Questions d'une importance et d'un intérêt particuliers

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Les états financiers du gouvernement du Canada

1.1 Les Canadiens n'ignorent pas que le pays a traversé une rude période économique. Les prévisions demeurent floues. Pour nombre de gens, il y aura encore des jours difficiles.

1.2 Un examen rigoureux des dépenses publiques est une des conséquences de nos problèmes d'ordre économique. Dans la conjoncture actuelle, les contribuables exigent de tous les ordres de gouvernement que l'argent qu'ils versent en impôts soit dépensé judicieusement et à bon escient.

1.3 Dernièrement, j'ai signé le document intitulé Opinion du vérificateur général sur les états financiers du gouvernement du Canada. Ces états font partie des Comptes publics qui reflètent les opérations financières du gouvernement fédéral pour l'exercice terminé le 31 mars 1983.

1.4 En ce qui a trait aux dépenses, les comptes indiquent ce qu'il advient de l'argent versé en impôts par les Canadiens. Ils indiquent également la relation qui existe entre les coûts d'exploitation du gouvernement fédéral et la hausse des budgets et des déficits fédéraux. Bien des gens présument que l'accroissement des dépenses et des déficits du gouvernement est attribuable à une bureaucratie toujours plus lourde. Ce n'est pas le cas.

1.5 De fait, les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital des ministères et des organismes, y compris la Défense nationale, représentent près du quart du budget total du gouvernement fédéral. Pour l'exercice terminé le 31 mars 1983, ces dépenses s'élevaient à $ 20 milliards.

1.6 Et le reste des fonds, où va-t-il? La réponse est la suivante: un montant global de $ 63 milliards a été affecté au versement de subventions et de contributions, au service de la dette publique et à des paiements effectués à des sociétés particulières propriété de la Couronne.

1.7 Les subventions et les contributions comprennent des paiements effectués aux provinces pour les services de santé, pour le Régime d'assistance publique du Canada et pour les études post secondaires, ainsi que pour les citoyens, à titre de prestations de sécurité de la vieillesse, d'allocations familiales et de prestations d'assurance-chômage. Elles atteignent un total de $ 41 milliards.

La pièce 1.1 n'est pas disponible

1.8 Le service de la dette publique a coûté $ 17 milliards en 1982-1983. Les paiements effectués aux sociétés propriété de la Couronne ont atteint un total de $5 milliards.

1.9 Il y a deux ans, j'ai exprimé une certaine préoccupation devant l'ampleur de la dette nationale et des déficits annuels sans cesse croissants. Le fait qu'aussi bien la dette nationale que les déficits annuels aient augmenté encore bien davantage dans les années qui ont suivi continue de me préoccuper. Les décisions qui entraînent des déficits annuels découlent de décisions de principe qui dépassent le mandat de mon Bureau. Je n'ignore pas non plus que les économistes ont des vues fort divergentes sur la valeur intrinsèque du financement par déficit.

1.10 Il est toutefois incontestable que les états financiers du gouvernement du Canada doivent exposer, de façon aussi explicite que possible. Les opérations du gouvernement et sa situation financière. Un exposé incomplet du passif, par exemple, influe directement sur le compte rendu du déficit et de la situation financière du gouvernement. Il s'ensuit que le Parlement n'a alors qu'un tableau incomplet ou trompeur de la situation.

1.11 Je crois fermement que le principal objectif des états financiers sommaires du gouvernement doit consister à fournir une image limpide de la situation financière globale du gouvernement, y compris de son évolution depuis la présentation des derniers états financiers. Par contre, selon l'interprétation du gouvernement, les états financiers courants sont "conçus principalement afin de fournir une comptabilité des ressources financières affectées par le Parlement" et "de faire rapport conformément au pouvoir législatif".

1.12 Un certain progrès a été accompli en ce qui a trait à la clarification des objectifs des états financiers. Le Bureau du contrôleur général étudie actuellement la raison d'être pour le gouvernement des rapports financiers sommaires et la faisabilité d'élaborer des états financiers intégrés. Le Bureau du contrôleur général et mon Bureau ont fourni des données au Comité sur la comptabilité e la vérification des organismes du secteur public de l'institut canadien des comptables agréés. L'institut a entrepris des travaux de recherche en vue de déterminer quels seraient les objectifs pertinents des états financiers du gouvernement. Il prévoit présenter un exposé-sondage sur les états financiers à l'intention des paliers supérieurs du gouvernement du Canada, d'ici la fin de l'année 1983. Mon Bureau continue d'appuyer ces importantes initiatives.

1.13 Je crains toutefois que l'on perçoive cette divergence d'opinions en rapport avec l'objectif des états financiers comme une simple discussion théorique entre comptables. C'est loin de n'être que cela.

1.14 Ce que l'on ne saisit pas très bien, c'est le fait que les personnes qui préparent les états financiers doivent nécessairement faire des choix. Il est impossible d'établir un ensemble d'états qui réponde à chacun des objectifs.

1.15 Cela ressemble à de la cartographie. Il est impensable de dresser et de dessiner une carte qui réponde à tous les besoins. Si, sur une seule carte du Canada, nous tentions de regrouper les circonscriptions électorales fédérales, provinciales et municipales, les formations géologiques, les conditions climatiques, les répartitions économiques, les statistiques démographiques, les distributions linguistiques, les sites archéologiques, les réseaux de communication et tous les autres types d'information que l'on puisse fournir sur une carte, celle-ci ne serait plus qu'un amas chaotique de données inintelligibles, complètement inutiles.

1.16 Les cartographes doivent choisir l'information principale qu'ils désirent transmettre; leur choix sera fonction des besoins de l'utilisateur. Le pilote d'un aéronef à la recherche d'un terrain d'atterrissage trouverait qu'une carte qui n'indique que les emplacements des couvents et des cathédrales ne lui est d'aucune utilité.

1.17 Il en va de même pour les personnes chargées de préparer les états financiers: elles doivent faire des choix, et leurs choix doivent également s'orienter vers les besoins des utilisateurs.

1.18 Le Parlement, au nom des citoyens du Canada, prend ses décisions en se fondant, en grande partie, sur sa conception des engagements financiers antérieurs de la nation. Le besoin qu'exprime le Parlement, à titre d'utilisateur, est le suivant: les Comptes publics renferment les états vérifiés "des dépenses et revenus du Canada pour l'année financière" et "des éléments d'actif et de passif du Canada que le Ministre juge nécessaires pour indiquer la situation financière du Canada à la fin de ladite année". Ces besoins sont énoncés dans la Loi sur l'administration financière.

1.19 Bref, les membres du Parlement veulent avoir en main une carte financière qui leur indique leur situation antérieure et leur situation actuelle. En outre, cette carte doit les orienter dans leurs choix pour l'avenir.

1.20 Je soutiens que, lorsque le gouvernement fait de la conformité aux dispositions de la loi l'objectif premier de ses états, les membres du Parlement ont l'impression d'avoir en main une carte qui leur indique les limites de vitesse permises alors que ce dont ils ont réellement besoin, c'est d'une carte qui leur indique les points de départ et l'endroit où ils se trouvent. Les limites de vitesse sont importantes. La conformité l'est aussi. Mais en matière de finances, comme en voyage, il est encore plus important de savoir d'où l'on est parti et où l'on est rendu.

1.21 La hausse de la dette nationale a une importance pour tous les Canadiens. Les membres du Parlement ont besoin - comme tous les Canadiens en ont le droit - de connaître le déficit réel, la dette réelle de façon aussi précise que possible. Mon Opinion sur les états financiers du gouvernement du Canada démontre que ces montants différeraient de plusieurs milliards de dollars des chiffres présentés dans ces états si l'objectif premier du gouvernement était de préparer des états qui donnent à tous les Canadiens l'image la plus claire possible de sa situation financière globale.

1.22 L'intégrité des états financiers sommaires n'est donc pas simplement une question théorique livrée à une discussion de comptables. Bien que les économistes puissent être partagés sur la valeur intrinsèque du financement par déficit budgétaire, il est certain qu'il existe un lien direct entre la perception qu'ont les membres du Parlement de l'ampleur du déficit annuel et les politiques qu'ils acceptent. Bien plus, il y a un lien direct entre leurs décisions et les répercussions de ces décisions sur certaines réalités comme l'inflation, le chômage et le coût du crédit- autant de facteurs d'une importance vitale pour chacun des Canadiens.

1.23 J'exprime, dans mon Opinion et mes Observations connexes sur les états financiers du gouvernement du Canada, documents reproduits dans l'annexe D, la préoccupation que m'inspire l'intégrité des présents états financiers sommaires. Mon Opinion comporte quatre réserves: le défaut du gouvernement de se conformer à ses propres conventions comptables, la déclaration fragmentaire des activités du gouvernement, les éléments d'actif déclarés pour des sommes qui dépassent leur valeur et le passif non comptabilisé.

1.24 En insérant ces quatres réserves dans mon Opinion, ma préoccupation première est l'intégrité des états financiers en tant qu'instrument d'information à l'intention des membres du Parlement. Toutefois, les états financiers s'adressent à une collectivité plus vaste, c'est-à-dire à ceux qui ont la responsabilité de prendre toute une gamme de décisions ou de jouer le rôle de conseiller en rapport avec ces décisions, dans l'ensemble du monde des finances. Il s'agit des économistes, des banquiers et des conseillers qui oeuvrent à tous les paliers du gouvernement. Si les états financiers ne fournissent pas toute l'information d'importance sur la valeur réelle des recettes, des dépenses, du déficit, des besoins financiers et de la dette du gouvernement, les données essentielles à partir desquelles sont prises ces décisions deviennent insuffisantes.

