Questions d'une importance et d'un intérêt particuliers

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1.1 Je fais rapport au Parlement et je suis conscient que mon Rapport de 1984 sera lu par de nombreux députés qui ont été élus pour la première fois au mois de septembre. J'ai donc choisi d'adresser ce premier chapitre surtout aux nouveaux députés. J'aimerais d'abord citer quelques chiffres tirés des Comptes publics, puis ensuite traiter du travail que fait mon Bureau.

Les chiffres en disent long

1.2 Le Parlement a demandé au vérificateur général de lui signaler toute question d'importance. Ce mandat exige que je porte à l'attention des députés tout sujet qui, à mon avis, est important. Or, à titre de vérificateur du Parlement, lorsque j'examine les états financiers du gouvernement du Canada chaque année, j'y découvre des questions d'importance qui se rapportent de façon précise à la tendance qu'indiquent les chiffres. Je sais, pour avoir entendu certains commentaires durant la récente campagne électorale, que les chiffres qui se rapportent au déficit, aux recettes, aux dépenses, à la dette et aux mouvements de caisse revêtent une importance et un intérêt énormes pour tous les députés.

1.3 J'estime que la communication aux députés de toute évolution ou tendance importante de ces chiffres est l'une de mes responsabilités les plus importantes. Il appartient dès lors au gouvernement et au Parlement de décider s'ils doivent adopter des politiques qui modifieront la tendance de ces chiffres.

1.4 Je me compare un peu à un consultant qui prend part à un examen médical annuel des patients et qui vérifie leur poids, leur pouls, et leur tension artérielle. Je transmets les résultats que j'ai vérifiés à ceux qui doivent prendre des décisions - le gouvernement et le Parlement.

1.5 Les données que je compile sont analysées par des économistes. Certains économistes voient le Canada et son déficit comme un individu qui est devenu progressivement obèse. Ils s'inquiètent du fait que l'économie, le coeur financier du pays, doive faire circuler de plus en plus d'argent dans la dette annuelle - la graisse non productive qui s'ajoute chaque année à un patient déjà trop gras.

1.6 D'autres économistes considèrent que le déficit n'est pas exagéré et ils estiment que, si l'on tient compte de la scène mondiale, le Canada est relativement en bonne forme.

1.7 Devant de telles divergences d'opinions, je me dois de veiller encore plus à ce que les données financières communiquées aux députés et aux économistes leur apportent autant d'information que possible sur la situation financière du gouvernement. Je reviendrai à cette question plus loin dans ce chapitre.

1.8 Entretemps, en me servant de l'information dont je dispose dans les Comptes publics des cinq dernières années, j'ai exprimé sous forme de graphique les chiffres, convertis en dollars constants de 1984, susceptibles d'intéresser les députés.

1.9 L'évolution de la taille des chiffres est importante. On pourrait arguer que cette évolution est à court terme. Il n'en reste pas moins que, ces deux dernières années, les recettes étaient à la baisse tandis que les dépenses continuaient à grimper, entraînant avec elles un élargissement du déficit. Les éléments du passif, y compris les dettes non échues, croissent rapidement, de sorte que les exigences du service de la dette deviendront certainement plus grandes dans les années à venir et que les besoins de la trésorerie continueront à se maintenir à un niveau très élevé.

1.10 Les économistes qui considèrent que les déficits sont trop élevés diront que, tout comme pour l'individu obèse, la corpulence excédentaire du déficit provoque le stress dans le système tout entier. Mais encore là, d'autres pourraient rétorquer en disant que le déficit n'est pas la source des problèmes, mais qu'il est le produit même de forces économiques sous-jacentes.

1.11 Toutefois, en ne tenant compte que des chiffres, ce qui me préoccupe, parce que comme comptable, je m'intéresse depuis de nombreuses années aux chiffres, aux comptes et aux graphiques de ce genre, c'est la vitesse et la force des récentes tendances. Dans ma perspective, les événements se bousculeront à un tel rythme qu'il y a un réel danger que les députés soient dépassés par les événements et que leur prise de décisions soit sans effet.

1.12 Il est clair que la taille et la nature du déficit sont, en grande partie, la résultante d'une gamme de politiques et de programmes qui entraînent des dépenses importantes alors qu'il n'y a pas assez de recettes pour les compenser. Bien que je sois conscient du fait qu'une politique économique incitant à la création d'un tel déficit soit jugée appropriée en temps de crise, je laisse aux députés le soin de déterminer par eux-mêmes s'ils désirent que le Canada continue à emprunter pour pouvoir mettre du pain sur la table.

1.13 Ce que je veux dire aux députés dans mon message, c'est que les Comptes publics renferment d'autres chiffres très importants en plus de ceux qui se rapportent au déficit; de plus, je manquerais à mon devoir de vérificateur général si, au cours de cet examen annuel, je ne signalais pas aux députés les tendances et le rythme accéléré de l'évolution des chiffres.

1.14 Mon Bureau ou moi-même sommes prêts à accueillir, en tout temps, les députés qui voudraient en savoir plus long sur les chiffres que l'on trouve dans les états financiers du gouvernement du Canada. Ces chiffres sont importants, et je demande à chaque député de les examiner avec soin d'après sa propre position économique et sa propre perspective au plan politique.

Le Bureau du vérificateur général

1.15 Le poste de vérificateur général repose sur trois principes. Le premier veut que le gouvernement du jour réponde devant le peuple du Canada de l'utilisation des deniers publics. Il doit veiller à ce que les fonds soient recueillis correctement, protégés contre toute perte, dépensés aux seules fins approuvées par le Parlement, et à ce que l'on réalise l'optimisation des ressources pour les fonds que l'on a dépensés.

1.16 Le deuxième principe veut qu'il appartienne aux députés de scruter les affaires du gouvernement; pour participer à cet examen, le gouvernement doit fournir aux parlementaires une information complète et compréhensible sur la façon dont il a mené ses activités.

1.17 Le troisième principe veut qu'une personne impartiale et compétente détienne le mandat d'examiner les renseignements que le gouvernement a fournis aux députés, d'effectuer des vérifications indépendantes des ministères, des organismes et des programmes du gouvernement et de signaler aux députés les questions importantes de telle sorte qu'ils puissent assumer leurs responsabilités - enracinées dans l'histoire, dans la tradition et la loi - d'obliger le gouvernement à rendre compte de ses actions.

1.18 Cette personne indépendante dans notre système, c'est le vérificateur général. L'information qu'il fournit au Parlement, c'est d'abord et avant tout dans le Rapport annuel qu'on la retrouve. Il a été dit que les députés sont élus à la Chambre des communes pour servir leurs concitoyens canadiens. Le vérificateur général est, de ce fait, le serviteur des serviteurs du peuple canadien.

1.19 Le travail qui se fait au Bureau du vérificateur général est régi par la Loi de 1977 sur le vérificateur général. Cette loi stipule essentiellement que je dois d'abord et avant tout remplir ce qu'on peut appeler un rôle de vérification financière traditionnelle, à titre de vérificateur des comptes du Canada. Mais elle exige en outre que je signale tout sujet qui, à mon avis, est important et doit être porté à l'attention de la Chambre des communes. Le vérificateur général doit, entre autres, signaler "les cas où il a constaté que... des sommes d'argent ont été dépensées à d'autres fins que celles auxquelles le Parlement les avait affectées; des sommes d'argent ont été dépensées sans égard à l'économie ou à l'efficience, ou des procédures satisfaisantes n'ont pas été établies pour mesurer et faire rapport sur l'efficacité des programmes dans les cas où elles peuvent convenablement et raisonnablement être mises en oeuvre".

1.20 La Loi stipule donc qu'il m'incombe non seulement de vérifier les renseignements financiers, mais aussi de chercher à donner l'assurance aux députés qu'en dépensant les deniers publics, on a obtenu l'optimisation des ressources, de signaler les cas où cela n'a pas été fait et, enfin, de faire connaître aux députés les cas où le gouvernement n'a pas établi de procédure pour mesurer l'efficacité de ses programmes.

1.21 Nos travaux. Ce n'est pas l'endroit indiqué pour exposer en détail la façon dont nous effectuons nos travaux. Toutefois, il pourrait être utile que le nouveau député connaisse quelque chose de l'activité qui se cache derrière ce Rapport annuel.

1.22 Si je veux m'acquitter de mon mandat, il me faut, lorsque je vérifie au nom du Parlement, examiner les comptes publics du Canada et exprimer une opinion qui indique s'ils présentent une information fidèle et conforme aux conventions comptables énoncées du gouvernement fédéral appliquées de la même manière qu'au cours de l'exercice précédent, ainsi que formuler toute réserve à cet égard.

1.23 Ce mandat comprend la vérification traditionnelle annuelle "d'attestation" de tous les ministères et organismes de l'État, d'où découle le texte intitulé "Opinion et observations du vérificateur général sur les états financiers du gouvernement du Canada" qui apparaît dans les Comptes publics de l'année.

1.24 J'exprime, en outre, une opinion de vérification distincte sur les états financiers de chacune des sociétés propriété de l'État et de chacun des autres organismes dont je suis nommé le vérificateur.

1.25 Cette composante annuelle de notre travail revêt un autre aspect. Il importe beaucoup qu'un vérificateur parlementaire puisse assurer les membres du Parlement qu'il y a eu respect des textes législatifs et que les deniers publics ont été dépensés aux fins voulues par le Parlement. Ceci dépasse la fonction d'attestation et englobe ce que nous appelons la "vérification en fonction des textes réglementaires" (voir pièce 1.1). Mes vérificateurs relèvent des cas de paiements irréguliers, de pouvoirs de dépenser qui ont été outrepassés, de paiements qui ont été versés avant que cela soit nécessaire, de textes réglementaires qui n'ont pas été respectés et d'autres questions semblables. Lorsque j'ai jugé que ces dernières avaient une telle importance et étaient d'une telle nature qu'elles devaient être portées à l'attention de la Chambre des communes, je les ai incluses dans le Rapport annuel.

(Cette pièce n'est pas disponible)

1.26 Nous passons ensuite à une étude plus élargie de ministères, d'organismes et de programmes particuliers. Dans le cas des ministères, cet examen spécial est effectué sur une base cyclique. Nous essayons de toucher à chaque grand ministère au moins une fois tous les cinq ans. La vérification peut porter sur l'ensemble du ministère ou sur des programmes particuliers d'un ministère, comme dans le cas de celui de l'Environnement qui figure dans le Rapport de cette année.

1.27 Cet examen constitue un prolongement logique de la vérification d'attestation et de celle que l'on fait en fonction des textes réglementaires dans le but de déterminer s'il y a eu optimisation des ressources en rapport avec les dépenses de deniers publics.

1.28 Je n'ignore pas que les membres de l'actuelle Chambre des communes, récemment élus à un moment où la nécessité pour les gouvernements d'examiner les coûts de leurs programmes préoccupe vivement tous les Canadiens, s'intéressent particulièrement à cette optimisation des ressources qui constitue un élément de mon mandat. Je m'y intéresse aussi. J'ai toujours insisté pour que ceux qui ont la responsabilité de dépenser les dollars des contribuables y accordent le même soin que les Canadiens avisés accordent à l'utilisation de leur propre argent.

