4.10 En fait, de 1984 à 1997, les débarquements des mollusques et crustacés ont augmenté en poids de 138 p. 100, passant de 131 000 tonnes à 312 000 tonnes. Depuis le début des années 90, les débarquements du homard et du pétoncle ont chuté, mais ceux du crabe des neiges et de la crevette, surtout à Terre-Neuve et au Labrador, ont fait un bond.
4.11 Pendant la même période, la demande croissante de mollusques et de crustacés a fait grimper les prix reçus par les pêcheurs. Malgré la baisse des pêches du poisson de fond, la valeur de tout le poisson du Canada atlantique débarqué a atteint 1,34 milliard de dollars en 1995. Après correction en fonction de l'inflation, ce montant a représenté la deuxième valeur annuelle au débarquement jamais enregistrée dans la région. La pièce 4.1 montre les tendances des débarquements et des prix des quatre principales espèces commerciales de mollusques et de crustacés dans l'Atlantique.
4.13 Pendant les années 90, la plupart des pêcheurs du secteur des mollusques et crustacés ont profité d'une hausse sans précédent de leur revenu. Tout en procurant généralement un bon revenu aux pêcheurs, à l'exception des homardiers, le secteur n'a jamais été le gagne-pain d'un grand nombre de personnes. Par ailleurs, il ne demande pas le même niveau de transformation que le secteur du poisson de fond, si bien qu'il ne fait pas vivre autant de travailleurs d'usine.
4.14 Le revenu des pêcheurs de mollusques et de crustacés contraste nettement avec celui des pêcheurs de poisson de fond. Pendant les années 90, divers programmes gouvernementaux ont été créés pour procurer aux pêcheurs de poisson de fond un soutien au revenu et des possibilités de replacement, ce qui les a rendus largement dépendants de ces programmes pour une partie importante de leur revenu. Au bout du compte, ces programmes auront coûté aux contribuables canadiens plus de trois milliards de dollars.
4.16 Pour notre vérification, nous avons procédé au cas par cas, c'est-à-dire que nous avons choisi des pêches particulières afin d'établir si, et dans quelle mesure, les objectifs de gestion des pêches ont été systématiquement poursuivis.
4.17 À cette fin, nous avons choisi les pêches du homard, du pétoncle, du crabe des neiges et de la crevette qui, combinées, représentent 92 p. 100 de la valeur des mollusques et crustacés débarqués dans le Canada atlantique en 1997; les mollusques et crustacés représentent 81 p. 100 de la valeur de tous les débarquements de poisson dans la région. La pièce 4.2 montre les zones particulières de ces quatre pêches sur lesquelles a porté notre vérification. Nous avons choisi les pêches qui non seulement peuvent revêtir la plus grande valeur, mais aussi concernent les principales zones de pêches du Canada atlantique.
4.18 D'autres détails figurent dans la section intitulée À propos de la vérification à la fin du chapitre.
[...] de conserver et de protéger les ressources halieutiques du Canada et, en association avec les intervenants, d'en assurer l'utilisation durable.Dans ses principaux documents redditionnels, le Ministère a informé le Parlement que son objectif de gestion des pêches est la « conservation ». Au début de notre vérification, il nous a informés que la conservation s'entend ici des aspects biologiques de la durabilité, à l'exclusion des grands enjeux économiques ou sociaux. Dans le Rapport sur les plans et les priorités de 1998-1999, aucun des résultats escomptés en gestion des pêches ne mentionne les objectifs économiques globaux du Ministère.
4.22 En outre, ni les rapports du Ministère au Parlement ni sa stratégie des pêches de l'avenir ne prennent en compte les incidences sociales des décisions sur la gestion des pêches. Dans une réponse donnée le 26 août 1998 au Comité permanent des comptes publics, le Ministère a confirmé qu'il ne privilégie pas les facteurs sociaux :
En renversant les principes actuels de gestion des pêches et en réinstaurant une pêche à visées sociales pour satisfaire les anciens prestataires de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, on minerait les possibilités de conservation, l'on réduirait la viabilité de l'industrie et l'on accroîtrait les coûts à long terme pour l'État (en raison d'une hausse des frais de gestion et d'un accès élargi aux prestations d'assurance-emploi).4.23 Cependant, pour certaines décisions importantes, le Ministère n'a pas respecté la stratégie des pêches de l'avenir qui représente pourtant sa vision du secteur. Ainsi, la pièce 4.3 décrit trois décisions sur les allocations qui ont été prises pour appuyer des objectifs sociaux mais dont on ne trouve pas trace dans la stratégie.
4.24 Les pêches de la crevette nordique et du crabe des neiges du golfe (soit l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent, ci-après le « golfe ») constituent un autre exemple de la poursuite d'objectifs sociaux par le Ministère. En 1997 et, pour la pêche de la crevette nordique seulement, en 1998, le Ministère a approuvé des allocations temporaires pour des organisations de pêcheurs et pour des organisations communautaires. Ces allocations étaient consenties soit directement à ces organisations, soit aux sociétés que celles-ci contrôlaient. Ces allocations visaient à renforcer ou à appuyer les initiatives menées par les organisations et à redistribuer aux membres les revenus tirés de ces pêches lucratives. Nous estimons que la valeur totale au débarquement de ces allocations temporaires était d'environ 15 millions de dollars.
4.25 Nous avons constaté que les thèmes majeurs de la gestion de certaines pêches des mollusques et crustacés ont été la répartition des richesses et le partage des avantages entre les pêcheurs pratiquant des pêches « fructueuses » et d'autres pêcheurs titulaires de permis, y compris ceux qui dépendent du poisson de fond. Par contre, pour d'autres pêches des mollusques et crustacés considérées comme lucratives, aucune tentative n'a été faite en vue de concevoir un partage des richesses qu'on en a tirées.
