Entraves à une gestion productive dans la fonction publique

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Vue d'ensemble

2.1 Au cours de nos vérifications intégrées, nous avons traité des problèmes de gestion qui existent dans la fonction publique. Nous avons également mentionné que des améliorations avaient été apportées aux méthodes de gestion au cours des années. Cependant, nous nous sommes aperçus, et ce fut l'une de nos constatations les plus troublantes, que bien des problèmes de gestion persistaient en dépit des efforts pour les surmonter. Il semble y avoir, au sein de la fonction publique, certaines caractéristiques qui n'aident pas les gestionnaires à mettre l'accent sur une gestion productive; c'est-à-dire, insister sur l'économie, l'efficience et l'efficacité et s'assurer que l'on obtient des résultats satisfaisants à un coût raisonnable. Nous avons donc entrepris cette étude spéciale pour les raisons suivantes: nous voulions mieux comprendre les difficultés liées au processus visant à élaborer et à mettre en oeuvre des améliorations dans le domaine de la gestion, nous désirions connaître les causes de la lenteur avec laquelle ce processus est appliqué et, enfin, nous tenions à déterminer les causes du caractère parfois incomplet de ce processus.

2.2 L'augmentation des dépenses de l'État et l'importance du déficit fédéral préoccupent de plus en plus le public. Tout comme ce fut le cas pour d'autres gouvernements, le gouvernement fédéral s'est trouvé dans l'obligation d'améliorer la qualité des services sans pour autant accroître la taille du budget. Ainsi, il fallait, pour fournir des services de qualité comparable, ou pour en améliorer la qualité, mettre l'accent sur une gestion plus productive, tout en faisant une utilisation réduite des deniers publics.

2.3 En dépit de l'intérêt croissant à l'égard d'une plus grande optimisation des ressources, les gouvernements ont constaté qu'il était difficile de réaliser cet objectif. Divers pays ont utilisé différentes méthodes et les résultats obtenus ont varié d'un pays à l'autre. Il semble y avoir d'importantes lacunes au sein des organisations de la fonction publique en ce qui a trait à la compréhension des problèmes de gestion et de leurs causes sous-jacentes ainsi qu'à la façon de les surmonter. Ce chapitre a donc pour but d'aider notre propre Bureau à mieux comprendre ces difficultés et également d'aider le Parlement, le gouvernement, le Cabinet et les gestionnaires à trouver une façon d'atteindre une plus grande optimisation des ressources au sein de la fonction publique du Canada.

2.4 Au cours de notre étude, nous avons interviewé un grand nombre de cadres de la fonction publique. Selon eux, il existe des entraves indues qui constituent un sérieux obstacle à la réalisation satisfaisante de l'optimisation des ressources. Ceux-ci mentionnent les répercussions des priorités politiques sur le processus de gestion, le nombre de procédures administratives auxquelles les gestionnaires doivent faire face et les facteurs qui ne favorisent pas la gestion productive et qui sont typiques de la fonction publique.

2.5 Dans certains cas, ces entraves semblent refléter davantage la perception qu'ont les gestionnaires de la situation plutôt que la réalité, et elles peuvent sans aucun doute servir d'excuses. Par ailleurs, certaines sont inhérentes à la nature du gouvernement et il peut être très difficile de les modifier. Néanmoins, la majorité des cadres supérieurs que nous avons interviewés se sont entendus pour affirmer qu'elles influençaient les gestionnaires de la fonction publique et qu'elles avaient des répercussions considérables sur les tentatives visant à améliorer la gestion productive.

2.6 Étant donné l'existence d'entraves à la gestion productive dans la fonction publique, l'on n'accorde généralement pas une grande importance à l'optimisation des ressources; de plus, les gestionnaires sont frustrés et ils manquent de motivation lorsqu'il faut accroître la productivité. Ainsi, pour ouvrir la voie à des améliorations importantes de l'optimisation des ressources, il faudrait reconnaître l'existence de ces entraves et les modifier et il faudrait vraiment s'efforcer de créer un milieu qui inciterait les gestionnaires à obtenir des résultats satisfaisants à un coût raisonnable.

L'étude

2.7 Depuis plusieurs années, nous avons mentionné, dans le cadre de nos vérifications intégrées des ministères et organismes gouvernementaux, des cas où les gestionnaires n'avaient pas tenu compte de l'optimisation des ressources. Nous avons indiqué, cependant, qu'il y avait eu des efforts consciencieux pour rectifier la situation. En effet, les ministères ont établi des systèmes de contrôle, de mesure et de rapports en vue d'aider les bons gestionnaires et d'empêcher les gestionnaires moins compétents d'exercer une gestion inappropriée. Néanmoins, nos vérifications ont révélé que l'on n'avait pas encore réussi à atteindre, de façon satisfaisante, une certaine optimisation des ressources. Notre Rapport de 1980 décrit la situation en ces termes:

Finalement, ce qui ressort de nos observations des quelques dernières années est que les meilleurs systèmes et contrôles de gestion que l'on pourrait élaborer pour le gouvernement ne régleront pas les problèmes fondamentaux révélés dans nos constatations, et confirmés par ailleurs, sauf qu'il y ait une intention et un engagement réels de la part des décideurs de tous les niveaux - et la volonté aussi bien au Parlement qu'au gouvernement - de créer un milieu offrant aux gestionnaires de la fonction publique les moyens et les stimulants nécessaires pour gérer les ressources et les deniers publics de manière économique, rentable et efficace.
2.8 De leur côté, les membres du Comité des comptes publics ont également exprimé leurs préoccupations à l'égard de la persistance de problèmes de gestion dans la fonction publique. Ils se sont demandés, par moments, s'il était réellement avantageux d'avoir un plus grand nombre de systèmes de contrôle et de règlements administratifs.

2.9 Poussés par ces préoccupations, nous avons entrepris cette étude. Étant donné la portée nécessairement très large qu'a eue notre première tentative dans ce domaine et étant donné la nature complexe et vague du problème, nous avons mené une étude publique préliminaire plutôt qu'une vérification, laquelle aurait été fondée davantage sur les preuves documentaires ou matérielles qu'exigent les normes de vérification généralement reconnues.

2.10 Les résultats des recherches qui se rapportent particulièrement à ce domaine sont assez limités. Par conséquent, nous avons cherché à établir notre propre base de données en examinant le degré de connaissance et de compréhension des personnes qui connaissent bien les divers aspects de la gestion des programmes gouvernementaux. Ainsi, cette étude se fonde en grande partie sur la façon dont les gestionnaires perçoivent et interprètent la situation ainsi que sur l'analyse de cas de gestion qui nous ont été décrits au cours d'entrevues avec un échantillon de cadres supérieurs.

2.11 Au cours de notre étude, nous avons interviewé environ 170 cadres supérieurs de la fonction publique. Ces cadres ont été choisis soigneusement de façon à inclure un certain nombre de sous-ministres ainsi qu'un échantillon représentatif de sous-ministres adjoints, de directeurs généraux et de directeurs. De plus, nous avons interviewé quelque 30 professionnels supérieurs de notre Bureau qui avaient déjà mené des vérifications auprès d'organisations du secteur public. Nous avons également étudié les réformes en matière de gestion qui ont été apportées au sein de la fonction publique au cours des 20 dernières années ainsi que la documentation didactique portant sur la gestion du secteur public. Finalement, nous avons interviewé 25 présidents-directeurs généraux et présidents de sociétés du secteur privé afin de comparer leurs témoignages et nous avons examiné les milieux de gestion d'autres juridictions gouvernementales et d'autres pays.

2.12 Cette recherche a produit une quantité considérable de renseignements sur bien des aspects de la gestion du secteur public. Lorsque nous avons analysé ces renseignements, il en est ressorti plusieurs éléments importants. Graduellement, ceux-ci se sont cristallisés en un modèle cohérent qui a, par la suite, constitué la structure de ce chapitre. En exposant nos conclusions et suggestions, nous espérons qu'elles pourront ouvrir la voie à d'importantes améliorations en matière de gestion au sein de la fonction publique du Canada.

Trois importantes entraves à une gestion productive

2.13 La principale constatation qui se dégage de notre étude est l'existence d'importantes entraves à une gestion productive dans la fonction publique. L'expression "gestion productive" signifie un type de gestion qui parvient à optimiser les ressources, c'est-à-dire, un type de gestion qui s'assure de l'utilisation économique, efficiente et efficace des ressources et des deniers publics et qui obtient des résultats satisfaisants à un coût raisonnable.

2.14 À notre avis, ces entraves ne peuvent être attribuées à un seul élément. Il semble qu'un peu partout, la nature de la structure gouvernementale soit telle que les entraves à une gestion productive continuent à surgir de façon régulière, presque par inadvertance. Nous avons constaté que c'était le cas de toutes les fonctions publiques que nous avons examinées. De plus, nous avons remarqué que ce type d'entraves était surmonté seulement dans les organisations où l'on s'efforce constamment, de manière consciente et suivie, d'agir en ce sens.

2.15 Il existe, dans toute organisation vaste et complexe, des entraves à une gestion productive. Toutefois, les cadres de la fonction publique que nous avons interviewés ont décrit trois entraves qui, au sein de la fonction publique, détournaient particulièrement l'attention des gestionnaires à l'égard de la gestion productive. Ce sont:

2.16 La première entrave mentionnée diffère des deux autres. Un grand nombre de gestionnaires de la fonction publique ont fait remarquer que le processus politique avait pour but la mise en oeuvre de priorités politiques et qu'inévitablement, le gouvernement et le secteur privé n'accordaient pas la même importance aux questions d'efficience. Ils ont également signalé que c'était aux fonctionnaires qu'il revenait d'appliquer les politiques de l'État définies dans le cadre du processus politique. Par conséquent, ces priorités ne peuvent être perçues comme étant des entraves. Elles sont liées à la raison d'être de la gestion de la fonction publique. Par ailleurs, bon nombre de cadres ont soutenu que ce processus politique pouvait, par inadvertance, contribuer à l'établissement d'importantes entraves à une gestion productive. En outre, ils ont affirmé qu'il fallait reconnaître l'existence de ces entraves dans toute analyse complète qui porte sur les difficultés et les problèmes inhérents à la réalisation des priorités d'économie, d'efficience et d'efficacité dans la fonction publique. En conséquence, nous avons également traité des répercussions qu'ont les priorités politiques sur les pratiques de gestion de la fonction publique.