1.25 Tout Canadien qui est sur le point de prendre d'importantes décisions financières qui engagent l'avenir doit connaître sa situation actuelle: éléments d'actif, passif, marge de crédit suffisante, dépenses courantes, problèmes éventuels de liquidités, importance de ses futurs besoins financiers. S'il ne possède pas de telles données, aucun individu ne devrait se lancer dans des engagements financiers pour l'avenir.

1.26 La situation précaire de ce Canadien se détériorerait bien davantage, toutefois, si, après avoir cru qu'il a réuni avec précision toutes les données financières nécessaires, il devait découvrir, seulement après avoir contracté de nouveaux engagements, que ses dépenses actuelles sont beaucoup plus élevées, que sa marge de crédit est insuffisante, que ses besoins de liquidités sont beaucoup plus considérables et que ses besoins à long terme sont de beaucoup plus importants qu'il ne l'avait prévu.

1.27 Ce qui vaut pour un individu vaut également pour le pays. Je ne peux trop insister sur le fait que des choix décisifs doivent être faits, et qu'ils le sont en réalité, en se fondant sur l'interprétation de nature économique que l'on fait des données relevées dans les états financiers du Canada. Si l'écart entre les données inscrites dans les comptes et la réalité économique actuelle continue de s'élargir, il deviendra de plus en plus difficile de formuler des jugements sur l'incidence du déficit et de la dette nationale sur l'économie.

1.28 Que l'on établisse des taux d'intérêt, que l'on estime les recettes fiscales, que l'on envisage des décisions visant la répartition des ressources dans les secteurs public et privé, chaque intervention est fonction, dans une large mesure, de la crédibilité et de l'intégralité des données financières disponibles.

1.29 Dans une conjoncture économique incertaine, les Canadiens ont le droit de tenir en main la carte financière la plus pertinente et la plus fiable qui soit. S'ils ne peuvent obtenir l'assurance que la qualité de l'information qu'ils reçoivent traduit fidèlement ce qu'elle prétend traduire, ils se verront refuser la carte financière dont ils ont pourtant besoin.

1.30 L'amélioration de la pertinence et de l'utilité des données que fournissent les états financiers du gouvernement du Canada constitue une urgence pour les membres du Parlement et pour tous les Canadiens.

L'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne

1.31 Un des thèmes majeurs de mon Rapport annuel de 1982 était l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne. Si l'on fait exception des avertissements de mon prédécesseur au sujet de l'état de la gestion financière du gouvernement au milieu des années 1970, aucun sujet auquel s'intéresse notre Bureau n'a autant capté l'attention publique que celui de l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne. Pour une raison évidente. On risque d'importantes sommes à même les deniers publics. Le cadre de l'obligation de rendre compte de ce que j'ai appelé ce "sous-gouvernement" n'est pas satisfaisant.

1.32 L'année dernière ,je concluais que:

Le Parlement est de plus en plus coupé d'une partie croissante des activités de l'État. Le recours, de plus en plus fréquent à des sociétés propriété de la Couronne pour exécuter une gamme grandissante d'activités de l'État, a épuisé les possibilités du cadre existant de l'obligation de rendre compte, à tel point que le Parlement n'est peut-être plus en mesure d'exercer ses responsabilités fondamentales de surveillance des recettes et des dépenses de fonds publics.
1.33 J'affirmais que pratiquement aucune amélioration n'avait été apportée, en dépit des recommandations pressantes que notre Bureau avait faites en 1976 et en 1979. Dans mon Rapport de 1982, je recommandais que:

Il faudrait élaborer une législation générale relative à l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne, dont les dispositions porteraient sur chacun des éléments suivants: autorisation et mandat, financement, direction, contrôle et rapports. Cette législation stipulerait que ces sociétés doivent faire l'objet de vérifications intégrées.
Le Parlement devrait se pencher sur les questions de contrôle et d'obligation de rendre compte des entreprises mixtes et des autres sociétés associées ou entités dont la Couronne est actionnaire.
1.34 L'on a porté beaucoup d'attention ces derniers mois à toute la question de l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne. Je sais que les efforts se poursuivent, mais cette question n'est pas encore réglée.

1.35 Lorsque je soulève de nouveau cette question, je suis conscient qu'il y a discussion sur la pertinence d'utiliser les sociétés de la Couronne comme forme d'organisation pour atteindre des objectifs de politique publique. Je tiens cependant à souligner que même si ce sujet de discussion est important pour tout le monde, la question de l'obligation de rendre compte demeure mon seul souci, en tant que vérificateur général.

1.36 Le Comité des comptes publics. Depuis la présentation de mon Rapport annuel de 1982, le Comité des comptes publics a consacré beaucoup de temps et d'efforts à l'étude de l'obligation de rendre compte des sociétés de la Couronne en général et de certaines sociétés en particulier.

1.37 En novembre 1982, le Comité des comptes publics a étudié le rapport que j'avais soumis au ministre de l'Agriculture sur la vérification intégrée de la Commission canadienne du lait.

1.38 Entre le 15 février et le 30 juin 1983, le Comité des comptes publics a tenu 15 audiences publiques qui portaient sur des sociétés de la Couronne. L'enquête du comité sur le cadre général de l'obligation de rendre compte des sociétés de la Couronne comprenait des témoignages du président du Conseil du Trésor et de cadres supérieurs de VI Rail, CN Marine Inc., la Société canadienne des postes, Canadair, Limitée.

1.39 Le comité a publié trois rapports. Le Dix-huitième portait sur la Commission canadienne du lait. Le Dix-neuvième réaffirmait les recommandations faites précédemment dans cinq importants rapports présentés à la Chambre des communes et portant sur l'obligation de rendre compte des sociétés contrôlées par le gouvernement. Le Vingtième Rapport était axé sur les activités de la Société canadienne des postes en se reportant au cadre de l'obligation de rendre compte, cadre élaboré au chapitre 2 de mon Rapport de 1982.

1.40 Ces rapports - que l'on retrouve à l'annexe C - mettent l'accent sur la nécessité immédiate d'avoir une vaste législation pour améliorer l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne.

1.41 Je prévois qu'un autre rapport, qui porte principalement sur les activités de Canadair, Limitée, aura été publié par le Comité des comptes publics au moment de la présentation de mon Rapport annuel.

1.42 Nécessité d'améliorer l'obligation de rendre compte. Je suis toujours préoccupé au sujet du contrôle et de la surveillance générale, par le gouvernement et le Parlement, des sociétés propriété de la Couronne. L'année dernière des événements sont survenus dans un certain nombre de sociétés de la Couronne, qui ont fait ressortir davantage les lacunes actuelles. De façon à simplifier l'exposé, je ne décris que les événements qui concernent Canadair, Limitée et la Corporation de développement des investissements du Canada (CDIC), pur illustrer les lacunes qui persistent à l'intérieur du cadre d'obligation de rendre compte.

1.43 En 1982, j'ai indiqué, à des fins de législation, les grandes lignes d'un cadre de l'obligation de rendre compte qui comprenait les principaux éléments suivants:

1.44 L'examen de la situation de Canadair, Limitée et de la CDIC à l'aide de ce cadre est révélateur.

1.45 Autorisation et mandat. Pour que l'obligation de rendre compte des sociétés soit pertinente, il importe que le gouvernement et le Parlement examinent et approuvent les principaux objectifs d'une société propriété de la Couronne au moment de sa création et qu'ils examinent périodiquement l'à-propos du mandat qui lui est confié.

1.46 Financement. Pour que les sociétés puissent s'acquitter convenablement de leur obligation de rendre compte, il faudrait que le gouvernement évalue les ressources financières et formule les recommandations au Parlement au sujet de la forme de financement (par actions, prêts, crédits, etc.) qui devrait être utilisée et des effets que le financement proposé pourrait avoir sur les deniers publics. Il faudrait obtenir l'approbation du Parlement avant que les fonds publics ne soient engagés.

1.47 Direction. Pour que les sociétés puissent s'acquitter correctement de leur obligation de rendre compte, chacune d'elles doit recevoir régulièrement une définition précise de ses responsabilités, ainsi qu'une définition des cibles de rendement à atteindre. Les conseils d'administration des sociétés devraient demeurer indépendants du gouvernement et diriger les activités de leur société. Chaque conseil d'administration devrait avoir des directives et des lignes de conduite claires et publiques sur les objectifs que doit atteindre la société.

1.48 À cet égard, je remarque que le projet de loi C-153 propose d'autoriser le gouverneur en conseil à formuler des directives semblables à l'égard de toutes les sociétés de la Couronne dont la totalité des actions est détenue pour le compte du Canada ou dont tous les directeurs ont été nommés par un ministre ou par le gouverneur en conseil. Le fait d'étendre un tel contrôle aux conseils d'administration des sociétés de la Couronne semble contraire à l'une des raisons invoquées tout d'abord pour la création des premières sociétés de la Couronne - soit un degré d'autonomie par rapport au gouvernement et aux décisions politiques. En outre, le gouvernement qui a maintenant la possibilité d'affaiblir le pouvoir des conseils d'administration des sociétés propriété de la Couronne pourrait être en train d'éliminer un mécanisme de contrôle important des activités des sociétés de la Couronne en question.

