Coat of Arms Office of the Auditor General of Canada - Bureau du vérificateur général du Canada
Skip all menusSkip first menu English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
À propos du Bureau Publications Salle des médias Carte du site Accueil
Bureau du vérificateur général du Canada
B V G
Quoi de neuf?
Mandat
Rapports aux assemblées législatives du Nord
Perspectives d'emploi
Carrières
Inscription des experts-conseils
Commentaires sur le site

La réforme de la gestion de la fonction publique : progrès, échecs et défis

Contenu de cette publication

Le premier document est intitulé : La réforme de la gestion de la fonction publique : progrès, échecs et défis. John Holmes, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada.

Suivent des documents qui ont été préparés à la demande de notre bureau :

Dans le présent rapport, le genre masculin est utilisé sans aucune discrimination et uniquement dans le but d'alléger le texte.

Avant-propos

Quand je suis entré en fonction au début de 1991, une vaste réforme de la gestion de la fonction publique, Fonction publique 2000 (FP 2000), avait été entreprise. Elle visait à rationaliser et à moderniser divers aspects de l'administration publique, y compris le mode de gestion des fonctionnaires. Je croyais que cette réforme était porteuse de meilleurs résultats pour les programmes gouvernementaux et la reddition de comptes au Parlement. Comme le gouvernement est tributaire de la qualité de la fonction publique, je considérais que cette réforme était essentielle. Favoriser les changements nécessaires dans la fonction publique est devenu une priorité pour mon Bureau. Au milieu de la décennie, FP 2000 a été intégrée à des réformes plus vastes du gouvernement. Plus tard, le gouvernement a lancé une nouvelle initiative de gestion des ressources humaines, La Relève, dans le contexte des efforts visant à moderniser la prestation des services et à améliorer la capacité d'élaboration des politiques de la fonction publique.

Le Bureau a entrepris cette étude, La réforme de la gestion de la fonction publique : progrès, échecs et défis, dans le contexte des travaux qu'il poursuit afin de susciter une amélioration du rendement. Elle fournit une vaste évaluation des progrès réalisés par rapport aux principaux thèmes et objectifs des réformes de la gestion de la fonction publique menées au cours des années 1990, notre perspective sur les défis auxquels le gouvernement est confronté et notre point de vue sur les conditions préalables à la réussite des réformes. J'espère que ceux qui dirigent les réformes actuelles et qui dirigeront les réformes à venir et ceux qui sont en mesure de faciliter et de promouvoir les changements nécessaires examineront attentivement les messages que nous livrons.

Pour exécuter cette étude, nous avons commandé plusieurs rapports. Nous avons demandé à John Edwards, l'ancien gestionnaire de FP 2000, de faire le point sur les résultats de cette initiative. Nous avons également demandé au professeur Peter Aucoin, expert canadien de renom en sciences politiques et en administration publique, et à Ian D. Clark, secrétaire du Conseil du Trésor et contrôleur général du Canada au cours des années de FP 2000, de livrer leurs points de vue personnels sur les réformes. Combinés aux travaux réalisés par le Bureau sur La Relève, ces documents ont servi de point de départ à des discussions menées avec d'ex-hauts fonctionnaires et de hauts fonctionnaires en fonction et d'autres personnes bien informées lors d'un symposium organisé par le Bureau, en septembre 2000. Ces discussions ont permis d'élaborer les vues que nous exprimons dans le présent rapport. Nous pensons que les perspectives de MM. Edwards, Aucoin et Clark susciteront un vif intérêt, et nous les avons incluses dans cette publication.

J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier, en mon nom et en celui de John W. Holmes, le directeur principal responsable de l'étude au Bureau, tous ceux qui ont contribué à nos travaux. Je veux remercier tout particulièrement MM. Edwards, Aucoin et Clark, qui nous ont fourni une aide et des conseils précieux pour notre publication.

Le vérificateur général du Canada,




L. Denis Desautels, FCA

Introduction

Au début des années 1990, le gouvernement a entrepris une importante réforme de la gestion - Fonction publique 2000 (FP 2000). À l'époque, le régime administratif prescrit par l'administration centrale - trop complexe, coûteux, chronophage et rigide - suscitait un sentiment de frustration dans les rangs de la direction de la fonction publique. Les cadres supérieurs étaient d'avis que les compressions budgétaires qui ont touché la fonction publique pendant toutes les années 1980 se poursuivraient, obligeant les fonctionnaires à faire plus avec moins. Pour relever ces défis, FP 2000 avait pour objectifs de rationaliser considérablement les systèmes et les procédés, et de moderniser les pratiques de gestion, y compris celles qui présidaient au mode de gestion des employés de la fonction publique.

La tâche ne se limitait pas à dissiper la frustration des gestionnaires et à rendre la fonction publique plus efficace et productive. Dans un Livre blanc1, le gouvernement a reconnu la rapidité avec laquelle les changements se succédaient au sein de la fonction publique et la nécessité, déjà connue, d'en moderniser les composantes. Le document a fait état du besoin d'abandonner l'orientation dictée par les procédés et l'aversion pour le risque, au profit de l'innovation, de la qualité des services et des résultats. On visait ainsi à mettre en place une organisation davantage décentralisée et plus axée sur l'utilisation et le perfectionnement des compétences et du potentiel de sa main-d'oeuvre. En faisant mieux correspondre le pouvoir à la responsabilité, et en disposant d'une souplesse accrue pour gérer les ministères et organismes, on pouvait s'attendre à de meilleurs résultats et à une responsabilisation plus explicite.

Dans les Rapports du vérificateur général déposés au Parlement et à diverses occasions, notre bureau a appuyé fermement l'orientation des transformations proposées par FP 2000. Nous avions préconisé des modifications au mode de gestion des fonctionnaires ainsi que d'autres réformes visant à améliorer le rendement. Les objectifs et les principes avoués de cette initiative étaient généralement conformes à nos points de vue sur les bonnes pratiques de gestion. Pour nous, les mesures de réforme présentaient la possibilité de tirer de meilleurs résultats des programmes gouvernementaux et d'assurer une responsabilisation accrue envers le Parlement. En fait, nous prétendions qu'une fonction publique performante était essentielle au bien-être de la nation et qu'il était donc impérieux que les mesures de réforme soient fructueuses.

FP 2000 : instituer une nouvelle philosophie de gestion

Dix groupes de travail, dirigés par des sous-ministres, se sont mis à l'oeuvre : sept d'entre eux se sont essentiellement occupés des systèmes et des pratiques de gestion des ressources humaines; deux ont examiné diverses questions d'ordre administratif et un s'est penché sur le service au public (voir la pièce 1). Plus de 300 recommandations des groupes de travail ont abouti à la préparation d'un Livre blanc, paru en décembre 1990, dans lequel étaient présentées les transformations envisagées - dans les systèmes, les lois, la philosophie de gestion et le style de leadership. D'après le greffier du Conseil privé, 10 p. 100 des modifications seraient d'ordre législatif, 20 p. 100 porteraient sur les systèmes tandis que 70 p. 100 consisteraient à transformer les mentalités et les pratiques2.

Pièce 1

Groupes de travail de FP 2000

Le système de classification et la structure des groupes professionnels  

La formation et le perfectionnement

La rémunération et les avantages sociaux

L'adaptation de la main-d'oeuvre

La catégorie de gestion

Les politiques administratives et le rôle des organismes de services communs

Les relations de travail

La gestion des ressources et les contrôles budgétaires

La dotation

Le service au public

 

Le Livre blanc sur FP 2000 présentait une nouvelle philosophie de gestion dont les principes sont l'innovation, le service au public, les personnes et l'obligation de rendre compte (il en est question dans l'annexe au présent rapport).

Le Livre blanc faisait de l'amélioration du service offert au Canada et aux Canadiens l'idée maîtresse de FP 2000. Il insistait sur le fait que l'argent économisé en simplifiant la gestion et l'administration des ressources pourrait servir à améliorer la prestation des services. De plus, un service amélioré passerait par de nouveaux modes d'interaction avec les Canadiens - par exemple des consultations plus efficaces auprès des intervenants, et la création de partenariats avec d'autres niveaux de gouvernement et d'autres secteurs de la société. Étant donné que la majorité des services sont fournis dans les régions où la plupart des fonctionnaires travaillent, les pouvoirs élargis qui seraient consentis aux ministères devraient être délégués, dans toute la mesure du possible, aux régions et aux paliers de gestion les plus proches des points de service.

La décentralisation et la délégation accrue de pouvoirs établiraient un nouvel équilibre entre la nécessité d'exercer un contrôle et le désir d'offrir un service adapté aux besoins, efficace et efficient. Pour ce faire, une gestion et un perfectionnement plus systématiques des fonctionnaires, et l'insistance sur la responsabilisation individuelle, ou personnelle, s'imposaient. Les sous-ministres ainsi que les gestionnaires et les superviseurs de la fonction publique seraient plus explicitement comptables de l'exercice de leurs pouvoirs, de la gestion et du perfectionnement de leurs employés, et des résultats obtenus.

Pour mettre en place le genre de fonction publique envisagé dans FP 2000, il ne suffirait pas d'adopter des pratiques de gestion du personnel différentes; une transformation radicale des mentalités s'imposait. On était d'avis que des fonctionnaires habilités pouvaient mieux servir le Canada et les Canadiens. L'objectif, comme l'a dit le premier ministre lorsqu'il a annoncé l'initiative, consistait à favoriser la mise en place d'une fonction publique qui reconnaît que les employés sont ses ressources les plus précieuses et qu'il faut les perfectionner3. La fonction publique devait adopter une culture d'apprentissage continu, et insister davantage à la fois sur la formation et le perfectionnement des fonctionnaires et sur la planification de carrière et la mobilité. On reconnaissait, dans les propositions de réforme, que les employés avaient un rôle clé à jouer en ce qui a trait à la réalisation des objectifs de l'organisme visé, et qu'un milieu de travail plus dynamique et créatif pouvait attirer et maintenir en poste les personnes les plus compétentes, qui étaient aussi l'objet d'une demande croissante de la part des autres employeurs.

Les changements essentiels envisagés en vue d'instaurer la nouvelle culture organisationnelle exigeaient un processus de réforme à long terme (l'appellation FP 2000 indiquait qu'il s'étalerait sans doute sur dix ans). Il s'agirait aussi d'un processus dynamique : le Livre blanc reconnaissait les défis posés par certains aspects des réformes (par exemple, mettre en place une culture propice à l'apprentissage continu) mais ne donnait pas beaucoup d'orientations à cet égard. Les enseignements tirés de l'expérience et la transformation des mentalités devaient entraîner d'autres réformes.

La Relève : une initiative de gestion des ressources humaines

Pendant les années 1990, le gouvernement fédéral a dû faire des choix difficiles, car il était aux prises avec de sérieux problèmes financiers. La situation financière du Canada a continué de se détériorer jusqu'au dépôt du Budget fédéral de 1995, qui fait date dans l'histoire du pays. Avant le dépôt de ce budget, le gouvernement avait entrepris un vaste examen de ses rôles et responsabilités. L'initiative que l'on a appelée Repenser le rôle de l'État, y compris l'Examen des programmes, a éliminé ou modifié considérablement de nombreux programmes et services fédéraux, et abouti à la réduction des effectifs de la fonction publique, qui s'est étalée de 1995 à 1998-1999, et a éclipsé tout ce qui avait été fait auparavant. Ces mesures ont fait naître des tensions considérables au sein de la fonction publique.

Dans le sillage de l'Examen des programmes, plusieurs groupes de travail dirigés par des sous-ministres ont été mis sur pied pour examiner des questions qui dicteraient les mesures d'amélioration de la gestion pour les prochaines années. Les priorités générales devaient porter sur le renforcement de la capacité d'élaboration des politiques de la fonction publique et la modernisation des modes de prestation des services. Toutefois, ces améliorations dépendraient dans une large mesure de la présence d'une main-d'oeuvre hautement spécialisée et productive, à une époque où la fonction publique faisait face à l'éventualité d'une crise du leadership (voir la pièce 2) et à un malaise croissant au sein des effectifs. Tel est le contexte qui a fait naître l'initiative connue sous le nom de La Relève. En axant la priorité sur les préoccupations liées au leadership, La Relève, comme FP 2000 dans une large mesure, visait à « créer un milieu de travail où les gens se sentent valorisés et reconnus, où ils ont l'occasion de se perfectionner et où sont mises en application les valeurs fondamentales de la fonction publique »4.

Pièce 2

Préoccupations au sujet de la capacité de leadership

  • Soixante-dix pour cent des cadres de direction pourraient prendre leur retraite d'ici [2008], et les « groupes de relève » traditionnels présentaient des profils d'âge semblables.
  • Chez le personnel de niveau supérieur et pour d'autres employés possédant certaines compétences, le problème du maintien en poste découlait du gel prolongé des salaires, des années de réduction des effectifs et du manque de mobilité ascendante, à quoi s'ajoutait une concurrence accrue de la part des employeurs du secteur privé.
  • Le perfectionnement du personnel laissait à désirer alors que la fonction publique assistait aux départs des chefs et d'autres professionnels extrêmement compétents, et que de nouvelles approches concernant la prestation des services et la complexité croissante du travail d'élaboration des politiques exigeaient une expérience de plus en plus grande.

 

La situation exigeait visiblement « un parti pris pour l'action ». Il ne devait y avoir aucun plan directeur. Chaque ministère devait agir en ayant « une bonne idée de ses propres ressources humaines, de ses gens, des points forts et des faiblesses de son organisation, de ses besoins futurs et de la façon dont il s'y [prendrait] pour y répondre le mieux possible »5. Notamment, La Relève ne visait pas à apporter des changements d'ordre législatif ou structurel, mais bien à déterminer ce qui pouvait être fait dans les limites du cadre existant. Les objectifs impérieux de La Relève étaient les suivants :

  • moderniser la gestion des ressources humaines, en s'attaquant en particulier aux défis consistant à « amener les dirigeants de la fonction publique à intégrer la gestion des ressources humaines à la gestion d'ensemble »;
  • relever le défi posé par l'évolution démographique;
  • favoriser la mise en place d'une fonction publique engagée à servir les Canadiens et leurs représentants élus;
  • créer un milieu de travail où les employés ont la possibilité de mettre à profit leurs habiletés les meilleures;
  • soutenir l'apprentissage et le perfectionnement;
  • former des dirigeants qui soient une source d'inspiration pour les employés de tous les niveaux.

Objet et étendue de l'étude

FP 2000 et La Relève ne sont pas les deux seules initiatives importantes visant la réforme de la fonction publique dans les années 1990. En effet, d'autres initiatives menées en parallèle avaient pour objectifs d'accroître l'efficience et l'efficacité de l'administration des affaires publiques, et de renforcer la responsabilisation envers le Parlement. Toutefois, notre étude n'a porté que sur FP 2000 et La Relève, et sur les efforts déployés pour y donner suite. Nous avions pour but d'évaluer les progrès accomplis à l'égard des principaux thèmes et objectifs des deux initiatives; de fournir un point de vue sur les défis auxquels les dirigeants du gouvernement et de la fonction publique font maintenant face quant à la mise en oeuvre des transformations qui s'imposent; et d'exprimer notre opinion sur les conditions nécessaires à leur réussite. Le Bureau a effectué d'autres études et vérifications qui ont porté plus précisément sur des aspects donnés des diverses réformes comme la réduction des effectifs de la fonction publique, la qualité du service, la mesure du rendement et la communication de l'information au Parlement. Nous faisons allusion à certaines d'entre elles dans le présent document.

Nous mentionnons à plusieurs reprises les pratiques de gestion et les réformes entreprises par d'autres administrations publiques. Nous n'avons nullement tenté de les évaluer et, en y faisant allusion, notre intention n'était pas d'en commenter la performance relative.

Résultats des efforts déployés pour réformer la gestion au cours de la décennie

Notre évaluation des efforts déployés au profit de la réforme de la fonction publique au cours des dix dernières années a révélé des progrès à plusieurs égards. Mais nous sommes en même temps très préoccupés par le manque d'attention accordée à certains aspects du cadre de gestion proposé par FP 2000. Qui plus est, le peu de progrès accomplis au chapitre de la réforme de la gestion des ressources humaines est une grande déception.

Des progrès ont été accomplis

De nombreuses recommandations de FP 2000 ont été mises en oeuvre

Plusieurs mesures ont été instaurées pour donner aux gestionnaires une plus grande latitude aux fins de la répartition de leurs budgets. Les contrôles exercés par l'administration centrale dans certains domaines ont été rationalisés (les ministères ont livré plus de 10 000 présentations au Conseil du Trésor en 1990, contre environ 1 300 en 1999). Les ministères ont été investis de pouvoirs accrus en ce qui a trait aux achats, et certains services centraux auxquels ils avaient dû recourir (par exemple, les services du Bureau de la traduction) sont devenus facultatifs. Les organismes de services communs ont modifié leur orientation, pour délaisser le contrôle au profit de la prestation des services aux ministères. En général, les gestionnaires ne souhaitent l'abandon d'aucune mesure particulière de FP 2000, ce qui laisse à penser que dans l'ensemble, les recommandations étaient valables.

Le service au public a été quelque peu amélioré, mais il reste encore beaucoup à faire

L'insistance sur le service au public figure au rang des résultats encourageants. Par exemple, plusieurs services offrent maintenant l'approche du guichet unique, certains conjointement avec des services provinciaux, et il est maintenant plus courant de consulter les clients au moyen de sondages notamment. Toutefois, bien que notre vérification de la qualité des services effectuée en avril 2000 ait révélé que certains services avaient été améliorés et que des mesures avaient été prises pour donner suite à toutes les recommandations que nous avons faites en 1996, les progrès ont été inégaux et aucune de nos recommandations n'a été pleinement mise en oeuvre (Rapport du vérificateur général du Canada, chapitre 1, paragr. 1.134 et 1.141).

De façon générale, on accepte l'idée de mettre davantage l'accent sur les résultats, mais l'utilisation de l'information sur les résultats laisse encore à désirer

Les efforts déployés pour se détacher des procédés afin de mettre davantage l'accent sur les résultats remontent au moins au milieu des années 1980. FP 2000 et des initiatives plus récentes ont renforcé ces efforts; l'accent mis sur les résultats6 est un aspect essentiel du programme et du cadre de gestion actuels du gouvernement. Il a fallu du temps, une bonne partie des années 1990, et un effort conjugué de la part du gouvernement pour faire accepter l'idée que la gestion axée sur les résultats est un élément clé de la gestion au sein du gouvernement. C'est une réalisation importante. C'est peut-être parce que l'acceptation a été lente à se faire, mais nos vérifications récentes7 ont révélé des résultats décevants, ces dernières années, en ce qui touche la mesure des résultats, l'utilisation de l'information pour améliorer les programmes et les services, et la communication de l'information au Parlement. Des efforts importants doivent se poursuivre pour en arriver au point où l'utilisation de l'information sur les résultats sera systématique au sein du gouvernement.

On met davantage l'accent sur la fonction d'élaboration des politiques, mais il faut encore travailler pour renforcer la capacité d'élaboration des politiques

L'Examen des programmes et d'autres pressions et transformations qui s'exercent dans la fonction publique depuis le début des années 1990 ont mis en évidence la fonction d'élaboration des politiques. Mais cette période a également été marquée par une perte importante d'employés qualifiés et une diminution sensible de la mémoire institutionnelle. Une étude menée en 1996 a révélé que le personnel affecté à l'élaboration des politiques était toujours compétent, mais que certaines habiletés clés faisaient défaut et que l'on craignait des risques de pénurie à plus long terme. Les départs à la retraite prévus dans les rangs de la direction au cours des prochaines années ne seront pas sans conséquences. Tandis que FP 2000 a permis de saisir la nécessité d'entretenir la capacité d'élaboration des politiques de la fonction publique, les hauts fonctionnaires insistent davantage aujourd'hui sur la nécessité de la renforcer - sur la mise en place de réseaux de recherches stratégiques à l'échelle des organismes gouvernementaux et même au-delà, à l'échelle de la collectivité toute entière. Comme l'a dit un spécialiste en gestion publique, cette approche a renforcé l'idéal selon lequel la recherche constitue une fonction essentielle de la gestion publique8. Toutefois, il faut faire plus pour mieux intégrer le travail d'élaboration des politiques au niveau interministériel et renforcer la capacité de recherche. Un groupe de travail de sous-ministres mis sur pied en 1996 pour examiner des questions de politique horizontales a souligné la nécessité de transformer radicalement la culture, les procédés et les systèmes de la fonction publique pour faire en sorte que le travail d'élaboration des politiques vise l'intérêt public général et pas seulement les intérêts des clients et des intervenants directs du ministère.

Certains éléments du cadre de gestion demeurent une source de préoccupation

Mettre en place un cadre de contrôle valable au sein des ministères

Un objectif majeur de FP 2000 consistait à abandonner une culture liée à des règles et à des procédés, et à la remplacer par une culture laissant beaucoup de place à la créativité et à la prise de risques. Aujourd'hui, compte tenu de la concurrence, de l'insistance sur les résultats et de l'évolution rapide des conditions, il est très important que les fonctionnaires puissent et veuillent prendre des risques calculés et innover - pas seulement pour suivre le changement, mais aussi pour l'orienter et en influencer la trajectoire, et saisir les possibilités qu'apporte le changement. Cependant, l'innovation ne va pas sans la prudence lorsqu'il s'agit de dépenser l'argent des contribuables et s'accompagne d'un cadre de contrôles convenables. Comme nous l'avons souligné dans notre étude de 1992 sur le changement et le contrôle au sein du gouvernement fédéral (Rapport de 1992, chapitre 4), le contrôle fait partie intégrante de la réalisation des résultats.

Nos travaux ont révélé l'existence d'importants problèmes en matière de contrôle. Par exemple, la réduction des effectifs au cours des années 1990 a affaibli les fonctions de contrôle comme la vérification interne et l'évaluation des programmes. Nos récentes vérifications de programmes de subventions et de contributions (Rapport de 2000, chapitre 11; Rapport de 1999, chapitre 17) ont mis au jour d'autres facettes du problème. Elles ont permis de montrer que l'une des plus grandes difficultés, lorsqu'il s'agit de trouver un équilibre entre l'efficience, la souplesse et le contrôle, réside dans le jugement des fonctionnaires pour évaluer les risques et déterminer la façon dont ils devraient être gérés. Le personnel doit être au courant des contrôles qu'il convient d'effectuer et des normes minimales à respecter, et il doit les comprendre. Récemment, notre bureau a insisté sur la nécessité de préciser et de communiquer, à l'échelle de la fonction publique, un ensemble clair de règles de base qui laissent aussi place à une certaine latitude9, comme celles qui étaient proposées dans notre étude de 1992 (voir la pièce 3). Cette démarche aiderait à réduire au minimum les risques non souhaités sans entraver inutilement l'innovation.

Pièce 3

Quelques règles fondamentales pour la fonction publique

  • Ne rien faire d'illégal. Respecter l'esprit et la lettre de la loi et des règlements.
  • Agir dans le cadre des pouvoirs délégués.
  • Agir de manière à être politiquement neutre.
  • Agir de manière impartiale, honnête et équitable.
  • Ne pas gaspiller les fonds publics.
  • Protéger les biens.
  • Respecter les valeurs fondamentales de l'organisation.
  • Rendre les normes de service visibles.
  • Réaliser le potentiel de production de toutes les ressources placées sous son contrôle, particulièrement les personnes.
  • Ne pas prendre de décisions qui engagent d'importantes ressources publiques sans avoir obtenu l'autorisation appropriée.
  • Donner les raisons pour lesquelles les risques ont été acceptés.
  • Rendre compte des responsabilités assumées et de l'atteinte du rendement convenu.
  • Obtenir l'autorisation s'il faut se soustraire à une règle fondamentale.

 

Établir un équilibre entre la centralisation et la décentralisation

Pour mettre en place une fonction publique plus novatrice et davantage habilitée, il fallait réduire la gamme de contrôles exercés par les organismes centraux au début des années 1990. Le personnel des organismes centraux a dû délaisser la fonction de contrôle sur laquelle l'accent était mis depuis longtemps (et qui prenait souvent l'allure d'une microgestion des activités au sein des ministères) pour s'intéresser davantage à la stratégie et au service. Il fallait remplacer les règles et les procédures détaillées par des lignes directrices plus générales, laissant une marge discrétionnaire aux fonctionnaires; les organismes centraux pouvaient fournir un ensemble de normes de bonne gestion et des conseils sur les pratiques exemplaires, en s'appuyant moins sur des rapports ministériels détaillés et sur leurs propres vérifications des activités des ministères, et davantage sur les autoévaluations ministérielles du rendement.

Le Bureau a donné son appui à la visée de ces réformes. Pour composer avec le rythme rapide du changement et le besoin de souplesse, les fonctionnaires, dans les ministères et les régions, qui fournissent la plupart des services gouvernementaux doivent être investis des pouvoirs leur permettant de le faire. Les ministères et de nombreux organismes gouvernementaux sont suffisamment importants pour avoir les connaissances, les compétences et les systèmes nécessaires leur permettant de gérer convenablement une vaste gamme d'activités dans les limites d'un cadre général de contrôles essentiels. Tout en laissant généralement aux ministères la responsabilité de la gestion de leurs programmes et de leurs activités, les organismes centraux doivent surveiller le rendement et les principaux mécanismes de contrôle des ministères et veiller à ce qu'ils rendent des comptes. Il se pourrait qu'ils doivent assurer davantage de leadership, de suivi ou de soutien pour les secteurs à risques élevés comme la technologie de l'information, pour certains projets à l'échelle pangouvernementale, ou lorsqu'il s'agit de petits organismes.

Toutefois, il y a lieu de faire preuve de prudence lorsqu'on décentralise les pouvoirs, et certaines conditions doivent être remplies. Par exemple :

  • les ministères doivent être dotés des ressources nécessaires leur permettant d'accepter de nouvelles responsabilités;
  • la délégation de pouvoirs aux ministères doit avoir sa contrepartie au sein des ministères;
  • les mécanismes redditionnels doivent être convenables pour faire en sorte que la décentralisation n'ouvre pas la porte aux abus ou à d'autres problèmes;
  • les organismes centraux doivent être en mesure d'exercer un contrôle, au besoin, pour veiller à ce que les objectifs et les priorités du gouvernement soient respectés.

Notre vérification des programmes de subventions et de contributions (Rapport de 2000, chapitre 11) a montré les problèmes qui pouvaient surgir lorsque ces conditions de base ne sont pas établies. Entre autres choses, le Ministère vérifié n'était pas doté des contrôles et des mécanismes redditionnels convenables, et le Secrétariat du Conseil du Trésor ne possédait pas, sur la gestion de ces programmes, l'information qui lui aurait permis d'intervenir en temps opportun10.

En mars 2000, le gouvernement a publié Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes : Un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada. On y expose l'objectif poursuivi par le gouvernement : tendre vers un mécanisme de gestion axé sur le leadership et les valeurs, des normes bien définies et une saine gestion des risques - assortie des bons systèmes pour assurer un contrôle efficace. Le Secrétariat du Conseil du Trésor s'est engagé à exercer une « surveillance active » des ministères pour « se sensibiliser continuellement aux mesures prises pour assurer l'efficacité des systèmes de contrôle » et se tenir « prêt à intervenir [...] en cas de problème ». L'établissement de ce cadre de gestion par le Conseil du Trésor est encourageant, mais il reste encore beaucoup à faire avant qu'il ne soit bien en place. Certains représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor craignent toutefois que le Secrétariat ne dispose pas des compétences et des ressources nécessaires pour remplir le rôle qu'on lui réserve. Il convient de donner suite à ces préoccupations, et de s'assurer que le Secrétariat possède la capacité de surveiller efficacement les mécanismes de contrôle et le rendement des ministères. Il faut continuer à éviter la bureaucratie attachée à des règles. Toutefois, le Secrétariat doit redoubler ses efforts de surveillance pour veiller à ce que les ministères exécutent leurs programmes de façon efficace et efficiente, pour qu'un bon équilibre puisse être rétabli entre le contrôle de l'administration centrale et l'autonomie ministérielle.

Renforcer l'obligation de rendre compte du rendement et des résultats

Un principe clé de la philosophie de gestion préconisée par FP 2000 consistait en la nécessité de renforcer la responsabilisation des sous-ministres et des fonctionnaires quant au rendement et aux résultats. Des pouvoirs devaient être délégués aux ministères et au sein des ministères; en contrepartie, les sous-ministres et les gestionnaires seraient tenus de façon plus explicite de rendre compte de l'utilisation de l'autorité conférée (par exemple, pour ce qui a trait à la gestion de leur personnel) et des résultats obtenus. Le Livre blanc présentait des mesures qu'il fallait prendre au sein de la fonction publique pour combler des lacunes importantes dans la gestion du rendement, et soulignait qu'un bon nombre de ces mesures existaient déjà « plus ou moins ». Le problème décrit dans le Livre blanc tient au fait que de telles mesures sont « appliquées indifféremment dans l'état actuel des choses ». Par conséquent, il fallait accroître l'importance donnée à ces mesures, pour favoriser une transformation marquée de la philosophie de gestion de la fonction publique.

Nos travaux portent à croire que les efforts déployés au cours des dix dernières années pour renforcer l'obligation des sous-ministres et des gestionnaires de rendre des comptes n'ont pas, dans l'ensemble, apporté des résultats très impressionnants. Et avant qu'il n'existe des pratiques de responsabilisation satisfaisantes à l'échelle de la fonction publique, il faut ouvrir des voies nouvelles.

Le Livre blanc reconnaissait également que « la responsabilité véritable dans l'ensemble de la fonction publique [...] dépend très largement de la responsabilité des sous-ministres ». Au début des années 1990, le Secrétariat du Conseil du Trésor, avec l'appui du greffier du Conseil privé, a fait l'effort de mieux évaluer le rendement des ministères relativement à la façon dont ils abordaient leurs grandes questions de gestion. Ces évaluations contribueraient de façon plus utile à l'examen du rendement des sous-ministres. Toutefois, dès 1998, on a jugé que de nouveaux programmes de gestion du rendement des sous-ministres et des cadres de direction s'imposaient. Dans le rapport qu'il a publié en décembre 2000, le Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction (le Comité Strong) les présente comme un facteur essentiel à l'adoption d'une approche davantage axée sur les résultats11.

De nouveaux programmes ont été élaborés, lesquels sont mis en oeuvre à l'heure actuelle. Ils sous-tendent une nouvelle approche axée sur la rémunération conditionnelle et des critères améliorés aux fins de l'appréciation du rendement. (La pièce 4 présente un certain nombre des critères clés utilisés pour évaluer le rendement des sous-ministres en ce qui touche le leadership et la gestion du ministère). Un petit échantillon de programmes examinés par le Bureau du vérificateur général révèle qu'à ce stade précoce, ils aident à cibler l'attention sur les résultats. Reste à voir si cette initiative aura pour effet d'améliorer nettement l'appréciation du rendement et la reddition de compte des sous-ministres et des gestionnaires.

Pièce 4

Quelques critères clés régissant l'appréciation du rendement des sous-ministres liée à l'excellence dans le leadership et la gestion du ministère

  • Les priorités ministérielles annuelles et à plus long terme sont communiquées et mises en oeuvre efficacement au sein du ministère.
  • Les valeurs importantes et l'éthique de la fonction publique sont communiquées et respectées dans le cadre des mesures et des décisions en matière de leadership.
  • De solides cadres de responsabilisation, d'organisation, d'administration et de mesure du rendement sont en place au sein du ministère aux fins de l'exécution des plans et des stratégies du gouvernement.
  • Des plans et des stratégies de gestion des ressources humaines sont élaborés et mis en oeuvre pour assurer une main-d'oeuvre durable et la capacité des ressources organisationnelles d'aujourd'hui et de demain.
  • Un engagement à l'égard du perfectionnement, du mentorat et de l'enseignement efficaces, et de la gestion du rendement du personnel de direction du ministère en matière de leadership au sein du ministère, est manifesté.
  • Il existe un solide cadre de gestion des risques, au sein du ministère; les risques ont été évalués de façon minutieuse et des mesures ont été prises pour les atténuer.
  • Des examens et des vérifications internes et externes déterminent l'intégrité des programmes, et des plans d'action sont en place en vue d'apporter des améliorations.
  • La santé de l'organisation fait l'objet d'évaluations régulières, et des mesures sont prises pour apporter des améliorations.

 

Un régime de responsabilisation efficace est en effet la contrepartie d'une plus grande décentralisation et d'une plus grande délégation des pouvoirs, et un moyen de contrôle central selon la philosophie de gestion de FP 2000. La faiblesse des mécanismes redditionnels fait obstacle à la promotion de l'amélioration continue du rendement et à la mise en place d'une culture de l'apprentissage continu. De surcroît, une responsabilisation claire et efficace est importante pour servir les clients et gérer le personnel avec équité et impartialité. Enfin, le renforcement de la responsabilisation est essentiel à la réussite de certaines autres réformes de la gestion (la réforme de la dotation par exemple, qui exige la réduction ou l'élimination des règles et des procédés détaillés et une responsabilisation accrue des gestionnaires à l'égard du respect de valeurs clés).

Pour que la fonction publique continue de tendre vers un régime administratif fondé davantage sur des valeurs communes, et moins sur des règles, il faut manifester une volonté d'intervenir, individuellement et collectivement, lorsque des sous-ministres, des gestionnaires ou des membres du personnel ont un comportement non acceptable, mais aussi récompenser les bons comportements. Ce nouveau régime de gestion du rendement doit surmonter le problème de l'application arbitraire dont il est question dans le Livre blanc sur FP 2000. Pour ce faire, il sera essentiel d'appliquer les nouveaux critères d'évaluation à l'examen du rendement des sous-ministres et d'autres cadres de direction supérieurs.

La gestion des ressources humaines : une grande faiblesse

Autre résultat décevant des réformes de la gestion entreprises dans les années 1990 : l'absence de progrès marquant en matière de gestion des ressources humaines. Les piètres résultats obtenus sont ironiques lorsqu'on sait qu'une bonne partie des travaux de FP 2000 étaient justement centrés sur cette question - plus ironiques encore lorsqu'on y ajoute les efforts consacrés à La Relève. Les échecs subis au cours de la décennie sont lourds de conséquences. En effet, ils surviennent après beaucoup d'efforts décevants, à un moment où le recrutement et le maintien en poste du personnel sont non seulement plus difficiles, mais essentiels pour éviter une crise du leadership.

Quelques changements législatifs et structurels, mais peu d'incidence

Le cadre législatif de base qui régit la gestion des ressources humaines au sein des ministères et dans de nombreux organismes du gouvernement a été adopté en 1967, et il est resté à peu près inchangé jusqu'à l'adoption de la Loi sur la réforme de la fonction publique de 1992. Entre autres choses, la Loi a fourni un cadre législatif permettant d'intégrer les modifications qu'on avait prévu d'apporter aux structures professionnelles utilisées aux fins de la classification des emplois et de la négociation collective, et a assoupli, à certains égards, la dotation. Les sous-ministres ont été autorisés à déployer le personnel des ministères (mutation latérale), mais le déploiement ne peut toujours pas se faire sans le consentement de l'employé, et reste sujet à des possibilités de recours limitées. Cette disposition n'a fait que légaliser une pratique ancienne que la Cour fédérale avait abolie, car la Loi sur l'emploi dans la fonction publique l'interdisait. Dans l'ensemble, les modifications législatives étaient modestes et, bien qu'utiles, n'ont eu que des effets limités.