Les priorités politiques ont des répercussions considérables sur la gestion productive

2.17 Les cadres de la fonction publique que nous avons interviewés se sont entendus pour dire que les priorités politiques avaient des répercussions importantes sur la gestion productive. Le processus politique comprend des préoccupations qui tendent à éclipser et à supplanter, dans une certaine mesure, la gestion productive. Par exemple, l'on cherche beaucoup à gagner l'appui du public et c'est principalement en annonçant des initiatives de politiques et de nouveaux programmes que l'on parvient à obtenir cet appui. Ainsi, les politiciens se font rarement élire pour avoir concentré leurs efforts sur une gestion productive d'opérations ministérielles. Voici ce que nous a livré, à ce propos, un haut fonctionnaire d'une province canadienne: "Le fait d'être un bon gestionnaire ne procure pas nécessairement des votes. C'est la réflexion que m'ont faite cinq ministres".

2.18 Ce phénomène ne se limite pas au Canada. Ainsi, lors d'une entrevue, un secrétaire du Cabinet des États-Unis, chargé d'administrer un ministère de 120 000 personnes, s'est exprimé en ces termes:

Vous apprenez très vite que vous n'entrez pas dans l'histoire pour avoir été un bon ou un mauvais secrétaire en ce qui a trait à la façon dont vous dirigez l'organisation et ce, que vous soyez bon administrateur ou non. Par conséquent, un secrétaire a souvent tendance à ne pas tenir compte des questions administratives car il perdrait son temps; ce n'est pas sur ces questions qu'il devrait mettre l'accent.
2.19 Le processus politique a des priorités d'ordre politique. Il est axé sur des questions de politique publique beaucoup plus larges que celles de l'efficience opérationnelle; ainsi, l'on considère que les priorités nationales constituent une composante de l'optimisation des ressources. Le programme fédéral de décentralisation en est un exemple. Si l'on évalue strictement les frais d'exploitation d'un ministère, il peut être plus coûteux de transmettre la gestion d'une opération à un bureau régional que de continuer à en confier la responsabilité à une administration centrale. Cependant, en termes d'expansion régionale, d'unité nationale ou de création d'emplois, un transfert de ce genre peut se révéler extrêmement efficace.

2.20 Par ailleurs, dans le cadre de ce processus politique, l'on cherche à établir une fonction publique qui réponde aux normes de prudence et d'intégrité exigées par le public; l'on cherche à fournir un service représentatif, communicatif et équitable. Pour s'en assurer et pour éviter le gaspillage et l'extravagance, on élabore des règlements. Toutefois, ceux-ci sont principalement de nature préventive. Ils servent davantage à contrôler les pratiques peu souhaitables qu'à entretenir celles qui sont convenables; ils servent plus à interdire qu'à encourager. Ainsi, bien qu'ils n'aient pas été établis à cette fin, ils ont pour effet d'imposer un fardeau au processus de gestion.

2.21 Nous ne mettons certainement pas en question le processus politique. Nous constatons simplement que ce processus est, de par sa nature, "politique", et que les priorités de ce dernier ont des répercussions considérables sur le processus de gestion de la fonction publique. Ces répercussions constituent l'une des principales différences entre la gestion des secteurs public et privé; il faut donc en tenir compte lorsque l'on établit des comparaisons entre les organisations de ces deux secteurs. Les entreprises du secteur privé ne sont pas tenues, dans la même mesure que le secteur public, de concilier les questions de gestion productive avec les priorités d'unité nationale, de développement régional et de bien-être national. Par contre, il ne faudrait pas abandonner toute tentative visant à améliorer l'optimisation des ressources dans la fonction publique seulement parce que l'on ne peut dissocier facilement la politique de l'administration publique. Pour minimiser ce dilemme, il faut constamment fournir des efforts, en être conscient et bien les répartir.

2.22 Un bon gouvernement ne signifie pas nécessairement une bonne gestion. Dans la fonction publique, la majorité des cadres supérieurs estiment qu'un bon gouvernement n'est pas nécessairement un gouvernement qui exerce une bonne gestion. Le processus de dotation est souvent cité en exemple. Ainsi, de l'avis des gestionnaires, l'on a ajouté, pour parfaire l'image du bon gouvernement, de plus en plus d'exigences au processus de dotation afin de veiller à ce que la fonction publique soit accessible, équitable et représentative. Cette situation et bien d'autres engendrent un processus tel qu'il est maintenant perçu comme une sérieuse entrave à la gestion productive.

2.23 Les organisations privées qui fonctionnent bien se concentrent sur quelques objectifs-clés, établissent des secteurs de responsabilités très précis, confient assez de pouvoirs aux gestionnaires et mettent l'accent sur les compétences en matière de gestion. Les gouvernements, par ailleurs, doivent satisfaire un grand nombre d'intérêts inconciliables. Ce faisant, ils favorisent, par inadvertance, un milieu où les objectifs sont multiples, où les secteurs de responsabilités sont mal définis, où les contrôles sur les pouvoirs des gestionnaires sont excessifs et où l'accent est mis sur les avis relatifs aux politiques plutôt que sur les compétences en matière de gestion.

2.24 Un grand nombre d'organisations privées qui ont du succès sont dirigées par des administrateurs qui sont là depuis bien des années et qui connaissent parfaitement les activités de leur organisation. Par contre, dans la plupart des ministères gouvernementaux, on procède fréquemment à un remaniement au niveau des sous-ministres; il est donc très difficile pour ces derniers d'acquérir une connaissance de première main relativement aux questions à propos desquelles ils sont censés prendre d'importantes décisions administratives ou donner leur avis sur les politiques.

2.25 Bien que, selon les cadres de la fonction publique, un bon gouvernement ne signifie pas nécessairement une bonne gestion, ces deux éléments ne sont quand même pas incompatibles. Cependant, il est très difficile de les concilier. Selon les constatations que nous avons faites au Canada et dans d'autres pays, il faut fournir des efforts constants pour équilibrer les demandes du processus politique et les nécessités de la gestion productive. Si aucun effort n'est fait en ce sens, les préoccupations politiques peuvent alors supplanter les questions de gestion et devenir des entraves à une gestion productive.

2.26 Les opérations du gouvernement se font au vu et au su du public. Les cadres de la fonction publique constatent que les activités gouvernementales font beaucoup plus l'objet de discussions publiques que des activités semblables du secteur commercial. Ainsi, même des cas d'abus isolés et peu importants peuvent retenir l'attention du public. Par exemple, s'il y a eu usage impropre de fonds destinés aux déplacements ou des cas d'adjudications de contrats apparemment injustes, les parties d'opposition peuvent alors poser des questions à ce sujet en vue d'embarrasser le gouvernement. Par conséquent, il peut devenir plus important de minimiser même une apparence de non-conformité à la prudence et à l'intégrité que de se concentrer sur des questions qui touchent l'optimisation des ressources.

2.27 Le milieu politique a des répercussions considérables sur la gestion. Au cours de notre étude, les cadres de la fonction publique ont fait remarquer que les propositions ministérielles visant à réduire les coûts d'exploitation n'étaient pas toujours compatibles avec les priorités politiques. De façon générale, l'on propose de prendre des mesures plus économiques en ce qui a trait aux services ferroviaires offerts aux voyageurs, aux effectifs de défense, aux bureaux de douanes, aux aides à la navigation, etc. Les parties visées ont cependant tendance à considérer ces modifications comme une réduction des services gouvernementaux plutôt que comme une amélioration de la productivité au gouvernement.

2.28 Cette situation semble créer des dilemmes embarrassants pour les gestionnaires de la fonction publique. D'une part, on les exhorte à minimiser les coûts. D'autre part, les initiatives qu'ils prennent pour réaliser cet objectif ne sont pas acceptables. Ils se rendent bien vite compte que l'on incite davantage à accroître la portée des programmes qu'à la réduire et que les questions de productivité tendent à s'estomper au profit des priorités politiques.

2.29 Les gestionnaires de la fonction publique croient qu'il est peu probable qu'ils soient évalués d'après les efforts qu'ils fournissent en vue de l'utilisation productive des ressources. Leur évaluation est plutôt fondée sur des accusations éventuelles d'extravagance ou de traitement inéquitable et sur l'embarras que cela engendre. Par conséquent, ils se préoccupent davantage de la façon dont ils obtiennent un résultat que du résultat lui-même, davantage de la légitimité du moyen que de la fin et davantage du processus que du produit. Ainsi, ils sont beaucoup plus portés, dans l'exercice de leurs fonctions, à éviter toute complication gênante qu'à favoriser un type de rendement axé sur la . productivité.

2.30 La majorité des cadres canadiens et étrangers que nous avons interviewés ont affirmé que le processus politique n'incitait à la gestion productive que de façon très restreinte (voir la pièce 2.1). Dans les cas où nous avons constaté que les gestionnaires se préoccupaient en général de l'optimisation des ressources, il y avait invariablement des incitations à cet effet provenant du processus politique. Dans l'État de Bavière, par exemple, l'on a établi en 1978 une commission visant à simplifier l'administration du gouvernement, laquelle relève directement du Premier ministre. Elle a pour tâche de recommander des mesures qui servent à simplifier l'administration du gouvernement, à l'activer et à la rentabiliser davantage. La conclusion semble bien évidente: pour accroître l'optimisation des ressources dans la fonction publique, le processus politique devrait favoriser de façon consciente et soutenue la gestion productive.

La pièce n'est pas disponible

2.31 Pour favoriser la gestion productive, il faut, à notre avis, que le Parlement, le gouvernement et le Cabinet s'efforcent, de façon délibérée et continue, de faire l'équilibre entre les priorités politiques et les questions d'optimisation des ressources. De plus, il faut que ceux-ci s'engagent fermement à tenir compte d'un degré plus élevé d'économie et d'efficience en ce qui a trait aux programmes du gouvernement et à leur réalisation. Ils doivent également être disposés à examiner les répercussions contraignantes des procédures administratives qui servent à réglementer la fonction publique. Finalement, il faut concevoir une politique officielle selon laquelle les gestionnaires de tous les niveaux seraient tenus de soumettre des propositions visant à atteindre une plus grande optimisation des ressources, afin que l'on puisse citer des cas exceptionnels de gestion productive.