1.29 Je nourris ce cher espoir - j'espère qu'il n'est pas naïf - qu'avant la fin de mon mandat comme vérificateur général, tous les politiciens et fonctionnaires appliqueront le principe du gros bon sens à la dépense des deniers publics: ils les dépenseront comme les sages et prudents citoyens dépensent leur propre argent.

1.30 La vérification de l'optimisation des ressources a constamment évolué au cours des dernières années, et son importance est reconnue au plan international par les gouvernements et par le monde de la comptabilité. Le Canada est un précurseur mondial reconnu dans ce domaine.

1.31 Il s'agit essentiellement d'établir des critères raisonnables pour déterminer si le fonctionnement d'une entité particulière est efficient et économique, d'évaluer ensuite le rendement réel de l'organisation par rapport à ces critères, puis de formuler une opinion sur le souci que l'on a apporté à optimiser les ressources, et si non, pourquoi on ne l'a pas fait. Pour effectuer ce genre de vérification, il faut des connaissances spéciales et, outre les comptables, mon Bureau emploie des ingénieurs, des économistes, des statisticiens, des avocats, des mathématiciens, des informaticiens et des actuaires, ainsi que des spécialistes de la gestion et de l'évaluation de l'efficacité.

1.32 Lorsqu'une vérification de ministère englobe les trois éléments susmentionnés, soit l'attestation, l'examen en fonction des textes réglementaires et l'optimisation des ressources, il s'agit de ce que l'on appelle une vérification intégrée (voir pièce 1.1).

(Cette pièce n'est pas disponible)

1.33 Nous appliquons également les méthodes de la vérification intégrée à notre examen de certaines activités d'envergure gouvernementale. Cette année, notre Rapport comprend le résultat des examens de la gestion de la trésorerie, de la vérification interne, de la gestion des biens immobiliers, de la gestion des déplacements et de la gestion de la classification des emplois.

1.34 Vous trouverez, dans le chapitre 15 intitulé "Organisation et programmes du Bureau du vérificateur général", d'autres détails sur la façon don les travaux du Bureau sont effectués et sur les ressources utilisées.

1.35 Rapports. Pour que tout ce travail soit valable, il doit aboutir à des rapports auxquels on puisse donner suite. Tout au long du processus de vérification, nous discutons des constatations avec la gestion des entités vérifiées. À la fin des travaux de vérification, une lettre est envoyée à la direction de l'organisation vérifiée; elle consiste en un rapport détaillé et officiel des constatations, des conclusions, des recommandations et des opinions de vérification de mon Bureau.

1.36 Ensuite, je discute, avec mes vérificateurs et mes cadres supérieurs, des questions dont je juge qu'elles revêtent de l'importance et qu'elles sont de nature à être portées à l'attention de la Chambre des communes et je les signale dans les chapitres du Rapport annuel.

1.37 Il s'agit là d'une tâche difficile. Comme le reconnaissait en 1975 le Comité indépendant de révision des fonctions du vérificateur général du Canada:

Il s'agira toujours d'une question de jugement que le vérificateur lui-même aura à trancher, afin d'atteindre le juste milieu qui consiste à communiquer assez de renseignements aux députés pour qu'ils s'acquittent de leurs responsabilités de gardiens du Trésor public et à éviter de leur donner tout un amas de détails qui leur rendraient très difficile la tâche de déterminer les priorités d'examen complémentaires des faits passés.
1.38 Je suis conscient de la longueur de nos rapports annuels - bien qu'il s'agisse de résumés de nos constatations. Celle-ci s'impose notamment parce que je tiens à ce que nos chapitres soient justes et objectifs. Il me serait assez aisé de fournir au Parlement un répertoire "d'histoires d'horreurs" qui constituent des exemples isolés d'erreurs ou de manques d'efficience. Or, cela ne serait pas juste envers les ministères et ne serait pas utile aux députés dans leurs travaux. Ce qui s'avère utile, je l'espère, ce sont des exemples d'insuccès dans l'optimisation des ressources que l'on peut rattacher de façon précise à un besoin manifeste d'attention et de contrôle meilleurs.

1.39 Je peux illustrer ce que j'entends par là en me reportant à la vérification qui a été faite cette année du ministère de la Défense nationale (MDN). Les lecteurs du présent Rapport y découvriront que certaines des estimations originales qu'ont faites les contracteurs du coût des pièces de rechange destinées à l'avion de chasse CF-18 que le Canada a récemment acquis se sont révélées largement inexactes. Une première estimation pour un système d'antenne était de 9 dollars. Son coût réel pourrait s'élever à plus de 2 000 $. Un boulon à verrouillage automatique, d'abord évalué à 2 $, pourrait finir par coûter plus de 140 $.

1.40 Je suis très conscient qu'en signalant de tels chiffres, je fournis probablement des manchettes à un journal. Et c'est peut-être pour le mieux. Cela contribuera à attirer l'attention des Canadiens et de leurs élus au Parlement sur l'importance des questions soulevées dans le présent Rapport.

1.41 Mais le but de nos vérifications n'est pas de signaler les coûts exorbitants d'antennes ou de boulons. C'est plutôt d'en déceler la cause sous-jacente et d'exposer tous les faits. C'est ainsi que le rapport de notre vérification du MDN donne une description des difficultés que le ministère a éprouvées à tenter de structurer une entente satisfaisante concernant les prix, tout en assurant un approvisionnement régulier des pièces de rechange essentielles aux Forces canadiennes.

1.42 Nous signalons également au Parlement que le ministère avait reconnu le problème et s'est empressé à ce moment-là de le contenir au mieux de ses capacités.

1.43 L'obligation d'être juste et objectif ne s'arrête pas là. Il me faut, de par mon mandat, signaler ce qui n'a pas fonctionné. Cela peut donner une fausse impression. Quelqu'un m'a récemment envoyé une citation attribuée à l'historienne américaine Barbara Tuchman:

Il est dans la nature même de l'histoire qu'elle se construise à partir d'une quantité excessive d'éléments négatifs: la survivance disproportionnée du mauvais côté...Il se passe la même chose en histoire que dans les journaux: ce qui est normal ne fait pas la manchette. L'histoire se fait à partir de documents qui survivent et ceux-ci se fondent fortement sur les crises et les calamités, les crimes, les comportements déréglés parce que ce sont ces événements qui alimentent tout ce qui s'écrit (traduction).
1.44 Je reconnais que ce document se heurte au même genre de problème. Les questions qui ont de l'importance et qui sont de nature à être signalées à la Chambre des communes ont intrinsèquement tendance à être négatives.

1.45 Or, bon nombre des activités du gouvernement sont bien conçues et fonctionnent bien. Tout au long du présent Rapport, il est question d'activités du gouvernement que mon Bureau a examinées, qui atteignent les objectifs que le Parlement a escomptés et qui réalisent l'optimisation des ressources au profit des contribuables du Canada.

1.46 Depuis que j'ai été nommé vérificateur général, je reconnais que la longueur et la complexité de mes Rapports annuels causent des problèmes au lecteur. J'ai, encore cette année, tenté d'atténuer ces problèmes et de faciliter la lecture de mon Rapport annuel. J'ai regroupé dans le chapitre 2 les sommaires (ou résumés) de toutes nos vérifications intégrées des ministères et des vérifications et études d'envergure gouvernementale. Le chapitre 3 renferme des notes de vérification qui découlent de nos travaux d'attestation et de vérification en fonction des textes réglementaires, travaux effectués dans d'autres ministères et organismes. Ainsi, le député qui lit ces trois premiers chapitres sera en mesure de bien comprendre les constatations les plus importantes de nos travaux de vérification. Cependant, il faut lire les chapitres en détail pour comprendre le contexte et les incidences d'une question particulière.

1.47 Après avoir parlé de la longueur de mon Rapport annuel, abordons le problème du moment opportun de sa publication. Ces questions vont de pair.

1.48 L'exercice sur lequel porte le présent Rapport a pris fin il y a déjà huit mois. Il s'écoulera encore plusieurs mois avant que le Comité des comptes publics (CCP) en ait terminé l'étude et émette ses recommandations. J'ai hâte que ce long processus soit accéléré.

1.49 Il y a trois ans, et au mois de mai dernier, j'ai fait part de mes préoccupations à cet égard devant le CCP. Par suite de cette audience, le comité a déclaré dans son cinquième rapport qu'il avait étudié

la façon dont le vérificateur général fait rapport, et il s'est intéressé, en particulier, à la question de l'actualité du rapport annuel à la Chambre des communes. Votre Comité remarque que, en vertu de la Loi sur le vérificateur général, en temps normal, le vérificateur général ne fait rapport à la Chambre des communes qu'une fois l'an. Votre Comité se dit en faveur d'un dépôt de rapports, de vérification intégrée et autres rapports de vérification, dès qu'ils sont prêts. De cette façon, votre Comité pourra étudier les constatations du Vérificateur général aussitôt la vérification terminée et recommander les mesures correctives qui s'imposent. Le Vérificateur général appuie cette proposition parce qu'elle lui assurera plus de souplesse et une plus grande efficacité dans la présentation de ses rapports au Parlement.
Le comité a ensuite recommandé que l'on apporte les modifications nécessaires à la Loi sur le vérificateur général pour nous permettre de faire rapport à des moment plus opportuns.

1.50 J'appuie le fait que cette proposition de modification de la loi, qui permettrait de faire rapport à des moments plus opportuns, soit étudiée par le nouveau Parlement et qu'il y donne suite. Je suis convaincu qu'elle accroîtrait grandement l'utilité de l'information que mon Bureau fournit aux députés.

Les renseignements dont le Bureau a besoin pour s'acquitter de ses responsabilités de vérification

1.51 Il est fondamental que les vérificateurs aient libre accès à toute l'information dont ils ont besoin pour s'acquitter de leurs responsabilités de vérification. Ce principe, en ce qui concerne le vérificateur général, est légalement sanctionné par la Loi sur le vérificateur général. Il est essentiel que je puisse étudier tous les faits pertinents avant de me faire une opinion et d'en faire rapport, si je veux remplir les fonctions que la loi me confère. Pour procéder à leurs examens, mes vérificateurs doivent avoir accès à toute l'information et à toutes les explications pertinentes.

1.52 Parmi les questions d'une importance et d'un intérêt particuliers que je dois signaler au Parlement figure la demande que j'ai faite, le 5 juillet 1984, à mes avocats d'inscrire une cause devant la Cour fédérale du Canada. Je demande au tribunal de sommer le ministre des Finances, le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources et leurs sous-ministres respectifs de me fournir toute l'information relative à l'acquisition de Petrofina Canada Inc. qu'ils ont préparée, reçue ou étudiée dans l'exercice de leurs responsabilités législatives, surtout celle qui a trait au Compte d'accroissement du taux de propriété canadienne, un des comptes du Canada.

1.53 En 1982 et 1983, j'ai fait état du manque de preuves que l'on ait tenu compte de l'économie en dépensant 1,7 milliard de dollars à même les deniers publics tirés du Compte d'accroissement du taux de propriété canadienne pour l'acquisition de Petrofina Canada Inc.

