1.7 La gestion des deniers publics en période d'austérité. Voilà le thème du chapitre d'ouverture de mon neuvième rapport annuel présenté à la Chambre des communes.
1.8 Le gouvernement s'est engagé à réduire les déficits budgétaires répétés de la dernière décennie.
1.9 Une dimension essentielle de la réduction du déficit est le resserrement des ressources dont disposent les ministères et autres organismes du gouvernement. Tout au long du présent rapport, l'on fait mention de la façon dont les ministères réagissent à ces restrictions.
1.11 Ces quatre éléments sont : la nécessité de l'obligation de rendre compte; l'importance de l'accès à l'information nécessaire aux vérifications; la qualité de l'information mise à la disposition des députés, et la recherche de l'efficience proprement dite.
1.12 À ces quatre éléments, j'en ajoute un avant de clore le chapitre : la suprême importance des ressources humaines.
1.13 En traitant de ces quatre sujets, je suis conscient du fait que parmi mes lecteurs se trouvent un bon nombre de députés qui ont été élus pour la première fois, il y a moins d'un an. Je désire donc souligner que ce premier chapitre n'a pas pour but de donner un aperçu de l'ensemble du rapport. J'y traite simplement de certains thèmes que j'estime revêtir une importance particulière pour le Parlement. Ce faisant, j'espère que mon exposé ajoutera à la cohérence des chapitres qui suivent.
1.14 Ce rapport est long. Nous avons de nouveau préparé une brochure qui présente les points saillants sous une forme compacte, afin d'aider les lecteurs à repérer les questions qui les intéressent le plus. Les points saillants sont également présentés sur bande vidéo.
1.15 J'espère quand même que les députés liront le rapport en entier. Les messages qu'il renferme sont importants. Beaucoup ont un caractère urgent.
1.17 Comptables envers le Parlement lui-même. Pour la bonne raison que les députés représentent ces contribuables et qu'ils seront probablement les premiers à en entendre parler si l'on met une réduction des services publics sur le compte d'un manque de fonds.
1.18 Depuis que je suis vérificateur général, j'ai senti, au fil des années, croître, au sein du gouvernement, une conscience de la nécessité d'observer de bonnes pratiques d'obligation de rendre compte. Le présent rapport fait état dans un domaine important d'une amélioration digne de mention à ce chapitre.
1.21 Au cours de l'année, nous avons examiné la mise en application et le fonctionnement des principes directeurs qui s'appliquent au contrôle et à l'obligation de rendre compte des sociétés d'État, tels qu'énoncés à la Partie X de la Loi sur l'administration financière (maintenant Loi sur la gestion des finances publiques ). Le chapitre 5 signale les progrès accomplis et conclut que les principaux éléments du cadre sont bien en place. Les efforts et la persévérance de tous les intervenants ont contribué à ce résultat.
1.22 Toutefois, deux domaines méritent une plus grande attention.
1.25 L'adoption de ce nouveau régime était une étape essentielle dans la recherche de l'amélioration du contrôle et de l'obligation de rendre compte au sein des sociétés d'État. Les résultats de notre examen indiquent de réels progrès. J'ai bon espoir que les progrès et le rythme de cette recherche pourront se poursuivre.
1.27 Les vrais grands postes de dépenses du gouvernement fédéral concernent largement les paiements de transfert ou les contributions versées à des particuliers, à des organisations et à d'autres niveaux de gouvernement. La coordination des vérifications contribue à assurer une obligation de rendre compte entièrement de l'utilisation de ces fonds.
1.28 Dans le cas des paiements de transfert, on se fie déjà dans une certaine mesure au travail des autres vérificateurs. Par exemple, la vérification du Régime d'assistance publique du Canada cette année - dont le rapport apparaît au chapitre 15 - décrit comment les responsables fédéraux vérifient si les provinces se sont conformées aux objectifs du Régime et comment une province doit faire certifier sa réclamation de contribution à frais partagés par un vérificateur qu'elle choisit. Notre vérification a également mis en lumière quelques faiblesses dans le processus de vérification.
