Le Fonds canadien d'adaptation et de développement rural

Un exemple de régie en partenariat

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Introduction

24.4 Le milieu des affaires dans le secteur agricole a changé énormément au cours des dernières décennies. L'industrie a dû s'adapter aux réductions des subventions de l'État, aux changements technologiques, aux inquiétudes grandissantes concernant l'environnement, à la concurrence accrue des marchés mondiaux, au déclin de la population rurale et à d'autres changements. En 1995, Agriculture et Agroalimentaire Canada a adopté une stratégie afin de faciliter cette adaptation, la Stratégie canadienne d'adaptation et de développement rural.

24.5 Cette stratégie a été conçue pour venir en aide à un secteur marqué par la croissance, la diversification et la compétitivité, pour stimuler l'économie rurale ainsi que pour contribuer à compenser les effets de l'élimination du soutien au transport et de la réduction des subventions de soutien du revenu. De plus, par cette stratégie le Ministère voulait concevoir un ensemble de programmes qui répondrait aux objectifs du gouvernement, à savoir rapprocher la prise de décisions des citoyens, rendre le gouvernement plus rentable et faire participer le secteur plus directement à la prise de décisions en matière de financement. Le Fonds canadien d'adaptation et de développement rural (FCADR) a été créé pour financer ces programmes.

24.6 Le programme FCADR, d'une durée de quatre ans, reçoit du gouvernement fédéral environ 60 millions de dollars par année. Ces fonds sont affectés à des programmes nationaux et provinciaux. Les programmes nationaux reçoivent annuellement 35 millions de dollars, et une affectation annuelle de 25 millions de dollars est administrée par 13 conseils provinciaux. Les programmes nationaux appuient les initiatives de soutien qui présentent des avantages éventuels pour les Canadiens dans toute province, tandis que les conseils provinciaux appuient les initiatives qui sont uniques à certaines régions et qui ont été identifiées par celles-ci comme prioritaires.

24.7 Chaque province a un conseil qui représente l'industrie agricole et agroalimentaire. Des subventions fédérales assurent le financement des conseils. Leurs membres dans chaque province sont des représentants de l'industrie; ils comprennent des producteurs et des transformateurs du secteur agroalimentaire de la province. Les membres du conseil sont choisis par l'industrie, par voie de scrutin, ou sont nommés par le gouvernement fédéral, selon la province. La taille des conseils varie aussi selon la province. Les gouvernements fédéral et provinciaux sont représentés au sein des conseils, mais ils n'ont pas le droit de vote. Le gouvernement fédéral a orienté dans une large mesure la conception et la mise sur pied des conseils. Les subventions accordées aux conseils couvrent les ressources à utiliser à des fins administratives. Malgré cela, dans certaines provinces, le gouvernement provincial a aussi fourni des ressources.

24.8 Le FCADR est un mécanisme de régie déléguée. Agriculture et Agroalimentaire Canada a laissé dans une large mesure aux conseils le soin de décider comment dépenser les fonds reçus du FCADR afin que chaque conseil puisse répondre de la meilleure façon possible aux besoins d'adaptation de sa province. Les conseils prennent toutes les décisions, qu'il s'agisse des priorités de financement stratégique (dans les limites de la politique établie par Agriculture et Agroalimentaire Canada) ou encore de l'approbation des demandes individuelles de financement de projet à même les fonds du FCADR.

24.9 Les représentants de l'industrie agroalimentaire qui ont un projet d'adaptation peuvent présenter une demande de financement de ce projet au conseil provincial. On trouvera ci-après des exemples des centaines de projets partiellement financés et qui sont conformes aux priorités d'adaptation du programme.

24.10 La deuxième phase du FCADR, connue sous le nom de FCADR II, a été approuvée le 1er avril 1999. Le financement annuel de 60 millions de dollars sera maintenu. En outre, le gouvernement a accepté que le FCADR soit un programme permanent du Ministère.

