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Faire progresser le droit à la vie privée — possibilités et défis actuels et futurs

Atelier 2005 sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels — région de l'Atlantique

Le 28 juin 2005
Halifax (Nouvelle-Écosse)

Allocution prononcée par Jennifer Stoddart
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada


Bonjour. Je suis enchantée d'avoir été invitée à venir vous parler ce matin, à cet événement inaugural dans la région de l'Atlantique, pour aborder avec vous les enjeux en matière d'accès à l'information et de protection de la vie privée.

Je suis particulièrement heureuse que cet atelier permette à des professionnels de la protection de la vie privée de rencontrer des débutants dans ce domaine. Je constate que dans le monde en constante évolution de la protection de la vie privée, nous sommes tous vulnérables et que nous pouvons tous profiter de l'expérience des autres pour faire avancer la cause de la protection des renseignements personnels et du respect du droit à la vie privée.

Il nous faut déployer des efforts collectifs continus pour que la protection de la vie privée demeure une priorité dans le contexte de la technologie en constante évolution, de la croissance des intérêts commerciaux pour l'exploitation des données personnelles et des réponses du gouvernement fortement axées sur l'examen des préoccupations en matière de sécurité nationale et de sécurité publique. Ce contexte va souvent à l'encontre de la protection du droit à la vie privée.

Mais j'estime que la protection de la vie privée et la sécurité vont de pair et qu'ils sont centrés sur la même réalité, soit la protection des citoyens. Ces deux éléments ne peuvent pas être dissociés.

Nous devons travailler ensemble pour nous assurer que le droit à la vie privée n'est pas davantage compromis. Dans un sondage récemment effectué pour le Commissariat, 70 p. 100 des Canadiennes et Canadiens interrogés ont déclaré avoir la nette impression que leur droit à la vie privée et que leurs renseignements personnels étaient moins protégés et sont d'avis que cette situation constitue l'un des plus importants enjeux auxquels le pays est actuellement confronté.

Application d'une approche interdisciplinaire au domaine de la protection de la vie privée

Alors comment allons-nous aborder les défis de la protection de la vie privée et les transformer en possibilités? Il me vient à l'esprit un important message qui est ressorti d'une conférence sur les ordinateurs, la liberté et la protection de la vie privée à laquelle j'ai assisté à Seattle en avril dernier — un message que nous les professionnels de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels connaissons peut-être intuitivement, mais qu'il vaut néanmoins la peine de répéter.

Nous, les spécialistes ou futurs spécialistes des questions liées à la réglementation des renseignements personnels, ne pouvons pas à nous seuls comprendre, ou même suivre, tous les progrès technologiques qui ont une incidence sur la vie privée. La technologie semble parfois des années en avance des changements législatifs nécessaires, et souvent encore plus en avance de nos propres réponses aux progrès.

De plus, il arrive souvent que nous n'ayons pas facilement accès à l'expertise qui nous permettrait de comprendre l'incidence des nouvelles technologies sur le droit à la vie privée.

La panoplie d'enjeux auxquels la société canadienne a été confrontée au cours des dernières années et l'incidence de ces enjeux sur la vie privée sont stupéfiantes, et leur portée va continuer à s'accroître. Il y a cinq ans, personne ne parlait de dépistage de la consommation de drogues chez les employés, de droit à la protection des renseignements génétiques, notamment l'analyse génétique judiciaire, de l'augmentation du couplage et de l'extraction des données, des caméras de surveillance, de la pêche - pas aux poissons mais aux renseignements personnels - des logiciels espions, de la biométrie ou des puces d'identification par radio-fréquence.

Ces réalités nous offrent des possibilités. Nous devons reconnaître la nature interdisciplinaire de notre travail. Les professionnels de la protection de la vie privée doivent être en mesure de travailler avec des renseignements personnels qui touchent le domaine d'activités de leur organisation — la sécurité nationale, les ressources humaines, les politiques sur les drogues, la technologie, la biométrie ou les droits de la personne en général.

Nous ne pouvons pas espérer faire une analyse de qualité des enjeux en matière de protection des données à moins d'intégrer les connaissances techniques spécialisées.

À tout le moins, nous devons fournir aux professionnels de la protection de la vie privée les moyens d'avoir accès à l'expertise qui les aidera à comprendre et à relever ces enjeux.