1.30 Fait intéressant, dès 1982, le Conseil du Trésor annonçait une nouvelle mesure visant à éliminer le double emploi lors du déroulement d'une vérification et à clarifier le rôle et les responsabilités des responsables fédéraux dans la vérification des contributions fédérales. Cette politique préconisait le recours à la « vérification combinée ».
1.31 On entend par « vérification combinée » une approche coordonnée de la vérification en vertu de laquelle les vérificateurs représentant toutes les parties qui versent les contributions effectuent une seule vérification auprès du bénéficiaire. Dans le cas des programmes à frais partagés, les parties qui versent les contributions sont habituellement le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Les bénéficiaires sont les particuliers et les organisations qui reçoivent des contributions des gouvernements fédéral et provinciaux, en vertu d'une entente à cet effet. La vérification a pour objet de vérifier si les modalités de l'entente ainsi que les dispositions des lois et règlements pertinents ont été respectées.
1.32 La première étape, pour mettre en oeuvre ce concept de vérification combinée, consiste à examiner toutes les ententes fédérales-provinciales avant leur ratification pour s'assurer qu'elles renferment des dispositions suffisantes sur la vérification et qu'elles prévoient, dans toute la mesure du possible, une vérification combinée.
1.33 Le principal élément est la création d'un seul comité directeur de vérification composé de représentants des ministères fédéraux et provinciaux directement responsables du programme. Le comité directeur inclurait toutes les parties concernées, qui s'entendraient sur les modalités requises par cette vérification. Le comité planifierait, dirigerait et surveillerait cette vérification combinée.
1.34 L'adoption de la vérification combinée présente des avantages considérables. Elle clarifie la question de l'accès, ce qui pourrait améliorer l'accès d'une administration à l'information d'une autre. Elle définit avec clarté la mesure dans laquelle un vérificateur s'en remet aux résultats des travaux d'un autre vérificateur. Elle permet une meilleure définition de l'étendue de la vérification, réduisant ainsi les risques qu'il surgisse des écarts dans la couverture de la vérification. Enfin, elle réduirait les inconvénients pour ceux qui font l'objet d'une vérification et permettrait de réaliser de grandes économies, tant en années-personnes qu'en argent.
1.36 Bref, le moment est venu de mettre le concept de la vérification combinée à l'épreuve.
1.38 Au cours de l'année dernière, j'ai discuté avec le Sénat et la Chambre des communes de la possibilité d'effectuer pour chacun une vérification de l'optimisation de leurs ressources. J'ai bien précisé que mon examen n'empiéterait d'aucune façon sur les fonctions législatives des deux chambres. Il s'agirait d'une vérification des systèmes administratifs qui soutiennent le processus législatif.
1.39 J'ai simplement proposé que le Parlement demande pour ses activités de soutien le même type de vérification exigé pour presque toutes les entités du gouvernement. Ni plus ni moins.
1.40 Bien que les activités du Parlement fassent l'objet, chaque année, d'une vérification d'attestation et d'une vérification de conformité, le Sénat et la Bibliothèque du Parlement n'ont jamais fait l'objet d'une vérification de l'optimisation des ressources. La dernière vérification de l'optimisation des ressources que mon Bureau a effectuée à la Chambre des communes remonte à 1983. Il s'agissait d'un suivi de sa première vérification intégrée menée en 1980.
1.41 Le soutien fourni aux membres du Sénat et de la Chambre des communes coûtera 200 millions de dollars environ pour le présent exercice. Pourtant, mis à part de brèves mentions dans le Budget des dépenses et dans les Comptes publics, on publie peu de descriptions sur la façon dont ces fonds sont dépensés. J'estime qu'en raison de l'envergure de ces services de soutien, de l'importance des tâches qu'ils comportent et de leur visibilité, il semble indiqué à ce moment-ci que mon Bureau effectue une vérification de l'optimisation des ressources de ces services. On ne peut nier que le Sénat et la Chambre des communes sont des institutions uniques. Ainsi, je suis parfaitement conscient qu'il faudrait tenir compte de la nature propre au Parlement au moment de ces vérifications. Chaque rapport de vérification serait remis à la chambre concernée pour qu'elle prenne les mesures qu'elle juge indiquées.
