Défense nationale

La conduite appropriée des affaires publiques

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Introduction

Qu'est-ce que « la conduite appropriée des affaires publiques »?
26.9 Depuis longtemps, la conduite appropriée des affaires publiques est une question à laquelle la fonction publique fédérale, y compris les Forces canadiennes, attache une grande importance. Par « conduite appropriée » on entend non seulement que la conduite des dirigeants est conforme aux lois et aux politiques établies, mais également que les ressources sont utilisées dans l'intérêt de la population et non au profit des fonctionnaires à qui les fonds publics sont confiés. Les politiques et les pratiques de gestion doivent satisfaire aux critères de saine gestion, lesquels exigent de tout fonctionnaire qu'il protège et utilise les ressources et les fonds publics comme s'ils étaient les siens. Les écarts de conduite peuvent donc aller d'actes criminels à de simples erreurs de jugement. La pièce 26.1 décrit les types d'écarts qui peuvent se produire.

26.10 Afin de réduire les possibilités d'inconduite, la direction doit contrôler les risques. Le chapitre 15 de notre rapport de septembre 1998, intitulé « Revenu Canada - Promouvoir l'intégrité au sein du Ministère », résume ce que cela suppose. Premièrement, la direction doit veiller à ce que des valeurs appropriées soient transmises au personnel et acceptées par celui-ci. Au sein de la Défense nationale, le Programme d'éthique de la Défense constitue le principal outil de communication des valeurs éthiques (voir la pièce 26.2).

26.11 Deuxièmement, la réduction des risques exige des contrôles internes et un système de vérification interne efficaces. Les contrôles internes sont les méthodes et mesures traditionnelles mises en place par la direction afin de détecter et d'empêcher tant les erreurs que les cas d'inconduite. Quant à la vérification interne, elle fournit à la direction une évaluation indépendante du degré d'efficacité des contrôles.

26.12 Troisièmement, des mesures correctives appropriées doivent être prises lorsqu'on soupçonne l'inconduite d'un employé. Il est important qu'un tel comportement fasse l'objet d'une enquête et que des mesures disciplinaires soient appliquées. La rétroaction provenant de la surveillance et de l'analyse des cas d'inconduite peut être utilisée par les gestionnaires responsables pour améliorer les mesures de contrôle et encourager la conformité aux valeurs organisationnelles.

Le gouvernement fédéral, depuis longtemps, accorde une grande importance au respect des normes d'éthique
26.13 Au cours des dernières années, le respect des normes d'éthique s'est vu accorder une attention accrue au sein de la fonction publique fédérale. Le greffier du Conseil privé a déterminé que les valeurs à respecter dans la fonction publique constituaient une question importante et il a mis sur pied un groupe de travail sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique. Dans son compte rendu publié en 1996 et intitulé De solides assises, le groupe a recommandé l'établissement d'un bureau chargé de conseiller les gestionnaires de la fonction publique sur les valeurs et l'éthique. Le compte rendu a mis l'accent sur l'importance de valeurs telles que l'intégrité, l'honnêteté, la probité et l'intendance consciencieuse des ressources publiques. En 1999, le Secrétariat du Conseil du Trésor a constitué un bureau des valeurs et de l'éthique dans la fonction publique, qui devait lui faire rapport au plus tard en septembre 1999. Le travail de ce bureau vient compléter celui du conseiller en éthique du Premier ministre auprès du Cabinet.

L'éthique militaire est unique en son genre
26.14 Le ministère de la Défense nationale est différent des autres ministères fédéraux. Il existe en partie pour épauler les Forces canadiennes - dont les membres se perçoivent comme des éléments distincts du reste de la société. Cette perception, d'ailleurs, est également partagée par les forces armées d'autres pays démocratiques. En 1869, William Windham a dit que les forces armées constituaient généralement « une classe d'hommes qui se distinguent de la masse, qui reçoivent une formation axée sur des objectifs particuliers, auxquels on inculque des notions spéciales, qui sont régies par des lois spéciales et qui se caractérisent par des traits distinctifs particuliers ». Les Forces canadiennes constituent une collectivité fière et distincte au sein de la société canadienne; pour le compte de cette dernière, elles sont prêtes au besoin à faire l'ultime sacrifice et se sont engagées à respecter les valeurs collectives canadiennes sur lesquelles repose la confiance publique.

26.15 En raison de leur mandat, la plupart des organisations militaires se donnent une culture qui leur est propre. Le système régimentaire de l'Armée de terre en est un bon exemple. Le régiment devient une sorte de famille qui influence tous les aspects de la vie militaire. Comme l'a indiqué une Commission d'enquête ministérielle formée en 1996 dans son rapport intitulé Command, Control and Leadership in Canbat 2 :

Il est reconnu que le régiment est en quelque sorte la famille du soldat. De nombreuses études sur le stress lié au champ de bataille et sur les raisons pour lesquelles les soldats combattent ont renforcé la notion voulant que le soldat risque sa vie pour ses camarades et pour l'honneur et la survie de son régiment. C'est une question chargée d'émotion. Parce qu'ils passent toute leur vie dans un seul régiment, beaucoup d'officiers et de soldats finissent naturellement par ne plus en voir les défauts.
26.16 Il arrivera que l'on camoufle sciemment des renseignements susceptibles de ternir la réputation du régiment et les dénonciateurs seront perçus comme étant étrangers à la culture militaire. La Commission d'enquête poursuivait en ces termes :

On peut comprendre qu'un soldat ne veuille pas que la nouvelle d'un méfait soit divulguée à l'extérieur de son régiment [...] Au sein des forces militaires, le fait de laver son linge sale en famille peut en fait agir au détriment de la chaîne de commandement si l'on applique ce concept avec beaucoup trop de rigueur.
26.17 Le Ministère a traversé une crise morale au cours des dernières années. Ce sont les événements en Somalie, notamment ceux au cours desquels des civils ont été tués ainsi que les allégations subséquentes de camouflage, qui ont mis le feu aux poudres, mais les plaintes du public et les enquêtes ministérielles relativement à une mauvaise utilisation de fonds publics ont amplifié le problème. Les allégations d'abus de ressources - par exemple, dans le cas de la rénovation de résidences officielles, d'activités de réception et de divertissement, d'utilisation d'aéronefs, de demandes de remboursement de frais de déplacement et d'obtention d'indemnités de service - mettaient en cause à la fois des officiers supérieurs et des militaires de grades inférieurs. En réponse à ces problèmes, le gouvernement et le Ministère ont effectué plusieurs interventions qui ont touché l'ensemble des activités et du personnel du Ministère et des Forces canadiennes. Ces initiatives ont donné les résultats suivants :

26.18 Le 14 octobre 1997, le ministre de la Défense nationale a mis sur pied le Comité de surveillance des changements au sein de la Défense nationale et des Forces canadiennes pour assurer la mise en oeuvre des quelque 279 recommandations acceptées qui ont découlé des examens susmentionnés. Le Comité doit présenter son rapport final au Ministre à l'automne de 1999.

26.19 L'établissement du bureau de l'Ombudsman a constitué une partie de la réponse ministérielle. L'ombudsman a été nommé en juin 1998, après une période d'importantes consultations et négociations, et son mandat de travail a été établi un an plus tard, soit en juin 1999. Le mandat sera examiné après six mois de fonctionnement.

26.20 En vertu de son mandat, l'Ombudsman doit servir « d'oreille neutre et objective, de médiateur et d'informateur et être une source directe d'information, d'orientation et d'éducation qui peut aiguiller les gens vers les services d'aide et de redressement de griefs déjà en place au Ministère et dans les Forces canadiennes ». L'Ombudsman examine également les processus internes pour faire en sorte que les gens soient traités en toute justice et équité. Il est également investi du pouvoir de mener des enquêtes au besoin.

26.21 Le Bureau du vérificateur général s'intéresse depuis longtemps, et concrètement, aux questions du respect des normes d'éthique dans la fonction publique. Dans le chapitre 1 de notre rapport de mai 1995, intitulé « La sensibilisation à l'éthique et à la fraude au gouvernement », nous avons proposé un cadre d'éthique pour le gouvernement. Nous avons établi la nécessité de disposer d'un processus continu qui met l'accent sur l'éthique dans le processus de prise de décisions, d'adopter une stratégie à plusieurs volets pour stimuler le climat d'éthique du gouvernement et d'accroître la sensibilisation parmi les gestionnaires supérieurs. Dans le chapitre 15 de notre rapport de septembre 1998, intitulé « Revenu Canada - Promouvoir l'intégrité au sein du Ministère », nous avons considéré les différents moyens qu'utilise Revenu Canada pour promouvoir l'intégrité parmi ses employés.

26.22 Notre intérêt en ce qui concerne la conduite appropriée des affaires publiques s'est également reflété dans des vérifications antérieures. Dans le chapitre 7 de notre rapport de mai 1995, intitulé « Les déplacements et l'accueil », nous avons mentionné que les déplacements gouvernementaux peuvent constituer un indicateur visible de la prudence et de la probité avec lesquelles les fonds publics sont gérés. De plus, dans le chapitre 8, intitulé « Les déplacements aux termes des directives sur le service extérieur », nous avons examiné les mesures prises par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour remédier aux irrégularités dans les demandes de remboursement de frais de déplacement présentées par des employés. Ces deux vérifications ont permis de considérer la sensibilisation à l'éthique et à la saine intendance des ressources en ce qui concerne les déplacements effectués par les fonctionnaires.