4.26 La Loi sur les pêches confère au Ministre et au Ministère le double rôle de protéger la capacité productive des ressources naturelles, essentielle aux pêches, et l'allocation des ressources aux titulaires de permis. Dans ses déclarations au Parlement, à la presse et au grand public, le Ministère fait valoir son premier rôle, la protection. Dans la pratique, les activités courantes des gestionnaires des pêches portent le plus souvent sur le second rôle, l'allocation des ressources. Les décisions du Ministre sur les allocations se traduisent par une répartition des richesses tirées des pêches.
4.27 Il existe une tension naturelle entre la protection des ressources pour l'avenir et leur allocation pour le présent. Les pressions sociales et économiques exercées sur le Ministère et sur le Ministre concernent généralement l'allocation des ressources pour le présent. Ces pressions sont des plus difficiles à gérer lorsque le Ministère a des connaissances limitées pour démontrer quelle proportion du stock doit être épargnée afin de protéger la ressource. Lorsque les connaissances sur le stock sont limitées, il est d'autant plus important d'appliquer le principe de la précaution, c'est-à-dire de pécher par excès de prudence.
4.29 Les difficultés de l'application pratique de cette politique ressortent des exemples suivants.
4.32 Nous avons remarqué que certaines décisions sur l'allocation des ressources et sur la délivrance des permis ne semblent pas conformes à l'objectif de la viabilité économique.
4.34 Depuis 1992, le Ministère s'efforce, par ses initiatives de délivrance de permis et par ses dépenses, de réduire la capacité de capture du secteur du poisson de fond. Il a dépensé environ 85 millions de dollars pour éliminer au-delà de 1 300 permis de pêche du poisson de fond, dont l'immense majorité concernaient la région de Terre-Neuve. Néanmoins, comme nous le signalons dans notre rapport de 1997, au chapitre 15, la surcapacité de capture fait toujours problème.
4.35 Depuis 1997, la capacité de capture de la région de Terre-Neuve a fait un bond, car 208 nouveaux chalutiers crevettiers ont été acquis (voir l'étude de cas n o 2) et 150 bateaux ont été agrandis ou remplacés au titre des Règles supplémentaires de remplacement des bateaux destinés à la pêche du crabe des neiges. Une cinquantaine des 150 bateaux avaient moins de 35 pieds (10,7 mètres) de long et ont été remplacés par des bateaux mesurant de 35 à 45 pieds (de 10,7 à 13,7 mètres).
4.36 Le gouvernement a du mal à définir et à déterminer la capacité de capture de l'industrie et encore davantage à la contrôler. Les bateaux neufs et agrandis, par exemple, ont un grand potentiel de capture qui peut aisément servir à pêcher le poisson de fond. Nous craignons que cet accroissement du potentiel de capture ne vienne annuler les efforts que le gouvernement a déjà déployés pour réduire la capacité de pêche du poisson de fond. Le Ministère a indiqué qu'il a les moyens de contrôler le transfert de la capacité de la pêche des mollusques et crustacés vers la pêche du poisson de fond. Cependant, l'expérience passée a montré que le gouvernement subit d'intenses pressions pour affecter les stocks en fonction de la capacité de capture.
4.37 Nous avons observé que la capacité de capture a aussi augmenté dans le secteur de la pêche du homard, surtout à cause de l'efficacité accrue des engins de pêche, de l'utilisation de bateaux plus gros et plus puissants et de l'amélioration de la technologie de la pêche. Voilà les principales raisons qui expliquent le plan que le Ministre a récemment mis en oeuvre pour resserrer les contrôles sur la capture dans ce secteur. Par contre, pour les pêches du pétoncle en haute mer et dans la baie de Fundy, le Ministère a recouru aux allocations aux entreprises et aux quotas individuels transférables, respectivement, pour permettre aux titulaires de permis de réduire la capacité selon la disponibilité de la ressource. Le nombre de pétoncliers hauturiers a été ramené de 66 en 1985 à 32 en 1996. La flottille concernée, qui récolte 85 p. 100 des pétoncles le long des côtes de la baie de Fundy, a récemment adopté un processus d'autorationalisation; il est trop tôt pour déterminer les résultats de cette nouvelle approche.
4.40 Le 26 août 1998, le Ministère a fourni au Comité permanent des comptes publics des mises à jour et des plans d'action pour la mise en oeuvre de nos recommandations. Sur l'élaboration d'un cadre de gestion des pêches, le Ministère a affirmé, entre autres, ce qui suit.
Pour ce qui est de mesurer à quel point on a réussi à équilibrer la capacité de l'industrie pour lui assurer une viabilité économique et sociale, nous estimons que, puisque l'Examen des programmes a eu pour effet de réorienter le mandat du Ministère et de son secteur de la gestion des pêches vers l'objectif névralgique de la conservation, nous n'avons ni la responsabilité ni les ressources nécessaires pour gérer les enjeux socioéconomiques. Par conséquent, au niveau des « enjeux », la gestion des pêches ne mesurera pas le rendement et ne ciblera pas d'objectifs. Seules feront exception les situations où le gouvernement a conféré des responsabilités spéciales à Pêches et Océans; dans ces cas, on établira au besoin des indicateurs de rendement des enjeux socioéconomiques.
4.41 Au 31 décembre 1998, la situation des initiatives prises en réponse à nos recommandations était comme suit.
[Par] « développement durable » [on entend le] développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs.4.43 Un cadre des pêches durables tient compte des facteurs interdépendants - biologiques, économiques et sociaux - qui touchent les pêches. Ainsi, ces facteurs sont par nature complexes, multidimensionnels et toujours mouvants. À l'annexe, nous parlons des « leçons apprises » lors de notre examen des cadres des pêches mis en oeuvre par d'autres instances et de celles que l'on a tirées de l'expérience du Canada atlantique.