1.54 À partir de 1982, de nombreuses rencontres pour obtenir des renseignements sur ladite acquisition ont eu lieu avec Petro-Canada, le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources, le ministère des Finances et avec les vérificateurs externes de Petro-Canada. On m'a avisé que l'évaluation des compagnies pétrolières à acquérir et la négociation du prix d'acquisition constituaient des questions que le Cabinet avait mises entre les mains de Petro-Canada, mais que la décision d'acheter appartenait aux ministres. Le président du Conseil d'administration et directeur général de Petro-Canada m'a également fait savoir que des évaluations commerciales avaient été effectuées, avant et après l'acquisition, mais qu'il ne m'y donnerait pas accès.

1.55 Au mois de mars 1984, après deux ans de discussions, je n'avais toujours pas reçu les renseignements dont j'avais besoin sur cette acquisition pour m'acquitter de mes obligations envers le Parlement. Par suite d'une longue étude juridique et constitutionnelle de la question, j'ai décidé d'invoquer les pouvoirs en matière d'accès à l'information dont le Parlement m'a investi dans la Loi sur le vérificateur général.

1.56 Puisque Petro-Canada avait préparé des évaluations commerciales de l'acquisition de Petrofina Inc., j'ai écrit, le 9 mars 1984, à la société d'État, conformément au paragraphe 14(2) de la Loi sur le vérificateur général, pour qu'on me remette les évaluations et tout autre document relatif à l'acquisition qui ont été présentés aux représentants concernés du gouvernement du Canada. Le 10 avril, j'ai reçu une lettre qui constituait une fin de non-recevoir de Petro-Canada. Le 16 avril, par convenance et courtoisie, j'ai alors écrit au Cabinet, conformément au paragraphe 14(3) de la loi, pour l'aviser que Petro-Canada ne m'avait pas fourni l'information désirée et pour lui donner l'occasion d'ordonner à la société de me la transmettre. Le 25 mai 1984, je n'avais pas reçu d'accusé de réception de ma lettre du 16 avril 1984. Vu l'absence de toute réponse, j'ai décidé d'invoquer tous les pouvoirs que me confère la Loi sur le vérificateur général. Conformément au paragraphe 13(1) de ladite loi, j'ai écrit au ministre des Finances et au ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources pour obtenir les renseignements nécessaires. Ces ministres sont chargés d'approuver le budget d'immobilisations de Petro-Canada et ils sont nommés dans les lois portant affectation de crédits comme étant responsables de l'autorisation de dépenser jusqu'à concurrence de 1,7 milliard de dollars pour l'achat de Petrofina Canada Inc. J'ai également écrit aux sous-ministres de ces ministères, eux-mêmes membres du Conseil d'administration de Petro-Canada qui a approuvé la recommandation que la société d'État a adressée aux ministres d'acheter Petrofina Canada Inc.

1.57 Puisque je n'ai finalement pas reçu les renseignements voulus d'aucune des parties concernées, j'ai avisé chacune d'elles que je considérais leur immobilisme comme un déni du libre accès à l'information que prévoit la Loi sur le vérificateur général. Devant ce déni sans précédent de la part des ministres, j'ai, le 25 juin 1984, écrit au Premier ministre, le très honorable Pierre Elliot Trudeau, pour porter à son attention immédiate le refus du ministre des Finances et du ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources et de leurs sous-ministres ainsi que de Petro-Canada de me fournir l'information demandée.

1.58 Le 26 juin 1984, après plus de deux mois sans réponse, j'ai reçu la décision que le Cabinet avait prise par décret en conseil, soit de s'abstenir d'ordonner à Petro-Canada de me fournir l'information nécessaire.

1.59 Le 29 juin 1984, le Premier ministre a répondu en indiquant qu'il était d'accord avec les gestes posés par ses ministres et leurs sous-ministres.

1.60 Au cours de cet échange de vues et de correspondance, le coeur de la question est devenu de plus en plus limpide. Nonobstant la Loi sur le vérificateur général, le Cabinet d'alors semblait considérer que les renseignements que je demandais étaient des documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada, et je n'étais pas habilité, selon eux, à en prendre connaissance. Il semblait également penser - encore nonobstant la loi - que j'outrepassais mes pouvoirs en voulant donner une opinion au Parlement sur la question de savoir si la dépense de 1,7 milliard à même les deniers des contribuables pour acheter Petrofina Canada Inc. avait été effectuée en tenant compte de l'économie. Je ne suis pas d'accord avec la prise de position du gouvernement.

1.61 Dans le contexte de ma vérification du ministère du Revenu national, Impôt, j'ai commencé à examiner si ce ministère avait mis en application des règles et des procédures prudentes en émettant certaines décisions en matière d'impôt. Le 27 juin 1984, j'ai demandé à Revenu Canada, Impôt copie de certaines décisions en matière d'impôt, ainsi que des renseignements qui s'y rattachent. Le ministère a exprimé des inquiétudes à propos du caractère confidentiel de ces renseignements. Je lui ai apporté des assurances à cet égard. Cependant, au moment où j'écris ces lignes, il ne m'a pas fourni l'information demandée. J'évalue à quelque 200 millions de dollars les recettes fiscales auxquelles on a renoncé, en raison de certaines décisions en matière d'impôt.

1.62 Mes vérificateurs se sont également vu refuser l'information nécessaire à l'accomplissement de leurs travaux de vérification par les ministères de la Défense nationale et des Transports. Le sous-chef de l'État-major de la Défense a avisé mon Bureau que le ministère ne me fournirait pas toute l'information que je jugeais nécessaire pour formuler une opinion complète qui indique si le gouvernement a dûment tenu compte de l'économie en dépensant plus de 10 milliards des deniers des contribuables pour six acquisitions d'équipement important - l'avion de chasse CF-18, l'avion patrouilleur à longue autonomie Aurora, des camions de 2,5 tonnes, des véhicules blindés polyvalents, des frégates canadiennes de patrouille et le Programme de prolongation de la vie des destroyers - et 12 projets de construction. Mes vérificateurs ont pu examiner comment le ministère a administré les programmes, mais ils n'ont pu déterminer si l'acquisition de l'équipement et le lancement des projets de construction s'étaient faits en tenant compte de l'économie.

1.63 De même, le sous-ministre du ministère des Transports a fait savoir à mes vérificateurs que le ministère ne me fournirait pas l'information nécessaire à la vérification du programme aérien.

1.64 Les représentants de ces deux ministères ont indiqué à mon Bureau que le Greffier du Conseil privé leur avait dit que l'information dont j'avais besoin consistait en des documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada et que je n'étais pas habilité à en prendre connaissance.

1.65 Je crois avec force que l'intégrité et la crédibilité de mon Bureau et mon aptitude à faire rapport au Parlement seront gravement mises en danger si on permet au Cabinet de décider quels renseignements je pourrai ou ne pourrai pas examiner. J'ai par ailleurs été avisé par mon conseiller juridique que la Loi sur le vérificateur général stipule que les ministres et les hauts fonctionnaires doivent me fournir l'information que je juge nécessaire pour m'acquitter de mes responsabilités de vérification.

1.66 Parce qu'il était impossible de progresser davantage dans l'affaire Petrofina Canada Inc. et parce que l'on avait restreint mon accès à l'information dans les autres cas de vérification, j'en suis venu à la conclusion qu'il était à la fois nécessaire et souhaitable, si je voulais m'acquitter de mes responsabilités envers le Parlement, de préciser par voie judiciaire l'interprétation des pouvoirs que me confère la Loi sur le vérificateur général.

1.67 Entre le 5 juillet 1984, date à laquelle j'ai entrepris de porter ma cause devant la Cour fédérale, et le 31 octobre 1984, qui est la date-limite pour l'impression de mon Rapport, les avocats du ministère de la Justice ont attendu des directives du gouvernement. Au moment où ce Rapport est mis sous presse, je n'ai toujours par reçu l'information dont j'ai besoin pour m'acquitter de mes responsabilités envers le Parlement.

1.68 Le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources annonçait, le 31 octobre 1984, qu'un cabinet de vérificateurs du secteur privé ferait une étude de l'achat de Petrofina Canada Inc. par Petro-Canada. J'accueille cette étude comme une étape qui contribue à rendre des sociétés d'État plus responsables envers les ministres.

1.69 Il reste cependant que cette décision ministérielle ne me dispense pas de mon devoir qui consiste à vérifier, au nom du Parlement, les dépenses de deniers publics tirées du Compte d'accroissement du taux de propriété canadienne. Qui plus est, le geste du ministre n'a aucunement pour effet d'aborder ou de régler la question de l'accès à l'information dont j'ai besoin pour m'acquitter de mes responsabilités réglementaires envers le Parlement. J'ai donc donné instruction à mon conseiller juridique de fixer une date de comparution devant la Cour pour régler cette affaire.

L'adoption de mesures législatives qui touchent les sociétés d'État

1.70 Dans des Rapports annuels antérieurs, j'ai abordé le thème de l'obligation qu'ont les sociétés propriété de l'État de rendre compte de leurs activités. J'ai toujours soutenu que lorsque le gouvernement fait appliquer ses politiques par ses ministères et organismes, il met en place un cadre d'obligation de rendre compte de ses activités, mais lorsqu'il choisit de mener à bien ses politiques par l'intermédiaire de sociétés propriété de l'État, le cadre d'obligation de rendre compte s'avère insatisfaisant.

1.71 J'ai laissé entendre alors que cela intéressait les parlementaires pour deux raisons principales: d'abord, les sociétés propriété de l'État constituent un immense secteur de la vie économique globale du Canada; ensuite, - et cela fait partie intégrante de mes réflexions sur le devoir des députés d'obliger le gouvernement à rendre compte de ses actions - le gouvernement et le Parlement pourraient recevoir, au sujet de ces sociétés propriété de l'État, une information incomplète et communiquée à un moment moins qu'opportun.

1.72 Je suis donc heureux que, le 28 juin 1984, le Parlement ait adopté le projet de loi C-24, modifiant la Loi sur l'administration financière à l'égard des sociétés propriété de l'État et modifiant d'autres lois qui s'y rattachent. La nouvelle loi a reçu la sanction royale le 29 juin 1984 et elle est entrée en vigueur le 1er septembre 1984. Je félicite le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi et le Parlement de l'avoir étudié et adopté. Je me permettrai une note personnelle: j'ai été des plus heureux d'avoir été consulté par le gouvernement avant la présentation du projet de loi, surtout en ce qui a trait à ses dispositions sur l'obligation de rendre compte. J'ai également été heureux et honoré d'avoir pu me présenter devant le Comité des prévisions budgétaires en général alors qu'il étudiait le projet de loi au mois d'avril dernier.

1.73 La promulgation de cette loi a permis de réaliser la révision la plus complète, en plus de 30 ans, des dispositions concernant l'obligation qu'ont les sociétés d'État de rendre compte de leurs activités. En ce faisant, la loi aborde plusieurs des préoccupations exprimées au cours de la dernière décennie par le Comité des comptes publics, par certains députés, par la Commission royale d'enquête sur la gestion financière et l'imputabilité (Commission Lambert), par des représentants du gouvernement, par mon Bureau, et j'en passe. Je suis particulièrement satisfait du fait que les nouvelles dispositions sur la comptabilité et la vérification visant les sociétés d'État fédérales et leurs filiales en propriété exclusive correspondent de près à celles que j'ai recommandées dans mes récents Rapports annuels.