1.49 Contrôle. Un contrôle approprié assure que le gouvernement peut compter sur des moyens efficaces pour vérifier de façon permanente les activités des sociétés propriété de la Couronne et exercer un contrôle advenant le cas où il y aurait déviation des objectifs fixés. La classification de ces sociétés, aux termes de la Loi sur l'administration financière, devrait cadrer avec le niveau requis de direction, de contrôle ainsi que d'obligation de rendre compte, et des critères clairs devraient être établis à l'égard de cette classification. Toutes les sociétés devraient être classifiées selon ces critères et la classification de chaque société devrait être réexaminée périodiquement.

1.50 Toutefois, je m'inquiéterais qu'une loi visant à accroître la responsabilité des sociétés propriété de la Couronne recommande que le gouvernement s'appuie de façon indue sur des mesures et des règlements administratifs pour traiter des questions particulières à chacune de ces sociétés. En effet, celles-ci ont droit à un degré approprié d'autonomie et de latitude pour leur permettre de fonctionner avec efficacité dans le secteur commercial.

1.51 Rapports. Une composante essentielle du cadre de l'obligation de rendre compte consiste à fournir au Parlement l'information opportune, suffisante et pertinente sur les plans, les besoins de ressources et le rendement de chacune des sociétés propriété de la Couronne.

1.52 Vérification. Le mandat de la vérification prescrit par la loi joue un rôle essentiel en donnant des assurances au Parlement, au gouvernement, aux conseils d'administration et aux gestionnaires des sociétés sur le cadre d'obligation de rendre compte. l'heure actuelle, le mandat prescrit de la vérification de nombreuses sociétés propriété de la Couronne n'est pas assez vaste pour donner les assurances nécessaires.

1.53 Vérifications législatives améliorées. Mon Bureau est préoccupé à la fois par la qualité et par l'uniformité des travaux de vérification accomplis de même que par la pertinence du mandat de la vérification à laquelle chaque société propriété de la Couronne est assujettie en vertu de la loi. Je suis heureux d'annoncer que des progrès ont été accomplis dans ces deux domaines au cours de la dernière année.

1.54 J'ai prêté une attention spéciale aux normes et à l'uniformité des méthodes de vérification retenues dans les sociétés propriété de la Couronne. Le 17 janvier 1983, près de 200 experts comptables supérieurs associés à la vérification des sociétés de la Couronne se sont réunis à Ottawa pour participer à un atelier d'une journée, parrainé par mon Bureau, qui portait sur "La vérification législative des sociétés de la Couronne". Des vérificateurs du secteur privé de sociétés de la Couronne, des vérificateurs internes de sociétés de la Couronne, des représentants de mon Bureau et des vérificateurs provinciaux, dont les vérificateurs généraux de quatre provinces, ont discuté ouvertement de leur conception et partagé leurs opinions, expérience et responsabilités dans l'exécution de ce genre de vérification et la présentation de rapports sur les vérifications législatives des sociétés propriété de la Couronne. J'ai bon espoir que l'atelier aboutira à un engagement accru des membres de notre profession dans l'élaboration de normes et à une plus grande uniformité au niveau des méthodes d'exécution et de faire rapport des vérifications législatives.

1.55 L'année dernière, je concluais que la vérification intégrée pour toutes les sociétés en propriété exclusive de la Couronne était requise pour s'assurer d'un procédé uniforme d'examen indépendant de cette partie importante et croissante du trésor public. Cela ne s'est pas produit. Il y a eu cependant certains indices de progrès en ce qui concerne l'obtention d'un mandat de vérification plus vaste, à la fois pour les vérificateurs internes et externes des sociétés propriété de la Couronne.

1.56 J'ai remarqué au cours de l'année qu'un certain nombre de sociétés de la Couronne ont élargi le mandat de leurs vérificateurs internes pour y inclure une composante de l'optimisation des ressources.

1.57 En ce qui concerne les vérifications intégrées externes, le projet de loi constituant Canagrex en société de la Couronne inclut un article qui permet au vérificateur général, lorsqu'il le juge nécessaire, de procéder à une vérification intégrée des comptes de ladite société. Je pense que plus de lois instituant les sociétés de la Couronne devraient renfermer des dispositions de ce genre.

1.58 Je ne veux pas dire que mon Bureau soit le seul organisme capable de mener de telles vérifications. Mon Bureau possède une très vaste expérience de la vérification intégrée, mais d'autres cabinets de vérification du secteur privé peuvent également accomplir ce travail. Il est des circonstances où le vérificateur du Parlement a besoin d'obtenir de l'information et des déclarations de fiabilité de la part de la direction des sociétés de la Couronne et de leurs vérificateurs du secteur privé. En l'occurrence, je suis convaincu que l'information sera communiquée et que la collaboration s'établira.

1.59 Le 29 mars 1983, le président de l'Institut canadien des comptables agréés (ICC) avisait le Comité des comptes publics (CCP) des vues de l'ICC sur l'à-propos de mener des vérifications intégrées des sociétés propriété de la Couronne. La position de l'ICC peut être résumée dans cette citation tirée d'une lettre du président de l'ICC adressée au président du CCP:

L'ICC continue de favoriser l'utilisation de la vérification intégrée dans le cas des sociétés de la Couronne pour lesquelles les profits et l'analyse de la concurrence ne mesurent pas de façon adéquate le rendement.
Des textes de lois qui exigeraient la vérification intégrée pour ce genre de sociétés de la Couronne amélioreraient l'obligation de rendre compte de ces entités à l'égard du Parlement ainsi qu'à l'égard des conseils d'administration et du gouvernement, qui ont déjà le pouvoir d'exiger des vérifications intégrées.
1.60 En traitant de nouveau du thème de l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne, qui constituait un élément majeur de mon rapport de l'année dernière ,je veux énoncer, sans ambiguïté, que le vérificateur général, qui est un Officier du Parlement, doit "signaler tout sujet qui, à son avis, est important et doit être porté à l'attention de la Chambre des communes". Cela suppose l'existence d'un cadre approprié d'obligation de rendre compte. Lorsque la réalisation des politiques du gouvernement est assurée par des ministères et des organismes, un cadre d'obligation de rendre compte est déjà en place. Par contre, lorsque le gouvernement choisit de faire réaliser ses politiques par des sociétés propriété de la Couronne, le cadre d'obligation de rendre compte se révèle défectueux et inadéquat.

1.61 La taille même des sociétés propriété de la Couronne fait ressortir l'importance de l'obligation de rendre compte. Les sociétés propriété de la Couronne emploient plus d'un quart de million de personnes. Avec des revenus de $ 40 milliards pour l'exercice terminé le 31 mars 1983 (ils s'élevaient à $ 31,9 milliards l'année dernière) et des dépenses de $44,2 milliards (comparativement à $ 33,7 milliards pour l'année précédente), les sociétés propriété de la Couronne constituent un segment très important du volume des affaires au Canada. Leur énorme importance nécessite l'existence d'un cadre d'obligation de rendre compte qui soit approprié.

La pièce 1.2 n'est pas disponible

1.62 La situation se compare avec ce que j'ai dit auparavant au sujet des états financiers. Je suis préoccupé par la question de l'intégrité de l'information financière que reçoit le Parlement. En ce qui a trait aux sociétés propriété de la Couronne ,je m'inquiète du fait que l'information communiquée au gouvernement et au Parlement puisse être aussi bien incomplète qu'inopportune et que ces lacunes puissent exister et existent effectivement dans la création, le fonctionnement et les comptes rendus des sociétés propriété de la Couronne qui engouffrent d'importantes sommes tirées des impôts des contribuables.

1.63 Mon avis, on ne devrait pas tolérer que cette situation se perpétue. Tant qu'elle durera, les membres du Parlement se verront privés d'une partie de leur droit fondamental de représenter leurs électeurs lors des prises de décisions cruciales sur la façon de répartir et de comptabiliser les taxes.

1.64 Si j'ajoute à ces derniers propos ceux que j'ai tenus au sujet des états financiers du gouvernement du Canada, le résultat n'est rien de moins qu'une fragmentation de la souveraineté du Parlement.

1.65 Lettres d'accord. L'année dernière, j'ai exprimé ma préoccupation au sujet de certaines mesures prises par le gouvernement, qui avaient pour effet d'engager le Parlement à soutenir des entreprises en difficulté avant qu'il ait pu analyser au préalable les intérêts en jeu. J'étais tout particulièrement préoccupé par l'utilisation des lettres d'accord comme un moyen d'appuyer les emprunts contractés par les sociétés. Ces lettres sont des documents qu'utilisent les ministères et organismes pour inciter les établissements financiers à accorder des prêts aux diverses sociétés avant l'obtention d'une garantie officielle de Sa Majesté. En pratique, ce sont des garanties émises sans l'approbation du Parlement.

1.66 Je suis heureux que notre travail de vérification de cette année ait révélé que l'on n'avait émis aucune nouvelle lettre d'accord pour soutenir des entreprises en difficulté.

1.67 Toutefois, je tiens à citer deux ententes où l'on fournit une certaine forme de protection à des établissements financiers.