S'il y a une chose que j'ai apprise depuis que je suis commissaire à la protection de la vie privée, c'est bien la mesure dans laquelle nous nous fions à la communauté de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels pour sensibiliser les organisations à la protection de la vie privée. Vous êtes les gardiens de cette importante relation de confiance.

Les gouvernements recueillent, utilisent et communiquent régulièrement une multitude de renseignements personnels de nature délicate auprès des Canadiennes et des Canadiens. Très souvent, la collecte de ces renseignements est prévue dans la loi, ou se fait dans des situations où le versement d'une pension ou de prestations d'AE ou la prestation d'un service gouvernemental exige que le particulier fournisse l'information.

Et les renseignements qui sont recueillis servent souvent à prendre des décisions administratives qui ont une incidence sur la vie des Canadiennes et des Canadiens. Ces réalités se reflètent dans les mesures de protection prévues dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, dont le but est de vérifier et d'équilibrer le pouvoir qu'a le gouvernement de recueillir et d'utiliser ce type de renseignements nous concernant.

Réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels

Toutefois, j'en suis venue à croire que la Loi sur la protection des renseignements personnels doit faire l'objet d'un examen et d'une mise à jour afin de garantir qu'elle offre aux Canadiennes et Canadiens le niveau de protection des renseignements personnels qui était prévu à l'origine.

Il est important de comprendre les limites de la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale. La Loi regroupe une vaste gamme de « pratiques équitables de collecte de renseignements » qui ont été élaborées au cours des années par la communauté internationale de la protection des renseignements personnels.

La Loi sur la protection des renseignements personnels est essentiellement une loi de réglementation qui vient régulariser les méthodes utilisées par les institutions gouvernementales pour recueillir, utiliser et communiquer des renseignements personnels, ainsi que les moyens dont disposent les particuliers pour obtenir l'accès à ces renseignements.

La Loi sur la protection des renseignements personnels a pour but de vérifier et d'équilibrer les pouvoirs du gouvernement.

Permettez-moi de vous souligner certaines des plus importantes lacunes de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Au moment où elle a été adoptée, la Loi sur la protection des renseignements personnels se voulait une loi sur la protection des données visant les renseignements que chaque ministère conservait séparément dans des systèmes de classement surtout sur support papier. De nos jours, les bases de données automatisées peuvent être partagées à des fins qui semblent parfois aller au-delà de la volonté des législateurs.

De plus, la Loi sur la protection des renseignements personnels confère seulement au commissaire à la protection de la vie privée du Canada les pouvoirs d'un ombudsman; elle ne lui octroie aucun pouvoir d'exécution. Dans d'autres administrations, ici au Canada et à l'étranger, le pouvoir d'exécution est accordé. Il ne fait pas de doute que le Parlement canadien voudrait peut-être revoir les mérites de ces pouvoirs.

La Loi sur la protection des renseignements personnels a beaucoup d'autres failles. On peut donner comme exemples les exceptions trop générales du droit d'accès aux renseignements personnels que détient le gouvernement, à commencer par l'exclusion de plusieurs importantes institutions fédérales, notamment le recours limité du Parlement aux tribunaux, et l'absence de limites efficaces à la collecte de renseignements personnels par le gouvernement.

Il ne faut pas oublier que la Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale et les dispositions en matière de protection des données du secteur privé ont été adoptées avant les événements du 11 septembre 2001. Cette soif de renseignements personnels, de collecte et d'analyse des renseignements personnels a dramatiquement augmenté depuis ces événements tout comme les tentatives du gouvernement de justifier l'accès à nos renseignements personnels. L'évolution du droit à la vie privée va dépendre de la façon dont les technologies de l'information sont utilisées.

La Loi sur la protection des renseignements personnels doit faire l'objet d'une réforme majeure si nous voulons qu'elle soit plus qu'une simple vitrine de la protection de la vie privée. Cette loi et, par le fait même, beaucoup d'autres lois visant à protéger la vie privée ne suffisent pas à freiner ce désir de surveillance accrue et ce pouvoir envahissant des nouvelles technologies.

