La Commission de contrôle de l'énergie atomique

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Aperçu Général

8.1 La Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA) a été créée en 1946 avec mission de contrôler et de superviser la mise en valeur, l'application et l'utilisation de l'énergie atomique, dite aussi nucléaire à des fins pacifiques et de participer de manière efficace aux activités internationales de contrôle de l'énergie atomique. Le mandat prévu par la loi était vaste mais peu étoffé, conséquence inévitable de la situation internationale à l'époque et du peu de connaissances que l'on possédait sur le sujet.

8.2 La Commission, comme telle, est constituée de cinq personnes nommées par le gouverneur en conseil et est aidée dans sa tâche par les 260 employés de la CCEA. La Commission a délégué certains pouvoirs de réglementation au personnel de la CCEA.

8.3 Questions de santé et de sûreté. Le ministre responsable en 1959 a indiqué, dans le cadre d'une réévaluation du rôle de la Commission, que cette dernière accorderait une attention plus grande à la santé et à la sûreté des travailleurs et du public.

8.4 En 1960, des modifications ont été apportées aux dispositions du Règlement afin de donner à la Commission, pour la première fois, le pouvoir d'exercer les contrôles requis pour assurer la protection de la santé des travailleurs du nucléaire et leur sécurité au travail. Ces pouvoirs ont depuis été élargis à plusieurs reprises. Il existe maintenant des dispositions réglementaires visant à limiter les risques d'atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs et du public dans la plupart des secteurs de l'industrie nucléaire. Il existe, par exemple, des dispositions réglementaires qui régissent les centrales électronucléaires, les laboratoires de recherche nucléaire dans les universités, les installations de traitement par radiation dans les hôpitaux, la radiographie nucléaire dans l'industrie, l'extraction et le raffinage de l'uranium, les usines d'eau lourde et l'élimination des déchets radioactifs. D'autres dispositions réglementaires portent sur l'emballage des matières radioactives destinées au transport et sur la protection matérielle des installations nucléaires. Les photos qui apparaissent sur les pages suivantes donnent au lecteur un aperçu des domaines sur lesquels la Commission a le pouvoir de réglementer.

8.5 Garanties d'utilisation pacifique et non-prolifération. Un des buts importants de la CCEA a consisté dans la participation aux activités internationales de contrôle de l'utilisation de l'énergie nucléaire afin de prévenir la prolifération des armes nucléaires. Le Canada est l'un des pays signataires du Traité de non-prolifération des armes nucléaires qui est entré en vigueur en 1970; les contrôles exercés dans ce cadre visent à vérifier l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire et à dépister les cas où des matières nucléaires seraient utilisées de façon détournée pour la fabrication d'armes ou d'explosifs nucléaires. Les pays qui se rendent coupables d'infractions peuvent se voir imposer des sanctions. Dans le cadre de ce traité, le Canada a conclu une entente avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) en vertu de laquelle il s'engage à établir des contrôles sur les matières nucléaires et, d'autre part, l'AIEA est autorisée à faire l'inspection des installations canadiennes et à vérifier l'utilisation et la bonne comptabilisation des matières nucléaires. La CCEA a pour mission de voir à ce que soient respectés les engagements internationaux du Canada à ce chapitre.

8.6 La CCEA est en quelque sorte chargée de l'administration technique de plusieurs ententes de collaboration dans le domaine nucléaire que le Canada a signées avec ses partenaires commerciaux en ce domaine. Ces ententes de collaboration exigent du pays bénéficiaire qu'il autorise l'AIEA à faire l'inspection des matières et de l'équipement fournis par le Canada. En conformité avec la politique nucléaire du Canada, la CCEA réglemente également l'exportation des matières nucléaires prescrites, ainsi que l'équipement et la technologie qui s'y rapportent.