Objet de la vérification
26.23 Les statistiques de la police militaire indiquent que les cas de fraudes et de vols sont relativement rares au Ministère (voir la pièce 26.3). Nous avons entrepris la présente vérification parce que notre bureau avait reçu un certain nombre de plaintes graves concernant des abus de ressources à la Défense nationale. Au début de la vérification, les représentants ministériels ne disposaient pas de l'information nécessaire pour nous garantir que ces plaintes constituaient des incidents isolés plutôt qu'une tendance générale.

26.24 La vérification a porté principalement sur les trois mesures que la direction doit prendre pour contrôler le risque de fraude et d'abus : soutenir activement le respect des normes d'éthique, utiliser des contrôles internes et un système de vérification interne efficaces et assurer un bon suivi des plaintes. Nous avons examiné la mise en oeuvre du Programme d'éthique de la Défense, le principal moyen utilisé par la Défense nationale pour promouvoir le respect des valeurs et des règles d'éthique. Nous avons aussi vérifié la pertinence des contrôles financiers internes et du système de vérification interne dans des endroits choisis. Enfin, nous avons examiné comment l'unité centrale des enquêtes et examens spéciaux du Ministère a fait enquête sur diverses plaintes et quelles mesures correctives ont été prises. Des détails supplémentaires sont fournis à la fin du chapitre, sous la rubrique À propos de la vérification.

Observations et recommandations

Programme d'éthique de la Défense

Conçu pour servir de réponse clé aux problèmes d'éthique
26.25 Pour répondre à la nécessité croissante de renforcer la prise de décisions éthique et l'intégrité au sein du Ministère, la haute direction a décidé en février 1994 d'élaborer un programme d'éthique et elle a approuvé le résultat des travaux en décembre 1997. L'assise philosophique du programme regroupe un ensemble de valeurs et de principes fondamentaux constitutifs d'une culture éthique et devant servir de guides de comportement professionnel. Cet ensemble de valeurs et de principes fondamentaux a été choisi pour le Programme d'éthique de la Défense dans le but bien précis d'en faire un programme global qui serait mis en oeuvre du sommet vers la base, dans l'ensemble du Ministère et des Forces canadiennes.

26.26 Les éléments essentiels de la stratégie du Ministère sont un énoncé d'éthique s'appliquant à l'ensemble de l'organisation, un programme conçu au niveau central et la délégation de la responsabilité de mise en oeuvre. Le Chef du Service d'examen, qui dirige la fonction de vérification interne du Ministère, constitue l'autorité chargée du programme au sein du Ministère. Les chefs de groupe du Quartier général et les chefs d'état-major des armées (Forces maritimes, Armée de terre et Force aérienne) sont responsables de la mise en oeuvre du programme dans leurs services respectifs. Un Comité consultatif sur l'éthique est en train d'établir un réseau de coordonnateurs de l'éthique nommés par chaque groupe du Quartier général et chaque armée. Des coordonnateurs subordonnés, ou d'autres structures de mise en oeuvre, doivent être désignés dans l'ensemble de la chaîne de commandement. Le défi à relever consiste à faire en sorte que toutes les activités ministérielles qui ont une dimension éthique s'harmonisent avec l'expression fondamentale des valeurs de défense précisées dans l'Énoncé d'éthique de la Défense.

26.27 Le Ministère a choisi une approche visant à favoriser la compréhension de ce qui est désiré et l'apport de changements fondamentaux au niveau du comportement plutôt qu'une approche plus mécaniste ayant pour but de recycler un grand nombre de personnes à l'aide de courtes séances de formation.

26.28 Le document clé qui sert de fondement au programme est l' Énoncé d'éthique de la Défense (voir la pièce 26.4). Il comprend deux grandes parties, soit l'énoncé de trois principes éthiques (respect, service et obéissance à l'autorité légale) ainsi que l'énumération de six obligations éthiques fondamentales. Les principes se veulent des moyens universellement valides d'établir des priorités lorsque des obligations éthiques s'opposent ou dans des circonstances où il n'existe pas de choix vraiment clairs et non ambigus sur le plan de l'éthique. Quant aux obligations éthiques, elles doivent servir de normes de conduite d'importance égale auxquelles les membres du personnel du Ministère doivent s'efforcer de satisfaire dans l'exercice de leurs rôles et fonctions professionnels.

26.29 La stratégie du Ministère en matière d'éthique exige que la politique, les attentes et les conseils soient clairement communiqués et que l'engagement des dirigeants soit très visible. La stratégie vise les points suivants : accroître la sensibilisation, assurer la formation en matière d'éthique, favoriser l'autoapprentissage et fournir des occasions de discuter et de dialoguer avec franchise au sujet de questions d'éthique. L'évaluation des risques doit servir à cerner d'éventuels problèmes d'éthique.

26.30 Tous les membres des Forces canadiennes doivent avoir l'occasion de participer à un programme de formation progressif en matière d'éthique et tirer profit au maximum des possibilités et des programmes existants. Le Ministère vise à tout le moins à offrir des cours de niveau élémentaire, intermédiaire et avancé à des moments appropriés en cours de carrière. Les cours de formation doivent être liés aux connaissances et aux compétences particulières qui sont exigées des officiers et des militaires du rang. Des activités de communication en milieu de travail viendront enrichir les cours de formation réguliers. Des programme de formation en matière d'éthique doivent être élaborés à l'intention des employés civils. Pour ceux-ci, le Ministère envisage d'introduire la formation en éthique dans des cours de base.

26.31 Conformément aux lignes directrices énoncées dans le Guide de mise en oeuvre du Programme d'éthique de la Défense, des coordonnateurs de l'éthique ayant le grade de colonel ou d'un rang civil équivalent doivent être nommés au sein des groupes du Quartier général et des armées afin de mettre en oeuvre le Programme d'éthique de la Défense dans leurs secteurs de responsabilité. Les coordonnateurs de l'éthique sont chargés de fournir de l'orientation, des conseils et de l'aide en ce qui a trait à la mise en oeuvre du programme, de fournir des sources de consultation sur des questions d'éthique et de faire partie du Comité consultatif sur l'éthique.

26.32 Il incombe aussi aux coordonnateurs de l'éthique de surveiller dans quelle mesure les objectifs du programme sont atteints au sein de leurs organisations respectives et de faire rapport à ce sujet. Dans le cadre de la planification des activités pour 1999-2000, il y a eu annulation, pour les divers groupes du Quartier général et les trois armées, de leur obligation de faire rapport. Désormais, seul le Chef du Service d'examen fait rapport sur les progrès accomplis en ce qui a trait au Programme d'éthique de la Défense.

Le Programme d'éthique de la Défense n'a pas encore été entièrement mis en oeuvre
26.33 Plus de cinq ans après que l'élaboration d'un programme d'éthique a été ordonnée par le Comité de gestion de la Défense, certains éléments essentiels du Programme d'éthique de la Défense n'ont toujours pas été mis en oeuvre au sein du Ministère. Bien que l'élaboration du programme ait été entreprise en février 1994, il a fallu près de trois autres années pour terminer l'Énoncé d'éthique de la Défense. Ce n'est qu'à la fin de 1997 que l'établissement du mandat et la rédaction des ébauches préliminaires du Guide de mise en oeuvre ont été terminés. Dix-huit mois après sa publication, le contenu du Guide n'a toujours pas rang de politique ministérielle. Une version française a été produite en février 1998, mais les unités que nous avons visitées et qui travaillaient en français n'étaient pas au courant de l'existence du Guide.

26.34 En outre, le Guide n'a été distribué que de façon non officielle au personnel du Ministère. Sur les 10 groupes du Quartier général et des quartiers généraux d'armée dotés d'un coordonnateur de l'éthique, deux n'avaient pas reçu d'exemplaires du Guide de mise en oeuvre. Sept d'entre eux possédaient des versions périmées.

26.35 On ne trouve pas, dans le mandat du Programme d'éthique de la Défense, de mécanismes clairs de communication, comme cela est le cas pour d'autres programmes autorisés du Ministère, par exemple le Code de prévention du harcèlement et du racisme (CPHR). Bien que le Chef du Service d'examen soit responsable depuis avril 1999 de faire rapport sur le Programme d'éthique de la Défense dans les plans d'activités ministériels, il n'a fait parvenir aucune instruction de rapport aux groupes du Quartier général et aux trois armées. Par conséquent, les plans d'activités ne contiennent aucune communication sur le Programme d'éthique de la Défense. Des responsables nous ont dit, qu'à leur avis, le programme en est encore à un stade très expérimental et qu'il est donc difficile de faire des plans précis ou d'élaborer des outils de surveillance. Nous reconnaissons qu'au moment de la création du programme, il existait peu de modèles pour guider le Ministère. Cependant, à ce stade-ci, il semble à la fois faisable et approprié de dresser des plans contenant des buts clairs et d'établir un système de surveillance semblable à ceux d'autres programmes de changement.