Conception et évolution des conseils de l'industrie
24.11 Agriculture et Agroalimentaire Canada considère que le recours aux conseils de l'industrie constitue une importante innovation en ce qui touche son exécution des programmes d'adaptation. Un certain nombre de facteurs l'ont incité à faire cette expérience pour ses programmes. Lorsque le FCADR a été créé, le gouvernement qui était alors au pouvoir s'intéressait surtout aux nouvelles formes de prise de décisions. Ce programme a permis à l'industrie de décider des meilleurs moyens qui pourraient l'aider à s'adapter au changement. Le Ministère espérait ainsi faciliter la prise de meilleures décisions et obtenir plus d'appui et de participation de l'industrie. De même, en laissant l'industrie prendre davantage la responsabilité de la prise de décisions, il se conformait à l'objectif du programme qui est de renforcer la capacité de l'industrie à s'adapter et à devenir plus autonome.

24.12 La pièce 24.1 résume quelques commentaires faits par le ministre et les présidents de conseils provinciaux au sujet de la création des conseils.

24.13 Les conseils utilisent des fonds publics destinés à une fin publique précise. Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire demeure responsable envers le Parlement pour l'utilisation de ces fonds qui n'est assortie d'aucune condition parce qu'il s'agit de subventions. Le Ministère a reconnu l'importance de fournir des mécanismes redditionnels et c'est pourquoi il a établi un certain nombre d'objectifs, de principes, de lignes directrices et de critères que les conseils sont tenus de respecter et d'inclure dans leurs règlements administratifs. Il a aussi élaboré un cadre de gestion du rendement que les conseils sont tenus d'utiliser pour mesurer leur rendement et faire rapport à ce sujet.

Objet de la vérification
24.14 La présente vérification était centrée sur les mécanismes que le Ministère a inclus dans la conception et la mise sur pied des conseils provinciaux en vue d'assurer une reddition de comptes et un contrôle adéquats des fonds fédéraux. Nous avons effectué l'examen auprès d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et de trois conseils provinciaux. De manière précise, nous avons examiné le cadre régissant les mécanismes sur lesquels se sont entendus le gouvernement fédéral et les conseils provinciaux. D'autres détails sur la vérification sont fournis à la fin du chapitre, dans la partie intitulée À propos de la vérification.

Observations et recommandations

24.15 Nous avons constaté qu'en général, les contrôles du mécanisme établis par le Ministère permettaient d'obtenir un cadre de régie satisfaisant. Les contrôles que nous considérons comme de bonnes pratiques sont résumés dans la pièce 24.2. Nous avons remarqué que le FCADR présentait certaines des lacunes signalées au chapitre 23 (paragraphes 23.85 à 23.116) du présent rapport concernant la communication de l'information, les mécanismes redditionnels, la transparence et l'intérêt public; par exemple, le Ministère n'a pas exigé de dispositions spécifiques pour les codes régissant les conflits d'intérêts, les valeurs de la fonction publique et les recours des citoyens. Ces lacunes sont quelque peu atténuées par les pratiques mentionnées dans la pièce 24.2.

Les conseils ont besoin de plus de directives
24.16 Les directives données par le Ministère pourraient être améliorées afin que les décisions prises par les conseils soient meilleures et plus uniformes. Cela ne signifie pas qu'il doit y avoir plus de contrôle ni que les directives doivent être normatives. Le genre de directives dont les conseils ont besoin pourrait comprendre la logique qui sous-tend les objectifs, les principes, les lignes directrices et les critères établis par le Ministère ou des définitions plus détaillées appuyant ces directives. Par exemple, les « activités commerciales normales » ne peuvent pas être financées en vertu du FCADR. Certains conseils ont eu de la difficulté à définir ce terme. En expliquant la logique qui sous-tend cette restriction, le Ministère contribuerait à assurer une interprétation uniforme. Pour aider les conseils à travailler avec efficacité et efficience, il pourrait leur donner de l'information sur les meilleures pratiques et les encourager à échanger entre eux plus de renseignements et de connaissances. Cet échange permettrait aux conseils de faire fond sur l'expérience du Ministère et sur celle d'autres conseils et leur éviterait d'avoir à « réinventer la roue » chaque fois qu'il se présente une difficulté sur le plan opérationnel. Par exemple, en faisant part des leçons tirées de l'utilisation de redevances et de garanties d'emprunt pour financer un projet, on aiderait les conseils qui n'ont pas d'expérience dans l'utilisation de tels mécanismes. Les membres des conseils ont confirmé qu'ils souhaitaient avoir plus de directives et d'échanges de cette nature.