8.7 Où en est la loi? Le cadre législatif à l'intérieur duquel la CCEA exerce un contrôle réglementaire a été instauré en 1946 et est demeuré à toutes fins pratiques le même depuis cette époque. En 1976, la Commission de réforme du droit du Canada a déclaré désuète la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. En 1978, un projet de loi proposant une version modifiée de cette loi est devenu caduque à la clôture de la session parlementaire. La CCEA a été en butte à des critiques, au cours des dernières années, de la part de certains milieux, entre autres, le Comité spécial sur les Affaires d'Hydro Ontario, la Commission royale d'enquête de la Colombie-Britannique sur les installations minières d'uranium et la Commission d'enquête de Cluff Lake, en Saskatchewan. À notre avis, il semble qu'un grand nombre de leurs critiques proviennent de ce qu'ils ont perçu comme étant des faiblesses de la loi. Voici quelques-unes de ces faiblesses que renfermerait le présent texte de loi :

Ces questions, et d'autres, étaient abordées dans le projet de loi C-14 intitulé "Loi sur le contrôle et l'administration nucléaires". Ce projet de loi, comme nous l'avons déjà indiqué, a expiré au feuilleton de la Chambre en 1978.

Étendue de la vérification

8.8 Nous avons examiné les contrôles de gestion et les procédés administratifs que la Commission utilise en rapport avec le régime des permis et celui des systèmes d'inspection et le contrôle de la conformité. Nous n'avons pas évalué la compétence technique du personnel, la valeur technique des analyses effectuées par ce personnel, ou la pertinence et l'efficacité des divers procédés utilisés. De manière plus précise, nous avons examiné l'administration des procédés en vigueur pour les secteurs suivants :

8.9 Nous avons examiné l'administration, par la CCEA, d'activités qui se sont déroulées au Canada, administration exercée en conformité avec les obligations que le Canada a contractées relativement à la non-prolifération des armes nucléaires.

8.10 Dans le cadre de nos travaux annuels, nous avons examiné la situation financière de la Commission et nous avons exprimé une opinion sur les états financiers qui sont présentés dans son rapport annuel. Nous avons, en outre, examiné les principaux systèmes et contrôles de soutien administratif.

Observations et recommandations

Régime de permis, système d'inspection et contrôle de la conformité

8.11 Données de base. Un contrôle réglementaire est exercé à l'aide d'un régime complet de délivrance de permis qui donnent l'assurance que les installations, les substances et l'équipement nucléaires sont utilisés en conformité avec les normes reconnues d'hygiène, de sûreté et de sécurité. Des organismes de réglementation fédéraux et provinciaux qui s'occupent de questions de santé, d'environnement, de transport, de sécurité au travail et de main-d'oeuvre collaborent à l'administration du régime de permis.

8.12 Selon le règlement actuel, toute personne ou toute organisation qui désire produire, extraire, raffiner, traiter, vendre ou utiliser des substances et des articles prescrits ou de l'équipement contenant des substances radioactives prescrites, exporter de telles substances ou de tels articles, ou exploiter une usine d'eau lourde ou une installation nucléaire au Canada, doit obtenir un permis de la Commission. Celle-ci, avant d'accorder un permis, exige que la personne ou l'organisation lui fournisse tous les renseignements qui lui permettront d'avoir l'assurance qu'il y aura application et maintien des normes d'hygiène, de sûreté et de sécurité, ainsi qu'une gestion efficace des effluents et des déchets. Dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, la CCEA définit les normes à respecter (par exemple, les limites d'exposition aux radiations, le débit et le volume de déversement des effluents et les normes qui définissent les conteneurs à utiliser pour le transport), détermine si le demandeur est en mesure de s'y conformer et d'en assurer le maintien. La Commission peut alors, à certaines conditions, délivrer un permis pour une durée déterminée.

8.13 Les inspecteurs de la CCEA procèdent à des inspections afin de vérifier si l'on respecte les normes imposées par le règlement et si l'on observe toutes les conditions stipulées dans les permis.

8.14 La procédure établie exige la présentation d'un rapport après chaque inspection, exception faite de certaines inspections de nature courante effectuées par les agents en résidence auprès des centrales nucléaires. La procédure prévoit diverses formes de suivi que le personnel de la CCEA doit utiliser lorsque des mesures correctives sont requises.

8.15 Le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social tient un registre du cumul, pour chaque travailleur, des expositions aux radiations et des doses absorbées. Les travailleurs pour qui les doses de radiation absorbées ou le nombre d'expositions aux radiations dépassent les limites imposées par le règlement doivent être mutés à d'autres postes. Une fois mutés, ils ne peuvent retourner à leur ancien poste de travail qu'avec l'autorisation de la Commission.