1.68 Le premier cas a trait à Dome Petroleum Ltée. Le 29 septembre 1982, le gouvernement du Canada, quatre des grandes banques canadiennes et Dome Petroleum signaient une entente de principe. En vertu de cette entente et sous certaines conditions préalables, le gouvernement du Canada s'engageait à acheter pour $ 500 millions de débentures de Dome Petroleum par l'entremise d'une nouvelle société de la Couronne que l'on établirait avec l'approbation du Parlement. Ces conditions comprenaient l'approbation du Parlement ainsi que l'accord des autres créanciers de Dome Petroleum, l'approbation des actionnaires de Dome Petroleum et une importante restructuration de la dette de la compagnie.

1.69 Notre vérification des activités du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources nous a fait découvrir un autre cas du genre. Il s'agit de Mechron Energy Ltd. (Mechron), filiale de Canertech Inc., elle-même filiale de Petro-Canada.

1.70 Le montant en jeu est peu élevé comparativement au cas de Dome Petroleum. Mais cette affaire nous donne un aperçu révélateur des activités d'une compagnie qui n'est que l'une des diverses filiales de Canertech. Cela nous rappelle jusqu'à quel point les sociétés contrôlées par une filiale d'une société propriété de la Couronne peuvent être soustraites à un examen public rigoureux.

1.71 Mechron a donné à la banque ses comptes clients et ses stocks en garantie d'un prêt et a émis à celle-ci une obligation garantie de $ 1 million portant sur tous ses éléments d'actif. La société Canertech (société en propriété exclusive du gouvernement du Canada) a convenu de demeurer le propriétaire majoritaire de la compagnie (Mechron) à moins de recevoir un consentement préalable par écrit de la banque. Comme Canertech consent à demeurer le propriétaire majoritaire de Mechron, la protection est assurée à la banque par une société de la Couronne en propriété exclusive du gouvernement.

Entraves à une gestion productive dans la fonction publique

1.72 Nous poursuivons notre tâche qui consiste à nous assurer que les ministères et organismes du gouvernement ont dépensé les deniers publics pour les fins auxquelles le Parlement les a affectés, en tenant compte de l'économie et de l'efficience et en mettant en place des mécanismes visant à surveiller l'efficacité des programmes.

1.73 Cette année, notre rapport porte sur quatre vérifications d'envergure gouvernementale et autres études ainsi que sur onze vérifications intégrées. On trouvera à la fin de ce chapitre les messages essentiels que nous avons tirés des chapitres auxquels ils se rapportent.

1.74 L'une de ces études a ouvert à notre Bureau de nouveaux sentiers. On la retrouvera sous la forme du chapitre 2 du présent Rapport annuel, chapitre intitulé "Entraves à une gestion productive dans la fonction publique".

1.75 Je crois que cette étude présentera un intérêt particulier pour tous ceux qui se préoccupent de la gestion du gouvernement.

1.76 Cette étude provient d'une préoccupation soulevée par notre Bureau, depuis déjà 1978:

Comme les commissaires de la Fonction publique l'ont récemment fait remarquer dans une déclaration publique, une partie des problèmes de gestion d'aujourd'hui provient du fait "que la Fonction publique est bien moins généreuse pour les bons gestionnaires que ne l'est le secteur privé". Le système actuel de gestion du personnel semble offrir peu de récompenses et d'encouragements - tangibles ou intangibles - pour les économies réalisées dans l'utilisation des ressources humaines. De fait, le système semble décourager les gestionnaires qui voudraient promouvoir l'utilisation économique et de bon rendement des ressources à la fois humaines et financières. (Les italiques sont de moi.)
1.77 L'étude que nous avons spécialement consacrée à cette question a pour objet de trouver et d'examiner les raisons des sérieuses entraves à une gestion productive dans la fonction publique. Dans la ligne stricte du mandat dont notre Bureau a été investi, l'étude définit la gestion productive comme une gestion "qui assure l'utilisation économique, efficiente et efficace des ressources et des deniers publics - gestion qui obtient des résultats satisfaisants à un coût raisonnable".

1.78 Ce que les parlementaires, qui expriment la pensée du peuple canadien, attendent de moi je crois, c'est non seulement de leur faire savoir si le gouvernement dépense les fonds publics avec le soin et la prudence que chacun des citoyens de ce pays apporte à l'utilisation de son propre revenu, mais également, si ce sens de la rigueur, de la modération - et de la diligence, qui permet d'obtenir des résultats avec le maximum d'efficacité et d'économie, s'est traduit par des effets concrets sur la gestion du gouvernement.

1.79 La conclusion indubitable de notre étude est qu'il existe effectivement de sérieuses entraves qui rendent difficile l'amélioration de la gestion productive au sein de la bureaucratie. Elle révèle trois principaux types d'entraves: en premier lieu, les priorités politiques qui ont des incidences marquantes sur la gestion productive; en deuxième lieu, le sentiment qu'éprouvent les gestionnaires de ployer sous la charge des nombreuses tâches administratives et procédurières; en troisième lieu, le fait que, dans cette voie vers une gestion productive, les facteurs stimulants sont plutôt rares, tandis que les facteurs de découragement sont nombreux.

1.80 L'étude fait également ressortir le fait que, sous-tendant ces trois entraves et y contribuant, il y a l'inévitable complexité du gouvernement, complexité liée non seulement à l'ampleur de l'organisation, mais aussi à toute cette diversité d'objectifs immanquablement associés au secteur public.

1.81 Il importe de ne pas se méprendre sur les raisons sous-jacentes à cette complexité. Par exemple, en matière de processus politique, il existe deux genres très différents d'objectifs propres à ce domaine qui sont susceptibles de contribuer à rendre le degré de productivité inférieur à celui du secteur privé.

1.82 Ce sont d'abord les objectifs politiques qui traduisent, espérons-le, un consensus de la part des Canadiens. Le bilinguisme fédéral est partie intégrante du Canada. L'égalité des chances est un principe essentiel. Que cette égalité règne entre les régions, cela aussi, les Canadiens le tiennent pour important. Jusque dans sa manière d'engager les gens ou de les remercier de leurs services, le gouvernement du Canada se doit d'être un modèle de conduite.

1.83 Toutefois, c'est un autre aspect que révèle notre étude: en effet, des gestionnaires du secteur public affirment que, lorsqu'ils cherchent à réduire les coûts par la mise en oeuvre de propositions d'ordre économique qui paraîtraient logiques au secteur privé, leurs propositions se heurtent à une sorte de préjugé politique selon lequel ce genre d'économie est perçu comme une réduction des services du gouvernement plutôt qu'une amélioration de sa productivité. Dans les entrevues qui constituent en majeure partie la base de notre étude, il revient à plusieurs reprises le fait que les recommandations présentées par les ministères pour une utilisation plus économe des ressources se butent fréquemment à la résistance politique.

1.84 Si l'on aspire à une amélioration de la gestion productive, la situation doit alors changer. Dans ce Rapport destiné au Parlement, je rappelle aux parlementaires qu'un tel changement requiert un acte de volonté politique.

1.85 Une fois pour toutes, cependant, il faut mettre les choses au clair: notre Bureau ne préconise pas que l'on sacrifie toutes les priorités sociales et politiques sur l'autel d'une productivité à courte vue. Notre étude ne laisse planer aucun doute sur le fait que le gouvernement, de par sa nature, est tenu de réaliser tout un éventail d'objectifs. L'un d'entre eux est l'optimisation des ressources, et c'est celui que le mandat confié à mon Bureau exige que j'examine. Mais je reconnais que l'optimisation des ressources, vue dans l'optique du gouvernement, ne peut se mesurer en des termes qui définissent simplement la productivité. Cette optimisation s'acquiert aussi en répondant à des impératifs socioculturels et politiques, au sens large du terme, qui, en vertu de critères plus étroits, pourraient être considérés comme susceptibles de nuire à la productivité. Je conviens parfaitement - et notre étude en témoigne, comme l'ensemble de notre vérification - que le gouvernement, par son essence même, est là pour servir à des fins multiples. C'est dans le contexte de tels accomplissements que la productivité de la fonction publique doit être mesurée.

1.86 La deuxième entrave à une meilleure gestion productive relevée dans notre étude est le fardeau qu'impose aux gestionnaires l'observation d'une foule de procédures administratives. Un bon nombre des gestionnaires que nous avons interrogés soutiennent que la réalisation efficace et efficiente des services est compromise par le temps et l'énergie qu'il faut consacrer à se conformer aux règlements et à répondre à l'attente des organismes centraux et de divers ministères.

1.87 Pour saisir l'importance de cette partie de l'étude, nous devons reconnaître qu'il faut équilibrer les exigences des systèmes de rapports et d'obligation de rendre compte avec la liberté de man9uvre nécessaire aux gestionnaires pour prendre des décisions.

1.88 Vers la fin des années 70, le gouvernement a pris de très importantes mesures pour corriger ce que l'on percevait comme de graves insuffisances au niveau des systèmes de gestion et de contrôle financiers. Trois facteurs importants entrèrent enjeu.

1.89 En premier lieu, il y eut l'insistance continue que mit notre Bureau, dans chacun de ses rapports présentés à partir du milieu des années 70, à affirmer qu'il était urgent et indispensable d'assurer la mise en place de systèmes de gestion et de contrôle financiers adéquats. En deuxième lieu, le Bureau du contrôleur général a été créé et un contrôleur général a été désigné. En troisième lieu, la Commission Lambert présentait, en mars 1979, son rapport qui renfermait des recommandations importantes visant des améliorations à apporter à la gestion financière et à l'obligation de rendre compte. Il n'est pas exagéré de dire que ces trois initiatives ont entraîné une révolution tranquille à l'intérieur de la bureaucratie.