24.17 Agriculture et Agroalimentaire Canada devrait fournir plus de directives aux conseils, en particulier en définissant et en présentant la logique qui sous-tend les objectifs, les principes, les lignes directrices et les critères établis par le Ministère. Il devrait aussi travailler avec les conseils en vue de trouver de meilleurs moyens de faire part des expériences et des meilleures pratiques.

La prochaine étape de la gestion du rendement consiste à améliorer l'information communiquée au public et au Parlement
24.18 Le Ministère exige que les conseils soumettent un rapport annuel sur le rendement des projets financés en conformité avec le cadre de gestion du rendement du FCADR. À l'aide des résultats de ce rapport, le Ministère regroupe toutes les données sur la gestion du rendement dans une banque de données nationale des projets. Le Ministère a déjà présenté de l'information sur le FCADR dans son rapport sur le rendement, mais il doit encore utiliser abondamment l'information sur le rendement obtenue à l'aide du cadre de gestion du rendement. La difficulté consistera à résumer cela de manière concise dans le rapport sur le rendement ministériel et à indiquer où trouver une information sur le rendement plus détaillée.

24.19 Le Ministère devrait se doter de moyens qui permettent plus efficacement aux parlementaires et au public d'avoir accès à l'information sur le rendement recueillie à l'aide du programme.

Une stratégie est nécessaire pour la relation à long terme avec les conseils
24.20 Étant donné la nature expérimentale de ces conseils, le financement initial était limité à quatre ans, et le gouvernement devait approuver la prolongation du programme. Récemment, le gouvernement a approuvé une deuxième phase du FCADR qui en fait un programme permanent du Ministère. Il est donc important que le Ministère et les conseils envisagent des stratégies à long terme. Comme on pourrait réaliser des économies d'échelle en ayant davantage recours aux conseils, le Ministère pourrait vouloir déterminer s'il peut être avantageux de leur confier l'administration d'autres programmes ministériels. Inversement, les conseils pourraient vouloir attirer d'autres sources de financement. Dans ce cas, il importe que les deux parties s'entendent sur la nature de leur relation. À l'heure actuelle, il n'y a pas d'entente officielle sur l'admissibilité continue des conseils au financement du FCADR dans l'éventualité où ils obtiendraient du financement d'autres sources. Il n'y a pas non plus d'entente officielle quant à la manière de résoudre les conflits relativement à cette question ou à toute autre question.

24.21 Le Ministère devrait envisager et officialiser une stratégie à long terme pour sa relation avec les conseils, et notamment se demander s'il est avantageux de leur confier l'exécution d'autres programmes.

Les résultats obtenus à l'aide de l'outil d'évaluation suggèrent une saine régie
24.22 Les conseils ont bénéficié de beaucoup de liberté pour la prise de décisions. Étant donné que le succès de ce programme dépend beaucoup des capacités des conseils, il est important qu'ils soient évalués régulièrement. Au début de notre vérification, le Ministère n'avait pas conçu de moyen officiel à cette fin.

24.23 En collaboration avec le Ministère, nous avons entrepris d'élaborer un instrument d'évaluation des capacités des conseils (voir la pièce 24.3). Pour ce projet, nous avons relevé 18 compétences particulières requises des conseils du FCADR. Des questions ont été préparées sur chacune de ces compétences afin de déterminer si chaque conseil les possédait.

24.24 Nous avons ensuite fait l'essai de l'outil d'évaluation des capacités dans trois conseils du FCADR qui s'étaient portés volontaires. L'information a été recueillie lors d'entrevues avec des membres et des employés des conseils et avec des membres d'office du gouvernement fédéral. Les résultats ont été compilés, et les capacités des trois conseils pilotes du FCADR ont été comparées aux données de recherche recueillies par le Conference Board du Canada au cours de plusieurs décennies sur les capacités des conseils d'administration des secteurs privé et public. Comme les participants ont répondu aux questions en se fondant sur leur propre expérience, les résultats ne reflètent que leurs perceptions.

24.25 Les résultats de l'évaluation pilote suggèrent que les conseils du FCADR ont généralement de solides capacités, mais que certains secteurs doivent être améliorés. Les membres considèrent que leur conseil est généralement bien géré. Les membres d'office fédéraux et les employés des conseils approuvent essentiellement l'évaluation des forces dans l'ensemble mais diffèrent quelque peu d'opinion quant aux forces et aux faiblesses spécifiques.