Les gestionnaires se sentent gênés de façon indue par le nombre de procédures administratives et par les exigences contradictoires en matière d'obligation de rendre compte

2.32 Selon les gestionnaires que nous avons interviewés, l'ensemble des règlements administratifs et les exigences incompatibles en matière d'obligation de rendre compte constituent la deuxième entrave importante à une gestion productive, étant donné que ces deux éléments restreignent le pouvoir et l'autonomie des gestionnaires. La majorité des cadres de la fonction publique que nous avons interviewés ont indiqué qu'ils pourraient gérer de façon plus productive si les règlements étaient moins nombreux et moins détaillés. Ils ont affirmé qu'un grand nombre de règlements nécessitaient du personnel supplémentaire, ce qui augmentait les dépenses du gouvernement. Ils ont toutefois mentionné qu'il y avait un écart considérable entre l'aptitude et la volonté des gestionnaires à résoudre avec efficacité les entraves en question.

2.33 Une plus petite proportion de cadre interviewés croient qu'il n'y a pas trop de règlements; à leur avis, il est indispensable d'avoir des règlements pour empêcher les gestionnaires moins compétents d'agir de façon irresponsable. Ils soutiennent qu'il est difficile d'évaluer les résultats, étant donné que les gestionnaires ont rarement des objectifs bien définis en ce qui concerne le rendement et que, par conséquent, le processus de gestion lui-même doit être réglementé de façon rigoureuse.

2.34 D'autres études effectuées dans la fonction publique tendent à confirmer l'opinion selon laquelle la réglementation actuelle constitue un lourd fardeau pour les gestionnaires. Voici ce que le Comité Burns sur la rémunération du personnel de direction, un groupe de cadres supérieurs du secteur privé qui conseillent le gouvernement sur la rémunération des cadres du secteur public, mentionne à ce sujet dans son rapport de 1982:

L'atmosphère globale dans laquelle les gestionnaires travaillent influe dans une large mesure sur l'efficacité de leur rendement. Peuvent-ils réussir à jouer leur rôle essentiel qui est de gérer par l'entremise de leur personnel la prestation efficace et effective de services aux citoyens si leur liberté de manoeuvre est limitée et si la multitude de mécanismes et règlements complexes n'est pas modifiée pour qu'il soit tenu compte des aspects pratiques de la prestation des services? Le Groupe consultatif estime que le milieu dans lequel les gestionnaires dirigent programmes et personnel devrait faire l'objet d'une réflexion coordonnée.
2.35 Nous sommes conscients du fait qu'il y a toujours un certain degré de mécontentement dans toute organisation importante. Toutefois, la portée et l'intensité de la frustration que nous avons décelée étaient frappantes. Si une grande partie des cadres de la fonction publique perçoivent qu'ils n'ont pas suffisamment de pouvoir et d'autonomie pour gérer aussi bien qu'ils le pourraient, alors cette perception elle-même représente une importante entrave à une gestion productive.

2.36 Le pouvoir des gestionnaires est restreint. Les cadres supérieurs que nous avons interviewés ont signalé que le fardeau restreint particulièrement les domaines suivants: le pouvoir de sélectionner et d'engager du personnel; la souplesse nécessaire à l'élaboration de méthodes spécialement adaptées à des conditions locales; la liberté de choisir un amalgame optimal de ressources en vue d'obtenir une productivité maximale.

2.37 La pièce 2.2 expose les 10 principales entraves auxquelles font face les cadres supérieurs que nous avons interviewés. Chacune de ces entraves n'est pas perçue comme un grave problème, sauf peut-être lorsqu'il s'agit de la dotation. Toutefois, lorsque ces entraves deviennent un enchevêtrement de règles, de règlements, de directives, d'interdictions et de contrôles, les gestionnaires oublient les questions d'optimisation des ressources.

La pièce n'est pas disponible

2.38 De toutes les entraves que mentionnent les cadres de la fonction publique, l'on considère les problèmes de dotation comme les plus persistants et les plus frustrants. Selon la majorité des cadres que nous avons interviewés, la période nécessaire pour doter un poste est vraiment trop longue, étant donné les exigences du service.

2.39 Les cadres de la fonction publique affirment que le fardeau des règlements détaillés qui sont établis à l'échelle du gouvernement constitue l'une des raisons pour lesquelles on recourt de plus en plus aux sociétés de la Couronne pour mener les activités gouvernementales. Ils ont souligné le fait que les sociétés de la Couronne jouissent d'une plus grande souplesse que les ministères lorsqu'elles traitent de questions telles que la dotation, l'adjudication de contrats, les acquisitions et les projets d'équipement. Par conséquent, celles-ci peuvent concevoir leurs propres procédures administratives pour satisfaire aux besoins particuliers de leurs opérations. Les cadres de la fonction publique soutiennent que si les ministères disposaient d'une aussi grande flexibilité, la gestion serait plus productive.

2.40 Les gestionnaires sont confrontés à des demandes contradictoires. Ils estiment que leurs efforts visant à réaliser des programmes satisfaisants à un coût raisonnable sont gênés par des attentes inconciliables de la part d'organismes centraux, de groupes d'employés ministériels, de ministères qui administrent des services publics et d'organismes de contrôle.

2.41 Le Conseil du Trésor détermine la façon dont les ministères établissent leur budget, classifient les postes et organisent les différentes tâches. La Commission de la Fonction publique donne des prescriptions aux gestionnaires sur la façon d'engager du personnel et de leur procurer de l'avancement. Le contrôleur général établit des lignes directrices en rapport avec la vérification interne et l'évaluation. Le ministère des Approvisionnements et Services établit des procédés d'acquisition. Les Travaux publics sont chargés de l'acquisition et de l'entretien des locaux. Des groupes d'employés de ministères font des recommandations aux gestionnaires sur la façon de concevoir des plans, de s'occuper du personnel, d'appliquer les divers règlements, de tenir les comptes et de mesurer le rendement. Des groupes de vérificateurs s'assurent qu'il n'y a pas de lacunes et, le cas échéant, formulent des recommandations en vue d'apporter des changements. Chacun de ces groupes a un certain pouvoir d'indiquer aux gestionnaires la façon dont ils devraient agir, mais il n'assume aucune responsabilité, ou presque, en ce qui a trait aux résultats des actions des gestionnaires, même si ces résultats se révèlent insatisfaisants par suite de demandes incompatibles.

2.42 La Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité a traité, en 1979, du problème des liens imprécis en matière de pouvoirs et de responsabilités. Dans son rapport, elle juge "indispensable de bien préciser quels sont les pouvoirs des sous-ministres en matière d'administration et de leur demander d'en rendre compte".

2.43 La plupart des cadres supérieurs que nous avons interviewés ont constaté que, depuis ce temps, on avait très peu progressé à ce sujet. En effet, on ne connaît pas parfaitement l'étendue des pouvoirs des sous-ministres et on ne sait pas très bien à quelles personnes et à quels sujets ceux-ci doivent rendre des comptes. La pièce 2.3 illustre les rapports qui existent entre la gestion des ministères et les autres organisations en matière de responsabilités.

La pièce n'est pas disponible

2.44 Des études de cas démontrent que des exigences inconciliables en matière d'obligation de rendre compte peuvent créer d'importants problèmes. Le problème des demandes inconciliables nous a été décrit au cours des entrevues avec les cadres supérieurs. Pour donner un aperçu de situations actuelles, nous avons mené des études de cas. Ce chapitre comprend donc des résumés pour chacun des trois cas exposés. Il ne s'agit pas de cas nécessairement typiques de situations dans lesquelles des gestionnaires se trouvent dans la fonction publique. Il s'agit néanmoins de situations réelles et qui illustrent le fait qu'il faut parfois consacrer beaucoup de temps et d'efforts pour surmonter des exigences inconciliables en matière d'obligation de rendre compte.

2.45 Le cas no. 1 (pièce 2.4) nous montre comment quatre ministères ont dû prendre environ deux ans pour déterminer lequel d'entre eux assumerait la présidence d'un comité interministériel. Chacun de ces ministères avait des priorités qu'il se croyait obligé de respecter. Il n'y avait pas de mécanisme d'examen commun pour résoudre ce problème. Il a fallu que le Cabinet autorise un retrait de fonds déjà approuvé pou que les ministères en question en arrivent à un consensus. Ce cas est remarquable, étant donné la tâche importante du comité: contrôler les activités liées à l'utilisation et à l'élimination de produits chimiques hautement toxiques.

CAS NO. 1 - Concilier des priorités contradictoires : le contrôle des produits chimiques toxiques
Les produits chimiques toxiques peuvent profiter à l'agriculture mais ils peuvent également être néfastes à la santé des personnes. Cinquante-huit lois du Parlement régissent l'utilisation des produits chimiques toxiques et vingt-quatre ministères et organismes fédéraux participent à des activités qui portent sur ces produits. Quatre ministères sont responsables de la majeure partie de ces activités: il s'agit de l'Agriculture, de l'Environnement, de Pêches et Océans et de Santé et Bien-être social.

En 1981, le Conseil du Trésor se montre préoccupé du fait que la structure actuelle qui sert à contrôler l'utilisation des produits chimiques toxiques ne convient plus. En conséquence, il incite les quatre ministères-clés à former un comité qui coordonnerait de nouvelles ressources en rapport avec les programmes axés sur les produits chimiques toxiques.

Peu après, le Conseil du Trésor n'est pas persuadé que les quatre ministères en question accordent assez d'importance à la coordination de leurs activités. Ainsi, il obtient la permission du Cabinet de retirer des fonds déjà approuvés et qui devaient servir à des activités portant sur des produits chimiques toxiques, et ce, jusqu'à ce que les quatre ministères présentent un plan d'action.

Avant le mois d'octobre 1982, les quatre ministères avaient établi un mandat pour le Comité mais ils ne pouvaient s'entendre sur le choix du président. En effet, le fait qu'un seul ministère, à titre de président, puisse diriger la planification et le financement inquiétait ces derniers, étant donné que chacun d'entre eux avait ses propres priorités.

Finalement, le problème fut résolu au mois de mai 1983 lorsque le ministère de l'Environnement se vit assigner la présidence pour les trois premières années. Il a fallu près de deux ans pour régler la question de la présidence d'un comité qui orienterait l'utilisation et l'élimination d'énormes quantités de substances hautement toxiques.


2.46 Le cas no. 2 (pièce 2.5) décrit combien il peut être difficile de modifier la classification de postes. Le ministère en question croyait qu'il devait demander cette reclassification afin de maintenir l'efficacité de ses services. Par ailleurs, l'organisme central de révision croyait qu'il devait rejeter cette demande; étant donné les préoccupations devant la prolifération de certains groupes d'employés au gouvernement. Il a fallu six ans pour résoudre ce problème.