La Loi sur la protection des renseignements personnels porte bien son nom. Elle traite seulement de la protection des données, un sous-ensemble de la protection de la vie privée, et est tout au plus une loi de réglementation qui n'a pas beaucoup d'emprise. Les demandes de réforme ont commencé il y a 18 ans — une indication que la Loi était inadéquate même pendant la préhistoire de la technologie dans les années 1980 — mais la seule réforme sérieuse a été une mesure introduite en vertu de la Loi antiterroriste en vue d'affaiblir ses dispositions. Et face aux demandes incessantes de pouvoirs gouvernementaux accrus pour coupler et extraire des données, la Loi demeure impuissante.

Le Commissariat reçoit régulièrement des plaintes pour atteinte à la vie privée dans le secteur public et est confronté à des ministères et organismes qui, par erreur, considèrent la Loi sur la protection des renseignements personnels comme un obstacle à la réalisation d'activités gouvernementale légitimes.

La Loi sur la protection des renseignements personnels est souvent citée comme une entrave au partage de renseignements entre les organismes et à la communication d'informations d'intérêt public.

Il y a et il continuera à y avoir un besoin pressant de modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels en fonction des normes en matière de protection de la vie privée auxquelles les Canadiennes et les Canadiens sont habitués dans le secteur privé.

Mondialisation des renseignements personnels

L'un des enjeux qui me préoccupent le plus, et qui préoccupent le plus les Canadiennes et les Canadiens, est la circulation transfrontalière des données. Vous m'avez déjà peut-être entendue en parler ailleurs.

La circulation de renseignements personnels entre les gouvernements et des gouvernements au secteur privé à des fins de traitement augmente sans cesse.

Nous vivons dans un monde virtuel et nous participons à l'économie digitale. Nous pouvons, d'un clic de souris, transmettre des renseignements personnels n'importe dans le monde. Dans les années à venir, la mondialisation des données personnelles constituera, à mon avis, l'une des plus sérieuses menaces éventuelles au droit à la vie privée tel que nous le percevons actuellement.

Il ne fait pas de doute que la technologie est un catalyseur clé de l'amélioration des services à tous les paliers de gouvernement. Mais il est clair pour moi que le cybergouvernement résultera presque inévitablement en une plus grande mise en commun des renseignements personnels afin d'amélioration la collaboration et la coordination entre les organismes gouvernementaux qui offrent des programmes communs.

Cette intégration des services pourrait réduire les chevauchements dans les banques de données et améliorer l'efficience du gouvernement. Mais il faut quand même protéger les Canadiennes et les Canadiens de l'utilisation malveillante de leurs renseignements personnels par leurs gouvernements ou par d'autres tiers au Canada ou à l'étranger.

Comme je l'ai déjà mentionné, le Commissariat a fait faire un sondage afin de connaître les opinions des Canadiennes et des Canadiens sur les nouveaux enjeux sur le plan de la protection de la vie privée.

Bien que la majorité des gens ne voient pas de conséquences ou d'effets immédiats de la technologie sur leur droit à la vie privée, l'opinion des citoyens sur les enjeux en matière de protection des renseignements personnels est en train d'évoluer. Le sondage a révélé que les préoccupations des Canadiennes et des Canadiens à ce sujet sont plus axées sur les questions liées à leurs renseignements personnels. Parmi les répondants, 70 p. 100 estiment que leurs renseignements personnels sont moins bien protégés maintenant qu'il y a dix ans.

Et même si les Canadiennes et les Canadiens font plus confiance au gouvernement qu'au secteur privé en ce qui concerne leurs renseignements personnels, ils insistent encore pour que le gouvernement et le secteur privé obtiennent leur permission avant de transmettre leurs renseignements à l'étranger.

Spécialisation des professionnels de la protection de la vie privée

J'aimerais maintenant vous parler de la spécialisation des professionnels de la protection de la vie privée. Les systèmes mis en place pour gérer les aspects pratiques de la vie privée au gouvernement — une gestion dont les coordonnateurs de l'AIPRP ont souvent la responsabilité — n'ont pas reçu toute l'attention requise, et les coordonnateurs de l'AIPRP n'ont pas obtenu la formation professionnelle dont ils ont besoin et qu'ils méritent. Il faudrait hausser le statut de ces coordonnateurs s'ils doivent faire fonction de protecteurs contre les atteintes à la vie privée auxquelles nous faisons face.