26.36 De plus, nous nous sommes rendu compte que l'absence d'un plan ministériel comprenant des buts précis a entraîné des niveaux d'engagement inégaux au sein des trois armées. Des cadres militaires supérieurs des trois armées nous ont dit qu'ils ne croyaient pas qu'on leur ait jamais ordonné de mettre en oeuvre le Programme d'éthique de la Défense, et ce, en dépit de l'approbation du mandat du programme par le Comité de gestion de la Défense, dont sont membres les chefs d'état-major des armées. Des représentants du Ministère nous ont indiqué que, selon eux, les armées avaient toujours respecté des valeurs éthiques appropriées et que leurs approches particulières constituaient des moyens suffisants d'atteindre les objectifs ministériels. Il n'est donc pas surprenant dans de telles circonstances que la mise en oeuvre s'effectue lentement. En outre, il existe une multitude d'énoncés de valeurs locaux qui continuent à constituer la base de l'instruction en matière d'éthique. (Voir la photographie)

26.37 Au cours de notre vérification, le Chef du Service d'examen a pris un certain nombre de mesures afin d'améliorer la gestion du programme. Le Rapport du Programme d'éthique de la Défense 1999, publié en août 1999, fournit un énoncé détaillé de la composante centrale du Programme d'éthique. Il comprend des buts et des objectifs concrets pour certains éléments du programme. Des responsables nous ont dit qu'un plan similaire avait été élaboré pour l'Armée de terre. De plus, le Chef du Service d'examen avait entrepris une étude de base sur les attitudes et les convictions des employés, mais ce travail n'était pas encore terminé. Il reste à établir les buts et les objectifs pour le reste du programme et à intégrer les parties de ce dernier déléguées aux armées et aux groupes du Quartier général dans le système des rapports ministériels.

L'Énoncé d'éthique de la Défense vient s'ajouter à une pléthore d'énoncés de valeurs
26.38 L'Énoncé d'éthique de la Défense n'est pas le seul énoncé publié par le Ministère sur les questions d'éthique. Dans son Rapport au Premier ministre de mars 1997, le ministre de la Défense nationale a recommandé qu'un énoncé officiel des valeurs et des convictions soit intégré au cadre des activités du Ministère au plus tard en juin de cette même année. En juillet 1997, le Conseil des Forces armées approuvait l' Énoncé de l'éthos des Forces canadiennes. Cet énoncé s'appliquait aux Forces canadiennes plutôt qu'à l'ensemble du Ministère. Il se voulait être un deuxième document-clé qui permettrait de mettre en pratique les recommandations de la Commission d'enquête sur la Somalie demandant que l'assise du leadership au sein des Forces canadiennes soit constituée des qualités fondamentales du chef militaire ainsi que d'autres attributs et facteurs de rendement nécessaires.

26.39 Les représentants du Ministère nous ont dit reconnaître que l'existence de deux énoncés semblables pose des problèmes et que leur discussion au Ministère provoque parfois une certaine confusion. Toutefois, ils croient que les deux énoncés font autorité et ne se contredisent pas.

26.40 Le Comité de surveillance des changements au sein des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale, établi par le Ministre, a indiqué dans son Rapport provisoire de 1999 qu'il était difficile d'évaluer les progrès réalisés relativement à l'élaboration et à l'application des normes en matière de leadership, car il semble n'y avoir aucun plan directeur de mise en oeuvre. De même, nous n'avons relevé aucune tendance précise en ce qui a trait au choix à faire par les membres du personnel entre l'énoncé d'éthique et l'énoncé d'éthos comme point de départ de la mise en oeuvre du programme. Par exemple, près de 90 p. 100 des cours que nous avons examinés traitaient de l'éthique, mais seulement 60 p. 100 d'entre eux se fondaient sur l'Énoncé d'éthique de la Défense.

26.41 Nous avons également relevé une pléthore d'énoncés de valeurs utilisés en sus de l'Énoncé d'éthique de la Défense. Dans plus de 30 documents de base différents, nous avons relevé l'énoncé d'une centaine de valeurs distinctes visant à orienter la conduite des opérations et des activités du Ministère et des Forces canadiennes (voir la pièce 26.5). Au nombre de ces documents, citons la commission d'officier et la doctrine de l'Armée de terre. Ils font état de valeurs telles que le sens de l'humour, la sincérité et le consentement à admettre ses erreurs. Les hauts fonctionnaires du Ministère interprètent cet état de choses comme un signe que les services et les directions mettent en oeuvre, chacun à leur manière, le programme dans sa totalité. Néanmoins, un tel éventail d'énoncés dénote une certaine incohérence même si ces valeurs, en réalité, ne se contredisent pas.

Le Programme d'éthique de la Défense n'a pas été entièrement intégré dans les systèmes officiels de gestion des ressources humaines
26.42 Les versions 1997, 1998 et 1999 du Guide de planification de la Défense fournissent des directives précises pour la mise en oeuvre du Programme « autorisé » d'éthique de la Défense. Nous nous attendions donc à ce qu'il soit tenu compte de l'Énoncé d'éthique de la Défense et d'autres éléments du programme dans les cours et dans les outils officiels de gestion des ressources humaines comme les appréciations du rendement. Cette exigence figurait dans l'Énoncé de l'éthos des Forces canadiennes. En raison de la confusion qui règne au Ministère en ce qui concerne les deux énoncés, on a tendance à confondre les deux initiatives lors de l'établissement des rapports ministériels.

26.43 Le processus d'évaluation. Nous avons constaté que les critères d'attribution des promotions varient d'un comité de promotion à l'autre. Par conséquent, nous n'avons pu évaluer les répercussions du Programme d'éthique de la Défense sur le processus de promotion. Toutefois, nous avons été en mesure de déterminer l'importance accordée à l'éthique dans le processus d'appréciation du rendement. Les nouveaux systèmes sont encore à l'état de version préliminaire, mais nous remarquons que l'éthique ne constitue pas un élément précis du nouveau système d'évaluation des militaires du rang et des officiers jusqu'au grade de lieutenant-colonel, contrairement à l'ancien système qui prévoyait des dispositions à ce sujet pour l'évaluation des officiers jusqu'au grade de brigadier-général. De plus, les directives publiées par le Chef d'état-major de la Défense concernant l'évaluation des officiers supérieurs se rapportent aux facteurs d'éthique énoncés dans La Relève (publiée par le Bureau du Conseil privé) plutôt qu'à ceux de l'Énoncé d'éthique de la Défense. Aucune disposition concernant l'éthique n'est prévue dans le système d'évaluation du personnel civil, système prévu pour l'ensemble de la fonction publique et non pas spécifiquement pour la Défense nationale.

26.44 L'instruction. L'instruction est le principal moyen officiel de communiquer les valeurs et de développer le jugement. Nous avons examiné le contenu de 80 cours professionnels qui, selon le Ministère, devaient comporter un module traitant de l'éthique dans le cadre du Programme d'éthique de la Défense (voir la pièce 26.6). Seulement 24 p. 100 des cours contenaient un module d'éthique décrivant en détail les normes d'instruction et les plans exigés par le Système d'instruction des Forces canadiennes ou des normes équivalentes pour les cours de perfectionnement professionnel. Dix-huit pour cent des cours comportaient des modules d'éthique qui satisfaisaient partiellement aux normes. Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que les armées ne se sentent pas forcées de mettre le programme en oeuvre, situation que nous avons signalée au paragraphe 26.36.

26.45 L'enseignement de l'éthique est maintenant surtout offert aux militaires du rang et aux officiers qui viennent de s'enrôler et connaît certains progrès. En effet, sur les 5 700 officiers et militaires du rang nouvellement recrutés, environ 3 900 ont étudié l' Énoncé d'éthique de la Défense dans leur cours de recrue. Dans l'ensemble des Forces canadiennes, environ 13 000 militaires ont suivi un cours comportant un élément d'éthique depuis 1997, mais seulement quelque 8 600 d'entre eux ont suivi un cours dont les éléments d'éthique se fondaient sur le document officiel qu'est l'Énoncé d'éthique de la Défense. Le Ministère n'a pas déterminé le nombre de militaires qui n'ont pas encore obtenu d'instruction officielle en matière d'éthique, ni combien de temps il faudra pour former tout le personnel.

26.46 Séances de réflexion sur l'éthique à l'intention des officiers généraux. Le Programme d'éthique de la Défense accorde une importance particulière au leadership des cadres. Le Ministère a donc tenu des séances de réflexion sur l'éthique offertes aux officiers généraux dans le but de favoriser la discussion de la dimension éthique de la fonction de général, de continuer d'améliorer le dialogue sur l'éthique et, enfin, de promouvoir davantage l'éthique au niveau stratégique. Tous les officiers généraux ont été invités à participer à trois séances qui ont eu lieu entre juin 1998 et mai 1999 et à y présenter de brefs exemples de dilemmes dans le domaine de l'éthique. Nous avons constaté que seulement environ 25 p. 100 des personnes promues au grade de général ou d'officier supérieur pendant cette période ont assisté aux séances d'orientation. Cependant, le bureau du Chef du Service d'examen s'était adressé à tous les officiers généraux en leur faisant parvenir des questionnaires préliminaires et en les tenant au courant des résultats des séances.