1.90 Entre autres modifications fondamentales, citons l'établissement d'un plan financier pluriannuel, le nouveau Système de gestion des secteurs de dépenses ainsi que l'introduction du système des enveloppes; il y eut enfin le lancement du projet du contrôleur général pour le perfectionnement des pratiques et contrôles de gestion.

1.91 Il est hors de doute que ces initiatives représentent des étapes importantes vers un niveau supérieur de gestion financière et d'obligation de rendre compte.

1.92 Ce que notre étude fait ressortir toutefois bien nettement dans sa conclusion est le fait que cette imposition de contrôles et de systèmes fortement centralisée a d'autres conséquences. Certes, elle ne va pas jusqu'à étouffer l'initiative individuelle des gestionnaires, mais elle consomme inévitablement une sérieuse partie de leur tempe et de leur énergie.

1.93 Il faut dire ici, en toute sincérité, que la Commission Lambert - tout comme la Commission Glassco, dans les débuts des années 60 - avait admis qu'il fallait trouver un juste milieu entre, d'une part, les contraintes que subissent les cadres supérieure du fait de l'imposition de systèmes de mesure et, d'autre part, la nécessité pour les gestionnaires efficaces de disposer d'une certaine liberté de man9uvre pour prendre leurs propres décisions. Notre propre étude reconnaît que les deux côtés de l'équation sont importants. Toutefois, ce qu'elle révèle également, c'est que l'équilibre entre les deux est difficile à réaliser.

1.94 Tout au long des années 70, notre Bureau reconnaissait clairement - et il le reconnaît toujours - que ces systèmes destinés à compiler l'information, à évaluer et à établir des rapports sont nécessaires et même cruciaux.

1.95 Mais il est tout aussi crucial et nécessaire à la productivité et à l'obtention de résultats d'avoir des gestionnaires dont l'énergie et les heures de travail ne se consument pas dans les procédures bureaucratiques dévoreuses de temps que ces systèmes exigent.

1.96 De façon claire, il découle de notre étude que ces exigences inconciliables imposées aux gestionnaires en matière de temps, d'énergie et de ressources contribuent à engendrer un problème de moral dans la fonction publique. Les extraits des réponses dont notre étude fait état révèlent un degré de frustration très élevé.

1.97 De toute évidence, la gestion productive est indissolublement liée au moral. Il se peut bien que ce Bureau, dans le cadre de son mandat qui consiste à renseigner le Parlement sur l'optimisation des ressources, doive chercher à faire état des facteurs susceptibles d'accroître le sens des valeurs chez les individus.

1.98 Le facteur humain est un élément capital pour atteindre à l'optimisation des ressources - capital pour toute organisation qui vise des objectifs d'économie, d'efficience et d'efficacité.

1.99 Dire, cependant, que les hommes et les femmes constituent les ressources-clés d'une organisation, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, n'est qu'une simple lapalissade. Ce qui est difficile à réussir, c'est l'étape suivante - la création d'un milieu de travail dans lequel les individus peuvent en arriver au maximum de leur productivité.

1.100 Vues sous cet angle, les observations que notre étude formule à propos des incitations à une gestion productive et des facteurs qui ne la favorisent pas - troisième aspect de l'étude - revêtent une importance particulière, tout autant que les suggestions que l'on fait à la fin de l'étude.

1.101 Une remarque sur laquelle j'insiste particulièrement est que si le gouvernement désire vraiment améliorer la gestion productive et l'optimisation des ressources au sein de la fonction publique, il doit manifester de manière concluante qu'il s'agit là pour lui d'un réelle priorité. J'accorde une importance égale à cette autre idée que propose l'étude, à savoir que le gouvernement doit établir sciemment le noyau ou la "masse critique" des capacités en gestion dont il aura besoin au cours des vingt prochaines années. Comme l'indique l'étude, l'amélioration de toute gestion productive repose en fin de compte sur les individus.

1.102 À ce propos ,je tiens à préciser ici que ma décision de publier cette étude ne signifie en rien que j'aie voulu critiquer les fonctionnaires. Je crois au contraire que cette étude permettra de clarifier leur rôle.

1.103 Depuis mon arrivée à Ottawa, il y a trois ans, je constate un phénomène mystérieux qui se perpétue: il m'arrive de rencontrer régulièrement, en tête-à-tête, des fonctionnaires de l'État qui oeuvrent à tous les niveaux; ce sont visiblement des gens intelligents, doués d'imagination, et des travailleurs. Pourtant, je m'aperçois en même temps, par les travaux qui se font à mon Bureau, que dans un trop grand nombre de cas, leur énergie et leur intelligence ne se traduisent pas par un niveau de productivité à la mesure de leurs capacités et de leur nombre.

1.104 Notre étude, cette année, ne fournit pas toutes les réponses au mystère mais elle indique où on peut les trouver. Non seulement elle explique les raisons des entraves à une gestion productive, mais elle met aussi en lumière le fait que la nature même du secteur public exige que l'on attende de lui autre chose en matière de gestion productive que ce que l'on retrouve dans le secteur privé.

1.105 Le gouvernement fédéral est une organisation vaste et complexe. Ses couloirs sont un véritable dédale. Le fonctionnaire de l'État doit apprendre à travailler pour réussir dans une telle complexité qui elle-même, et dans une large mesure, comme notre étude le montre clairement, fait partie intégrante de la nature même du processus gouvernemental. D'autres facteurs qui contribuent à cette complexité peuvent être atténuée, voire éliminés. J'espère qu'ils le seront et que mon Bureau sera bientôt en mesure d'annoncer que les fonctionnaires du gouvernement fédéral sont soulagés d'une partie de ces contraintes.

1.106 Entre-temps, ils doivent poursuivre leur travail, sans cesser d'être fréquemment en butte à de virulentes critiques de l'extérieur, critiques auxquelles ils ne peuvent répondre alors qu'ils sont tiraillés sans répit par des exigences complexes qui consomment leur tempe et leur énergie.

1.107 En résumé, si notre examen des entraves à une gestion productive n'est qu'une modeste tentative pour faire la lumière sur les causes sous-jacentes des déficiences de la gestion dans la fonction publique, il offre en revanche une vision concrète des difficultés et des défis à surmonter pour l'amélioration de la gestion productive dans la fonction publique. Il est fort possible, en particulier, que cet examen sonne l'heure où noue avons vraiment prie conscience que le fait d'imposer des contrôles centralisée et des systèmes étendue à tout le gouvernement, quelque admirable que soit l'intention qui a présidé à leur introduction, peut ses révéler une démarche très anti-productive.

1.108 Et cependant, bien que notre étude laisse à entendre que le pendule pousse trop loin son oscillation dans le sens de l'imposition de contrôles et de systèmes de mesure, restreignant ainsi la capacité d'innover du gestionnaire quand elle ne l'éteint pas tout à fait, elle n'apporte en fait aucune preuve de cette théorie. Elle ne cherche même pas â la prouver. Elle avance simplement des suggestions.

1.109 Que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, on doit disposer de mécanismes qui permettent de savoir dans quelle mesure on a atteint les objectifs qu'on s'est fixés. Étant donné la complexité des objectifs que compte le secteur public, les instruments de mesure doivent être, eux aussi, complexes. C'est une tâche extrêmement ardue. Les détracteurs ont toutes les armes en mains pour affirmer qu'elle est irréalisable, qu'on ne parviendra jamais à la rendre rentable et que l'ensemble du processus exige trop de temps de la part des ministères. Mais accepter cela, c'est s'avouer vaincu avant d'engager le combat.

1.110 Le rôle que le gouvernement joue dans notre vie n'ira pas en s'atténuant: les rouages du gouvernement ne perdront pas de leur complexité: la nécessité de mesurer le degré d'économie, d'efficience et d'efficacité des ministères, des organismes gouvernementaux et des sociétés propriété de la Couronne n'est pas en voie de disparaître. Quelles que soient les difficultés à vaincre pour y parvenir, les mécanismes qui permettront cette mesure doivent être mis en place.

L'évaluation de programmes

1.111 L'évaluation de programmes constitue l'une de ces mesures. Elle requiert la collecte et l'analyse systématiques des données relatives aux programmes afin de parvenir à en déterminer la valeur et la pertinence. Cette activité constitue le coeur même d'une gestion optimale des ressources.

1.112 La vérification d'envergure gouvernementale, qui fait l'objet du troisième chapitre du Rapport de cette année, étudie l'évaluation de programmes. Depuis le dernier Rapport que mon Bureau a présenté en 1978 sur la question de l'évaluation de l'efficacité de programmes, un certain nombre d'initiatives encourageantes ont été mises de l'avant.

1.113 Il y a eu tout d'abord la création, par le contrôleur général du Canada, de la division de l'Évaluation de programmes, qui a dressé un cadre de politique pour la gestion et la conduite de l'évaluation de programmes au gouvernement. Ce cadre de politique représente un effort en vue de faire de l'évaluation de programmes un outil de base pour la gestion et l'obligation de rendre compte dans la fonction publique. À ma connaissance, aucune autre société industrialisée n'a tenté de mettre en oeuvre un cadre de politique aussi approfondi.