24.26 Il y avait une très grande similarité entre les capacités des conseils. Ceux-ci ont affiché une solide performance pour huit des 18 capacités, obtenu une note assez satisfaisante pour sept autres et tireraient profit d'améliorations pour trois autres (voir la pièce 24.4). En outre, étant donné que les conseils du FCADR sont encore assez jeunes, ils se comparaient favorablement aux modèles établis pour les conseils d'administration des secteurs public et privé canadiens.

24.27 Les résultats du projet montrent que le Ministère pourrait se servir de cet outil ou d'un outil semblable pour évaluer régulièrement les capacités des conseils.

24.28 Le Ministère devrait intégrer l'utilisation d'un outil d'évaluation des capacités à sa surveillance de l'exécution des programmes par les conseils du Fonds canadien d'adaptation et de développement rural.

Conclusion

24.29 En dépit des inquiétudes exprimées ci-dessus, nous avons constaté un équilibre raisonnable entre la latitude nécessaire aux conseils de l'industrie pour prendre les meilleures décisions et le respect des fins d'intérêt public des fonds. Les améliorations du programme que nous avons recommandées et les recommandations du chapitre 23 du présent rapport qui s'appliquent à tous les nouveaux mécanismes de régie aideraient le Ministère à rendre des comptes et devraient assurer le succès à long terme des mécanismes. Il est important que le Ministère soit conscient de tout fardeau administratif additionnel qu'ils pourraient comporter.

24.30 Les résultats obtenus à la suite de l'évaluation des capacités démontrent qu'il y a beaucoup de compétence et d'enthousiasme au sein des conseils. Le succès du programme peut, en partie, être attribué à ces facteurs. Néanmoins, il est possible que lorsque l'enthousiasme que suscite le programme commencera à s'émousser, son succès diminuera aussi. Lorsqu'une interprétation des exigences fédérales est nécessaire, les conseils ont jusqu'ici pris soin de se ranger du côté du gouvernement fédéral. Au fil du temps, cela pourrait changer. Pour cette raison, il est important que le Ministère fournisse des outils et des directives adéquats qui assurent un succès continu.

Réponse du Ministère : Le Ministère est fier du Fonds canadien d'adaptation et de développement rural et il est heureux du fait que le vérificateur général ait consacré ce chapitre distinct à la reconnaissance de l'importance de la contribution des conseils provinciaux et à la mention des bonnes pratiques qui contribuent au succès de ce mécanisme. Nous acceptons volontiers les suggestions du vérificateur général et nous les mettrons en pratique afin de continuer à améliorer cette initiative appréciable. Nous remercions aussi de leur précieux apport les conseils qui ont participé à la vérification.


À propos de la vérification

Objectif

La vérification avait comme objet d'évaluer la pertinence des mécanismes redditionnels et de contrôle établis par Agriculture et Agroalimentaire Canada pour les conseils d'adaptation provinciaux avec lesquels il a mis en oeuvre des mécanismes pour le Fonds canadien d'adaptation et de développement rural (FCADR).

Étendue

Notre vérification était centrée sur Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui a conçu le cadre de régie des conseils d'adaptation provinciaux responsables du programme FCADR. Le Bureau a effectué des travaux portant sur les conseils en tant qu'entités indépendantes du gouvernement fédéral, mais ils n'étaient pas visés par notre vérification.

En parallèle à la vérification, le Bureau et Agriculture et Agroalimentaire Canada ont mis sur pied un projet d'étude dont l'objet était de concevoir un outil pour évaluer les capacités des conseils d'adaptation provinciaux et d'en faire l'essai.

Critères

Un critère distinct a été appliqué en plus des critères fixés pour la vérification des nouveaux mécanismes de régie dans le chapitre 23, « La régie en partenariat ». En effet, nous nous attendions à ce que le Ministère fournisse des directives et une orientation aux conseils afin de s'assurer que les objectifs sont atteints.

Équipe de vérification

Vérificateur général adjoint : Don Young
Directeur principal : Neil Maxwell

Linda Anglin
Anthony Levita
Christian Weber

Pour obtenir de l'information, veuillez communiquer avec M. Neil Maxwell.