8.16 Observations. Nous avons observé, dans chaque secteur où s'exerce la responsabilité de la Commission, l'existence de procédés précis pour l'octroi des permis, les inspections et le contrôle de la conformité. De manière générale, les procédés étaient consignés avec force détails. Toutefois, la documentation n'est pas encore complète en ce qui a trait à l'inspection des grands réacteurs de puissance, à l'inspection des mines d'uranium et à la délivrance des permis qui régissent l'utilisation des radio-isotopes. Nous avons examiné un échantillon de dossiers qui proviennent de chaque secteur et nous avons constaté que la procédure établie était respectée.

8.17 La fréquence des inspections est fonction des connaissances et de l'expérience du titulaire de permis, des résultats des inspections antérieures en ce qui a trait au rendement du titulaire, des risques courus, etc. Par exemple, dans le cas des grands réacteurs de puissance, on retrouve plusieurs inspecteurs sur place. Plusieurs inspections sont effectuées chaque semaine dans les mines souterraines d'uranium d'Elliot Lake, et chaque année dans les mines à ciel ouvert de la Saskatchewan. Les utilisateurs de radio- isotopes légèrement radioactifs peuvent faire l'objet d'une inspection tous les trois ans.

8.18 Les rapports d'inspection sont souvent distribués en plusieurs exemplaires - des exemplaires peuvent être expédiés à d'autres organismes de réglementation, aux administrateurs des titulaires de permis et aux représentants syndicaux, ainsi qu'à certains employés désignés de la CCEA.

8.19 Nous avons constaté que dans tous les secteurs pour lesquels des rapports d'inspection avaient été produits, il y avait eu respect de la procédure établie pour le suivi des cas de non-conformité. Par exemple, des inspections spéciales de suivi sont effectuées lorsqu'on relève des lacunes particulièrement importantes. Sinon, le suivi peut se faire par courrier et la vérification des correctifs apportés sera effectuée au cours de la prochaine inspection prévue. La sensibilisation et la persuasion constituent les méthodes privilégiées pour assurer la conformité, bien que des poursuites soient parfois intentées.

8.20 Exposition des individus à des radiations. Depuis 1951, le Bureau de la radioprotection du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social tient un registre national où sont inscrites les doses des travailleurs qui ont été exposés à des radiations. Sont inscrites au registre les travailleurs qui ont été exposés à des radiations ionisantes, qu'il s'agisse de rayons X - qui relèvent de la juridiction provinciale - ou de radio-isotopes, de réacteurs nucléaires ou d'accélérateurs - qui relèvent de la juridiction fédérale. Parmi les 300 000 personnes inscrites au registre national, 60 000 d'entre elles ont été exposées à des sources de radiation dont le contrôle est de juridiction fédérale.

8.21 Les travailleurs sous rayonnements sont des personnes qui, au travail, pourraient être exposées à des radiations ionisantes dont l'intensité dépasserait la dose réglementaire. Ces personnes, pour la plupart, sont dotées de dosimètres individuels dont les compteurs sont lus périodiquement et dont les résultats sont portés au registre national.

8.22 La CCEA est mise au courant de la situation lorsque la dose ou l'exposition indiquée dépasse un niveau fixé. Les mesures qu'elle prend alors sont fonction de la gravité du cas et les procédés d'intervention établis à l'avance doivent être respectés.

8.23 La CCEA n'a effectué aucune analyse périodique ou détaillée des données du registre national. Elle a évalué et analysé la répartition des doses de radiation auxquelles ont été exposés les employés des titulaires importants de permis en se fondant sur les rapports annuels produits par ces titulaires. Cette évaluation et cette analyse devraient être élargies de manière à inclure l'ensemble des travailleurs sous rayonnements; il serait utile de relever les secteurs ou les industries où l'exposition aux radiations a été plus forte sans toutefois dépasser les limites prescrites par la réglementation. Les tendances, en ce qui a trait à la question de l'exposition aux radiations, pourraient également être relevées. Il faudrait pour effectuer ce genre d'analyses, à ce qu'il nous semble, que la CCEA apporte quelques modifications à ses exigences qui régissent la production des rapports. La Commission pourrait également engager un spécialiste de l'analyse statistique ou de l'analyse épidémiologique. Des analyses de ce genre faciliteraient l'évaluation rétroactive des répercussions sur la santé.

8.24 Conclusion. Si l'on fait exception de l'étendue restreinte de l'analyse des données par individu inscrites au registre national en ce qui a trait aux doses de radiation absorbées, nous n'avons trouvé aucune faiblesse importante relativement à l'administration, par la Commission, du régime de permis, du système d'inspection et du contrôle de la conformité.