En dépit des efforts considérables déployés et des progrès encourageants constatés, l'une des principales mesures de réforme proposées par FP 2000 à l'égard de certains systèmes - un système de classification des emplois simplifié et modernisé - n'a pas encore été menée à bien. Un nouveau système est en voie d'élaboration depuis dix ans, et il reste des travaux d'une importance primordiale à accomplir avant que le système ne fonctionne12.

La modernisation et la simplification du système de dotation étaient une autre grande priorité de FP 2000. Mais l'effort de réforme déployé pendant les années 1990, et en réalité pendant les dernières décennies, n'a eu que des effets négligeables. La jurisprudence qui s'est accumulée sur une trentaine d'années au sujet des appels relatifs à la dotation ont rendu le système plus difficile à gérer, et constitue un véritable obstacle à la mise en place d'un système plus simple et plus efficace (comme on le souligne dans le Rapport d'avril 2000)13. Un autre facteur de taille explique les effets limités des réformes : l'énorme divergence d'opinions du patronat et des principaux syndicats à propos du processus de dotation. Par exemple, les syndicats prétendent depuis longtemps que l'ancienneté doit avoir davantage de poids dans la dotation, et ils se sont opposés aux changements comme le déploiement qui renforçaient le pouvoir discrétionnaire des gestionnaires et limitaient l'accès des employés aux mesures de recours. Le système est toujours coûteux, chronophage et excessivement complexe. Il suscite toujours beaucoup de frustrations tant pour les gestionnaires que pour les employés. Le sondage effectué auprès des fonctionnaires en 1999 a révélé que les fonctionnaires sont nombreux à penser que le processus de sélection utilisé pour doter un poste au sein de leur unité de travail est inéquitable. La nécessité d'apporter un changement plus radical - recommandé par d'autres études datant de plusieurs décennies - est manifeste.

La question de la responsabilité fragmentée n'a pas été abordée

FP 2000 visait à résoudre des problèmes découlant de la division entre le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique de la responsabilité globale de la gestion des ressources humaines. Cet objectif n'a pas été atteint.

Lorsqu'il a annoncé FP 2000, le premier ministre a indiqué que le système de gestion du personnel et de l'emploi du gouvernement serait rationalisé, et que les rôles des organismes centraux seraient précisés et simplifiés. Comme l'a dit le greffier du Conseil privé au début des années 1990, « notre premier objectif est de clarifier la responsabilité, particulièrement en ce qui a trait à la gestion du personnel [...] Quant à la Commission de la fonction publique, il lui faudra cesser de s'occuper de la gestion et mettre l'accent sur son rôle de mandataire du Parlement pour la protection de l'intégrité du système de personnel »14. Cette question ne date pas d'hier; en effet elle a été soulevée dès le début des années 1960 par la Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement (Commission Glassco), dans des études menées à la fin des années 1970, comme celle de la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité (Commission Lambert) et par le Comité spécial sur la gestion du personnel et le principe du mérite (Comité D'Avignon). Toutefois, on a laissé tomber les allusions faites à cet objectif de FP 2000 lorsqu'il s'est révélé impossible, dans les rangs supérieurs de la fonction publique, de s'entendre sur les moyens d'action à adopter.

La Relève ne visait pas l'apport de changements structurels ni de modifications au mandat pour clarifier la responsabilité de la gestion des ressources humaines. La greffière du Conseil privé (comme d'autres l'avaient fait avant elle) cherchait plutôt à renforcer la cohésion des efforts des organismes centraux.

La nouvelle philosophie de gestion des ressources humaines : beaucoup d'études, peu de résultats

Un objectif fondamental de FP 2000 résidait dans le souhait déclaré du gouvernement et des dirigeants de la fonction publique de créer un climat qui inciterait les jeunes Canadiens talentueux à se joindre à la fonction publique. Selon la philosophie de gestion de FP 2000, « les membres de la fonction publique seront traités comme étant sa plus importante ressource ». Selon ce principe, l'accent mis sur les valeurs et l'éthique de la fonction publique serait renouvelé, et les fonctionnaires seraient gérés d'après leurs responsabilités professionnelles et familiales. Suivant les principes de FP 2000, il fallait considérer la nécessité de donner plus de poids à l'esprit d'initiative individuel et d'investir davantage dans la formation et le perfectionnement des employés, à tous les niveaux, pour leur permettre de fonctionner de façon plus efficace dans un milieu beaucoup moins réglementé et plus dynamique. La planification de carrière et le perfectionnement devaient prendre beaucoup d'importance dans le contexte de la gestion des ressources humaines au sein des ministères. Une insistance particulière devait être mise sur les compétences en gestion des personnes et d'autres besoins en matière de formation et de perfectionnement des gestionnaires intermédiaires et supérieurs. La nouvelle approche à l'égard des carrières au sein de la fonction publique exigerait de grandes transformations car, tel qu'on le mentionne dans le Livre blanc, la planification de carrière et la formation et le perfectionnement à une échelle globale sont lacunaires dans le système actuel.

La Relève visait elle aussi un des objectifs de base de FP 2000 - modifier la culture de gestion de la fonction publique afin de créer un milieu de travail plus attirant et plus efficace. Néanmoins, La Relève est arrivée juste après les compressions et les réductions qui ont été lourdes de conséquences pour la fonction publique et pour les fonctionnaires eux-mêmes, et à un moment où d'importantes pressions s'exerçaient sur la main-d'oeuvre et le marché du travail, en sus des pressions observées au début des années 1990 (voir la pièce 5). La Relève a fait ressortir l'absence de leadership, d'engagement et d'effort soutenu pour actualiser l'approche de la fonction publique à l'égard de la gestion des ressources humaines et a souligné la nécessité d'apporter des améliorations de taille. La santé au travail et la nécessité de mettre en place une culture de l'apprentissage continu constituaient d'importants défis. La Relève a tenté d'élaborer une stratégie globale de recrutement et de maintien en poste, et d'uniformiser et d'améliorer les programmes de perfectionnement ministériels afin d'assurer la relève en matière de leadership. De plus, grâce aux travaux du Groupe de travail sur La Relève et, par la suite, du Réseau du leadership (créé en 1998), elle a renforcé la communication bilatérale dans la fonction publique et stimulé un regain d'effort dans les ministères, les régions et les collectivités fonctionnelles.

Pièce 5

Quelques pressions pèsent lourdement sur la main- d'oeuvre et le marché du travail

  • Les années de réduction des effectifs, les changements incessants et d'autres facteurs ont entraîné un malaise généralisé dans la fonction publique au milieu des années 1990; les fonctionnaires se sentent toujours stressés et à bout, et la charge de travail demeure un problème sérieux.
  • Le nombre de départs à la retraite possible, au cours de la décennie, dans les rangs des cadres de direction de la fonction publique et au sein des « groupes de relève », où l'on va généralement chercher les remplaçants, porte à croire que la fonction publique s'expose à un risque de crise du leadership.
  • Les jeunes sont véritablement sous-représentés au sein de la fonction publique actuelle. Le pourcentage des fonctionnaires de moins de 35 ans est environ la moitié du pourcentage des employés du même âge dans l'ensemble du marché du travail au Canada.
  • L'ampleur de l'évolution du profil des professions de la fonction publique est maintenant plus évidente, le pourcentage de « cols blancs » ou de « travailleurs du savoir » étant d'environ 55 p. 100 du nombre total de fonctionnaires (comparativement à environ un tiers il y a 15 ans). Cette tendance devrait se poursuivre.
  • Le défi que représente la concurrence du secteur privé pour le personnel qualifié a pris de l'ampleur et, étant donné l'évolution démographique de la population active canadienne, on peut s'attendre à ce que ce défi s'accroisse.

 

Ces dernières années, des progrès importants ont été accomplis à l'égard d'un des objectifs clés de La Relève - renforcer le cadre général de gestion des carrières des hauts fonctionnaires (sous-ministres adjoints). On insiste davantage pour que les sous-ministres adjoints (SMA) participent à l'examen des questions de gestion générales et à la recommandation des moyens d'action à adopter. D'autres réformes plus vastes ont modifié le régime de gestion du rendement auquel ils sont assujettis. Le Réseau du leadership, qui évolue sous la direction fonctionnelle du Comité des hauts fonctionnaires (CHF), a pris en charge certaines responsabilités de la Commission de la fonction publique et il est maintenant chargé de la gestion collective des sous-ministres adjoints. Il existe de nouveaux procédés pour gérer leur sélection, et on insiste davantage sur les services de conseil et d'orientation professionnelle en ce qui touche l'accession au niveau des SMA, les affectations, les stratégies de perfectionnement professionnel et d'épanouissement personnel et les possibilités d'apprentissage et de promotion. On ne sait pas encore vraiment dans quelle mesure ces efforts sont efficaces.

Malgré les indications que certaines améliorations ont été apportées au chapitre de la formation et du perfectionnement au cours de la décennie écoulée, notre étude montre que les résultats ont été inégaux. Certains gestionnaires ont des points de vue très négatifs sur la situation actuelle en ce qui a trait à la formation. La culture selon laquelle la responsabilité de l'aide à apporter aux employés aux fins de la planification de carrière incombe à la direction n'est pas encore instaurée, et de nombreux cadres sont d'avis que l'investissement dans l'apprentissage est encore insuffisant. Plus de 40 p. 100 des répondants au sondage mené en 1999 ont indiqué qu'ils ne recevaient pas suffisamment d'aide de la part de leur superviseur ou de leur ministère pour l'avancement de leur carrière.

Le Livre blanc a fait remarquer que dans le passé, la formation et le perfectionnement « étaient tout autant délaissés, les programmes de formation ayant été réduits par mesure d'austérité et le perfectionnement étant loin d'être considéré sérieusement comme principal moyen d'avancement dans la fonction publique ». Ce fut le cas vers le milieu des années 1990. Le rapport d'un groupe de travail composé de hauts fonctionnaires, qui s'est récemment penché sur les questions de la formation et du perfectionnement, souligne la nécessité de mettre davantage l'accent sur ces deux questions. Cela signifierait entre autres choses un appui financier plus important et un soutien plus ferme de la part des gestionnaires pour allouer le temps nécessaire à la formation. On pourrait, par exemple, établir un nombre donné de jours de perfectionnement professionnel par employé. Le temps nécessaire pour répondre au besoin de perfectionnement des employés doit être pris en compte dans les programmes de travail, et les ententes de rendement conclues avec les gestionnaires doivent prévoir la contribution escomptée de leur part à l'égard du perfectionnement des employés subalternes.

Les années 1990 ont été difficiles et elles ont laissé, au sein des effectifs de la fonction publique, des tensions et des préoccupations liées au milieu de travail. La moitié des répondants au sondage mené en 1999 ont indiqué que le fait de devoir faire autant, sinon plus, avec moins de ressources nuisait à la qualité de leur travail, et 49 p. 100 étaient d'avis que leur charge de travail était déraisonnable. Un groupe de travail de sous-ministres sur le mieux-être au travail a récemment indiqué que la charge de travail était la première préoccupation parmi toutes, en particulier chez les cadres de direction supérieurs. Avant d'apporter d'autres améliorations au milieu de travail, il faut s'attaquer au dossier de la charge de travail.

Dans l'ensemble, et malgré les efforts déployés dans le contexte de FP 2000 et de La Relève, la situation dans la fonction publique s'est détériorée - les défis liés à la gestion des ressources humaines ont pris de l'ampleur, comme en témoigne le calendrier des mesures de réforme, qui s'appuie sur La Relève. Outre les travaux en cours pour la réforme des systèmes de classification des emplois et de dotation, le programme de travail consiste à repenser les relations patronales-syndicales qui, de l'avis général, se sont sérieusement détériorées pendant une grande partie des années 1990. Il faut également répondre aux préoccupations des fonctionnaires au sujet des valeurs et de l'éthique - l'inquiétude que suscitent les tensions entre les valeurs traditionnelles et les nouvelles orientations, la poursuite d'une carrière au sein de la fonction publique, le leadership au sein de la fonction publique, pour n'en nommer que quelques-unes. Des groupes de travail de sous-ministres ont été mis sur pied au cours de l'automne de 1999 pour dresser des plans en vue de faire progresser l'étude des trois questions clés auxquelles La Relève avait tenté de s'attaquer : le recrutement, le mieux-être en milieu de travail, et l'apprentissage et le perfectionnement. Les rapports des groupes de travail témoignent de l'ampleur de la tâche à abattre. Selon un groupe, « la fonction publique a intérêt à assurer la convergence de son cadre général de gestion si elle veut canaliser ses énergies, réduire les risques de surcharge et assurer le succès de ses entreprises »15. Selon un autre, « nous devons examiner la meilleure façon d'intégrer les différentes initiatives de modernisation en un régime de gestion des ressources humaines qui répondra aux besoins de demain »16.

Des plans détaillés doivent être élaborés. Les représentants des organismes centraux font savoir qu'on tente à l'heure actuelle de tracer plus clairement une vision de la forme et de la nature d'une fonction publique de demain, qui servira à préparer une stratégie qui étayerait des plans d'action.

Sur la voie de la progression

S'attaquer aux faiblesses de la mise en oeuvre des réformes de la gestion

Les années 1990 ont posé de grandes difficultés lorsqu'il a fallu adopter une nouvelle philosophie de gestion, essentiellement en raison des enjeux d'ordre budgétaire. Certains participants à notre étude sont d'avis qu'étant donné les circonstances, les progrès accomplis ne sont pas négligeables. C'est peut-être vrai. Toutefois, les travaux que nous avons réalisés et les enseignements que nous avons tirés des réformes au cours des dix dernières années révèlent qu'un certain nombre de problèmes ont contribué aux difficultés. Pour que les efforts déployés en vue de réformer la gestion donnent de meilleurs résultats au cours des années à venir, il faudra surmonter ces problèmes.

Il existe un manque de cohérence entre le programme de gestion et les programmes budgétaire et stratégique du gouvernement

FP 2000 a été une entreprise essentiellement bureaucratique plutôt que politique, contrairement aux réformes de la fonction publique qui ont été entreprises au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, où les dirigeants politiques ont pris eux-mêmes l'initiative d'une telle réforme ou bien y ont participé pleinement. Dans chacun de ces pays, et ce n'est pas une pure coïncidence, les réformes ont été plus importantes à certains égards, dont la gestion des ressources humaines. Par exemple, le Royaume-Uni a apporté davantage de modifications d'ordre structurel que le Canada pour transformer sa philosophie de gestion (la création des organismes Next Step, qui emploient environ trois fonctionnaires sur quatre pour exercer des fonctions liées aux opérations et à la prestation des services). Au Canada, les modifications législatives ont été moins radicales qu'en Australie où on a récemment adopté une nouvelle loi sur la fonction publique. De surcroît, les modifications apportées aux lois en Australie et en Nouvelle-Zélande ont rendu les fonctionnaires d'un niveau équivalent à celui de sous-ministre davantage responsables de la gestion des ressources humaines au sein des ministères. En Nouvelle-Zélande, les relations de travail dans la fonction publique ne sont plus assujetties à des dispositions législatives totalement distinctes de celles qui régissent le secteur privé. Et depuis le début des années 1990, la plupart des aspects des responsabilités incombant à l'employeur, notamment la dotation et la négociation collective, ont été confiés, en vertu d'une loi ou d'un pouvoir délégué, aux hauts « sous-secrétaires d'État » des ministères et des organismes gouvernementaux. Comme dans ces pays, on a constaté aux États-Unis un leadership politique plus fort dans la conduite du programme de réforme de la fonction publique des années 1990.

Dans notre régime politique, et dans celui des pays mentionnés, la gestion de la fonction publique est partagée entre les représentants élus et les responsables nommés. Au Canada, les ministres, assistés dans leurs fonctions par des cadres nommés et par un ensemble de lois approuvées par le Parlement, sont collectivement responsables de l'établissement des politiques, des normes générales et des paramètres globaux qui régissent la plupart des aspects de la gestion de la fonction publique. Aux termes de la loi, la gestion de chaque ministère relève du ministre titulaire. Pourtant à maints égards, la gestion est laissée aux sous-ministres - à titre individuel et collectivement - et à leurs équipes de gestion. En fait, notre fonction publique se voulant apolitique, certaines questions comme la dotation relèvent exclusivement de la compétence des membres du personnel nommés.

FP 2000 a proposé de grands changements dans la philosophie de gestion de la fonction publique. Comme on l'indique dans le Livre blanc « le renouveau de la fonction publique ne s'effectuera pas simplement au moyen de mesures législatives et administratives visant à mettre en place de nouveaux mandats, de nouvelles structures et de nouveaux processus. Il exigera des changements fondamentaux d'attitudes de la part des fonctionnaires, des ministres, des parlementaires et, au bout du compte, du public ». Il est peu probable que des réformes de cette ampleur soient une réussite sans un appui politique ferme, constant et sans équivoque.

FP 2000 a bénéficié d'un certain appui des ministres, comme en témoignent l'approbation du premier ministre dès le début de l'entreprise, la publication du Livre blanc sur FP 2000 et l'adoption, avec le soutien du président du Conseil du Trésor, de la Loi sur la réforme de la fonction publique. Néanmoins, comme nous l'avons fait remarquer dans notre étude de 1993 portant sur les mesures de réforme17, plusieurs hauts fonctionnaires se sont demandé si FP 2000 ou certains de ses objectifs clés, notamment l'habilitation et la prise de risques raisonnables, suscitaient beaucoup d'intérêt dans le cercle politique ou bénéficiaient d'un appui actif des politiciens.

Dans notre culture politique, la gestion de la fonction publique et les réformes connexes tendent, lorsqu'elles suscitent un véritable intérêt de la part des politiciens, à être considérées dans une optique partisane; bien souvent, soutenir ce genre de réforme ne donne apparemment qu'un faible avantage politique. En fait, peu importe leur nécessité du point de vue de l'économie, de l'efficience ou même de l'efficacité, les réformes de la fonction publique obtiennent difficilement un véritable appui politique lorsqu'elles présentent également le risque de mettre le gouvernement dans des situations politiques embarrassantes18.

L'absence de priorité politique à l'égard de la réforme de la fonction publique au Canada explique en partie le succès limité de FP 2000. Le programme de gestion dont il est question dans FP 2000 n'était pas pleinement intégré au programme budgétaire ni au programme stratégique global du gouvernement. Le secrétaire du Conseil du Trésor et contrôleur général du Canada en poste pendant les années marquées par FP 2000 a déclaré :

Je remarque que durant la première moitié des années 1990 à Ottawa, le programme de gestion n'était pas dicté par le niveau politique et que les trois programmes n'étaient pas pleinement harmonisés. Une preuve évidente de ce manque de cohésion est que les initiatives ont été prises inversement à l'ordre logique. La réforme administrative a précédé la restructuration du gouvernement qui, elle, a précédé l'Examen des programmes. Dans un monde idéal, le gouvernement déciderait d'abord quels programmes il souhaite réaliser, ensuite quelles institutions auraient la responsabilité de les dispenser, puis quel régime de gestion correspondrait le mieux à la présentation de ces programmes19.

L'expérience de FP 2000 montre clairement les difficultés inhérentes lorsqu'il y a décalage entre le programme de travail touchant la gestion, celui ayant trait aux politiques et le programme budgétaire. En décembre 1990, mois pendant lequel est paru le Livre blanc Fonction publique 2000 - et à nouveau dans le Budget déposé en février 1991, le gouvernement a instauré des restrictions salariales et d'autres réductions des dépenses. Ces mesures étaient nuisibles à FP 2000 et elles ont eu des conséquences plus significatives. En effet, de nombreux dirigeants de la fonction publique n'avaient pas prévu que d'autres compressions budgétaires importantes seraient nécessaires, et avaient souligné à maintes reprises pendant les années 1990 que FP 2000 était autre chose que des mesures de réduction. L'idée était qu'en réalisant des économies grâce à la rationalisation, les ministères seraient en mesure d'investir dans les services au public, la formation du personnel et d'autres priorités de FP 2000.

Selon le Budget de 1991, les augmentations salariales découlant de la négociation collective devaient être financées au moyen de réductions correspondantes de l'emploi dans la fonction publique. Le Budget indiquait également que lorsqu'il ne serait pas possible d'atteindre les objectifs fixés, par la voie de la négociation collective avec les syndicats de la fonction publique, le gouvernement aurait recours à des mesures législatives. Cette intention a soulevé la colère des syndicats et a été jugée injuste par de nombreux fonctionnaires. La discordance entre ces événements et les messages fondamentaux de FP 2000 a miné l'énergie et la crédibilité de l'initiative et engendré le cynisme quant à l'engagement du gouvernement à l'égard des réformes proposées par FP 2000. Il en a résulté une importante grève qui a touché plus de 100 000 fonctionnaires.

Une loi ordonnant le retour au travail a mis fin à cette grève. La loi prescrivait le gel des salaires et des traitements pendant plusieurs années. Le scepticisme et le cynisme des employés à l'égard du renouvellement de la fonction publique ont fait place à la colère et, pour beaucoup, FP 2000 n'était plus qu'un souvenir. Puis, en juin 1993, le gouvernement a annoncé une restructuration de grande envergure qui a eu pour effet de réduire le nombre de ministères d'un quart (lequel est passé de 32 à 23) et a abouti à des réductions du personnel, notamment parmi les cadres de direction supérieurs et les employés assumant des fonctions dites auxiliaires et travaillant dans des bureaux régionaux. Cette restructuration a été un autre obstacle important à la réforme. En peu de temps, FP 2000 s'est vu engloutir par les initiatives globales de « renouvellement du gouvernement », y compris l'Examen des programmes.

Un manque véritable de responsabilisation quant à la réforme de la gestion

Aussi bien dans le contexte de FP 2000 que celui de La Relève, le processus de gestion du changement s'est heurté à des obstacles de taille. Entreprendre de telles réformes dans une institution aussi grande et aussi diversifiée que la fonction publique est une entreprise décourageante, les structures de gestion en cause étant très complexes et la responsabilité, très diffuse.

En général, c'est au secrétaire du Conseil du Trésor et contrôleur général - soit le haut dirigeant du conseil de gestion du gouvernement, le Conseil du Trésor - qu'il incombe d'orienter les ministres au sujet des politiques de gestion et de leur application. Toutefois, les sous-ministres sont chargés de la plupart des aspects de la gestion ministérielle, dans les limites d'un ensemble de lois et de politiques prescrites par l'administration centrale, sous la direction générale de leur ministre. Le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet (le greffier) doit pour sa part veiller à ce que la fonction publique ait un rendement satisfaisant. En conséquence, le greffier donne aux sous-ministres l'orientation stratégique à suivre et informe le premier ministre de leur rendement. Plusieurs comités spéciaux et permanents de sous-ministres jouent également un rôle en matière de gestion. Certains comités ainsi que la Commission de la fonction publique, le Centre canadien de gestion et le Réseau du leadership participent uniquement aux activités liées à la gestion des ressources humaines. Par exemple, la Commission est investie, en vertu d'une loi, du pouvoir de dotation en personnel - c'est-à-dire le recrutement dans la fonction publique et la promotion au sein de celle-ci - mais elle délègue une grande partie de son pouvoir aux sous-ministres.

FP 2000 a été largement tributaire du leadership personnel et visible du greffier du Conseil privé. Toutefois, pour ce qui est des progrès réels à l'égard du changement des mentalités et des pratiques au sein des ministères, c'est en grande partie aux sous-ministres que la responsabilité incombait. En 1992, l'engagement du greffier à l'égard de FP 2000 avait diminué en raison d'autres priorités (comme la modification de la Constitution et des problèmes d'ordre financier). Certains ministères ont poursuivi leurs progrès, mais d'autres ont mis leurs efforts en veilleuse.

En 1993, nous avons mené une étude qui a porté sur la réforme de la fonction publique20 et nous avons constaté ce qui suit :

  • les progrès semblaient dépendre du sous-ministre en poste, à savoir s'il possédait le tempérament et les valeurs appropriés - en d'autres termes « certains sous-ministres sont peu favorables ou peu habiles avec certains des principes véhiculés par FP 2000 »;
  • apparemment, aucune sanction n'était imposée aux ministères ou aux gestionnaires supérieurs qui ne respectaient pas les principes de FP 2000.

Cela indiquait qu'il fallait trouver des moyens plus efficaces d'inciter les sous-ministres à rendre compte de l'amélioration apportée à la gestion de leurs effectifs.

Plusieurs années plus tard, la nouvelle greffière du Conseil privé a joué un important rôle de leadership pour l'initiative La Relève. De plus, on avait l'impression qu'elle considérait les plans des ministères soumis à un comité qu'elle présidait comme des engagements des sous-ministres, dont ils devraient rendre compte. Toutefois, la nature des objectifs de La Relève - « amener les dirigeants de la fonction publique à intégrer la gestion des ressources humaines à la gestion d'ensemble » - et le temps requis pour accomplir des progrès visibles figuraient au rang des difficultés faisant entrave à l'évaluation du rendement et à la communication des résultats à ce chapitre. Et, comme on l'indique ailleurs dans le présent document, les processus de responsabilisation comportaient d'importantes lacunes qui nuisaient à l'appréciation du rendement des sous-ministres à l'égard de la gestion des ressources humaines et d'autres aspects.

Qui plus est, l'établissement d'attentes claires en matière de rendement et l'appréciation du rendement à tous égards exigent des données de qualité. L'insuffisance de données précises sur la main-d'oeuvre et d'autres questions liées à la gestion des ressources humaines, dans certains ministères en particulier, ont entravé le travail des sous-ministres et du greffier. Le rapport publié récemment par le Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction en témoigne. Le Comité considère la planification de la main-d'oeuvre comme « un élément crucial » qui doit s'améliorer considérablement et qui exige « une vaste quantité de données » sur les aptitudes et les compétences ainsi qu'un système d'information sur les ressources humaines pour faire en sorte que l'information puisse être recueillie et utilisée efficacement21.

Le problème du changement de leadership

Le taux élevé de roulement des cadres supérieurs constitue un autre aspect des problèmes qu'a posés la gestion du changement. Dans le cas de La Relève, non seulement un nouveau greffier a été nommé à peine deux ans après l'amorce de l'initiative (janvier 1999), mais l'effectif de la collectivité des sous-ministres s'est transformé radicalement. Des 28 sous-ministres qui, en octobre 1997, ont signé le document La Relève : un parti pris pour l'action, seulement 16 étaient encore en poste en décembre 1999 et seulement 13 étaient à la tête du même organisme. En outre, un grand nombre de dirigeants d'organismes centraux et d'autres cadres de direction jouant des rôles importants dans la gestion des ressources humaines n'occupaient plus les mêmes fonctions. En décembre 2000, seulement 11 des 28 sous-ministres étaient encore en poste et seulement 5 dirigeaient le même organisme.

Le va-et-vient qui accompagne un changement de leadership exige beaucoup d'énergie. Le mouvement du personnel au niveau des sous-ministres et des autres cadres de direction supérieurs a eu pour effet de multiplier les études, ce qui a nui à la réforme entreprise pendant les années 1990. Qui plus est, la nouvelle philosophie de gestion et la culture organisationnelle visée par FP 2000 et La Relève exigeaient une transformation radicale des mentalités et des pratiques en vigueur. Ce genre de changement nécessite une continuité dans l'orientation à suivre et le leadership à assurer pendant une période prolongée. Les choses se compliquent énormément lorsqu'il y a de fréquents déplacements au sein du personnel de direction.

Ce problème pourrait d'ailleurs s'aggraver au cours des prochaines années, car on s'attend à des départs à la retraite massifs dans les rangs des cadres de direction de la fonction publique.

Il est difficile de rallier les employés

En dépit des efforts importants qui ont été déployés, ni FP 2000 ni La Relève n'ont réussi à rallier les employés de la manière dont les expériences du Canada et d'autres pays le suggèrent pour favoriser la réussite des initiatives de ce type. Dans une publication sur La Relève22, on reconnaît que « les efforts consacrés à donner la parole aux employés, à dialoguer avec eux et à les écouter sont l'une des pierres angulaires de l'institution à reconstruire ». Pourtant, chaque initiative semble avoir souffert, en particulier au début, de la perception selon laquelle elle visait essentiellement les cadres de direction. Les employés à l'échelle de la fonction publique sont toujours sceptiques à propos du changement de culture requis pour assurer le renouvellement - seulement 37 p. 100 des répondants au sondage mené en 1999 étaient d'avis que la haute direction essaierait de donner suite aux préoccupations exprimées par les employés.

Il existe de piètres relations entre le gouvernement et les syndicats

Les relations entre le gouvernement et les syndicats se sont considérablement détériorées ces dernières années, notamment au début et au milieu des années 1990, et les syndicats n'ont pas participé activement aux réformes entreprises au cours des deux dernières décennies.

Comme l'a déclaré l'ancien directeur de FP 2000 dans son étude récente, au début de l'initiative FP 2000, on n'a pas fait suffisamment d'efforts pour obtenir l'appui et la compréhension des dirigeants des syndicats. Toutefois, les deux grands syndicats visaient des objectifs qui différaient énormément de ceux de FP 2000, notamment l'élargissement des droits de négociation, pour y inclure la classification des postes et la dotation. La direction n'était pas vraiment disposée « à faire des concessions de l'ampleur souhaitée par les grands syndicats »23.

Le secrétaire du Conseil du Trésor a demandé au Comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale (Comité Fryer) de recommander des façons d'améliorer les relations patronales-syndicales. Le premier rapport du Comité fait état de la volonté du patronat et des syndicats de collaborer, tout en précisant qu'il faut remédier au sérieux manque de confiance qui existe entre les deux parties. Le double rôle joué par le gouvernement, soit celui d'employeur et celui de législateur, s'est traduit par des tensions à propos du système des relations de travail. Au cours de la dernière décennie, le gouvernement a eu fréquemment recours aux mesures législatives lorsque la négociation ne le satisfaisait pas. Il a imposé un gel des salaires, suspendu les droits à la négociation collective et à l'arbitrage, et obligé les employés à retourner au travail. La capacité des syndicats et du patronat de collaborer au règlement des problèmes s'en est trouvée amoindrie. Le Comité consultatif, qui recommandera des modifications dans un second rapport, en est arrivé à la conclusion que l'actuel système n'est probablement pas viable.

Il est essentiel d'évaluer régulièrement les progrès accomplis

Les efforts de réforme déployés par d'autres gouvernements ont montré qu'instaurer des mesures c'est une chose, et les mettre à exécution en est une autre : l'inertie a une grande emprise sur l'organisation en cause. Il faut évaluer régulièrement et de façon cohérente les progrès accomplis en fonction des objectifs clairement établis, cerner les problèmes et s'y attaquer, communiquer les enseignements tirés et en tenir compte aux fins du rajustement périodique des objectifs et des moyens à utiliser pour les atteindre. Il conviendrait également d'envisager en temps opportun une évaluation complète, à l'échelle gouvernementale ou ministérielle, de l'incidence des efforts de réforme et de renouvellement.

Les autorités qui dirigeaient FP 2000 et La Relève avaient peu d'information sur la progression des travaux entrepris dans les ministères. Par exemple, un seul rapport d'étape sur La Relève a été produit, en mars 1998, ce qui était relativement tôt dans le processus du renouvellement24. En outre, les progrès accomplis n'ont pas été évalués avec précision par rapport aux plans d'action des ministères.

Le sondage mené en 1999 auprès des fonctionnaires - le premier du genre dans la fonction publique - et la volonté du gouvernement de le refaire, constituent un pas très important. En effet, les sondages sont un moyen d'obtenir des renseignements essentiels sur les points de vue et les préoccupations des employés, ainsi que des données permettant d'effectuer des comparaisons entre les ministères et les unités au sein de ceux-ci. Au fil du temps, les sondages peuvent indiquer la mesure dans laquelle les résultats souhaités sont obtenus et si la trajectoire doit être corrigée. Il est souhaitable de mener un sondage régulièrement et de le faire en temps opportun.

Il est encourageant de constater qu'un récent sous-comité du Comité des hauts fonctionnaires chargé du mieux-être en milieu de travail s'est appuyé, pour formuler ses recommandations, sur une analyse des résultats du sondage mené auprès des employés, et qu'il est favorable à l'idée de demander aux sous-ministres et aux dirigeants d'organismes gouvernementaux d'effectuer des mini-sondages pour vérifier dans quelle mesure les employés sont incités à participer à un dialogue sur le changement. Il demande également que les ministères et les organismes déterminent l'efficacité des mesures de suivi prises à la suite de sondages, à l'échelle des unités de travail et à l'échelle de l'organisme.

Le manque d'examen parlementaire

Ces deux dernières décennies, le Parlement n'a pas joué un grand rôle dans la réforme de la fonction publique, comme il lui est déjà arrivé de le faire dans le passé. Comparativement aux parlements des autres pays, en particulier l'Australie et le Royaume-Uni, son rôle a été limité.

La Relève traduisait notamment la notion selon laquelle la planification et la gestion des ressources humaines devaient être intégrées aux plans d'activités ministériels. Ceux-ci devaient être le fondement des rapports sur les plans et les priorités, un important moyen de tenir le Parlement informé des grands défis inhérents aux ressources humaines, dans chaque ministère, et des progrès réalisés à l'égard de ces questions. Malheureusement, peu de ministères sont allés jusqu'à rendre compte de la gestion des ressources humaines dans leurs rapports sur les plans et les priorités ou leurs rapports sur le rendement.

Depuis l'adoption de la Loi sur la réforme de la fonction publique de 1992, le greffier du Conseil privé, en sa qualité de chef de la fonction publique, doit, en vertu de la loi, rendre compte au premier ministre, chaque année, de l'état de la fonction publique. La Commission de la fonction publique, en qualité de mandataire du Parlement, est assujettie à cette même exigence. Ces rapports sont présentés au Parlement. Dans le Quatrième rapport annuel au premier ministre (février 1997) et lors d'une comparution devant le Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes, le greffier a insisté sur les manifestations d'un malaise au sein de la fonction publique et sur la nécessité urgente d'intervenir au moyen de La Relève. Dans un rapport qu'il a présenté, en avril 1997, avant la tenue des élections, le Comité a recommandé que le Comité qui lui succéderait passe en revue régulièrement les progrès accomplis par le gouvernement à l'égard des initiatives lancées pour revitaliser la fonction publique fédérale.

Toutefois, depuis lors, ce genre de question n'a pas beaucoup retenu l'attention du Parlement. À la fin de 2000, seul le Comité sénatorial permanent des finances nationales a tenu des audiences et publié un rapport25 sur le maintien en poste et la rémunération dans la fonction publique.

Ouvrir des voies nouvelles dans le domaine de la gestion des ressources humaines

Devenir un « employeur de choix » est un défi encore plus grand à relever aujourd'hui qu'il ne l'était au début des années 1990. Une véritable percée s'impose au chapitre de la gestion des ressources humaines.