1.74 Aucune loi n'est parfaite. J'estime cependant que la Loi sur l'administration financière, tel que modifiée par le projet de loi C-24, fournit un cadre plus complet et approprié pour le contrôle, l'orientation des sociétés d'État et l'obligation qui leur est faite de rendre compte de leurs activités. Elle réussit à établir l'équilibre en donnant aux sociétés la souplesse et l'indépendance d'action dont elles ont besoin tout en confiant au Parlement un pouvoir de surveillance et au gouvernement un contrôle qui soient appropriés au secteur public.

1.75 Principes de la loi. Lors du dépôt du projet de loi C-24, le président du Conseil du Trésor d'alors, l'honorable Herb Gray, a décrit les principes fondamentaux de la loi dans les termes suivants:

1.76 À mon avis, ces principes fondamentaux sont sains. Je crois aussi que la loi telle qu'on l'a adoptée traduit largement ces principes. Je suis particulièrement heureux de constater l'accent que l'on a mis sur le rôle fondamental du Parlement.

1.77 Je reconnais toutefois que la mise en oeuvre de la loi, conformément à ces principes, fera appel à la bonne volonté, au dévouement et à la collaboration de nombreux participants.

1.78 Le défi de la vérification. Mon Bureau porte un double intérêt aux sociétés d'État.

1.79 Premièrement, en tant que vérificateur du Parlement, je suis intéressé à exercer une surveillance de la mise en oeuvre de la loi modifiée. À l'avenir, j'aimerais pouvoir signaler que les sociétés d'État rendent mieux compte de leurs activités au gouvernement et au Parlement, par suite des modifications apportées à la Loi sur l'administration financière. J'aimerais en outre pouvoir signaler que les dispositions de la loi sur les sociétés d'État concernant la vérification et les examens spéciaux ont été entièrement mises en oeuvre, qu'elles sont comprises de façon uniforme et que, de ce fait, les vérificateurs peuvent fournir les assurances qu'exige la loi.

1.80 Deuxièmement, en tant que vérificateur d'un grand nombre de sociétés d'État, j'ai la tâche d'instaurer les modifications nécessaires dans la vérification de ces sociétés et d'effectuer un certain nombre d'examens spéciaux. La loi présente certains nouveaux concepts, notamment la vérification annuelle de renseignements quantitatifs sur le rendement et l'examen périodique des systèmes et des méthodes. En soi, elle lance des défis importants à notre Bureau et à mes collègues du secteur privé. Nous décrivons brièvement, ci-après, certaines des principales dispositions relatives aux vérifications et aux examens spéciaux.

1.81 Responsabilité confiée au conseil d'administration et à la gestion. Les conseils d'administration et la gestion des sociétés d'État sont chargés de tenir les livres comptables et les systèmes et méthodes qui donnent une assurance raisonnable que l'actif est protégé et contrôlé, que les opérations sont conformes aux textes réglementaires énoncés, que les ressources sont gérées avec un souci d'économie et d'efficience et que les activités sont effectuées avec efficacité. Les gestionnaires et les membres du conseil d'administration doivent également s'assurer que les vérifications internes portent sur ces questions.

1.82 Vérification des états financiers. La loi modifiée stipule que l'on doit préparer un rapport qui exprime que, de l'avis du vérificateur:

i) les états financiers sont présentés fidèlement selon les principes comptables généralement reconnus, appliqués de la même manière qu'au cours de l'exercice précédent;

ii) les renseignements quantitatifs sont précis dans tous leurs aspects importants et, s'il y a lieu, ont été préparés de la même manière qu'au cours de l'exercice précédent;

iii) les opérations de la société et de chacune de ses filiales, qui ont été portées à sa connaissance au cours de sa vérification pour l'établissement du rapport, ont été effectuées en conformité avec la présente partie, les règlements, la charte et les règlements administratifs de la société ou filiale et les instructions qui ont pu être données à la société.

Le vérificateur pourra, par ailleurs, porter à l'attention du Parlement toute autre question qui fait partie de l'étendue de la vérification et qu'il estime devoir intéresser le Parlement.

1.83 Examens spéciaux. La loi exige que chaque société fasse l'objet d'un examen spécial au moins tous les cinq ans. Cet examen spécial sera conçu pour déterminer si, au cours de la période à l'étude, il y avait en place les systèmes d'information, de gestion et

de contrôle financiers et les méthodes de gestion de manière à garantir, dans la mesure du possible, que:

À mon avis, les exigences liées à cet examen spécial correspondent de très près au volet optimisation des ressources des vérifications intégrées que mon Bureau effectue depuis nombre d'années dans les ministères et organismes et dans certaines sociétés d'État, dans le cadre des travaux du "groupe expérimental" constitué par le Bureau en 1979 ou à la demande expresse de la direction des sociétés ou du ministre responsable.

1.84 Rapport trimestriel du Conseil du Trésor. Le président du Conseil du Trésor devra désormais déposer des rapports trimestriels devant la Chambre des communes et le Sénat, indiquant si les rapports et résumés annuels de plans et de budgets d'ensemble qui doivent y être déposés au cours d'un trimestre donné l'ont réellement été à temps. La loi m'oblige à attester, dans mon Rapport annuel présenté au Parlement, l'exactitude des renseignements contenus dans ces rapports trimestriels. Je compte commencer ce travail en 1985.

1.85 Interprétation et mise en oeuvre des dispositions de la nouvelle loi en matière de vérification. Lorsque mon Bureau, de concert avec des cabinets du secteur privé, entreprendra la lourde tâche d'apporter des modifications à la vérification annuelle et d'amorcer une série d'examens spéciaux, nous devrons avoir recours à toutes les connaissances et expériences que nous avons acquises au fil des ans et chercher à obtenir tous les conseils que l'on sera en mesure de nous donner. Je crois que mon Bureau a une obligation particulière d'ouvrir la voie dans ces nouvelles sphères d'activités et que l'expérience que nous avons acquise par nos vérifications intégrées des sociétés d'État, ces dernières années, nous sera particulièrement précieuse à cet égard.

1.86 L'interprétation et la mise en oeuvre des dispositions concernant la vérification et les examens feront intervenir de nombreux participants, notamment les organismes centraux du gouvernement, les sociétés d'État, les cabinets d'experts-conseils et les professionnels qui offrent des services de vérification et d'examens spéciaux, l'Institut canadien des comptables agréés et la Fondation canadienne pour la vérification intégrée.

1.87 À titre de vérificateur du Parlement, je m'engage personnellement à susciter parmi les principaux participants un consensus qui permettra de respecter entièrement l'esprit et l'intention de la nouvelle loi. Le Parlement nous a fourni les rouages. Il incombe à mon Bureau, en collaboration avec les professionnels de la vérification du pays, au nom de tous les Canadiens, de les faire fonctionner.

1.88 Mon Bureau et d'autres organismes qui offrent des services de vérification ou d'examens spéciaux devons nous entendre sur la définition des termes de la nouvelle loi en ce qui concerne les vérifications annuelles et les examens spéciaux. Il nous faut soit mettre au point, soit réviser nos méthodes pour qu'elles répondent aux exigences de la nouvelle loi et qu'elles contribuent de même à l'élaboration et à l'utilisation de critères d'excellence dans notre travail. À chacun de ces processus, nous devons inclure les vues et perspectives de tous les participants, surtout celles des sociétés d'État et des organismes centraux. Des travaux de grande envergure dans tous ces domaines sont déjà en voie de réalisation.

1.89 Par exemple, nous travaillons étroitement avec des représentants du gouvernement et avec nos collègues du secteur privé sur des questions d'intérêt commun. Nous avons passé en revue les effets possibles de la nouvelle loi avec un certain nombre de sociétés et, dans certains cas, nous avons commencé à élaborer des plans ou à effectuer des projets précis pour mettre en oeuvre les nouvelles exigences législatives. Nous sommes en voie de réviser le Manuel de vérification intégrée du Bureau pour tenir compte de la nouvelle loi, et nous avons déjà mis au point des séances d'information, de la formation et divers documents pour aider notre personnel à s'adapter aux changements.

1.90 Orientation future. Bien que cette nouvelle loi vise le contrôle et l'orientation de sociétés mères en propriété exclusive et de leurs filiales en propriété exclusive, ainsi que leur obligation de rendre copte de leurs activités, un nombre important de sociétés dont le gouvernement possède une certaine partie de la propriété a été écarté. En particulier, la loi ne concerne pas le nombre considérable de sociétés dont la propriété est partagée soit avec le secteur privé, soit avec les gouvernements provinciaux. Ces sociétés comprennent des sociétés mères comme la Corporation de développement du Canada, Telesat Canada et la Compagnie de navigation Canarctic Limitée, ainsi que les filiales en propriété partagée.

1.91 La loi ne vise donc pas (et n'avait pas pour but de viser) la deuxième recommandation de mon étude de 1982 sur l'obligation qu'ont les sociétés d'État de rendre compte de leurs activités, à savoir que le Parlement devrait accorder une importance aux questions qui entourent le contrôle et l'obligation de rendre compte de ces entreprises mixtes et autres entités et associés dont l'État est un actionnaire. Le Parlement aura à étudier un cadre d'obligation de rendre compte approprié à l'égard des sociétés en participation partagée et d'une gamme d'autres entités sans capital-actions.

1.92 Mon Bureau a entrepris une étude sur les sociétés en propriété partagée et sur l'obligation qu'elles ont de rendre compte au Parlement et au gouvernement. Je compte faire état des premiers résultats de ce travail dans mon prochain Rapport annuel.

1.93 Il importe de constater que la mise en oeuvre des nouvelles dispositions de la loi aura pour effet d'accroître les ressources dont mon Bureau aura besoin. Non seulement serai-je le vérificateur d'un plus grand nombre de sociétés que par le passé, mais il y aura également accroissement du travail qu'effectuera mon Bureau en vertu des nouvelles exigences concernant les examens spéciaux et la vérification des renseignements chiffrés sur le rendement des sociétés, ainsi que la vérification des rapports trimestriels que le Conseil du Trésor présentera au Parlement.

1.94 Responsabilité du Parlement. J'ai mis l'accent sur le nombre et la variété des intervenants qui doivent, ensemble, s'assurer que cette nouvelle loi atteigne les objectifs escomptés. Le rôle des députés est essentiel à la mise en application de la loi. Le Parlement recevra quantité de nouveaux renseignements concernant la création, le financement et les plans annuels des sociétés d'État, ainsi que des renseignements importants découlant des vérifications et des examens spéciaux. Les députés ont des décisions importantes et immédiates à prendre sur la façon dont ils traiteront ces renseignements, - dans le cadre d'un horaire déjà chargé.

1.95 Car, s'ils ne le font pas, l'intention de la nouvelle loi ne sera certes pas respectée.

Les états financiers du gouvernement du Canada

1.96 Au début du présent chapitre, j'avais quelque chose à dire aux députés au sujet de l'évolution et de la modification de la conjoncture économique du Canada illustrées dans les Comptes publics du Canada.