1.42 Au moment où j'écris ces lignes, nous sommes à la mi-août. Le Parlement étant en congé, les discussions sur les vérifications proposées vont forcément au ralenti. Toutefois, je demeure confiant que mes consultations, qui se poursuivent, mèneront à des vérifications, et que ces vérifications s'avéreront utiles pour les deux chambres.
1.44 Le Parlement indiquerait clairement à toutes les autres organisations et aux particuliers qui se servent des deniers publics que la vérification de l'optimisation des ressources est une partie importante du processus d'obligation de rendre compte.
1.46 On a souvent fait remarquer qu'il n'y avait pas de *résultat net+ pour le secteur public : cette réalité à laquelle les entreprises privées à but lucratif ne peuvent échapper. Il n'en reste pas moins que les gouvernements doivent affronter leurs propres réalités inexorables.
1.47 Lorsqu'un gouvernement se trouve placé devant un déficit et une dette dont le degré constitue une menace à sa capacité même de gouverner, il doit agir. S'il désire maintenir à peu près le même niveau de programmes et de services, il n'a que deux possibilités. Il peut augmenter les impôts et les taxes ou encore il peut essayer de fournir les mêmes programmes et services, mais de façon plus efficiente.
1.48 Je reviendrai plus loin à cette deuxième possibilité. J'aimerais d'abord parler des impôts et des taxes. Une considération importante dont il faut tenir compte au moment d'établir les niveaux appropriés des impôts et des taxes consiste à s'assurer que tous les impôts et taxes dus à l'État sont effectivement perçus, ce qui nous amène à un autre sujet de préoccupation. Si, dans un régime largement fondé sur l'autocotisation, beaucoup ont l'impression que les autres ne payent pas leur juste part, le régime dans son ensemble sera tôt ou tard menacé.
1.49 J'ai fait allusion à cette question dans des rapports précédents. Il y a trois ans, dans un commentaire au sujet de l'étude sur les dépenses fiscales menée par mon Bureau, j'écrivais que le recours à « ...l'utilisation de la Loi de l'impôt sur le revenu pour financer des programmes peut avoir une dangereuse incidence sur l'intégrité du régime fiscal ». Notre vérification des activités de recouvrement des impôts à Revenu Canada, Impôt que nous avons effectuée en 1988 a révélé une forte augmentation des impôts jugés non recouvrables.
1.50 Les problèmes fiscaux persistent. On en trouvera trois exemples éloquents dans le présent rapport.
1.52 Si le gouvernement pouvait être plus efficace au moment d'établir les cotisations et de percevoir les impôts et taxes exigibles, il aurait moins besoin d'en prélever d'autres.
1.54 Le coeur du problème est que certains contribuables évitent de payer la taxe d'une façon qui n'était pas prévue, en concluant des opérations entre sociétés liées dans l'unique but de bénéficier d'un avantage fiscal. Le gouvernement est conscient du problème, mais comme celui-ci sera éliminé avec l'entrée en vigueur de la taxe proposée sur les produits et services, le 1er janvier 1991, le gouvernement a décidé de ne pas faire échec à l'échappatoire entre temps. Il compense plutôt la perte de recettes en augmentant le taux de la taxe de vente.
1.55 Le gouvernement a estimé lui-même que le fait de ne pas faire échec à cette échappatoire coûtait en recettes au trésor public entre 300 et 350 millions de dollars chaque année. L'accroissement du taux de la taxe de vente veut dire que les autres contribuables - ceux qui ne peuvent pas tirer parti de l'échappatoire - sont imposés à un taux plus élevé pour permettre au gouvernement de compenser la perte de recettes. J'ai le pressentiment qu'étant donné que l'on sait depuis avril 1989 qu'aucune mesure ne sera prise avant janvier 1991 - et que cette échappatoire demeure bien accessible - la perte de recettes pourrait dépasser de loin les estimations du gouvernement.
1.57 En bref, ce rapport fait état d'un certain nombre de faiblesses dans l'administration de la taxe fédérale de vente qu'assure la Direction de l'accise. Je suis d'avis que ces faiblesses sont de grande importance.