Selon nous, si l'on s'attaque convenablement à trois grandes questions, on peut réaliser une percée. Il s'agit de :

  • moderniser et de simplifier un cadre excessivement complexe et désuet;
  • résoudre les questions que suscite la fragmentation du cadre de gestion des ressources humaines;
  • soutenir la gestion des ressources humaines dans les ministères.
Moderniser et simplifier un cadre excessivement complexe et désuet

Il faut venir à bout des contraintes inhérentes au cadre législatif et aux règles administratives en place. Ces contraintes limitent la capacité de la fonction publique d'attirer, de former et de maintenir en poste des personnes compétentes et, par conséquent, nuisent à l'efficience et à l'efficacité des organismes. Le système des appels relatifs à la dotation en particulier - et une jurisprudence accumulée sur une trentaine d'années qui a limité le pouvoir discrétionnaire de la Commission de la fonction publique - a donné lieu à un processus de dotation rigide, lent et lourd qui, pour un grand nombre, est inéquitable. Alors que le gouvernement est aux prises avec les enjeux de l'ère électronique, que les travailleurs du savoir occupent une place importante dans la fonction publique et sont l'objet d'une demande croissante dans le secteur privé, la nécessité de mettre en place un régime moderne et d'adopter une approche novatrice en matière de gestion des personnes prend une importance grandissante.

Dans son rapport récent, le sous-comité du Comité des hauts fonctionnaires sur le mieux-être en milieu de travail reconnaît que des lois plus souples et moins normatives pourraient s'imposer, des lois qui habilitent les représentants de la direction et les représentants syndicaux à résoudre les problèmes qui surgissent en milieu de travail, par la voie de la consultation et de la négociation collective. De nombreuses études menées sur plusieurs décennies ont permis de conclure que des modifications législatives s'imposent pour moderniser le système de dotation de la fonction publique. En outre, le Secrétariat du Conseil du Trésor a reconnu les problèmes qui affaiblissent le cadre en vigueur. Dans un plan d'activités publié récemment, il déclare ce qui suit26 :

[...] le système [de gestion des ressources humaines] actuel est rigide, lourd, lent, coûteux et bureaucratisé [...] il souffre de plus en plus de la sclérose issue des modifications législatives et des précédents contraignants établis par une multitude de décisions de tribunaux administratifs et judiciaires. Il ne correspond pas à un processus de décisions moderne fondé sur les valeurs et axé sur les résultats, et il ne reflète pas non plus les valeurs et méthodes modernes du monde du travail. Finalement, il ne reflète pas le rôle de conseil de gestion du Conseil du Trésor et ne correspond pas aux systèmes souples, efficients et abordables dont ont besoin les organismes de la fonction publique. Bref, le système [de gestion des ressources humaines] est de moins en moins adapté aux besoins d'un environnement dynamique.

Selon nous, le temps est venu de revoir l'ensemble du cadre réglementaire. Des modifications doivent être apportées pour moderniser et rationaliser les systèmes et les procédés qui sont considérés depuis longtemps comme des obstacles excessifs à la gestion efficace et, partant, à la réforme proprement dite.

Résoudre les questions que suscite la fragmentation du cadre de gestion des ressources humaines

FP 2000 visait à régler la question d'ordre structurel de la division des responsabilités entre le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique, mais comme plusieurs initiatives menées antérieurement, elle n'a pas réussi à le faire.

Les efforts déployés dans le passé se sont heurtés aux préoccupations des cadres supérieurs quant à l'importance de la Commission de la fonction publique pour le maintien de la nature apolitique de la fonction publique du Canada, ainsi que du principe du mérite. La question n'a toujours pas été réglée et la nécessité que la Commission continue de jouer un rôle, en tant que mandataire du Parlement, suscite encore beaucoup d'appui. Néanmoins, les dispositions et les réformes d'ordre structurel dans d'autres pays s'inspirant du modèle de Westminster semblent indiquer qu'il est tout à fait possible d'apporter des modifications au rôle joué par la Commission. Sinon, il est douteux que le système de dotation et les systèmes et procédés administratifs connexes puissent être modernisés et simplifiés.

Récemment, l'ancien directeur de FP 2000 faisait remarquer qu'en tant qu'ex-commissaire de la fonction publique, il est demeuré convaincu pendant des années, que le problème de la division des responsabilités pouvait être surmonté par certains moyens, sans changements structurels profonds. Toutefois, au cours des 20 dernières années, les organismes centraux ont tenté de trouver ces moyens, mais le problème n'a toujours pas été résolu. Il en est arrivé à conclure qu'étant donné « l'histoire des 30 dernières années, il est peu probable que dans le contexte actuel la fonction des ressources humaines dans la fonction publique jouisse de la priorité nécessaire ni que les professionnels des ressources humaines bénéficient du leadership nécessaire »27.

La question de la fragmentation est plus complexe aujourd'hui en raison du rôle de leadership plus ferme assumé au cours de la décennie écoulée par le greffier et le Comité des hauts fonctionnaires. Étant donné les circonstances, cette tournure des choses était souhaitable. Par exemple, comme le montre notre étude menée en avril 2000, les sous-ministres considèrent que la participation accrue du greffier à l'étude des questions relatives à la gestion des ressources humaines les a amenés à mieux comprendre les questions et à participer davantage à leur résolution. Néanmoins, la complexité s'est accrue. À cela s'est ajoutée la création d'autres organismes, comme le Centre canadien de gestion à la fin des années 1980 et le Réseau du leadership en 1998, qui eux aussi jouent un rôle dans la gestion des ressources humaines.

Deux sous-comités du Comité des hauts fonctionnaires (CHF) ont soulevé dans de récents rapports des inquiétudes à propos de la fragmentation de la responsabilité28. Le plus récent des rapports indiquait que le système était « fragmenté et mal coordonné », et qu'il « faut le clarifier et le simplifier pour définir clairement les orientations et les régimes d'imputabilité ». Il a également constaté que le problème touche le système de régie lié à l'apprentissage, au sein duquel le Conseil du Trésor, le Secrétariat du Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique, le Centre canadien de gestion et les ministères jouent tous des rôles importants. Le Conseil des ressources humaines - soit l'organisme qui représente les spécialistes de la fonction publique en gestion des ressources humaines - est d'avis que la rationalisation du système de régie de la gestion des ressources humaines est d'une importance primordiale pour permettre à la fonction publique de devenir un employeur de choix. Le Comité consultatif sur le maintien en poste et la rémunération du personnel de direction souscrit à cette opinion en déclarant :

[...] il faut de toute urgence établir des responsabilités claires, apparier les pouvoirs et, d'une manière générale, rationaliser les processus des ressources humaines pour que la fonction publique puisse atteindre ses objectifs ambitieux29.

Comme nous l'avons fait remarquer dans notre étude d'avril 2000, la question de la fragmentation doit être résolue. Des rôles et des responsabilités qui manquent de clarté et qui se chevauchent aboutissent au double emploi et au gaspillage des efforts ainsi qu'à l'inaction. Cela freine le rythme du changement à un moment où les conditions, actuelles et nouvelles, exigent un regain de vivacité et de souplesse, et une faculté d'adaptation accrue. La vérification à laquelle nous avons soumis le Programme de recrutement postsecondaire du gouvernement (Rapport du vérificateur général du Canada, chapitre 21, 2000) en témoigne. Il montre que si le recrutement est une priorité clé, aucun objectif ni aucune stratégie de recrutement n'existent. Le Secrétariat du Conseil du Trésor (responsable de la taille et de la composition de la fonction publique) a indiqué qu'il attendait que chaque ministère présente son analyse de rentabilisation pour obtenir des ressources additionnelles. La Commission de la fonction publique (qui en vertu de la loi est le seul organisme habilité en matière de nominations dans la fonction publique) a fait savoir qu'elle ne recruterait que pour combler les postes déterminés par les ministères. Ceux-ci ont pour leur part indiqué qu'ils tentaient d'obtenir le soutien et des instructions des organismes centraux. Conséquence : un manque d'action concertée à l'égard d'une priorité clé en matière de gestion. La résolution de la question de la fragmentation de la responsabilité est essentielle au renouvellement de la fonction publique, pour en faire un « employeur de choix ».

Renforcer la gestion des ressources humaines dans les ministères

Pour donner suite aux préoccupations que suscite la fragmentation du cadre de gestion des ressources humaines, il faut clarifier les responsabilités des sous-ministres et de leurs équipes de gestion en ce qui touche la nature du milieu de travail et des relations de travail. Notre étude d'avril 2000 sur les rôles et les responsabilités a révélé ce qui suit :

Le rôle des sous-ministres doit évoluer énormément pour que l'on cesse véritablement de s'appuyer sur un système où les sous-ministres ne sont responsables, essentiellement, que de l'administration d'un cadre prescrit par les organismes centraux. Les sous-ministres doivent être perçus comme les premiers responsables de l'élaboration et du maintien d'un milieu de travail sain dans leur ministère. Pour ce faire, ils doivent faire de la gestion des ressources humaines une partie intégrante de la planification du ministère; de plus, leur rendement à cet égard doit être évalué.

On peut faire beaucoup dans les limites du cadre législatif en place. Il se pourrait que les sous-ministres aient besoin de l'appui stratégique des organismes centraux ou de ressources additionnelles (p. ex. pour améliorer les activités de formation et de perfectionnement). Mais ils possèdent déjà beaucoup de pouvoirs en ce qui touche la gestion de leurs effectifs et la mesure dans laquelle on tient compte des besoins de leur organisme en matière de gestion des ressources humaines. Lorsqu'il y a lieu d'intensifier l'attention portée à ces questions, les sous-ministres peuvent apporter les changements organisationnels ou autres qui s'imposent. Ils peuvent veiller à ce que les intéressés disposent de l'information nécessaire pour prendre de meilleures décisions concernant les compétences dont l'organisme doit être pourvu et les besoins en matière de perfectionnement du personnel. Ils peuvent également demander le soutien des organismes centraux au besoin, par exemple pour obtenir des fonds afin d'améliorer le système de gestion de l'information. Ils peuvent aussi veiller à ce que les pratiques de responsabilisation ministérielles accordent une priorité suffisante à la façon dont les personnes sont gérées. Ils peuvent instituer des mécanismes comme des sondages auprès des employés et la rétroaction ascendante pour se tenir au courant des préoccupations du personnel et du rendement des membres de leur équipe de gestion dans le contexte des activités menées pour améliorer la gestion des ressources humaines.

En bref, à presque tous les égards, les sous-ministres sont maintenant habilités à gérer leurs effectifs et leur milieu de travail. Ce qu'il faut (à part des pouvoirs, un soutien ou du financement accrus), c'est que chacun assume la pleine responsabilité des questions à l'égard desquelles l'accroissement des pouvoirs ne constitue pas un problème et soit tenu rigoureusement, par le greffier, de rendre compte de la façon de s'acquitter de cette responsabilité.

Il se pourrait bien que des modifications législatives s'imposent également. Certains hauts fonctionnaires sont d'avis que les sous-ministres devraient assumer une responsabilité législative à l'égard de certains pouvoirs de « l'employeur » et/ou de la Commission de la fonction publique en matière de dotation, comme c'est le cas à l'heure actuelle pour divers organismes gouvernementaux, dont la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada. Ils prétendent que cela permettrait de mieux répondre aux besoins spécifiques et disparates des ministères, ce qui renforcerait l'efficience et l'efficacité. Ainsi, l'obligation redditionnelle des sous-ministres serait plus explicite et pourrait être renforcée; ce qui pourrait aussi faciliter la conduite de réformes qui s'imposent. Ils soutiennent que si les sous-ministres disposent maintenant de 90 p. 100 des pouvoirs dont ils ont besoin, les 10 p. 100 restants feraient la grande différence. En fait, la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada en est le témoignage vivant. Parmi les raisons explicites invoquées en faveur de la création de l'Agence à titre « d'employeur distinct » doté d'une autonomie accrue en matière de dotation, aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, figurent les avantages inhérents à la souplesse accrue dont elle dispose maintenant pour gérer ses effectifs et son milieu de travail.

Dans d'autres pays dont le système de gouvernement s'inspire du modèle de Westminster, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, les équivalents des sous-ministres sont maintenant investis d'une responsabilité législative accrue pour la gestion des ressources humaines. Les ministères fédéraux canadiens sont suffisamment importants pour être dotés des compétences et des pouvoirs nécessaires pour gérer leurs propres ressources humaines, en fonction de paramètres généraux établis par le gouvernement. Il conviendrait d'envisager maintenant la possibilité d'élargir les pouvoirs conférés aux sous-ministres en vertu de la loi.

De toute façon, les objectifs actuels de la réforme ne seront pleinement atteints que si un changement important se produit en ce qui a trait aux rôles des sous-ministres, des gestionnaires et des superviseurs à tous les échelons des ministères. Lorsqu'on sait que la fonction publique compte quelque 30 000 cadres intermédiaires, c'est une tâche immense, qui exigera un leadership et un effort ciblés pendant une période prolongée.

Les sous-ministres devront jouer un rôle de chef très visible et demeurer à leur poste pendant une période suffisamment longue afin de mettre en oeuvre des transformations de cette ampleur. Il leur faudra établir des objectifs de réforme clairs et ambitieux, pour leur ministère et leurs collègues cadres de direction. Avec l'aide des spécialistes fonctionnels de leur ministère, qui doivent eux-mêmes jouer un rôle plus stratégique de concert avec les cadres hiérarchiques, les sous-ministres devront mettre en place des moyens convenables de mesurer ou d'évaluer les progrès. Ils devront exiger que les fonctionnaires qui relèvent d'eux rendent compte des résultats obtenus à l'égard des défis que la gestion des personnes pose à l'organisme dont ils ont la charge.

Ils devront également avoir les moyens de s'assurer que les gestionnaires et les superviseurs de tous les secteurs du ministère sont également tenus de rendre des comptes. Étant donné le taux de roulement élevé que l'on prévoit au niveau des cadres de direction, des gestionnaires et d'autres professionnels, les sous-ministres devront accorder la priorité à certaines activités. Notons, par exemple, les sondages effectués auprès des employés et/ou l'obligation de rendre compte pour se tenir au courant, eux et leurs cadres supérieurs, des progrès accomplis et des résultats que les initiatives de changement menées à l'échelle de leur ministère ont apportés.

Pour qu'une priorité plus grande soit accordée à la gestion des ressources humaines, et que les sous-ministres et d'autres gestionnaires ministériels jouent effectivement un rôle plus important, ces derniers devront obligatoirement compter sur un appui stratégique et opérationnel fort de la part de spécialistes en ressources humaines. Il faudra combler la pénurie actuelle de spécialistes très compétents et répondre au besoin d'acquérir de nouvelles compétences d'un grand nombre de membres de cette collectivité fonctionnelle. À cet égard, plusieurs initiatives sont en cours.

Conclusion : Réflexions finales sur les conditions préalables à la réussite

Nous avons entrepris la présente étude sur les efforts déployés pour réformer la fonction publique au cours des dernières décennies, dans le but de donner au Parlement une évaluation générale des progrès accomplis, un point de vue sur les défis auxquels le gouvernement et la fonction publique font maintenant face dans la mise en oeuvre des transformations nécessaires, et de lui exprimer notre point de vue sur les conditions préalables à la réussite. FP 2000 visait à rationaliser et à moderniser le régime de gestion de la fonction publique, et à mettre en place un organisme plus dynamique, qui met l'accent sur le service et les résultats. Il s'agissait de maintenir et d'améliorer le rendement dans un contexte difficile et en rapide évolution, et de s'assurer que la fonction publique recrute toujours et maintient en poste des travailleurs compétents. L'initiative La Relève visait à s'attaquer aux problèmes liés au milieu de travail et à la main-d'oeuvre, aggravés par la situation financière difficile du milieu des années 1990, à une période où FP 2000 perdait de la vitesse. En dépit de cet important effort de réforme et des progrès accomplis, dans l'ensemble, les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes. Des améliorations considérables doivent toujours être apportées dans des secteurs comme la modernisation et l'amélioration du service au public, et l'amélioration de l'utilisation de l'information sur le rendement afin de renforcer les programmes, d'obtenir les résultats souhaités et de rendre compte du rendement.

Plus précisément, on n'a pas porté une attention suffisante à certaines faiblesses du cadre de contrôle de gestion du gouvernement. Nos vérifications ont mis en relief les problèmes qui en découlent et recommandé des mesures correctives. La responsabilisation des sous-ministres et de leurs équipes de gestion doit être renforcée au moyen de l'exécution efficace des programmes de gestion du rendement récemment élaborés. Pour sa part, le Secrétariat du Conseil du Trésor doit suivre de près les principaux systèmes de gestion ministériels afin d'en évaluer la qualité. De façon générale, ce ne sont pas des problèmes nouveaux, et ce ne sont pas des problèmes faciles à résoudre au sein d'une institution aussi grande et complexe que la fonction publique. Mais il reste que des améliorations importantes peuvent et doivent être apportées pour assurer la qualité des services que les Canadiens reçoivent et qu'ils financent à l'aide de leurs impôts.

Au cours de la décennie écoulée, la gestion des ressources humaines a mobilisé l'attention des cadres supérieurs de la fonction publique, et pourtant c'est dans ce domaine que les résultats sont les plus décevants. Les défis auxquels se heurte la fonction publique aujourd'hui dans le domaine des ressources humaines sont plus grands que ceux qui se présentaient dans les années 1990, à l'amorce de FP 2000. Le risque de crise du leadership qui pourrait accompagner les départs « massifs » à la retraite dans les rangs des cadres supérieurs et des professionnels de la fonction publique, l'actuelle sous-représentation des jeunes et les défis que pose l'amélioration de la représentativité de la fonction publique, sont des questions qui ont pris de l'importance. Les relations de travail ont continué de se détériorer jusqu'à ce que les restrictions salariales imposées par la loi soient levées, et les initiatives visant à réparer les dommages n'ont été amorcées qu'à la fin de la décennie; il faut surmonter le handicap de la méfiance. À d'autres égards, en particulier en ce qui touche la dotation et le perfectionnement des employés, si les problèmes ne se sont pas aggravés, on n'a pas non plus réussi à en venir à bout. Bien que la gestion des ressources humaines retienne davantage l'attention des sous-ministres, les changements dans les mentalités et les pratiques devant accompagner la mise en place d'une nouvelle philosophie de gestion ne sont toujours pas une réalité à l'échelle du système. En outre, la fonction publique d'aujourd'hui fait face à la vive concurrence des autres employeurs qui, eux aussi, sont à la recherche de travailleurs du savoir, lesquels constituent maintenant la majorité et une proportion croissante des fonctionnaires. L'impossibilité de surmonter ces problèmes et de mettre en place une institution plus souple et adaptable risque de plus en plus de se traduire par une fonction publique incapable de relever les défis de demain - incapable d'obtenir les résultats escomptés par les ministres et par les Canadiens.

Notre étude a cerné plusieurs questions qu'il faut régler de sorte que les efforts de réforme déployés aujourd'hui et demain soient plus fructueux que ceux des années 1990. À ce propos, il est impérieux d'établir un calendrier de réforme qui bénéficie du ferme appui des ministres, comme en témoigne l'expérience du Canada et d'autres pays. Au Canada, à part quelques exceptions, il est arrivé trop souvent dans le passé que les ministres aient accordé relativement peu d'importance aux réformes de la gestion, dans un contexte politique. En fait, le dénigrement de la fonction publique était en vogue à ce moment-là, au Canada et ailleurs. Mais le rendement du gouvernement, à titre de mandataire des Canadiens, est étroitement lié à la fois à la capacité de la fonction publique de répondre aux besoins des ministres et du public, et à sa capacité de le faire en respectant les normes de gestion les plus élevées. Il est donc manifestement dans l'intérêt de tous les ministres que la réforme de la gestion soit fructueuse. À notre avis, la saine gestion d'une fonction publique qui soit en mesure de recruter et de maintenir en poste sa part des éléments les plus compétents et les plus brillants de la société canadienne est dans l'intérêt de tous.

En outre, le rôle joué par le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet est un rôle clé. Il est unique de par les relations entretenues avec le premier ministre et le Cabinet, et en raison de la responsabilité du greffier en ce qui touche le rendement global de la fonction publique. Le greffier est en mesure d'influencer la nomination et les priorités des sous-ministres, leur obligation de rendre compte du rendement, leur rémunération, leur perfectionnement, leur réaffectation et leur destitution. Comme on peut le lire dans le Livre blanc sur FP 2000 : « En tant que chef de la fonction publique, le greffier est en mesure d'évaluer les besoins de celle-ci, de répondre de son rendement en tant qu'institution et d'assurer le leadership visible qui est essentiel dans toute organisation moderne où le moral et l'engagement de chacun sont les clés d'un effectif motivé ». De concert avec la collectivité des sous-ministres et les organismes centraux, le greffier peut fournir un leadership qui est essentiel à l'établissement d'un programme de réforme global ambitieux et à la responsabilisation des collègues quant à son exécution. Le greffier a un rôle tout aussi important à jouer pour remédier au roulement trop fréquent des sous-ministres et d'autres cadres essentiellement responsables de la gestion.

Que des initiatives de réforme comme FP 2000 et La Relève réussissent ou échouent, en fin de compte elles reposent sur les épaules des sous-ministres. Le rôle qu'ils jouent, en particulier dans la gestion des ressources humaines, doit continuer d'évoluer. Collectivement, ils remplissent désormais un rôle important pour l'établissement du programme général de gestion. Individuellement, ils définissent les initiatives ministérielles en matière de gestion, organisent et dirigent les effectifs ministériels. Ils sont chargés de mettre en place et de tenir des contrôles de gestion qui respectent les politiques et les normes prescrites par l'administration centrale. Ils doivent obtenir des résultats. Et de plus en plus, ils doivent assumer la responsabilité consistant à créer un milieu de travail novateur et dynamique, doté de travailleurs engagés et hautement compétents, car ce sont les efforts déployés par ces travailleurs qui donneront des résultats, et ils doivent en rendre compte.

Le temps est-il venu d'effectuer un examen indépendant du cadre législatif de la gestion des ressources humaines?

Le régime de gestion des ressources humaines doit être rationalisé et modernisé, car il est devenu complexe et n'a subi à peu près aucune restructuration au cours des trois dernières décennies, en dépit des nombreuses initiatives entreprises à ce chapitre. Comme nous le mentionnons dans notre étude d'avril 2000, de nombreuses études ont souligné ce besoin et, notamment à l'égard de la dotation, ont présenté le cadre législatif en place comme un obstacle à la modernisation. Le Groupe de travail de FP 2000 sur la dotation figure parmi ceux qui en font état. Par ailleurs, l'examen en cours du régime des relations de travail permet de cerner des questions semblables. Il faut vraiment aller au fond des préoccupations de longue date que soulèvent les structures de régie en cause. Ces préoccupations touchent les responsabilités divisées entre le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique, entre eux et d'autres entités légales comme le Bureau du Conseil privé, le Comité des hauts fonctionnaires, le Centre canadien de gestion et le Réseau du leadership, et entre ces organismes centraux ou agences-sociétés et les sous-ministres des ministères responsables. Ce « morcellement » de la responsabilité s'est soldé par un manque de clarté de l'orientation, du leadership et de la responsabilité. Il entrave en outre les transformations indispensables.

La collectivité des sous-ministres, sous le leadership du greffier du Conseil privé, a consacré beaucoup d'énergie à quelques-unes de ces questions, au cours de la décennie écoulée. Mais étant donné l'évolution de la situation et le leadership changeant, et en dépit des bonnes intentions, les résultats ont été décevants : trop d'études et peu de changements. On voit maintenant l'incidence, sur la fonction publique, des défis inhérents à la gestion des ressources humaines, et on comprend la nécessité d'agir avec célérité.

Notre étude d'avril 2000 concernant la rationalisation du régime de gestion des ressources humaines a montré que si la modification du cadre législatif bénéficiait d'une vaste appui, elle suscitait également des préoccupations, en particulier chez les sous-ministres, qui se demandent si la mise en oeuvre de mesures de réforme si radicales est réalisable d'un point de vue pratique. Cette attitude d'hésitation découle des préoccupations quant à la modification éventuelle du rôle et de l'indépendance de la Commission de la fonction publique, si l'on veut s'assurer que la fonction publique demeure professionnelle et apolitique. À cela s'ajoute la crainte qu'en raison de la faible priorité politique généralement donnée aux réformes de la fonction publique et aux revendications syndicales de longue date (par exemple faire de la dotation une question négociable), il ne soit pas facile d'apporter les modifications législatives souhaitables30. En fait, on craint qu'un tel effort soit contre-productif. La réponse du gouvernement à notre étude d'avril 2000 était plus optimiste que notre propre étude à plusieurs égards, notamment la réforme de la dotation et la souplesse que permet l'actuel cadre législatif. Nous reconnaissons les difficultés inhérentes que présente l'éventualité d'apporter des modifications radicales aux lois, en raison des positions arrêtées sur diverses questions et du contexte politique. Il n'en reste pas moins que pour les raisons déjà citées, le Bureau est d'avis que l'examen approfondi et transparent du cadre législatif s'impose.

Au cours des deux dernières décennies, la plupart des propositions de réforme ont émané de hauts fonctionnaires ou d'études qu'ils ont commandées. Mais faute de consensus de la part des cadres supérieurs au sujet des questions clés, les réformes mises en oeuvre n'ont apporté que des changements d'ordre secondaire. Vu l'importance et la nature délicate de la question de la gestion des affaires publiques et des questions liées aux relations de travail auxquelles il faut s'attaquer, la complexité de certaines d'entre elles et les conséquences éventuellement néfastes pour le Canada et les Canadiens d'une fonction publique non performante, il conviendrait que le gouvernement envisage maintenant un examen indépendant et pragmatique du cadre législatif de la gestion des ressources humaines. Un tel examen, adapté à l'évolution des conditions et aux défis à venir, viserait à engendrer des propositions de réforme et un projet de loi concomitant.

La participation du Parlement

En 1979, la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité (la Commission Lambert) a fait remarquer que la gestion du personnel, à tous égards, était aussi importante sinon plus importante que la gestion financière dans le contexte de la gestion globale des activités gouvernementales. Pourtant, la Commission constatait que l'examen de la gestion du personnel par le Parlement était plus limité que l'examen des questions de gestion financière par l'intermédiaire du Comité des comptes publics. La situation n'a pas changé.

En dépit d'une recommandation formulée en 1997 par le Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes, qui préconisait qu'un comité parlementaire examine régulièrement les progrès accomplis, aucune de ces questions n'a fait l'objet d'un examen approfondi de la Chambre des communes entre avril 1997 et la fin de l'an 2000. Cette situation existe et ce, malgré le fait qu'un rapport sur l'état de la fonction publique, que le greffier du Conseil privé doit présenter au premier ministre chaque année en vertu d'une loi, est déposé au Parlement, tout comme le rapport annuel de la Commission de la fonction publique.

Le Bureau du vérificateur général a constaté que le Parlement jouait habituellement un rôle important dans l'amélioration de la gestion des affaires de l'État. Étant donné le sérieux des défis que doit relever la fonction publique aujourd'hui, l'urgence de s'y attaquer et l'importance capitale d'une fonction publique performante pour les Canadiens, les parlementaires pourraient juger opportun d'envisager des moyens de surveiller de manière continue et plus efficace la qualité de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique et l'évolution des initiatives de réforme gouvernementales.

Dans l'intérêt de tous les Canadiens, le gouvernement doit appuyer fermement les dirigeants de la fonction publique qui déploient des efforts au profit de la réforme et du renouvellement de la fonction publique, et faciliter la fonction de surveillance du Parlement.

Annexe - Principes de la philosophie de gestion énoncés dans le Livre blanc sur FP 2000

Service
  • Les fonctionnaires appuieront et conseilleront les ministres, concevront et administreront des programmes et assureront des services au public.
  • La gestion de la fonction publique sera axée sur les résultats à obtenir et imprégnée d'une philosophie de service à la clientèle.
  • L'égalité de l'anglais et du français sera assurée aussi bien dans la prestation des services au public que dans les activités internes du gouvernement.
  • Les ressources en place seront dirigées vers les services aux Canadiens et le soutien des ministres et des activités essentielles du gouvernement.
  • Les fonctionnaires auront le souci de la transparence et de la consultation du public dans l'exercice de leurs fonctions. Ils respecteront les opinions d'autrui et rechercheront le consensus.
Innovation
  • Dans un cadre législatif délimité par le Parlement, et selon l'orientation établie par les ministres, les fonctionnaires seront encouragés et habilités à utiliser leurs énergies créatrices pour décider au mieux de l'utilisation des ressources dont ils disposent afin de se décharger de leurs responsabilités de la façon la plus efficace.
  • Le pouvoir de décision sera délégué, dans des limites raisonnables, aux niveaux hiérarchiques les plus bas. Il incombera aux gestionnaires de veiller au bon rendement de l'argent des contribuables en assurant des services rentables.
  • L'innovation ayant pour objet d'améliorer la productivité et la qualité des services sera encouragée et récompensée.
  • La réglementation centrale interviendra seulement lorsqu'elle sera essentielle aux intérêts plus généraux du gouvernement dans son ensemble.
  • L'autorité en matière de personnel, de finances et d'administration sera décentralisée afin de permettre aux gestionnaires d'accéder facilement aux outils dont ils ont besoin pour effectuer leur travail.
  • La recherche, l'étude et le développement sous-tendront et soutiendront les politiques, les programmes et les services innovateurs.
  • La technologie servira à augmenter la productivité, à améliorer le contenu des emplois individuels et à assouplir les conditions de travail, de même qu'à accroître l'accès des citoyens aux services.
Personnes
  • Les membres de la fonction publique seront traités comme étant sa plus importante ressource.
  • Des politiques en matière de gestion du personnel seront élaborées et appliquées de façon à attirer et à retenir dans la fonction publique la part de talent qui lui est nécessaire.
  • On s'attendra des gestionnaires de la fonction publique qu'ils prêchent par l'exemple et encouragent la communication avec leur personnel. C'est à eux qu'il incombera de définir la mission de l'organisation, de fixer des objectifs clairs et d'amener l'effectif à participer à un processus de décisions par consensus. La capacité de fixer des objectifs, de déléguer et de gérer efficacement le temps permettra de cerner le gestionnaire qui réussit et sait s'adapter.
  • Les fonctionnaires seront gérés d'une façon qui respectera leurs responsabilités professionnelles et familiales générales et l'on s'attendra qu'ils manifestent le même respect envers tous ceux avec qui ils entreront en rapport dans l'exercice de leurs fonctions.
  • À l'exception de ceux dont la désignation est reconnue, les fonctionnaires continueront d'avoir le droit de se syndicaliser en vue des négociations collectives.
  • Pour attirer et retenir les services de personnes compétentes, et encourager les fonctionnaires à prendre de plus grandes responsabilités, la fonction publique aura recours à des programmes de promotion de la carrière, de formation et de perfectionnement.
  • Chacun sera personnellement responsable de sa carrière et y sera concrètement aidé par des mécanismes ministériels et interministériels encourageant le recours aux déploiements afin d'enrichir et de faire évoluer les carrières.
  • La formation et le perfectionnement professionnel seront intensifiés et l'on insistera davantage sur les valeurs et l'éthique de la fonction publique.
  • Tous les gestionnaires appuieront concrètement la politique gouvernementale d'équité en matière d'emploi et la compréhension et le respect de la diversité culturelle continueront de marquer tant le service au public que le milieu de travail.
Obligation de rendre compte
  • Les fonctionnaires seront plus explicitement comptables envers leurs supérieurs et, en fin de compte, les ministres pour la qualité de leur travail, pour l'utilisation morale de l'autorité et des ressources accrues qui leur seront confiées et pour les résultats qu'ils obtiendront sous forme de meilleurs services aux Canadiens et d'appui au gouvernement.
  • Le rendement des fonctionnaires sera évalué selon des normes facilement comprises et, dans la mesure du possible, par rapport à des objectifs clairs.
  • Les superviseurs feront régulièrement part à leurs subalternes de leurs observations sur le rendement, sauront reconnaître promptement un rendement exceptionnel et feront fidèlement mention dans leurs évaluations du rendement des points forts et des points faibles qu'ils auront observés. Il incombera aux gestionnaires d'aider les employés dont le rendement est insatisfaisant à corriger leurs lacunes, à acquérir la formation nécessaire ou, au besoin, à quitter la fonction publique.

 

Fonction publique 2000 - À l'heure du bilan

John Edwards

Préface

Quand le Bureau du vérificateur général m'a invité à faire le bilan du projet de réformes Fonction publique 2000 (FP 2000), j'étais un peu réticent pour trois raisons :

  • Un projet déjà tombé dans l'oubli susciterait-il suffisamment d'intérêt?
  • En tant qu'ancien gestionnaire du projet, pourrais-je être suffisamment impartial ou serais-je sur la défensive?
  • Le rapport ferait-il resurgir des tensions en veilleuse, et stériles, chez ceux qui étaient parties prenantes aux débats de FP 2000?

À quel point s'y intéressera-t-on? Je n'en sais rien. Mais je crois qu'il est important, pour des raisons évidentes, de s'efforcer de consigner les événements passés. Sans une bonne appréciation du passé, on pourrait fort probablement mal interpréter les défis du présent.

Je laisse aux lecteurs le soin de juger si j'ai su éviter d'être sur la défensive. Et le temps nous dira si j'ai pu éviter de faire resurgir des tensions qu'il valait mieux laisser en veilleuse.

Je veux souligner à quel point tous ceux que j'ai consultés m'ont bien accueilli : ils ont pris le temps de me parler abondamment de FP 2000; bon nombre semblaient même heureux d'avoir l'occasion de se pencher de nouveau sur les questions étudiées. Certains ont été surpris lorsqu'ils ont relu les recommandations et qu'ils se sont rendu compte du grand nombre de recommandations qu'ils estiment avoir été mises en oeuvre ou surpassées dans leur secteur de responsabilité.

Résumé

Le projet de réformes Fonction publique 2000 (FP 2000) a été lancé au début des années 1990. L'étude dont nous présentons les résultats dans le présent rapport visait à explorer ce que les chefs de file se sont efforcés de réaliser, ce que les groupes de travail de FP 2000 ont recommandé, et la suite donnée aux recommandations au cours des années 1990. Le rapport présente enfin quelques conclusions sur l'incidence globale de FP 2000 et certaines réflexions personnelles de l'auteur qui pourraient être utiles à de futurs réformateurs.

FP 2000 vient de la frustration croissante des fonctionnaires, particulièrement des gestionnaires, à l'égard de ce qu'ils percevaient comme des tracasseries et des contrôles excessifs. Leur frustration était décuplée par le fait que d'autres fonctions publiques et le secteur privé trouvaient de meilleures façons de gérer les ressources et de répondre aux besoins du public.

L'envergure de FP 2000 était assez modeste. Le projet ne visait pas à modifier le rôle ni la taille du gouvernement ou la relation entre les fonctionnaires et les ministres, ni à modifier radicalement les structures de l'administration fédérale. Il visait à rationaliser l'administration de la fonction publique.

Le moment semblait propice : le premier ministre en était au début de son deuxième mandat, une personne expérimentée était au poste de greffier du Conseil privé, un sous-ministre des opérations venait d'être nommé secrétaire du Conseil du Trésor et la vague de compressions budgétaires importantes semblait avoir pris fin. Cependant, les travaux effectués dans le cadre de FP 2000, au cours de la deuxième année, ont été perturbés par de nouvelles compressions budgétaires, l'affaire Al Mashat, un gel de trois ans des salaires et la plus importante grève de la fonction publique de l'histoire. Puis, au cours du régime Campbell, la fonction publique a été soumise à une restructuration en profondeur des ministères, y compris à de fortes compressions au niveau des sous-ministres adjoints, à une prolongation du gel des salaires, puis à l'Examen des programmes - la réduction la plus radicale et la plus rapide des budgets et de l'effectif jamais réalisée. De plus, les pressions des négociations constitutionnelles et deux changements de gouvernement ont détourné l'attention des réformes administratives.