Le réseau des coordonnateurs de l'éthique n'a pas été mis en oeuvre de façon adéquate
26.47 Comme nous l'avons déjà mentionné, le Programme d'éthique de la Défense doit être géré par l'entremise d'un réseau de coordonnateurs de l'éthique; le Chef du Service d'examen a recommandé que ces coordonnateurs détiennent au moins le grade de colonel ou occupent un poste civil de niveau équivalent. Or, nous avons constaté que les coordonnateurs de l'éthique nommés détenaient souvent un grade inférieur et relevaient d'un cadre moyen plutôt que d'un cadre supérieur. Ces coordonnateurs n'ont reçu aucune formation particulière, bien que celle-ci soit prévue pour 1999-2000. Notons que le coordonnateur de l'éthique du Groupe du Vice-chef d'état-major de la Défense ignorait que sa compétence s'étendait jusqu'au bureau du Chef d'état-major de la Défense.

26.48 Des dix groupes du quartier général, quatre ont établi une stratégie de mise en oeuvre du programme, du moins sous forme d'ébauche. Cependant, peu de progrès ont été réalisés sur le plan de l'élaboration des plans de mise en oeuvre.

Situation du programme
26.49 Dans l'ensemble, nous avons constaté que le ministère de la Défense met du temps à mettre en oeuvre son programme d'éthique. Le Guide de mise en oeuvre est toujours à l'état d'ébauche et diverses versions sont utilisées; aucun mécanisme de présentation de rapports n'a encore été mis en place. Les coordonnateurs détiennent des grades moins élevés que ce qui avait été recommandé et la plupart des stratégies de mise en oeuvre n'existent que sous forme de version préliminaire ou sont tout simplement inexistantes. (La pièce 26.7 donne un aperçu de la situation.) Les chefs d'état-major militaires ne font pas preuve de suffisamment de leadership pour assurer la mise en oeuvre du Programme d'éthique de la Défense. Des progrès ont été réalisés dans le domaine de l'enseignement de l'éthique aux nouvelles recrues des Forces canadiennes, mais il faudrait, à ce chapitre, accorder une plus grande priorité à l'instruction des cadres moyens et supérieurs, car leur comportement doit servir de modèle. Pour l'instant, aucun objectif précis n'a été fixé concernant la mise en oeuvre du programme. Le manque apparent d'enthousiasme qui semble exister au sein des trois armées nous porte à croire qu'il y a risque que le programme n'avance pas aussi rapidement qu'il le devrait et qu'ainsi, le statu quo soit maintenu. Il est certain qu'à moins que les cadres supérieurs n'exercent davantage de leadership, on ne parviendra pas de sitôt à établir une approche uniforme, appliquée avec cohérence dans l'ensemble du Ministère et des Forces canadiennes.

26.50 La Défense nationale devrait mettre en oeuvre le Programme d'éthique de la Défense le plus vite possible. À cet effet, elle devrait préciser les responsabilités qui s'y rattachent et approuver des plans présentant des objectifs précis. Elle devrait également surveiller la mise en oeuvre du programme.

Réponse du Ministère : Le ministère de la Défense nationale reconnaît pleinement l'importance de l'éthique et s'est engagé à en respecter les valeurs. Pour tirer parti des importantes réalisations à ce jour, il entend continuer à mettre en oeuvre en temps opportun le Programme d'éthique de la Défense, en en respectant la vision et la stratégie. Pour ce faire, il rappellera aux gestionnaires leurs responsabilités en la matière et les aidera à élaborer des plans respectueux de la spécificité de ce programme, fondé sur des valeurs éthiques. Il travaillera en étroite collaboration avec le bureau du Secrétariat du Conseil du Trésor chargé du programme Valeurs et éthique dans la fonction publique, annoncé récemment.

Les contrôles internes et la vérification interne

Le Ministère doit établir des systèmes de contrôle à l'appui des comportements conformes aux normes d'éthique
26.51 Le milieu dans lequel travaille la Défense nationale évolue rapidement et il s'avère essentiel qu'elle détermine les risques qui découlent de cette situation et qu'elle prenne des mesures pour les gérer et les éliminer. Les systèmes de contrôle, conçus pour veiller à l'observation des politiques et des règlements, peuvent permettre de relever les forces et les faiblesses dans leur ensemble. Pour être efficaces, les contrôles doivent aider les gestionnaires à réagir avec uniformité aux situations, à atteindre les objectifs qui leur ont été fixés, à prévenir ou détecter les erreurs et à éviter ainsi de se trouver dans l'embarras.

26.52 La diminution des ressources, la délégation de plus en plus fréquente des pouvoirs financiers et l'adoption de budgets de fonctionnement ont eu d'importantes répercussions sur l'ampleur de la participation des gestionnaires de tous les paliers à la gestion des ressources de défense. En même temps, certains mécanismes de contrôle ont été éliminés. Les responsabilités et les ressources qui s'y rattachent ont été déléguées aux gestionnaires, qui contrôlent directement des activités bien précises. Cette décentralisation a amené l'attribution de responsabilités financières à un plus grand nombre de gens, ce qui rend encore plus nécessaire l'emploi de nouveaux outils pour évaluer les contrôles internes.

26.53 La fréquence, la nature et l'emplacement des mécanismes de contrôle peuvent varier, mais ceux-ci demeurent importants et nécessaires. Dans le cadre de notre vérification, nous avons examiné les systèmes de contrôle clés du ministère de la Défense nationale, notamment la gestion des contrôles internes et les services de police militaire.

Les ressources de vérification interne sont moins nombreuses
26.54 Comme toutes les autres fonctions du Ministère, la fonction de vérification a été touchée par les réductions de personnel au cours des dernières années. D'après le Plan d'activités du Chef du Service d'examen, le Ministère comptait en 1998-1999 environ 133 vérificateurs, alors qu'il en comptait environ 330 au début des années 1990. Il s'agit là d'une baisse de 60 p. 100 par rapport à l'ensemble des employés à temps plein, dont le nombre a été réduit de 35 p. 100. Cependant, le personnel du groupe important du Chef du Service d'examen n'a été réduit que d'environ 30 p. 100 et le service a conservé pratiquement le même budget qu'auparavant.

26.55 Chaque armée est responsable de son propre personnel d'examen. Sauf pour ce qui est du Chef du Service d'examen, qui n'a pas encore eu à doter beaucoup de postes, aucune unité/base/formation de notre échantillon n'est parvenue à combler ses postes vacants dans le domaine de la vérification. Comme ces postes sont maintenant destinés à des civils des niveaux débutant à cadre moyen, le Ministère semble être incapable d'attirer de bons candidats et de les conserver dans ses rangs.

26.56 Comme la demande de services d'examen augmente et change, le Ministère a décidé de modifier son approche de vérification et de se concentrer davantage sur les vérifications à grande échelle plutôt que sur les vérifications de la conformité. Ainsi, bien que chaque vérification continue de comporter un volet vérification de la conformité, celui-ci n'est devenu aujourd'hui qu'un élément d'un processus d'examen exhaustif. Alors, au lieu de vérifier uniquement la conformité comme auparavant, on s'occupe maintenant d'examiner les systèmes de gestion et de mesurer le rendement. Selon les représentants du Ministère que nous avons rencontrés, les méthodes traditionnelles axées sur le contrôle de la conformité sont inabordables et les nouvelles méthodes sont plus efficaces.

26.57 Bien qu'il accorde toujours de l'importance à l'examen général de l'organisation, le Service d'examen a été obligé de réattribuer des ressources suite à l'augmentation considérable des responsabilités des commandants et des gestionnaires hiérarchiques. Des ressources des équipes de vérification ont été transférées pour fournir « des services d'examen » aux gestionnaires et aux chefs. Ce type d'activité de soutien représente environ 20 p. 100 du travail des vérificateurs. Bien qu'il ne soit pas inhabituel que le personnel affecté à la vérification interne consacre autant de temps à des activités de soutien, il n'en reste pas moins que le nombre déjà réduit des vérificateurs disponibles pour effectuer des vérifications indépendantes basées sur les risques évalués s'en trouvera encore plus diminué.

26.58 En ce qui concerne le Chef du Service d'examen, on prévoit que la proportion des ressources affectées au soutien diminuera jusqu'à 6 p. 100 en 1999-2000, ce qui fait qu'un plus grand nombre de ressources seront disponibles pour effectuer des vérifications. En outre, quatre des 16 projets de soutien entrepris par le Chef du Service d'examen depuis 1997-1998 faisaient suite à des plaintes d'abus de ressources.