1.58 Premièrement, les activités de mise en vigueur ont diminué et leur étendue a été réduite. L'un des aspects de cet affaiblissement est un rétrécissement marqué du champ de vérification en dépit du fait que la Direction reconnaît elle-même qu'il peut nuire à la production de recettes. Dans le rapport annuel sur la gestion de juin 1988 à l'intention du Conseil du Trésor, la sous-ministre écrivait :
En nous fiant à l'observation spontanée de la loi et à la dissuasion par une exécution sélective, nous approchons de niveaux dangereux en ce qui concerne le risque d'inobservation.1.59 Même si récemment la Direction a pris des mesures assez vigoureuses pour essayer d'étendre son champ de vérification, les progrès ont été lents. Un autre aspect de cette carence est l'incapacité du ministère à recenser tous les contribuables redevables et à leur délivrer une licence. Des faiblesses sur ce plan peuvent, évidemment, entraîner des pertes de recettes. Elles peuvent également donner lieu à des disparités au sein des principaux secteurs industriels qui sont touchés et affecter l'intégrité du système dans son ensemble.
1.60 Deuxièmement, l'information sur le rendement et la conformité à la loi n'a pas été suffisante et on n'a pas utilisé les données au maximum. En d'autres mots, par exemple, la Direction n'a pas été en mesure de connaître l'ampleur de la non-conformité dans les principaux secteurs industriels ni estimer les pertes de recettes ou les répercussions possibles, sur le respect de la loi de la part du contribuable, du taux décroissant du champ de la vérification.
1.61 Troisièmement, certaines pratiques du ministère sont allées au-delà de la loi, ce qui pourrait entraîner un traitement injuste des contribuables, et des frais de conformité plus élevés et des pertes réelles de recettes.
1.62 Quatrièmement, la Direction a besoin de meilleurs outils et d'une meilleure formation. Notre rapport indique clairement que la Direction n'a pas suffisamment tiré parti de la technologie moderne. Nous avons également constaté que certaines failles dans la formation que le Bureau avait relevées en 1979 existent toujours dix ans plus tard.
1.63 Ces failles relevées dans une Direction qui a levé 17,2 milliards de dollars en taxes de vente et d'accise en 1987-1988 sont graves en soi.
1.64 Mais ce problème prend une autre dimension du fait que la nouvelle taxe sur les produits et services doit être mise en vigueur en janvier 1991. La tâche constitue un défi sans précédent. Le nombre de contribuables auxquels la Direction aura affaire passera de 75 000 à plus de un million, et les règles d'application de cette nouvelle taxe seront complètement différentes.
1.65 La Direction a de la difficulté aujourd'hui à assurer suffisamment de couverture de vérifications, à recenser les contribuables éventuels et à fournir les outils et la formation nécessaires à ses employés. On ne peut guère surestimer l'ampleur de la tâche à laquelle elle fera face lorsque la nouvelle taxe sur les produits et services entrera en vigueur.
1.66 Personne n'aime les taxes. Nous sommes tous conscients de leur nécessité. Il n'est peut-être pas possible de concevoir un régime d'imposition qui fonctionne en toute équité. Il n'en reste pas moins que nous avons droit à un régime qui soit aussi juste que possible et qui puisse être perçu comme tel. Si on laisse s'accentuer l'impression que des échappatoires existent pour un petit nombre de privilégiés et que les inégalités et le manque d'efficience permettent à un grand nombre de Canadiens d'éviter de payer leur juste part de taxes, la probité du régime d'imposition canadien sera compromise.
1.68 L'un des principaux buts de l'APRM est d'accroître les responsabilités des ministères ce qui, en retour, et conséquemment, favorise la hausse de la productivité.
1.69 La mise en place de bons systèmes de planification, de surveillance, de contrôle, de vérification interne et d'évaluation des programmes est cruciale pour l'APRM si l'on veut que cette mesure soit couronnée de succès. Ces systèmes de même que l'amélioration des indicateurs de rendement sont nécessaires si l'on veut que l'APRM atteigne ses objectifs.
1.70 Cependant, le suivi que nous avons effectué dans des ministères conclut qu'il faudrait qu'ils disposent - ce qui n'est pas le cas - de données solides sur les coûts et sur le rendement à défaut de quoi les progrès seront ralentis et l'on ratera une occasion d'améliorer la gestion et le contrôle financiers dans les ministères.
1.71 Si l'on veut vraiment que l'APRM aboutisse à une amélioration de l'obligation de rendre compte, il faudra y travailler encore.