Malgré les bouleversements des années 1990, FP 2000 a bel et bien suscité certaines réformes utiles. Les plus dignes de mention sont un accent plus soutenu sur le service au public, de nouveaux outils de gestion des ressources et une transformation de taille du rôle des organismes de services communs. Mais à part quelques changements utiles, l'incidence globale du projet sur la gestion des ressources humaines a été décevante - résultat paradoxal puisque sept des dix groupes de travail de FP 2000 se sont penchés sur les divers aspects de la gestion des ressources humaines.

Service au public

Il est à peu près indéniable que les travaux du Groupe de travail sur le service au public ont contribué à un changement profond des attitudes à l'égard du service au public. Des énoncés de mission davantage axés sur le service, un plus grand nombre de consultations du public, des procédures de gestion des plaintes, des guichets uniques plus nombreux, l'accroissement du nombre de cours sur le service à la clientèle, la restructuration des processus, la gestion de la qualité totale et la prolifération des nouveaux mécanismes de régie et des nouveaux partenariats en témoignent éloquemment.

Ce changement est consigné dans des sondages comparatifs menés en 1990 et en 1996. Le sondage mené en 1999 auprès des fonctionnaires a démontré que la plupart des employés savaient qui étaient leurs principaux clients, que la plupart d'entre eux interrogeaient les clients sur leurs besoins et leurs attentes et que trois fonctionnaires sur quatre croyaient avoir la souplesse nécessaire pour adapter leurs services aux besoins de leurs clients.

Il reste encore beaucoup à faire, mais le changement d'attitude au cours de la dernière décennie a été profond.

Gestion des ressources

Les principales réalisations ont été l'introduction de budgets de fonctionnement uniques, qui donnent aux gestionnaires une plus grande latitude pour affecter les ressources selon les circonstances, le report des fonds non dépensés d'une année à l'autre et l'incitation à produire des recettes.

Organismes de services communs

Au cours des années 1990, les organismes de services communs semblent avoir réussi à se transformer en fournisseurs de services plutôt qu'en organismes de contrôle. Cette transformation a été facilitée par l'utilisation accrue de la technologie et par le recours facultatif aux organismes de services communs pour les ministères.

Classification

Le régime de classification instauré en 1968 était depuis longtemps source de frustration pour les gestionnaires. En 1990, FP 2000 a recommandé une simplification importante et la Loi sur la réforme de la fonction publique de 1993 en a été le fondement juridique. Cependant, les progrès ont été ralentis par le débat sur la façon d'en arriver à intégrer la notion de parité salariale pour des fonctions équivalentes. Aujourd'hui, il semble qu'un régime assez semblable à celui proposé en 1990 sera bientôt en vigueur.

Bien que les gestionnaires s'inquiètent de la transition au nouveau régime, la plupart s'attendent à ce qu'il réduise considérablement le nombre de mesures de classification et de dotation et à ce qu'il facilite par conséquent les activités et l'avancement des carrières.

Dotation en personnel

Le recrutement a joui d'un peu plus de latitude - par exemple, possibilité d'avoir davantage recours aux agences d'aide temporaire, d'embaucher des employés occasionnels et de mettre en place des programmes d'équité en matière d'emploi.

La souplesse en matière d'affectation interne a également été accrue : on a facilité les affectations et la promotion du personnel qui participe à des programmes de perfectionnement lorsque le niveau voulu de compétences est atteint et on a rationalisé les procédures d'autorisation de sécurité.

De nombreux gestionnaires jugent toujours la fonction de dotation frustrante, particulièrement en raison du temps et des efforts qu'il faut déployer pour pourvoir à des postes par voie de concours. Les dirigeants syndicaux manifestent toujours des réserves à l'égard des employés occasionnels et jugent les résultats de l'expérience de déploiement plutôt mitigés, bien que la Commission de la fonction publique (CFP) n'ait reçu que peu de plaintes à ce sujet.

Relations de travail

Le Groupe de travail sur les relations de travail de FP 2000 a conclu que le régime de négociation collective ne présentait que peu de lacunes. Il a produit des mises au point utiles et bon nombre des changements nécessaires se sont traduits en lois. La suspension des négociations collectives pendant la majeure partie des années 1990 n'a pas réellement donné l'occasion de tester la valeur de ces changements.

Le processus de renvoi des employés au rendement insatisfaisant a été rationalisé pour encourager les gestionnaires à agir avec plus de rigeur. Cependant, les gestionnaires et les chefs syndicaux ne croient pas que cette rationalisation a eu beaucoup d'effet.

Rémunération et avantages sociaux

Les recommandations de FP 2000 visaient le recours à la rémunération et l'établissement de meilleurs programmes de récompenses pour reconnaître l'atteinte des résultats. Cependant, les syndicats ont indiqué clairement qu'ils s'opposaient tout à fait à la rémunération fondée sur les résultats. L'an dernier, une telle méthode de rémunération a été adoptée pour le groupe de la direction (le Programme de gestion du rendement). De nouveaux programmes de récompenses et de reconnaissance ont été créés tant au niveau des ministères que de l'ensemble de la fonction publique.

FP 2000 a également cherché à donner aux fonctionnaires un plus grand éventail de possibilités de carrière en apportant des changements qui rendent l'emploi à temps partiel plus attrayant (un certain progrès a été réalisé), qui encouragent le partage des postes (peu de progrès) et qui instaurent le congé avec étalement du revenu (bon progrès) et le congé de transition à la retraite (peu de progrès). D'autres modifications ont été conçues pour faciliter le retour au travail des employés qui reviennent d'un congé sans solde et pour faciliter le télétravail; il n'existe pas de données sur leur popularité.

Groupe de la direction

FP 2000 a envisagé un effectif de hauts fonctionnaires qui serait plus petit (moins de niveaux) et plus mobile (la nomination à un niveau), qui aurait une philosophie de gestion commune et qui bénéficierait d'une formation et d'un réservoir de bons candidats pour doter les postes vacants au fur et à mesure des besoins. La mise en oeuvre de cette recommandation a été inégale.

On a réussi à réduire le nombre de niveaux, mais moins que prévu. La nomination au niveau du poste a progressé très lentement, mais elle existe en fait pour le niveau de SMA; des éléments de cette recommandation ont été adoptés pour d'autres niveaux EX. On a commencé à cerner des valeurs communes et on a publié le profil des compétences requises des gestionnaires. On a lancé, en 1992, le Programme de stagiaires en gestion dans le but de faire progresser rapidement des candidats choisis qui possèdent des diplômes d'études supérieures. Aujourd'hui, plus de 500 d'entre eux ont participé au programme et les premiers commencent à atteindre le niveau EX.

Formation et perfectionnement du personnel

Les groupes de travail de FP 2000 ont attaché une grande priorité à la formation et au perfectionnement. Cependant, en période de restrictions, cette fonction, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, est généralement la première à subir des compressions. La plupart des personnes interviewées pour l'étude n'avaient pas constaté, s'il y en a eu, d'augmentation considérable de la formation au cours des années 1990, même si elles ont déclaré que l'éventail des cours offerts avait changé de façon marquée : le service au public, les technologies de l'information, la diversité culturelle et la collectivité scientifique ont joui d'une plus grande priorité. La formation générale en gestion peut avoir diminué, mais un plus grand nombre de cours sur des aspects particuliers de la gestion sont offerts : les relations patronales-syndicales, le traitement des cas de harcèlement, les compétences en médiation, le mentorat et le leadership.

Un chef syndical s'est dit encouragé du nombre de cours conjoints offert par les syndicats et la fonction publique dans certains de ces domaines, ainsi que sur la santé et la sécurité et la Norme générale de classification.

Il est difficile d'évaluer les progrès de la mise en oeuvre d'un plan de formation pour chaque employé. Les preuves sont mixtes; cela pourrait fort bien refléter les progrès inégaux des ministères - et l'on peut probablement en dire autant de l'orientation professionnelle.

Reddition de comptes

Un modèle assez complet qui se dégage des recommandations de FP 2000 comporte les éléments suivants :

  • une philosophie de gestion commune;
  • une correspondance entre le pouvoir et la responsabilité;
  • responsabilité personnelle;
  • l'évaluation du rendement, y compris la rétroaction ascendante;
  • des primes au rendement dans le cadre de la rémunération;
  • une transparence accrue;
  • le renforcement du modèle par la formation et la vérification.

Des progrès utiles ont été marqués pour des éléments particuliers, mais les résultats globaux - comme de nombreux gestionnaires en conviendront - ne sont pas très impressionnants. D'aucuns croient qu'il reste encore beaucoup de travail à faire avant que des processus redditionnels satisfaisants soient en place dans toute la fonction publique.

Conclusions générales

  • De nombreuses recommandations de FP 2000 ont été mises en oeuvre et les gestionnaires ne voudraient pas revenir en arrière; les travaux se poursuivent pour de nombreuses autres. Il y a lieu de croire que les recommandations étaient fondamentalement bonnes.
  • Les preuves les plus encourageantes sont l'accent mis sur le service au public, la transformation des organismes de services communs en organismes de services, la réduction des tracasseries administratives et une plus grande acceptation du fait que les fonctionnaires devraient mettre en question l'utilité des règles et des procédures.

La principale déception a été l'incapacité de faire une percée majeure dans la gestion des ressources humaines.

Réflexions

Le document se termine par les réflexions de l'auteur sur neuf questions :

  • Mesure de la responsabilisation. Pourquoi ces réformes se sont-elles révélées aussi difficiles à mettre en oeuvre? Pourquoi des efforts sont-ils tombés dans l'oubli dans le passé? Étant donné certaines des difficultés que pose le fait de mesurer le rendement et d'attribuer les résultats à des personnes, à quel point faut-il mesurer la responsabilisation et qui doit le faire? Dans quelle mesure les politiciens sont-ils intéressés par la qualité de l'administration publique?
  • Organismes d'exécution. En 1990, il était sage de ne pas se mettre rapidement à séparer des responsabilités opérationnelles pour les confier à des organismes autonomes. Même en l'an 2000, la prudence est de mise jusqu'à ce qu'on en comprenne mieux les avantages (efficience? service? responsabilisation?) et les inconvénients (conflits entre le chef de l'agence et le ministre? politisation des hauts fonctionnaires? horizons à court terme?)
  • Mandats des organismes centraux. Ce fut une erreur de reculer devant le problème de longue date, à savoir si le leadership global exercé sur la gestion des ressources humaines deviendra un jour assez solide tant et aussi longtemps que les responsabilités opérationnelles sont réparties entre la Commission de la fonction publique (mandataire du Parlement) et le Conseil du Trésor.
  • Les syndicats. Les réformateurs auraient dû déployer plus d'efforts au début de FP 2000 pour obtenir une plus grande participation des syndicats. Cependant, étant donné la grande disparité entre les objectifs des réformateurs de FP 2000 et ceux des syndicats, il est réaliste de dire qu'il n'était pas possible d'éviter des désaccords importants.
  • Réformes vastes ou sélectives? Comme principe général, il est plus sage de se concentrer sur quelques objectifs de réforme plutôt que de viser de vastes réformes. Cependant, une telle stratégie n'aurait pas bien fonctionné dans le cas de FP 2000.
  • Obsolescence des projets de réforme. Dans un monde en perpétuelle réforme, il n'est probablement plus utile de rendre une série de réformes très visible.
  • Leadership et appui politiques. Même si les compressions budgétaires de 1991 étaient inévitables, un gouvernement plus soucieux des réformes administratives aurait trouvé une approche budgétaire différente et moins nuisible. Cependant, il est difficile d'attribuer le peu de progrès des changements envisagés à l'absence d'appui politique.
  • Leadership bureaucratique. L'engagement personnel et visible du greffier du Conseil privé est essentiel au succès de tout programme de réformes majeur. Il est peu probable qu'un greffier puisse s'engager intensément pendant plus d'un an ou deux.
  • Réversibilité des réformes. Les réformes peuvent sombrer dans l'oubli si l'on ne s'y consacre pas continuellement. Comme tant d'autres, l'auteur craint qu'une réaction disproportionnée à la controverse de Développement des ressources humaines Canada (DRHC) ne vienne nuire aux progrès réalisés jusqu'à maintenant, particulièrement en matière de service au public.

Introduction

But du rapport et méthodes

Le but du rapport est simple : décrire les résultats de Fonction publique 2000 (FP 2000), projet de réformes lancé au début des années 1990 et nommé ainsi pour reconnaître qu'il faudrait probablement dix ans pour le mener à bien.

Une personne plus portée sur les concepts que moi aurait peut-être cherché les causes et les effets de ce projet. Par exemple :

  • Quels changements apportés dans la foulée de FP 2000 doit-on attribuer aux projets de réformes antérieurs?
  • Quelles réformes envisagées par FP 2000 se seraient produites de toute façon? Se sont-elles produites plus tôt en raison de FP 2000?
  • Quelles relations existe-t-il entre FP 2000 et les réformes ultérieures? Aurait-on réalisé davantage ou moins si l'Examen des programmes n'avait pas été lancé? Est-il raisonnable de voir dans La Relève, du moins en partie, une nouvelle incarnation de Fonction publique 2000, une fois apaisées les vagues soulevées par l'Examen des programmes?

J'ai évité ce bourbier et j'ai pris une piste moins exigeante. Je décris ce que les dirigeants de FP 2000 se sont efforcés de réaliser, ce qu'ils ont recommandé, et je fais un constat des recommandations adoptées au cours des années 1990. J'évalue ensuite la mesure dans laquelle les objectifs de FP 2000 ont été atteints et je conclus par quelques observations que j'estime pertinentes pour l'avenir.

Pour produire ce rapport, je me suis appuyé sur :

  • une documentation énorme, y compris le vaste sondage réalisé en 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux (annexe)1;
  • des entrevues avec 13 spécialistes des organismes centraux et un éventail d'autres personnes qui, en particulier, occupaient dans les années 1990 un poste qui leur a permis de comparer la situation d'alors avec la situation actuelle. Il s'agit d'une douzaine de cadres de la région de la capitale nationale, la plupart au niveau de sous-ministre adjoint, de huit dirigeants régionaux (du Pacifique et de l'Atlantique) et de quatre personnes qui étaient cadres supérieurs de syndicats pendant toute ou presque toute la décennie. Pour obtenir des réponses aussi franches que possible, j'ai donné aux personnes interviewées l'assurance que les vues qu'elles exprimeraient ne leur seraient pas attribuées dans le rapport.

J'ai éprouvé deux difficultés :

  • Dans une carrière, dix ans est une longue période; ainsi, de nombreux intervenants clés dans FP 2000 ont pris leur retraite il y a des années. Bon nombre de ceux que j'ai interviewés ont eu de la difficulté à se souvenir des détails des pratiques de gestion de la fonction publique au début des années 1990. Donc, leurs commentaires étaient souvent plutôt des impressions. Pour compenser cela, je me suis efforcé, dans la mesure du possible, d'inclure des données statistiques indiquant l'ampleur des changements apportés.
  • Ces comparaisons statistiques ont été limitées, car l'information dont disposent les organismes centraux sur les rouages internes de la fonction publique n'est pas aussi complète qu'elle l'était autrefois, particulièrement sur la fonction ressources humaines. (Qu'est-il arrivé de l'hypothèse du début des années 1990 voulant que, plutôt que d'exiger des rapports des ministères, les organismes centraux n'aient qu'à extraire l'information électroniquement des systèmes d'information de gestion des ministères?)

Les origines de FP 2000

La frustration croissante, particulièrement dans les rangs de la direction, devant ce qui était perçu comme des tracasseries administratives et des contrôles excessifs, a été le principal facteur qui a mené au lancement de FP 2000. Au moment où la fonction publique s'efforçait d'absorber une succession de compressions budgétaires et cherchait à « faire plus avec moins », la conviction que les efforts des gestionnaires dévoués étaient minés par une culture fondée sur des règles excessives était largement répandue - suivre les règles était considéré plus important que d'obtenir des résultats.

Le niveau d'exaspération a augmenté du fait que d'autres gouvernements parlementaires qui ont des liens étroits avec le Canada (la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Royaume-Uni) s'employaient activement à mettre fin à ces contraintes et à simplifier les processus administratifs. Certains changements, comme l'adoption par l'Australie d'un système de classification simplifié et d'un seul budget de fonctionnement, se sont révélés profitables.

Les problèmes de la fonction publique fédérale du Canada avaient été reconnus par le vérificateur général dans nombre de rapports, et ce, dès 1983 avec les « Entraves à une gestion productive dans la fonction publique ». Le Forum des politiques publiques a soulevé des préoccupations qui ont culminé, en janvier 1989 en une proposition de revitalisation de la fonction publique qu'il a adressée au premier ministre :

[traduction]

« Nous voulons garantir que les cadres du gouvernement disposent des ressources humaines et des outils dont ils ont besoin pour assurer une gestion efficace, que la structure des incitatifs favorise l'innovation dans la fonction publique plutôt que d'être une entrave à celle-ci, que les gestionnaires soient encouragés à accomplir le travail avec moins de ressources et que les fonctionnaires à tous les niveaux mettent l'accent sur le service à la clientèle plutôt que sur le respect des règles et des procédures établies. »

De plus, le fait que des sociétés du secteur privé comme Générale Électrique et DuPont obtenaient un rendement plus élevé de leurs employés, en établissant des objectifs plus clairs et en les faisant participer davantage à la prise de décisions, par exemple, est devenu de plus en plus connu.

La nature de FP 2000

Ce qu'était FP 2000

Si l'on réfléchit à ses origines, le principal but de FP 2000 était de rationaliser l'administration de la fonction publique fédérale. Il n'y avait rien de révolutionnaire en cela : ce n'était pas le fait d'une grande idéologie ou de la pression politique; le projet n'était pas assorti d'objectifs ambitieux et il ne visait pas non plus à bouleverser des concepts fondamentaux comme la responsabilité ministérielle. Même si l'on était curieux à l'égard des expériences d'autres pays qui ont séparé des secteurs opérationnels de ministères et en ont fait des organismes d'exécution autonomes, on n'a pas réellement cherché à aller aussi loin dans cette voie.

Malgré des envolées oratoires périodiques, FP 2000 était fondé sur une proposition simple : bon nombre des problèmes éprouvés par la fonction publique lui avaient été infligés en grande partie par des fonctionnaires et pouvaient être réglés par des fonctionnaires :

[traduction]

« ...nous connaissons les problèmes, nous sommes capables de leur trouver des solutions et, ce qui est encore peut-être plus important, nous serons là pour insuffler les changements nécessaires à la fonction publique2. »

La thèse générale voulait qu'une fonction publique libérée d'entraves excessives et appuyée par des systèmes administratifs rationalisés soit plus énergique et créative, davantage axée sur le service au public, et plus soucieuse d'obtenir des résultats. De plus, elle serait caractérisée par une plus grande responsabilisation.

Le travail de FP 2000 a été organisé de façon à refléter tant ses origines que sa thèse générale. Dix groupes de travail, composés de sous-ministres et de sous-ministres adjoints, appuyés de spécialistes du sujet étudié, ont été mis au défi d'en arriver à des propositions fondées sur des débats et des consultations à l'intérieur et à l'extérieur de la fonction publique. Un groupe de travail s'est penché sur le service au public, un autre sur les politiques administratives et le rôle des organismes de services communs, un autre encore sur la gestion budgétaire. Pas moins de sept groupes de travail ont étudié les divers aspects de la gestion des ressources humaines.

Questions auxquelles on ne s'est pas attaqué

En principe, tous les aspects de la fonction publique pouvaient être étudiés. Cependant, plusieurs aspects importants ont été évités soit délibérément, soit tacitement :

  • Le rôle et la taille du gouvernement n'ont pas été discutés. (Mais on l'a fait lors de l'Examen des programmes en 1994.)
  • La relation entre les fonctionnaires et les ministres n'a pas été étudiée directement, car on ne la jugeait pas comme posant un problème (bien que ce point de vue ait, peu de temps après, été ébranlé par l'affaire Al Mashat). On a mentionné périodiquement la possibilité que s'instaurent de nouvelles dynamiques dans cette relation au fur et à mesure que les fonctionnaires établissaient des liens plus étroits avec des parties intéressées de l'extérieur ou que des gestionnaires régionaux se servaient des nouveaux pouvoirs qui leur étaient délégués pour mieux répondre aux besoins de leurs clients.
  • Les rouages du gouvernement. On n'a jamais eu l'intention de mettre en question le nombre, les mandats ou les structures des ministères, même si l'on tenait pour acquis que les mandats des organismes de services communs seraient ajustés selon la déréglementation de leurs services. Un aspect des rouages du gouvernement qui était clairement à débattre au début de FP 2000 était la répartition des responsabilités générales en matière de ressources humaines entre le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique (CFP). Certains des principaux défenseurs de FP 2000 considéraient que l'un de ses premiers objectifs était une réduction radicale de la fragmentation de ces responsabilités, reflétant dès lors les conclusions de la Commission Glassco de 19623 et de la Commission Lambert de 19794. De fait, dans un discours prononcé en mars 1990, le greffier du Conseil privé n'a nullement caché ses vues :

[traduction]

« Notre premier objectif est de clarifier la responsabilité, particulièrement en ce qui a trait à la gestion du personnel. Les responsabilités sont si peu claires que les gens se sont réfugiés dans des systèmes de contrôle... Quant à la Commission de la fonction publique, il lui faudra cesser de s'occuper de gestion et mettre l'accent sur son rôle de mandataire du Parlement pour la protection de l'intégrité du système de personnel. »

Cependant, les références à cet objectif disparurent bientôt quand il se révéla impossible pour les leaders de la fonction publique d'en arriver à un consensus sur ce qui devait être fait.

Opportunité

En décembre 1989, le contexte semblait favorable au lancement d'un projet de réformes :

  • On en était au début du deuxième mandat du premier ministre.
  • Le greffier du Conseil privé était en poste depuis plusieurs années et jouissait de la confiance du premier ministre.
  • Le nouveau secrétaire du Conseil du Trésor était un ancien sous-ministre des opérations et était par conséquent conscient de la nécessité d'apporter des changements.

Selon le ministère des Finances, le gouvernement fédéral semblait respecter le profil d'évolution financière prévu et la nécessité d'autres compressions budgétaires importantes était improbable. À maintes reprises au cours des années 1990, les dirigeants de FP 2000 ont répété que FP 2000 n'était pas synonyme de compressions5 et que les ministères pourraient investir l'argent épargné par la rationalisation dans de nouvelles initiatives de services au public et la formation, priorités de FP 20006. Cependant, au moment même où le projet commençait à prendre forme, les budgets non salariaux étaient fortement coupés, une fois de plus (en décembre 1990), puis le gouvernement annonçait des compressions et un gel des salaires pour les trois années suivantes dans le Budget de 1991.

La discordance entre ces événements et les messages fondamentaux de FP 2000 a fait perdre toute impulsion et crédibilité au projet de réformes et a engendré du cynisme au sujet du maintien de l'appui du gouvernement à l'égard de celui-ci7.

Ces compressions n'étaient que le début. Un récent rapport du Centre de recherche sur la gestion publique affirme que : [traduction] « l'ampleur des changements qu'ont subis les fonctionnaires fédéraux au cours de la dernière décennie a été sans précédent »8.

Certains événements valent la peine d'être rappelés :

  • l'affaire Al Mashat en 1991;
  • la plus longue grève de la fonction publique dans l'histoire, entraînant un fort durcissement des relations patronales-syndicales (1991);
  • une restructuration de grande envergure des ministères au cours du régime Campbell (1993), y compris une réduction majeure du nombre de sous-ministres adjoints;
  • un nouveau gouvernement (1993);
  • la prolongation pendant trois ans du gel des salaires (1994);
  • l'Examen des programmes, la réduction la plus forte et la plus rapide jamais réalisée des budgets et de l'effectif, accompagnée de privatisations importantes (plus particulièrement dans le secteur des transports).

Enfin, les tentatives de réformes constitutionnelles ont eu tendance à détourner l'attention de la réforme administrative. La plupart des personnes interviewées ont souligné à quel point ces années ont représenté une période de survie, nombre de choses étant reportées jusqu'à la fin des compressions.

Réalisations découlant des recommandations de FP 2000

Aperçu

Les dix groupes de travail ont produit plus de 300 recommandations et les initiatives parallèles dans les ministères (SCC 2000, EMR 2000, MDN 2000, le programme Excellence et Renouvellement de Santé et Bien-être, et ainsi de suite) en ont produit de nombreuses autres. Les limites de temps fixées pour cette étude m'ont empêché d'explorer le fruit des initiatives ministérielles, mais je ne doute pas que les ministères aient apporté de leur propre gré un grand nombre d'innovations et d'ajustements utiles, mais sans bouleversements majeurs. J'ai limité mon examen aux résultats de quelques-unes des recommandations des groupes de travail que j'ai choisies en raison de leur importance ou pour illustrer l'éventail des questions abordées dans le cadre de FP 2000.

Certaines des recommandations des groupes de travail ne faisaient qu'appuyer des pratiques existantes ou de nouvelles initiatives. Bon nombre des recommandations étaient « floues » et portaient sur des aspects de la gestion difficiles à mesurer. Cependant, une forte proportion d'entre elles étaient suffisamment précises pour avoir été concrètement mises en oeuvre et pour que leur utilité ait été consignée.

Malgré les bouleversements des années 1990 et la difficulté de décrire précisément l'apport de FP 2000, les événements décrits dans les pages suivantes indiquent que le projet de réformes a suscité des changements fondamentaux dans les attitudes à l'égard du service au public. Il a permis l'introduction d'outils plus puissants de gestion budgétaire et financière et suscité des progrès remarquables dans le repositionnement d'organismes de services communs qui sont devenus des fournisseurs de services plutôt que des contrôleurs. FP 2000 a moins bien réussi à susciter une amélioration de la gestion des ressources humaines, ce qui est ironique puisque c'était l'objet d'une grande partie de ses travaux. De nombreux changements ont été apportés, mais ils n'ont pas produit l'amélioration attendue dans la gestion des ressources humaines.

Service au public

Il ne fait aucun doute que les travaux du Groupe de travail sur le service au public ont constitué l'important catalyseur d'un changement profond de la culture de la fonction publique amenant celle-ci à répondre aux besoins du public. Par exemple :

  • La vaste majorité des ministères ont adopté au début des années 1990 des énoncés de mission axés sur le service (22 d'entre eux au milieu de 1991) et semblent les réviser périodiquement.
  • Les ministères consultent maintenant leurs clients plus souvent, au moyen d'enquêtes, de groupes de discussion ou d'autres moyens.
  • Le recours à des procédures de gestion des plaintes est maintenant plus répandu.
  • Dans la plupart des ministères décentralisés, les gestionnaires régionaux rendent maintenant des comptes au sous-ministre et font partie du comité de gestion du ministère.
  • Certains mécanismes de guichet unique sont en place et certains sont exploités conjointement avec les administrations provinciales.
  • Les cours sur le service à la clientèle sont plus courants.
  • Des outils comme la restructuration des processus et la gestion de la qualité totale ont rationalisé la prestation des services.
  • Les ministères ont trouvé de nouvelles façons d'assurer les services par des alliances de divers types. Un rapport du vérificateur général mentionne « 77 nouveaux mécanismes de régie au sein de l'administration fédérale »9.

Un document de discussion de 1996 du Groupe de travail des sous-ministres sur les modèles de prestation de services, appuyé par des enquêtes de la maison Ekos en 1990 et en 1996, indiquait :

« Nous concluons sans hésiter que le service est une valeur bien implantée au gouvernement et tenons à saluer et à encourager les nombreuses initiatives que nous avons examinées. En 1990, le Groupe de travail sur le service au public affirmait que "le service au public [...] n'est pas axé sur le service" : ce constat n'est plus vrai aujourd'hui. La valeur du service est une notion qui s'est bel et bien enracinée malgré la rationalisation et la période difficile que nous connaissons. »

Ce sentiment d'avoir progressé est largement répandu dans la fonction publique :

  • Les publications du Centre canadien de gestion et du Secrétariat du Conseil du Trésor contiennent de nombreux exemples de pratiques exemplaires relevées dans la fonction publique.
  • En général, les rapports annuels du greffier du Conseil privé au premier ministre s'étendent longuement sur la prestation des services, insistant souvent sur les changements positifs survenus.
  • Le Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux a montré que la très grande majorité des employés savent qui sont leurs principaux clients et que la plupart d'entre eux s'informent auprès de leurs clients de leurs besoins et de leurs attentes. Trois fonctionnaires sur quatre croient qu'ils ont la souplesse nécessaire pour adapter leurs services en fonction des besoins des clients.
  • La plupart des personnes interviewées pour le présent rapport ont indiqué à quel point la conscience de l'importance du service à la clientèle avait été rehaussée. Un chef régional a déclaré :

[traduction]

« Au cours de la dernière décennie, les préoccupations des clients ont acquis davantage de légitimité. Nous ne tenons plus pour acquis que nous sommes les experts, que nous savons ce dont ils ont besoin. »

  • Le Réseau des services axés sur le citoyen, créé par le gouvernement fédéral, comprend maintenant plus de 200 représentants des trois paliers de gouvernement. Il effectue de la recherche sur les attentes des citoyens à l'égard des services publics et sur la façon dont les gouvernements peuvent évaluer la mesure dans laquelle ils répondent à ces attentes10.

Manifestement, il reste beaucoup à faire et les nouvelles approches ne sont pas sans inconvénients. Un gestionnaire régional a fait part de la frustration ressentie lorsqu'il a fallu obtenir des approbations de deux séries d'organismes centraux pour un projet conjoint fédéral-provincial. Des rapports du vérificateur général reconnaissent les efforts déployés pour améliorer les services, mais s'interrogent sur le rythme et la portée de ces efforts, ainsi que sur leurs inconvénients possibles.

Gestion des ressources

Des outils de gestion des ressources plus puissants ont été introduits.

Budgets de fonctionnement uniques

Les budgets de fonctionnement uniques ont été adoptés en 1992-1993, supprimant des contraintes inutiles liées aux intrants et encourageant ainsi les gestionnaires à utiliser leurs ressources de façon plus efficace. Bien que le nombre d'employés (ETP) soit toujours communiqué au Conseil du Trésor à des fins d'information, le contrôle autrefois exercé sur les années-personnes a été supprimé. Les gestionnaires de tous les ministères considèrent que ces changements sont salutaires; certaines organisations (la Gendarmerie royale du Canada, la Défense nationale et l'Agence Parcs Canada) ont délégué pleins pouvoirs à leurs unités opérationnelles.

Les dirigeants syndicaux interviewés croient que les problèmes que certains avaient prédits ne se sont pas matérialisés. Cependant, l'un d'entre eux s'est demandé si le fait que certains gestionnaires sont réticents à payer des heures supplémentaires pouvait être attribuable au fait que les fonds salariaux excédentaires peuvent être transférés aux dépenses non salariales.

Reports à la fin de l'exercice

Le report recommandé jusqu'à concurrence de deux pour cent a été mis en oeuvre et peu après porté à cinq pour cent. Les gestionnaires ont bien accueilli cette mesure de souplesse qui a amélioré les décisions en réduisant les pressions exercées pour l'utilisation des fonds avant la fin de l'exercice.

Possibilité de conserver les fonds découlant du recouvrement des coûts et des activités productrices de recettes

Afin d'encourager le recouvrement des coûts et la production de recettes, les ministères ont maintenant le droit de conserver une partie ou la totalité des fonds perçus. Divers mécanismes ont été mis en oeuvre à cette fin : la méthode du crédit net, les fonds de contrepartie et les fonds renouvelables. Cependant, cet incitatif a des limites, car autrement, les budgets des ministères augmenteraient ou n'augmenteraient pas selon leur capacité de produire des recettes plutôt que selon les exigences de l'intérêt public.

Hausse des seuils pour l'établissement des crédits et introduction des budgets pluriannuels

Au début des années 1990, le Conseil du Trésor a décidé, après des discussions avec le Comité des comptes publics, de ne pas appliquer deux recommandations. Les objectifs sous-jacents seront en partie atteints avec l'adoption de la comptabilité d'exercice et il semble probable que la hausse des seuils fera l'objet de plus amples discussions avec le Comité.

Organismes de services communs

L'opinion générale des organismes centraux veut que les gestionnaires disposent de beaucoup plus d'outils que dans les années 1990 pour faire leur travail et que de nombreuses « tracasseries » aient été supprimées. La plupart des gestionnaires opérationnels des ministères que nous avons interviewés partagent ce point de vue, bien que certains dirigeants régionaux aient exprimé des réserves, à savoir que la latitude donnée aux sous-ministres ne s'était pas nécessairement traduite par une augmentation de la latitude dans toute l'échelle hiérarchique. Contrairement aux années 1990, les activités des organismes de services communs ne sont plus vues comme des obstacles importants à une bonne gestion11.

Un indicateur du rôle réduit des organismes de services communs est la réduction de l'effectif de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (en 1993, Approvisionnements et Services Canada (ASC) et Travaux publics Canada ont été fusionnés) à 11 000 personnes maintenant, alors qu'il était de 20 000 en 1990.

Approvisionnements
  • Niveau de délégation du pouvoir de dépenser. Avant 1990, même les sous-ministres responsables de l'administration de budgets de milliards de dollars n'avaient reçu le pouvoir de dépenser que pour des achats maximums de 500 $; tous les achats supérieurs à ce montant devaient être réalisés par l'intermédiaire d'Approvisionnements et Services Canada (ASC). En décembre 1989, la limite était portée à 1 000 $. Un Groupe de travail de Fonction publique 2000 a recommandé qu'elle soit portée à 2 500 $ et que, à moins qu'ASC n'adopte un système de commande électronique convivial, qu'elle soit portée à 10 000 $. La limite de 2 500 $ a été adoptée en 1992-1993 et elle est aujourd'hui beaucoup plus élevée (jusqu'à 25 000 $, avec certaines restrictions).
  • Commande électronique. ASC a adopté un Système électronique de commandes par catalogue (SECC) en 1992-1993. Ce système a été remplacé par le commerce électronique depuis l'engagement pris par le gouvernement, en 1998, de privilégier ce mode d'achat.
  • Système de cartes de crédit. FP 2000 a recommandé que le gouvernement adopte un système de cartes de crédit pour éliminer la paperasserie imposée par les demandes et les factures et ainsi faciliter la collecte des données. Ce système a été mis en place en 1991 et des dizaines de milliers de cartes sont maintenant utilisées pour acheter des centaines de millions de dollars de biens et de services chaque année.
  • Inventaires. En réponse à une autre recommandation, ASC a amélioré son Système de gestion des stocks d'articles en magasin. Ce système a depuis été délaissé, puisque les ministères commandent maintenant directement aux fournisseurs au moyen de commandes permanentes.
  • Financement des activités. Le Groupe de travail s'inquiétait du fait qu'ASC continuait de réaliser des opérations à petite échelle et à fort volume, non pas parce qu'elles ajoutaient une quelconque valeur, mais parce que les opérations produisaient des marges bénéficiaires plus grandes, aidant ainsi le fonds renouvelable à faire ses frais. Le Groupe de travail a soutenu que, dans ce domaine, le gouvernement devrait mettre fin à la dépendance à l'égard des recettes. Depuis avril 1992, la fonction d'approvisionnement est financée au moyen d'un crédit.
Recours facultatif aux services communs

Le Groupe de travail a recommandé que l'utilisation obligatoire par les ministères de cinq services communs soit rendue facultative, donnant ainsi aux ministères le pouvoir de faire affaire avec d'autres fournisseurs. Ces cinq services étaient :

  • les biens de la Couronne - la Loi sur la réforme de la fonction publique de 1993 comprenait une modification autorisant les ministères à céder eux-mêmes leurs biens excédentaires.
  • le Bureau de la traduction - ce service est maintenant facultatif.
  • la Banque d'oeuvres d'art - ce service est maintenant facultatif.
  • le Service d'architecture et de génie (TPSGC) - ce service est facultatif depuis 1992.
  • le Service central des voyages - Malgré un certain nombre d'améliorations administratives, l'utilisation de l'agence de voyage choisie par le gouvernement est toujours obligatoire. Cela demeure une préoccupation, particulièrement chez les gestionnaires régionaux.
Biens immobiliers

Le Groupe de travail a formulé un certain nombre de recommandations pour donner aux locataires plus de souplesse et d'autonomie. Un éventail d'expériences ont été menées, dont le recours à un important entrepreneur du secteur privé pour les services de location. Quelques gestionnaires se sont montrés insatisfaits du service, mais il n'a pas semblé être un irritant majeur.