26.59 En raison de ces changements, les unités de vérification interne des armées effectuent moins de vérifications. Cependant, des séances d'auto-évaluation de contrôle sont désormais utilisées en complément des méthodes traditionnelles d'examen et de vérification. L'auto-évaluation de contrôle est une méthode qui permet aux gestionnaires de cerner leurs secteurs à risque et d'évaluer les forces et les faiblesses de leurs mécanismes de contrôle.

26.60 Le Chef du Service d'examen, qui coordonne et surveille le processus d'auto-évaluation de contrôle, nous a appris que 59 séances, accueillant chacune de 10 à 15 participants, ont eu lieu entre septembre 1997 et mai 1999. Cela signifie donc que ce processus n'a visé qu'un très faible pourcentage de centres de responsabilités du Ministère. Cette première évaluation des risques est très importante, mais ce n'est qu'une étape préliminaire du cycle de vérification et elle ne saurait remplacer la vérification indépendante. Les responsables du bureau du Chef du Service d'examen nous ont indiqué qu'ils espèrent se baser sur les résultats de ces évaluations et sur des vérifications pour mettre sur pied un système d'évaluation de contrôle pour l'ensemble du Ministère. Toutefois, ils ne nous ont pas fourni la date à laquelle ils prévoyaient terminer ce projet et n'ont mentionné aucun autre jalon.

26.61 Le Ministère a commencé à prendre certaines mesures en vue d'éliminer directement les risques de fraude et d'abus. En mai 1999, le Chef du Service d'examen, de concert avec le Grand prévôt des Forces canadiennes et d'autres membres de l'État-major, a tenu une conférence d'une journée au sujet de l'établissement d'une stratégie de protection des ressources. Le Secteur du Centre de la Force terrestre a également établi une politique de prévention des fraudes et rédigé un manuel à ce sujet. On travaille actuellement à l'établissement d'une politique nationale d'élimination des fraudes et des abus.

La plupart des groupes locaux de vérification n'évaluent pas systématiquement les risques lorsqu'ils préparent des plans de vérification
26.62 Chaque année, le Chef du Service d'examen prépare une évaluation des risques en vue de déterminer les secteurs à vérifier et à examiner en priorité. En outre, plusieurs des vérifications qu'il entreprend présentent des analyses de risques exhaustives de fonctions de grande importance telles que les achats et l'approvisionnement sur place, les services de soutien au niveau des bases et les budgets de fonctionnement. Dans l'ensemble, les évaluations ont permis de relever de nombreux secteurs à risque, mais le Chef du Service d'examen n'a pas été en mesure de faire le suivi de la plupart de ces secteurs. De fait, à la fin de l'exercice 1998-1999, 36 projets de vérification étaient encore en cours et plus de 30 secteurs avaient été retenus aux fins de la planification de prochaines vérifications.

26.63 Nous avons constaté que les unités de vérification des armées n'utilisaient pas les bonnes techniques d'évaluation des risques. Un très petit nombre d'unités de vérification dans les endroits que nous avons visités ont pu nous fournir des évaluations de risques et des plans de vérification annuels. Toutefois, la plupart étaient en train d'élaborer leur plan de l'exercice 1999-2000. Sauf une évaluation effectuée par le Commandement maritime Pacifique, les évaluations de risques se fondaient essentiellement sur l'expérience personnelle et sur l'intuition des intervenants. Une seule des unités que nous avons visitées avait inclus, dans la planification de ses vérifications, une évaluation en bonne et due forme des risques.

Les gestionnaires croient que les risques augmentent
26.64 Alors que l'organisation se transforme et que l'on met en oeuvre le nouveau cadre de gestion (planification des activités, transfert des responsabilités, système d'attribution et de gestion comptable des ressources), les gestionnaires doivent assumer davantage de risques. De 1995 à 1998, le Vice-chef d'état-major de la Défense et le Sous-ministre adjoint (Finance et Services du Ministère) ont effectué des examens de la fonction de contrôle dans les trois armées, afin de vérifier l'efficacité du cadre et des pratiques de contrôle dans l'ensemble du Ministère. Ils ont recueilli des renseignements sur les pratiques de contrôle auprès des hauts dirigeants, du personnel du contrôleur et des gestionnaires de ressources. Leurs rapports ont démontré clairement l'inquiétude que ressentent les commandants et les gestionnaires, qui se sentent de plus en plus vulnérables aux risques à la suite de l'introduction de la nouvelle culture de gestion. Selon eux, la délégation des pouvoirs et des responsabilités aux paliers inférieurs augmente les risques. Le fait que le programme d'éthique et de valeurs du Ministère n'ait pas encore été complètement mis en oeuvre et accepté par les employés contribue également à l'augmentation des risques. Étant donné l'irrégularité de l'évaluation des risques dans l'ensemble de l'organisation, les vérificateurs internes ne peuvent renseigner les cadres supérieurs sur la nature et l'ampleur des risques. En particulier, il est impossible pour eux d'évaluer les risques dans les secteurs qui n'ont pas fait l'objet d'une vérification interne.

26.65 La plupart des gestionnaires ont indiqué qu'ils étaient peu enclins à assumer des risques plus importants surtout en raison du manque de capacités spécifiques de vérification sur place. En général, les gestionnaires sont mal à l'aise au sujet du faible degré d'assurance qu'offrent les services locaux d'examen et plusieurs ont indiqué qu'ils préféreraient que leurs opérations financières soient vérifiées plus souvent.

26.66 La force aérienne a effectué très peu de vérifications au cours des cinq dernières années. La fonction de vérification était absente dans la plupart des escadres, alors que la capacité de vérification de la 1re Division aérienne du Canada n'était qu'à l'état embryonnaire. La capacité de la force aérienne d'effectuer des examens, des vérifications et des études est plus réduite que jamais. De l'avis du commandant de la 1re Division aérienne du Canada, la force aérienne n'est plus en mesure de respecter l'esprit de la politique du Conseil du Trésor ou de répondre aux attentes du Sous-ministre. La force aérienne reconnaît cette faiblesse et embauche actuellement des vérificateurs.

Les vérifications locales pourraient être améliorées
26.67 Maintenant que les pratiques et les contrôles de gestion sont décentralisés, la présence d'une fonction de vérification interne pour l'organisation s'avère plus pertinente que jamais. Cependant, la vérification interne effectuée dans les trois armées n'est pas coordonnée avec la vérification interne qui a lieu au Quartier général de la Défense nationale. L'Armée de terre a un agent de liaison qui, essentiellement, assure la communication entre le Chef du Service d'examen et les secteurs de l'Armée de terre et fournit des précisions sur la politique de vérification interne. La Marine compte un petit groupe de service-conseil en vérification interne qui assure aussi la communication avec le Chef du Service d'examen. À l'exception des réunions annuelles des vérificateurs internes, il n'existe aucun mécanisme concret pour assurer une communication valable et régulière entre les diverses unités de vérification interne. Les unités locales de vérification interne n'ont pas à fournir les résultats de leurs travaux au Quartier général, pas plus qu'elles ne doivent tenir compte des résultats des vérifications nationales dans leur propre planification. En raison du manque de personnel, le groupe des services d'examen de la force aérienne, à Ottawa, s'occupe davantage de la gestion et de l'étude des plaintes que de la vérification comme telle.

26.68 En général, nous avons constaté que les ressources locales de vérification interne ont diminué. On n'a pas recours à l'analyse systématique des risques pour affecter les ressources qui restent en fonction des priorités. Les gestionnaires s'inquiètent du fait que les risques qu'ils doivent assumer sont trop grands. Cet élément clé de la prévention des abus est donc faible. En l'absence de contrôles et de vérifications internes appropriés, la direction crée un milieu au sein duquel certains employés pourraient être tentés de déroger aux normes d'éthique.

26.69 Le Ministère devrait veiller à ce que les risques soient évalués et il devrait attribuer des ressources de vérification proportionnelles à l'ampleur des risques détectés.

Réponse du Ministère : L'organisation du Chef du Service d'examen, laquelle est chargée des fonctions centrales d'examen pour le Ministère, poussera l'analyse des risques liée à la planification pour y englober les plans relatifs aux ressources de vérification mises à la disposition des différents services militaires. Ainsi, toute activité sera soumise, comme il se doit, à un processus global de vérification en fonction des risques perçus. Le groupe central de vérification, qui est doté d'importants moyens d'analyse automatisée de données, s'affaire à mettre au point des techniques lui permettant d'analyser périodiquement, au chapitre des opérations, les tendances et les façons de faire afin de déceler les irrégularités. Cette recherche devient particulièrement cruciale au regard de l'essor du commerce électronique. Les personnes chargées de la vérification au niveau local recevront une formation dans ce domaine, y compris des cours de sensibilisation à la fraude.

26.70 Les chefs d'état-major des armées devraient faire en sorte que leurs activités de vérification interne soient coordonnées avec celles du Chef du Service d'examen, au Quartier général.