1.114 En deuxième lieu, notre vérification a permis de constater que des progrès considérables avaient été accomplis dans la formation d'unités ministérielles d'évaluation. Ces unités ont été constituées dans les 19 ministères et organismes cités dans notre étude d'envergure gouvernementale, et on les retrouve dans la presque totalité des principaux ministères du gouvernement.

1.115 En troisième lieu, les ministères qui disposent de ces unités ont commencé à effectuer des évaluations de leurs programmes. Nous avons constaté que plusieurs des travaux réalisés n'atteignent pas la qualité qu'ils auraient pu avoir, mais à mesure que les unités font de nouvelles études, la qualité s'améliore régulièrement.

1.116 L'établissement d'une fonction telle que l'évaluation de programmes sur une base qui s'étend à l'ensemble du gouvernement n'est pas une tâche facile qui ne peut non plus s'accomplir du jour au lendemain. Pourtant, jusqu'à maintenant, les progrès réalisés ont été remarquables. La plupart des unités d'évaluation sont en place et elles poursuivent des études. Si les progrès réalisés jusqu'ici doivent être affermis afin de servir d'assise pour l'avenir, le gouvernement doit renouveler l'appui qu'il accorde à cette fonction et l'importance qu'il lui attribue. D'une manière plus précise, il lui faudra redoubler d'efforts pour dénicher les personnes qui possèdent les aptitudes requises et les former pour qu'elles acquièrent la compétence nécessaire à l'exercice de cette fonction. Cela voudra dire aussi que les cadres supérieurs se montreront prêts à consacrer le temps, l'attention et les ressources qu'il faudra pour que les évaluations soient pertinentes et bien effectuées. Toutefois, la demande pour des évaluations de qualité émanant des sous-ministres, des ministres et des parlementaires jouera le rôle de catalyseur essentiel pour accélérer le processus et le perfectionner. Ceux-ci ne devront pas tolérer que ces évaluations soient manipulées. Mieux encore, ils devront faire valoir et démontrer le fait qu'ils se servent de ces évaluations pour établir des politiques publiques d'importance.

1.117 Je m'inquiète toujours de l'absence d'évaluation des objectifs publics dans les sociétés propriété de la Couronne. L'évaluation de programmes peut jouer un rôle important en clarifiant et en évaluant le degré de réalisation des objectifs qu'ont atteint ces organismes, objectifs qui engagent des deniers publics.

1.118 Au cours de notre travail, nous avons relevé certains cas où des programmes à caractère interministériel ou inter-organismes ne font l'objet d'aucune évaluation parce qu'on ne voit pas clairement à qui incombe l'obligation d'en rendre compte. Il faut prendre des mesures pour redresser cette situation et mon Bureau étudiera la question de savoir si le problème, au sens large, de l'obligation de rendre compte de tels programmes en général vaut des recherches plus poussées.

1.119 Pour conclure, je suis très préoccupé par le fait que les résultants des évaluations de programmes du gouvernement n'aboutissent pas au Parlement. Depuis la recommandation exprimée en 1980 sur cette question par le Comité des comptes publics, nous n'avons pu trouver qu'un seul cas où le rapport d'évaluation a été déposé devant la Chambre. En conséquence, je formule cette année de nouvelles recommandations afin de m'assurer que le Parlement entrera en possession de ces renseignements vitaux. Je demeure convaincu que les résultats de ces évaluations sont indispensables aux parlementaires lorsqu'ils doivent prendre des décisions au nom de leurs électeurs.

1.120 Quoi qu'il en soit, je suis encouragé par les constatations de notre vérification qui traite de l'évaluation de programmes. De toute évidence, nous avons encore un long chemin à parcourir, mais ce qui a déjà été accompli dans la presque totalité des ministères représente un vaillant effort face à une oeuvre d'une très grande complexité.

L'examen des progrès du PPCG

1.121 Entre autres sujets dignes d'intérêt et de considération, je voudrais attirer l'attention sur les progrès réalisés dans l'initiative qu'a prise le Bureau du contrôleur général (BCG) pour rendre possible le perfectionnement des pratiques et contrôles de gestion (PPCG). Le PPCG s'applique aux processus utilisés dans la planification, le contrôle et l'évaluation de programmes. Son objectif vise à l'optimisation de l'économie, de l'efficience et de l'efficacité des opérations dans les ministères et les organismes.

1.122 Notre rapport sur l'état d'avancement du PPCG se trouve dans le chapitre 17. Il signale que des améliorations régulières dans les systèmes de gestion se manifestent dans les ministères et organismes. Tout comme dans le cas de l'évaluation de programmes, il s'agit là d'une tâche complexe. Je suis heureux que le contrôleur général projette d'entreprendre une évaluation officielle du PPCG en 1984.

Absence de l'esprit de diligence

1.123 Les chapitres du Rapport annuel de cette année font ressortir un certain type de problèmes persistants. L'un d'entre eux ne cesse de m'inquiéter, soit l'absence de tout sentiment apparent e l'urgence des choses. J'en donne ici plusieurs exemples tirés de secteurs qui touchent directement les contribuables.

1.124 Mon premier exemple est extrait de notre vérification du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources dont traite le chapitre 9. Cet exemple met en cause l'Administration des mesures d'encouragement du secteur pétrolier (AMESP) qui administre deux éléments clés du Programme énergétique national (PEN): la Loi sur la détermination de la participation et du contrôle canadiens et le Programme d'encouragement du secteur pétrolier.

1.125 L'on a prévu de procéder à une évaluation de l'AMESP qui doit se terminer en 1986, mais cette date est trop tardive pour que l'information qu'on en tirera puisse être mise à profit par les gestionnaires aux étapes essentielles du cycle d'exécution des divers programmes. L'on prévoit qu'avant le mois d'avril 1985, plus de $4,6 milliards auront été déboursés en primes d'encouragement.

1.126 De plus, une telle évaluation demande la surveillance des répercussions du programme des primes d'encouragement. Cette évaluation ne se faisait pas. Les questions qui devraient faire l'objet d'une surveillance comprennent:

En regard d'un pareil niveau de dépenses et du caractère très visible de ce programme, l'échéancier projeté pour la surveillance et l'évaluation devrait préoccuper sérieusement le gouvernement.

1.127 Un autre exemple se présente également dans notre vérification du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources. Un programme fort bien connu de beaucoup de gens est le Programme d'isolation thermique des résidences canadiennes (PITRC). Depuis le lancement de ce programme, en 1977, on a admis qu'il fallait d'abord comme préalable disposer d'un système officiel d'assurance de la qualité qui permette d'en contrôler divers aspects, notamment le fini de l'exécution. Cependant, une évaluation du PITRC effectuée en 1983 nous indique que ce système n'existe pas. Là encore, la nécessité de s'assurer qu'on avait réalisé les économies d'énergie souhaitées faisait partie intégrante de l'établissement du PITRC, de même que la mise au point des prix de référence pour les matériaux utilisés dans ce programme et le besoin d'assurer une meilleure information aux consommateurs. La reconnaissance de ces exigences remonte à 1978, mais pourtant, durant toutes ces années, peu a été fait.

1.128 En toute justice, il faut dire que des mesures sont prises à l'heure actuelle pour corriger ces situations. Mais le Canadien moyen doit sûrement se demander: pourquoi ont- ils attendu si longtemps?

1.129 Notre vérification de Parcs Canada - encore un programme qui intéresse directement le mode de vie des Canadiens - révèle des problèmes qui traînent depuis longtemps, que l'on a décelés au cours des années et à l'égard desquels on ne semble apparemment pas éprouver le sentiment qu'il faut agir, et vite, pour y remédier. Entre autres problèmes, citons le cas de parcs où l'effluent des eaux d'égout a pollué les eaux qui s'y trouvent. À Banff, il a fallu que des troubles intestinaux graves s'y déclarent pour qu'on se décide à déclencher une offensive visant à procéder à des essais et à améliorer la qualité de l'eau.

1.130 Une fois de plus, en ce qui concerne un service sur lequel comptent les Canadiens, notre vérification du Programme de transports par eau du ministère des Transports évoque le cas de la localisation des systèmes du Service de gestion du trafic maritime (SGTM) qui remplissent, pour les navires de commerce, une fonction analogue à celle dont s'acquittent les systèmes de contrôle de la circulation aérienne pour les aéronefs.

1.131 Déjà en 1973, une étude de l'Administration maritime signalait la nécessité de disposer d'un cadre analytique qui permette d'évaluer les besoins et de déterminer les coûts et les avantages en matière de localisation de ces systèmes du SGTM. L'évaluation devait comprendre l'indication des lieux où il convenait d'installer ces systèmes et l'ordre de priorité des installations.

1.132 L'exigence de 1973 fut réitérée en 1975 par le Conseil du Trésor, puis relevée dans le rapport de ce Bureau en 1979 et, la même année, un examen par le ministère en donna la confirmation. Ce n'est qu'en 1980 qu'on passa à l'action. Entre-temps, plus de $ 100 millions avaient été dépensés pour 12 systèmes du SGTM, sans qu'on ait étudié suffisamment quels étaient les ports qui pouvaient le mieux en profiter.

1.133 Je prends des exemples presque au hasard dans mon rapport de cette année de cette absence répandue du sens de l'urgence des choses. On trouvera d'autres cas dans les vérifications que nous avons faites auprès du ministère des Communications, de Statistique Canada et du Secrétariat du ministère du solliciteur général.