1.97 Ma préoccupation permanente au sujet de la qualité de l'information financière que reçoivent les députés est étroitement liée à cette question.

1.98 L'amélioration de la pertinence et de l'utilité de l'information présentée dans les états financiers vérifiés du gouvernement du Canada constitue une affaire urgente pour les députés et pour tous les Canadiens.

1.99 Les nouveaux députés voudront peut-être savoir que j'ai abordé cette question de façon assez détaillée dans le Rapport de l'an dernier. L'essentiel de mes propos se résumait à dire que les états financiers doivent présenter les résultats opérationnels et la situation financière du gouvernement de telle façon qu'ils apportent autant d'information que possible.

1.100 Ce point revêt toujours une grande importance pour tous ceux qui doivent prendre des décisions fondées sur l'information que renferment les états financiers. Les députés comptent, naturellement, parmi les plus importants de ces utilisateurs. Par exemple, les états financiers donnent la mesure du déficit de notre pays.

1.101 Les économistes, les politiciens, les universitaires, les gens d'affaires et les banquiers continuent de discuter des répercussions du déficit.

1.102 Bien que je me garde de participer à ce débat, il m'appartient très certainement néanmoins de m'assurer que ceux qui y participent - surtout les parlementaires - bénéficient de l'information financière la plus fidèle et la plus complète, dans la mesure où elle est tirée des états financiers du gouvernement.

1.103 J'ai conclu, depuis bon nombre d'années, que la présentation de ces états financiers n'était ni fidèle ni complète.

1.104 Par exemple, dans mon Opinion sur les états financiers, j'ai attiré l'attention sur la nature fragmentaire des rapports sur les activités du gouvernement, sur la surévaluation d'éléments d'actif et des éléments de passif non comptabilisés. Ces questions ont un effet important sur l'information présentée dans les états financiers, y compris sur le déficit.

1.105 La raison fondamentale pour laquelle mon opinion renferme une réserve est que les états financiers ne présentent pas l'information conformément à sa nature ou substance essentielle. Il s'ensuit que les lecteurs n'apprennent pas ce qui est réellement arrivé.

1.106 Le principe de la communication de renseignements selon leur nature essentielle amène les comptables à parler communément de rapport sur la "substance" des activités plutôt que leur seule "forme" juridique. La communication de données en fonction de leur "substance" est largement acceptée au sein de la profession. Au cours de l'année écoulée, le concept de la "primauté de la substance sur la forme" a été appuyé par le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes et par le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

1.107 Mais le gouvernement n'a pas encore accepté d'appliquer ce principe à ses rapports financiers. Les faits sont si déformés à cause de cette lacune qu'il est impossible d'obtenir une image, un portrait fidèle, même des mesures fondamentales de l'activité du gouvernement telles que ses recettes et ses dépenses. Je continue à évaluer l'incidence de ces distorsions pour déterminer de façon plus complète la nature et l'étendue du problème.

1.108 Par exemple, comme nous le signalons dans le chapitre 13 du présent Rapport, le gouvernement peut obtenir l'utilisation d'immobilisations importantes soit par un achat direct ou par une location à long terme. La location peut équivaloir à un achat si, pour ainsi dire, tous les avantages et risques de la propriété sont transférés au gouvernement. Dans de telles circonstances, le gouvernement devrait, au nom d'une saine comptabilité, divulguer la nature réelle de l'opération, c'est-à-dire un achat. Il ne le fait pas. Il ne déclare que les paiements annuels. Il s'ensuit que ni le coût de l'actif ni le besoin de financement futur ne sont déclarés dans le Budget des dépenses ou dans les Comptes publics. Je reviens à cette question dans mon analyse de ce que je perçois comme une insuffisance générale de l'information que reçoit le Parlement.

1.109 Il y a aussi le programme fédéral de crédits d'impôt pour enfants qui exige que les bénéficiaires réclament un remboursement sur leurs déclarations d'impôt. Les versements de prestations sont traités comme s'il s'agissait d'un remboursement d'impôts payés, de sorte qu'ils n'apparaissent ni dans le Budget des dépenses ni dans les Comptes publics. Il en découle que des versements, au titre du crédit d'impôt pour enfants, de 2,1 milliards de dollars effectués en 1983-1984 ne figurent pas comme dépenses même si, au fond, c'est ce qu'ils sont en réalité.

1.110 Il est urgent que l'on adopte des normes comptables et de présentation de l'information qui soient suffisamment rigoureuses pour résoudre de telles questions, ainsi que celles soulevées dans mon Opinion. Le Comité permanent des comptes publics a recommandé que le gouvernement résolve ses divergences avec mon Bureau; le Bureau du contrôleur général étudie la manière de le faire.

1.111 Mais il faut aller beaucoup plus loin, à long terme. L'on n'a guère effectué de recherches pour déterminer qui sont ceux qui s'interrogent sur ce que fait le gouvernement fédéral, et pourquoi. Si nous ne connaissons pas très bien qui sont les utilisateurs des états financiers et quels sont les renseignements qu'ils recherchent, nous allons, au mieux, nous contenter de rapiécer le mode de présentation des rapports financiers.

1.112 L'Institut canadien des comptables agréés (ICCA), par l'intermédiaire de son Comité sur la comptabilité et la vérification des organismes du secteur public, poursuit vigoureusement l'objectif à long terme qui consiste à établir des normes comptables et de présentation des rapports qui seront généralement reconnues par les gouvernements fédéral et provinciaux et par leurs vérificateurs.

1.113 Mais il faut du temps pour effectuer des recherches en comptabilité qui produisent des fruits et le processus qui mène à un consensus fédéral-provincial en la matière prend aussi du temps et il est délicat. Il est clair que l'ICCA ne peut faire cavalier seul et on ne doit pas s'attendre qu'il le fasse. Il a besoin de l'appui et de l'encouragement de ceux qui sont les plus touchés.

1.114 Étant donné mes préoccupations concernant les méthodes de présentation des rapports financiers au gouvernement fédéral, j'ai lancé une Étude sur les rapports financiers des gouvernements fédéraux à laquelle participe le General Accounting Office des États-Unis. Notre façon d'aborder l'étude consiste à déterminer le genre de renseignements financiers gouvernementaux dont les utilisateurs ont besoin. Parmi ces derniers, il y a, bien entendu, les parlementaires et nous examinerons leurs besoins tout particulièrement. Une fois leurs besoins repérés, nous essaierons de déterminer quels renseignements nous pouvons présenter dans les états sommaires pour y répondre.

1.115 Les renseignements constitueront des critères qui m'aideront grandement à juger de façon pondérée chaque année si les états financiers du gouvernement présentent l'information de façon fidèle. De plus, les critères m'aideront à conseiller le Parlement sur les propositions de modifications élaborées par le Bureau du contrôleur général et ils devraient constituer une importante contribution aux travaux permanents de l'ICCA.

1.116 Les députés sauront que ce genre de problème n'est pas l'apanage du Canada. Une insuffisance de renseignements en rapport avec les comptes et les états financiers de nombreux pays hante le monde international de la finance, et la crise de la dette aggrave le problème et intensifie l'urgence d'une solution.

1.117 J'espère que notre propre Étude, ajoutée aux autres initiatives prises au Canada, pourra être utile à d'autres pays.

1.118 J'ai eu, au mois d'octobre, plusieurs entretiens avec le président du Conseil du Trésor. Ce dernier m'a alors fait savoir, à ma très grande satisfaction, qu'il désirait améliorer le sommaire des états financiers dans les plus brefs délais. Cette année à cause du peu de temps qu'il reste pour établir la version finale des Comptes publics, les améliorations se limitent à l'information fournie dans les notes jointes aux états financiers et à la comptabilisation d'affectations supplémentaires en ce qui a trait à certains éléments du passif et de l'actif. J'espère que l'an prochain l'on poussera plus avant la révision du sommaire des états financiers, à tout le moins en ce qui a trait à certains points qu'il est possible d'analyser et de finaliser dans un délai relativement court. Les modifications relatives à certains autres points, par exemple les immobilisations et les dépenses fiscales, exigeront une recherche à long terme sur laquelle nous puissions fonder nos modifications.

Insuffisance de l'information présentée au Parlement

1.119 Ma première préoccupation est que le Parlement doit recevoir une information rapide et pertinente, aussi bien lorsqu'il est question des sociétés d'État qui doivent mieux rendre compte de leurs activités que lorsqu'il s'agit de mon inquiétude permanente devant ce que je perçois comme les insuffisances des états financiers du gouvernement du Canada.

1.120 C'est uniquement en ayant cette information à leur disposition que les députés peuvent assumer leurs propres responsabilités qui consistent à prendre des décisions et à exiger de ceux qui doivent le faire qu'ils rendent des comptes.

1.121 J'attire donc l'attention des parlementaires sur nombre de cas où, à mon avis, l'information qu'ils reçoivent est insuffisante.

1.122 Les baux-achats. J'ai déjà mentionné l'utilisation que fait le ministère des Travaux publics (MTP) des conventions de bail-achat dans la mesure où elles influent - ou plus exactement n'influent pas comme elles le devraient - sur le Budget des dépenses ou sur les Comptes publics. Or, ce recours à la pratique de bail-achat a des incidences plus larges. Au cours des dernières années, le MTP a fait l'acquisition d'immeubles en recourant à cette pratique selon laquelle le ministère verse des montants mensuels à un entrepreneur au moyen d'un bail. Or, ces paiements ne se fondent pas sur une juste valeur marchande des loyers; ils sont plutôt calculés pour amortir les coûts financiers et de construction proposés par l'entrepreneur. Une option est habituellement incluse en vue de l'achat éventuel des immeubles et le prix de l'option est tel qu'il n'y a guère de doute que l'État finira par exercer son option et se porter propriétaire légal des immeubles.

1.123 Le versement total du principal et des intérêts requis pour financer les immeubles - en tout 1,9 milliard de dollars, dont 1,6 milliard était en circulation au 31 mars 1984 - constitue un emprunt indirect obtenu par l'entremise d'entrepreneurs privés, qui n'a pas été déclaré au Parlement et que celui-ci n'a très certainement pas approuvé.

1.124 Par ailleurs, en raison du fait que les paiements mensuels sont présentés comme paiements locatifs, le coût réel de ce qui est, en fait, l'acquisition d'immobilisations n'a pas été déclaré de façon satisfaisante. Ainsi, le Parlement ignore tout de ces dépenses considérables.

1.125 Toute cette question est exposée de façon détaillée dans le chapitre 13 du présent Rapport.

1.126 Les CF-18. Un autre exemple de chiffres qui échappent à un examen rigoureux du Parlement est signalé dans le compte rendu de la vérification intégrée effectuée cette année au ministère de la Défense nationale. Il s'agit des avions de chasse CF-18.

1.127 Lorsque les coûts de la mise en service de ces appareils se sont mis à grimper, le ministère a approuvé qu'on comptabilise certains postes normalement classés comme coûts d'investissements en les imputant aux opérations et à l'entretien et en en reportant d'autres. Or, ni le Conseil du Trésor ni le Parlement n'avaient été spécifiquement mis au courant de ces coûts hors-projet qui pourraient s'élever à quelque 250 millions de dollars pour l'ensemble des avions.