Réponse du Ministère : Comme il a déjà été dit, l'organisation du Chef du Service d'examen dirigera la coordination des plans de vérification du Ministère, en vertu de son double mandat, à savoir l'examen des activités au niveau ministériel ainsi que la communication de conseils au Sous-ministre et au Chef d'état-major de la Défense en matière de vérification. L'intranet du MDN et des FC servira à échanger des renseignements, des rapports et des plans de travail qui concernent la vérification. Ces mesures, auxquelles s'ajoute l'interaction directe, devraient améliorer la coordination de ces plans. Une telle coordination est déjà présente dans l'essentiel du travail d'examen réalisé à l'échelon local, grâce aux ateliers animés par le personnel chargé de la vérification. Ces derniers aident les gestionnaires à évaluer par eux-mêmes les contrôles mis en place et à y apporter les correctifs voulus.

Les systèmes de contrôle de la direction se sont relâchés

Les gestionnaires locaux sont préoccupés par les faiblesses constatées dans les systèmes de gestion financière
26.71 La direction ne peut pas compter uniquement sur la vérification interne comme moyen de contrôle, car la vérification ne fait que valider l'efficacité des autres contrôles. C'est aux gestionnaires que la direction se fie pour l'établissement des mécanismes de comptabilité et de contrôle appropriés. Il incombe à tous les gestionnaires de gérer avec prudence et probité les ressources qui leur sont allouées pour leurs programmes. Les gestionnaires responsables mettent en place des mécanismes d'inspection afin de garantir que les directives et les lignes directrices sont respectées et que les dépenses n'excèdent pas les niveaux approuvés et sont effectuées à des fins autorisées.

26.72 Le sous-ministre de la Défense nationale a énoncé certaines attentes à l'égard des gestionnaires financiers dans le document portant sur le Cadre de responsabilisation en matière de gestion financière du Ministère. Il s'agit d'une mesure importante visant à sensibiliser davantage les gestionnaires hiérarchiques à leur responsabilité financière. Les cadres supérieurs sont maintenant tenus de signer une lettre annuelle d'attestation relative à la gestion financière. Cette lettre certifie que les responsabilités en matière de gestion financière ont été entièrement assumées et que les systèmes et processus en place répondent aux besoins du commandement ou du groupe du Quartier général.

26.73 Dans tous les endroits que nous avons visités, des responsables nous ont dit que le manque de personnel avait entraîné d'importants retards dans la plupart des programmes d'inspection de conformité, ou l'abandon pur et simple de ces derniers. La Marine maintient encore comme priorité l'inspection des navires qui sont considérés comme présentant des risques élevés, mais elle a retardé ou modifié le cycle des inspections à terre. Ni l'Armée de terre ni la Force aérienne n'a été en mesure d'exécuter son cycle d'inspections financières de 18 mois. (Voir la photographie)

26.74 De plus, l'introduction du nouveau cadre de responsabilité a rendu caduques les listes de contrôle standard; cela entrave le processus d'examen. Il faudra modifier les directives afin de tenir compte des réalités opérationnelles. Des discussions ont été tenues au quartier général de l'Armée de terre en ce qui a trait à la promulgation de nouvelles directives pour les inspections au niveau du service mais, au mois de juin 1999, aucun changement n'avait encore été apporté.

26.75 Les responsabilités en matière d'inspection ont été déléguées dans de nombreux cas au niveau des unités, de sorte que les membres du personnel exercent pour ainsi dire un contrôle sur eux-mêmes. Pourtant, il existe une politique ministérielle exigeant que les officiers qui font l'inspection d'une fonction ne soient pas directement responsables de la gestion de cette fonction.

26.76 Il est manifeste que les contrôles financiers se sont relâchés dans certains secteurs. Dans le cadre de la vérification, nous n'avons pas déterminé si la situation empire de façon générale ni exactement dans quelle mesure les infractions au contrôle sont répandues. Nous avons cependant constaté que certains types de défaillances des systèmes de contrôle ont été fréquemment mentionnés dans des rapports ministériels et par les gestionnaires que nous avons interrogés. En voici quelques exemples :

26.77 Diverses vérifications ont révélé d'importants problèmes qui pourraient constituer une source de préoccupation pour la plupart des unités au sein du Ministère. Des gestionnaires supérieurs signent des lettres d'attestation pour garantir au Sous-ministre qu'on a satisfait aux exigences en matière de gestion financière. Toutefois, ces lettres comprennent souvent une réserve précisant qu'il y a des limites à la capacité des gestionnaires d'assumer la responsabilité en ce qui concerne les pouvoirs et les fonds confiés à l'unité. Par exemple, au niveau des escadres dans la Force aérienne, les commandants ont indiqué qu'ils sont grandement préoccupés par le fait de signer la lettre d'attestation alors qu'ils manquent de ressources de vérification pour garantir que la conformité est assurée.

26.78 Des gestionnaires financiers de l'administration centrale nous ont dit, qu'à leur avis, les examens de la fonction de contrôle et les lettres d'attestation constituaient un pas en avant en ce qui a trait à la sensibilisation et au repérage des problèmes. Nous sommes d'accord avec eux. Néanmoins, le problème du contrôle financier semble de taille et une action concertée est requise pour le régler.

Les vérifications ministérielles indiquent un accroissement du risque de fraude et d'abus
26.79 La réduction des effectifs et la restructuration du Ministère ont aussi touché les fonctions non financières. Le Chef du Service d'examen a effectué plusieurs vérifications et examens. Dans le cadre de l'une des vérifications portant sur l'approvisionnement et les achats locaux, il a été constaté que les rôles n'étaient plus clairement définis et que les visites d'aide à la gestion et les vérifications internes avaient été considérablement réduites ou tout simplement éliminées. De l'avis des vérificateurs internes, la gestion locale du matériel faisait l'objet de très peu de surveillance, quelle qu'en soit la nature. Il en est résulté un accroissement des possibilités de vol et d'abus de matériel public, une moins grande conformité aux règlements gouvernementaux et ministériels, peu d'intérêt pour l'optimisation des ressources, une moins grande exactitude en ce qui a trait à l'inventaire des stocks et un manque de contrôle efficace sur les opérations à risque élevé. Les comportements inappropriés étaient rarement détectés par les contrôles de la direction; ils étaient généralement signalés à la police militaire par des tiers.

26.80 D'autres vérifications effectuées par le Chef du Service d'examen en ce qui a trait aux services de soutien des bases et à la gestion des budgets de fonctionnement indiquent l'existence probable d'une situation similaire dans d'autres fonctions. Il est précisé dans l'ébauche du rapport d'une vérification portant sur les services de soutien des bases que la réduction des effectifs et la réorganisation des Forces canadiennes avaient eu pour effet de laisser les gestionnaires à court d'outils et de ressources pour gérer efficacement les risques. Il serait donc nécessaire d'établir un processus officiel de gestion des risques tant au niveau des bases qu'à celui du quartier général national. Il est constaté dans la version préliminaire du rapport d'une vérification de la gestion des budgets de fonctionnement que contrevenir aux règles et aux lignes directrices avait peu de conséquences pour les coupables sauf s'ils commettaient des actes criminels.

Des abus systématiques ont échappé à la détection
26.81 Le Ministère a été victime d'au moins un abus systématique généralisé dans le cadre duquel il y a eu versement de commissions secrètes et de pots-de-vin. Parmi les coupables, on retrouvait un grand nombre de membres des Forces canadiennes et d'employés civils de la Défense nationale. Ce cas est traité plus en détail dans le chapitre 33 du présent rapport, « Autres observations de vérification ». Il faut également noter que le Ministère avait été informé précédemment de cette question, mais qu'il avait mis fin à son enquête, faute de preuves. Ce cas présente un intérêt parce qu'il montre la nécessité d'améliorer les contrôles et le système de vérification interne.

26.82 Le Ministère devrait réintroduire les contrôles de conformité à effectuer par la direction, en fonction du risque évalué, afin de réduire les probabilités de fraudes et d'abus de ressources.

Réponse du Ministère : Au cours des vérifications internes du Ministère, l'accent est mis sur les risques de non-contrôle liés au transfert des responsabilités et à la période actuelle de transition devant aboutir à l'acquisition et à la pleine utilisation des nouvelles technologies. Placée sous l'autorité du groupe central de vérification interne, l'analyse des risques sera menée parallèlement à l'initiative de sensibilisation à la fraude qu'ont mis en place le MDN et les FC. L'extraction et l'analyse automatisées de données devraient orienter l'examen relatif à la conformité au niveau local, voire améliorer celle-ci.

La réforme de la police militaire se poursuit
26.83 Au cours des deux dernières années, la police militaire a fait face à des défis de taille puisqu'elle a eu à répondre au rapport de la Commission d'enquête sur la Somalie et au rapport du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire. Les deux rapports ont soulevé des préoccupations en ce qui a trait à l'indépendance de la police militaire et à la transparence de ses enquêtes.