CAS NO. 2 - Concilier des demandes contradictoires : la reclassification de postes
En 1976, Travail Canada constate qu'il n'est plus en mesure d'attirer et de garder des agents de conciliation à cause d'un régime de rémunération insuffisante. Il considère alors que cela peut nuire à l'efficacité de son service de médiation et de conciliation. Par conséquent, il propose au Conseil du Trésor de reclassifier ses agents de conciliation et de médiation et de les faire passer du groupe de la Gestion des programmes à la catégorie du Personnel, laquelle offre des échelles de traitement plus étendues et comprend la rémunération au rendement.

De son côté, le Conseil du Trésor n'est pas convaincu qu'il s'agit de problèmes de rémunération insuffisante. Par ailleurs, il y avait déjà eu, dans le passé, un certain nombre de difficultés analogues en rapport avec le régime de rémunération et celles-ci avaient été temporaires. En outre, le fait d'approuver cette demande aurait créé un précédent pour les autres groupes qui auraient voulu faire des demandes semblables. Finalement, l'on était sur le point d'établir le groupe de la Gestion supérieure, ce qui toucherait de toute façon plusieurs catégories. Selon le Conseil du Trésor, le problème de Travail Canada était essentiellement lié à une question de structure. La demande de reclassification est donc rejetée.

Les demandes inconciliables du ministère et du Conseil du Trésor menèrent à un long processus de consultation, ponctué de frustrations et de sautes d'humeur.

Après quatre années de négociations, le sous-ministre du Travail et le secrétaire du Conseil du Trésor doivent intervenir personnellement pour dénouer l'impasse. Les représentants du Conseil du Trésor conviennent alors qu'il faut prendre des mesures. Ils autorisent donc l'établissement d'un nouveau sous-groupe de classification au sein du groupe de la Gestion des programmes. Normalement, la création de sous-groupes est contraire à la politique du Conseil selon laquelle il faut restreindre le nombre de groupes et de classifications de la fonction publique. On ne peut faire un exception que lorsque le besoin est urgent et lorsque le demandeur persiste dans sa demande.

Finalement, les deux organisations parviennent à s'entendre sur les mesures à prendre; toutefois, il aura fallu deux ans pour établir le sous-groupe en question et les régimes de rémunération qui s'y rattachent. Le coût de ces augmentations de traitement a été, de façon surprenante, très peu élevé : en effet, il a fallu octroyer seulement $ 150 de plus par année pour chacun des 23 employés, soit un total de $ 3 400. Néanmoins, il s'était écoulé six ans depuis la proposition initiale de reclassification.


2.47 Le cas no. 3 (pièce 2.6) résume un conflit qui porte sur le chevauchement des mandats de deux ministères. L'un d'eux imprimait des cartes depuis environ un siècle; toutefois, ce service était contesté par un autre ministère dont le mandat comprenait également la prestation de services d'impression. Ce conflit a duré sept ans et, selon une étude, a entraîné des coûts inutiles de plus de $ 900 000. Ce cas illustre combien il peut être difficile d'améliorer la productivité lorsque des mandats ministériels se chevauchent et lorsque les moyens d'atteindre cet objectif sont contestés. Le ministère des Approvisionnements et Services (MAS) a indiqué qu'il a modifié son approche de façon à établir une ligne de démarcation plus claire entre la fonction de service et celle du contrôle. Selon le MAS, cette mesure contribuera à éviter les problèmes qui ont surgi dans ce cas-là.

CAS NO. 3 - Concilier des mandats contradictoires : l'acquisition d'une presse typographique
La direction des Levés et de la Cartographie du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources produit des cartes du Canada depuis près d'un siècle. En 1975, elle constate que l'accroissement de ses coûts d'exploitation est attribuable au fait que ses presses typographiques désuètes sont souvent défectueuses. Elle demande donc au ministère des Approvisionnements et Services de lui obtenir une presse typographique moderne. Le MAS lui indique alors qu'il faut résoudre trois questions avant de faire cette acquisition : le propre mandat d'impression du MAS semble entrer en conflit avec la tâche d'impression effectuée au EMR; il serait peut-être plus économique que le travail d'impression du EMR soit donné à contrat; il pourrait être judicieux de consolider les activités d'impression du MAS et du EMR.

On ne parvient pas à s'entendre; les deux ministères regroupent les opinions qui sont en faveur de leurs points de vue respectifs. Le conflit dure longtemps et une série de ministres et de cadres supérieurs des deux parties doivent intervenir. Les deux parties s'entendent uniquement sur le besoin d'accroître la capacité d'impression.

Après quatre années de conflits environ, le EMR envoie une soumission au Conseil du Trésor pour lui demander d'approuver cette acquisition. Le secrétariat du Conseil du Trésor conclut cependant que l'arbitrage des conflits de ce genre n'entre pas dans son rôle. Il exhorte donc les deux ministères à s'entendre de leur propre chef.

C'est seulement au mois de janvier 1983, date à laquelle le ministre des Mines tient à envoyer une soumission au Conseil du Trésor, que la controverse se règle. Le Conseil juge alors que le EMR devrait obtenir sa nouvelle presse typographique.

Il s'est écoulé sept ans entre la demande initiale et l'approbation finale. Durant toutes ces années, le conflit a porté principalement sur la question du mandat, à savoir, quel ministère avait le droit d'imprimer des cartes. Selon une étude, le EMR aurait pu épargner jusqu'à $ 900 000 en coûts d'exploitation s'il avait été en mesure d'installer une nouvelle presse au moment de la demande initiale.


2.48 En plus des trois cas susmentionnés, nous avons étudié les répercussions qu'avaient eues certains règlements établis à l'échelle du gouvernement sur la gestion de deux projets prioritaires: l'établissement du Programme national de l'énergie au ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources et le projet Télidon au ministère des Communications. Comme nous l'indiquons dans le chapitre 9 qui porte sur le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources, de sérieux problèmes ont surgi lorsqu'il a fallu embaucher des personnes dont on avait besoin en rapport avec un programme qui prenait rapidement de l'expansion, et ce, malgré la souplesse et l'appui qu'avaient démontrés certains organismes centraux. Dans le cas de Télidon, certaines des procédures administratives traditionnelles ne se sont pas adaptées aux besoins de cette organisation axée sur la haute technologie, qui évoluait très rapidement et qui devait faire face à une très forte concurrence internationale là où le temps était un facteur déterminant.

2.49 Des commentaires analogues ont été formulés au cours d'entrevues avec des gestionnaires régionaux qui administrent des programmes qui fournissent des services directs au public. Ces gestionnaires sont censés être conscients de leurs obligations, soit, se conformer aux processus administratifs de la fonction publique. Par ailleurs, ils doivent également être prêts à répondre à la demande, soit, satisfaire les besoins des divers groupes- clients. Il arrive fréquemment que ces exigences entrent en conflit et qu'elles soient difficiles à concilier; par conséquent, la qualité du service offert peut en souffrir.

2.50 Ces cas, et d'autres exemples, démontrent que des exigences inconciliables en matière d'obligation de rendre compte peuvent engendrer des degrés de frustration, de conflits et d'inaction improductifs. Ils indiquent que les mandats et les procédures administratives devraient, dans la mesure du possible, être conçus pour s'adapter aux exigences particulières des programmes, de façon à créer des conditions favorables à une gestion productive. Les exemples illustrent toutefois que la solution des problèmes aussi bien que la réalisation d'une gestion productive en général sont de beaucoup fonctions de la compétence et de la motivation des gestionnaires. Jusqu'à un certain point, les mécanismes administratifs seront vraisemblablement toujours imparfaits. Les gestionnaires doivent en conséquence pallier ces faiblesses en s'assurant qu'ils interprètent et appliquent ces mécanismes de façon appropriée. En autant que l'on puisse compter sur les gestionnaires pour ce faire, les procédures administratives pourraient en effet être moins nombreuses et plus flexibles.

2.51 La gestion productive dépend des gestionnaires. Il est peu probable qu'elle se réalise à l'aide de systèmes de contrôles, de règlements et de normes. Ces éléments peuvent, au mieux, aider à éviter que des gestionnaires n'exercent une gestion vraiment "mauvaise". La gestion productive repose, en grande partie, sur l'initiative de gestionnaires compétents. La pièce 2.7 présente les opinions de quelques cadres supérieurs à ce sujet.

La pièce n'est pas disponible

2.52 Au cours de notre étude, nous avons constaté que certains gestionnaires réalisaient les objectifs de leurs programmes et que, du même coup, ils tenaient dûment compte de l'économie et de l'efficience. De façon typique, ils comprennent bien les opérations des organismes centraux, ils connaissent parfaitement leur ministère et ils sont disposés à négocier avec les groupes d'employés et les organismes centraux pour s'adapter à des entraves de façon à répondre aux nécessités du service.

2.53 D'autre part, nous avons constaté que certains cadres supérieurs faisaient très peu de cas des questions liées aux opérations et à la gestion. Ils sont peu disposés à négocier avec les organismes centraux pour s'adapter à des entraves ou pour diriger des groupes d'employés de façon à élaborer des méthodes qui répondraient à des besoins particuliers. Cette attitude aggrave le problème que représentent les entraves.

2.54 Dans l'ensemble, nous avons constaté que bien que les gestionnaires se soient empressés, de façon générale, d'exprimer leur désarroi face aux entraves, très peu d'entre eux s'étaient vraiment efforcés d'en évaluer les véritables répercussions, d'étudier des façons de contrer leurs effets négatifs ou de présenter des solutions de rechange. Si l'on prend l'exemple de gestionnaires efficaces, il en ressort que les gestionnaires de tous les niveaux devraient être en mesure de développer leurs connaissances et leurs aptitudes de façon à faire face aux entraves plus positivement qu'ils ne le font actuellement. Ceci pourrait être particulièrement caractéristique des procédés qui touchent le personnel auxquels les gestionnaires ont traditionnellement accordé moins d'importance qu'il faudrait.