1.134 Les conséquences peuvent être troublantes. Une autre étude importante de notre Rapport de cette année traite de la question de la gestion de l'informatique au gouvernement fédéral. À une époque où on ne peut imaginer d'assurer la multitude des services gouvernementaux sans recourir au traitement électronique des données (TED), notre étude relève "la présence de signes qui remettent en question la capacité du gouvernement de tirer parti, entièrement et sans tarder, de la nouvelle technologie".

1.135 Pour résumer les choses, la question de l'urgence est elle-même une affaire urgente. Je demande à mes vérificateurs de continuer à signaler tous les cas où de sérieux retards se sont produits, après que l'on ait signalé des situations qui exigeaient une intervention rapide.

L'information nécessaire à l'exercice des responsabilités de vérification

1.136 L'introduction du présent Rapport indique, en ce qui concerne l'exercice financier actuel, que mon personnel a été pourvu de tous les renseignements et de toutes les explications indispensables pour s'acquitter des responsabilités de vérification confiées à mon Bureau.

1.137 Pour remplir le mandat qui m'a été confié, je dois avoir la possibilité d'examiner tous les faits pertinents avant de me former une opinion et d'en faire état. Cela comprend, chaque fois que je le juge essentiel, les éléments concrets d'information que les fonctionnaires transmettent aux ministres pour leur prise de décisions, ainsi que les directives du ministre qui s'adressent aux fonctionnaires. S'il m'est impossible d avoir accès a des données, lorsque je l'estime nécessaire, je pourrais ne pas être en mesure de présenter mon Rapport, comme la Loi sur le vérificateur général me le prescrit.

1.138 Comme ce fut le cas en 1981 et en 1982, mon personnel se heurte encore à certains obstacles et à des attentes lorsqu'il cherche à obtenir les renseignements dont il a besoin. Il s'en est suivi une perte importante d'heures de travail, prises sur le temps des ministères e sur notre propre temps, pour éviter d'avoir à signaler qu'on avait refusé de me communiquer des informations essentielles.

1.139 J'ai donné à mes vérificateurs l'instruction de persister dans leurs demandes de renseignements indispensables à l'exercice des responsabilités qui découlent de la Loi sur le vérificateur général. S'il arrive, en cours d'exécution des travaux de mon Bureau, que je me voie refuser l'accès à une information jugée essentielle pour m'acquitter de mon mandat statutaire de vérification, j'en saisirai la Chambre des communes.

La gestion des ressources en matière d'information

1.140 Le présent Rapport annuel soulève un autre type de questions liées à l'information.

1.141 L'une de nos études d'envergure gouvernementale intitulée "La gestion de l'informatique au gouvernement fédéral" et trois de nos vérifications intégrées portant respectivement sur la Bibliothèque nationale, les Archives publiques et Statistique Canada ont directement rapport à la gestion de l'information. En outre, deux autres études intitulées respectivement Évaluation de programmes et Gestion du processus de prévision, de même que trois autres vérifications intégrées portant respectivement sur les Langues officielles, les Communications et le Travail, comportent d'importantes composantes sur la gestion de l'information.

1.142 Le fait que des considérations liées à la question de l'information émergent un peu partout dans notre Rapport annuel reflète, d'un point de vue philosophique, la forte tendance à cet égard dans les sociétés industrielles contemporaines. C'est une opinion fort répandue, pour ne pas dire un lieu commun chez certains penseurs et écrivains de notre temps, que le monde actuel se déplace d'une économie fondée sur la production des biens vers une économie fondée sur la production, la diffusion et le stockage de l'information.

1.143 C'est aussi un fait largement admis que les gouvernements sont de plus en plus engagés dans la compilation et la communication de l'information. En fait, je ne suis pas sans me rendre compte que mon propre Bureau est tout d'abord engagé dans la cueillette, le traitement et la publication de d'information.

1.144 La dépendance croissante de la société - et des gouvernements - envers le traitement électronique des données (TED) est partie intégrante de cette explosion dans le domaine de l'information. C'est cette dépendance qui, à mon avis, rend intéressant et important le chapitre 4 intitulé: "La gestion de l'informatique au gouvernement fédéral".

1.145 Je trouve inquiétant, alors que nombre de programmes et services gouvernementaux dépendent désormais de l'utilisation des ordinateurs, qu'il existe des doutes sérieux sur la question de savoir si le gouvernement saura tirer avantage de cette nouvelle technologie qui se développe d'année en année. Selon nos constatations, on consacre de plus en plus de temps à maintenir et développer des systèmes fondés sur une technologie informatique conventionnelle; dans le domaine de la bureautique - élément fondamental s'il en est pour tout l'appareil gouvernemental - les initiatives ont un caractère sporadique et expérimental; le moment n'est peut-être pas très loin où, sous la pression des contraintes touchant les ressources disponibles pour les nouveaux projets de développement du TED, le gouvernement se retrouvera très loin derrière le secteur privé; et il est probable qu'on devra faire face à une pénurie de personnel expérimenté dans le domaine de l'informatique.

1.146 Dans un tel contexte, les recommandations incluses dans le chapitre 4 deviennent, à mon sens, urgentes. Je me réjouis de la mise sur pied par le Conseil du Trésor d'un Groupe de travail chargé de l'informatique. C'est là une initiative courageuse du gouvernement pour s'attaquer à un problème à la fois formidable et complexe et elle devrait contribuer largement aux besoins que l'on a perçus de planifications stratégiques en matière de TED au gouvernement.

1.147 Les conclusions et recommandations de notre étude, de même que la mise sur pied du groupe de travail, se fondent, en partie, sur la reconnaissance du fait que des améliorations dans les méthodes de cueillette, de diffusion et de gestion de l'information permettraient de réaliser des économies importantes tout en améliorant l'efficience et l'efficacité des ministères et organismes.

1.148 Cependant, il y a là à mon avis une question beaucoup plus large qui a été soulevée aux États-Unis, et qui a amené le General Accounting Office à modifier ses méthodes de vérification. 11 s'agit en fait d'admettre qu'il n'y a aucune différence, à toutes fins utiles, entre la gestion des ressources en information et la gestion d'autres ressources traditionnelles comme l'argent, le personnel, les approvisionnements et le matériel.

1.149 Au Canada, faute d'avoir su reconnaître explicitement l'information comme étant une ressource précieuse et d'une grande valeur, on a omis de la soumettre aux principes usuels en matière de gestion des ressources. C'est pourquoi il n'y a eu que peu d'assurance de l'optimisation des ressources consacrées à l'information au gouvernement fédéral. Une telle situation ne peut qu'aboutir aux problèmes suivants: double emploi coûteux et isolationnisme dispendieux, en ce qui concerne les systèmes d'information du gouvernement fédéral.

1.150 Au cours de leur vérification auprès d'unités particulières, mes vérificateurs examineront le degré d'optimisation atteint dans la gestion des ressources en information.

Le rôle des agents financiers supérieurs

1.151 Au cours de l'année 1982-1983, nous avons effectué une étude visant à examiner le rôle des agents financiers supérieurs, à la lumière des conclusions formulées dans les rapports précédents et des besoins actuels et futurs du gouvernement du Canada.

1.152 Cette étude ne fait pas l'objet d'un chapitre dans le présent rapport: j'en résume cependant ici les conclusions qui m'apparaissent intéressantes et importantes.

1.153 Les conclusions de la Commission Glassco, celles de notre Étude de 1975 sur la gestion et le contrôle financiers et celles de la Commission Lambert sont unanimes sur ce point: les agents financiers supérieurs des ministères n'ont pas toujours joué un rôle efficace et dans l'exercice de leurs fonctions, ils n'ont pas suffisamment contribué aux décisions de la haute direction.

1.154 Toutefois, à cause de l'insistance croissante au gouvernement sur l'obligation de rendre compte et du nouveau Système de gestion des secteurs de dépenses (SGSD), il devient nécessaire pour les agents financiers supérieurs d'assumer un rôle élargi. La haute direction a désormais un urgent besoin de leurs conseils sur les implications des nouvelles politiques et les propositions d'attribution des ressources, et pour assurer l'intégration des processus de planification et de gestion financières des ministères, de même que pour assurer la compatibilité des divers systèmes d'information.

1.155 Notre étude de 1982-1983 laisse voir que, dans la plupart des secteurs traditionnels de gestion financière, il y a eu une amélioration sensible dans l'organisation et les responsabilités de la fonction financière. Ainsi, dans les 35 unités qui ont fait l'objet de notre examen, tous les agents financiers supérieurs sont membres du Comité de la haute direction et ils relèvent directement du sous-chef. Dans tous les cas, ils sont entièrement responsables de la conception, de la mise en oeuvre et de l'entretien des systèmes de gestion et de contrôle financiers. Ils conseillent également la direction sur l'application des lois, des directives et des politiques relatives aux questions financières. Les agents financiers supérieurs donnent également plus de conseils et de directives au personnel responsable des fonctions de gestion et de contrôle financiers à l'intérieur des ministères. Ils participent également à la sélection, à la formation et à l'évaluation de la plupart des membres du personnel engagés dans des fonctions financières.