26.84 En réponse à ces deux rapports, le service du Directeur général de la Sécurité et la police militaire ont été restructurés afin de constituer le service du Grand prévôt des Forces canadiennes, qui relève du Vice-chef d'état-major de la Défense pour ce qui est du maintien des normes policières. Le Grand prévôt est chargé d'élaborer les politiques et les plans communs aux trois armées et de fournir des services spécialisés et des services d'enquête aux Forces canadiennes. Le Service national des enquêtes est indépendant de la chaîne de commandement opérationnelle et enquête sur des questions de nature « grave ou délicate ». Celles-ci peuvent être définies de façon générale comme des allégations mettant en cause des militaires qui détiennent le grade de major ou un grade supérieur et concernant des pertes de 10 000 $ ou plus, ou des infractions susceptibles de poursuite en justice en vertu d'une loi fédérale ou de la Loi sur la défense nationale .

26.85 Les responsabilités du Grand prévôt en matière d'enquête et de prévention du crime visent à détecter et à empêcher les abus et la mauvaise utilisation des ressources. Les plaintes au sujet d'importants cas de mauvaise utilisation ou d'abus de ressources doivent être transmises au Service national des enquêtes par les plaignants ou par la police militaire locale. Les enquêteurs doivent être indépendants de la chaîne de commandement militaire habituelle.

26.86 Pour les questions autres que celles qui sont de nature « grave et délicate », le processus d'enquête demeure relativement le même et les enquêtes sont généralement menées au niveau de l'unité par la police militaire locale. Les commissions d'enquête et les enquêtes sommaires sont des moyens couramment utilisés pour faire enquête sur des incidents de nature administrative. Les cas d'une importance ou d'une complexité inhabituelle sont présentés à une commission d'enquête. Dans les deux cas, le processus sert à déterminer les faits, et l'autorité convocatrice évalue les faits constatés et détermine si des mesures administratives ou disciplinaires sont indiquées.

26.87 Le Service national des enquêtes a le pouvoir de porter des accusations si les enquêtes qu'il mène montrent que cela est justifié. Les commandants peuvent décider d'intenter des poursuites judiciaires ou de surseoir aux accusations. De même, ils peuvent choisir de ne pas donner suite aux rapports des commissions d'enquête et des enquêtes sommaires. Toute partie qui n'est pas d'accord avec les résultats du processus peut avoir recours aux procédures de grief.

26.88 Ce processus vise à donner à la chaîne de commandement la capacité d'appliquer des mesures administratives et disciplinaires au besoin pour maintenir l'ordre et la discipline au sein des unités. Il est utilisé à chaque niveau de commandement et peut toujours être confié à des paliers supérieurs lorsqu'une plus grande indépendance est requise.

26.89 Les changements apportés à la Loi sur la défense nationale en décembre 1998 ont entraîné la création de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Celle-ci a le pouvoir d'enquêter et de faire rapport publiquement non seulement sur les plaintes concernant des abus de la part de la police, mais aussi sur les plaintes de la police au sujet de cas d'ingérence dans ses enquêtes. Au moment où nous avons effectué notre vérification, les membres de la Commission avaient été nommés et étaient en train de mettre sur pied leur bureau. La Commission est censée entreprendre ses travaux en décembre 1999.

La nouvelle structure de la police doit être perfectionnée
26.90 Il est important que la chaîne de commandement ne soit pas perçue comme exerçant une influence indue sur les fonctions d'application de la loi de la police militaire. En raison de la création du Service national des enquêtes, les cours martiales ne relèvent plus de la compétence des commandants; les « cas graves et de nature délicate » sont maintenant traités par le Grand prévôt. Cependant, il semble que certains commandants ne comprennent pas encore le fonctionnement du nouveau système. Suite à une surveillance exercée par le Grand prévôt des Forces canadiennes, on a pu relever les cas suivants :

26.91 Le Vice-chef d'état-major de la Défense est chargé de faire en sorte que tous les éléments de la chaîne de commandement comprennent le rôle de la police militaire ainsi que de garantir l'indépendance de la police. Le Grand prévôt des Forces canadiennes a mis en place un processus d'examen continu afin de s'assurer que les normes policières sont respectées. De plus, pour corriger la situation actuelle, le Ministère a prévu former 1 700 officiers d'ici novembre 1999 afin qu'ils soient aptes à présider des procès sommaires.

26.92 En résumé, nous croyons que le Ministère doit résoudre deux nouveaux problèmes tandis qu'il apporte des améliorations à ses forces policières. Premièrement, il lui faut s'assurer que les commandants comprennent comment le système est censé fonctionner et le rôle qui leur incombe au sein de celui-ci. Deuxièmement, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire doit rapidement devenir opérationnelle de sorte que le système fonctionne tel que prévu.

26.93 Pour garantir l'indépendance de la police militaire, le Ministère devrait parfaire la formation donnée aux commandants afin qu'ils comprennent mieux le rôle qui leur est attribué au sein du système de justice militaire.

Réponse du Ministère : Le Ministère aidera les commandants à jouer un plus grand rôle dans le système de justice militaire actuel, en diffusant des trousses de communication consacrées aux réformes (en cours) découlant du projet de loi C-25, à l'instruction et à l'agrément des officiers délégués (en voie de réalisation) ainsi qu'à la mise sur pied de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (prévue pour le mois de décembre 1999).

Suivi des plaintes d'abus

Le Ministère dispose d'un personnel spécialisé pour faire enquête sur les abus
26.94 En juin 1992, le Ministère a mis sur pied une Direction des enquêtes et examens spéciaux qui est chargée d'enquêter sur les allégations ou les cas de pratiques répréhensibles, de mauvaise gestion et d'autres irrégularités au Ministère et dans les Forces canadiennes. La Direction relève du Chef du Service d'examen. Ses rapports sont envoyés au Sous-ministre ou au Chef d'état-major de la Défense, qui détiennent la plus haute autorité au Ministère.

26.95 Nous avons examiné des plaintes que notre Bureau avait reçues et transmises au Ministère depuis 1995 ainsi que des plaintes que le Sous-ministre et le Chef d'état-major de la Défense avaient confiées à la Direction depuis sa création. Parmi les cas que nous avons étudiés, 45 avaient été traités par la Direction des enquêtes et examens spéciaux, 17 étaient des plaintes portées auprès du Chef du Service d'examen et les 12 derniers étaient des plaintes faites auprès du Cabinet du Ministre, du Sous-ministre, du Chef d'état-major de la Défense, du Sous-ministre adjoint (Personnel) ou du Sous-ministre adjoint (Finances et Services du Ministère). Nous nous sommes concentrés sur le processus utilisé pour évaluer la validité des allégations et sur les mesures de correction et de redressement prises par le Ministère. Nous nous attendions à ce que ces mesures soient prises en temps opportun, quelles qu'elles soient.

26.96 Nous avons identifié trois grandes catégories de comportement, autres que le gaspillage, qui vont à l'encontre de la conduite appropriée des affaires publiques. Ce sont les suivantes :

Le Ministère a estimé que plus de la moitié des allégations étaient valides
26.97 Au total, nous avons examiné 74 cas liés à l'abus de fonds publics ou à la violation des codes régissant les conflits d'intérêts ou l'après-mandat. Le Ministère avait procédé à l'évaluation de 66 de ces cas, et les huit derniers étaient toujours à l'étude au moment où nous avons effectué notre vérification. Le Ministère avait conclu que les plaintes étaient valides dans 40 des 66 cas. Des exemples des plaintes que le Ministère a jugé bien fondées sont présentés à la pièce 26.8. On trouvera un résumé de nos constatations à la pièce 26.9.

Les allégations n'ont pas toutes été évaluées de façon adéquate
26.98 Dans 12 des 66 cas examinés par le Ministère, nous avons constaté que certaines évaluations n'avaient pas été effectuées, complétées ou documentées. Six de ces cas avaient été traités par le Cabinet du Ministre ou par des cadres supérieurs, par exemple des membres du personnel du Sous-ministre et du Sous-ministre adjoint (Personnel), plutôt que par le Chef du Service d'examen.

Les mesures correctives se sont parfois révélées incomplètes
26.99 Nous avons estimé que les mesures correctives prises par le Ministère étaient satisfaisantes dans les cas où elles ont été entièrement mises en oeuvre et ont permis de régler le problème cerné. Le Ministère avait jugé qu'il était justifié de prendre des mesures correctives dans 26 des 66 cas que nous avons examinés et qu'aucune mesure n'était requise dans 32 autres cas. Sur les 26 cas où le Ministère a pris des mesures correctives, nous jugeons que celles-ci étaient satisfaisantes dans 18 cas et qu'elles ont constitué un progrès considérable dans deux autres cas. Selon nous, les mesures prises dans les six autres cas n'étaient pas satisfaisantes.

26.100 En ce qui concerne deux plaintes que nous avions transmises au Ministère, des responsables nous ont indiqué que des mesures correctives avaient été prises. Toutefois, nous avons constaté que ce n'était pas le cas.

Des mesures de redressement sont prises dans la plupart des cas
26.101 Des mesures de redressement sont prises lorsqu'un problème est confirmé afin d'éviter que des problèmes semblables ne se produisent ailleurs au Ministère. Dans 28 des 66 cas que nous avons évalués, le Ministère a conclu que des mesures de redressement s'imposaient; à notre avis, il y avait un autre cas dans lequel de telles mesures étaient justifiées en raison du risque de récurrence à d'autres endroits. Le Ministère a pris des mesures satisfaisantes et mis au point le système de contrôle nécessaire uniquement pour neuf d'entre eux. Dans 13 autres cas, les mesures prises ont constitué des progrès importants tandis que dans quatre cas, peu de progrès ont été accomplis. Enfin, dans trois autres cas, le Ministère n'a pas pris de mesures satisfaisantes.