Cadre de réglementation

8.25 Données de base. La Loi sur le contrôle de l'énergie atomique autorise la Commission à établir des règlements relatifs au contrôle de l'industrie nucléaire, les dispositions de ces règlements devant toutefois être approuvées par le gouverneur en conseil. Ces règlements, ainsi que les conditions des permis, les énoncés de principes et les guides en matière de réglementation constituent le cadre de réglementation de la CCEA. En outre, tous les titulaires de permis sont obligés de respecter l'ensemble des lois, des normes et des règlements pertinents promulgués par d'autres organismes du gouvernement. Par exemple, les installations nucléaires doivent respecter le Code du travail du Canada qu'administre le ministère du Travail.

8.26 La CCEA, pour la création de son cadre de réglementation, fait appel à la collaboration des autres intervenants et coordonne le tout. La Commission, en tant que principal organisme fédéral de réglementation, invite les organismes fédéraux, provinciaux ou municipaux concernés à participer à la création de ce cadre. Les groupes d'intérêt, les industries et les syndicats sont également invités à participer. La Commission a pour principe qu'elle ne sera pas l'organisme de réglementation premier portant sur les questions de santé ou d'hygiène et de sécurité non nucléaires, s'il existe un autre organisme qui possède la compétence requise et qui exerce sa juridiction auprès d'installations non nucléaires. Par exemple, un ministère provincial du travail a souvent la responsabilité de gérer les questions habituelles d'hygiène et de sécurité au travail dans les établissements industriels de la province. La Commission, au lieu d'aller chercher cette compétence, seule ou conjointement avec le ministère fédéral du Travail, peut signer une entente avec un ministère provincial en vertu de laquelle les inspecteurs de la province verront à l'application, dans les établissements nucléaires, des dispositions réglementaires provinciales portant sur les questions d'hygiène et de sécurité au travail.

8.27 Des arrangements spéciaux peuvent être conclus de manière à donner force de loi aux dispositions réglementaires provinciales de ce genre. Par exemple, les "Ontario Mining Regulations" sont mentionnées dans le Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique et, de ce fait, s'y trouvent incorporées. Il est également possible que deux organismes signent un protocole d'entente dans lequel sera défini le rôle de chaque organisme. Toutefois, ce genre d'arrangement n'a pas force de loi. Nous avons relevé certains cas où aucun arrangement des genres précités n'avait été conclu.

8.28 Mise à jour du cadre de réglementation. Une tâche très importante pour un organisme de réglementation consiste en la révision et la mise à jour du cadre de réglementation à l'intérieur duquel il exerce ses contrôles. Le but de la révision et de la mise à jour est d'obtenir l'assurance que les objectifs de la réglementation sont toujours valables et qu'ils peuvent être atteints sans alourdir inutilement le fardeau de la réglementation. Ce processus de révision donne lieu à l'établissement de dispositions réglementaires nouvelles ou révisées.

8.29 En 1978, le gouvernement a exigé que désormais les dispositions réglementaires nouvelles ou révisées qui ont une certaine importance soient précédées d'une analyse de l'impact socio-économique qui permette de vérifier si les avantages offerts par la réglementation justifiaient les coûts à engager. Les analyses de ce genre servent à prévoir les répercussions de la réglementation projetée ou de ses révisions sur la structure et le rendement des marchés, la répartition des revenus, les équilibres régionaux, les progrès technologiques, l'emploi et la hausse des prix. Le but de cette politique est d'obtenir des analyses plus poussées et plus systématiques des répercussions qu'ont les dispositions réglementaires nouvelles ou modifiées et de fournir au public l'occasion de participer davantage au processus d'élaboration de la réglementation.

8.30 La première étape d'une analyse de ce genre est celle du tamisage, étape qui sert à évaluer la mesure dans laquelle une disposition réglementaire aura des répercussions socio-économiques mineures ou majeures. Une disposition réglementaire est réputée être importante si les coûts prévus sont supérieurs à 10 millions de dollars. Dans ce cas, une analyse complète est effectuée. Il y aura également analyse complète si l'on prévoit que la disposition réglementaire aura une forte incidence sur un groupe donné ou sur le public en général. L'analyse s'arrêtera à l'étape du tamisage si les répercussions sont jugées mineures.