4.45 Pêches et Océans devrait mettre en oeuvre un cadre des pêches durables et notamment faire clarifier par le gouvernement les objectifs des pêches dans la loi. Ce cadre devrait orienter le déroulement et la gestion des pêches à long terme.
Réponse de Pêches et Océans : Dernièrement, Pêches et Océans a formé un groupe de travail sur la réforme de la politique des pêches de l'Atlantique sous la direction du sous-ministre adjoint, Gestion des pêches, et de la sous-ministre adjointe, Politiques. Le mandat de ce groupe comprend, entre autres, l'élaboration d'une politique cadre cohérente et logique, qui donnera une vision large de l'orientation des pêches de l'avenir dans l'Atlantique.
4.47 Chacune des pêches que nous avons examinées avait fait l'objet d'un processus de planification. Tous les plans de gestion des pêches sur lesquels nous nous sommes penchés considéraient la « conservation » comme un objectif, mais seul l'objectif de la pêche du homard a été chiffré. (Nous avons remarqué que le Ministère considère que l'objectif de la pêche du crabe constitue une étape provisoire pendant qu'il élabore de meilleures mesures de « conservation ».) Voici des exemples d'objectifs figurant dans les plans de gestion des pêches :
4.49 Afin de ne pas nuire à la santé des stocks, il est important de disposer des bons renseignements pour prendre les décisions sur l'utilisation des ressources. Le Ministère a indiqué que, si l'état des stocks est incertain, les décisions sur l'utilisation des ressources se prendront selon le principe de la précaution, c'est-à-dire que les décideurs pécheront par excès de prudence.
4.50 Outre le manque d'objectifs et de cibles mesurables, nous avons constaté que des décisions de gestion ne reflétaient pas le souci de « conservation » des responsables du Ministère. L'étude de cas n o 3 porte sur une décision de gestion des pêches qui permet la récolte du pétoncle dans une importante nourricerie de la baie de Fundy où les stocks sont dangereusement bas.
4.52 Nous avons trouvé, dans certaines des pêches que nous avons examinées, des trous dans les renseignements disponibles pour appuyer les décisions sur l'utilisation des ressources. Mentionnons quelques exemples.
4.54 Pourquoi existe-t-il un écart entre la qualité et la disponibilité des connaissances sur des stocks particuliers? Certains stocks, comme ceux de la crevette nordique et du crabe des neiges de Terre-Neuve, se trouvent maintenant bien au-delà des limites des zones connues et en des quantités qui dépassent de loin les chiffres antérieurs; ainsi, les données scientifiques accumulées jusqu'ici sont limitées. L'accroissement de ces stocks refléterait soit l'absence de prédateurs naturels, notamment la morue, soit des conditions environnementales favorables, soit les deux. En ce qui concerne les autres stocks, comme celui du homard, l'utilisation qui a été faite du financement antérieur ou certaines décisions de gestion prises par le Ministère ont restreint les capacités de collecte de renseignements. Cependant, nous avons remarqué que, pour certaines pêches où la collaboration entre le Ministère et l'industrie est étroite et où l'industrie paye pour des renseignements supplémentaires, les connaissances sur l'état des stocks sont bonnes. Il en est ainsi des pêches du crabe des neiges du golfe et du pétoncle en haute mer.
4.56 Un examen effectué pour le Ministère a critiqué la façon de dresser les plans de gestion intégrée des pêches. Il a notamment révélé l'influence des intervenants qui s'adressent directement au Ministre sans recourir aux plans de gestion. L'examen a aussi montré que les principales composantes du Ministère (Sciences, Conservation et protection et Affaires autochtones par exemple) n'ont pas été pleinement intégrés au processus et que les intervenants de l'extérieur estiment avoir été négligés. En outre, il indique que les plans de gestion intégrée n'ont pas été établis au moment opportun. Notre vérification corrobore ces observations. Le Ministère a commencé à mettre en oeuvre un plan de gestion en réponse à l'examen. Nous estimons que la planification intégrée est importante pour la gestion rentable des pêches.
4.57 Dans notre rapport de 1997, au chapitre 15, nous avons indiqué qu'il fallait des règles pour orienter les principales décisions sur l'utilisation des ressources. Nous avons signalé que, sans points de référence biologiques et en l'absence de règles pour baliser la prise de décisions, les facteurs sociaux et économiques pourraient infléchir les décisions sur l'utilisation de stocks particuliers au détriment du volet biologique de la durabilité. De telles règles n'ont généralement pas été élaborées en fonction des stocks de mollusques et de crustacés que nous avons examinés, exception faite de la pêche du homard comme nous l'avons remarqué dans l'étude de cas n o 4 . S'il est vrai que la « conservation » des stocks est le premier objectif, les gestionnaires des pêches doivent travailler avec les représentants de l'industrie et les scientifiques à élaborer des règles pour la prise de décisions clés sur l'utilisation des ressources et incorporer ces règles dans les plans de gestion sur les pêches.
4.58 La pêche hauturière du pétoncle utilise le concept du « total admissible reconduit », c'est-à-dire que l'activité de récolte est ajustée périodiquement selon les taux de capture et la composition du stock. Ce concept, qui figure dans le plan des pêches officiel, vise à limiter les pressions exercées sur les pétoncles juvéniles et, partant, sur leur recrutement futur. Les représentants de l'industrie et les scientifiques ont donc élaboré des règles de précaution pour orienter les décisions concernant l'utilisation de la ressource.
4.59 Nous avons relevé d'autres exemples où il existe des objectifs de conservation qui ne font pas partie du plan des pêches officiel. Ces objectifs revêtent la forme de points de référence, mais ils n'ont pas été adoptés comme règles susceptibles d'orienter les décisions. Pour la pêche du crabe des neiges du golfe, par exemple, on a utilisé un taux d'exploitation prédéterminé conjointement avec des estimations de la biomasse pour établir le total admissible des captures. Cependant, ce taux d'exploitation ne repose pas sur des bases biologiques solides, car il a été choisi au départ pour des raisons économiques. La pêche de la crevette du golfe utilise une « brochette » d'indicateurs biologiques pour recommander l'orientation des changements à apporter au total admissible des captures.