2.55 Le peu d'efforts à faire face aux règlements et aux entraves de façon plus positive semble notamment être attribuable au fait que bon nombre de gestionnaires ne comprennent pas très bien les responsabilités et les problèmes qu'ils ont les uns les autres. Au cours de nos entrevues, nous avons remarqué qu'il y avait un manque de compréhension surprenant entre les ministères et les organismes centraux, les administrations centrales et les régions, les cadres supérieurs et intermédiaires et, finalement, entre les gestionnaires hiérarchiques et les spécialistes fonctionnels. Cette situation favorise le syndrome "personne ne m'aidera", ce qui donne lieu à des plaintes plutôt qu'à des mesures positives face aux entraves administratives.

2.56 Au cours de nos entrevues, nous avons décelé certains cas où des sous-ministres ou d'autres cadres supérieurs avaient fait des efforts considérables pour surmonter ce problème de communication. En effet, ils ont examiné les répercussions qu'avaient les entraves sur les opérations. Ils ont sensibilisé divers groupes d'employés et organismes de services aux nécessités du service. Ils ont réussi à faire naître une certaine compréhension entre les gestionnaires de l'administration centrale et ceux des régions. Par conséquent, toute l'équipe de gestion avait un esprit de corps qui leur a permis de collaborer de façon productive à la solution des problèmes d'ordre opérationnel. Ces exemples indiquent que la gestion productive repose en grande partie sur les efforts concertés de chaque gestionnaire qui bénéficie d'une direction et d'un appui fermes de tout l'ensemble.

Il y a beaucoup plus de facteurs qui n'incitent pas à la gestion productive que d'éléments qui la favorisent

2.57 Selon les gestionnaires de la fonction publique que nous avons interviewés, la troisième entrave importante est le manque d'incitation à une gestion productive dans la fonction publique et le nombre de facteurs qui ne favorisent pas ce type de gestion. Dans les organisations du secteur privé, le besoin de produire des biens et des services que le public achètera et, par ailleurs, le maintien d'un degré d'efficience suffisant pour permettre de faire des profits constituent l'incitation fondamentale à la rentabilité. Au sein de la fonction publique, ce "concept" n'existe pas en dépit des tentatives visant à utiliser l'évaluation des programmes comme principe de base. En conséquence, il y a très peu d'attitudes fondamentales qui incitent à des efforts continus en vue d'améliorer la productivité.

2.58 Incitations. Des interviewés nous ont indiqué que la gestion innovatrice et productive n'était généralement pas due à des incitations efficaces mais que c'était plutôt le fait de gestionnaires exceptionnellement motivés. Ces derniers mettent leur fierté à agir selon une norme d'excellence et ils sont personnellement convaincus que la réalisation de l'optimisation des ressources est un aspect important de leurs tâches de gestionnaires. Les incitations sont habituellement perçues en termes de rémunération directe et supplémentaire, par exemple la rémunération au rendement et les primes, que l'on verse à la suite de réalisations exceptionnelles. Il appert, selon des recherches effectuées à ce sujet, que les incitations d'ordre monétaire sont très importantes. Toutefois, les incitations et les récompenses pourraient également prendre la forme de prestations de retraite supplémentaires, de congés sabbatiques, d'affectations de formation, de projets particulièrement intéressants, d'une plus grande autonomie au travail, de milieux de travail très attrayants ou d'une reconnaissance publique par l'octroi de prix qui couronnent des réalisations remarquables. Actuellement, la fonction publique fournit peu d'incitations à ses gestionnaires pour qu'ils s'efforcent d'atteindre une optimisation des ressources.

2.59 Facteurs défavorables. Au cours de notre étude, des interviewés nous ont mentionné un certain nombre de facteurs qui tendent à entraver une gestion productive: le peu de prestige lié à la gestion d'opérations, comparativement à l'importance que l'on attache à la formulation d'avis qui concernent les politiques; le risque plus grand pour le gestionnaire hiérarchique de causer de l'embarras sur la scène politique, et d'être pénalisé, comparativement à celui qu'encourt le spécialiste fonctionnel; le fait d'avoir à concilier des demandes inconciliables qui excèdent les pouvoirs du gestionnaire: l'obligation de réduire les ressources lorsqu'il semble y avoir un gaspillage de fonds dans d'autres secteurs; l'absence de reconnaissance et de récompenses à l'égard d'une gestion productive. La pièce 2.8 donne un échantillon représentatif des opinions émises à ce sujet.

La pièce n'est pas disponible

2.60 Les cadres supérieurs interviewés ont également mentionné un certain nombre de facteurs défavorables qui, à leur avis, pourraient être modifiés afin de minimiser les conséquences négatives:

2.61 Bien que les cadres supérieurs critiquent le fait qu'il y ait des facteurs défavorables à une gestion productive, ils sont toutefois conscients que les mesures susmentionnées n'ont pas été conçues pour frustrer les gestionnaires. Elles font simplement partie du processus de gestion qui régit les organisations importantes et complexes. Néanmoins, ces éléments négatifs ont des répercussions considérables sur la gestion productive.

2.62 Les répercussions des facteurs défavorables. L'absence virtuelle d'incitations associée au grand nombre de facteurs défavorables semble ne pas favoriser une gestion productive. Au début, les gestionnaires ne se sentent pas incités à améliorer l'optimisation des ressources, même s'ils voient la possibilité de le faire. A la fin, il se peut qu'ils ne voient plus ni la possibilité ni le besoin d'accroître l'optimisation des ressources. De plus, lorsqu'il y a des critiques à l'égard du manque d'efficience dans la fonction publique, ils tendent à réagir de façon cynique. Selon les interviewés, ceux qui se préoccupent véritablement de l'optimisation des ressources croient qu'ils ne méritent pas ces critiques, étant donné que certains facteurs les incitent presque a gérer de façon moins productive qu'ils le pourraient et que, par conséquent, leur motivation et leur mural déclinent.

2.63 Une autre répercussion des facteurs défavorables semble être leur inclinaison à engendrer des contrôles. Dans la mesure où les gestionnaires accordent moins d'attention qu'ils le devraient à l'optimisation des ressources à cause de ces facteurs, l'on établit des contrôles pour neutraliser cette prédisposition. Mais ces contrôles peuvent en eux-mêmes contrecarrer la gestion productive. Par exemple, le contrôle des années-personnes permet au gouvernement de limiter le nombre d'employés dans les ministères. Toutefois, comme l'ont mentionné les gestionnaires interviewés, cela n'empêche pas les tendances connexes a utiliser le plus grand nombre possible d'employés très bien rémunérés ou à avoir recors à des agents contractuels pour compléter l'effectif. Pour limiter ces tendances, il faut établir plus de contrôles encore. Ainsi, les facteurs négatifs et les contrôles semblent se nourrir l'un de l'autre, et tous deux nuisent à la réalisation de l'optimisation des ressources. De l'avis des cadres de la fonction publique, ces contrôles pourraient être moins nombreux et plus efficaces si l'on tentait de réduire le nombre de facteurs défavorables ou de les éliminer et si l'on instaurait des incitations appropriées.

De quelle façon les organisations ont-elles cherché à améliorer la gestion productive?

2.64 Dans le cadre de notre étude, nous avons examiné des tentatives visant à améliorer la gestion dans la fonction publique canadienne ainsi que dans les fonctions publiques de la province de l'Ontario, de la République fédérale d'Allemagne, des États- Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie. Nous avons également analysé les méthodes de gestion d'un certain nombre de sociétés du secteur privé situées au Canada et aux États-Unis.

Améliorations au sein de la fonction publique du Canada

2.65 Au cours des années, il y a eu bien des tentatives pour améliorer la gestion dans la fonction publique par suite des nouveaux objectifs sociaux, de l'augmentation du nombre de programmes et de l'accroissement des dépenses. Au cours des cinq dernières années, l'on s'est efforcé tout particulièrement d'améliorer l'obligation de rendre compte et les méthodes de gestion. Par exemple:

2.66 Par ces initiatives, l'on a tenté d'améliorer les systèmes de gestion ainsi que les données dont on disposait et l'on s'est efforcé d'accroître la capacité à surveiller et à contrôler les activités et les dépenses des ministères.

2.67 Il n'est pas surprenant que ces initiatives puissent aussi créer des problèmes. Des gestionnaires de la fonction publique nous ont mentionné qu'on leur demandait davantage de se conformer aux règlements, qu'ils avaient de plus en plus de comptes à rendre, qu'ils avaient d'autres cadres de responsabilités et, évidemment, que les tâches d'écritures étaient accrues. Entre-temps, la plupart des facteurs qui nuisent à une gestion productive sont toujours présents.

2.68 Les organismes centraux ont indiqué qu'ils essayaient graduellement de réduire le nombre d'entraves à la gestion. Le Conseil du Trésor a mentionné que grâce à son projet de déréglementation, il avait éliminé un certain nombre de règlements et que, dans la mesure du possible, il émettait des lignes directrices générales au lieu de règles précises. Il a indiqué qu'il avait établi des seuils pour chaque ministère en ce qui a trait notamment aux dépenses en capital, ce qui permet aux ministères de ne demander une approbation officielle que lorsqu'ils ont l'intention de dépasser le seuil qui leur est alloué. Dans les domaines tels que le bilinguisme et l'égalité d'accès à l'emploi, le Conseil du Trésor affirme qu'il a réduit les exigences pour ce qui est de faire rapport en contrôlant l'état des activités de façon sélective, au moyen de résultats tirés des systèmes d'information des ministères.

2.69 En ce qui a trait au secteur du personnel, la Commission de la Fonction publique mentionne qu'elle s'est efforcée de rationaliser le processus de dotation, au moyen d'une déréglementation et de l'examen continu des méthodes de dotation. Elle affirme qu'elle fait également l'essai d'une nouvelle structure en rapport avec la délégation des pouvoirs en matière de dotation, afin de tenir compte des situations dans les ministères. Un projet pilote qui vise à prévoir des dispositions adaptées à des besoins particuliers en dotation est en cours au ministère des Travaux publics. La Commission a fait remarquer qu'elle a pris des initiatives pour accroître l'obligation de rendre compte des gestionnaires hiérarchiques en ce qui a trait au processus de dotation. Elle a expliqué que, de concert avec le Conseil du Trésor, elle avait conçu de nouveaux programmes de formation à l'intention des cadres supérieurs et des gestionnaires de façon à accroître les aptitudes des gestionnaires et leur connaissance de la structure du gouvernement. Finalement, grâce à l'établissement de la catégorie de la gestion supérieure, les gestionnaires de l'ensemble des ministères bénéficient de plus de souplesse pour répartir le personnel cadre.