Il faudrait établir des compétences vérifiables pour les personnes qui travaillent dans le domaine de l'AIPRP. Autrement dit, nous devons professionnaliser la communauté de l'AIPRP. Pour ce faire, il faudra offrir une formation plus étendue et expliquer plus en détail le rôle déterminant des responsables de l'AIPRP dans la protection de la vie privée au Canada.

Les coordonnateurs de l'AIPRP ne doivent pas être considérés comme des administrateurs, mais bien comme des professionnels de la vie privée qui participent à l'élaboration de politiques et qui relèvent tous les enjeux en matière de protection de la vie privé dans leur ministère ou organisme. Ces coordonnateurs devraient peut-être être vus comme les homologues gouvernementaux des chefs de la protection des renseignements personnels que nous voyons maintenant oeuvrer de plus en plus dans les échelons supérieurs du secteur privé.

Je ne sais pas si le modèle d'accréditation des professionnels de la vie privée proposés par des groupes comme l' International Association of Privacy Professionals — l'IAPP — est le modèle idéal, mais il y aurait lieu de l'examiner étant donné qu'il existe un système permettant d'examiner et d'accréditer les compétences. Nous devons hausser le travail des professionnels de la vie privée — ainsi que la perception de leur travail — au niveau qu'il mérite.

Rôle des organismes non gouvernementaux

Les citoyens doivent faire respecter leur propre droit à la vie privée. Nous devons également reconnaître l'importance grandissante du rôle des organismes non gouvernementaux dans la détermination des enjeux en matière de vie privée et, dans de nombreux cas, dans la prestation d'une partie de l'expertise dont les commissaires à la protection de la vie privée ont besoin pour mieux comprendre l'incidence des politiques et des technologies sur le droit à la vie privée.

Plusieurs exemples me viennent à l'esprit — l'Association canadienne des libertés civiles et ses homologues provinciaux, la BC Freedom of Information and Privacy Association, Option Consommateurs au Québec, des groupes étrangers comme l' Electronic Privacy Information Center — EPIC — et l'Electronic Frontier Foundation, la Privacy Rights Clearinghouse, Statewatch et bien d'autres organisations, comme l'Association du Barreau canadien, qui informent les commissaires à la protection de la vie privée et le public de tous les nouveaux enjeux en matière de respect du droit à la vie privée.

N'oubliez pas que les défis que présentent un grand nombre des enjeux clés en matière de protection de la vie privée auxquels nous faisons face ici au Canada ont souvent été d'abord soulevés par ces ONG, parfois même par des ONG de l'extérieur du Canada. Les ONG ont un rôle essentiel à jouer; celui d'informer les analystes de la vie privée du gouvernement des enjeux à relever. Les ONG fournissent de l'expertise et des analyses qui vont nous permettre d'adapter nos approches à ces enjeux.

Conclusion

La protection de ce droit fondamental de la personne que nous appelons le droit à la vie privée fait intervenir mon bureau ainsi que les bureaux de mes collègues provinciaux et territoriaux. Elle exige aussi la participation d'autres ministères et organismes gouvernementaux dont les mandats englobent les droits de la personne, la technologie et les échanges commerciaux.

La protection du droit à la vie privée fait également intervenir la communauté des ONG, la communauté des concepteurs de technologies et le secteur privé. Elle exige un personnel efficace et bien formé, ainsi que des professionnels de la protection de la vie privée et de l'accès à l'information compétents et respectés au sein du gouvernement.

Et enfin ce droit fondamental de la personne doit aussi reposer sur des Canadiennes et des Canadiens qui sont prêts à se lever et à contester les excès du gouvernement et du secteur privé.

Le message que je veux vous laisser aujourd'hui est le suivant : Nous devons travailler ensemble pour continuer à attirer l'attention sur le droit à l'accès à l'information et à la vie privée de manière à ce que ce droit ait une chance raisonnable d'être protégé maintenant et dans l'avenir.

Une de mes priorités personnelles est de poursuivre l'établissement de liens de travail efficaces avec les provinces et les territoires afin de garantir une protection sans faille du droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. Je continuerai avec grand intérêt à travailler avec les commissaires et les protecteurs des citoyens des provinces de l'Atlantique afin d'améliorer la protection des renseignements personnels des citoyens des Maritimes.