1.73 Néanmoins, il arrive, quoique très rarement, que la vérification ne puisse être poursuivie, faute d'accès à l'information requise. Cela s'est produit une fois depuis que je suis vérificateur général et menace, maintenant, de se reproduire. Les deux cas concernent l'acquisition de Petrofina Canada Inc. et les déplacements des ministres.
1.75 En 1982, de longs pourparlers ont commencé avec Petro-Canada, le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources, le ministère des Finances et les vérificateurs externes de Petro-Canada en vue d'obtenir de l'information sur cette acquisition. J'ai été informé que le Cabinet avait confié à Petro-Canada l'évaluation des sociétés pétrolières dont on devait faire l'acquisition et la négociation du prix d'acquisition, mais que les ministres s'étaient réservé le droit de prendre la décision relative à l'achat. Le président et chef de la direction de Petro-Canada m'a fait savoir que des évaluations commerciales avaient été effectuées avant et après l'acquisition, mais qu'il ne me donnerait pas accès à ces évaluations.
1.76 Au mois de mars 1984, à l'issue de deux années de pourparlers, je n'avais toujours pas reçu l'information en question. À la suite d'un examen constitutionnel et juridique en profondeur de cette question, j'ai décidé d'invoquer les pouvoirs d'accès à l'information conférés par la Loi sur le vérificateur général .
1.78 Comme je n'avais pas reçu l'information réclamée, le 25 juin 1984, j'ai écrit au premier ministre, le Très Honorable Pierre Elliot Trudeau, pour l'informer que le ministre des Finances et le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources ainsi que leurs sous-ministres et Petro-Canada n'avaient pas fourni l'information demandée.
1.79 Le 26 juin 1984, j'ai reçu la décision du Cabinet refusant, par décret du Conseil, d'ordonner à Petro-Canada de divulguer l'information que j'avais demandée.
1.80 Le 29 juin 1984, le premier ministre a répondu qu'il était d'accord avec les décisions de ses ministres et de leurs sous-ministres.
1.82 Après l'élection générale de 1984, et avant que les plaidoiries aient été entendues en Cour fédérale, j'ai écrit, le 17 octobre 1984, au premier ministre, le Très Honorable Brian Mulroney, pour le mettre au courant de la difficulté que j'avais à obtenir l'information qui me permettrait de m'acquitter de mes responsabilités de vérificateur auprès du Parlement.
1.83 Le 16 novembre 1984, le premier ministre me faisait part de son point de vue dans sa réponse en disant que :
pour ce qui est de vos préoccupations relatives à la question soulevée par l'affaire dont les tribunaux ont été saisis, j'estime important de demander aux tribunaux de l'examiner puisqu'elle est cruciale dans notre régime parlementaire de gouvernement. Le contentieux a donc reçu instruction de poursuivre l'affaire. (traduction).1.84 Le 6 décembre 1985, la Cour fédérale du Canada a constaté que le vérificateur avait le droit d'accès à l'information, y compris aux documents du Cabinet, qu'il jugeait nécessaire d'examiner pour s'acquitter de ses responsabilités énoncées dans la Loi sur le vérificateur général . Le gouvernement a interjeté appel à la Cour d'appel fédérale qui a infirmé, à la majorité, la décision de la Cour fédérale. J'ai reçu l'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada. L'appel a été entendu le 7 octobre 1988.