2.70 On a récemment inclus dans le Système de gestion des secteurs de dépenses des lignes directrices qui établissent un processus d'examen a partir duquel le secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du contrôleur général, conjointement avec chacun des ministères, étudient les structures des plans d'action. Ce processus peut aider à s'assurer que les plans d'action sont considérés selon les résultats escomptés et d'autres exigences connues. Il peut également améliorer la coordination centrale et aider les ministères à définir leurs besoins en matière de ressources.

Autres fonctions publiques

2.71 Lorsque nous avons examiné les tentatives faites aux États-Unis, au Royaume- Uni et en Australie pour améliorer la gestion, nous avons constaté que ces pays avaient des problèmes semblables à ceux du Canada en ce qui a trait à la gestion de la fonction publique. Les commissions gouvernementales établies par ces pays ont régulièrement émis des commentaires sur certains problèmes, notamment, l'imprécision des objectifs, le caractère inapproprié des mesures de rendement, le partage excessif des responsabilités, le peu d'attention accordée au perfectionnement des gestionnaires et le manque de souci de l'économie et de l'efficience. Les tentatives visant à résoudre ces problèmes n'ont pas toujours été fructueuses.

2.72 Le gouvernement américain a adopté une loi sur la réforme de la fonction publique, laquelle a pour but de promouvoir des incitations à l'égard du rendement des gestionnaires et d'améliorer le processus d'obligation de rendre compte de ces derniers. Il a également établi un Bureau de la productivité ainsi qu'un Conseil présidentiel de la gestion en vue d'appuyer toute tentative visant à améliorer les pratiques de gestion, à déterminer des moyens d'améliorer la productivité et à diffuser les innovations dans l'ensemble du gouvernement. De plus, le gouvernement américain a maintenant conçu un projet en vue d'examiner les répercussions qu'ont les règlements du gouvernement sur la gestion.

2.73 Le Royaume-Uni a établi le "Scrutiny Program" que gère le conseiller du Premier ministre sur la question de l'efficience au gouvernement. Dans le cadre de ce programme, les ministères doivent mener des examens approfondis de leurs activités afin de relever des secteurs où ils pourraient réaliser des économies et réduire leur effectif.

2.74 En Ontario, des cadres supérieurs nous ont expliqué comment un effort concerté de simplification du processus avait réduit le nombre de contrôles des organismes centraux et accru l'autonomie des ministères. La province a publié un énoncé de principes et de normes de gestion ("Principles and Standards of Management"), lequel décrit la façon dont les fonctionnaires sont censés gérer. De plus, il faut mentionner une innovation assez remarquable; il s'agit des "100 minutes accordées aux sous-ministres". En vertu de ce processus, le conseil de gestion du Cabinet de l'Ontario, qui regroupe huit ministres, réserve 100 minutes par année à chaque sous-ministre afin que celui-ci traite des réalisations, des problèmes et des priorités de son ministère.

2.75 En République fédérale d'Allemagne, chaque État a établi une Commission de simplification de l'administration. Au sein du ministère de l'Éducation et des Sports de Baden-Wurttemberg, le travail de la Commission locale porte sur la déréglementation de l'administration des écoles, des collèges et des universités. Ce ministère emploie 120 000 professeurs et autres fonctionnaires et il avait pris l'habitude de gérer ses activités en ayant recours à 3500 directives administratives. À la suite de l'effort de déréglementation, ce nombre est passé à 365. L'on s'est efforcé d'accroître l'autonomie des gestionnaires, d'encourager la délégation des pouvoirs aux échelons inférieurs et à regrouper les secteurs de responsabilités anciennement divisés.

2.76 Nous avons interviewé certains des gestionnaires visés et ces derniers ont affirmé que l'épuration des règlements avait eu l'effet escompté. Nous avons toutefois constaté que certains gestionnaires ne sont pas du tout à l'aise face à leur nouvelle autonomie. En effet, ils ne peuvent plus "se cacher" derrière des règlements, mais ils doivent prendre des décisions et des mesures qu'ils trouvent quelquefois pénibles. Lorsque nous en avons discuté avec des représentants du ministère, ceux-ci ont indiqué qu'ils étaient conscients de ce problème. Ils ont mentionné que les gestionnaires concernés pourraient recevoir de l'aide ainsi qu'une certaine formation et que ceux qui ne sont pas en mesure d'exercer leurs fonctions de façon satisfaisante pourraient être priés d'occuper des postes qui ne comportent pas de tâches de gestion.

2.77 Pour obtenir le point de vue de personnes qui ont examiné ce processus, nous avons interviewé des cadres du bureau du vérificateur général d'État. De façon générale, ceux-ci ont appuyé la tendance à la déréglementation car, à leur avis, cela sert à réduire le chevauchement des responsabilités, le nombre de retards et de pratiques d'administration inutiles, ce qui, par conséquent, augmente la productivité. Nous avons toutefois perçu un certain malaise. Étant donné le peu de règlements en vigueur, les vérificateurs ne peuvent plus accomplir le gros de leur travail en vérifiant s'il y a eu conformité aux règlements. Ainsi, pour donner leur opinion sur le rendement des gestionnaires, ils doivent plutôt élaborer une certaine méthodologie qui vise à évaluer le rendement d'après le jugement dont font preuve les gestionnaires dans des situations précises.

2.78 D'après notre étude, il appert que, bien que les problèmes des différentes fonctions publiques soient en grande partie les mêmes, les méthodes visant à les résoudre varient considérablement. Toutefois, il existe un lien commun entre toutes ces méthodes; en effet, l'on reconnaît qu'il faut fournir des efforts importants et soutenus pour réduire les entraves que subissent les gestionnaires, pour accroître le nombre d'incitations et pour favoriser une gestion productive.

Organisations du secteur privé

2.79 Selon des témoignages de cadres supérieurs du secteur privé, les sociétés qui ont du succès ont tendance à avoir des systèmes administratifs peu élaborés, axés sur le rendement et qui encadrent des tâches bien définies en matière de responsabilités et d'obligation de rendre compte. Les cadres du secteur privé ont continué d'insister sur le fait qu'il était très important pour eux de mettre l'accent sur quelques objectifs et résultats-clés et de s'appuyer largement sur le jugement de gestionnaires chevronnés et engagés plutôt que sur des règlements détaillés et normatifs. Voici quelques-uns des commentaires que nous ont livrés des gestionnaires:

"C'est à dessein que nous avons établi une structure peu élaborée, car nous ne voulions pas que l'administration centrale écrase l'autorité des gestionnaires. Par conséquent, les succursales ont suffisamment de pouvoir pour prendre des décisions." ( Directeur général d'une entreprise de fabrication)
"Mes employés croient qu'ils comprennent l'industrie minière et ils sont donc prêts à déléguer des pouvoirs à des échelons inférieurs, car ils peuvent se rendre compte de tout problème éventuel. Je crois que cette compagnie tire sa fierté de son absence de procédures." (Vice-président d'une compagnie minière)
"Si vous avez un groupe harmonieux qui n'est pas soumis à un trop grand nombre de règlements, qui possède une grande expérience et qui a beaucoup de responsabilités et de pouvoir, celui-ci peut travailler beaucoup mieux à l'exécution d'un projet qu'un groupe plus large et plus structuré. Ma tâche la plus importante consiste à fournir à nos gestionnaires un milieu dans lequel ils pourront exceller." (Président-directeur général d'une importante compagnie canadienne de ressources)
2.80 La plupart des cadres du secteur privé que nous avons interviewés ont souligné le fait que le nombre excessif de règlements tendait à entraver l'initiative, l'innovation et l'exercice des fonctions gestionnelles ce qui, par la suite, nuit à une gestion productive et aux tentatives visant à l'améliorer. Ils nous ont également indiqué qu'il y avait une tendance persistante, particulièrement de la part de certains groupes d'employés, à élaborer et à diffuser des règlements pour tous les genres de situations. De l'avis de ces cadres, les entreprises qui réussissent bien ajustent constamment leur bureaucratie, réduisent le nombre de règlements détaillés ainsi que le nombre d'échelons hiérarchiques afin de maintenir un milieu propice à la gestion productive.

2.81 Un bon nombre de sociétés prospères s'efforcent d'agencer les besoins de l'organisation à ceux des employés. Elles mènent des études afin de connaître la perception qu'ont les employés du milieu organisationnel et des méthodes de gestion et elles cherchent à obtenir des suggestions sur la façon d'améliorer la gestion productive. Par la suite, grâce à ces données, l'on essaie d'améliorer la qualité des conditions de travail au sein de la société. On considère que l'amélioration de la gestion productive dépend en grande partie de l'appui des employés de tous les niveaux de l'organisation.

2.82 Enfin, la plupart des cadres du secteur privé que nous avons interviewés ont insisté sur le fait qu'à titre de présidents-directeurs généraux ou de présidents de leurs sociétés, l'une de leurs principales tâches consistait à fournir des directives, des instructions et des incitations à leur personnel en vue d'améliorer la productivité. Même dans les entreprises du secteur privé où les buts sont assez bien définis et où le principe même de l'organisation constitue une incitation, il faut un effort conscient et suivi de la part des chefs pour améliorer la gestion.

Conclusions et suggestions

2.83 Nous savons bien que nous n'avons fait qu'effleurer un sujet complexe et délicat. Certaines des difficultés que nous avons exposées sont en fait beaucoup plus des dilemmes que des problèmes, et il se peut que les gestionnaires de la fonction publique ne soient jamais en mesure de les résoudre complètement; ils peuvent uniquement chercher à trouver l'équilibre entre des solutions de rechange aussi difficiles les unes que les autres. Par exemple, dans certains cas, une entrave présumée peut être attribuable à la nature du gouvernement et l'on peut difficilement l'éliminer. Dans d'autres cas, une entrave peut servir d'excuse à certains gestionnaires. Néanmoins, les principales entraves qu'ont mentionnées nos interviewés semblent avoir des répercussions considérables sur une gestion productive dans la fonction publique. Dans notre conclusion, nous décrivons certaines tendances liées à l'accroissement des entraves, nous traitons des dangers qu'il y a à fonder les mesures à prendre sur des mythes et nous émettons quelques suggestions sur la conception de méthodes expérimentales visant à en arriver à une gestion plus productive.