1.128 De même, avec l'approbation du Cabinet, le ministère a reporté l'approvisionnement de certaines armes, de certaines munitions et de certains avions de remplacement et il consacre les fonds qui leur étaient destinés à d'autres projets liés à l'acquisition des CF-18. Je le répète, ces coûts, qui atteindront 2,29 milliards de dollars, n'ont pas encore été signalés au Conseil du Trésor et au Parlement dans le cadre du coût total de la mise en service des CF-18.

1.129 Je ne mets pas en question les modifications que le Cabinet et le ministère ont apportées à ces décisions de politique. En revanche, je me préoccupe - et les députés, je crois, partageront cette préoccupation - du fait que les députés ne reçoivent pas sur ces questions une information complète et à un moment opportun.

1.130 Les Canadiens élisent les députés pour qu'ils puissent scruter les activités du gouvernement et l'en tenir responsable. Or, ces derniers ne peuvent le faire s'ils sont mal renseignés - ou pas du tout - au sujet de certaines de ces activités. Lorsqu'un tel manque de communication survient, la raison d'être du Parlement est érodée.

1.131 Dépenses fiscales (manque à gagner fiscal). J'attire l'attention des députés sur un autre secteur dont vous recevez, à mon avis, des renseignements insuffisants, domaine qui me préoccupe de plus en plus comme vérificateur du Parlement. Il s'agit de l'utilisation des dépenses soi-disant fiscales.

1.132 En termes simples, pour mettre en oeuvre ses politiques, le gouvernement a recours à deux méthodes de financement. La première est la méthode de la dépense directe, c'est-à-dire l'utilisation de fonds réels. Le vérificateur du Parlement peut suivre la trace de ces fonds, s'assurer qu'ils ont été correctement dépensés et fournir aux parlementaires toute l'information dont ils devraient disposer.

1.133 Or, le gouvernement peut avoir recours à un second moyen pour mettre en oeuvre ses politiques fiscales. Il peut consentir certaines réductions fiscales à des groupes ou particuliers. Ces stimulants font en sorte que l'argent, qui autrement aurait abouti dans les coffres du gouvernement au titre d'impôts, est utilisé par les contribuables, qui profitent de ces stimulants en vue d'activités qui aident le gouvernement à atteindre ses buts. Ces stimulants sont communément appelés dépenses fiscales.

1.134 Je ne critique pas le recours aux dépenses fiscales comme telles. Elles se sont de fait avérées des instruments utiles. Par exemple, la société a intérêt à s'assurer que tous les Canadiens aient, à leur retraite, accès à des fonds suffisants pour vivre dans la dignité. Pour ceux qui n'adhèrent pas à un régime de pension, le régime enregistré d'épargne-retraite leur permet de faire des économies qui sont exonérées d'impôt pendant l'année en cours. Cette exemption correspond à un manque à gagner fiscal pour le gouvernement; à mon avis personnel, elle est tout à fait indiquée.

1.135 Mais le recours aux dépenses fiscales n'est pas sans problème. D'abord, il est important de connaître et reconnaître leurs répercussions massives. Pour chaque montant de 100 $ que le gouvernement dépense directement, il peut très bien "dépenser" de 30 à 50 $ en sus par le biais des dépenses fiscales.

1.136 Lorsque les députés étudient et votent une dépense directe, ils peuvent avoir une idée précise des sommes engagées. Or, dans le cas d'un manque à gagner fiscal, la question est beaucoup moins précise. Les sommes en cause dépendront de la mesure dans laquelle les particuliers ou les groupes participeront au programme de stimulants. De par leur nature même, l'utilisation des dépenses fiscales est une affaire de devinette. Dans le cas des dépenses directes, le Budget des dépenses fournit une information complète aux parlementaires. Dans le cas du manque à gagner fiscal, l'information que renferment les documents budgétaires est incomplète.

1.137 L'affirmation qui veut que le gouvernement ne peut que deviner le nombre de particuliers ou de groupes qui profiteront de ces stimulants est bien illustrée par le programme de crédits d'impôts à la recherche scientifique dont il est question dans le chapitre 3 du présent Rapport.

1.138 La mise en oeuvre du programme comporte plusieurs aspects inquiétants, dont le coût n'est pas le moindre, coût qui dépassera de beaucoup les 100 millions de dollars d'abord prévus dans l'information fournie au Parlement.

1.139 Mon Bureau et le Parlement ont accordé une grande importance au souci qu'il faut avoir de l'optimisation des ressources en ce qui concerne les programmes du gouvernement. Pour ce qui est des dépenses directes, des mécanismes ont été établis pour mesurer l'économie, l'efficience et l'efficacité et pour rendre compte à ce sujet au Parlement. Or, le souci qu'il faut avoir de l'optimisation des ressources en ce qui concerne les politiques mises en oeuvre par le truchement de dépenses fiscales n'a suscité aucune attention semblable.

1.140 Je le répète, sur le plan de la vérification en fonction des textes réglementaires, il est exceptionnellement difficile de déterminer si on a respecté les intentions du Parlement quant au fonctionnement et à l'administration des stimulants fiscaux.

1.141 Ces difficultés qu'éprouve le gouvernement à rendre compte de ses activités de manière acceptable en rapport avec ses manques à gagner fiscaux s'apparentent sur plusieurs points à ce que j'écris depuis quelques années au sujet des sociétés propriété de l'État. Comme ces dernières, les dépenses fiscales font désormais partie du paysage canadien. Or, comme ces dernières également - avant le projet de loi C-24 - elles constituent un élément colossal de l'économie publique qui échappe à l'examen minutieux du Parlement.

1.142 Les dépenses fiscales constituent un budget caché énorme dans les affaires financières du Canada.

1.143 Je risque une analogie. À la fin du siècle dernier, de nombreux savants et éducateurs croyaient qu'ils étaient sur le point de découvrir comment le cerveau humain fonctionnait et comment la civilisation et la culture avaient amené ce cerveau à être plus rationnel et auto-discipliné.

1.144 Or, voilà que Sigmund Freud et ses disciples nous disent qu'une dimension entière du cerveau est demeurée inexplorée - l'inconscient. Cet inconscient ou cerveau caché, disaient-ils, est en grande partie incontrôlé et imprévisible et il exerce pourtant une influence énorme sur le comportement des personnes.

1.145 Les parlementaires font face à un problème semblable en rapport avec les dépenses fiscales. Les députés scrutent de plus en plus les dépenses directes du gouvernement et ils ont exigé de lui qu'il rende des comptes plus précis. Or, pendant ce temps, à l'abri de tout régime qui oblige les administrateurs à rendre compte de leurs activités, les programmes alimentés par les dépenses fiscales ont proliféré, leurs coûts réels sont demeurés non quantifiés et leur effet total est un mystère. Et ces dépenses fiscales ont une incidence énorme sur l'économie de notre pays.

1.146 J'ai lancé, dans mon Bureau, un projet de vérification visant à examiner les complexes questions de conformité avec les textes réglementaires et d'obligation de rendre compte qui découlent de l'utilisation des dépenses fiscales. J'invite les députés à en faire autant de leur côté.

1.147 Efficacité. Il me reste une préoccupation en ce qui concerne l'information qu'à mon avis, on devrait transmettre aux parlementaires. En soulevant la question, je pourrai m'adresser une autre fois aux nouveaux élus au sujet des travaux de mon Bureau.

1.148 J'ai déjà fait allusion au volet de nos travaux de vérification qui traite de l'optimisation des ressources. On reconnaît généralement que trois éléments interviennent pour en arriver à l'optimisation des ressources dans n'importe quel programme: l'économie, l'efficience et l'efficacité. On les identifie souvent comme les trois E.

1.149 Mon mandat me demande d'examiner les deux premiers directement, et de porter à l'attention de la Chambre des communes tous les cas pour lesquels, à mon avis, de l'argent a été dépensé sans souci d'économie ou d'efficience.

1.150 Or, comme les façonneurs de la Loi de 1977 sur le vérificateur général l'ont reconnu, l'examen de l'efficacité est plus compliqué et pourrait amener les vérificateurs à discuter sur des questions de politique.

1.151 C'est pourquoi la Loi de 1977 n'est pas allée jusqu'à exiger que mon Bureau mesure l'efficacité. Elle demande plutôt au vérificateur général de porter à l'attention de la Chambre des communes tous les cas où il a constaté que "des procédures satisfaisantes n'ont pas été établies pour mesurer et faire rapport sur l'efficacité des programmes dans les cas où elles peuvent convenablement et raisonnablement être mises en oeuvre".

1.152 En 1977, le gouvernement a adopté un principe qui exige que tous les ministères et organismes mettent au point des méthodes pour mesurer l'efficacité de leurs programmes. En 1978, le Bureau du contrôleur général a été créé et chargé de mettre e oeuvre l'évaluation des programmes dans l'ensemble du gouvernement.

1.153 En 1982-1983, mon Bureau a entrepris une étude d'envergure gouvernementale de l'évaluation de programmes. Nous avons formulé nos observations et nos recommandations dans le Rapport annuel de l'année dernière.

1.154 Nous avons exprimé le point de vue que la partie III du Budget des dépenses devrait incorporer les constatations découlant des études d'évaluation qui sont pertinentes au rendement des programmes et à la gestion des ressources. Nous avons également recommandé que le gouvernement maintienne son engagement visant à permettre aux députés d'avoir accès, en temps opportun, aux rapports d'efficacité et d'évaluation des ministères et des organismes.

1.155 À une réunion du Comité des comptes publics, au mois de mai 1984, le contrôleur général par intérim a réaffirmé que les constatations découlant de l'évaluation en rapport avec les résultats et le rendement des programmes doivent être accessibles de façon convenable au Parlement.

1.156 Je crois que la question demeure importante pour les députés. L'électorat canadien exige l'optimisation des ressources lorsque l'on met à exécution les programmes du gouvernement. Les trois E sont essentiels à la réalisation de l'optimisation des ressources. Pour les raisons que je viens d'indiquer, le dernier E (l'efficacité) est bel et bien entre les mains des parlementaires.

1.157 C'est pourquoi j'incite les députés à s'assurer que tous les renseignements pertinents que renferment les rapports sur l'efficacité des programmes sont mis à leur disposition.

Les problèmes de productivité

1.158 Comme je l'écrivais au début, le présent chapitre de mon Rapport de 1984 me donne en quelque sorte l'occasion de m'adresser directement et spécialement aux députés nouvellement élus.

1.159 Le nouveau député pourrait donc être intéressé de savoir que mon Rapport annuel de 1983 renfermait une étude intitulée "Entraves à une gestion productive dans la fonction publique".

1.160 Voici la logique de cette étude, tirée du premier paragraphe:

Il semble y avoir, au sein de la fonction publique, certaines caractéristiques qui n'aident pas les gestionnaires à mettre l'accent sur une gestion productive; c'est-à-dire, insister sur l'économie, l'efficience et l'efficacité et s'assurer que l'on obtient des résultats satisfaisants à un coût raisonnable.
1.161 Notre étude a exploré un certain nombre de ces entraves sous-jacentes à la productivité.