4.60 La Direction des sciences est en train d'élaborer une définition fonctionnelle du principe de la précaution et de l'intégrer à ses avis à la Direction de la gestion des pêches. Nous appuyons cette orientation. Nous ignorons toujours cependant comment les gestionnaires des pêches entendent incorporer le principe de la précaution dans les décisions qu'ils prendront sur l'utilisation des ressources.
4.61 La Direction de la gestion des pêches n'est pas tenue de suivre les avis issus du processus d'évaluation des stocks. Pour certaines pêches, il existe une corrélation directe entre les avis sur l'évaluation des stocks et les décisions de gestion. Pour d'autres pêches, des facteurs autres que les avis sur l'évaluation des stocks jouent un rôle important dans les décisions sur l'utilisation d'une ressource. En fait, nous avons constaté que, pour certaines de ces décisions, il était difficile de voir comment les gestionnaires des pêches avaient appliqué le principe de la précaution.
4.63 Avant que les pêcheurs côtiers commencent à pêcher la crevette nordique en 1998, par exemple, la Direction des sciences et d'autres entités ont fait valoir la probabilité que ces pêcheurs rejettent à la mer de grandes quantités de petites crevettes de vil prix. Ces pratiques gaspillent la ressource et gênent la croissance future du stock. Il serait important que la Direction des sciences ait accès à des renseignements sur l'ampleur de ces pratiques lorsqu'elle évalue l'état des stocks. Cependant, le plan de 1998 concernant cette pêche n'a pas fait allusion aux préoccupations des scientifiques concernant les rejets en mer.
4.65 Les objectifs du contrôle et de la surveillance consistent notamment à recueillir des renseignements complets et exacts sur les pêches et à s'assurer que celles-ci se déroulent conformément aux plans de gestion et aux règlements pertinents. La coordination et l'efficacité du contrôle et de la surveillance, notamment l'application efficace de la loi, sont importantes pour faire en sorte que les pêcheurs opèrent de façon durable.
4.66 Nous avons remarqué que, pour la plupart des pêches, la planification du contrôle et de la surveillance est mal coordonnée. On a réparti entre plusieurs composantes du Ministère la responsabilité des divers volets du contrôle et de la surveillance. Malgré le recours fréquent aux plans de gestion intégrée des pêches, les diverses composantes du Ministère fonctionnent largement en vase clos. Plus la pêche est complexe, moins elle est susceptible d'être assortie d'activités coordonnées de contrôle et de surveillance. Ainsi, la pêche de la crevette nordique fait intervenir des flottilles hauturières et côtières, couvre une vaste zone géographique et relève de plus d'une région du Ministère. Nous avons pourtant constaté que le plan de gestion intégrée de cette pêche néglige les rejets à la mer par les pêcheurs côtiers.
4.67 En comparaison, la pêche du crabe du golfe de la zone 19 est peu étendue, compte peu d'emplacements de débarquement, fait intervenir un petit nombre de participants et comporte un groupe industriel qui se charge de décisions de gestion. Ces facteurs, auxquels s'ajoute le faible nombre de responsables des pêches concernées, ouvre la voie à la mise en oeuvre d'activités efficaces de contrôle et de surveillance, notamment en ce qui a trait à l'application de la loi.
4.68 Dans notre rapport de 1997, au chapitre 15, nous avons discuté des éléments du contrôle et de la surveillance dans les pêches du poisson de fond. Les observations qui suivent comprennent nos commentaires sur les progrès que le Ministère a accomplis dans les secteurs traités dans ce chapitre, puisque les pratiques des pêches des mollusques et crustacés et celles du poisson de fond se ressemblent quelque peu.
4.69 Vérification à quai. La vérification à quai est le processus utilisé pour la plupart des pêches, sauf celle du homard, pour recueillir des renseignements sur les débarquements de pêcheurs particuliers. Les pêcheurs assurent les services de vérification à quai de leurs débarquements du poisson et présentent des rapports au Ministère.
4.70 Dans notre rapport de 1997, nous avons constaté que, même si le nouveau système marquait une amélioration au regard de celui qui le précédait, il existait des lacunes dans la vérification à quai. Le Ministère y a réagi partiellement en faisant adopter des changements, entrés en vigueur le 1er janvier 1999, qui tendent à réglementer les activités des organisations de vérification à quai. Nous avons signalé que les problèmes de vérification à quai du poisson de fond affligeaient également les pêches des mollusques et crustacés.
4.71 En 1998, des agents ont été chargés d'examiner l'activité de vérification à quai pour recueillir des renseignements sur son efficacité globale. Seule la région de Terre-Neuve a essayé de procéder à ces examens. Elle a rencontré des problèmes et n'a pu obtenir les renseignements voulus sur le fonctionnement régional de la vérification à quai. Nous sommes quand même encouragés par le fait que cette région a fait une première tentative et que, pendant la campagne de pêche 1999, elle semble cheminer vers l'examen de la vérification à quai.
4.72 Observation en mer. Le Ministère peut recourir à plusieurs méthodes pour le contrôle en mer, bien que la présence d'observateurs à bord ou l'arraisonnement par des agents permette un premier regard. Les principales pratiques qui font l'objet de ces méthodes sont les rejets sélectifs ou globaux ou encore l'utilisation de méthodes de capture illégales.