8.31 Observation. La CCEA n'a pas encore effectué d'analyse complète des répercussions socio-économiques. Toutefois, lors de la présentation de l'ébauche de plusieurs dispositions réglementaires, des évaluations de l'importance des répercussions ont été effectuées. À cet égard, la Commission ne fait que suivre les procédés habituels du gouvernement. Toutefois, l'étude de plusieurs cas nous a amenés à conclure que la manière de procéder du gouvernement ne convient peut-être pas vraiment à tous les secteurs et à tous les éléments des industries réglementées par la Commission.

8.32 Prenons, par exemple, le cas du projet de règlement concernant l'exploitation minière de l'uranium, qui a été élaboré après de multiples rencontres et discussions entre le personnel de la Commission, les exploitants de la mine d'uranium d'Elliot Lake et des représentants syndicaux. Une évaluation des répercussions a été effectuée et on a conclu que les répercussions des dispositions réglementaires présentées dans l'ébauche n'étaient pas "majeures" et que, par conséquent, elles ne justifiaient pas une analyse complète. Par contre, des représentants de l'industrie nous ont indiqué qu'à leur avis, les conclusions du "tamisage" étaient fausses parce que l'on n'avait pas utilisé des critères et des méthodes d'analyse appropriés. À leur avis, le règlement concernant l'exploitation minière de l'uranium aura des répercussions importantes sur les opérations minières dans la région d'Elliot Lake et il faudrait qu'une analyse complète soit effectuée. Nous avons su, à l'époque où se déroulait notre vérification, que les représentants de l'industrie n'avaient pas fait connaître avec clarté leur point de vue sur cette question à la Commission.

8.33 La CCEA devrait élaborer des critères et des méthodes d'analyse qui lui permettraient d'évaluer l'utilité d'effectuer des études des répercussions socio-économiques dans chaque secteur de I'industrie nucléaire qu'elle réglemente.

Garanties d'utilisation pacifique et non-prolifération

8.34 Données de base. La politique nucléaire actuelle du Canada autorise l'exportation de matières, d'équipement ou de techniques nucléaires sous réserve de conditions précises. En premier lieu, la collaboration dans le domaine nucléaire avec un État qui ne possède pas d'armes nucléaires sera autorisée à la seule condition que cet État s'engage officiellement à respecter les règles internationales de non-prolifération des armes nucléaires et qu'il accepte de fournir les garanties internationales exigées pour l'ensemble de ses activités dans le domaine nucléaire. Deuxièmement, les matières exportées par le Canada ne peuvent l'être que vers des pays qui s'engagent à ne pas utiliser les matières, l'équipement et les techniques ainsi fournies pour produire des armes ou des explosifs nucléaires. Des obligations de ce genre et d'autres sont consignées officiellement dans les ententes bilatérales ou multilatérales que le Canada conclut avec ses partenaires commerciaux.

8.35 Garanties internationales. Le pays qui s'engage à respecter les règles de la non-prolifération et à fournir des garanties internationales doit signer une entente avec l'Agence internationale de l'énergie atomique. Le pays s'engage ainsi à mettre sur pied un système qui respecte les normes internationales établies pour la comptabilisation et le contrôle des matières nucléaires. À l'intérieur de ce système sont établis des secteurs de bilan matière pour les matières et les activités nucléaires du pays qui sont assujetties aux garanties internationales. Pour chaque secteur de bilan matière, les exploitants d'installations nucléaires doivent enregistrer les matières nucléaires conservées, reçues, expédiées, utilisées ou transformées. L'organisme d'État responsable des questions nucléaires contrôle, au cours d'inspections, les registres, les procédés, les stocks, etc. des exploitants des installations nucléaires.

8.36 L'AIEA, quant à elle, fait l'inspection du système que possède l'État et en vérifie l'efficacité. Ce procédé peut exiger l'utilisation d'équipement de surveillance électronique ou d'autres systèmes de surveillance passive dans des endroits stratégiques à l'intérieur des secteurs de bilan matière. Les inspecteurs de l'AIEA seront également présents lors du déroulement de certaines opérations critiques dans certaines installations nucléaires. Par exemple, le transfert des grappes de combustible épuisé (réacteurs CANDU) d'un bassin de stockage à un autre dans certaines centrales nucléaires canadiennes se fait sous la surveillance d'un inspecteur de l'AIEA, contrôle qui comporte l'observation directe des bassins de stockage du combustible épuisé et, dans certains cas, l'utilisation d'instruments de surveillance mis au point à cet effet. Cette pratique est conçue de façon à pouvoir déceler le remplacement des grappes de combustible épuisé, lesquelles contiennent de petites quantités de plutonium, une matière stratégique, par des grappes de combustible factices.