1.86 Dans les motifs de son jugement, le juge en chef, le Très Honorable Brian Dickson, écrit entre autres :
Le vérificateur général ne peut pas s'adresser aux tribunaux dans les cas où le Parlement, les ministres responsables et le gouverneur en conseil refusent de lui communiquer toute la documentation voulue dans ce qu'il considère comme l'exercice de ses fonctions de vérificateur des comptes du Canada. Il est raisonnable d'interpréter l'al. 7(1)b) comme le seul recours du vérificateur général en cas de refus opposé aux droits conférés par le par. 13(1). L'alinéa 7(1)b) prévoit que « Le vérificateur général prépare à l'intention de la Chambre des communes un rapport annuel dans lequel ... il indique s'il a reçu, dans l'exercice de ses activités, tous les renseignements et éclaircissements réclamés ». Le lien entre le par. 13(1) (le droit allégué) et l'al. 7(1)b) (le recours résultant de la loi), et la mesure dans laquelle le recours que constitue le rapport fait partie d'un code global de dispositions réparatrices indiquent que le recours était conçu comme exclusif. Le vérificateur général peut faire rapport sur les difficultés qu'il a à obtenir des renseignements à tout stade, même s'il se sert d'autres recours simultanément, et la Chambre des communes peut agir en tout temps. Toutefois, lorsque les recours prévus aux art. 13 et 14 ont été épuisés à l'égard d'un renseignement donné, l'unique redressement offert au vérificateur général est le rapport visé à l'al. 7(1)b).1.87 Cette décision constitue évidemment le dernier mot sur la façon d'interpréter les dispositions de la Loi sur le vérificateur général relatives à l'accès à l'information. Elle me donne également une orientation claire pour l'avenir, un point sur lequel je reviendrai un peu plus loin. Toutefois, la décision de la Cour m'incite également à aborder deux questions immédiates : l'une d'ordre général, l'autre, précise.
1.89 Le 27 décembre 1985, le gouvernement, par décret du Conseil, ordonnait que le vérificateur général ait accès à un grand nombre de documents du Cabinet. Cela comprend toute l'information dont j'ai habituellement besoin pour m'acquitter de mes responsabilités. Ce décret a eu pour effet de créer une relation constructive entre le gouvernement et mon Bureau au cours des quatre dernières années.
1.90 J'estime que cette bonne relation a été très utile au Parlement, aux Canadiens et au gouvernement. J'ai confiance qu'elle se maintiendra.
1.92 J'accorde beaucoup d'attention à cette question. D'une part, il n'y a toujours pas suffisamment de preuves qui attestent que l'on s'est soucié comme il se doit de l'économie en dépensant 1,7 milliard de dollars de fonds publics, ce qui représente l'une des plus fortes dépenses du gouvernement fédéral de l'histoire du Canada.
1.93 D'autre part, cette transaction a été conclue il y a huit ans. On pourrait avancer que si l'on poursuivait plus avant la vérification, le rapport serait très certainement peu concluant et (au moment où nous sommes) ne deviendrait qu'un post-scriptum à ce qui fait déjà partie de l'histoire. Je ne suis pas absolument certain qu'en poursuivant la vérification, nous ferions un usage judicieux de l'argent du contribuable.
1.94 En outre, j'ai déjà présenté un rapport complet sur l'un des plus troublants aspects de cette acquisition : la série complexe d'opérations interreliées qui ont permis à la société mère non résidente de Petrofina d'être exonérée de l'impôt canadien sur le revenu et qui ont peut-être permis à Petro-Canada de bénéficier d'avantages fiscaux substantiels (voir le Rapport de 1985 du vérificateur général du Canada, paragraphes 3.74 à 3.101).
1.95 Cependant, les lecteurs comprendront que j'écris ces lignes seulement deux semaines après la décision de la Cour suprême. Je reçois encore des conseils. La vérification que nous avons effectuée a donné un bon aperçu qui pourrait être profitable à un gouvernement - et aux parlementaires - qui envisageraient ultérieurement des opérations semblables. Il pourrait être valable de rassembler le matériel d'information dont nous disposons et de le présenter dans un rapport.
1.96 J'étudie actuellement ces possibilités. J'ai l'intention d'attendre que le présent rapport ait été déposé avant de prendre une décision. Il est possible que les indications données par le Parlement me montrent alors la voie que je devrais suivre.
1.98 Le juge en chef a réaffirmé, dans les termes on ne peut plus clairs, l'importance du devoir du vérificateur général de faire rapport :
Le caractère approprié du recours fondé sur l'al. 7(1)b) ne doit pas être sous-estimé. En révélant dans son rapport à la Chambre des communes que le gouvernement en place a refusé d'accéder à ses demandes de renseignements, le vérificateur général porte l'affaire à l'attention du public. L'Opposition au Parlement est alors libre d'en faire un objet de débat. La plainte que le vérificateur général porte à l'endroit du gouvernement pour n'avoir pas voulu lui fournir tous les renseignements réclamés peut influer sur l'évaluation que l'opinion publique fait de la performance de ce gouvernement. Le recours fondé sur l'al. 7(1)b) joue donc un rôle important en renforçant le contrôle du Parlement sur l'Exécutif en ce qui touche les questions financières.