4.73 En 1997, nous avons remarqué que les renseignements fournis par les observateurs n'étaient pas utilisés efficacement pour déterminer l'ampleur de la pêche non durable par l'industrie du poisson de fond. En outre, le Ministère n'a pas élaboré d'approche systématique intégrant à ces pratiques de gestion les renseignements fournis par les observateurs en mer et l'information provenant d'autres sources. Ces remarques s'appliquent également à la gestion des pêches des mollusques et crustacés en 1998.
4.74 Les cibles visées, c'est-à-dire les pourcentages des sorties de pêche prévues avec les observateurs à bord, varient d'une flottille à l'autre, allant de zéro pour cent pour la pêche du homard à 100 p. 100 pour la pêche de la crevette nordique hauturière. En outre, il existe différentes cibles, même pour les flottilles pêchant le même stock.
4.75 Pour certaines pêches, comme celles du crabe des neiges du golfe et du crabe des neiges de Terre-Neuve, les cibles concernant les observateurs à bord des flottilles ont été atteintes en 1998. Malgré cela, seulement 1,5 p. 100 de la capture effective du crabe des neiges de Terre-Neuve a fait l'objet d'une observation. Pour la pêche de la crevette nordique, la couverture pour la zone 6 a atteint cinq pour cent en 1997 et six pour cent en 1998; la cible, chaque année, a été de dix pour cent.
4.76 Bien que certains renseignements fournis par les observateurs en mer servent à informer les scientifiques ou contribuent à l'application de la loi, nous avons constaté que, le plus souvent, ils n'ont pas été utilisés efficacement pour gérer la pêche. C'est ainsi que la direction du Ministère a négligé certains renseignements que des observateurs avaient recueillis expressément en fonction de la conservation. En 1998, la pêche du crabe du golfe de la zone 18 a fait l'objet d'un protocole qui prévoyait les conditions donnant lieu à une fermeture. Si la quantité de crabes à carapace molle (de mue récente) qui était débarquée dépassait 20 p. 100 de la capture sur 48 heures, l'industrie était avisée de modifier ses pratiques. Si les mêmes conditions régnaient dans les 48 heures ultérieures, la pêche devait être fermée pour la saison. Nous avons remarqué qu'à plusieurs occasions la fréquence du crabe à carapace molle a dépassé 20 p. 100 dans deux périodes consécutives de 48 heures sans fermeture de la pêche. Nous avons observé que l'on a fermé la pêche trois fois pendant la saison et qu'on l'a rouverte ultérieurement. Nous avons également observé que l'ampleur de la couverture en mer avait diminué quand la fréquence du crabe à carapace molle avait augmenté. En fait, la couverture par des observateurs était plus faible lorsque le pourcentage du crabe à carapace molle était le plus élevé. Pour la pêche du crabe des neiges de Terre-Neuve, les renseignements recueillis par des observateurs en mer sur la fréquence du crabe à carapace molle n'ont pas servi à établir si la fermeture était fondée.
4.77 Nous avions déjà constaté, en 1997, que le Ministère n'utilisait pas les renseignements fournis par les observateurs en mer pour déterminer jusqu'à quel point les pratiques de la pêche du poisson de fond étaient non durables. Dans ce genre d'analyse, qu'on appelle l'« indexage », les pratiques et les captures des bateaux à bord desquels se trouvent des observateurs sont comparées à celles des autres bateaux. Ainsi, on peut établir si les pêcheurs s'adonnent à des pratiques non durables lorsque des observateurs ne sont pas à bord. Pour la pêche des mollusques et crustacés, nous avons constaté qu'en règle générale l'indexage n'est pas effectué non plus. Les deux exceptions étaient la pêche du crabe des neiges de Terre-Neuve (1996 et 1997) et la pêche du crabe du golfe de la zone 12 (1998). L'indexage a révélé l'existence d'un tri (afin de ne garder que les crabes des neiges de valeur élevée) et de rejets sélectifs, soit 25 p. 100 de la pêche du crabe des neiges de Terre-Neuve et 20 p. 100 de la pêche du crabe des neiges du golfe de la zone 12.
4.78 Système d'information de gestion des pêches. Les observations que nous avons faites en 1997 sur les systèmes d'information de gestion des pêches restent valables. Ces systèmes sont d'une utilité limitée pour les gestionnaires des pêches. Les divers systèmes sont mal intégrés et les renseignements ne sont ni à jour ni complets. L'information sur les débarquements du homard pour 1997, par exemple, n'était pas encore disponible en décembre 1998. Le Ministère a un plan quinquennal de remplacement de ces systèmes.
4.79 Surveillance aérienne. La surveillance aérienne est fortement concentrée sur les pêches pratiquées près des frontières internationales, tandis que le secteur des mollusques et crustacés est peu couvert. La surveillance aérienne sert à donner à la direction des renseignements sur l'activité de l'industrie, à cibler des activités entourant l'application de la loi et à contrôler des zones ainsi qu'à faire respecter la législation.
4.80 Autres formes de surveillance. Le Ministère expérimente des techniques de surveillance novatrices. La flottille de pêche hauturière du pétoncle, par exemple, a adopté la technologie de la « boîte noire » qui utilise les systèmes mondiaux de localisation pour contrôler l'activité. Ce système procure au Ministère une capacité de contrôle en temps réel.
4.81 Application de la loi. Nous avons constaté que l'application de la loi est plus rigoureuse pour certaines pêches que pour d'autres. La raison, pas toujours évidente, tient aux particularités de chaque pêche. C'est ainsi que, par exemple, l'activité d'application de la loi est relativement élevée pour la pêche du crabe des neiges du golfe dans la zone 19.
4.82 Par contre, l'activité d'application de la loi est très faible pour la pêche du pétoncle de la baie de Fundy. Les agents estiment qu'il n'y aurait pas lieu de consacrer plus de ressources au contrôle de cette pêche, vu l'actuel plan de gestion des pêches et le peu de moyens d'application de la loi en mer. En fait, l'examen post-saison de la conservation et de la protection de cette espèce révèle que le régime de gestion des pêches en vigueur ne peut être appliqué.