Conclusions

2.84 En menant cette étude, nous désirions connaître les raisons pour lesquelles il v a toujours des problèmes liés à l'amélioration d'une gestion productive dans la fonction publique. Selon notre étude, il appert que cette amélioration se heurte à d'importantes entraves. Celles-ci tendent à retenir et à empêcher les gestionnaires de la fonction publique de mettre l'accent sur l'économie, l'efficience et l'efficacité; elles leur enlèvent toute volonté de s'attarder à ces questions. Pour remédier à cette situation, il faudra s'efforcer de réduire ces entraves et de prendre des initiatives pour favoriser et appuyer la gestion productive.

2.85 Le nombre d'entraves à une gestion productive pourrait s'accroître au cours des prochaines années. Il existe une tendance au sein d'organisations importantes et bien établies à rechercher un "règlement qui devrait être là", lorsqu'on se heurte à des problèmes de gestion. La fonction publique ne fait pas exception. Toutefois, dans le cas de cette dernière, les conséquences de cette tendance sont aggravées par le principe du "même règlement qui s'applique dans tous les cas". En effet, les gestionnaires de divers programmes sont censés suivre les mêmes règles sans tenir compte du besoin ou de la situation. Étant donné que la fonction publique devient de plus en plus complexe à mesure qu'elle répond à de nouveaux besoins, le nombre considérable de règlements et le fait qu'ils ne sont pas souvent adaptés à une situation donnée peut en arriver à mettre sérieusement en danger la gestion productive. Alors, les avantages des règlements seront neutralisés par leurs inconvénients.

2.86 La fonction publique est peut-être près d'en arriver à ce point; il se peut même qu'elle l'ait déjà atteint. Le fait de continuer à établir plus de règlements afin de négocier des problèmes de plus en plus complexes ne peut qu'aggraver la situation.

2.87 Les mythes concernant la fonction publique peuvent donner lieu à des solutions erronées. Au cours de notre étude, nous avons constaté qu'il existait diverses croyances à l'égard de la gestion de la fonction publique. En y regardant de plus près, nous nous sommes aperçus que quelques-unes de ces croyances étaient des mythes - lesquels sont tout à fait erronés ou induisent gravement en erreur.

2.88 Il y a, par exemple, la croyance (voir la pièce 2.9) selon laquelle la fonction publique serait aussi efficiente que des entreprises commerciales prospères si l'on y appliquait les techniques de gestion du secteur privé. Les théoriciens et les praticiens de l'administration publique s'entendent pour affirmer que les techniques de gestion ne peuvent être transplantées, dans leur ensemble, d'un secteur à un autre et produire les mêmes résultats. Ainsi, le Système de gestion des secteurs de dépenses est une réalisation du secteur public. L'on ne croit pas qu'il puisse s'appliquer au secteur privé et, par conséquent, il n'est pas utilisé dans ce secteur. Il existe un autre mythe selon lequel les méthodes de gestion du secteur public n'ont pas été améliorées depuis bon nombre d'années alors que nos rapports ont indiqué qu'il y avait eu des améliorations à ce sujet.

La pièce n'est pas disponible

2.89 En plus de ces mythes, il y a des idées fausses à propos de la composition du budget fédéral. En effet, on est souvent porté à croire que l'accroissement du budget fédéral est principalement attribuable aux coûts de fonctionnement du gouvernement tels que les salaires des fonctionnaires, l'entretien des installations et l'acquisition de matériel. De fait, es coûts d'exploitation représentent environ le quart du budget fédéral, soit à peu près 25 p. 100. Cela comprend les traitements et salaires de tous les fonctionnaires, y compris ceux de la Défense nationale. Les trois quarts qui restent, soit environ 75 p. 100, englobent les paiements versés aux provinces, aux particuliers et aux sociétés de la Couronne ainsi que les paiements destinés au service de la dette nationale. Au cours des dernières années, la proportion des frais d'exploitation a été maintenue au niveau de l'inflation. Bien qu'une productivité accrue puisse réduire les coûts de fonctionnement du gouvernement, il faut reconnaître que même si d'importantes modifications étaient apportées à ces frais, cela aurait des répercussions assez restreintes sur l'ensemble des dépenses du gouvernement. Il n'en reste pas moins que, dans l'absolu, d'importantes économies pourraient être réalisées en améliorant la gestion productive.

2.90 Ces mythes et idées fausses tendent à brouiller la façon de percevoir les problèmes de gestion et ils peuvent induire en erreur lorsqu'il s'agit de concevoir des méthodes qui visent à améliorer l'optimisation des ressources. Par le passé, l'on était porté, par moments, à mettre essentiellement l'accent sur le contrôle des coûts d'exploitation et sur la mise à l'essai de techniques du secteur privé pour améliorer la gestion; l'on ne tenait pas suffisamment compte du fait que ces mesures pouvaient être considérablement limitées lorsqu'il s'agissait d'assurer l'optimisation des ressources dans la fonction publique.

2.91 La fonction publique a amélioré ses pratiques de gestion au cours des années. Cependant, il y a encore des progrès à accomplir. Lorsque l'on cherche à améliorer la gestion productive dans la fonction publique, il faut reconnaître que les mythes donnent lieu quelquefois à des solutions erronées. Il faut donc concevoir de nouvelles méthodes qui permettront d'établir un milieu qui favorise et appuie davantage la gestion productive.

2.92 En guise de conclusion, nous aimerions résumer certains points saillants de notre étude. Les cadres de la fonction publique que nous avons interviewés se sont entendus pour affirmer qu'ils seraient en mesure de gérer de façon plus productive si le milieu de la fonction publique apportait un appui plus actif au souci de l'optimisation des ressources. Les entraves qu'ils ont mentionnées nuisent à l'amélioration d'une gestion productive. C'est en grande partie à cause de ces entraves que certaines lacunes gestionnelles sont toujours présentes au sein de la fonction publique.

2.93 Il est évident que certaines des entraves qui existent dans le milieu gestionnel de la fonction publique originent de la nature même du gouvernement. Ce milieu aura toujours des priorités politiques et des contraintes administratives. Toutefois, les types de facteurs défavorables que l'on retrouve dans le secteur public ne sont pas uniques au gouvernement fédéral. Ils surviennent de la même façon dans les autres fonctions publiques et l'on ne peut facilement les modifier.

2.94 Par conséquent, les cadres de la fonction publique devront, dans une certaine mesure, aspirer à une gestion productive tout en étant soumis à certaines contraintes. Nous croyons que, de leur côté, ils ont beaucoup de progrès à accomplir pour en arriver à améliorer la situation. Les contraintes immuables ne devraient servir ni à excuser le manquement aux responsabilités ni à tolérer de piètres méthodes de gestion. Nous avons constaté que les initiatives que des cadres supérieurs ont prises à l'égard de la gestion productive différaient largement. Par exemple, certains gestionnaires s'entendent très bien avec les organismes centraux et ils obtiennent toute la latitude dont ils ont besoin pour satisfaire aux exigences du service. Ils sont donc en mesure de réaliser une plus grande optimisation des ressources. D'autres sont plus prédisposés à donner libre cours à leurs frustrations en exprimant leur mécontentement vis à vis des entraves sans chercher vraiment à les surmonter.

2.95 Les gestionnaires de la fonction publique pourraient très certainement améliorer la gestion productive dans le contexte actuel où l'on se heurte à des entraves. Il reste que parmi ceux qui s'y sont appliqués, quelques-uns ont abandonné la partie, frustrés devant les facteurs défavorables. Nous en concluons que le gouvernement devrait apporter des améliorations considérables à ce sujet en prenant des initiatives qui lui permettraient de reconnaître, d'examiner et de modifier les facteurs défavorables et les entraves à une gestion productive dans la fonction publique. Ces initiatives devraient se rapporter aux trois éléments suivants: l'aptitude des gestionnaires à surmonter les différentes entraves mentionnées, la bonne volonté du milieu politique à fournir plus d'incitations à une gestion productive et l'engagement des organismes centraux, des ministères qui administrent des services publics et des groupes d'employés à accorder plus de souplesse et à fournir plus d'incitations aux gestionnaires, là où la situation le justifie. Les suggestions qui suivent ont été élaborées d'après cette conclusion.

Suggestions

2.96 Pour apporter une conclusion à ce chapitre, nous aimerions formuler quelques suggestions qui pourront aider à surmonter certains des problèmes mentionnés et permettront de trouver des méthodes qui favorisent une gestion plus productive au sein de la fonction publique. Nous soumettons des suggestions plutôt que des recommandations, car cette question est si complexe et si vague que des recommandations précises seraient, à cette étape, sinon trompeuses, du moins présomptueuses. Nous avons puisé nos suggestions à même les nombreuses opinions que nous ont livrées des cadres des secteurs public et privé ainsi que des chercheurs dans le domaine de la gestion (voir la pièce 2.10).

La pièce n'est pas disponible

2.97 Nous avons examiné plusieurs méthodes que nous avons par la suite rejetées car elles n'étaient pas appropriées. Par exemple, nous ne croyons pas que les problèmes mentionnés puissent être résolus à l'aide de solutions "établies à la hâte" telles que l'introduction de nouvelles méthodes de gestion dans l'ensemble du gouvernement ou l'apport de réformes institutionnelles importantes. La fonction publique a suffisamment eu recours à ces deux genres d'initiatives au cours des dernières années. Nous devons nous tourner vers d'autres moyens d'améliorer la situation.

2.98 Nous ne préconisons pas un retour à un principe "d'autonomie illimitée" des gestionnaires ou à une réduction discriminatoire des règlements et des contrôles. En l'absence d'incitations, lesquelles existent dans le secteur privé, il faudra continuer d'exercer des contrôles centraux dans le secteur privé pour atteindre un niveau satisfaisant de prudence, de probité et d'équité. Il faut avant tout tenter de trouver l'équilibre entre le besoin d'un contrôle central et le besoin d'un niveau satisfaisant de pouvoirs gestionnels, de façon à ce que les gestionnaires puissent être responsables et rendre compte.

2.99 Nous reconnaissons que les tentatives de notre Bureau pour améliorer les méthodes de gestion peuvent avoir contribué à l'accroissement du nombre de règlements et de contrôles dans la fonction publique. Notre Bureau ainsi que le gouvernement devront donc examiner les inconvénients et les avantages de règlements et de contrôles supplémentaires et considérer leurs répercussions sur la gestion productive. Notre bureau déterminera également s'il faut mener dans certains secteurs des vérifications particulières des entraves administratives que nous avons relevées au cours de cette étude. De plus, nous examinerons la façon dont nous pourrons étudier plus à fond, au cours de notre prochain travail de vérification, les répercussions des facteurs défavorables à l'optimisation des ressources.