8.37 Les procédés d'application des garanties sont fonction de la valeur stratégique de la matière à laquelle s'appliquent les garanties, une importance plus grande étant accordée au contrôle des matières qui peuvent être plus directement utilisées pour la fabrication d'armes nucléaires. Par exemple, l'uranium fortement enrichi est soumis à des garanties très serrées alors que l'uranium produit dans les mines canadiennes n'est soumis aux mêmes garanties qu'une fois le minerai transformé en dioxide ou en hexafluorure d'uranium.

8.38 L'AIEA communique les résultats de ces inspections et signale les cas où des quantités importantes de matières nucléaires ne peuvent être retracées dans les registres de contrôle.

8.39 Le respect des garanties au Canada. La CCEA est l'organisme national de contrôle en ce qui concerne le respect de l'entente que le Canada a signée, dans le domaine nucléaire, avec l'AIEA. Par conséquent, la CCEA est l'organisme qui conçoit et met en vigueur le système canadien de comptabilisation et de contrôle des matières nucléaires. Le contrôle de la conformité au système se fait à l'aide du régime de permis et du système d'inspection de la CCEA. Dans ce cadre, les exigences générales relatives aux garanties internationales à respecter sont intégrées aux conditions du permis délivré par la CCEA aux exploitants d'installations.

8.40 La CCEA aide les inspecteurs de l'AIEA dans leur contrôle, au Canada, du respect des garanties. La Commission, par exemple, fournit chaque mois à l'AIEA des rapports de bilan matière et des relevés de la situation des stocks pour tous les secteurs de bilan matière. La CCEA participe également aux grandes inspections.

8.41 Garanties relatives aux matières exportées. Le Canada ne peut exporter de matières nucléaires que vers les seuls pays qui acceptent, en signant un document officiel, un certain nombre d'exigences visant à réduire le risque de voir ces matières utilisées pour la fabrication d'armes ou d'explosifs nucléaires. Ces exigences viennent s'ajouter à celles présentées dans l'entente que chaque pays signe avec l'AIEA. Parmi ces exigences supplémentaires, il y a l'obligation de fournir des garanties complémentaires au cas où l'AIEA ne serait pas en mesure de poursuivre ses activités, l'obligation de contrôler le transfert des produits nucléaires préalablement fournis par le Canada, l'obligation de contrôler le combustible épuisé, son retraitement et les produits du retraitement, et l'obligation de fournir l'assurance que des mesures de protection matérielle satisfaisantes seront prises.

8.42 L'AIEA signale, dans un rapport annuel, si elle a relevé des cas où des quantités importantes de matières nucléaires devant servir à des fins pacifiques ont été utilisées pour fabriquer des armes ou des explosifs nucléaires, ou l'ont été à des fins que l'on ignore. La CCEA, de concert avec d'autres organismes du gouvernement, examine ce rapport et d'autres renseignements utiles afin de vérifier s'il existe des cas où des matières nucléaires provenant du Canada n'ont pas été utilisées à des fins pacifiques.

8.43 Les ententes de collaboration nucléaire comportent le respect d'autres exigences, lequel respect ne repose pas sur des garanties internationales mais plutôt se fonde sur la confiance mutuelle et sur une vigilance soutenue. Par exemple, l'exportation de certaines techniques et de certaines pièces d'équipement, du Canada vers d'autres pays, n'est contrôlée qu'à l'aide du permis d'exportation. Dans ce cas, on estime que l'utilisation de ces techniques ou de ces pièces d'équipement pour produire un engin nucléaire exigerait de grands efforts qui ne pourraient passer inaperçus parce que l'entreprise exigerait également l'utilisation de plusieurs éléments couverts par les garanties.

8.44 La CCEA peut, en dernier ressort, refuser la délivrance d'un permis d'exportation de matières ou de techniques nucléaires si elle juge qu'il est de l'intérêt du Canada d'agir ainsi.