4.83 Nous avons constaté des lacunes dans l'application de la loi en mer parce que le Ministère ne dispose pas des navires appropriés. Ainsi, les navires patrouilleurs couvrent peu les zones hauturières et semi-hauturières de pêche des mollusques et crustacés ou ne les couvrent pas du tout. La couverture du littoral (à moins de 20 milles) a récemment été améliorée. Depuis 1996, le Ministère a acheté 69 navires spécialisés pour patrouiller cette zone. Dans les zones où l'application de la loi en mer est limitée, la couverture par les observateurs en mer constitue le principal instrument de contrôle des pratiques de capture non durables, comme les rejets sélectifs et globaux; toutefois, comme nous l'avons déjà signalé, cet outil est mal utilisé le plus souvent. La pièce 4.6 montre, pour les stocks de mollusques et de crustacés qui font l'objet de notre vérification, des zones où le Ministère a peu de capacité d'appliquer la loi en mer ou n'en a pas du tout.
4.84 En 1998, le Ministère a effectué des vérifications judiciaires pour plusieurs pêches, y compris celle du crabe des neiges en Nouvelle-Écosse. Ces mesures d'application de la loi ont permis de mieux connaître certaines pratiques non durables des pêcheurs et de ceux qui achètent leur poisson et ont donné lieu à plusieurs accusations. Jusqu'à présent, le Ministère s'en est remis à quelques personnes pour effectuer ces vérifications judiciaires. Il s'efforce toutefois de se donner une capacité institutionnelle pour poursuivre cette importante activité.
4.85 Sanctions et pénalités administratives. En vertu de la politique des sanctions administratives à l'égard des permis du Ministère, le directeur général régional pourrait infliger une sanction (suspendre le droit de pêcher pendant un certain temps par exemple) en plus des poursuites au criminel en cas d'infractions graves liées à la conservation. Comme nous l'avons signalé en octobre 1997, le Ministère a mis cette politique en veilleuse jusqu'à l'audition, par la Cour d'appel fédérale, de plusieurs décisions de justice rendues par la Section de première instance de la Cour fédérale, selon lesquelles le Ministre n'a pas le pouvoir d'imposer des sanctions administratives. L'imposition de sanctions quelconques serait rentable, car elle pourrait être modulée en fonction des infractions et intervenir en temps opportun.
4.87 Le Ministère devrait élaborer, à terme et en consultation avec les pêcheurs et les autres intervenants, des points de référence biologiques et des lignes directrices sur la conservation afin de formuler des recommandations concernant les décisions sur l'utilisation de la ressource.
Réponse de Pêches et Océans : Pêches et Océans a formé un groupe de travail qui est chargé de clarifier ses politiques de gestion des pêches de l'Atlantique. Dans le contexte de cette initiative, un certain nombre d'aspects généraux de gestion seront étudiés, dont une meilleure définition de la conservation et de l'approche de précaution. Une fois ces définitions adoptées, il restera à établir des points de référence biologiques et des règles pour orienter la prise de décisions relatives à la conservation.
4.88 Le Ministère devrait remédier aux faiblesses dans ses systèmes et processus de contrôle et de surveillance.
Réponse de Pêches et Océans : En vertu du cadre de travail élaboré par Pêches et Océans pour la préparation des plans de gestion intégrée des pêches, ceux-ci doivent inclure des mesures d'application des règlements destinées à contrôler et à surveiller les activités de pêche afin d'atteindre les objectifs de gestion. Bon nombre des plans existants pour les pêches des mollusques et crustacés comprennent déjà de telles mesures, et tout nouveau plan élaboré selon le cadre du plan devra comporter des mesures semblables. Toutes les lacunes ou faiblesses des systèmes de surveillance font l'objet d'une intervention au fur et à mesure qu'elles sont portées à l'attention des gestionnaires responsables.
[...] cogestion se définit au sens large comme des systèmes qui permettent un partage des responsabilités, des risques et des pouvoirs décisionnels entre les gouvernements et les intervenants qui comprennent de manière non restrictive les utilisateurs des ressources, les intérêts environnementaux, les experts et les créateurs de richesses.4.91 La Table ronde a conclu qu'en abordant les enjeux océaniques par la cogestion, notamment la gestion des pêches, il serait possible d'en tirer des avantages, notamment rassembler les intérêts, changer les relations, favoriser la reddition de comptes conjointe, soutenir la transparence et l'autonomie, transférer la prise de décisions et répondre aux besoins régionaux.
4.93 Dans les pêches que nous avons examinées, seuls le premier et le deuxième de ces niveaux de cogestion ont été représentés. Le troisième niveau a été écarté, les modifications à la Loi sur les pêches n'ayant pas reçu l'approbation finale du Parlement. La pêche de la crevette nordique qui se pratique dans les limites de la zone de règlement du Nunavut est assujettie à l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut; il s'agit d'une cogestion prévue par la loi. Notre vérification n'a pas porté sur cet arrangement.
4.94 Les arrangements de cogestion que nous avons examinés ne supposaient aucun partage du processus décisionnel concerné, mais officialisaient le processus de consultation avec les intervenants. Par ailleurs, ils ne prévoyaient aucune participation élargie des intervenants, mais plutôt des arrangements visant des pêcheurs titulaires de permis clairement identifiés ou leurs organisations.
[TRADUCTION] [...] la flottille devrait payer ou prendre en charge tous les coûts afférents à la gestion des ressources qui lui sont attribuables et qui aboutissent ou contribuent à ses avantages propres. Ces coûts qui peuvent être associés à des avantages publics sont payés au moyen de crédits. À cette fin, il faut calculer les coûts attribuables aux pêches à l'aide d'un système crédible d'établissement des coûts ministériels.4.96 Nous avons constaté que le Ministère n'a pas déterminé quelles seraient ses activités de gestion des ressources, y compris les activités scientifiques, qui aboutissent ou contribuent aux avantages propres de diverses flottilles. En d'autres termes, il n'a pas toujours établi de distinction entre ces activités clés et les autres activités. En outre, il n'a pas de système d'établissement des coûts qui produise des renseignements de ce genre.