26.102 Nous avons remarqué que, dans de nombreux cas, les mesures de redressement du Ministère consistaient à modifier ses règlements en vigueur - la plupart du temps ceux qui s'appliquent au déplacement et à la réinstallation ainsi qu'à la délégation des pouvoirs d'autorisation en matière de déplacement. Le Ministère s'est rendu compte que, souvent, ses règlements et ses politiques n'avaient pas été clairs ou pas été compris ou encore qu'ils ne s'harmonisaient pas avec les règlements du gouvernement. Dans de nombreux cas, le Ministère a pris des mesures provisoires pour régler le problème temporairement, mais ces mesures sont demeurées en vigueur pendant longtemps. Elles comprenaient notamment la publication de notes de service afin de clarifier ou de modifier temporairement un règlement. De telles méthodes sont inefficaces, car le personnel a tendance à oublier ou à perdre les notes de service.

Le Ministère n'assure pas de suivi en temps opportun
26.103 Nous avons constaté que les délais requis par le Ministère pour évaluer une allégation et mettre pleinement en oeuvre les mesures de correction et de redressement nécessaires pouvaient être assez longs. Sur 74 cas, on en a compté 39 qui ont fait l'objet d'un suivi complet par le Ministère, 19 dont le suivi était incomplet et pour lesquels l'évaluation, les mesures correctives ou les mesures de redressement étaient toujours en cours, et 16 qui n'avaient fait l'objet d'aucune évaluation ou pour lesquels nous n'avons pas pu obtenir les données nécessaires à la formulation d'une opinion. L'examen de 25 des 39 cas réglés a exigé moins d'un an mais, dans d'autres cas, il a fallu plus de deux ans et, dans deux cas particuliers, plus de trois ans. Pour ce qui est des cas non encore réglés, 16 ont déjà demandé plus d'un an et, parmi ceux-ci, neuf font l'objet d'une évaluation depuis trois ans ou plus (voir la pièce 26.10). Voici des exemples de cas qui nous préoccupent :

26.104 Afin de prévenir les fraudes et les abus, le Ministère devrait veiller à ce qu'un suivi de toutes les plaintes soit effectué promptement.

26.105 Le Ministère devrait faire en sorte que toutes les plaintes soient dûment enregistrées, en ayant comme objectif de les régler dans l'année suivant leur réception.

26.106 Le Chef du Service d'examen devrait assurer un suivi des mesures de correction et de redressement exigées pour déterminer si elles ont été pleinement mises en oeuvre et ont permis de régler les problèmes, et il devrait faire rapport de ses constatations au Sous-ministre.

Réponse du Ministère : Le Ministère convient qu'il devrait donner rapidement suite aux plaintes qui lui sont adressées aux plus hauts échelons de la gestion et qu'il ne devrait pas en retarder l'évaluation. Le Grand prévôt des Forces canadiennes continuera de s'occuper de plaintes nécessitant une enquête criminelle. Les autres seront présentées au Chef du Service d'examen. Les plaintes qui lui sont soumises font actuellement l'objet d'un suivi, et le Ministère a bon espoir d'en terminer l'évaluation globale d'ici un an. Le Ministère fera un suivi des correctifs et des mesures de redressement exigés afin de vérifier le moment où ce travail a été effectué. Les résultats seront régulièrement portés à l'attention du Sous-ministre et du Chef d'état-major de la Défense. Le vérificateur général pourra apporter sa contribution, en faisant en sorte que le Chef du Service d'examen soit mis au courant de toutes les plaintes qui doivent être réglées par le Ministère.

Conclusion

26.107 La Défense nationale a pris des mesures de base pour assurer la conduite appropriée des affaires publiques dans chacun des secteurs que nous avons vérifiés - soutien actif du respect des normes d'éthique, contrôle et vérification internes et suivi des plaintes. Cependant, il y a place pour d'autres améliorations dans chaque secteur.

26.108 Le Programme d'éthique de la Défense est l'élément de soutien proactif des mesures du Ministère visant à appuyer le respect des normes d'éthique. Le programme est bien conçu à cet effet, et le Ministère a accompli d'importants progrès pour ce qui est de la formation des nouvelles recrues des Forces canadiennes à tous les échelons. Toutefois, les groupes du Quartier général et les trois armées ne croient pas qu'un programme uniforme soit approprié. Le personnel a confondu l'Énoncé de l'éthos des Forces canadiennes demandé par le Ministre avec l'Énoncé d'éthique de la Défense, et ce dernier n'a été intégré que sporadiquement dans la formation et les systèmes de gestion des ressources humaines. L'établissement de budgets de base, le fait de ne pas avoir nommé de coordonnateurs de l'éthique se situant à des niveaux supérieurs et l'absence de plans indiquent que le niveau d'engagement à l'égard d'un programme d'éthique officiel s'appliquant à l'ensemble de l'organisation est faible.

26.109 L'efficacité des contrôles financiers internes et du système de vérification interne, deux éléments standard qui permettent de détecter et de contrer les fraudes et les abus, a été gravement restreinte par les compressions budgétaires. Les réductions n'ont pas été planifiées en tenant compte des ressources requises pour effectuer une évaluation satisfaisante des risques; c'est pourquoi le Ministère est incapable de dire quels niveaux de ressources sont réellement nécessaires. Il semble que celles allouées à la vérification interne soient insuffisantes. Il existe aussi des signes troublants qui indiquent que les contrôles financiers et autres se sont relâchés, le plus important de ces signes étant l'hésitation des commandants à garantir qu'ils exercent un contrôle efficace sur les ressources.

26.110 Enfin, les plaintes transmises à la haute direction du Ministère n'ont pas toutes été traitées de façon adéquate. Près d'un cinquième des cas que nous avons examinés n'avaient pas été évalués ou l'avaient été de façon inappropriée. Dans plus d'un cinquième des cas où le Ministère a estimé que des mesures correctives étaient justifiées, aucune mesure satisfaisante n'a été prise. Par ailleurs, dans plus des trois quarts des cas que nous avons étudiés, les mesures nécessaires pour remédier à des problèmes systémiques ont été entièrement mises en oeuvre. Bien que les cas examinés ne représentent pas toutes les plaintes portant sur l'ensemble du Ministère, le fait qu'ils ont été traités par des unités faisant rapport à de hauts dirigeants au Quartier général rend ces résultats décevants.

26.111 La plupart des éléments de base dont le Ministère doit assurer la mise en place en sont à divers stades de développement. La haute direction doit maintenant évaluer les risques systématiquement, élaborer un plan et exercer un solide leadership pour mettre ce plan en oeuvre dans l'ensemble du Ministère.


À propos de la vérification

Objectifs

Notre vérification visait les objectifs suivants :

Étendue

Notre vérification se fondait sur un modèle général des mesures à prendre pour réduire les risques de fraude et d'abus dans tous les types d'organisation. Le modèle comporte trois volets en fonction desquels ont été faits nos travaux de vérification.

Nous avons examiné dans quelle mesure le principal programme de valeurs du Ministère - le Programme d'éthique de la Défense - a été mis en oeuvre au sein du Ministère.

Nous avons examiné les contrôles financiers internes de certaines bases des Forces canadiennes. Nous avons évalué la vérification interne au Quartier général, au sein des trois armées, et dans certaines bases des Forces canadiennes. Nous n'avons pas vérifié les autres types de contrôles internes, comme ceux qui s'appliquent aux matériels.

Nous avons examiné 74 évaluations effectuées par la Direction des enquêtes et examens spéciaux depuis 1992, ainsi que les mesures de suivi qui en ont résulté, de même que les plaintes que nous avons reçues du public et qui ont été soumises au Ministère depuis 1995. Nous n'avons pas examiné les allégations que les plaignants avaient faites directement à la police militaire ou à la direction.

Nous avons effectué notre vérification au Quartier général de la Défense nationale et dans certaines grandes formations au sein de chaque armée : les Forces maritimes Atlantique, les Forces maritimes Pacifique, le Secteur du Québec de la Force terrestre, le Secteur du Centre de la Force terrestre et la 1re Division aérienne du Canada. Pour ce qui est des bases, nous nous sommes concentrés sur les Bases des Forces canadiennes Halifax, Esquimalt, Valcartier, Petawawa, Winnipeg et Trenton.

Critères

Nous nous attendions à ce que :

Équipe de vérification

Vérificateur général adjoint : David Rattray
Directeur principal : Peter Kasurak
Directeur : Pierre Hamel

Andrée Bélair
Sylvie Blais
Lori Buck
Anne Hardy
Jean-Michel Langlois
Haleem Mughal
Darlene Mulligan
Denise Rita
Stéphane Rousseau

Pour obtenir de l'information, veuillez communiquer avec M. Peter Kasurak.