Classification

Le système de classification actuel a été adopté en 1968 et devait constituer un progrès majeur. En 1973, sa complexité soulevait déjà des préoccupations importantes et, au fil des ans, elle est devenue une importante source de frustrations pour de nombreux gestionnaires. Les propositions du Groupe de travail de Fonction publique 2000 étaient moins radicales que certains l'auraient voulu. Elles ont été adaptées en partie pour les rendre plus acceptables aux yeux des syndicats et, par conséquent, plus faciles à mettre en place. Les changements proposés étaient néanmoins profonds :

  • l'élimination de « catégories professionnelles », qui équivalaient généralement à un système de castes;
  • une réduction radicale du nombre de groupes professionnels, de 72 à 24 (et de 106 à 28 sous-groupes), et la création d'un groupe, le groupe GE, qui devait comprendre la majeure partie de la fonction publique;
  • une certaine réduction du nombre de niveaux;
  • un plan de cotation commun;
  • l'imposition d'une limite de trois pages pour les descriptions de travail.

Après quelques faux départs et une controverse considérable au cours des neuf dernières années, il semble qu'un nouveau système sera bientôt en place. Il sera semblable à ce que le Groupe de travail avait proposé, même s'il comportera plus de niveaux et des descriptions d'emploi certainement beaucoup plus longues (certains gestionnaires optimistes croient que ces aspects pourront être ajustés plus tard).

Les gestionnaires que nous avons interviewés s'inquiètent de la quantité de travail qu'exige la transition, mais la plupart semblent convaincus que les résultats constitueront une amélioration énorme. Ils comptent sur l'élimination d'une grande partie des mesures de classification et de dotation, la facilitation des opérations et l'avancement des carrières grâce à une plus grande mobilité et, dans une certaine mesure, l'ouverture des chasses gardées des spécialistes à d'autres ensembles de compétences.

Dotation en personnel

Les recommandations de FP 2000 visaient en grande partie à donner aux gestionnaires une souplesse accrue dans le recrutement et la dotation à l'interne.

Le Groupe de travail semblait également préconiser la modification du rôle de la Commission de la fonction publique pour qu'elle soit chargée de superviser le processus plutôt que d'établir les règles. Il soutenait, par exemple, qu'il incombait à la direction et non pas à la Commission de la fonction publique (CFP) d'avoir le droit :

  • de décider quand recruter à l'extérieur de la fonction publique. Ce changement ne s'est pas concrétisé, car la CFP a soutenu qu'il affaiblirait la notion d'une fonction publique unique et l'obligation d'un ministère de tenir compte de la situation des autres. En pratique, la CFP délègue cette décision aux sous-ministres;
  • d'établir les normes de sélection de chaque groupe professionnel. Ce changement ne s'est pas non plus concrétisé car la CFP a soutenu que les normes de sélection étaient le fondement lui permettant d'assurer le principe du mérite. Par conséquent, le Conseil du Trésor demeure responsable de la détermination des normes de classification pour chaque groupe professionnel et la CFP, de l'établissement des normes de sélection.

Les gestionnaires interviewés ont reconnu la valeur des changements qui ont découlé de Fonction publique 2000, mais bon nombre d'entre eux critiquent toujours la fonction de dotation, et particulièrement le temps et les efforts qu'il faut pour doter des postes par voie de concours. Il est juste de dire que cela peut être imputable autant, voire plus, à l'étendue limitée des recommandations de FP 2000 qu'à la Commission de la fonction publique12.

Souplesse en matière de recrutement

Recours aux agences d'aide temporaire. Le recours aux agences d'aide temporaire est un moyen rapide de répondre aux besoins à court terme, mais il a été limité à des affectations de huit semaines. La limite a été portée à 20 semaines et les ministères semblent y recourir largement13.

Employés occasionnels. Un fondement législatif solide, mais assorti de certaines mesures de protection, a été fourni pour permettre de recruter simplement et rapidement du personnel pour répondre à des besoins temporaires :

  • Pour éviter l'apparition d'un effectif parallèle, les employés occasionnels ne peuvent être nommés que pour un maximum de trois mois, la nomination pouvant être prolongée pour une autre période de trois mois.
  • Pour éviter que cette voie ne devienne une façon déguisée d'entrer dans la fonction publique régulière, les employés occasionnels ne sont pas admissibles aux concours internes.

Après la promulgation de la Loi sur la réforme de la fonction publique, le nombre d'employés occasionnels a augmenté rapidement pour passer à plus de 4 000 en 1996, puis ce niveau s'est stabilisé. La plupart des ministères ont recours à des employés occasionnels au lieu des anciennes nominations pour une période déterminée de moins de six mois.

Un représentant d'un important syndicat a dit craindre que des employés occasionnels soient embauchés pour effectuer le travail normalement effectué par les membres du syndicat. Les représentants des plus petits syndicats ont émis moins de réserves. Les gestionnaires de la fonction publique croient généralement que le recours aux employés occasionnels ne pose pas de problème important, et la CFP estime que moins de cinq plaintes sont logées chaque année en raison de la nomination d'employés occasionnels. Cependant, le fait que plus de dix pour cent des recrues de la fonction publique aient déjà occupé des postes temporaires pourrait indiquer que ces emplois occasionnels constituent en réalité une période de stage - ce qui n'est pas nécessairement répréhensible, si l'affectation initiale était vraiment temporaire.

Programmes d'équité en matière d'emploi. La Loi sur la réforme de la fonction publique a donné à la Commission de la fonction publique le pouvoir d'approuver des programmes pour compenser les déséquilibres. Entre 1994 et 1999, la CFP a approuvé 19 programmes de ce genre dans 13 ministères. Auparavant, elle ne pouvait approuver de tels programmes qu'en invoquant son pouvoir de rejeter certaines dispositions de sa loi, ouvrant elle-même la porte à la critique, à savoir qu'elle faisait quelque chose de répréhensible, non prévu par le Parlement.

Potentiel. La loi reconnaît maintenant que les candidats peuvent être évalués non seulement en fonction des qualités requises pour un poste particulier mais aussi en fonction des besoins à long terme de la fonction publique. Cela a facilité la création de programmes de perfectionnement.

Utilisation des technologies. Le Groupe de travail a soutenu que le recrutement à l'extérieur pourrait être amélioré par une utilisation plus grande des technologies. Aujourd'hui, de 65 à 70 p. 100 des demandes sont soumises par Internet et le site Web du recrutement attire plus de 600 000 visiteurs par mois. Quatre-vingt pour cent des demandes d'approbation prioritaires sont soumises par Internet et 30 p. 100 de ces demandes de dotation sont autorisées sur-le-champ.

Souplesse pour l'affectation des ressources à l'interne

Mutations. Une nouvelle disposition de la loi établit clairement qu'un employé peut être muté, avec son consentement, à un autre poste d'un niveau de classification comparable sans difficulté, et que les droits des autres employés de contester cette mutation sont très limités. Cette disposition est fortement utilisée et, sur les rares plaintes logées auprès de la CFP, à peu près aucune n'a été retenue (15 au cours des trois dernières années). Des représentants des syndicats jugent les résultats plutôt mitigés et soulignent que le petit nombre de plaintes est en grande partie attribuable aux motifs restreints sur lesquels les plaintes peuvent être fondées.

Le Groupe de travail a également recommandé que les ministères établissent des bureaux d'affectation pour faciliter les mutations entre les unités organisationnelles et qu'un bureau central soit établi pour faciliter les mutations entre les ministères. De nombreux ministères l'ont apparemment fait, de même que certains comités de gestionnaires régionaux.

Promotions sans concours. Traditionnellement, la Commission de la fonction publique autorisait des promotions sans concours dans certaines circonstances (par exemple, après la reclassification d'un poste). Le Groupe de travail a soutenu que la promotion des employés qui participent à un programme de perfectionnement fondé sur le mérite devrait être possible sans concours, s'ils ont les qualités requises pour le niveau supérieur. Aux termes de l'article 10.2 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, il existe maintenant onze circonstances où il est permis d'accorder une promotion sans concours. La Commission de la fonction publique estime que la proportion des promotions accordées selon cette disposition est demeurée stable au cours des années 1990 et s'établit à environ 40 p. 100.

Autorisation de sécurité. L'autorisation de sécurité était un irritant majeur, capable de retarder énormément la dotation de postes délicats. Le fardeau est maintenant moins lourd : on a rendu les autorisations transférables d'un ministère à l'autre, étendu de cinq à dix ans le délai nécessaire pour de nombreuses mises à jour et adopté des technologies qui permettent maintenant d'obtenir des autorisations de niveau 1 et 2 en 30 jours plutôt qu'en quatre mois.

Autres recommandations choisies

Renvoi en cours de stage. Les fonctionnaires étaient tenus d'effectuer une nouvelle période de stage chaque fois qu'ils acceptaient un nouveau poste pendant toute leur carrière; en théorie, ils couraient alors le risque d'être renvoyés en raison d'un mauvais rendement sans droit d'appel à un tiers. Le Groupe de travail a jugé qu'après avoir donné un rendement satisfaisant au cours du premier emploi, les employés qui ne pouvaient assumer un nouveau niveau de responsabilité devraient pouvoir reprendre le genre de travail qu'ils effectuaient convenablement auparavant ou un autre qu'ils pourraient effectuer avec compétence. Aucun gestionnaire interviewé pour le présent rapport n'a émis de réserve sur ce changement.

Obligation d'information à l'égard des appelants. Les agents de négociation soutenaient depuis longtemps qu'il y aurait moins d'appels de la part des candidats aux concours si ceux-ci étaient suffisamment informés des raisons pour lesquelles un autre candidat a été choisi. Le Groupe de travail était d'accord avec cette vue. La divulgation d'information semble plus courante maintenant et la CFP pense que cela peut expliquer la forte proportion des appels qui sont retirés. Cependant, parallèlement, le taux d'appels logés et la proportion des appels accueillis reflètent une résistance remarquable au changement - tant en 1990-1991 qu'en 1998-1999, 16 p. 100 des nominations susceptibles d'appels ont fait l'objet d'un tel appel et environ 14 p. 100 de ces appels ont été accueillis14.

Durée des nominations intérimaires. Le Groupe de travail a exprimé des réserves au sujet des longues nominations intérimaires, jugeant qu'elles « constituaient une injustice et qu'elles devraient être évitées ». Ce problème perdure depuis des décennies et certaines personnes interviewées l'attribuaient au désir des gestionnaires de retarder le plus longtemps possible le moment d'organiser un concours, en raison du temps et des efforts que cela exige. La pratique semble fréquente à tous les niveaux. Encore en décembre 1999, le président de la CFP se plaignait à ses collègues sous-ministres du temps que certains cadres passent dans des postes intérimaires et des répercussions que cela a sur les résultats des concours.

Relations de travail

Essentiellement, le Groupe de travail sur les relations de travail a conclu que le régime de la négociation collective ne présentait fondamentalement que peu de lacunes. Il a produit des changements utiles mais non fondamentaux, dont bon nombre ont été enchâssés dans la Loi sur la réforme de la fonction publique de 1993. La suspension des négociations collectives pendant la majeure partie des années 1990 n'a pas réellement donné l'occasion de tester la valeur de ces changements.

La recommandation la plus ambitieuse contenue dans le rapport du Groupe de travail, avancée non sans hésitation, voulait que l'application du nouveau système de classification proposé soit soumise à l'arbitrage. À la déception des syndicats, le Conseil du Trésor a rejeté cette recommandation.

Désignation des postes essentiels et exclusion des négociations

Le Groupe de travail a recommandé que les décisions relatives aux postes essentiels et sans droit de grève ainsi que les personnes exclues des syndicats soient fondées sur les postes et non sur les personnes. Cette recommandation a été acceptée; en fait, elle veut dire que les nouvelles personnes nommées aux postes existants assument automatiquement le statut de leurs prédécesseurs. Auparavant, chaque nomination à un poste pouvait entraîner la mise en question de la désignation ou de l'exclusion.

Les dirigeants syndicaux que nous avons interviewés considèrent cela comme un changement positif, qui a apporté une plus grande stabilité.

Nombres d'exclusions

On s'est inquiété du petit nombre de postes de direction exclus, particulièrement dans certains secteurs fortement opérationnels de la fonction publique, alors qu'un trop grand nombre de fonctionnaires non gestionnaires étaient exclus du fait que leur travail leur donnait accès à de l'information confidentielle. Comme suite à cette préoccupation, des changements ont été apportés :

  • En décembre 1992, un poste de direction était exclu pour 23 employés; en janvier 2000, il y en avait un pour 20.
  • Les postes de confiance exclus sont passés de un pour 30 employés en décembre 1992 à un pour 90 employés en janvier 2000.

Aucun gestionnaire interviewé ne s'est plaint de l'énorme baisse des postes de confiance exclus. Certains gestionnaires régionaux maintenaient catégoriquement qu'il n'y avait pas eu d'augmentation des postes de direction exclus dans leur secteur, car leurs hauts fonctionnaires ne se donnaient pas la peine de déployer les efforts nécessaires.

Avis de négocier

L'avis a été étendu de 60 à 90 jours et tant les gestionnaires que les dirigeants syndicaux jugent cette mesure utile.

Portée de l'arbitrage

FP 2000 a recommandé que la portée de l'arbitrage soit égale à toute la portée de la négociation collective. Le gouvernement a accepté cette recommandation que les syndicats souhaitaient, mais les négociations en cours ne sont pas assorties du droit à l'arbitrage.

Renvoi pour motif

On s'est interrogé sur le refus des gestionnaires d'affronter les employés qui donnent continuellement un mauvais rendement et de s'en occuper. On croyait que cela pouvait être en partie attribuable à la confusion sur la question de savoir s'il s'agit d'incompétence ou d'incapacité, auquel cas l'affaire est du ressort de la Commission de la fonction publique, ou d'autres motifs, qui doivent être réglés au moyen du processus de grief. On a décidé de fusionner ces deux cas.

On ne peut établir clairement si cette mesure a eu une incidence quelconque (47 renvois pour motif en 1998-1999 - soit un peu moins qu'en 1990-1991, même en tenant compte du fait que la taille de la fonction publique était plus grande à cette époque). D'une part, certains gestionnaires croient que l'absence de changement apparent peut être attribuable au fait que certaines des personnes qui donnaient un mauvais rendement ont été encouragés à profiter des incitations au départ offertes dans le cadre de l'Examen des programmes. D'autre part, les gestionnaires ont fait remarquer à maintes reprises que le processus de renvoi pour mauvais rendement est tellement long, bouleversant et stressant pour l'unité de travail et que les résultats sont tellement incertains que les gestionnaires qui ont suivi un dossier de renvoi sont très réticents à le refaire, quelles que soient les circonstances qui puissent le justifier. Les dirigeants syndicaux sont enclins à attribuer les problèmes des gestionnaires à un manque de formation adéquate.

Autres recommandations
  • Les agents de négociation n'ont pas reçu le droit d'être consultés sur la nomination des deux niveaux supérieurs de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (prérogative du premier ministre).
  • Le rôle des ministères dans la négociation ne s'est pas amélioré et la notion de la négociation à double palier n'a pas été introduite (bien qu'elle soit toujours envisagée).
  • Les ministères n'ont toujours pas le droit d'arbitrer les griefs dans leur sphère de compétence, mais aucun des représentants des ministères interviewés ne s'estimait lésé.

Rémunération et avantages sociaux

Dans ses recommandations, FP 2000 a envisagé un système de rémunération davantage fondé sur les résultats, un régime d'avantages sociaux à la carte, des programmes de reconnaissance et de récompenses plus généreux, des possibilités de mobilité plus grandes et un plus large éventail de possibilités de carrière. Les progrès dans ce domaine ont été limités.

Rémunération au rendement

Le Groupe de travail a discuté de l'idée voulant qu'une partie importante de la rémunération soit fonction du rendement au moyen de « primes de rendement » ou de récompenses selon la productivité, représentant un partage des gains - paiements qui devraient être gagnés chaque année. La plupart des syndicats ont indiqué immédiatement et de façon très claire qu'ils n'en voulaient pas. À la fin du gel des salaires, des progrès avaient été réalisés au niveau EX avec l'introduction, en 1999, du Programme de gestion du rendement, ce qui permet cette année des paiements jusqu'à 10 ou 15 p. 100 en plus du salaire régulier (selon le niveau de classification) pour le rendement fourni par rapport à des engagements clés. Les paiements doivent être mérités chaque année.

Programme de reconnaissance et de récompenses

À part un certain nombre de programmes généraux suspendus pendant plusieurs années au cours des années 1990, cette recommandation a donné lieu à des progrès considérables. Au cours de la décennie, de nouveaux programmes généraux ont été créés (par exemple, les prix du chef de la fonction publique et les cérémonies pour reconnaître les nouvelles nominations de EX). La plupart des ministères ont mis en place leurs propres programmes et les utilisent couramment.

Régime d'avantages sociaux à la carte

Les syndicats y étaient opposés. La notion voulant que l'on puisse choisir ses avantages sociaux présentait un certain intérêt pour la collectivité des EX, mais rien n'a été fait jusqu'à maintenant.

Politique sur la mobilité

FP 2000 s'est interrogée sur le caractère apparemment inapproprié de la politique sur la mobilité pour encourager les fonctionnaires à déménager. La politique est demeurée inchangée, mais à la suite d'une étude d'un comité mixte patronal-syndical, il semble qu'un changement soit imminent.

Augmentation des choix personnels

Plusieurs des groupes de travail ont conclu que les fonctionnaires devraient être en mesure de poursuivre un éventail de choix de carrière. Certaines recommandations visaient à encourager les gestionnaires à faire un plus grand usage des politiques existantes; d'autres ont proposé des changements aux politiques.

Emplois à temps partiel. On avait l'impression que les gestionnaires étaient peu enclins à permettre le travail à temps partiel, car il rendait la gestion quotidienne des activités plus difficile. Les politiques étaient perçues comme étant peu intéressantes pour les travailleurs à temps partiel. Les révisions apportées en 1992 à la loi sur les pensions ont donné à un plus grand nombre de travailleurs à temps partiel l'accès au régime de retraite (auparavant, ils devaient travailler au moins 30 heures par semaine pour y avoir accès; il suffit maintenant de travailler 12 heures). Depuis le changement, 5 303 employés à temps partiel qui travaillaient moins de 30 heures ont choisi de profiter du régime de retraite. Malgré le changement apporté à la politique, l'attrait que présente le travail à temps partiel pour les employés et le désir des gestionnaires de l'autoriser n'ont augmenté que modestement. En 1991, les employés à temps partiel nommés pour une période indéterminée représentaient 2,3 p. 100 de l'effectif nommé pour une période indéterminée de la fonction publique; cette proportion a augmenté et est passée à 2,5 p. 100 en 1993 et à 2,8 p. 100 en 1997 (les chiffres les plus récents du Secrétariat du Conseil du Trésor).

Partage des postes. Historiquement, le partage des postes a été rare et, malgré l'appui de FP 2000, on n'y a pas davantage recours.

Congés spéciaux. Le congé avec étalement du revenu a été introduit en 1995 pour une période de trois ans (maintenant renouvelée); 5 509 employés y ont eu recours. De plus, avec le congé de transition à la retraite, les personnes admissibles à une pension non réduite dans deux ans peuvent travailler moins d'heures sans nuire à leurs droits à pension. Cette mesure a eu peu de succès, peut-être en raison de l'ignorance de cette mesure par ceux qui y sont admissibles. Deux gestionnaires régionaux ont indiqué qu'ils l'auraient envisagée s'ils avaient été au courant.

Congé sans solde. Cette mesure existe depuis longtemps, mais les employés étaient tenus à leur retour de payer très rapidement leurs cotisations et celles de l'employeur pour la durée de leur absence. Les modalités de remboursement ont été grandement facilitées et les employés peuvent choisir de ne pas faire compter la majeure partie de leur congé comme service ouvrant droit à pension (ce qui réduit considérablement les paiements à faire). Il n'existe pas de chiffres sur le succès de cette mesure.

Télétravail. Bien qu'il n'existe pas de données sur le recours au télétravail dans l'ensemble de la fonction publique, les personnes interviewées semblent croire que le nombre d'employés qui travaillent la majeure partie de la semaine à leur foyer n'a pas beaucoup augmenté. Par ailleurs, il semble que les gestionnaires autorisent beaucoup plus facilement leurs subordonnés à travailler à la maison lorsque des circonstances familiales temporaires l'exigent ou qu'ils doivent travailler en toute quiétude. Au moins un ministère offre à ses employés de vieux ordinateurs pour qu'ils puissent travailler à la maison lorsqu'il doit remplacer l'équipement au bureau. Certains ministères ont un certain nombre d'ordinateurs portables que le personnel peut emprunter pour travailler à la maison, ce qui permet de se brancher au réseau central de courriel et au réseau local.

Groupe de la direction

FP 2000 envisageait un effectif de hauts fonctionnaires plus petit (moins de niveaux) et plus mobile (la nomination au niveau), qui aurait une philosophie de gestion commune et qui bénéficierait d'une formation en leadership et dans d'autres compétences, ainsi qu'un réservoir de bons candidats pour doter les postes vacants au fur et à mesure des besoins. La mise en oeuvre de cette recommandation a été inégale.

Réduction des niveaux

Il avait été proposé de réduire à trois les cinq niveaux du Groupe de la direction. En plus du malaise que cette proposition a créé chez les hauts fonctionnaires, on ne s'entendait pas non plus sur les niveaux à fusionner. En bout de ligne, compte tenu de l'insatisfaction particulièrement marquée du groupe de la gestion supérieure (SM), celui-ci a été fusionné avec le niveau EX 1, mais aucun autre changement n'a été apporté. Pour en arriver au même objectif de façon différente, le Livre blanc sur Fonction publique 2000 déclarait :

« Le gouvernement s'engage à réduire le nombre de paliers de gestion, ce qui veut dire que dans la plupart des ministères le nombre de rapports hiérarchiques sous le niveau de sous-ministre ne dépassera pas trois... »

Le nombre de EX a été réduit de dix pour cent en 1992 et la population au niveau des sous-ministres adjoints a été réduite d'environ 50 au cours de la restructuration du régime Campbell en 1993.

Le nombre de paliers de gestion dans certains ministères a diminué. Il est certain que plus de chefs régionaux rendent directement des comptes à leur sous-ministre qu'en 1990. Il n'y a plus qu'un seul gestionnaire entre chaque centre de ressources humaines du Canada et le sous-ministre de cet énorme ministère. Plusieurs des personnes interviewées ont déclaré que, dans leur secteur du ministère, certains niveaux EX avaient été éliminés.

Nomination à un niveau

Le Groupe de travail a recommandé que la nomination à un niveau soit adoptée pour l'ensemble du groupe EX. Après des débats prolongés, la décision a été prise de progresser prudemment et de commencer en 1992 par une méthode de nomination modifiée pour le niveau de SMA. L'application de cette méthode a maintenant été élargie avec la création du réservoir de SMA, dans le cadre de l'initiative La Relève. Un cheminement semblable pourrait être suivi pour les autres niveaux des EX avec la création du Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs.

Philosophie de gestion commune

Voir la prochaine section de ce document intitulée « Reddition de comptes ».

Perfectionnement des gestionnaires des groupes de relève

Le Groupe de travail a manifesté de l'inquiétude au sujet des gestionnaires n'appartenant pas au groupe de la direction et de la relève, c'est-à-dire où trouver les candidats de calibre élevé nécessaires pour remplacer les hauts fonctionnaires qui prendront leur retraite en 2000 et après.

  • Le « Profil du gestionnaire de la fonction publique » publié conjointement par le SCT et la CFP à la fin de 1990 décrivait les compétences requises des gestionnaires aux divers niveaux (au niveau EX, ce profil a donné lieu en bout de ligne aux 14 compétences de La Relève).
  • Le Groupe de travail a appuyé la proposition du Conseil du Trésor de créer le Programme de stagiaires en gestion (PSG) pour attirer dans la fonction publique les meilleurs étudiants des programmes d'études supérieures du Canada. Le PSG a été lancé en 1992 avec l'objectif de recruter 100 stagiaires par année, qui seraient ensuite affectés à un éventail de postes sur plusieurs années. Même s'il y a eu des reculs au cours de l'Examen des programmes, 543 stagiaires avaient participé au Programme à la fin de 1998-1999. Trois d'entre eux ont atteint le niveau EX, 30, un niveau en dessous du niveau EX, et 94, deux niveaux en dessous. Le taux de départ moyen est modeste : 2,9 p. 100 par année.

Formation et perfectionnement du personnel

À la relecture des documents sur Fonction publique 2000, il paraît évident que la formation était jugée comme un outil essentiel pour atteindre toutes sortes d'objectifs, y compris l'apprentissage pendant toute la vie durant15. Le Groupe de travail sur la formation et le perfectionnement a produit plus de recommandations que tout autre; qui plus est, plusieurs autres groupes de travail ont formulé des recommandations sur la formation dans leur secteur d'intérêt. On croyait fortement que la fonction publique n'investissait pas suffisamment dans la formation et que l'éventail des cours offerts n'était pas optimal.

La plupart des gestionnaires interviewés n'ont pas constaté d'augmentation considérable de la formation offerte au cours de la dernière décennie, mais ils ont déclaré que l'éventail des cours offerts avait changé de façon marquée. Certains ont fait des commentaires très négatifs sur l'état de la formation. Ils ont soutenu qu'elle n'était plus jugée prioritaire depuis 1995. Ils ont invoqué la baisse du nombre de professionnels de la formation pour aider les gestionnaires, les budgets de formation coupés radicalement, la réduction du personnel de Formation et perfectionnement Canada et du Centre canadien de gestion et ainsi de suite16. D'autres ont vu des signes plus positifs - la gestion impressionnante de la formation et du perfectionnement dans certains ministères comme Statistique Canada et Revenu Canada et les progrès rapides réalisés par d'autres ministères, comme Santé Canada, le développement de la capacité interministérielle dans la région de la Nouvelle-Écosse et certains programmes stimulants offerts par le Centre canadien de gestion. Il semble que la gestion de la formation varie énormément en qualité d'un ministère à l'autre, et même au sein des ministères.

Quantité de formation

Les ministères ont été encouragés à établir une politique d'accroissement des ressources de la formation et du perfectionnement, à adopter une règle générale pour le nombre moyen de jours de formation auxquels un employé a droit chaque année et à chercher à accroître ce nombre au cours des cinq années suivantes.

Au début des années 1990, très peu de ministères ont donné suite à cet encouragement. Certains se sont sentis obligés d'effectuer de fortes compressions dans le cadre de l'Examen des programmes, mais certains d'entre eux ont senti depuis le besoin de réinvestir. Par exemple, les dépenses de formation d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sont tombées en dessous de deux pour cent des salaires en 1995-1996 jusqu'à 1997-1998, mais ont été portées à 4,6 p. 100 l'an dernier. DRHC a fait en sorte de maintenir un investissement dans la formation de quatre à six pour cent au cours des années 1990. Santé Canada a récemment accordé une grande priorité à la formation, y consacrant quelque dix millions de dollars par année, sous la supervision d'un comité présidé par un SMA.

Cela dit, il n'existe pas de système d'information montrant l'étendue de la formation dans la fonction publique, ni de définitions reconnues selon lesquelles les ministères colligent des données. Ce que l'on sait, c'est que les dépenses centrales en formation (Commission de la fonction publique et Centre canadien de gestion) représentent une petite proportion des dépenses consacrées à la formation interne par les ministères ou de la formation achetée à des organisations extérieures.

Éventail des cours offerts

Les divers groupes de travail de FP 2000 ont fait un plaidoyer en faveur d'une plus grande priorité à la formation pour la collectivité scientifique, et ce dans les domaines :

  • du service au public;
  • des technologies de l'information (TI);
  • de la diversité culturelle;
  • de la gestion des ressources humaines, y compris les relations de travail et le traitement des cas de rendement insatisfaisant.

Les personnes interviewées ont indiqué qu'un plus grand nombre de cours de formation sont maintenant offerts dans les trois premiers domaines, particulièrement en TI. La formation dans la collectivité scientifique a fait l'objet de nombreuses recommandations de FP 2000 et d'excellents travaux ont été entrepris sous la direction d'un SMA de la collectivité scientifique; cette impulsion semblait avoir fléchi au cours de l'Examen des programmes, mais elle a repris de la vigueur depuis. De fait, l'un des changements les plus encourageants est l'apparition et le renforcement des comités fonctionnels qui examinent les besoins de leur collectivité (spécialistes de l'informatique, agents d'information, etc.).

La formation générale en gestion peut avoir diminué avec la suppression au milieu des années 1990 des programmes obligatoires d'orientation. Le cas échéant, il se peut que des cours de formation davantage adaptés aux besoins de gestionnaires en particulier ou axés sur des aspects plus spécifiques de la gestion les aient remplacés. Un gestionnaire d'un ministère où les relations patronales-syndicales ont été houleuses a constaté que des cours élaborés conjointement avec le syndicat dans ce domaine constituent actuellement une priorité. D'autres croient que le traitement des cas de harcèlement, les compétences en médiation, le mentorat et le leadership jouissent d'une plus grande priorité qu'il y a une décennie.

Un chef syndical a jugé encourageant le nombre de cours conjoints offerts sur la santé et la sécurité, le harcèlement, la Norme générale de classification et l'équité en matière d'emploi, et il a cité particulièrement la Défense nationale et le Service correctionnel du Canada.

Plans d'apprentissage personnels

Le Groupe de travail prévoyait que les gestionnaires examineraient avec chaque employé, au moins tous les ans, les besoins immédiats et à long terme de perfectionnement, décideraient d'un plan de formation pour l'année suivante et géreraient l'organisation pour que ce plan puisse être réalisé. Cela se fait probablement toujours au petit bonheur, bien que les preuves indiquent des résultats mixtes :

  • Le Sondage de 1999 mené auprès des employés indique que 72 p. 100 des fonctionnaires croient qu'ils obtiennent généralement la formation dont ils ont besoin.
  • Le même sondage indique que 48 p. 100 des superviseurs aident suffisamment leurs employés à progresser dans leur carrière. Au début de la même année, un sondage mené auprès des travailleurs du savoir de la fonction publique a révélé que seulement 22 p. 100 des superviseurs « s'intéressaient ouvertement » à la carrière de leurs subordonnés17.
  • Statistique Canada s'est taillé une excellente réputation pour ce qui est d'aider son personnel à acquérir des connaissances qui vont au-delà du poste actuel et possède probablement le meilleur programme d'affectation.
  • En 1997, DRHC a diffusé un guide à l'intention des employés sur les compétences généralement requises et ce, pour des groupes d'emploi précis18. Par la suite, au moins une région a remis à chaque employé un livret sur la façon d'établir un plan de formation19.
  • Il est certain qu'il existe de bonnes initiatives locales, comme le programme 2005 du Bureau régional de l'Atlantique d'Environnement Canada. On demande aux membres du personnel d'indiquer ce qu'ils veulent faire dans cinq ans. Cela devient un point de départ pour discuter du caractère raisonnable de leurs buts et de ce que l'organisation et l'employé peuvent faire pour que ces buts soient atteints.
  • Une enquête récente menée par le Centre canadien de gestion auprès des gestionnaires20 a révélé qu'environ 64 p. 100 des unités de travail possédaient des plans de formation, mais que la plupart des gestionnaires n'en avaient pas pour eux-mêmes.
  • Un rapport de l'APEX de 1998 contient cette observation laconique :

« ...il n'y a pas une grande culture de responsabilité pour la planification de carrière »21.

Orientation professionnelle

Au début des années 1990, de nombreux ministères (et plus tard les régions) ont créé des centres d'apprentissage où les employés peuvent obtenir de l'information pour les aider à établir un plan de carrière. La plupart de ces centres ont survécu aux compressions du milieu des années 1990.

La mise en oeuvre de la proposition voulant que la Commission de la fonction publique établisse un centre d'orientation professionnelle pour aider les fonctionnaires à tous les niveaux a été plus lente. Certains ministères ont mis sur pied des centres d'orientation professionnelle et la Commission a créé un service à l'intention des cadres et des groupes de relève, service qui conseille environ 350 clients par année. Le mentorat semble maintenant être une forme plus courante d'aide à la planification de la carrière, qui est parfois intégrée à des programmes de perfectionnement et est même structurée dans certains ministères - par exemple, le Bureau du Conseil privé où, apparemment, dix pour cent des employés ont des mentors.

Incitatif à l'autoperfectionnement

En 1990, il était courant que les gestionnaires paient le coût entier de la formation liée au poste du titulaire, mais uniquement une partie des coûts de la formation suivie en dehors des heures régulières. Un Groupe de travail a jugé que c'était une vision à court terme et que le fait de payer tous les frais de formation constituait un bon investissement, même pour des cours qui ne sont pas liés au mandat de l'unité ou du ministère. La politique a changé et un plus grand nombre d'employés en ont probablement profité, bien qu'il n'existe pas de statistiques à l'appui de cette hypothèse. On sait que certains gestionnaires régionaux ont limité les dépenses de formation, car quelques employés peuvent à eux seuls épuiser rapidement un petit budget de formation.

Évaluation de la formation

Pendant des années, on craignait que certains cours ne soient pas très utiles ou qu'ils soient donnés à des personnes qui n'en profiteraient pas. Les sceptiques n'étaient pas impressionnés par les résultats positifs de l'évaluation des cours par les participants.

Le groupe de FP 2000 sur la formation et le perfectionnement a insisté sur la nécessité de mieux évaluer les besoins de formation et de valider le contenu des cours et le mode de prestation de ceux-ci. En 1992, les chefs de la formation ont diffusé un document sur la rentabilisation de la formation.

Aujourd'hui, la validation des programmes de formation des sociétés et de la formation à grande échelle dans les ministères opérationnels va bien au-delà des « feuilles d'évaluation de la satisfaction ». Cependant, le Groupe de travail pourrait avoir sous-estimé le coût de l'évaluation et de la validation et l'expertise qu'elles exigent, particulièrement dans la formation et le perfectionnement à petite échelle dans des domaines « plus flous ». Le coût d'une bonne évaluation et d'une bonne validation pourrait bien éclipser le coût de la formation en question. Dans ces circonstances, la plupart des gestionnaires semblent se contenter de vérifier la réputation de la personne qui donne le cours, la description du cours et les réactions de ceux qui ont suivi le cours auparavant.