1.162 Ce n'est pas mon propos de reprendre ici cette étude. Mais cela pourrait vous intéresser de savoir qu'elle a reçu une large diffusion et beaucoup de commentaires favorables. La réaction que j'ai eue, aussi bien de l'étranger que d'ailleurs au Canada, a été extraordinairement positive. Elle provenait du milieu universitaire, de gens d'affaires du secteur privé et, ce qui importe le plus, de fonctionnaires.

1.163 Devant cet intérêt, ces discussions et cette rétroaction, je suis plus convaincu que jamais que la réalisation d'un rendement élevé dans la fonction publique repose sur deux éléments.

1.164 En premier lieu, les divers systèmes de rapport financiers et autres des ministères et organismes doivent être appropriés et ils doivent bien fonctionner.

1.165 En second lieu, le milieu de travail dans chaque ministère doit être conçu pour encourager les employés et reconnaître les réalisations individuelles si elles mènent à un accroissement de la productivité.

1.166 Un certain nombre de problèmes de productivité liés aux systèmes du gouvernement ont été abordés. Or, les problèmes associés aux entraves qui gênent les efforts individuels axés sur la productivité ne l'ont guère été, sinon du tout. Le présent Rapport renferme des preuves substantielles que ce genre de problèmes persiste.

1.167 Biens immobiliers. Les problèmes perturbent, par exemple, la gestion des biens immobiliers, domaine qui a fait l'objet d'une vérification d'envergure gouvernementale cette année, et dont on retrouve les résultats dans le chapitre 6.

1.168 Le manque de souci pour l'économie et l'efficience qu'a révélé la vérification prend plusieurs formes: on ne gère pas les biens immobiliers en fonction de leur valeur; on ne se conforme pas aux politiques, on n'installe pas et on n'a pas recours à des systèmes de contrôle et de surveillance efficaces.

1.169 Mais le coeur de la question est qu'on ne se sent pas tenu de rendre compte de tous les coûts afférents aux biens immobiliers que l'on détient et utilise. La responsabilité en matière de contrôle des coûts des biens immobiliers dans l'administration fédérale est tellement fragmentée qu'il existe peu de stimulants qui permettent d'atteindre la productivité escomptée.

1.170 Déplacements. Le chapitre 7 rend compte de la gestion des déplacements dans cinq ministères. Il fournit des exemples frappants du genre de problème qui me préoccupe.

1.171 Nous avons constaté que les gestionnaires de la fonction publique ne demandaient pas des comptes assez serrés à leurs subalternes qui planifiaient des voyages. Il s'ensuit que les arrangements et les coûts sont en grande partie déterminés par le voyageur qui n'est guère incité à voyager de façon économique. Les ministères ne recueillent pas de données sur des solutions de rechange, telles que l'achat de billets d'avion à tarifs réduits ou la téléconférence.

1.172 Lorsque les contribuables canadiens accusent les responsables du gouvernement de ne pas se servir de leur argent avec assez de soin et de modération, c'est à ce genre de choses-là qu'ils pensent.

1.173 Méthodes bancaires. Ce manque apparent de préoccupation peut s'étendre à des opérations financières importantes. Le chapitre 4 qui porte sur notre examen de la gestion de la trésorerie en présente deux illustrations.

1.174 Depuis de nombreuses années, un arrangement prévoit que les institutions financières du Canada offrent des services bancaires au gouvernement fédéral sans recevoir de rémunération directe. Toutefois, ces institutions peuvent utiliser sans intérêt certains soldes de trésorerie du gouvernement.

1.175 Un arrangement sans bavure, semble-t-il. Cependant, le coût n'en était pas calculé ou contrôlé par le gouvernement. Ainsi, il ne savait pas s'il recevait des services bancaires à un coût raisonnable. Mes vérificateurs ont évalué qu'au cours des cinq dernières années, il en a coûté au gouvernement quelque 348 millions de dollars. À notre avis, le gouvernement aurait pu, pour le coût de ces services, économiser jusqu'à 261 millions durant cette seule période.

1.176 De la même façon, nous estimons que les méthodes actuelles auxquelles le gouvernement à recours pour effectuer ses dépôts et ses paiements, y compris toute une série de retards importants, lui coûtent environ 43 millions de dollars chaque année en intérêts perdus.

1.177 J'attire votre attention sur ces exemples particuliers parce qu'ils constituent des illustrations frappantes du genre de problèmes qui me préoccupent.

1.178 Nous vivons dans un monde de consommateurs avertis. Nos journaux publient régulièrement des articles qui conseillent aux consommateurs différents services bancaires dont ils peuvent se prévaloir. Les Canadiens choisissent une institution financière en fonction de la commodité, de l'opportunité des services et, ce qui n'est pas négligeable, en fonction de ce qu'il en coûte. Les banques, les sociétés de fiducie et les caisses populaires ont répondu aujourd'hui à cette évolution du marché. Elles sont devenues de plus en plus concurrentielles et les Canadiens font preuve de savoir et de prudence dans les choix financiers qu'ils font.

1.179 Or, parce qu'ils sont également des contribuables, les Canadiens voient une partie importante de leurs revenus retenue pour financer les programmes du gouvernement. Personne n'aime payer des impôts, mais tout le monde en comprend la raison.

1.180 Or, le citoyen canadien a appris à utiliser la quote-part des revenus qu'il lui reste de façon à la faire profiter au maximum. Ce même citoyen exige de plus en plus que la quote-part que le gouvernement s'approprie soit utilisée de façon optimale. Si des consommateurs qui font preuve de modération peuvent insister pour obtenir les arrangements bancaires les plus économiques, appropriés à leurs besoins, ils peuvent sûrement s'attendre que leur gouvernement en fasse autant, même dans des arrangements bancaires très complexes où le manque à gagner n'est pas évident.

1.181 Ils ont en effet le droit de demander au gouvernement, et à leurs élus, pourquoi le secteur public semble ne pas vouloir imiter ceux qui sont obligés de se serrer la ceinture, ou encore examiner ou surveiller ses coûts permanents non divulgués de façon à réaliser la meilleure optimisation des ressources en faveur du contribuable.

1.182 Cette inaction me préoccupe beaucoup. Je vous en propose une autre illustration.

1.183 Classification des emplois. Dans le chapitre 8 du présent Rapport, nous examinons la gestion de la classification des emplois dans un certain nombre de ministères. Après avoir fait observer que la moindre surclassification des emplois augmente les coûts de l'administration, nous poursuivons en disant que dans un système bien équilibré de classification des emplois, les pressions inévitables exercées pour relever la classification dans une organisation, sont neutralisées par d'autres forces. Par exemple, dans les compagnies à but lucratif du secteur privé, c'est un facteur de dissuasion qu'on soit conscient que le coût excessif des salaires peut anéantir la viabilité de la compagnie. Le secteur public ne possède pas de stimulants comparables et les mécanismes actuels n'entretiennent pas le sens de la responsabilité quant aux répercussions que les décisions en matière de classification des emplois ont sur la productivité.

1.184 Or, comme l'a démontré notre étude de 1983 sur les entraves à la productivité, on ne peut redresser cette situation en essayant d'adapter les méthodes du secteur privé au gouvernement. Il faut plutôt mettre au point et mettre à l'essai de nouvelles approches imaginatives et créatrices en vue d'améliorer la productivité dans le secteur public. Je reviendrai sur ce point avant de terminer.

1.185 Dans l'intervalle, le Rapport annuel de cette année expose d'autres preuves que les gestionnaires de la fonction publique ne sont pas incités à améliorer la productivité.

1.186 Services de traduction. Un exemple de cela se dégage de notre vérification du Secrétariat d'État (chapitre 14). Il s'agit de la traduction, une activité clé du gouvernement fédéral.

1.187 Notre vérification révèle que des repères de production annuelle étaient déjà établis en 1979, mais qu'ils sont perçus et appliqués si différemment au sein du Bureau des traductions que la production quantitative exigée de traducteurs de même niveau varie considérablement. Il en résulte une sous-productivité permanente.

1.188 Régime d'autofinancement. Le chapitre 13, qui présente notre vérification effectuée auprès du ministère des Travaux publics (MTP), ainsi que le chapitre présentant notre examen de la gestion des biens immobiliers, soulèvent la question du régime d'autofinancement, question à laquelle devraient s'intéresser, à mon avis, les députés. Le MTP devrait-il continuer de fournir gratuitement aux ministères des services de logement et des services immobiliers, ce qui est actuellement la manière habituelle de procéder, ou devrait-il exiger des ministères qu'ils remboursent le coût des services de logement et des services immobiliers en utilisant pour ce faire un tarif réaliste calculé en fonction des taux en vigueur sur le marché?

1.189 Cette question est à l'étude depuis plus de 25 ans. Dans notre Rapport annuel de 1978, nous recommandions une implantation par étapes du régime d'autofinancement. En janvier 1981, le Cabinet a donné son accord de principe à une proposition de régime d'autofinancement présentée par le MTP. Toutefois, la mise au point des systèmes et des politiques n'est pas encore terminée et la mise en vigueur de ce régime ne devrait pas avoir lieu avant l'exercice financier 1986-1987.

1.190 J'ai l'intuition qu'aussi longtemps que les gestionnaires du gouvernement n'auront pas à rendre directement compte de l'utilisation économique et efficiente des locaux, en fonction des budgets confiés à chacun d'entre eux, il y a peu de chances que ces derniers s'efforcent de trouver la solution la plus rentable en ce qui a trait à l'utilisation des locaux. Le régime d'autofinancement imposera également aux personnes qui ont à fournir les locaux et les services qui s'y rattachent l'obligation d'en connaître le coût véritable. Il serait également utile qu'elles puissent établir une comparaison directe entre leur rendement et celui que l'on obtient dans le secteur privé.

1.191 Je trouve très troublant le fait que l'on n'ait pas encore réussi à mettre sur pied, après avoir étudié la question pendant un quart de siècle et après avoir investi plusieurs millions de dollars, un régime d'autofinancement des services de logement qui puisse être fonctionnel. On aurait dû, à tout le moins, se doter d'un système de comptabilité de prix de revient acceptable.

1.192 Dépenses de fin d'année. Il y a une autre question qui pourrait bien avoir trait aux stimulants négatifs que nous relevons dans le secteur public. Il s'agit de la fameuse question des dépenses de fin d'année.

1.193 Alors que le secteur privé récompense le gestionnaire qui ne dépense pas tout son budget, la fonction publique a eu tendance par tradition à pénaliser le sous-ministre qui se trouve dans la même situation.

1.194 On a donc posé la question de savoir si cela entraîne des abus par le biais de dépenses excessives de la part des ministères et organismes juste avant la clôture de l'exercice.

1.195 Dans le cadre de l'étude qui porte sur la gestion de la trésorerie, mon Bureau a examiné les niveaux des montants des dépenses de fin d'année. Nous avons découvert un certain nombre d'exemples d'achats et de paiements qui ont été effectués avant que cela soit nécessaire. Toutefois, ces exemples n'étaient pas nécessairement un signe d'abus ou de gaspillage répandus.