8.45 Observation. La CCEA a consigné ses procédés de vérification des garanties. Notre examen des dossiers et les interviews que nous avons menées auprès du personnel de la CCEA démontrent que ces procédés sont respectés. La direction voit à ce qu'il y ait une révision constante des procédés. L'AIEA signale qu'au cours de ses inspections, elle n'a pas relevé de cas importants de détournement de matières visées par les garanties, au Canada ou ailleurs. De manière générale, à notre avis, l'administration des procédés de contrôle des garanties, à la CCEA, est satisfaisante.

Mesure de l'efficacité

8.46 Évaluation périodique. Depuis la fin de 1977, le gouvernement exige des ministères et des organismes qu'ils effectuent des évaluations périodiques de leurs programmes sur une base cyclique. En 1981, le gouvernement a publié des directives détaillées sur ses exigences en la matière.

8.47 La CCEA n'a pas encore effectué une évaluation de programmes complète pour l'une ou l'autre de ses activités. Toutefois, au moment où nous avons effectué notre vérification, une révision de la Loi sur la responsabilité nucléaire était en cours. La CCEA a établi un plan d'évaluation, même si la plupart des éléments habituels qui constituent l'infrastructure d'une évaluation de programme n'étaient pas encore en place. Nous avons examiné ce plan en fonction des critères que nous utilisons habituellement pour des documents de ce genre et nous avons constaté qu'il était incomplet.

8.48 La CCEA devrait établir des procédés qui lui permettent d'avoir l'assurance que s'effectue une évaluation cyclique de l'efficacité de ses programmes et que lui sont communiqués de manière appropriée les résultats de l'évaluation.

8.49 Évaluation continue. Nous avons examiné les activités d'évaluation continue de l'efficacité qu'utilise la CCEA pour vérifier si la direction se servait des indicateurs d'efficacité et des résultats des mesures à des fins de contrôle. Nous avons constaté que les indicateurs énumérés dans le plan opérationnel n'étaient pas toujours utilisés. Les indicateurs désignés pour la réglementation des réacteurs et des accélérateurs ont été utilisés et il y avait établissement de rapports destinés à être examinés par la direction. Il y a eu planification de l'utilisation des indicateurs qui doivent servir aux études normatives et une première analyse devait être faite à la fin de l'exercice 1984-1985. La situation n'était pas aussi heureuse dans le cas de la réglementation des matières nucléaires et des usines de fabrication de combustibles. La direction nous a déclaré qu'elle jugeait insatisfaisants plusieurs des indicateurs d'efficacité énumérés. Une étude sera effectuée en vue de mettre au point des indicateurs convenables.

Loi sur la responsabilité nucléaire

8.50 La Loi sur la responsabilité nucléaire a été votée en 1970, mais n'a été proclamée qu'en 1976, après qu'une entente eut été conclue avec un regroupement d'assureurs du secteur privé.

8.51 La convention d'assurance qui couvre la responsabilité civile en cas de dommages causés par un accident nucléaire comporte des lacunes du fait que la couverture qu'elle fournit est moins étendue que celle exigée par la loi. De manière plus précise, elle fournit une couverture pour les blessures corporelles plutôt que pour les préjudices personnels et aucun dédommagement n'est prévu pour les dommages qui sont causés par des radiations émises au cours de l'exploitation normale d'une installation nucléaire désignée. Il existe, cependant, un accord de réassurance conclu entre les assureurs et le gouvernement en vertu duquel le gouvernement voit à assurer les articles exclus. La CCEA est au courant de l'écart qui existe entre les exigences du Parlement et la couverture actuellement fournie par le secteur privé. Un groupe de travail interministériel a été mis sur pied en 1982 avec mission de revoir cette loi. Le groupe devait remettre son rapport en juin 1985.

8.52 Nous croyons, compte tenu de l'information dont nous disposions au moment de notre vérification, qu'il serait utile que le Parlement revoie la Loi sur la responsabilité nucléaire.

Administration

8.53 Nous avons examiné les principaux systèmes de gestion financière et les principaux systèmes d'administration des ressources et, à notre avis, ils sont satisfaisants.

