loi sur la gestion
des terres des premières nations. Il s' agit là d'exemples
d'accords officiels concernant des droits légaux ou des ententes
législatives. Il existe aussi un éventail d'autres possibilités
qui s'inspirent de l'intérêt commun de l'industrie, des gouvernements
ainsi que des organisations et des collectivités autochtones à
trouver des mesures concrètes aux problèmes concernant les
terres et les ressources.
Au nombre des programmes
de développement économique liés aux ressources figurent
les ententes de cogestion conclues entre les entreprises forestières
et minières et les groupes autochtones. Ces ententes prévoient
le recrutement et la formation des employés ou encore l'achat de
fournitures auprès d'entreprises autochtones. On peut aussi mentionner
les ententes conclues avec les compagnies forestières et les gouvernements
provinciaux ou territoriaux par lesquelles les Premières nations
procèdent à l'exploitation forestière et participent
aux travaux de sylviculture ainsi qu'aux activités de pré
vention des incendies. Les collectivités autochtones sont incitées
à édifier des partenariats avec les organisations non gouvernementales.
Voici quelques exemples de démarches effectuées dans ce
sens.
- En 1998, la Stratégie
d' approvisionnement auprès des entreprises autochtones avait
pour objectif de conclure des marchés d'une valeur de 80 millions
de dollars entre le gouvernement du Canada et les entreprises autochtones.
- Le Fonds pour la
création de possibilités économiques et l'initiative
pour l'acquisition des ressources contribueront au démarrage
ou à l'expansion de nouvelles entreprises et généreront
des investissements commerciaux.
- Au moyen du Programme
de négociation de l'accès aux ressources, qui a obtenu
en 1998-1999 un financement de l'ordre de 4,8 millions de dollars, le
gouvernement du Canada encourage les Premières nations à
négocier des ententes liées aux ressources. Le Programme
permet notamment aux institutions des Premières nations de perfectionner
leur capacité de gestion forestière et de participer à
des entreprises du secteur forestier grâce au programme de foresterie
des Premières nations.
- L'Initiative conjointe
sur l'élaboration de politiques, mise en oeuvre par l'Assemblée
des Premières Nations et les Services fonciers et fiduciaires
du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, vise
à permettre aux membres des Premières nations d'exercer
plus de pouvoirs sur leurs terres et leurs ressources. Cette initiative
s'inspire de deux principes fondamentaux et profonds : le processus
doit être régi par les Premières nations, et la
relation fiduciaire établie ainsi que les droits autochtones
issus des traités doivent être respectés. Le gouvernement
sollicite dès le départ la contribution des Premières
nations pour s'assurer que les politiques élaborées sont
à la fois pertinentes et applicables.
- Quatre sociétés
de développement inuites sont devenues actionnaires de la Pan
Arctic Logistic Corporation. Cette organisation offre de la formation
et des possibilités d'emplois aux Inuits, stimulant ainsi la
croissance et le développement économiques.
- L'accès
à la formation et aux possibilités d'affaires a également
été accru par la création du Conseil de perfectionnement
des ressources humaines. Le Conseil réunit les gouvernements
fédéraux et provinciaux ainsi que les représentants
du secteur privé et des organisations autochtones nationales.
Nous participons
à des processus continus en vue de traiter plus efficacement les
questions en litige concernant les terres et les traités. En voici
quelques exemples:
- Des discussions
préparatoires en matière de traité ont été
amorcées dans certaines parties du Canada. Le gouvernement du
Canada et la fédération des nations indiennes de la Saskatchewan,
aidés par le commissaire aux traités pour la Saskatchewan,
ont entrepris d'examiner de nouveau la question des traités.
Ces discussions font l'objet du rapport intitulé Les traités
en tant que pont vers l'avenir, et des exemplaires sont aujourd'hui
disponibles. La fédération des nations indiennes de la
Saskatchewan et le gouvernement du Canada ont confirmé les ententes
mutuelles énonc ées dans le rapport et ont convenu de
poursuivre les discussions qui viennent appuyer les négociations
portant sur l'exercice des pouvoirs, la compétence et les accords
fiscaux entre le gouvernement du Canada, la Saskatchewan et les Premières
nations.
- Un groupe de travail
mixte, formé par l'Assemblée des Premières Nations
et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, a
émis des recommandations au sujet de la création d'un
organisme indépendant chargé des revendications. L'objectif
de l'organisme consisterait à améliorer l'efficacité
du processus sur les revendications particulières. Nous étudions
actuellement la façon de mettre en oeuvre un tel projet.
- L'Assemblée
des Premières Nations et le Canada ont mis sur pied un comité
technique conjoint. Ce comité est chargé d'évaluer
l'incidence qu'a eue la décision rendue dans la cause Delgamuukw
sur les processus actuels et de partager les différents points
de vue à ce sujet.
Le gouvernement du
Canada a déclaré que ses traités historiques et modernes
continueront de reposer sur une relation entre les Autochtones et la Couronne.
Cette façon de faire est conforme à notre Constitution et
à l'orientation adoptée par les plus hautes cours, qui reconnaissent
l'existence des droits des Autochtones et qui privilégient la négociation
comme moyen de donner un sens à ces droits dans un contexte moderne.
Bien que des progrès
aient été réalisés, plusieurs défis
subsistent. Nous devons continuer à résoudre les griefs
de longue date des Autochtones et mettre un terme au cycle de dépendance
et de pauvreté qui a souvent résulté de notre passé
commun. Rassembler nos forces sert de point de départ pour
édifier le partenariat et pour apporter des changements afin que
les Autochtones puissent renforcer les collectivités et les économies.
Je vous remercie madame
la Présidente.
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