Reddition de comptes

La reddition de comptes devient un thème important de chaque projet de réforme d'envergure, et Fonction publique 2000 n'a pas fait exception à la règle. Divers aspects de la reddition de comptes sont apparus dans les rapports des groupes de travail et dans la plupart des discours et constituaient un élément essentiel du Livre blanc de FP 2000. La majeure partie de la réflexion s'inspire des travaux des commissions Glassco et Lambert et est analogue à celle de travaux ultérieurs comme le document publié conjointement en 1998 par le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du vérificateur général, La reddition de comptes dans le secteur public : vers une modernisation.

Un modèle assez complet se dégage des nombreuses recommandations de FP 2000. Le degré de consensus sur la ressemblance de la fonction publique au modèle n'est pas clair. Il est intéressant de noter, par exemple, le commentaire qui suit la description la plus complète de la structure redditionnelle de FP 2000 :

« Bien que le système de reddition de comptes décrit précédemment puisse sembler révolutionnaire, il revient tout simplement à intégrer différents mécanismes ou processus déjà en place dans tous les ministères »22.

Il y a eu des progrès utiles sur des questions précises, mais les résultats globaux, comme en conviennent de nombreux gestionnaires, ne sont pas très impressionnants. On croit qu'il faudra des progrès importants avant que des pratiques de reddition de comptes satisfaisantes ne soient en place dans l'ensemble de la fonction publique.

Philosophie de gestion commune

Le Groupe de travail de FP 2000 sur la catégorie de gestion a fait observer ce qui suit :

« Il faudrait poursuivre les efforts entrepris pour définir une philosophie de la gestion ou un ensemble de valeurs et de principes directeurs dont pourront s'inspirer les gestionnaires de la fonction publique... Ces valeurs devraient encourager les gestionnaires à donner l'autorité nécessaire à leurs employés et à favoriser un milieu de travail où règnent la créativité et l'initiative, la confiance et l'esprit d'équipe, et où la prestation des services gouvernementaux est faite sous le signe de l'excellence »23.

Le Livre blanc de FP 2000 de 1990 était une première tentative en vue d'élaborer une philosophie de gestion commune, un énoncé de mission et des principes de gestion. D'autres efforts ont suivi, notamment :

  • le rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, De solides assises (1996), lequel, espéraient les auteurs, aurait pour effet « d'aider la fonction publique à redécouvrir et à comprendre les valeurs fondamentales dont elle vit, et de l'aider à les mettre en pratique dans toutes les facettes de son travail »; (Introduction)
  • le rapport du Conseil du Trésor, Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes - Un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada (2000), dans lequel la présidente du Conseil du Trésor a déclaré que « ce document ne prétend pas modifier de façon radicale la gestion dans la fonction publique. Il se contente d'intégrer les pratiques exemplaires actuelles de gestion et les priorités en matière de changement en un tout cohérent ».

Le fait que le rapport D'Avignon, dès 1979, axait ses quatre premières recommandations sur l'importance d'établir une philosophie de gestion, peut fournir matière à réflexion.

Faire correspondre le pouvoir à la responsabilité

« Les ministères devraient [...] s'assurer que les pouvoirs [...] correspondent aux responsabilités des gestionnaires... »24.

Au début des années 1990, une étude du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) faisait état d'une délégation accrue des pouvoirs administratifs au sein des ministères. Cependant, certains gestionnaires interviewés pour cette étude ont indiqué qu'une réduction partielle est survenue au cours de la première phase de l'Examen des programmes, bien qu'en 1995 et en 1997, le Conseil du Trésor ait apparemment exercé des pressions sur les ministères pour qu'ils délèguent davantage. Un gestionnaire a parlé « des nouvelles délégations » accordées au cours des derniers mois.

Pour aider les gestionnaires à bien s'acquitter de leurs responsabilités, le Conseil du Trésor a jugé prioritaire d'établir des cadres directeurs sur la gestion25, sur une fonction de contrôleur moderne, sur le service au public26, et sur la gestion des ressources humaines27.

Responsabilité personnelle

« Que tous les ministères et organismes qui ne l'ont pas déjà fait se dotent d'un système intégré de reddition de comptes mettant l'accent sur la responsabilité personnelle dans l'obtention des résultats... » (Groupe de travail sur la gestion des ressources)

« On s'attendra de la part de chaque gestionnaire qu'il ait un énoncé convenu des résultats et des normes de rendement escomptés. » (Livre blanc de FP 2000)

Ces énoncés supposent l'utilisation d'une forme quelconque de contrat redditionnel ou de gestion entre les paliers successifs de gestion, comme il en existait déjà depuis quelques années dans des ministères comme la CEIC (ancienne Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada). On ne s'attendait pas à ce que de tels outils soient adoptés rapidement dans toute la fonction publique. Cependant, la plupart des personnes interviewées dans les régions et à l'administration centrale reconnaissent que les progrès ont été lents au départ et que l'Examen des programmes a provoqué un recul. Ils n'ont été adoptés de façon efficace qu'avec l'introduction du Programme de gestion du rendement à l'intention du personnel de direction, qui exigeait que les principaux engagements soient fixés. Il est inquiétant de constater qu'il a fallu une incitation financière (« la rémunération conditionnelle ») pour faire avancer ce que bon nombre considèrent comme un élément fondamental de tout bon régime redditionnel.

Évaluation du rendement

Les groupes de travail de FP 2000 ont fortement mis l'accent sur l'évaluation du rendement comme moyen d'atteindre un certain nombre d'objectifs particuliers :

« Les processus de planification en vigueur servent généralement à déterminer les résultats et les ressources pour l'organisation, mais c'est l'établissement d'objectifs lors de l'évaluation du rendement qui personnalise ces plans. En fait, donc, [...] le système d'évaluation fournit le moyen d'établir des objectifs pour les employés et de les rendre comptables de leur réalisation »28.

« Les évaluations de rendement à tous les échelons de direction devraient refléter l'importance de saines pratiques de gestion des ressources humaines »29.

Les gestionnaires interviewés pour la présente étude révèlent un bilan inégal pour la préparation des évaluations, certains ministères étant plus vigilants que d'autres. De nombreuses évaluations tendent toujours à porter sur le rendement général plutôt que sur les progrès réalisés vers l'atteinte d'objectifs fixés au début de la période d'évaluation. Si le Programme de gestion du rendement au sommet de la hiérarchie est maintenu, il se peut que l'exemple soit suivi à tous les niveaux.

Rétroaction ascendante et évaluation tous azimuts

L'utilisation d'outils comme la rétroaction ascendante et l'évaluation tous azimuts était préconisée pour tenir compte du fait que les gestionnaires peuvent donner une impression à leurs superviseurs et une toute autre impression à leurs pairs et à leurs subordonnés.

« Pour l'ensemble des cadres, en commençant avec les sous-ministres, les opinions des subordonnés sur la qualité du leadership dont ils ont fait preuve au cours de la période d'évaluation doivent être prises en considération par les responsables de l'évaluation »30.

Ces outils ont été largement utilisés au cours des années 1990. En 1996, Conseils et Vérification Canada avait à lui seul dirigé des processus permettant à quelque 10 000 fonctionnaires de fournir de la rétroaction ascendante à quelque 2 000 gestionnaires. Cette pratique est peut-être en baisse en raison des coûts et des restrictions sur la façon dont les résultats peuvent être utilisés sans divulguer aux gestionnaires le nom des auteurs de la rétroaction.

Primes au rendement dans le cadre de la rémunération

Voir la section de ce document intitulée « Réalisations découlant des recommandations de FP 2000 », sous-section « Rémunération et avantages sociaux ».

Transparence accrue

FP 2000 favorisait une transparence accrue dans la fonction publique, en insistant sur le besoin d'améliorer la consultation et la communication. Voici deux exemples des progrès réalisés :

  • l'obligation faite par la loi au greffier du Conseil privé31 de soumettre un rapport annuel sur l'état de la fonction publique au premier ministre, qui est tenu de le rendre public;
  • l'établissement et la publication de normes de service. La plupart des ministères affirment avoir réalisé des progrès; certains ont publié leurs normes de service sur leur site Web.

Il y a eu une explosion d'information diffusée au public. Les centaines de sites Web créés et mis à jour par les ministères en témoignent éloquemment, tout comme les projets de guichet unique déjà mentionnés et le projet d'amélioration de l'information sur le rendement communiquée au Parlement32.

Renforcement par la formation

« Les cours de base pour les superviseurs et les gestionnaires doivent enseigner les aptitudes en matière d'évaluation du rendement. » (Groupe de travail sur l'adaptation de la main-d'oeuvre)

Certains secteurs de la fonction publique offrent une formation de ce genre, mais rien ne prouve qu'elle soit répandue.

Renforcement par la vérification et l'évaluation

Les rapports de plusieurs groupes d'étude insistent sur la nécessité de la vérification et de l'évaluation, parfois explicitement (« la CFP devrait surveiller et, au besoin, vérifier les pratiques de promotion des ministères ») ou plus implicitement (« les sous-ministres devraient avoir à rendre compte du rendement du ministère en matière de consultation »).

Malheureusement, la capacité de vérification et d'évaluation de la fonction publique a été réduite considérablement, en grande partie à la suite de l'Examen des programmes. Par exemple :

  • En 1990, il y avait environ 700 vérificateurs internes et le budget de la vérification interne s'établissait à environ 40 millions de dollars; aujourd'hui, tant le nombre de vérificateurs que le budget sont à peine la moitié de ce qu'ils étaient.
  • La CFP ne vérifie plus, selon un cycle régulier, l'utilisation des pouvoirs qu'elle délègue à chaque ministère, favorisant plutôt des vérifications thématiques de l'ensemble de la fonction publique et des autoévaluations des ministères.
  • Le Secrétariat du Conseil du Trésor n'est pas réellement en mesure de déterminer comment les ministères appliquent les politiques du Conseil du Trésor. Il envisage d'introduire le concept de la « surveillance active », pratique qui veut, entre autres choses, que les ministères donnent au Secrétariat l'accès à leurs rapports de vérification interne.

Conclusion

De nombreuses recommandations de Fonction publique 2000 ont été mises en oeuvre, et les gestionnaires ne voudraient généralement pas revenir en arrière. Les travaux se poursuivent pour de nombreuses autres recommandations. Il y a lieu de croire que les messages étaient fondamentalement bons.

Les preuves les plus encourageantes sont :

  • l'accent plus prononcé mis sur le service au public;
  • la transformation d'organismes de services communs en organismes de services plutôt qu'en organismes de contrôle;
  • la réduction de la frustration à l'égard des tracasseries administratives, les contrôles centralisés et le nombre de présentations (en 1990, il y a eu plus de 10 000 présentations au Conseil du Trésor, comparativement à 1 300 en 1999);
  • la première réforme de la loi régissant les ressources humaines dans la fonction publique en 25 ans, rendant possible un certain nombre de changements utiles.

Certaines des personnes interviewées pour la présente étude croient que FP 2000 a eu un autre apport important, mais moins évident, soit une plus grande acceptation du fait qu'il est approprié pour les fonctionnaires à tous les niveaux de mettre en question l'utilité des règles et des procédures.

La principale déception a été l'incapacité de faire une percée majeure dans la gestion des ressources humaines. Des améliorations d'aspects particuliers, même si elles ont été bien accueillies, n'ont évidemment pas constitué la révolution que de nombreuses personnes auraient souhaitée. Dix ans après la présentation des rapports des groupes de travail, les concours prennent toujours beaucoup de temps, un seul appel peut faire avorter un énorme concours33, le système de classification n'a toujours pas été modifié, l'investissement dans la formation est toujours moindre que de nombreuses personnes croient qu'il devrait être, et les relations patronales-syndicales semblent toujours houleuses.

Il est aussi décevant de constater la lenteur des progrès réalisés dans la mise en oeuvre des mécanismes redditionnels et la diminution de la capacité des organismes centraux de déterminer l'incidence de leurs politiques et des pouvoirs délégués aux ministères.

Il est certain que ces déceptions peuvent être attribuées dans une large mesure au bouleversement et au stress engendrés par l'Examen des programmes. Cependant, il ne faudrait pas les imputer à ce seul facteur puisque certaines recommandations qui n'ont pas été bien mises en oeuvre avaient déjà été recommandées par d'autres études bien avant FP 2000.

Pour mesurer autrement les changements survenus au cours des années 1990, on a demandé à la plupart des gestionnaires interviewés si leur milieu de travail était devenu plus facile ou plus difficile. Une minorité d'entre eux croient qu'il est devenu plus facile, invoquant la souplesse accrue, l'accroissement du temps consacré aux choses importantes et l'intérêt accru du travail. La majorité croit que la situation est plus difficile, l'accroissement de la charge de travail étant la principale cause d'une telle impression. Ils voient leur volume de travail augmenter non seulement parce qu'ils doivent effectuer les mêmes tâches ou davantage avec moins de ressources, mais encore parce que le volume a été accentué par de nouveaux facteurs :

  • le temps de réponse plus rapide escompté en raison du courrier électronique;
  • les demandes spéciales attribuables au plus grand engagement des citoyens qui exigent plus de temps;
  • le besoin croissant de consulter des partenaires de nombreux ministères fédéraux, d'autres paliers de gouvernement, du secteur privé et du secteur sans but lucratif, de coordonner leurs travaux et de communiquer avec ceux-ci.

Les gestionnaires semblent subir un stress réel, confrontés à la nécessité d'obtenir des résultats et à celle de bien gérer les ressources humaines, alors que, comme d'habitude, les questions urgentes à court terme l'emportent sur les questions à long terme d'importance égale ou plus grande.

Malgré ce qui a été réalisé, à mon avis, il est juste de conclure que FP 2000 n'a pas répondu aux attentes initiales. Cela est en partie attribuable au fait que le projet a produit des attentes dépassant l'ampleur du projet; une grande partie doit être attribuée à l'environnement hostile qui s'est instauré et qui était inattendu; et il est certain que l'on peut l'attribuer - et c'est ce qu'on a fait - aux faiblesses de la gestion du projet et aux activités perturbatrices d'autres intervenants.

Quelques réflexions

En rétrospective, quelles leçons puis-je tirer de Fonction publique 2000 pour l'avenir? Quelles forces faut-il ne pas sous-estimer, surestimer ou tout simplement mal interpréter?

Mesure de la responsabilisation - Pour qui et combien?

Je dois confesser que mes nombreuses années dans la fonction publique m'ont laissé quelque peu perplexe au sujet de l'éternelle question de la responsabilisation. Il semble exister un large consensus sur :

  • qui est responsable de quoi envers qui, avec l'accent mis sur la responsabilisation de ceux qui exercent des pouvoirs délégués envers ceux qui ont délégué ces pouvoirs;
  • ce que sont les assises normales nécessaires pour concrétiser la responsabilisation dans le contexte de la gestion (indicateurs de rendement, objectifs clairs et convenus, information fiable, examen régulier, adaptation des objectifs, récompenses ou sanctions).

Il existe même probablement un consensus sur les difficultés que pose la réunion de ces assises dans le contexte de la fonction publique, notamment :

  • les problèmes conceptuels et de mesure que présentent de nombreux secteurs « plus flous » de l'administration publique;
  • les interrelations accrues entre les activités de la fonction publique et la complexité que pose l'évaluation et l'attribution du rendement;

Et cela pourrait inclure d'autres problèmes que l'on a soi-même engendrés comme :

  • les bouleversements qu'entraînent les fréquentes réorganisations34 et les changements apportés aux programmes;
  • l'absence de continuité du leadership.

Ces difficultés en particulier ont des répercussions financières. Combien d'énergie et de ressources faut-il consacrer pour recueillir de l'information imparfaite qu'il est difficile d'interpréter? La réponse est probablement affaire de jugement et varie d'un cas à l'autre, les gros secteurs opérationnels mesurables en exigeant beaucoup plus (qu'il en vaut la peine) que les petits secteurs moins mesurables. L'effondrement à la longue des systèmes axés sur les résultats (ici et ailleurs) comme la rationalisation des choix budgétaires, le budget à base zéro, la gestion par objectifs et le Système de mesure de la performance des opérations peut nous rappeler à quel point il est difficile d'appliquer des modèles universels à la diversité de la fonction publique.

L'aspect qui me paraît le plus complexe - et à bien d'autres sans doute - ressortit davantage à la dynamique et à l'interaction entre cette orientation de la gestion et les réalités de notre système politique antagoniste et imbu d'esprit de parti. Les parlementaires ont-ils le temps et la volonté de tenir le gouvernement responsable de la qualité de l'administration publique, sauf lorsque les membres de l'opposition y voient un moyen d'embarrasser le gouvernement35? Ont-ils la volonté de se pencher à fond et méthodiquement sur l'état de la gestion de chaque ministère, la qualité de la prestation des services, le caractère approprié de l'information opérationnelle, le caractère adéquat des niveaux de productivité, et ainsi de suite? Mon expérience me dit qu'il serait difficile de répondre à ces questions clairement par l'affirmative. Les ministres exercent-ils réellement des pressions sur leurs fonctionnaires pour les aider à établir et à faire connaître les normes de service et à préciser les objectifs de rendement, ou voient-ils à juste titre les risques politiques que cela comporte? Même si le budget de février 1994 affirmait que le gouvernement établirait et publierait en 1995 des normes de service pour chaque ministère, cinq ans après l'échéance, les ministères n'y sont pas tous parvenus.

Dans l'énoncé de son rapport le plus souvent évoqué, la Commission Lambert affirmait que :

« L'imputabilité, tout comme l'électricité, est difficile à définir; elle possède cependant certains attributs qui trahissent immédiatement sa présence dans un système. Il suffit de toucher un fil conducteur pour savoir que l'on a affaire à de l'électricité; point n'est besoin de définition. Le choc que provoque la prise de conscience de l'imputabilité dans un système de gouvernement n'est peut-être pas aussi brutal mais n'en demeure pas moins discernable. »

Une partie de l'analogie de l'électricité tient peut-être à la reconnaissance du fait que la reddition de comptes, tout comme l'électricité, traverse un réseau et n'a que la puissance de son point le plus faible - c'est-à-dire que l'offre de reddition de comptes correspond dans une certaine mesure à la demande. Ce qui est demandé, le fournisseur s'efforce de l'offrir. En d'autres mots, les subordonnés s'adaptent généralement aux priorités de leur supérieur.

Un dirigeant régional respecté, interviewé pour le rapport, a reconnu que jusqu'à tout récemment, il n'existait pas de processus officiel d'établissement des objectifs convenus par les paliers de gestion, ni de normes de service. Or il savait très bien ce que voulaient son ministre et son sous-ministre et il savait aussi très bien que ses subordonnés savaient ce qu'il voulait. Tous les gestionnaires avaient compris qu'ils seraient tenus de rendre compte généralement de la réalisation des attentes. Il semblait très sceptique au sujet de la valeur ajoutée de documents et de procédures. Les résultats des années 1990 portent à croire que cette opinion est largement répandue36.

Je suis conscient que ces commentaires soulèvent des questions au sujet du modèle redditionnel actuel (devrait-on, par exemple, envisager plus sérieusement l'adoption de concepts comme ceux de cadres responsables ou d'organismes d'exécution?) et au sujet du rôle des organismes centraux et du vérificateur général. Je n'en connais pas la réponse.

Les organismes d'exécution - Une occasion ratée?

Comme nous l'avons mentionné, les réformateurs des années 1990 s'intéressaient aux réformes plus radicales menées en Nouvelle-Zélande et ailleurs, mais ils n'étaient pas convaincus qu'un programme général visant à séparer l'exécution des activités et les fonctions d'élaboration de la politique était justifié au Canada. Je pense que leur réserve était sage. Néanmoins, on peut considérer que certaines mesures prises au début des années 1990 et d'autres plus récentes constituaient un pas dans cette direction. Certains petits secteurs d'activités productrices de recettes, dans les ministères, ont été convertis en organismes de service spéciaux (OSS) dotés d'une plus grande autonomie par rapport aux contrôles habituels. Le concept d'OSS n'a jamais été bien clair - étaient-ils des laboratoires pour faire l'essai de changements administratifs, les précurseurs d'une évolution plus générale vers des organismes d'exécution ou des étapes intermédiaires vers la privatisation? Certains OSS semblent maintenant être gérés d'une façon qui les rend difficiles à distinguer dans leur essence des unités ministérielles ordinaires.

De même, les trois derniers projets beaucoup plus vastes d'organismes de prestation des services (Agences des douanes et du revenu du Canada, Agence Parcs Canada, Agence canadienne d'inspection des aliments) ne laissent pas présager clairement comment évoluera la fonction publique. S'agit-il d'un second mouvement plus ambitieux vers l'établissement d'organismes d'exécution?

Il pourrait être utile d'expliquer l'importance à long terme de ces innovations aux observateurs de la fonction publique et de l'extérieur. Il paraît également essentiel d'effectuer des analyses comparatives rigoureuses pour déterminer si les pays qui s'appuient sur les modèles des organismes d'exécution obtiennent des résultats visiblement meilleurs qu'ici. Le cas échéant, ces résultats sont-ils suffisamment meilleurs pour justifier les inconvénients que certains y ont décelés? Parmi ces inconvénients, citons des conflits très visibles entre les chefs des organismes et les ministres, la politisation des hauts fonctionnaires, des horizons à court terme, un accent mis sur les éléments mesurables du contrat de rendement du chef de l'organisme au détriment d'autres éléments, et une coordination horizontale moindre37.

Rationalisation des responsabilités globales en matière de ressources humaines - Une autre possibilité ratée?

Ce fut une erreur pour Fonction publique 2000 de reculer devant ce sujet qui pose problème depuis longtemps sans explorer à tout le moins en profondeur la dynamique éventuelle de nouveaux modes de prestation et l'expérience d'autres pays qui ont adopté d'autres modèles structurels. En qualité d'ancien commissaire de la fonction publique, je suis demeuré convaincu pendant de nombreuses années, malgré le point de vue des commissions Glassco et Lambert, que l'on pouvait régler le problème du partage des responsabilités par un moyen quelconque, sans changements structurels profonds. Cependant, au cours des 20 dernières années, les organismes centraux ont cherché des solutions et, pourtant, le problème n'est toujours pas réglé.

On estime que la fonction des ressources humaines comporte des lacunes graves et diverses voix importantes les attribuent à la division des responsabilités :

« Depuis quelque temps maintenant, le mandat de la CFP [...] a été perçu par plusieurs comme ayant des conflits inhérents et fondamentaux [...] À notre avis, il s'agit d'un enjeu de gouvernance significatif »38.

« La gouvernance de l'apprentissage dans la fonction publique est à l'image du reste du système de gouvernance des ressources humaines : fragmentée. Aucune orientation précise n'a été établie dans ce domaine, pas plus que la prestation des services n'a été intégrée »39.

« Le cadre complexe qui régit la gestion des ressources humaines dans le « noyau » de la fonction publique est dépassé et indûment complexe. [...] ce cadre ne convient pas à un environnement qui exige souplesse et adaptabilité... »40.

Étant donné l'histoire des 30 dernières années, il est peu probable que, dans le contexte actuel, la fonction ressources humaines dans la fonction publique jouisse de la priorité nécessaire ni que les professionnels des ressources humaines bénéficient du leadership nécessaire. Cela dit, toute autre structure ne serait pas sans difficulté, comme l'expérience d'autres pays l'a montré.

Une forme quelconque de travail conjoint avec les syndicats aurait-elle donné des résultats différents?

Les réformateurs de FP 2000 n'ont pas déployé suffisamment d'efforts au départ pour obtenir la compréhension et l'appui des dirigeants des syndicats de la fonction publique. Cela a entraîné des difficultés indues au fur et à mesure de l'avancement du projet. La conséquence la plus évidente a été la décision de retarder de six mois le dépôt de la loi pour permettre de plus amples consultations. Cependant, je demeure très sceptique quant à savoir si, en 1990, les dirigeants des deux principaux syndicats et les réformateurs de FP 2000 auraient pu trouver ensemble suffisamment de terrains communs pour en arriver à des résultats fort différents.

On s'entendait largement sur les questions du service au public, sur le besoin d'accroître la formation et sur de nombreuses autres questions moins importantes. Mais les dirigeants des principaux syndicats avaient des objectifs très différents de ceux de FP 2000 - l'élargissement des droits à la négociation, des règles plus rigides pour la dotation ou plus d'importance accordée à l'ancienneté, l'opposition au partage des gains et à d'autres méthodes de rémunération fondée sur les résultats, l'élimination des taux de rémunération régionale et l'exclusion d'un moins grand nombre de postes de direction. Les réformateurs de FP 2000 étaient déterminés à simplifier, non pas à compliquer davantage le travail de la direction, et ils n'étaient pas prêts à faire des concessions de l'ampleur souhaitée par les grands syndicats. Comme nous l'avons mentionné, lorsqu'un Groupe de travail proposait un changement important que les syndicats souhaitaient ardemment (l'adjudication de la classification), il était bien vite rejeté de crainte qu'il ne crée encore une autre source de conflit patronal-syndical.

Réforme vaste ou sélective?

Il est généralement plus sage de se concentrer sur un éventail plus restreint d'objectifs plutôt que de dissiper ses énergies sur plusieurs fronts. Cependant, une telle stratégie en 1990 se serait révélée plutôt improductive, dans la mesure où les deux objectifs les plus probables auraient été la rationalisation des responsabilités globales de gestion des ressources humaines (qui n'a pas beaucoup avancé) et la réforme du système de classification, qui pourrait enfin voir le jour après dix années de lutte! On pourrait arguer que si cela avait été les deux seuls objectifs, ils auraient été réalisés plus rapidement; pour ma part, pour avoir vécu l'expérience pendant tout le début des années 1990, je doute très beaucoup que cela aurait été le cas.

Obsolescence des projets de réformes?

Par le passé, lorsque les projets de réforme étaient moins fréquents, leur donner un titre était un moyen d'attirer l'attention. Par contre, avec une telle tactique, le projet de réforme pouvait être mis en péril en attirant le mécontentement et en devenant une cible contre laquelle se mobiliser. Dans un monde en perpétuelle réforme, le titre est probablement superflu et chaque réforme peut être considérée en elle-même.

Leadership et appui politiques?

De nombreux observateurs sont d'avis que FP 2000 n'a pas reçu l'appui nécessaire au niveau politique. Étant donné la modestie des réformes envisagées, FP 2000 n'avait pas besoin de beaucoup d'appui ou de temps du Cabinet. Cependant, une fois FP 2000 lancé sans que l'on ait prévu d'importantes compressions, le projet avait besoin d'une forme de protection. L'annonce de compressions dans la fonction publique, en décembre 1990 et dans le budget de 1991, a été très néfaste. Si le gouvernement avait été plus soucieux et conscient du tort qui en résulterait pour FP 2000, il aurait trouvé une autre façon moins nuisible de réaliser les mêmes économies.

Il est difficile de trouver des preuves indiquant que FP 2000 était prioritaire pour le gouvernement, bien que le président du Conseil du Trésor ait fait de l'adoption de la Loi sur la réforme de la fonction publique l'un de ses principaux objectifs. Néanmoins, je ne peux attribuer le peu de progrès des changements envisagés dans le cadre de FP 2000 à l'absence d'appui politique; la responsabilité d'adopter certaines recommandations clés appartenait clairement à la direction de la fonction publique.

Leadership bureaucratique?

Dans toute réforme d'envergure de la fonction publique, je pense qu'il serait difficile de surestimer l'importance de la continuité et de la force de leadership des hauts fonctionnaires. Dans la pratique, cela veut dire généralement l'engagement personnel et visible du greffier du Conseil privé. La désignation de ce fonctionnaire comme chef de la fonction publique peut avoir aidé à mettre en lumière le fait que le greffier est globalement responsable de l'état de la fonction publique et, par conséquent, des activités de réforme, qu'elles tombent ou non directement sous la houlette d'autres fonctionnaires.

Il a fallu que le greffier lance FP 2000 et suive le projet personnellement. Tant et aussi longtemps qu'il était visiblement engagé, les ministères et les organismes y ont accordé de l'attention et ont agi. Au cours de la dernière année, le greffier a présidé 34 réunions du Comité directeur de FP 2000. Ce chiffre remarquable a été réduit à 23 la seconde année et a chuté à trois, à peine, au cours de la troisième. Une partie de cette baisse serait survenue au fur et à mesure que le projet évoluait et que d'autres personnes étaient mandatés pour assumer le leadership de divers éléments. Cependant, cette baisse est en grande partie attribuable à la pression d'autres priorités, comme les changements constitutionnels. Dès lors que l'attention du greffier pour FP 2000 a diminué, certains ministères ont continué de faire des progrès utiles, mais les efforts d'autres ont commencé à ralentir.

En vérité, à mon avis, la participation poussée du greffier est essentielle, mais elle ne peut être que de courte durée. Le défi est d'en arriver à la position la plus irréversible possible (comme l'adoption de lois) avant que l'attention du greffier ne soit détournée.

Réversibilité des réformes?

Je pense que la plupart des politiciens et des observateurs conviendront qu'il est plus difficile de mettre en oeuvre les réformes de la fonction publique que de les concevoir (bien qu'elles soient plus faciles à mettre en oeuvre si elles sont bien conçues). Et le travail ne se termine pas avec la mise en oeuvre. Le danger d'un retour en arrière demeure toujours, particulièrement devant de fortes controverses. Les comportements dictés par le commandement et le contrôle peuvent réapparaître facilement. Au moment de la rédaction du présent rapport, je m'inquiète, comme bon nombre d'autres, des répercussions éventuelles de la controverse de DRHC41 sur la gestion de la fonction publique. Il y a des leçons à tirer et des changements de procédure sont sans aucun doute justifiés, mais j'espère que les efforts concertés déployés pour répondre aux besoins des Canadiens ne seront pas ralentis par de nouvelles contraintes, soit imposées aux ministères par suite d'une réaction exagérée des organismes centraux, soit imposées par les ministères eux-mêmes. Sans efforts continus, les réformes sombrent dans l'oubli.

Bibliographie

Association professionnelle des cadres de la fonction publique du Canada, Aller de l'avant : La gestion des cadres de la fonction publique, Rapports et consultations, 1995-1998.

Associés de recherche Ekos Inc., « Public Service Survey : Differences in Responses Between EXs and Other Employees », exposé devant le Conseil de l'APEX, avril 2000.

Aucoin, Peter, Notes de discours sur l'Australie et la Nouvelle-Zélande devant les présidents des conseils régionaux, juin 1999.

Bureau du Conseil privé,

Rapports annuels du greffier du Conseil privé au Premier ministre sur la fonction publique du Canada.

Document de discussion d'un groupe de travail de sous-ministres, décembre 1996.

Bureau du vérificateur général du Canada,

« Entraves à une gestion productive dans la fonction publique », chapitre 2 du Rapport de 1983.

« Les organisations performantes », chapitre 4 du Rapport de 1988.

« Le changement et le contrôle au sein du gouvernement fédéral », chapitre 4 du Rapport de 1992.

« La qualité du service », chapitre 14 du Rapport de 1996.

« Les cartes d'achat », chapitre 7 du Rapport de 1997.

« Vers une gestion axée sur les résultats », chapitre 11 du Rapport d'octobre 1997.

« Le commerce électronique : la conduite des affaires du gouvernement par Internet », chapitre 19 du Rapport de décembre 1998.

« Les mécanismes de collaboration : les enjeux pour le gouvernement fédéral », chapitre 5 du Rapport d'avril 1999.

« La régie en partenariat : la reddition de comptes menacée », chapitre 23 du Rapport de novembre 1999.

« La rationalisation du régime de gestion des ressources humaines, une étude de l'évolution des rôles et des responsabilités », chapitre 9 du Rapport d'avril 2000.

« Développement des ressources humaines Canada - La qualité du service au niveau local », chapitre 2 du Rapport de 2000.

FP 2000...Vers une communauté de vues, août 1991.

Desautels, Denis, « Getting Out of our Own Way », commentaire d'introduction au Symposium de l'APEX de 1997.

Bureau du vérificateur général du Canada/Secrétariat du Conseil du Trésor, document préparé conjointement, La reddition de comptes dans le secteur public : Vers une modernisation, Document de travail, 6 janvier 1998.

Centre canadien de gestion,

Pratiques exemplaires d'un service axé sur les citoyens, 1999.

Les guichets uniques : innovations et bonnes pratiques, 1999.

Étude 2000 sur l'organisation apprenante, Avant-projet, 6 mars 2000.

Rapports annuels de 1990-1991 et 1991-1992.

Description des cours de 2000-2001.

Centre de recherche sur la gestion publique, Ébauche du sommaire du rapport d'une étude de 1998-1999 qui compare le régime de gestion des ressources dans la fonction publique avec celui des meilleurs employeurs au Canada.

Clark, Ian,

« Implementing Public Service 2000 », notes de discours, 21 novembre 1990.

« Restraint and Renewal in the Public Service », notes de discours, 29 septembre 1993.

Comité spécial sur la gestion du personnel et le principe du mérite (D'Avignon)

Document de travail, novembre 1978.

Rapport définitif, septembre 1979.

Commission de la fonction publique,

« Equity and Mobility: Promotion Rates in the Federal Public Service », notes de discours, 20 avril 2000.

Mobilité professionnelle et avancement dans la fonction publique fédérale, 18 février 2000.

Modernisation des recours à la CFP, 3e ébauche, 1er mars 2000.

Revitaliser la dotation dans la fonction publique. Cadre du mérite fondé sur les valeurs, mars 2000.

The Changing Face of Recruitment at the PSC, mars 2000.

Dialogue, « Une première récolte, les recommandations approuvées jusqu'ici », juin 1990.

Dialogue, « Les délais d'exécution de la dotation », février 1981; « Les délais d'exécution de la dotation, Deuxième étude », septembre 1981; et « Les délais d'exécution de la dotation, Troisième étude », février 1982.

Un nouveau cadre de renouvellement du personnel, Rapport du groupe chargé de l'examen consultatif, juillet 1996.

Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement (Rapport Glassco), 1962.

Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité (Rapport Lambert).

Management and Accountability in the Private Sector, préparé par Hillis & Partners, juillet 1978.

Rapport définitif, mars 1979.

Développement des ressources humaines Canada,

La gestion axée sur les compétences : Trousse d'information, 1997.

My Personal Learning Plan, région de la Nouvelle-Écosse, 1999.

« Normes de service », site Web modifié le 18 novembre 1999.

Duxbury L., L. Dyke et N. Lam, Le perfectionnement professionnel dans la fonction publique fédérale : Constituer un effectif de calibre mondial, Secrétariat du Conseil du Trésor, janvier 1999.

Fellegi, I. P. Une stratégie globale de perfectionnement des ressources humaines à Statistique Canada, novembre 1996.

Fonction publique 2000,

Championing Public Service Reform : The Activities of the PS 2000 Secretariat, December 1989 to February 1993, 1993 (non publié).

Initiatives ministérielles dans le cadre de la mise en oeuvre de FP 2000, juin 1991.

Implementation Checklist for Deputy Ministers, mai 1991.

Rapports de 1990, sommaires et rapports d'étape de 1992 des dix groupes de travail.

Notes de discours de John Edwards sur Fonction publique 2000 au Symposium de l'APEX de 1990.

Naviguer entre les écueils, Notes de discours de John Edwards, 1992.

Forum des politiques publiques : Lettre au premier ministre du 24 janvier 1989 accompagnée d'une proposition de revitalisation de la fonction publique.