4.97 En fait, les coûts recouvrés auprès de l'industrie sont fort variés. Dans certains secteurs, comme la pêche hauturière du pétoncle, l'industrie paie elle-même directement les coûts de certaines activités relatives aux sciences halieutiques. Dans d'autres secteurs, les coûts sont remboursés par l'industrie, mais il n'existe aucune uniformité dans les types de coûts. Pour la pêche du crabe du golfe des zones 12 et 19, par exemple, la plupart des coûts de l'évaluation des stocks ont été recouvrés auprès de l'industrie. Par contre, pour la pêche de la crevette du golfe, seuls les coûts scientifiques en sus des arrangements actuels ont été recouvrés.
4.98 Il y a lieu d'examiner les secteurs qui ne paient aucun des coûts afférents à la gestion des pêches et aux activités scientifiques. Le Ministère finance par exemple le processus d'évaluation annuelle des stocks, y compris tous les relevés de recherche. Pourtant, en 1996, alors que le Ministère souhaitait conclure un arrangement de cogestion avec les pêcheurs du crabe du golfe de la zone 12, il leur a demandé de prendre en charge l'évaluation des stocks, y compris le relevé de recherche. L'industrie a refusé d'en assumer les coûts à la suite d'un différend avec le Ministère concernant le partage du quota et celui-ci n'a pas effectué de relevé pour 1996. L'année suivante, l'industrie a financé le relevé. Étant donné l'objectif de « conservation » que poursuit le Ministère, on ne sait pas au juste pourquoi, en l'occurrence, il a considéré le processus d'évaluation des stocks, y compris le relevé de recherche, comme étant d'intérêt privé plutôt que public.
4.99 La cogestion, telle qu'elle est appliquée, a ajouté un autre niveau de coûts de gestion à la structure actuelle. Un groupe chargé par le Ministre d'étudier le concept de partenariat a présenté le 10 décembre 1998 un rapport dans lequel il indique que « ceux qui ont négocié une entente de cogestion avec Pêches et Océans reconnaissent que le processus a été accaparant et coûteux ». En outre, le groupe a indiqué que tous les gens qu'il a consultés à l'extérieur du Ministère estimaient que la cogestion représentait un délestage des coûts de gestion des pêches du Ministère à l'industrie. Le Ministère n'a pas déterminé si le coût total de la gestion des pêches, pour l'industrie et pour le gouvernement, est supérieur ou inférieur lorsqu'il s'agit de cogestion.
4.100 Au paragraphe 4.24 , nous avons remarqué qu'on a attribué à des organisations de pêcheurs des allocations temporaires de mollusques et de crustacés pour renforcer et soutenir leurs initiatives et pour redistribuer les revenus à leurs membres. Avant d'approuver les allocations temporaires, le Ministère a demandé aux organisations de pêcheurs de présenter un plan d'entreprise pour exploiter l'allocation et pour utiliser les avantages tirés. Pour certaines pêches (la pêche du crabe du golfe de la zone 12 par exemple), les organisations de pêcheurs qui ont reçu des allocations temporaires ont fait payer des droits et imposé d'autres conditions d'accès aux pêcheurs désireux d'exploiter une partie de l'allocation. Lorsque les allocations ont été octroyées aux organisations de pêcheurs, le Ministère n'avait aucun moyen de leur faire rendre des comptes en ce qui a trait au respect des plans d'entreprise qu'ils avaient présentés.
4.102 Nous sommes également préoccupés par la façon dont le Ministère utilise un compte pour fin déterminée afin de rembourser ses propres dépenses. La Loi sur la gestion des finances publiques exige que tous les deniers publics soient déposés au crédit du receveur général. Ces fonds sont généralement enregistrés dans les Comptes publics du Canada comme des recettes. Cependant, il y a des exceptions à cette exigence. En voici deux exemples.
4.106 Le Ministère devrait clarifier ses objectifs de cogestion et, le cas échéant, demander l'approbation du Parlement pour mettre en oeuvre cette démarche.
Réponse de Pêches et Océans : La cogestion de la Gestion des pêches, c'est la collaboration entre Pêches et Océans et les pêcheurs pour mieux gérer les pêches commerciales du Canada. Ce concept en est aux premières étapes et beaucoup de projets pilotes ont été mis sur pied. Le renouvellement de la relation entre le gouvernement et l'industrie de la pêche sous-tend l'approche de cogestion. Selon cette approche, nous élaborons avec l'industrie un plan de gestion intégrée des pêches qui établit les quantités de captures, les exigences de conservation et certaines méthodes d'allocation pour les participants. Cette approche est mise en oeuvre en vertu de la Loi sur les pêches. De plus, à titre volontaire, des accords de projet conjoint sont négociés avec les pêcheurs ou leurs représentants. Ces accords sont juridiquement contraignants et ne sont pas directement liés au plan de gestion intégrée. C'est la Loi sur la gestion des finances publiques qui en constitue le fondement juridique, et des mesures de contrôle ont été mises en place au sein du Ministère afin d'assurer que les aspects financiers et juridiques sont respectés avant de conclure ces ententes.
Dans sa première recommandation, le Comité du partenariat conseille vivement au ministre des Pêches et des Océans de ne pas enchâsser dans une loi, pour l'instant, le principe du partenariat. Par contre, dans sa deuxième recommandation, il exhorte le Ministre et le Ministère à poursuivre la cogestion et le partenariat en tant que composantes importantes des pêches de l'avenir. Pêches et Océans poursuivra l'approche de cogestion avec les groupes intéressés.