1.100 À la lumière de la décision de la Cour suprême, advenant qu'un refus d'accès à l'information compromette fortement l'une de nos vérifications, j'envisagerai sérieusement de porter ce fait à l'attention de la Chambre des communes, sans délai.
1.102 Il est clair que j'ai le pouvoir de vérifier les frais de déplacement des ministres. L'article 5 de la Loi sur le vérificateur général dispose que « Le vérificateur général est le vérificateur des comptes du Canada, y compris ceux qui ont trait au Trésor (...) ». Ces comptes comprennent naturellement les comptes de tous les ministères. Les frais de déplacement des ministres sont imputés aux budgets ministériels.
1.103 Afin que je puisse assumer mes responsabilités liées à la vérification, mon Bureau a demandé en avril 1989 l'accès aux reçus et aux autres documents justificatifs des déclarations de frais de déplacement des ministres. Nous avons également cherché à obtenir des copies des demandes écrites d'utilisation du Service des vols d'affaires présentées par les ministres au ministre de la Défense nationale.
1.104 Le 13 juin 1989, le Bureau du conseil privé, au nom du gouvernement, a fait savoir à mon Bureau que l'information réclamée ne serait pas fournie au vérificateur général.
1.105 Le chapitre 6 du présent rapport donne en détail les raisons pour lesquelles cette information était nécessaire pour mener à bien la vérification ainsi que les motifs invoqués par le gouvernement pour refuser l'accès à l'information. Le gouvernement avait donné sa réponse avant que la Cour suprême se prononce, le 10 août 1989.
1.106 Après mûre réflexion sur l'ensemble de la question, j'ai décidé - conformément à la Loi sur le vérificateur général - de signaler au Parlement que dans le cours de ses travaux, mon Bureau n'avait pas reçu tous les renseignements et éclaircissements dont j'ai besoin pour assumer mes responsabilités de vérification.
1.107 J'ai également décidé de ne pas poursuivre la vérification à moins d'obtenir accès à l'information nécessaire.
1.108 Le message que ce refus d'accès à l'information véhicule est qu'en ce qui concerne l'obligation de rendre compte de l'utilisation des deniers publics, certaines personnes jugent qu'elles ont moins de comptes à rendre que d'autres. Les ministres semblent avoir décidé que leur régime de confiance pour ce qui est de l'utilisation des deniers publics suffit à satisfaire à l'exigence de bien rendre compte au Parlement. Je ne le vois pas ainsi.
1.109 En période d'austérité, le message qu'ils véhiculent est très fâcheux.
1.111 Le vérificateur législatif évolue aussi dans un monde axé sur l'information. En qualité de vérificateur général, je dois chercher à vérifier l'information que le Parlement reçoit d'autres sources. Lorsque manque l'information et qu'il est indiqué que je la fournisse, je le fais.
1.112 Deux chapitres du présent rapport font mention, sous un angle différent, de l'information que les députés reçoivent : le chapitre 2 qui renferme les observations sur les états financiers du Canada et le chapitre 13 qui traite de la gestion des opérations de change au ministère des Finances.
1.114 Beaucoup a été accompli. Les états financiers du gouvernement fédéral sont parmi les meilleurs du monde (si ce ne sont les meilleurs). Il reste néanmoins deux choses à accomplir.
1.116 Notre Étude sur les rapports financiers du gouvernement fédéral menée en 1986 indique que ce type de rapport serait grandement utile à de nombreux utilisateurs de l'information financière du gouvernement, notamment aux députés eux-mêmes. À la suite des audiences publiques sur l'Étude qui ont eu lieu en 1986 et en 1987, le Comité des comptes publics a reconnu la nécessité de ce type de rapport. Certains progrès accomplis sont manifestes dans la section 1 du volume I des Comptes publics. C'est bien. Il y a encore place pour des progrès, et cela est possible.