Gouvernement du Canada,

Fonction publique 2000, Le renouvellement de la fonction publique du Canada, décembre 1990.

La fonction publique : une organisation apprenante d'un océan à l'autre, Document de travail sur les orientations, juin 2000.

Budget des dépenses : Rapport sur le rendement de la GRC 1998-1999.

Budget des dépenses : Rapport sur le rendement du Bureau de la sécurité des transports de 1998-1999.

Partenariats au service des Ressources humaines, Rapport du Sous-Comité du CHF sur la collectivité des ressources humaines, 1998.

De l'écoute à l'ACTION, Guide du gestionnaire, Sondage de 1999 auprès des fonctionnaires fédéraux, 1999.

Governance : An International Journal of Policy and Administration, numéro spécial sur la réforme de la gestion, vol. 3, no 2, (articles d'Aucoin et al), avril 1990.

Graham, Andrew, « Encouraging Continuous Learning ». Notes de discours. Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2000.

Johnson, A.W, Réflexions sur la réforme de l'administration fédérale du Canada, 1962 à 1991, Bureau du vérificateur général du Canada, 1992.

Management et secteur public, vol. 10, no 2, Prix IAPC pour gestion innovatrice : Les lauréats de 1999.

Marson, Brian,

Managing Citizen-Centred Service, Secrétariat du Conseil du Trésor, printemps 2000.

The Art of Citizen-Centred Service, Secrétariat du Conseil du Trésor. (photocopie mise à jour).

Mintzberg, Henry,

« Managing Government, Governing Management », Harvard Business Review, mai-juin 1996.

« The Myth of Society Inc. », The Globe and Mail Report on Business Magazine, octobre 1996.

Osbaldeston, Gordon F., Raffermir la responsabilité des sous-ministres, Sommaire non daté.

Pal, Leslie A., Beyond Policy Analysis : Public Issue Management in Turbulent Times, ITP Nelson Canada, avril 1997.

Peters, B. Guy, La gestion d'un gouvernement horizontal : L'aspect politique de la coordination, janvier 1998.

Revenu Canada, Direction générale des ressources humaines, Agency Recourse Design, avril 1998.

Roberts, Alasdair, « Worrying About Misconduct : The Control Lobby and Bureaucratic Reform », Administration publique du Canada, vol. 39, no 4, 1996.

Savoie, Donald, Governing from the Centre : The Concentration of Power in Canadian Politics, University of Toronto, 1999.

Secrétariat du Conseil du Trésor/Commission de la fonction publique, Profil des leaders et des gestionnaires de la fonction publique, 1990.

Secrétariat du Conseil du Trésor,

Pour une prestation du service axé sur le citoyen/le client : Cadre d'efficacité optimale pour les organisations au service du public, février 1998.

Statistiques sur l'emploi dans la fonction publique fédérale, 1998-1999.

Cadre de travail pour une saine gestion des ressources humaines dans la fonction publique, 1999.

Repenser le rôle de l'État : Un gouvernement pour les Canadiens, 1997.

« Linking Realities to a Vision. The Government's Vision for the Public Service Over the Next 5 Years », notes de discours, 21 novembre 1990.

La Revue des gestionnaires, vol. 1, no 3, printemps 1990, interview de Paul Tellier.

Une gestion axée sur les résultats, 1998.

Programme de gestion du rendement pour le groupe de la direction, 15 janvier 1999.

Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes - Un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada, 2000.

Guide des services de qualité : Guide XI : Gestion efficace des plaintes, 1996.

Selected TBS Accomplishments Related to PS 2000 and IMAA, juin 1991.

Rapport du Groupe de travail indépendant chargé de la modernisation de la fonction de contrôleur dans l'Administration fédérale du Canada, 1997.

« Toward a Citizen-Centred Approach to Service Improvement », Notes pour un exposé de Ralph Heintzman, février 2000.

Sous-Comité sur l'apprentissage et le perfectionnement du CRF, Obstacles et encouragements à l'apprentissage, 1999.

Sutherland, S. L., « The Al-Mashat Affair: Administrative Accountability in Parliamentary Institutions », Administration publique du Canada, vol. 34, no 4, 1991.

Tellier, Paul, Conférence J. J. Carson de 1990 sur le renouvellement de la fonction publique.

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Conseils et Vérification Canada, « Upward Feedback: Voices From the Shop Floor », notes pour une présentation, 1996.


 

Points de vue comparatifs sur la réforme de la fonction publique canadienne au cours des années 1990

Peter Aucoin, professeur, Université Dalhousie

Introduction

À certains égards importants, la réforme de la fonction publique au sein du gouvernement du Canada au cours des dix dernières années a été le reflet des changements qui sont survenus à l'échelle internationale, en particulier dans les démocraties anglo-américaines1. En même temps, comme le démontre l'exposé de John Edwards, les réformes au sein de la fonction publique fédérale sont également issues de circonstances et de défis propres au Canada. Dans le présent document, je m'efforce de montrer, à l'aide de comparaisons, comment la réforme a été tributaire des différences liées au leadership politique, aux mesures qui devaient être prises pour améliorer la gestion, et au rôle de la reddition de comptes pour assurer le rendement. J'évalue ensuite brièvement le bilan canadien sous divers angles à des fins comparatives.

Le leadership politique

Il est clair qu'au cours des dix dernières années, les dirigeants politiques de l'administration fédérale canadienne n'étaient pas aussi activement engagés à l'égard des questions de réforme de la fonction publique que leurs homologues des autres démocraties anglo-américaines, en particulier les autres régimes de type Westminster (et certaines provinces canadiennes). Cette situation a eu des conséquences importantes sur la manière dont le programme de réforme a évolué2.

Il est souvent dit que les ministres canadiens, y compris les premiers ministres, avaient d'autres questions plus urgentes à régler, notamment celles de la Constitution et du maintien de la fédération. Que doit-on penser de cette absence relative de leadership politique sur la scène fédérale en matière d'orientation de la réforme de la fonction publique? Je ne crois pas qu'elle soit surtout attribuable au fait que les ministres étaient distraits par d'autres questions urgentes. Je crois plutôt qu'il y a deux raisons à cela.

D'une part, peu de ministres, pour ne pas dire aucun, ont vu un avantage politique à la « réforme » de la fonction publique, bien que certains aient vu un avantage politique à attaquer la « bureaucratie », un phénomène répandu à l'échelle internationale au cours des années 1980 et 1990, en particulier dans les régimes anglo-américains. D'autre part, et à mon avis c'est là un fait plus important, les ministres canadiens (et leurs conseillers politiques « partisans ») ne croyaient pas que la bureaucratie de la fonction publique fédérale fût un obstacle majeur à surmonter pour poursuivre leurs grands objectifs politiques. Une chose est certaine, pendant une certaine période, après le changement de gouvernement en 1984, des modifications en profondeur des structures relationnelles entre les ministres et la fonction publique pouvaient, semble-t-il, être apportées. Mais il n'y a pas eu de grands changements, même si des tensions dans la dynamique ont persisté pendant une période de temps considérable. Quoi qu'il en soit, lorsqu'une réforme d'envergure de la fonction publique a été entreprise avec le lancement de Fonction publique 2000, il s'agissait d'une initiative conçue et menée entièrement par la fonction publique.

Cette approche contrastait énormément avec l'expérience vécue ailleurs. En Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne, en Australie et aux États-Unis, les dirigeants politiques ont pris l'initiative des réformes ou encore les ont pleinement appuyées. Pourquoi? Il y a plusieurs raisons à cela. Mais, tout d'abord, c'est que les bureaucraties dans ces régimes étaient perçues comme étant des obstacles à la réforme gouvernementale, comme étant une partie importante du « problème » de régie. Dans une certaine mesure, cette analyse était exacte, du moins dans les autres régimes de type Westminster3. Dans chacun de ces cas, et contrairement à l'expérience canadienne, les bureaucraties en place s'étaient éloignées du leadership politique, devenant moins que réceptives à celui-ci. Cela était attribuable en grande partie au fait que ces bureaucraties se comportaient comme de « vieilles cliques ». Elles en étaient venues à se considérer comme les « gardiens de l'intérêt public », qui n'avaient donc de comptes à rendre qu'à elles-mêmes. Ces attitudes ne pouvaient que heurter les susceptibilités démocratiques de la classe politique. Elles représentaient un obstacle (ou, du moins, étaient perçues comme tel) à la volonté des gouvernements de mettre en oeuvre leurs programmes comme ils l'entendaient, et non pas comme leurs fonctionnaires subalternes, eux, l'entendaient.

Dans un tel contexte, le leadership politique devait donc imposer à la bureaucratie la réforme de la fonction publique. Les ministres et leurs conseillers politiques, appuyés par un groupe de fonctionnaires réformistes qui partageaient les préoccupations ministérielles au sujet du « problème bureaucratique », s'en sont pris à ce qu'ils considéraient être les principaux obstacles à la réforme gouvernementale. Mon propos ici n'est pas de décrire en détail ce qui s'est fait dans ces régimes. Toutefois, il est important de noter que le programme de réforme visait en priorité l'obligation redditionnelle envers les ministres et que cette question a orienté bon nombre des initiatives prises dans ces régimes, à l'encontre de ce qui s'est fait au Canada. L'objectif visé n'était pas de « laisser les gestionnaires gérer », mais plutôt d'« obliger les gestionnaires à gérer » en leur demandant de « rendre personnellement des comptes » aux ministres et ce, de façons nouvelles.

Le Canada avait donc adopté, en matière de réforme de la fonction publique, une approche qui se démarquait nettement de celle de ces régimes. Malgré tout, il faut le souligner, la gestion publique n'est pas nécessairement devenue meilleure dans ces pays qu'au Canada simplement parce que les ministres ont dirigé les réformes et se sont davantage engagés à cet égard. Bien qu'il ait pu y avoir des améliorations dans chacun de ces régimes, il y a eu des conséquences tout aussi importantes, et pas nécessairement positives, sur l'idéal recherché d'une fonction publique professionnelle, et ce, dans certains domaines. En résumé, le « leadership politique » dans le contexte de la réforme de la fonction publique peut se révéler une lame à double tranchant. Cela a certainement été le cas aux États-Unis, où la réforme a accru le degré de politisation au-delà même des normes américaines traditionnelles. On a également vécu semblable expérience en Australie, en particulier au cours des années 1990, et, dans une moindre mesure, en Grande-Bretagne4.

Entraves à une gestion productive

Fonction publique 2000 était une initiative fondée sur l'idée que la gestion et les activités de la fonction publique pouvaient être améliorées et qu'elles le seraient, selon une étude du Bureau du vérificateur général publiée en 1983, par l'élimination ou la réduction des « entraves à une gestion productive »5. Il y avait d'abord les entraves imposées sur le plan politique, sous forme de « priorités politiques » qui changeaient sans cesse. Toutefois, les principales entraves étaient perçues comme étant les régimes administratifs imposés par l'administration centrale, qui régissaient la gestion et les activités publiques, ainsi que l'absence d'incitatifs pour améliorer le rendement. D'où, comme le fait remarquer Edwards, « la frustration croissante, particulièrement dans les rangs de la direction, devant ce qui était perçu comme des tracasseries administratives et des contrôles excessifs... [et] une culture fondée sur une surabondance de règles ».

Ces préoccupations n'étaient pas nouvelles. En réalité, la Commission royale Glassco les avait exprimées au cours des années 1960 et elle avait recommandé une série de réformes conçues, comme on le disait alors, pour « laisser les gestionnaires gérer ». Cette philosophie de gestion a eu des répercussions après le rapport Glassco. Bien que par la suite on ne se soit pas toujours conformé à cette philosophie, elle était étayée à la fin des années 1990, par la notion, alors nouvelle, des « meilleures pratiques » empruntées au secteur privé. Les pratiques de gestion du secteur privé étant alors considérées comme supérieures à celles du secteur public, il est apparu légitime d'éliminer les entraves à la productivité dans la fonction publique. La rhétorique de l'« habilitation » était née.

À la même époque, les réformes menées ailleurs dans les régimes de type Westminster semblaient suivre la même orientation. Les entraves ont été éliminées ou réduites dans ces régimes, et dans certains cas, de manière radicale. C'était particulièrement le cas pour la gestion de la fonction publique, sous l'angle de la gestion des ressources humaines au sens large. Dans chaque cas, les organismes centraux de la « fonction publique », qui étaient auparavant responsables du contrôle de la dotation et des questions de personnel connexes, ont été restructurés et ils ont, pour la plupart, perdu énormément de pouvoir. Le cadre législatif ou les régimes, voire les deux, ont été profondément transformés. Pourtant, contrairement au but recherché au Canada, ces initiatives ne visaient pas, simplement, ou même principalement, à laisser les gestionnaires gérer, comme nous l'avons indiqué ci-dessus. Elles s'inscrivaient plutôt dans une orientation plus vaste qui avait pour objet d'inciter les gestionnaires à être plus productifs dans la gestion de leurs ressources, y compris leurs ressources humaines, en les soumettant, du moins en théorie, à des exigences redditionnelles astreignantes.

La philosophie canadienne qui prônait de laisser les gestionnaires gérer en éliminant les entraves apparaissait donc semblable à la philosophie de gestion pratiquée ailleurs. Mais elle ne l'était pas, et cela a eu une conséquence importante. Dès lors, bien que l'approche canadienne ait mis l'accent sur l'élimination ou la réduction des entraves dans le but de promouvoir une gestion productive, elle a moins bien réussi en cela que les autres régimes de type Westminster (il faut toutefois noter que pour certaines questions, ces autres régimes ont peut-être simplement rattrapé le Canada). L'élimination et la réduction des entraves dans ces autres régimes étaient considérées comme une nécessité (presque un sous-produit) inhérente à la structure même de ces régimes, laquelle exigeait une plus grande reddition de comptes. Toutefois, l'obligation redditionnelle n'était pas considérée comme le principal moyen d'améliorer la gestion. Par contre, au Canada, les dirigeants politiques n'exigeaient pas l'élimination ou la réduction des entraves comme condition d'amélioration de la gestion publique. Dans ce contexte, il n'est peut-être pas étonnant que le programme de réforme de la fonction publique, quelle qu'en ait été la philosophie de gestion, ait été plus modeste qu'il ne l'aurait été autrement. Cela ne veut pas nécessairement dire que ce programme n'avait pas d'appui politique, mais simplement qu'une tentative de démantèlement du cadre législatif régissant la fonction publique n'aurait vraisemblablement pas reçu un tel appui. Plus récemment, la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada (et donc le quart de la fonction publique) a été retranchée du cadre législatif de base. On ne sait pas vraiment si cela traduit un appui politique accru en faveur d'un changement majeur ou simplement la volonté du gouvernement d'opter pour un étapisme décentralisé dans la direction souhaitée.

L'énigme de la reddition de comptes

À mon avis, l'une des plus grandes faiblesses de la réforme de la fonction publique au Canada au cours des dix dernières années tient à la façon dont on a intégré la reddition de comptes à la théorie de la réforme de la gestion publique. Il s'agit, convenons-en, d'un sujet de très grande portée. Mais il faut, à tout le moins, en préciser trois points.

Premièrement, nous avons supposé que le principe de la responsabilité ministérielle (et donc de la reddition de comptes), sur lequel s'appuie le principe de l'obligation redditionnelle de la fonction publique, existe bel et bien. Cela est vrai, mais seulement jusqu'à un certain point. En pratique, l'application de ces principes peut facilement dégénérer et faire des fonctionnaires des boucs émissaires (une situation qui n'est pas unique au Canada), comme l'a amplement démontré l'affaire Al Mashat. Mais ce qui me préoccupe davantage, c'est que nous ne sommes pas parvenus à une entente largement partagée sur ce que signifie la reddition de comptes dans le contexte actuel, malgré la contribution inspirante du regretté John Tait et de ses collègues6 ou, à ce sujet, l'excellent travail du Bureau du vérificateur général du Canada et du Secrétariat du Conseil du Trésor7.

Deuxièmement, nous ne sommes pas parvenus à un consensus sur la gestion publique, dont les entraves, et donc les contrôles, représentent nécessairement un rouage central et positif de la fonction publique. Dans ce contexte, la reddition de comptes constitue une condition essentielle du pouvoir exercé dans l'intérêt public. C'est là le seul mécanisme permettant, dans un contexte public, de faire échec à la corruption, une tendance intrinsèquement liée au pouvoir. D'une part, une culture de gestion qui, comme le dit Edwards, préconise « une plus grande acceptation du fait que les fonctionnaires, à tous les niveaux, peuvent dûment mettre en question l'utilité des règles et des procédures » est une chose. D'autre part, une culture de gestion qui, par contre, présente les contrôles comme une pathologie ou une perversité de la bureaucratie est une tout autre chose. Ce qui est inquiétant, c'est que les messages rhétoriques de Fonction publique 2000, véhiculés dans un milieu où les prescriptions anarchistes de gourous nord-américains de la gestion tels que Tom Peters séduisaient beaucoup les fonctionnaires, ont eu pour effet de promouvoir cette seconde culture plutôt que la première.

Troisièmement, et pour faire suite aux deux premiers points, je crois que nous n'avons pas déployés assez d'efforts pour améliorer les deux autres dimensions de la reddition de comptes dans le secteur public : fournir une assurance et promouvoir une amélioration continue du rendement8. Je crois, du moins, que nous n'avons pas réussi à les améliorer. L'absence relative d'intérêt pour la première dimension a été mise en évidence, par exemple, dans les dérapages survenus récemment au ministère du Développement des ressources humaines. Le peu de souci pour la deuxième dimension a été mis en évidence par le manque de diligence à établir un régime qui responsabilise les gestionnaires à l'égard de l'amélioration continue et un cadre qui tienne compte des circonstances et des défis liés à une fonction publique professionnelle.

Rien de ce qui précède ne permet de croire que d'autres régimes ont nécessairement obtenu du succès sur ce plan. Ils ont peut-être été plus dynamiques à certains égards, mais leurs efforts ont été surtout mécanistes et plutôt restreints quant aux aspects jugés importants9. Je doute fortement qu'un régime de reddition de comptes fondé principalement sur des incitatifs ou sanctions « monétaires » pour atteindre des « cibles » quantitatives puisse jamais produire ce dont on a besoin dans le contexte des trois dimensions essentielles de la reddition de comptes - le contrôle, l'assurance ou l'amélioration continue.

Cette équation oublie le besoin fondamental de tenir compte de l'aspect le plus important de la reddition de comptes à savoir, la nécessité de veiller à ce que les gestionnaires de la fonction publique déploient tous les efforts pour promouvoir, par leurs actions, les objectifs liés aux valeurs et à l'éthique pour l'ensemble de la fonction publique. Nous pouvons définir cette dimension de la gestion de la fonction publique de différentes façons - vision, leadership ou engagement. Pourtant, il n'en reste pas moins que les gestionnaires de la fonction publique y contribuent en encourageant leurs collègues, leurs subalternes et même leurs supérieurs à exceller dans ce qu'ils font, et comme le chef de la fonction publique fédérale le dit, « en faisant une différence »10.

Les principales préoccupations de la bureaucratie gouvernementale ne tiennent pas au fait que les bureaucrates sont enclins à « se dérober à leurs tâches » (attitude qui peut découler d'un certain laxisme, que l'on trouve dans toute grande organisation), ni au fait que les bureaucrates visent à « maximiser leur budget » (ce que peuvent contrôler les organismes centraux, surtout dans les régimes de type Westminster), ni même au fait que les bureaucraties publiques ne réussissent pas à gérer les « employés qui ont un rendement insatisfaisant » (ce qu'on peut régler en étant explicite au sujet des limites fixées pour de telles personnes, en particulier dans le contexte de la dynamique de groupe des organisations performantes). La principale préoccupation de la bureaucratie gouvernementale est plutôt de voir à ne pas tolérer un comportement non conforme aux valeurs de base et à l'éthique de la fonction publique, surtout de la part des gestionnaires mais aussi du personnel de première ligne.

Une fonction publique n'est pas professionnelle si elle ne peut pas énoncer et communiquer quelles sont ces valeurs ni se régir en conséquence. Cela est difficile à mettre en pratique, mais pour savoir si dans une administration donnée la fonction publique est vraiment professionnelle, on doit déterminer la mesure dans laquelle ses dirigeants peuvent collectivement se conformer à cet idéal. Pour réussir sur ce plan, il ne s'agit pas avant tout de mettre en place le bon cadre législatif ou les bons systèmes, d'avoir toute liberté d'agir ou même d'adopter les bonnes attitudes (un point clé de Fonction publique 2000, comme on s'en souviendra). Il faut d'abord et avant tout, qu'il y ait une volonté individuelle et collective d'exercer un jugement professionnel, c'est-à-dire intervenir lorsque les gestionnaires ou le personnel ne se comportent pas selon les valeurs et l'éthique de la fonction publique et récompenser ceux qui se comportent comme il se doit.

Le bilan canadien d'un point de vue comparatif

De crainte que les commentaires qui précèdent ne soient perçus comme trop critiques à l'égard du bilan canadien, je m'empresse d'ajouter que, à mon avis, la réforme de la fonction publique réalisée au cours des dix dernières années est impressionnante, si on la compare aux réformes des autres pays. J'en viens à cette conclusion pour les raisons suivantes.

Après un départ confus au début des années 1990, la dynamique de la réforme de la fonction publique a commencé à devenir beaucoup plus cohérente au cours de la deuxième partie de la décennie. Ainsi, l'enchaînement des initiatives, notamment l'Examen des programmes, celle portant sur la capacité d'élaboration des politiques et la modernisation de la prestation des services, La Relève, et ensuite le projet d'élaboration d'un cadre de gestion axé sur les résultats, témoignait d'une approche qui était plus stratégique et concertée que celle adoptée au cours de la première partie de la décennie pour la réforme de la fonction publique. À plusieurs égards, le « modèle »11 canadien qui était en place à la fin de la dernière décennie traitait de manière plus explicite des aspects les plus fondamentaux de la réforme de la fonction publique en soi aussi bien qu'en comparaison avec d'autres régimes.

En mettant l'accent sur l'importance d'une fonction publique professionnelle, qui a un sentiment aigu d'appartenance et qui travaille en partenariat avec les dirigeants politiques, on a davantage permis à la fonction publique fédérale de fonctionner comme une « organisation apprenante »12. En revanche, les régimes australiens, britanniques et néo-zélandais ont éprouvé, bien qu'à divers degrés, des difficultés à ce sujet au cours des dernières années. Depuis plusieurs années, on a constaté en Australie une baisse de la confiance de la classe politique envers la fonction publique, un recours accru aux adjoints politiques comme conseillers et une perte du sentiment d'appartenance chez les hauts fonctionnaires de la fonction publique. Le programme de réforme britannique a dû faire face à deux sources de fragmentation. La première, qui a touché les hauts rangs de la fonction publique, découlait de la séparation des responsabilités liées à l'élaboration des politiques et de celles des opérations, après l'adoption du modèle des « organismes de direction ». La deuxième, qui s'est produite dans les organismes centraux, découlait d'une séparation de plus en plus marquée entre la fonction d'élaboration des politiques de la fonction publique et la fonction de conseiller en matière de politique. Le programme néo-zélandais a dû faire face aux conséquences d'un modèle de gestion publique qui a séparé les activités des organismes d'élaboration des politiques de celles des organismes d'exécution, qui a tenu les hauts fonctionnaires directement et personnellement responsables de la gestion des ressources et de la prestation des services, et qui a établi une distinction entre la responsabilité à l'égard des extrants et celle à l'égard des résultats. Il est évident que ces différences entre les régimes de type Westminster sont relatives. Pourtant, le Canada a bénéficié, de la part de ses dirigeants politiques, d'une plus grande volonté d'engager la fonction publique dans l'élaboration de politiques stratégiques et de laisser aux hauts fonctionnaires la latitude pour promouvoir la gestion de la réforme.

Les efforts déployés au Canada pour rétablir la capacité de recherche stratégique de la fonction publique constituent l'un des résultats de cette approche. Cette initiative a été importante pour deux raisons. Premièrement, l'approche de l'examen des programmes au Canada n'était pas dictée principalement par une idéologie politique ni par des convictions politiques. Dans une tentative pragmatique de concentrer les ressources sur les priorités stratégiques, et ce, d'une façon abordable, on a réaffirmé l'importance de la recherche stratégique fondée sur des éléments probants. Deuxièmement, l'approche canadienne a mis beaucoup l'accent sur l'établissement de réseaux de recherche stratégique qui relient toutes les organisations de recherche stratégique gouvernementales et non gouvernementales. Cette approche a renforcé l'idée que la recherche est une fonction clée de la gestion publique, indépendante du régime de gestion du rendement axé sur les résultats que l'on retrouve dans les différentes organisations du gouvernement.

L'avantage de l'approche canadienne tient au fait qu'elle n'était pas excessivement préoccupée par les débats et les conflits externes ou internes au sujet des plans de privatisation, de recours au marché ou d'impartition des activités gouvernementales. On a plutôt utilisé, de façon pragmatique, la gamme complète des « nouveaux modes de prestation des services » afin d'atteindre les objectifs de viabilité financière ainsi que d'amélioration du service et des résultats de la politique. Cette approche supposait aussi que l'apprentissage organisationnel est davantage tributaire de l'application des connaissances issues de la recherche et de l'expérience que de la « gestion par objectif »13. Le gouvernement préconise un régime de gestion axé sur les résultats, mais son approche tranche beaucoup avec l'enthousiasme que l'on manifeste pour les approches mécanistes des autres régimes.

En Australie, en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande, des progrès considérables ont été accomplis en ce qui concerne l'adoption de méthodes de mesure du rendement de la gestion publique. Toutefois, comme l'ont remarqué, entre autres, Schick14 et Pollitt15, la mesure du rendement axée sur la gestion des intrants et la production des extrants ne nous éclaire pas nécessairement sur les questions déterminantes, à savoir les résultats. Pour cela, il faut effectuer de la recherche stratégique, y compris de l'évaluation de programme. Au Canada, nous avons été bien servis par une approche qui tente de traiter tant les questions stratégiques que les questions de gestion. En outre, il est intéressant de noter que la Nouvelle-Zélande en est venue à reconnaître le besoin d'adopter une approche davantage fondée sur les résultats16; et que, plus récemment, la Grande-Bretagne a tenté de mettre de nouveau l'accent sur l'élaboration de politiques fondées sur des faits17. Par ailleurs, l'Australie, auparavant chef de file au chapitre de l'évaluation des politiques et de l'importance à donner aux résultats, s'appuie de plus en plus sur des systèmes reposant sur les forces du marché qui, invariablement, mettent l'accent sur la productivité de la gestion des extrants18. Aux États-Unis, selon Kettl, la loi sur le rendement et les résultats adoptée par le gouvernement a eu pour effet de « propulser le gouvernement fédéral, après avoir expérimenté pendant 15 ans des mesures des extrants à l'instar des gouvernements de type Westminster, vers une évaluation tous azimuts des résultats». Pourtant, la structure de régie du régime américain, ainsi que sa dynamique de politique partisane, a conduit tout aussi rapidement à un retour à l'application de « solutions administratives qui permettaient d'éviter les choix politiques fondamentaux »19.

L'approche canadienne qui a mis à contribution la fonction publique, n'avait pas d'idée préconçue au sujet des nouveaux modes de prestation des services et cherchait un juste milieu entre extrants et résultats, ce qui a permis une transition relativement sans heurts vers la « prestation des services axée sur les citoyens ». Le gouvernement fédéral a eu des difficultés à faire adopter des « normes de service » au début de la décennie, en partie à cause de l'opposition manifestée à l'égard d'une approche mécaniste de la mesure du rendement. À cet égard, il marquait du retard par rapport à d'autres gouvernements, en particulier le gouvernement britannique, qui avait adopté la très connue « charte du citoyen ». Cependant, comme il devenait de plus en plus manifeste que les citoyens s'intéressaient davantage à des modes de prestation grâce auxquels ils obtenaient des services sans failles ou des services intégrés axés sur leurs priorités, les nouvelles approches adoptées par le Canada l'ont rapidement placé parmi les chefs de file dans le domaine de la prestation de services centrés sur les citoyens. Ces nouvelles approches misaient sur les valeurs et les traditions inhérentes aux services publics assurés par des fonctionnaires, d'où l'enthousiasme pour ces innovations tant au centre qu'aux premières lignes des divisions de services. Le système de prestation des services fédéraux n'a pas été trop fragmenté par l'adoption des modèles de gestion appliqués en Grande-Bretagne ou en Nouvelle-Zélande, et cela a, de toute évidence, facilité les choses. Le regroupement de ministères au cours de la première partie de la décennie a produit exactement le résultat opposé, c'est-à-dire une fragmentation moindre que si l'on avait tenté d'implanter de nouveaux modes de prestation de services centrés sur les citoyens au cours des années 1980 et au début des années 1990. Il est aussi opportun que les initiatives canadiennes aient coïncidé avec l'introduction des nouvelles technologies de l'information et des communications, ce qui a grandement favorisé l'adoption de nouvelles formes organisationnelles de prestation des services intégrés. Naturellement, un engagement plus ferme à l'égard des initiatives centrales de gestion a contribué encore davantage à la volonté de gérer au-delà des frontières organisationnelles. Enfin, au Canada, il semble que la responsabilité tant des politiques que des services incombe toujours aux ministères intégrés verticalement.

Tous les autres régimes anglo-américains ont aussi préconisé davantage des services centrés sur les citoyens (quoique à certains endroits, comme aux États-Unis, on s'efforce surtout de traiter les citoyens comme des « clients »). Les Britanniques ont reconnu le besoin de faire marche arrière pour certains éléments de leur programme de réforme de la gestion publique, car la prestation de services centrés sur les citoyens les oblige à faire la promotion de ce qu'ils appellent le gouvernement « décloisonné ». De même, le cloisonnement excessif du modèle de la Nouvelle-Zélande a nécessité la prise de mesures pour rétablir des rapports entre des unités de la fonction publique. Cela a représenté un défi car la fonction publique, qui jusque-là était cohésive, s'est atomisée de plus en plus du fait que de grands ministères intégrés sont devenus des acheteurs et des fournisseurs de services en grand nombre. En Australie, la prestation de services intégrés a été présentée comme une réforme d'envergure, en particulier pour ce qui est de son organisme de prestation de services principal, Centrelink, qui fournit maintenant des services de plusieurs ministères du Commonwealth. Toutefois, comme en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande, mais contrairement au Canada, le service intégré doit être offert dans un contexte où les responsabilités en matière de politiques et de services relèvent d'organisations distinctes. L'expérience américaine dans ce domaine se rapproche du modèle canadien. Par contre, aux États-Unis, le recours plus intensif à des tiers pour la prestation de services au public complique encore davantage ce défi qu'est la prestation de services intégrés.

Enfin, l'approche canadienne a commencé à mettre davantage l'accent sur les aspects essentiels de la « gestion des ressources humaines ». Tout comme Fonction publique 2000 en vint à englober une gamme beaucoup plus vaste de questions liées à la réforme de la fonction publique qu'il n'avait d'abord été envisagé, l'initiative de La Relève a été élargie afin d'y intégrer un large éventail de questions liées à la gestion des ressources humaines. Dans plusieurs aspects importants en la matière, notamment la délégation du pouvoir de dotation, les marchés de services professionnels et la rémunération au rendement, le régime canadien accuse du retard par rapport à presque tous ces autres régimes.

Par ailleurs, l'initiative La Relève a suscité des préoccupations très diverses au sujet de la gestion du personnel, qui se situent bien au-delà du régime de gestion des ressources humaines comme tel. Ces préoccupations se sont traduites par diverses mesures prises en vue d'améliorer le milieu de travail, de s'adapter aux changements démographiques, de mieux gérer une nouvelle génération de travailleurs du savoir et de renouveler la fonction publique en tant qu'institution de régie. Pour ce qui est de ces questions essentielles, on ne saurait dire que le Canada soit à l'arrière-garde. Ainsi, malgré toutes ses initiatives pour réformer la gestion des ressources humaines, la Grande-Bretagne a récemment inscrit la modernisation de sa fonction publique en tête de liste de ses priorités en vue de la modernisation de l'État. En Nouvelle-Zélande, la question de la « capacité de la fonction publique » a soulevé une nouvelle préoccupation d'importance. Même en Australie, où la nouvelle loi sur la fonction publique entraîne une déréglementation et une décentralisation intensives, le gouvernement a reconnu que le commissaire de la fonction publique doit faire rapport chaque année sur l'« état de la fonction publique ».

Bien que le Canada n'ait que récemment instauré un régime de gestion fondé sur le rendement pour les sous-ministres, il n'a rien à envier à quiconque en ce qui concerne la gestion de ses hauts fonctionnaires en tant que ressources organisationnelles. À cet égard, le Canada fait toujours partie de l'avant-garde, s'il n'est pas le chef de file, pour ce qui est de combler le besoin d'instaurer une fonction publique professionnelle et ce, dans le but d'assurer un bon gouvernement. La question déterminante pour le Canada est de savoir comment maintenir un bon gouvernement tout en attribuant les responsabilités en matière de gestion des ressources humaines et tout en se dotant de la souplesse nécessaire pour permettre une gestion plus efficiente et efficace à cet égard.

Conclusion

En rétrospective, je constate avec étonnement que, dans les années 1990, nous avons beaucoup accompli, peut-être plus que nous ne le croyons. Une chose est certaine, nous sommes sur la bonne voie. Nous avons bien dépassé le stade où l'élimination des entraves est perçue comme étant la première tâche à accomplir. Certes, il reste certaines entraves à éliminer parce qu'elles ne servent pas un objectif d'intérêt public suffisamment utile. Il ne fait aucun doute que le cadre législatif actuel de gestion de la fonction publique doit figurer parmi ces entraves. Mais il y aura toujours des entraves; en fait, elles font essentiellement partie de la gestion d'une bureaucratie publique20. L'efficacité avec laquelle on gère n'est jamais essentiellement fonction des entraves; on peut trouver une excellente gestion dans n'importe quel régime.

Par ailleurs, nous devons reconnaître que dix années de changements fondamentaux dans l'ensemble du secteur public ont eu des conséquences profondes sur la fonction publique fédérale. En réalité, avec La Relève nous admettions malgré tout que nous ne pourrions pas « faire marche arrière » - une nouvelle fonction publique était née. Le catalyseur immédiat a été la crise démographique touchant les cadres supérieurs. Pourtant, la crise démographique a mis en évidence la nécessité de s'interroger sur le sens du « leadership » dans une fonction publique professionnelle moderne. Le respect incontesté de l'autorité ne fait plus partie de la culture institutionnelle. Des approches globales visant à résoudre les « problèmes profonds » et la prestation de services sans failles sont de plus en plus nécessaires, et le personnel professionnel est moins enclin à se voir comme simplement une « ressource humaine ».

De toute évidence, les progrès technologiques continueront d'avoir des répercussions considérables sur la manière dont nous assurerons les services publics à l'avenir. Comme dans le passé, ils auront aussi des répercussions déterminantes sur les régimes de dotation et de rémunération, car nous sommes en concurrence avec d'autres gouvernements et avec le secteur privé pour le recrutement du personnel technique. Néanmoins, les défis les plus importants sur le plan du recrutement et du maintien en poste du personnel, consisteront, à mon avis, à se doter de gestionnaires et d'un personnel administratif capables de remplir les fonctions clés de la fonction publique. Ce sont eux qui font d'une fonction publique professionnelle une institution à valeur ajoutée au service d'un bon gouvernement. Si nous ne réussissons pas à faire de la fonction publique une telle institution et à voir à ce qu'elle progresse en ce sens, les dirigeants politiques chercheront d'autres moyens d'organiser et de doter en personnel leurs institutions publiques, comme cela se fait de plus en plus ailleurs. Dans la mesure où cela se produit, les préoccupations au sujet du régime de gestion des ressources humaines d'une fonction publique professionnelle demeurent purement théoriques.