2.100 Nos suggestions sont très générales. Elles exposent nos idées sur la façon de réaliser les priorités d'économie, d'efficience et d'efficacité dans la fonction publique. Nous espérons qu'elles attireront l'attention du Parlement, du gouvernement, du Cabinet et des fonctionnaires sur les façons d'améliorer la gestion des ressources dans la fonction publique fédérale.

Faire de la gestion productive une première priorité

2.101 Nous suggérons au gouvernement d'élaborer et d'entreprendre des activités visant à faire de la gestion productive une première priorité. De plus, ces activités devraient comprendre les quatre composantes suivantes:

2.102 Les efforts isolés et sporadiques qui ne portent pas sur les trois principales entraves à la gestion dans la fonction publique ne risquent guère d'avoir beaucoup d'effet global. Å notre avis, il faut une initiative générale et soutenue qui soit appuyée par le Parlement, le gouvernement, le Cabinet, les organismes centraux et les ministères. Une telle initiative ouvrirait la voie à d'autres possibilités et méthodes visant à améliorer la gestion productive au sein de la fonction publique.

Favoriser et appuyer une gestion productive

2.103 Une grande partie des facteurs qui nuisent à une gestion productive sont enracinés dans la nature du processus politique et des lois qui régissent l'administration financière et l'emploi dans la fonction publique. Même si les gestionnaires de la fonction publique pouvaient, par leur propre initiative, réussir à améliorer la gestion productive, il est peu probable que des modifications importantes puissent être apportées sans l'appui actif du Cabinet, du gouvernement et du Parlement.

2.104 À notre avis, si le gouvernement désire accroître l'optimisation des ressources dans la fonction publique, il devrait en faire une première priorité en démontrant qu'il est vivement intéressé à une gestion productive. Il devrait, dans la mesure du possible, concilier les besoins d'ordre politique et gestionnel. Il devrait inciter les fonctionnaires à améliorer la gestion productive. Il devrait donner des explications et des exemples à propos du type de gestion qui convient à la fonction publique. Il devrait aider à rehausser l'esprit de corps parmi les gestionnaires et à accroître le sens de l'obligation de rendre compte lorsqu'il s'agit de l'administration des deniers publics. Ces initiatives contribueraient considérablement à réduire la frustration au sein de la fonction publique et à établir un milieu qui favorise une gestion productive.

2.105 Dans le secteur législatif, le gouvernement devrait axer ses efforts sur l'examen des lois, par exemple la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et la Loi sur l'administration financière, afin de déterminer s'il pourrait modifier certains aspects de ces lois ou d'autres lois en vue de fournir plus d'appui et de meilleures incitations à une gestion productive.

Réduire le nombre de facteurs défavorables, accroître le pouvoir des gestionnaires et préciser les responsabilités

2.106 Tant que les gestionnaires se heurteront à des facteurs défavorables et à des contraintes administratives excessives, tant que leur pouvoir sera limité dans l'exercice de leurs responsabilités et tant qu'ils ne sauront pas trop bien à quelles personnes et sur quels sujets ils doivent rendre compte, il est peu probable que l'on puisse apporter des améliorations majeures en ce qui a trait à la façon de réaliser l'optimisation des ressources.

2.107 Nous suggérons au gouvernement de réduire le nombre de facteurs défavorables à une gestion productive. Cela comprendrait une déréglementation sélective fondée sur l'aptitude de chaque gestionnaire à suivre les principes de la gestion productive lorsqu'il a à réaliser les objectifs dont il est responsable.

2.108 De plus, nous suggérons au gouvernement de s'assurer que les gestionnaires disposent du genre et du degré de pouvoirs sur les ressources dont ils ont besoin afin qu'ils puissent s'acquitter de leurs tâches de façon productive. Par conséquent, les ressources, les responsabilités et les résultats doivent être, dans la mesure du possible, nettement définis.

2.109 Le gouvernement pourrait s'efforcer de préciser le cadre des responsabilités, c'est-à-dire qu'il devrait veiller à ce que les gestionnaires sachent parfaitement, dans la mesure du possible, à quelles personnes et sur quels sujets ils doivent rendre compte dans une situation donnée. Il faudrait particulièrement s'efforcer de réduire les nombreuses demandes de comptes rendus auxquelles doivent présentement faire face les sous-ministres. C'est un problème qu'a soulevé la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité et qui n'a pas encore été résolu.

2.110 De plus, le gouvernement pourrait inciter à une meilleure communication entre les organismes centraux et les ministères, entre les cadres supérieurs et intermédiaires, entre les administrations centrales et les régions et entre les employés fonctionnels et les gestionnaires hiérarchiques. En effet, les gestionnaires devraient connaître les obligations de leurs collègues; ainsi, ils feraient preuve de compréhension plutôt que de méfiance lorsque surviendraient des demandes inconciliables.

2.111 En mettant en oeuvre cette série de suggestions, on s'appuierait davantage sur la compétence des gestionnaires et sur les résultats qu'ils obtiennent plutôt que de se fonder uniquement sur des règlements, des contrôles et des procédures détaillés. De plus, les contraintes administratives coûteuses et pénibles qui caractérisent le système actuel deviendraient, dans une certaine mesure, inutiles.

Mettre l'accent sur le perfectionnement des gestionnaires

2.112 Si l'on veut accorder plus d'importance aux gestionnaires et aux résultats qu'ils obtiennent, il faut insister davantage sur le genre d'expérience et de compétence dont ils ont besoin. De plus, l'on doit accorder plus d'attention à l'évaluation de leur rendement.

2.113 La fonction publique aura toujours besoin de personnes qui pourront concilier les objectifs politiques et gestionnels, équilibrer l'amalgame de ressources nécessaires à la réalisation des programmes et surmonter les contraintes administratives. La gestion productive dépend finalement de gestionnaires qui sont en mesure d'atteindre leurs objectifs tout en devant faire face aux difficultés inhérentes au milieu de la fonction publique.

2.114 Le gouvernement pourrait donc renforcer ses programmes de perfectionnement de la gestion. Il pourrait entreprendre un programme à long terme pour accroître les compétences en matière de gestion dont il aura besoin au cours de la prochaine ou des deux prochaines décennies. Les programmes d'envergure gouvernementale et ministérielle pourraient être conçus de façon à sélectionner des gestionnaires éventuels à leurs débuts et à leur donner une certaine formation à l'aide d'une série d'affectations qui engloberaient tous les aspects critiques de la gestion. Au cours de leur perfectionnement, les gestionnaires pourraient être régulièrement évalués afin de connaître leurs aptitudes et leur jugement à l'égard de divers types de postes et de déterminer s'ils conviennent à ces postes. Les gestionnaires contribuent de façon importante à la réalisation d'une gestion productive. L'atteinte de l'optimisation des ressources est étroitement liée à leur degré de compétence. Par conséquent, leur formation est essentielle si l'on veut que la fonction publique soit productive.

Appuyer les initiatives visant à améliorer la gestion productive

2.115 En dernier lieu, nous suggérons d'appuyer les initiatives visant à améliorer la gestion productive. Il est difficile d'introduire des changements dans une organisation aussi vaste, aussi complexe et aussi diversifiée que la fonction publique sans créer de problèmes supplémentaires. Par ailleurs, la mise à l'essai de nouvelles initiatives exige le minimum de dépenses et de risques. De plus, ces initiatives peuvent fournir aux fonctionnaires la possibilité d'avancer des suggestions et des solutions de rechange visant à améliorer la gestion.

2.116 Par conséquent, nous suggérons au gouvernement d'appuyer, dans le cadre d'une action globale, les initiatives et les projets-pilotes qui visent à améliorer la gestion productive. Ces projets permettraient aux organismes centraux ainsi qu'aux ministères d'étudier des façons de réduire les contrôles détaillés, de modifier les facteurs défavorables, d'éprouver les incitations, d'accroître le pouvoir et l'obligation de rendre compte des gestionnaires et d'essayer de nouvelles méthodes de perfectionnement de ces derniers.

2.117 Ces initiatives pourraient avoir trait aux entraves relevées dans l'ensemble du gouvernement telles que celles qui touchent à la dotation, aux procédures administratives, aux services communs et aux besoins en information des organismes centraux. De plus, grâce à ces initiatives, les ministères pourraient déceler et résoudre les entraves à une gestion productive qui proviennent des ministères. Le seul fait de prendre ces initiatives favoriserait ce type de gestion; de plus, cela servirait à éliminer certains des obstacles à une gestion productive.

2.118 Ces initiatives devraient être conçues, exécutées et contrôlées de façon minutieuse. Elles devraient faire partie d'un projet global destiné à améliorer la gestion productive. Toutefois, il faut veiller à ne pas créer un genre de groupe central qui lui-même serait éventuellement perçu comme une entrave du type de celle qu'il serait censé combattre. Le rôle principal d'un petit groupe central serait de déterminer ou de confirmer les domaines possibles à expérimenter et s'assurer d'un amalgame approprié de projets. Ce groupe devrait également réunir les compétences nécessaires pour analyser les résultats de chaque initiative et élaborer des recommandations visant à modifier les politiques de gestion de la fonction publique.

Remarque finale

2.119 La fonction publique canadienne jouit d'une bonne réputation dans d'autres pays en ce qui a trait à ses méthodes de gestion. Ses systèmes et ses méthodes de gestion ont considérablement évolué au cours des années. Toutefois, il y a encore des améliorations importantes à apporter en ce qui concerne l'optimisation des ressources. Bien que notre étude ait révélé l'existence de sérieuses entraves à une gestion productive dans la fonction publique, nous avons constaté qu'il existait des contraintes semblables dans d'autres pays. Ainsi, pour que les organisations de la fonction publique soient gérées de façon productive, il faut avant tout s'efforcer de concilier les besoins politiques et les besoins gestionnels.

2.120 Nous croyons qu'il n'y a ni solutions magiques, ni mauvaises intentions. Il y a simplement un grand nombre de problèmes délicats et complexes; il faut donc faire preuve de beaucoup de courage, de ténacité, de franchise et de bonne volonté pour les résoudre. Nous croyons également que la majorité des gestionnaires de la fonction publique sont aptes et disposés à se perfectionner. Il faut donc exploiter leur potentiel en leur fournissant l'appui, les encouragements et les incitations dont ils ont besoin pour atteindre le but que nous désirons tous réaliser: améliorer la gestion productive au sein de la fonction publique.