8.54 Gestion des ressources humaines. Nous n'avons relevé, à la CCEA, aucune lacune importante en ce qui a trait aux méthodes et systèmes de gestion des ressources humaines, c'est-à-dire aucune lacune susceptible d'amoindrir la capacité de la Commission à réaliser ses programmes. De manière plus précise, la CCEA est un organisme qui essentiellement traite avec des personnes, et les gestionnaires de tous les niveaux, à notre avis, s'intéressent grandement aux tâches de gestion qui leur sont confiées. Les décisions importantes dans chaque secteur des ressources humaines reviennent aux gestionnaires hiérarchiques qui ont recours au personnel spécialisé uniquement pour obtenir des conseils techniques et un appui administratif. Les cadres supérieurs contrôlent la classification des emplois et nous n'avons remarqué aucune fluctuation importante des niveaux de classification depuis 1981. Les évaluations du rendement sont bien établies et la direction les utilise.

8.55 Nous avons constaté, de manière générale, que la gestion du personnel à la CCEA incite les employés à optimiser leur contribution afin d'atteindre les objectifs de la Commission.



Le 22 juillet 1985

Monsieur Kenneth M. Dye
Vérificateur général du Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0G6

Monsieur le Vérificateur général,

Nous avons examiné le chapitre sur la vérification intégrée de la Commission de contrôle de l'énergie atomique ( CCEA). Nous estimons qu'il est exact et conforme aux faits, et nous sommes en principe d'accord avec les conclusions, les recommandations et les observations qu'il contient.

Nous acceptons les conclusions de votre bureau qui a trouvé généralement satisfaisantes les deux principales activités de la CCEA : d'une part, l'autorisation, l'inspection et la réglementation des installations nucléaires et des substances prescrites dans l'intérêt de la santé, de la sûreté et de la sécurité, et, d'autre part, la conformité des substances prescrites et de l'équipement nucléaire du point de vue des garanties et du contrôle de la sécurité. Nous acceptons également la conclusion voulant que les activités de soutien relative à la gestion des ressources financières et humaines, ainsi qu'à l'administration des ressources, soient généralement satisfaisantes.

Aux deux recommandations de votre bureau au sujet des critères et des méthodes utilisés pour l'analyse de l'impact socio-économique et l'évaluation des programmes, la CCEA voudrait apporter les commentaires suivants :

RECOMMANDATION :

La CCEA devrait élaborer des critères et des méthodes d'analyse qui lui permettraient d'évaluer l'utilité d'effectuer des études des répercussions socio-économiques dans chaque secteur de l'industrie nucléaire qu'elle réglemente.

COMMENTAIRE DE LA CCEA :
Bien que la CCEA soit d'avis que les critères et les méthodes actuels du Conseil du Trésor pour les analyses d'impact socio-économique (AISE) conviennent à tous les secteurs de l'industrie nucléaire, elle abordera cette question en même temps que l'évaluation triennale des politiques du Conseil du Trésor sur les analyses d'impact socio-économique.
RECOMMANDATION :

La CCEA devrait établir des procédés qui lui permettent d'avoir l'assurance que s'effectue une évaluation cyclique de l'efficacité de ses programmes et que lui sont communiqués de manière appropriée les résultats de l'évaluation.

COMMENTAIRE DE LA CCEA :
La CCEA améliorera son plan d'évaluation des programmes et en renforcera l'infrastructure afin que les évaluations cycliques de ses programmes soient bien effectuées et que les résultats lui soient communiqués de manière appropriée.
Un certain nombre d' observations ont été formulées concernant les faiblesses décelées dans la loi, la documentation incomplète pour certains cas de permis, d'inspection et de conformité, l'absence d'analyse des données inscrites au Fichier dosimétrique national, la nécessité d'améliorer certains indicateurs d'efficacité et l'Accord de réassurance qui ne traduit pas entièrement l'esprit de la Loi sur la responsabilité nucléaire qui le régit. Nous sommes conscients de ces problèmes et intensifierons nos efforts pour apporter à chacun les améliorations qui s'imposent, tout en sachant que dans certains cas, ce sont les politiques et priorités du gouvernement qui constituent las principaux facteurs déterminants.

Nous sommes heureux d'avoir été associés à cette vérification intégrée qui a été facilitée par l'existence d'objectifs communs, ainsi que par la courtoisie, le souci du détail et le professionnalisme des fonctionnaires de votre bureau.

Veuillez agréer, Monsieur le Vérificateur général, l'expression de nos sentiments distingués.

J. H. Jennekens