La vérification a porté sur les pratiques que le Ministère utilise pour gérer les pêches des mollusques et crustacés de l'Atlantique. Notre méthode consistait à évaluer si le mode de gestion de l'industrie utilisé par le Ministère avait été conçu et appliqué pour lui permettre d'atteindre ses objectifs de gestion des pêches, y compris ses fonctions scientifiques connexes.
Nous avons étudié la pêche du homard, du crabe des neiges, de la crevette et du pétoncle pour déterminer dans quelle mesure, s'il y a lieu, les objectifs de gestion des pêches ont été atteints concrètement. De plus, nous avons analysé les pratiques de gestion des pêches pour déterminer leur conformité aux objectifs de gestion.
La vérification s'est effectuée au moyen d'entrevues auprès de fonctionnaires ministériels et de représentants de l'industrie. Nous avons étudié et analysé les dossiers, données et documents du Ministère. Nous avons également observé les agents d'exécution de la loi dans l'exercice de leurs fonctions sur des lieux de pêche.
Glenn Doucette
David Sawyer
Pour obtenir de l'information, veuillez communiquer avec M. John O'Brien.
Pour notre vérification, nous avons étudié les cadres des pêches utilisés par d'autres instances et les documents sur les pêches durables publiés par des organisations connues comme la FAO, pour voir s'il était possible de tirer des leçons pour le contexte canadien. Il convient de noter que les leçons ainsi tirées représentent les points forts qui se dégagent de tous les cadres des pêches étudiés, dont celui du Canada. Il ne s'agit pas d'observations sur le régime utilisé par un ou deux gouvernements seulement.
Notre examen des bonnes pratiques ne vise pas l'établissement d'une approche prescriptive de la gestion des pêches. Nous croyons toutefois qu'il importe de signaler les pratiques qui semblent appuyer la durabilité des pêches.
Science et principe de la précaution. Gestionnaires et pêcheurs devraient avoir pour objectif d'en apprendre toujours davantage sur les stocks individuels comme sur les interactions majeures entre les espèces et l'écosystème. Parmi les connaissances ainsi acquises se trouve la capacité de tenir compte des fluctuations écosystémiques naturelles. Nous avons observé l'existence de règles régissant les décisions opérationnelles qui étaient basées sur les niveaux de référence biologique, eux-mêmes fondés sur la connaissance des stocks et des écosystèmes touchés. Vu les limites des approches scientifiques, les régimes de gestion peuvent inclure des méthodes axées sur le principe de la précaution en cas d'incertitude. Il faut reconnaître que ce principe est une notion en évolution qui est davantage l'affaire des scientifiques que des gestionnaires des pêches, alors que c'est aux gestionnaires de la ressource de recourir au principe de la précaution, non aux scientifiques. Dans la mesure du possible, les quotas sont fonction des niveaux de référence biologique, et une surveillance étroite est exercée pour garantir leur respect. Il est important de connaître les changements subis par l'écosystème pour étudier leur impact sur les récoltes, même s'il s'agit d'un tout nouveau secteur d'étude.
Pour la plupart des instances, l'acquisition des connaissances dépend surtout de la biologie et sous-utilise les sciences sociales et économiques. Nous avons pourtant remarqué qu'au moins une instance s'est servie des principes économiques pour établir des règles décisionnelles importantes et déterminer l'impact écosystémique. La participation de l'industrie et des collectivités touchées à la prise de décisions pourrait mener à un recours accru aux autres sciences pour recueillir de l'information.
Intérêt direct des participants. Les régimes fructueux de gestion des pêches garantissent que tous les participants ont un intérêt direct dans la promotion et la réalisation de pêches durables. La viabilité économique de l'industrie constitue un intérêt direct primaire.
Responsabilité de l'industrie. Nous avons remarqué que ceux qui ont le droit de pêcher sont responsables, aux yeux de certaines instances, de toute activité non durable. En bout de ligne, les sanctions qu'ils encourent pour leurs comportements non durables sont supérieures aux avantages qu'ils peuvent en tirer.
Officiellement ou non, l'industrie joue un rôle important dans la prise de décisions sur les pêches.
Des institutions de gestion bien établies. Dans certaines instances, les institutions chargées de protéger l'intérêt public pour la ressource peuvent tenir responsables de leurs actes ceux à qui on a donné le droit de pêcher. Dans plusieurs instances, le coût de la gestion des pêches est partiellement ou pleinement recouvré de l'industrie qui profite de la ressource. Les institutions gouvernementales sont responsables de l'exécution efficace et rentable d'un programme approprié de gestion des pêches.
De plus, ces institutions s'appuient sur des principes clairement articulés régissant les décisions d'allocation des ressources. Les décisions sont prises de façon transparente et équitable et peuvent être contestées.
Subventions gouvernementales. La FAO a pour politique que l'aide gouvernementale accordée à la pêche et à la transformation du poisson soit l'exception plutôt que la règle. En effet, le secteur a atteint sa pleine maturité et est généralement pleinement exploité. Par conséquent, les subventions gouvernementales pourraient influer sur les décisions de ceux qui participent aux activités du secteur et inciter par exemple les pêcheurs à poursuivre leurs activités, même si ce n'est pas dans leur intérêt économique de le faire. Nous avons remarqué que plusieurs instances ont adopté une politique d'élimination des subventions.
Valeur ajoutée. Nous avons constaté que la promotion de la plus haute valeur ajoutée possible assure des rendements nets supérieurs aux particuliers et à l'économie tout entière. Au bout du compte, la valeur ajoutée favorise un plus grand respect de la ressource.
Action et opportunité. Le cadre juridique, qui englobe une reconnaissance de la notion de durabilité, est très important, mais il doit être assorti de mesures appropriées et opportunes permettant de véritablement garantir la durabilité.