1.196 Nous avons également relevé quelques situations qui pourraient influer sur l'importance des dépenses de fin d'année, telles que la hausse des prix pratiquée par les fournisseurs au début du nouvel exercice du gouvernement. À cause de ces augmentations de prix, les acquisitions effectuées plus tôt que prévu ou avant que le besoin ne s'en fasse sentir pourraient, effectivement, permettre au gouvernement de réaliser des économies. Nous avons toutefois observé que l'accroissement des dépenses de fin d'année est toujours causé en partie par le souci d'éviter l'annulation des crédits.

1.197 Étant donné les situations nombreuses et variées qui touchent les dépenses de fin d'année, j'ai décidé qu'une étude distincte d'envergure gouvernementale doit être effectuée pour déterminer de façon concluante si l'accélération des dépenses de fin d'année produit des abus importants et répandus. Les résultats de cette étude feront partie de mon Rapport annuel de 1985.

1.198 Un exemple qui touche le secteur privé. Un autre aspect dérangeant de ce malaise qui nuit à l'amélioration de la productivité a trait à un programme public qui touche le secteur privé. Le cas ressort de notre vérification de l'Office national de l'énergie. La section du chapitre 10 qui me préoccupe particulièrement est intitulée "Sociétés réglementées: incitation à l'économie et à l'efficience".

1.199 L'observation qui me préoccupe le plus concerne les méthodes qu'utilise l'Office pour établir les droits que devront payer les sociétés pipelinières qui acheminement des produits pétroliers et du gaz naturel à travers les frontières provinciales. L'Office incite ces compagnies à être aussi efficientes qu'elles le seraient si elles étaient soumises à la discipline concurrentielle du marché; mais il reste que ces industries réglementées ne sont, en réalité, guère incitées à contrôler leurs frais d'exploitation parce qu'elles peuvent récupérer chaque dollar de ces coûts au moment où elles perçoivent les droits.

1.200 Non seulement des consommateurs particuliers peuvent-ils avoir à payer plus qu'ils ne le devraient pour chauffer leurs maisons mais, ce qui est plus important par ces temps économiquement difficiles, les industries en difficulté du Canada payent peut-être trop cher leurs produits énergétiques.

1.201 Malgré cette énumération de mes préoccupations - et le lecteur attentif en trouvera de nombreuses autres tout au long de mon Rapport - je rappelle aux députés, à qui ces mots s'adressent, que mon but n'est pas de leur fournir une série "d'histoires d'horreur".

1.202 Beaucoup d'activités fonctionnent bien. Je répète également que, de par sa nature, le Rapport du vérificateur général a tendance à se centrer sur le négatif. Mais malgré l'accent nécessaire que nous mettons sur la révélation d'imperfections, on pourra trouver çà et là, tout au long du présent Rapport annuel, de nombreux exemples d'activités gouvernementales qui fonctionnent bien et, très souvent, très bien. Aussi mes vérificateurs signalent-ils quantité d'exemples de mesures correctives qui ont été prises par suite des recommandations de mon Bureau et en fonction de vérifications et d'autres rapports internes.

1.203 En tant que vérificateur du Parlement, je suis loin d'être découragé. Mais je reviens à mon thème favori selon lequel il faut accorder plus d'attention à l'accroissement de la productivité dans la fonction publique.

1.204 Je me suis réjoui de la réaction positive qu'a reçue l'étude de l'an dernier sur les entraves à la gestion productive, et particulièrement de la réaction qui provenait de la fonction publique. De nombreux cadres de la fonction publique ont communiqué avec moi pour me demander plus de renseignements sur l'étude afin qu'ils puissent élaborer de nouvelles méthodes pour accroître la productivité dans leurs services.

1.205 Or, malgré l'intérêt et l'enthousiasme que de nombreux gestionnaires ont manifestés au sujet de l'étude, il n'est pas évident que l'on déploie des efforts sérieux pour en mettre en oeuvre les principales suggestions.

1.206 Je me suis réjoui lorsque le Conseil du Trésor a annoncé un programme qui tenait compte des suggestions faites dans notre étude. Mais, au moment où j'écris ces lignes, le Conseil du Trésor ne semble pas déployer d'efforts solides et visibles pour examiner les répercussions que peuvent avoir les contraintes et les obstacles à la gestion productive. Il ne semble pas non plus qu'on ait entrepris ou tenté de nombreuses expériences pour en arriver à déterminer comment on peut améliorer la productivité de la fonction publique.

1.207 L'amélioration de la productivité n'est pas quelque chose qui survient spontanément. Il faut la susciter. Elle suppose que des efforts constants et délibérés seront déployés par les gestionnaires, par le gouvernement et le Parlement, pendant une période de temps prolongée. Nous sommes encore loin d'avoir créé un environnement dans lequel les gestionnaires seraient reconnus et récompensés pour leur gestion productive, environnement qui viserait à inspirer plutôt qu'à gêner ceux qui accordent une grande priorité à l'accroissement de la productivité.

1.208 Je suis devenu encore plus convaincu au cours de l'année écoulée que la productivité n'est pas susceptible de s'améliorer de façon appréciable si l'on ne confie pas clairement à quelqu'un la responsabilité d'étudier les contraintes actuelles au gouvernement et d'aider les ministères dans leurs efforts pour améliorer la productivité. Pour qu'il y ait amélioration, il est vital que ce mandat soit confié à une personne responsable et que le gouvernement manifeste clairement sa volonté de favoriser la gestion productive.

1.209 Mon Bureau accordera plus d'importance à la question de l'efficience des programmes publics. En ce faisant, nous examinerons les nombreux facteurs qui limitent ou défavorisent la gestion productive. Nous surveillerons également les efforts que déploie le gouvernement pour accroître la productivité dans la fonction publique.

1.210 Pour équilibrer la communication de constatations négatives, je demanderai à mes vérificateurs de signaler les cas de services qui fonctionnent bien. Cela donnera aux parlementaires, au gouvernement et aux fonctionnaires des exemples de l'excellence que nous recherchons tous.

1.211 En effet, même dans les exemples de problèmes de productivité dont je me suis servi dans ce chapitre pour illustrer mes préoccupations, je signale dans les chapitres correspondants certaines méthodes qu'utilise le gouvernement pour résoudre ces problèmes.

1.212 Par exemple, à propos de la question des gestionnaires qui ne disposent pas de renseignements sur la dépense des fonds de voyage, mes vérificateurs ont relevé une section d'un ministère où l'on recueillait des données utiles sur les motifs des déplacements du personnel, ainsi qu'une analyse des coûts. Ces renseignements sont désormais mis à la disposition des gestionnaires pour les aider à planifier et à contrôler les déplacements de leur personnel.

1.213 Quant à la nécessité pour les gestionnaires d'être plus conscients des coûts de toute réorganisation qui entraîne des décisions en matière de reclassification des postes, notre étude fait état de la façon dont un gouvernement provincial a réglé la question.

1.214 Vers l'amélioration de la productivité. Enfin, parmi ces réflexions sur la persistance des problèmes de productivité dans les activités du gouvernement, je me reporte aux recommandations générales que renferme notre étude de cette question dans notre Rapport de l'année dernière.

1.215 Celles-ci visent notamment la nécessité d'accroître les stimulants et de réduire les facteurs défavorables à la productivité et de clarifier la responsabilité des gestionnaires vis-à-vis de l'amélioration de la productivité; la nécessité d'accorder plus d'attention à la formation et au perfectionnement de gestionnaires qui peuvent déployer leur personnel de la façon la plus rentable et la nécessité pour le gouvernement de prendre certaines initiatives pour mettre à l'épreuve des moyens d'augmenter la productivité.

1.216 Cependant, parce que mes propos cette année visent particulièrement à transmettre un message aux députés nouvellement élus, j'attire leur attention sur ce qui, à mon avis, constitue l'observation la plus importante faite par mon Bureau dans l'étude de 1983 sur la productivité:

Une grande partie des facteurs qui nuisent à une gestion productive sont enracinés dans la nature du processus politique et des lois qui régissent l'administration financière et l'emploi dans la fonction publique. Même si les gestionnaires de la fonction publique pouvaient, par leur propre initiative, réussir à améliorer la gestion productive, il est peu probable que des modifications importantes puissent être apportées sans l'appui actif du Cabinet, du gouvernement et du Parlement.
À notre avis, si le gouvernement désire accroître l'optimisation des ressources dans la fonction publique, il devrait en faire une première priorité en démontrant qu'il est vivement intéressé à une gestion productive.
J'irai plus loin. C'est l'esprit de cette observation qui s'applique à l'ensemble du Rapport de cette année.

1.217 Je crois que les chapitres du présent Rapport, même s'ils frappent fort à l'occasion, sont équilibrés, justes et constructifs. Ils renferment des renseignements qui sont importants pour le gouvernement dans la poursuite de ses politiques, ainsi que des données qui sont essentielles aux députés qui doivent s'acquitter de leur tâche qui consiste à exiger que le gouvernement rende compte de ses activités.

1.218 Or, nos observations et nos recommandations ci-après ne sont utiles que dans la mesure où on y donne suite. Elles sont grandement renforcées lorsque les élus du peuple indiquent clairement qu'ils croient qu'elles sont importantes.

1.219 Un nouveau Parlement a l'occasion de prendre de nouvelles orientations. Je fais les suggestions suivantes parce que je crois qu'elles aideront les députés à utiliser l'information que renferme le présent Rapport dans le but d'en arriver à plus d'économie, d'efficience et d'efficacité dans la dépense des deniers publics.

1.220 Premièrement, j'aimerais que l'on accorde le plus d'importance possible aux travaux du Comité des comptes publics (CCP). Ce comité sera efficace dans la mesure où tous ses membres connaîtront les bonnes méthodes de gestion et sauront que les gestionnaires doivent rendre compte de leurs activités.

1.221 Deuxièmement, lorsque le CCP publie ses propres rapports, j'aimerais que la Chambre des communes au grand complet puisse en débattre et en discuter.

1.222 Troisièmement, j'aimerais que les autres comités de la Chambre accordent leur attention aux chapitres du présent Rapport qui les concernent. Je crois qu'il serait particulièrement utile que les membres de ces comités connaissent les résultats de nos vérifications avant de discuter du Budget des dépenses des ministères qui les intéressent tout spécialement. Cela contribuerait à boucler la boucle de l'obligation de rendre compte, permettant aux députés d'exiger que les ministères rendent des comptes complets de leurs dépenses.

1.223 Quatrièmement, j'incite les députés à s'assurer que tous les renseignements pertinents qui proviennent des rapports sur l'évaluation de programmes sont mis à leur disposition.

1.224 Enfin, je rappelle au gouvernement et à la Chambre des communes que s'ils veulent, au cours des prochaines années, que les renseignements que révèlent nos vérifications leur parviennent en temps plus opportun, la solution est entre leurs mains: l'adoption d'une loi qui demande ou permette au vérificateur général de présenter au Parlement des rapports sur des vérifications distinctes, au fur et à mesure qu'elles sont terminées.

1.225 Dans l'intervalle, j'ai la confiance que tous les députés et tous les Canadiens trouveront des questions d'importance et d'intérêt tout au long du présent Rapport.