1.156 Nous avons toutefois noté que, dans la plupart des cas, les agents financiers supérieurs procèdent de façon limitée à une analyse et à un examen indépendants des diverses propositions de planification et de ressources élaborées au sein des ministères. Je ne conteste pas que la responsabilité du contenu de ces propositions incombe aux gestionnaires d'exploitation concernés. Toutefois, les agents financiers supérieurs sont en mesure de procéder à des examens et de donner des conseils objectifs sur la validité des hypothèses, des données et des coûts des diverses propositions ainsi que sur leurs incidences pour le ministère dans son ensemble.

1.157 Dans la plupart des unités qui ont fait l'objet de notre examen, nous avons constaté que les agents financiers supérieurs sont chargés d'établir le Plan opérationnel de l'année budgétaire et le Budget des dépenses. Cependant, l'établissement des plans opérationnels pluriannuels est souvent confié à des unités de planification qui n'appartiennent pas au service des finances. Il est en conséquence impossible d'assurés que les plans opérationnels sont suffisamment intégrés aux processus de contrôle et de rapports financiers. Seule une intégration de ces deux processus peut permettre de garantir que les coûts pertinents sont comparés aux extrants prévus et réels. Parce qu'ils sont responsables des plans opérationnels de l'année budgétaire et des systèmes financiers, les agents financiers supérieurs sont dûment qualifiés pour poursuivre et assurer la continuité de cette intégration. Ils devraient donc normalement être chargés de faire en sorte que des méthodes de planification appropriées soient en place. Cela ne signifie pas qu'ils devraient préparer les plans, mais ils devraient émettre des lignes directrices, décider de la présentation, du calendrier, recueillir les informations, identifier les coûts associés aux intrants et revoir les hypothèses et les mesures de productivité incluses dans les plans.

1.158 Au niveau des ministères en général, les analyses d'écarts se limitent pour la plupart à comparer les dépenses au budget. Dans quelques cas seulement, cette analyse comportait en outre des comparaisons avec les résultats prévus, avec les résultats atteints et avec les mesures du rendement. Cependant, nous avons constaté qu'on se rend de plus en plus compte qu'il et nécessaire d'établir ce genre de comparaisons et de contrôler et d'évaluer les effets des décisions de la direction. Par exemple, le SGSD oblige les gestionnaires à fournir une foule de renseignements sur les coûts ainsi que des renseignements reliés au rendement. Afin de satisfaire à cette demande accrue de données, la plupart des ministères ont mis sur pied un grand nombre de nouveaux systèmes liés à l'informatique. Bien qu'il soit clair que la responsabilité des systèmes financiers relève des agents financiers supérieurs, la responsabilité de l'élaboration, du fonctionnement et du maintien des autres systèmes d'information est fragmentée et souvent imprécise. Ce genre de situation explique pourquoi je trouve inquiétant le fait qu'on n'ait pas su reconnaître l'information comme une ressource.

1.159 Il s'ensuit que nous ne pouvons jamais être certains que les divers systèmes en voie d'élaboration sont compatibles, permettent d'éviter tout double emploi, utilisent des données valides et fournissent les renseignements pertinents. Comme les agents financiers supérieurs sont déjà responsables des systèmes financiers, ils sont le mieux en mesure d'assurer que les systèmes en voie d'élaboration permettront l'intégration des données financières et non financières. 11 sera ainsi plus facile d'obtenir des rapports de rendement significatifs. Il serait donc pertinent que les agents financiers supérieurs soient consultés et aient leur mot à dire sur l'élaboration de tous les systèmes d'information de gestion.

1.160 Le Bureau du contrôleur général est d'avis que le rôle de l'agent financier supérieur devrait être reformulé et il a fait circuler à cet effet un document de discussion intitulé "Le principe du contrôleur dans les ministères et organismes du gouvernement du Canada". Si le rôle des contrôleurs dans les ministères était étendu de la façon proposée dans ce document, il constituerait un point de repère pour tous les ministères et organismes et il aiderait à combler la plupart des lacunes relevées précédemment.

Le Bureau du vérificateur général et la Chambre des communes

1.161 Le 3 août 1982, l'honorable Jeanne Sauvé, Président de la Chambre, me demandait d'effectuer un suivi de notre rapport de vérification intégrée de 1980 sur la Chambre des communes. Madame Sauvé et moi avons convenu que cet examen porterait sur les sujets visés dans le Rapport de 1980, soit l'organisation et l'administration, le personnel et les systèmes financiers et pratiques de la Chambre. Nous avons également convenu qu'il serait utile de rencontrer à cette occasion un certain nombre de députés afin d'obtenir leur opinion sur les modifications administratives apportées depuis 1980 et sur la qualité et le niveau des services administratifs et de soutien disponibles à la Chambre.

1.162 Au cours de notre suivi, nous avons interviewé 31 députés et avons rencontré le Comité de gestion et des services aux membres.

1.163 En remettant le rapport de notre suivi à Madame le Président, le 25 mai 1983, j'ai été heureux de pouvoir dire:

Je trouve réconfortant de constater les améliorations importantes qui ont été apportées depuis notre vérification intégrée de 1980. Vous devez vous réjouir autant que moi de constater avec quelle rapidité on a accompli ces progrès en vue d'améliorer les pratiques de gestion et l'attention accrue que l'on porte à l'optimisation des ressources dans l'administration de la Chambre des communes.

1.164 Dans sa réponse, Madame Sauvé nous disait:

Je souhaite que les conseils et l'orientation qui découlent de cette évaluation puissent nous aider à poursuivre notre réforme et raffermir le progrès que nous avons accompli, de façon à utiliser le mieux possible les ressources dont nous disposons à la Chambre des communes.

Les conseils d'administration

1.165 Dans mes observations précédentes sur l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne, j'ai exprimé ma crainte que le recours à la "convention unanime des actionnaires" prévu dans la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes n'enlève effectivement toute autonomie aux conseils d'administration.

1.166 Notre vérification de la Bibliothèque nationale du Canada - chapitre 14 du présent rapport - fait ressortir une toute autre préoccupation au sujet des fonctions d'un conseil d'administration. Nous avons ici un type de conseil différent, dont le rôle devrait être précisé.

1.167 Notre vérification de Parcs Canada, dont traite le chapitre 10 du présent Rapport, constatait que la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, qui constitue un autre type de conseil d'administration, s'était tellement intégrée aux activités de Parcs Canada qu'elle risquait de "mettre son indépendance en péril" et que le ministre et le Parlement ne pouvaient "connaître le coût total de fonctionnement de la Commission et, en conséquence, ne pouvaient lui demander de rendre compte".

1.168 Ces divers cas, ainsi que certains autres dans les rapports précédents de mon Bureau, donnent à croire que certains aspects fondamentaux des activités des conseils d'administration d'entités qui sont des instruments de la politique gouvernementale pourraient donner lieu à de nombreuses questions de la part des députés sur l'optimisation des ressources et l'obligation de rendre compte. Elles comprennent des questions sur le rôle des conseils d'administration, des critères de nomination à ces conseils et des critères d'évaluation de leur rendement.

1.169 Vu l'importance des conseils d'administration pour l'optimisation des ressources, nous nous proposons d'en faire l'objet de notre examen l'année prochaine.

Les messages essentiels du Rapport de 1983

1.170 Nous structurons nos activités de vérification de manière à ce que des équipes examinent chaque ministère et chaque organisme. Selon la portée de la vérification, une équipe peut être constituée d'un petit groupe de spécialistes de la vérification financière ou elle peut compter dans ses rangs des spécialistes d'autres domaines. Nous effectuons également, chaque année, un certain nombre de vérifications et d'études spéciales permettant d'obtenir des renseignements auprès d'un nombre suffisant de ministères pour constituer un échantillonnage statistique représentatif de la fonction publique. Il s'agit alors de vérifications et d'études d'envergure gouvernementale. Elles portent habituellement sur un sujet précis. Par exemple, cette année, nous avons effectué une étude des entraves à une gestion productive dans la fonction publique et nous avons réalisé une vérification de l'évaluation de programmes.

1.171 Nous consacrons un chapitre de notre Rapport annuel au travail de chaque équipe si, à notre avis, les constatations des vérificateurs en justifient la publication. Le lecteur trouvera sans doute utile que l'on regroupe les messages essentiels du Rapport. Par conséquent, le présent chapitre sur les questions d'une importance et d'un intérêt particuliers se termine, comme l'an dernier, par la présentation des messages essentiels du Rapport. Un message essentiel, bien sûr, ne présente qu'un très bref résumé de la question. Le sommaire, au début de chaque chapitre, donne un aperçu général du sujet traité. J'attire donc l'attention du lecteur sur le fait que, pour bien comprendre les messages essentiels, c'est-à-dire leur contexte et leurs implications, il lui faut lire le chapitre au complet.

L'évaluation de Programmes (chapitre 3)

La gestion de l'informatique au gouvernement fédéral (chapitre 4)

La gestion du processus de prévision - Ministère des Finances (chapitre 5)

Le Commissaire aux Langues officielles (chapitre 6)

Le ministère des Communications (chapitre 7)

Emploi et Immigration Canada (chapitre 8)

Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources - Programme de l'énergie (chapitre 9)

Le ministère de l'Environnement - Parcs Canada (chapitre 10)

Le ministère du Travail (chapitre 11)

Le Secrétariat du solliciteur général (chapitre 12)

Le ministère des Transports - Programme des transports par eau (chapitre 13)

La Bibliothèque nationale du Canada (chapitre 14)

Les Archives Publiques du Canada (chapitre 15)

Statistique Canada (chapitre 16)

Autres observations de vérification (chapitre 17)