 

Réflexions sur la réforme de la fonction publique fédérale dans les années 1990

Ian D. Clark, président, Conseil des universités de l'Ontario

Mises en garde et perspectives

Je suis honoré de l'invitation qui m'a été faite de commenter le document de John Edwards sur Fonction publique 20001 et de participer à un séminaire sur la réforme de la fonction publique en vue de la préparation du rapport final du vérificateur général. Denis Desautels a exercé avec l'aide de son bureau un leadership remarquable et largement respecté au cours de la dernière décennie et a fait de la réforme de la fonction publique une priorité.

M. Edwards a généreusement décrit ma nomination, en 1989, à titre de Secrétaire du Conseil du Trésor, comme étant celle d'une personne « consciente de la nécessité du changement » et contribuant à l'établissement d'un « environnement positif » pour le projet de réforme FP 2000. J'avais alors participé de près aux efforts de réforme de la fonction publique jusqu'en 1994, lorsque j'ai quitté Ottawa pour aller travailler durant deux ans pour le Fonds monétaire international. Je n'ai cependant pas participé aux projets de réforme postérieurs à FP 2000. Cependant, je les ai suivis à distance, d'abord depuis Washington et ensuite de Toronto, où je travaillais comme associé d'une firme d'experts-comptables et, plus récemment, de mon poste actuel dans le milieu universitaire où je collabore étroitement avec le gouvernement provincial de l'Ontario.

Je n'ai pas d'autres précisions factuelles à ajouter à l'excellente description de M. Edwards sur l'évolution et la conduite du projet FP 2000. Son document correspond à mes propres souvenirs des faits concernant cette période.

Ce sont les commentaires formulés par M. Edwards dans sa conclusion sur le leadership et le soutien politiques qui ont constitué le point de départ de mes réflexions. À l'instar de M. Edwards, je conviens que Gilles Loiselle, l'énergique et compétent président du Conseil du Trésor pendant la majeure partie de la période, a prêté une attention considérable à FP 2000. Bien que le président du Conseil du Trésor ait effectué une supervision efficace des changements apportés aux politiques et aux règlements du Conseil du Trésor, je serais tenté de dire que lui et les autres maîtres d'oeuvre des réformes proposées auraient pu apporter des changements plus importants si le programme politique du jour avait été plus propice à une réforme plus radicale de la gestion.

Le rôle primordial des politiques

À la lumière de ce qui s'est déroulé au cours de la dernière décennie et des changements considérables apportés à la gestion de la fonction publique dans certains autres systèmes de type Westminster (en particulier ceux du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande, de l'Ontario et de l'Alberta), je formule l'hypothèse suivante :

Les réformes majeures de la fonction publique ne peuvent réussir que si elles sont intégrées dans un « programme de gestion » mené au niveau politique et que si elles sont en harmonie avec le « programme stratégique ou d'élaboration des politiques » du gouvernement et le « programme budgétaire ».

Aux fins de cette analyse, il est utile de définir le programme politique global du gouvernement en le divisant en trois programmes, lesquels confèrent une place relativement claire à la responsabilité ministérielle.

  • Le programme stratégique sous la gouverne du premier ministre. Les éléments suivants caractérisent généralement ce programme : un souci de cohésion avec la philosophie de base du parti (ou du programme électoral), le contexte fédéral-provincial (ou de « l'unité nationale » dans le cas du gouvernement fédéral), la préservation de la solidarité au sein du caucus et du Cabinet, ainsi que la possibilité pour le parti au pouvoir d'être réélu.
  • Le programme budgétaire mis en oeuvre par le ministre des Finances. Ce programme se caractérise généralement par le souci d'établir un équilibre durable entre les recettes et les dépenses, de même qu'un niveau approprié d'imposition.
  • Le programme de gestion mis en oeuvre au niveau ministériel et orchestré par le Conseil du Trésor (ou par l'organisme de niveau provincial correspondant). Ce programme est habituellement caractérisé par la priorité accordée aux trois E (économie, efficience et efficacité) et aux deux P (probité et prudence) en matière d'utilisation des fonds publics.

Je remarque que durant la première moitié des années 1990 à Ottawa, le programme de gestion n'était pas dicté par le niveau politique et que les trois programmes n'étaient pas parfaitement harmonisés. Une preuve évidente de ce manque de cohésion est que les initiatives n'ont pas été prises selon un ordre logique. En effet, la réforme administrative a précédé la restructuration du gouvernement qui, elle, a précédé l'Examen des programmes. Dans un monde idéal, le gouvernement devrait d'abord choisir quels programmes il souhaite réaliser, ensuite quelles institutions devraient les mettre en oeuvre, puis quel régime de gestion correspondrait le mieux à la prestation de ces programmes.

Au début des années 1990, le programme stratégique du gouvernement fédéral était axé sur le « dossier de l'unité ». Le processus du lac Meech a engendré des demandes pressantes pour le premier ministre et ses proches conseillers. On était peu enclins à apporter des changements substantiels aux programmes afin de ne pas exacerber les tensions au sein de la fédération ou du caucus du gouvernement. Le désir de s'engager dans une bataille politique avec les syndicats de la fonction publique n'y était pas non plus, et cela avait été l'un des éléments de la réforme de la gestion au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande, de même que plus tard en Ontario et en Alberta.

Sur le plan financier, la situation s'est rapidement envenimée. La récession s'est installée. L'emploi, les bénéfices des sociétés et les recettes fiscales ont diminué, alors que les paiements au titre de l'aide sociale, les frais de service de la dette et les taux d'imposition ont augmenté. Les revenus d'un grand nombre de Canadiens ont chuté brusquement et l'on en voulait de plus en plus au gouvernement de se protéger, lui, de cette pénible situation. Cela a donc mené à l'impératif politique de démontrer que des mesures étaient prises pour « diminuer la bureaucratie ». Durant cette période, les ministres des Finances ont déployé des efforts considérables pour dresser de longues listes d'organismes gouvernementaux susceptibles de passer sous le couperet de la rationalisation.

On comprend facilement que les Canadiens aient pensé qu'ils en recevaient moins pour leur argent. Ils avaient bien raison. La dynamique régressive des intérêts composés faisait en sorte que, avec plus de 30 p. 100 du budget des dépenses consacrés au service de la dette, les Canadiens payaient alors pour des services (plus les intérêts) qu'ils avaient reçus par les années passées. Au début des années 1990, quelques personnes, dont bon nombre au sein du gouvernement, en étaient venues à la conclusion que les choses devaient encore empirer avant de s'améliorer. À mesure que l'on a pris conscience de cet état de fait, le programme budgétaire est devenu plus important.

Le programme budgétaire de l'époque pourrait être considéré comme faisant partie d'un « programme des finances » plus général qui adhérait au « consensus de Washington », appuyé par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les ministères des Finances de la plupart des pays de l'OCDE2. Si le programme de gestion avait été dicté par le consensus de Washington, le programme de réforme de la fonction publique aurait été bien différent de celui de FP 2000. Il aurait été axé sur les préceptes suivants : privatisation, déréglementation, incitatifs axés sur les forces du marché, élimination de programmes et mesures d'économie. Cet ensemble de préceptes est prédominant dans les réformes de la gestion du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande, de l'Ontario et de l'Alberta.

Le programme de gestion du Canada n'est pas habituellement dicté, malgré ce que souhaiteraient les réformateurs de la fonction publique, par le besoin perçu d'une amélioration de la prestation des services. Pour ceux qui ont investi tant d'efforts dans la prestation de services, il est déplorable de constater à quel point ce thème occupe peu de place dans les programmes électoraux, dans les discours du Trône ou dans les budgets. Par ailleurs, nous pouvons tous être heureux du fait que le programme de gestion ne soit pas dicté, comme c'est le cas dans de nombreux pays, par la nécessité de supprimer la corruption et l'incompétence des employés de la fonction publique. Si le programme de gestion atteint le profil politique, il est presque toujours centré sur des questions d'économie. Au Canada, le coup d'envoi qui donne lieu à une réforme tient simplement au fait que les Canadiens aimeraient payer moins cher pour les services fédéraux auxquels ils se sentent en droit de s'attendre.

La nature du gouvernement fédéral au Canada et ses programmes stratégiques implicites tendent à rendre le programme de gestion moins radical que celui du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande, de l'Ontario ou de l'Alberta. Le Canada est une fédération, et ce n'est probablement pas par hasard que les États unitaires du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande ont été plus radicaux que le Canada et l'Australie dans la dévolution des activités opérationnelles. Dans les États unitaires, les ministres ont des responsabilités politiques, lesquelles, au Canada, sont assumées par des gouvernements provinciaux et même des administrations municipales. Pour les États unitaires, plus particulièrement ceux du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande où, avant 1980, les gouvernements intervenaient fortement dans l'économie, les responsabilités ministérielles étaient vraisemblablement devenues, sur le plan électoral, trop étendues. Pour les gouvernements centraux des fédérations, plus particulièrement au Canada où la concurrence des différents ordres de gouvernement en matière de capital politique se joue au niveau de l'unité nationale, les incitations politiques sont différentes. Les réformes proposées qui réduisent la visibilité du fédéral ont généralement été reçues avec scepticisme de la part du gouvernement au pouvoir. La Chambre des communes du Canada se démarque aussi de sa contrepartie britannique par un roulement plus élevé et par un esprit partisan plus marqué sur toutes les questions. Il devient difficile pour les parlementaires canadiens de s'occuper, sur une longue période, de l'enjeu qui consiste à établir une relation plus satisfaisante entre les parlementaires et la fonction publique.

M. Edwards met l'accent sur le rôle primordial du greffier du Conseil privé dans la réforme de la fonction publique. Je conviens que dans les cas où le programme de gestion a peu de résonance politique, ou qu'il ne cadre pas très bien avec le programme stratégique et le programme budgétaire, les initiatives importantes nécessitent le leadership du greffier du Conseil privé. Paul Tellier mérite des éloges pour son leadership, au début des années 1990. Comme M. Edwards l'indique, M. Tellier a consacré énormément de temps au projet FP 2000 à ses tout débuts. Cependant, j'avancerais aussi qu'il aurait été inapproprié pour le greffier de continuer de consacrer autant de temps aux questions relatives à la gestion de la fonction publique, alors que les négociations constitutionnelles de Charlottetown s'enflammaient et que la situation financière frôlait la crise. La tâche du greffier, en sa qualité de sous-ministre du premier ministre et de secrétaire du Cabinet, est de conseiller et d'aider le premier ministre et le Cabinet en ce qui concerne le programme stratégique du gouvernement. Cela aura presque toujours préséance sur les initiatives de gestion dont le greffier a aussi la responsabilité, à titre de chef de la fonction publique3.

Le vérificateur général et les syndicats de la fonction publique : deux acteurs influents, dans la sphère politique, à l'égard du programme de gestion

Le principal défi que pose la poursuite de la réforme de la gestion au sein du gouvernement fédéral réside dans le fait que les questions de gestion font très rarement l'objet d'une priorité politique. Comme nous l'avons indiqué, cela est attribuable en partie à la tradition de compétence et d'honnêteté de la fonction publique et en partie au fait que la population ne témoigne pas d'insatisfaction face à la qualité du service. Cette situation est aussi attribuable au fait qu'il est mal vu pour les gestionnaires de la fonction publique d'exprimer publiquement leurs préoccupations face aux questions de gestion4. Toutefois, deux acteurs importants dans le domaine de la gestion ont le potentiel de rehausser le profil public de la gestion dans la fonction publique : le vérificateur général et les syndicats de la fonction publique.

Le vérificateur général exerce parfois une influence considérable sur le programme de gestion du gouvernement fédéral en rendant publiques des erreurs de gestion et des pratiques administratives inefficientes. Parfois, un rapport du vérificateur peut susciter une forte réaction politique. L'exemple le plus digne de mention est le rapport de 1976 dans lequel le vérificateur général concluait que le Parlement - et en fait le gouvernement - avait perdu ou était sur le point de perdre le contrôle efficace des deniers publics. Cette conclusion a aussitôt donné lieu à la création de la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité et, à compter de 1978, à la création du Bureau du contrôleur général. La dynamique politique, parallèlement à la volonté de démontrer un contrôle des fonds publics, a donné lieu à une série de règles et d'exigences en matière de rapports du Conseil du Trésor.

Les cadres supérieurs de la fonction publique ont commencé à exprimer leur mécontentement à l'égard de contrôles centraux si imposants. Dès 1983, le rapport du vérificateur général indiquait que la « gestion productive » était restreinte par « les répercussions qu'ont les priorités politiques sur l'exercice de gestion productive, le grand nombre d'entraves en matière d'administration et de procédures auxquelles les gestionnaires doivent faire face et le peu d'incitations à une gestion productive » caractérisant la fonction publique5. Le rapport faisait état des préoccupations des cadres à propos des règlements administratifs excessifs, d'incitatifs qui ne permettaient pas la péremption de fonds, de règles contractuelles rigides, du trop grand nombre de demandes de renseignements de la part des organismes centraux, d'organismes de services communs coûteux et qui ne répondaient pas aux besoins, de même que des procédures très lentes de dotation et de classification. Le vérificateur général, tout en reconnaissant que le public voudra toujours que les fonctionnaires soient assujettis à des limites et qu'il ne faudrait pas sacrifier contrôle et responsabilisation, a demandé au gouvernement d'instaurer une philosophie de la gestion, de déléguer davantage de pouvoirs aux ministères et de faire davantage confiance aux gestionnaires pour régler les problèmes, d'examiner les coûts relatifs à la réglementation interne et de réduire les obstacles.

Dans son rapport de 1989, le vérificateur général écrit : « Nous avons constaté que les gens sont assujettis à une administration excessive, une centralisation trop poussée, trop de prescriptions, alors qu'ils manquent trop souvent de leadership véritable »6. Le communiqué de presse du gouvernement annonçant l'initiative FP 2000 notait que le vérificateur général, dans son dernier rapport, recommandait fortement d'apporter ces changements.

Le vérificateur général actuel a fait de l'analyse de la réforme de la fonction publique une priorité pour son bureau. Le processus de FP 2000 était en cours quand Denis Desautels a été nommé en avril 1991. Dès août 1991, le Bureau avait élaboré un document de travail où s'articulait une volonté d'agir comme « la conscience de FP 2000. » Ce document suggérait que le Bureau devait « faire connaître dans la mesure du possible quelles sont [ses] attentes - par exemple, la nécessité de prudence et de probité, d'un régime clair d'obligation de rendre compte, du maintien des contrôles essentiels, de mesures améliorées d'évaluation du rendement, de l'observation des principes du contrôle parlementaire, etc.... » 7. L'approche du Bureau à l'égard de l'initiative de FP 2000 a été bien décrite par John Holmes dans son article paru en 19968. Sous la direction de M. Desautels, des rapports subséquents ont exploré pratiquement tous les thèmes principaux de la réforme de la fonction publique, à la fin du XXe siècle9. Je crois que la plupart des observateurs s'entendraient pour dire que M. Desautels a bien réussi à titre de conscience constructive de la réforme et du renouvellement de la fonction publique.

Si le vérificateur général est un acteur clé de la réforme de la fonction publique qui se fait entendre périodiquement sur la scène publique, les syndicats de la fonction publique en sont un autre. Bien que le vérificateur général et les syndicats aient été décrits par Alasdair Roberts comme faisant cause commune dans un « lobby sur le contrôle » qui a restreint la portée de la réforme de la fonction publique au début des années 199010, les deux représentent néanmoins des intérêts forts différents à bien des égards. Le vérificateur général peut être considéré comme quelqu'un qui veille aux intérêts des contribuables qui souhaitent obtenir des services gouvernementaux au moindre coût; les syndicats représentent sans contredit les intérêts des employés dont la rémunération est entièrement assumée par les contribuables.

Les syndicats forment une partie essentielle de l'équation en matière de gestion de la fonction publique depuis l'introduction des négociations collectives, en 1967, aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les relations avec les syndicats de la fonction publique étaient très tendues vers la fin des années 1980 en raison d'un désaccord sur les attentes. D'une part, la majorité des chefs syndicaux croyaient que leurs membres avaient souffert indûment des diverses mesures de réduction des coûts et de contrôle des salaires et qu'on devait à la plupart d'entre eux des sommes d'argent considérables en vertu des dispositions en matière de parité salariale de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les chefs syndicaux étaient également d'avis que les négociations devaient aussi être étendues pour englober les champs d'application de la négociation en vertu du Code canadien du travail, plus particulièrement la classification des emplois. Certains membres importants du syndicat ont d'ailleurs mené une campagne énergique contre le parti au pouvoir lors des élections de 1988.

D'autre part, on croyait de plus en plus que, en raison de la baisse des revenus réels dans le secteur privé, les employés de la fonction publique fédérale étaient mieux payés qu'ils ne l'auraient été pour des emplois comparables dans le secteur privé, et qu'ils jouissaient d'une plus grande sécurité d'emploi. La fonction publique recevait des centaines de demandes d'emploi pour les quelques emplois offerts et les taux d'attrition étaient à leur plus bas niveau. On reconnaissait aussi que la restructuration radicale, effectuée surtout dans le secteur privé et dans d'autres administrations publiques en réponse aux impératifs économiques, n'aurait pu être entreprise aux termes du cadre de négociations collectives qui régissait la fonction publique fédérale. En fait, le taux de syndicalisation diminuait dans le secteur privé, alors qu'il augmentait dans le secteur public.

Le Forum des politiques publiques vient tout juste de terminer un examen utile de l'histoire et des perspectives des relations patronales-syndicales au sein de la fonction publique fédérale11. Il fait état du « faible niveau de confiance sans précédent » et recommande un examen complet des mécanismes administratifs et législatifs. Il s'agirait là d'un processus politique et controversé. Si un gouvernement souscrit en principe au « consensus de Washington » dont il a été question précédemment, cela suppose un régime patronal-syndical qui produit pour les fonctionnaires une rémunération correspondant davantage à celle du marché du travail, et une souplesse correspondant aussi davantage aux exigences des entreprises privées généralement concurrentielles. Les syndicats de la fonction publique se sont opposés aux mesures visant à produire ces résultats et ont fait sentir qu'ils exerceraient tout leur poids politique pour s'y opposer. Il est clair que tout mouvement du gouvernement en ce sens exigerait un niveau élevé d'engagement politique.

Centralisation et contrôle ne sont pas à rejeter à tout prix - surtout quand il s'agit de mettre à profit le potentiel des nouvelles technologies

M. Edwards résume ainsi la thèse de base de la FP 2000 : « une fonction publique libérée d'entraves excessives et appuyée par des systèmes administratifs rationalisés » aurait un meilleur rendement. FP 2000 cherchait clairement à changer la façon dont les fonctionnaires concevaient leurs rôles. Conformément aux propos tenus par les grands gourous de la gestion de l'heure, les fonctionnaires étaient encouragés à se préoccuper davantage des résultats que des règles. Ils devaient innover davantage, axer leurs efforts sur le service et être plus soucieux des personnes dans leur gestion du travail. FP 2000 était alimentée par la promesse de l'habilitation12.

Dans ce climat de rhétorique, il était difficile de trouver un juste équilibre entre le contrôle et l'habilitation. On pouvait pardonner aux gestionnaires de penser que l'élaboration de plans visant à accroître le contrôle de leurs activités ou que la prise en considération des avantages de la centralisation de quelques fonctions auraient voulu dire qu'ils n'avaient « tout simplement pas compris ». Bien sûr, cela n'allait pas durer. Une gestion saine demande un contrôle; certaines fonctions ou activités peuvent être, en tout temps, menées avec plus d'efficience, de façon plus centralisée13.

Le Livre blanc de 1990 conclut par un chapitre intitulé « La fonction publique en l'an 2000 », comprenant l'appel, peut-être trop optimiste, suivant :

« [Les ministres] savent que toute réforme, particulièrement une réforme visant à déréglementer les processus administratifs d'une organisation aussi grande que la fonction publique, ne peut se dérouler sans erreur. Ils savent qu'ils devront lutter pour ne pas tomber dans l'habitude traditionnelle d'imposer de nouveaux contrôles en réponse aux critiques politiques et médiatiques contre quelque erreur particulière. Ils croient que les avantages escomptés du point de vue d'un meilleur service au Canada et aux Canadiens l'emportent sur les embarras que de telles erreurs pourraient leur entraîner.

Les parlementaires et ceux qui les servent, surtout le vérificateur général, seront invités à juger certains incidents de mauvaise gestion dans le contexte plus grand d'une fonction publique capable de réagir avec efficacité aux demandes croissantes qui lui sont adressées. »

Il aurait été ardu de déceler ce sentiment à la Chambre des communes au début de 2000, lorsqu'à la période de questions, les députés se préoccupaient de « l'affaire de DRHC ». Ce n'est pas l'endroit pour tenter d'analyser les questions complexes qui entourent cette controverse et j'espère trouver une analyse approfondie de la question dans le prochain rapport du vérificateur général. Cependant, on peut affirmer avec suffisamment de certitude que les coûts perçus - pour ce qui est de la confiance de la population envers le gouvernement et de la réputation du gouvernement actuel - en rapport avec le manque apparent de contrôle des fonds publics sont plus importants que les avantages perçus découlant de l'amélioration de la prestation des services par DRHC, qui peut avoir été rendue possible grâce aux contrôles réduits.

Il serait injuste, en raison de ces événements, de reprocher à DRHC d'avoir adopté à outrance une philosophie d'habilitation. Toutefois, il est regrettable de songer que dans sa réponse à la proposition d'un projet de vaste réforme de la fonction publique dans le but d'améliorer les services, un futur premier ministre pourrait ne considérer qu'un seul désavantage, celui d'augmenter le risque qu'une autre affaire du type DRHC se produise pendant son mandat.

Comme le montre le dossier DRHC, la dynamique politique des gouvernements de type Westminster tend vers une centralisation et un contrôle accrus. Dans la perspective électorale, le gouvernement est une entité unique, dont la réputation en matière de gestion peut être ternie par des événements relativement isolés. Presque tous les gouvernements répondent à la mauvaise gestion perçue dans un secteur par l'instauration de contrôles plus généralisés afin de s'assurer que le problème ne resurgisse pas ailleurs. De même, il est habituellement plus facile de démontrer les « gains d'efficience » associés aux économies d'échelle plutôt que ceux qui découlent d'une innovation décentralisée. Il est frappant de voir comment les réformes de la fonction publique menées par le gouvernement Harris en Ontario reposent sur les gains d'efficience obtenus grâce aux services partagés et sur la rigueur associée à l'approbation centrale des plans d'activités comme principes d'organisation visant l'amélioration de la gestion. La tendance des gouvernements de type Westminster en faveur de la centralisation et du contrôle signifie que, au fil du temps, l'accumulation de décisions graduelles conduira éventuellement à un système excessivement centralisé. Cela impose à chaque génération le soin de repenser et de diminuer les contrôles centraux accumulés. Notons que le thème de FP 2000 au début des années 1990, la libération des entraves excessives, rappelle le thème de la Commission Glassco de 1962 : « Laissons les gestionnaires gérer ».

Toutefois, même dans les moments où les systèmes seront peut-être trop centralisés, il se trouvera encore des fonctions et des activités qui bénéficieront d'une coordination et d'une direction centrale accrues. C'est le cas du recours aux technologies pour transformer la façon dont le gouvernement assure les services et interagit avec les fournisseurs et les citoyens. Il est important de se demander si l'allergie de Fonction publique 2000 à la centralisation et au contrôle n'a pas retardé l'exploitation du potentiel du cybergouvernement au Canada. Au début des années 1990, la fonction publique canadienne était, je crois, le premier gouvernement d'importance au monde à avoir branché tous ses cadres à un réseau de messagerie électronique sécuritaire, à avoir un dirigeant principal de l'information à l'échelle du gouvernement et à avoir créé un Schéma directeur pour les initiatives à l'échelle du réseau qui étaient appuyées par les dirigeants de l'information de la plupart des ministères. Toutefois, les étapes ultérieures de la mise en oeuvre auraient exigé un degré élevé de direction centrale qui ne s'est pas manifestée. D'autres gouvernements ont exercé une direction centralisée de cette nature et, selon un récent sondage de l'Economist14, le Canada ne figure plus au premier rang.

Les décisions concernant la centralisation exigent des choix judicieux et un équilibre. Alors que les institutions publiques auront, en raison de leur nature, un plus vaste ensemble de règles administratives minimales que les entreprises commerciales, il importe de reconnaître la mesure dans laquelle une prolifération des contrôles mène à l'inefficience administrative. Les parlementaires feraient bien de réfléchir à l'hypothèse implicite selon laquelle les erreurs de gestion pourraient être éliminées et de l'argent épargné si les pouvoirs centraux donnaient plus d'instructions claires et obligatoires aux ministères. Par ailleurs, les gestionnaires doivent reconnaître que les ministres ont un rôle légitime à jouer dans la définition des intérêts généraux du gouvernement. Les organismes centraux et les ministres ont la responsabilité de définir activement ces intérêts. Par exemple, les ministres du Conseil du Trésor ressentiront vraisemblablement le besoin de continuer à inciter les ministères à améliorer leur rendement concernant l'équité en matière d'emploi, à élaborer des normes de service, à rationaliser leurs systèmes de soutien de la gestion, et à tirer davantage profit des possibilités offertes par les nouvelles technologies.

Réflexions et suggestions

Les réalisations relatives de Fonction publique 2000 énumérées par John Edwards doivent être satisfaisantes pour les gestionnaires, y compris pour la plupart d'entre nous du Secrétariat du Conseil du Trésor, qui ont consacré tant d'efforts au projet de réformes de la fonction publique, au début des années 1990. Compte tenu du manque de cohérence, à l'époque, entre le programme stratégique, le programme budgétaire et le programme de gestion, il est sans doute remarquable que tant de choses aient été accomplies. En outre, le régime de gestion qui en a résulté est impressionnant sous un angle comparatif. Lorsque j'ai discuté avec les cadres supérieurs d'autres pays de la marge de manoeuvre maintenant offerte aux fonctionnaires, ils s'émerveillaient souvent de la sagesse et de la modernité de nos systèmes, en comparaison des leurs.

Mais, comme le souligne M. Edwards, FP 2000 a été perçue par bon nombre de gestionnaires comme ayant manqué à ses promesses. Qu'aurions-nous pu faire d'autre, en notre qualité de hauts fonctionnaires, à l'époque ? Avec le recul des années, je pense que nous aurions probablement dû être :

  • plus au fait du potentiel transformateur des technologies de l'information et accorder aux technologies une place plus importante dans le cadre de la réforme;
  • plus rigoureux dans l'intégration, au sein de notre analyse et de notre discours, de la nécessité d'une réduction des coûts;
  • plus réalistes dans l'estimation des coûts et des défis de « la réforme de la classification », qui est surtout, en fin de compte, une question de rémunération - et placer la question au centre des rapports avec les syndicats, tout comme le lien entre les exigences souvent contradictoires des négociations collectives et des dispositions en matière de parité salariale de la Loi canadienne sur les droits de la personne;
  • plus pondérés dans notre approche concernant les questions relatives au contrôle-habilitation du pouvoir et à la centralisation-décentralisation.

Bien que quelques-uns d'entre nous aient soulevé plusieurs de ces points lors de discussions internes, à l'époque, nous avons aussi reconnu qu'essayer de changer la culture ou l'attitude d'une institution aussi vaste et complexe que la fonction publique du Canada s'avère une tâche herculéenne. Le point de vue prédominant était que, pour obtenir un engagement à grande échelle, il fallait exprimer le but essentiel de la réforme en termes simples et convaincants.

Pour l'avenir, si je puis me permettre cette prétention, avec six années de recul et à 500 kilomètres d'Ottawa, je serais tenté d'offrir les cinq suggestions suivantes aux chefs actuels de la réforme et du renouvellement de la fonction publique. Ces suggestions découlent des perspectives présentées dans ce document et s'inspirent des positions que j'ai déjà formulées dans des ouvrages antérieurs15 :

  • Donner aux nouvelles technologies un rôle accru dans le programme de gestion du secteur public. De nombreuses activités du gouvernement fédéral portent d'abord et avant tout sur la gestion d'information et le traitement des paiements et les autorisations. Il existe une multitude de possibilités d'offrir des services plus rapides et davantage axés sur la clientèle, d'intégrer la prestation de services dans toutes les unités organisationnelles existantes, de réduire les coûts de la rémunération des activités administratives, de rationaliser les nombreux systèmes de gestion du personnel, du matériel et de gestion financière, ainsi qu'offrir une plus grande souplesse aux employés (comme le télétravail). Afin de tirer des avantages d'un tel changement technologique, un effort soutenu sera nécessaire - pour redéfinir les processus actuels, pour former le personnel à tous les niveaux et pour gérer l'aspect humain du changement institutionnel. Le gouvernement met maintenant l'accent sur le cybergouvernement16. L'occasion et l'enjeu de cette priorité sont tels que des initiatives liées au cybergouvernement pourraient devenir le point central de la réforme de la prochaine décennie, ce qui nécessitera vraisemblablement une coordination centrale plus grande que le thème de l'habilitation et de l'esprit d'entreprise du début des années 1990.
  • Éviter les plans d'envergure en matière de réforme de la gestion, à moins que ceux-ci ne soient en harmonie avec le programme stratégique et le programme budgétaire du gouvernement. Pour les raisons indiquées précédemment, à moins que le gouvernement ne soit porté au pouvoir avec un programme stratégique et un programme budgétaire entièrement différents, il est peu vraisemblable que des initiatives importantes liées à la réforme de la fonction publique recueillent un appui public et politique suffisant pour assurer un changement législatif important. Le programme le plus pratique me semble être celui qui mise sur les fondements existants et qui oeuvre dans le contexte législatif actuel régissant le personnel et les négociations collectives de la fonction publique17. Cela veut donc dire bien répondre aux préceptes fondamentaux de la gestion des ressources humaines, soit : recruter des personnes de haut calibre et les rémunérer de façon concurrentielle, améliorer les compétences de la main-d'oeuvre actuelle et s'occuper des employés dont le rendement est insatisfaisant. Le tout peut se faire dans le cadre législatif actuel. Encore une fois, cette façon de faire serait en harmonie avec les priorités énoncées dans le discours du Trône d'octobre 1999 et dans le plus récent rapport du greffier18.
  • Être davantage sensible au marché en ce qui concerne les décisions en matière de rémunération, y compris la classification, dans la fonction publique. La fonction publique fédérale comportera de plus en plus de « travailleurs du savoir » dont les habiletés seront très en demande dans le secteur privé. La philosophie du gouvernement en matière de rémunération devrait rapidement évoluer vers celle qui consiste à « payer ce qui est nécessaire, sans plus, pour le talent requis ». Auparavant, la philosophie du gouvernement en matière de rémunération visait notamment à en faire un « employeur modèle » et à augmenter les revenus les plus faibles, les revenus régionaux et les revenus de groupes démographiques particuliers. De tels objectifs devraient être moins pertinents pour les travailleurs du savoir qui seront nécessairement mieux rémunérés que la plupart des Canadiens. L'enjeu à venir est mis en lumière dans le rapport, paru en juin 2000, de l'un des groupes de réflexion les plus respectés et socialement sensibilisés au Canada, les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques. Selon cette étude, bon nombre d'employés de la fonction publique sont rémunérés plus avantageusement, à l'heure actuelle, que s'ils occupaient des emplois comparables dans le secteur privé19. Le gouvernement devra se montrer prudent pour ne pas aggraver ce déséquilibre à mesure qu'il mettra en oeuvre les changements liés au système de classification et qu'il fera les modifications tant promises à la Loi canadienne sur les droits de la personne à l'égard de la parité salariale. Toutefois, cet enjeu est encore peut-être plus urgent pour les secteurs où les Canadiens pourvus d'habiletés clés peuvent gagner davantage dans le secteur privé. En l'absence de la révision à grande échelle des systèmes de classification et de négociations collectives, le gouvernement devra compter sur des mesures provisoires pour fournir une rémunération davantage axée sur le marché et recruter et conserver le personnel de valeur dont il a besoin.
  • Faire des choix judicieux dans l'application des modèles du secteur privé. On continuera de suggérer régulièrement au gouvernement fédéral des techniques d'amélioration de la gestion que l'on croit avoir été efficaces dans le secteur privé. Bien que quelques-uns des principes de gestion soient plutôt universels, il est bon de rappeler la remarque de Wallace Sayre, spécialiste en politiques, selon laquelle [Traduction] « les secteurs privé et public sont fondamentalement semblables en ce qui concerne tous les aspects sans importance ». Le secteur public est caractérisé par l'influence omniprésente des politiques, par le changement fréquent des dirigeants et de l'orientation stratégique, par une gamme plus étendue de valeurs et d'intérêts à concilier, de même que par l'absence d'indicateurs de réussite bien définis et par les exigences redditionnelles en démocratie qui mènent à de nombreuses règles et procédures centralisées. Les possibilités de libération et d'habilitation des gestionnaires-entrepreneurs seront moins élevées dans la plupart des domaines de la fonction publique que dans le secteur privé.
  • Faire usage des systèmes actuels d'évaluation et d'incitation afin d'encourager les gestionnaires à agir en vertu des préceptes largement répandus d'une saine gestion de la fonction publique. La nécessité de changer le système peut facilement être exagérée. Lorsque j'étais l'administrateur général d'un ministère opérationnel, à la fin des années 1980, l'équipe de gestion s'entendait pour dire que nous pouvions apporter 90 p. 100 des améliorations souhaitées sans qu'aucun changement ne soit apporté à la loi, ni même aux politiques de la Commission de la fonction publique ou du Conseil du Trésor. Je dirais qu'il en est de même aujourd'hui. La plupart des gestionnaires fédéraux connaissent les théories modernes de gestion. Ils connaissent l'importance du leadership personnel, de l'établissement d'une vision commune et de l'engagement, de l'identification de la clientèle desservie, de l'amélioration des communications, de la mise en place de systèmes adéquats, de l'encouragement de l'innovation, de même que de l'utilisation des technologies appropriées. Le Centre canadien de gestion demeure à l'avant-plan de la théorie actuelle et des pratiques exemplaires et peut fournir un soutien continu aux gestionnaires et à leurs équipes. J'allègue que le besoin le plus pressant, à cette étape-ci, est une attention soutenue pour encourager les gestionnaires à effectuer le travail exigeant que représente une saine gestion des ressources humaines à l'égard de ces personnes dont ils sont responsables institutionnellement.

Peut-être que le recul des ans et l'éloignement du centre de la réforme de la fonction publique fédérale mènent à un contentement de soi injustifié. Cependant, après avoir examiné le document de M. Edwards, plusieurs rapports du vérificateur général et du greffier, ainsi que d'autres documents provenant d'organismes centraux, je ne peux m'empêcher de penser que beaucoup a été accompli en une décennie et que les chefs actuels de la réforme et du renouvellement de la fonction publique sont en général sur la bonne voie20.