1.118 La première de ces trois réserves concerne le risque inhérent aux prêts consentis par le gouvernement à des pays souverains; la deuxième porte sur le défaut du gouvernement d'inclure les sociétés d'État dans l'entité comptable et la troisième est liée à certains éléments de passif non comptabilisés au titre des pensions de retraite des employés. On trouvera de l'information sur ces trois réserves aux paragraphes 2.40 à 2.65 du présent rapport.
1.119 Ces réserves ont la vie dure. J'avais espéré qu'elles seraient déjà éliminées, mais le gouvernement continue d'étudier la question. J'encourage le ministre des Finances à annoncer, dans son Budget de 1990, des modifications aux conventions comptables du gouvernement. Je pourrais ainsi profiter de l'occasion pour éliminer mes réserves avant la fin de mon mandat, qui expire le 31 mars 1991.
1.121 Le gouvernement du Canada a de nombreuses activités commerciales qui comportent des opérations financières avec des gouvernements d'autres nations. a Commission canadienne du blé vend des céréales; la Société pour l'expansion des exportations octroie des prêts et le gouvernement consent des prêts à des conditions avantageuses par l'intermédiaire de l'Agence canadienne de développement international.
1.122 Que des gouvernements d'autres nations aient une dette envers le gouvernement canadien n'a rien d'inusité. Dans la plupart des cas, le montant intégral de ces emprunts a été remboursé dans le délai stipulé.
1.123 Toutefois, comme c'est le cas pour les prêts des banques commerciales aux pays souverains, certains emprunts n'ont pas été remboursé en temps voulu et certains risquent de ne pas être remboursés intégralement. Des pertes financières semblent probables. Ni le gouvernement ni les banques ne sont à l'abri de ces pertes. Et quoique le gouvernement exige des banques commerciales qu'elles incluent le risque de pertes sur les prêts consentis à des pays souverains dans leurs rapports financiers, il n'observe pas lui-même cette pratique.
1.124 Par conséquent, j'estime que certains des rapports financiers du gouvernement induisent en erreur. Parmi eux, mentionnons l'ensemble des états financiers du gouvernement et les états financiers de la Société pour l'expansion des exportations. On trouvera des observations détaillées sur ces états aux paragraphes 2.41 à 2.56 et 4.17 à 4.19 du présent rapport.
1.125 Le gouvernement semble croire qu'il ne court aucun risque de pertes sur les prêts à des pays souverains et que tous les arriérés peuvent être éliminés par le rééchelonnement des paiements.
1.126 En vertu des accords de rééchelonnement, le gouvernement peut convertir l'intérêt en capital lorsque le débiteur n'arrive pas à acquitter l'intérêt sur sa dette. Si l'emprunteur accuse un retard dans le remboursement de son capital, le gouvernement peut modifier les dates d'échéance ou lui accorder un « sursis ». Le rééchelonnement n'est pas un problème en soi. Il s'agit d'un mécanisme international accepté auquel les gouvernements ont recours pour essayer d'aplanir les difficultés de remboursement.
1.127 Le problème, c'est que ce rééchelonnement sert à dissimuler au public les pertes que le gouvernement a subies ou qu'il subira probablement sur ses prêts à des pays souverains. Les écritures camouflent la réalité.
1.128 Le gouvernement a pour principe de comptabiliser une perte sur un prêt à un pays souverain seulement si la nation en question refuse officiellement d'honorer ses obligations ou que la dette est radiée. À mon avis, il est alors trop tard. Si un pays accuse un arriéré et que sa dette est rééchelonnée constamment, il y a fort à parier qu'en réalité, les sommes dues au gouvernement ne seront jamais remboursées.
1.129 Ce risque de perte devrait figurer dans les rapports financiers du gouvernement dès qu'il est possible de l'établir. Il n'existe pas de réponse juste et simple quant aux montants de pertes à comptabiliser. Néanmoins, la prudence exige que l'on inscrive une somme raisonnable dans les états financiers publiés afin d'éviter qu'ils n'induisent en erreur.
1.130 Une étude récente soumise au Comité des comptes publics du Royaume-Uni recommandait que le risque de perte sur les prêts consentis à des pays souverains soit inscrit dans le rapport financier que publie le gouvernement. L'étude concluait qu'il n'y avait pas de différence nette entre le gouvernement et les banques commerciales. Même si les objectifs étaient différents, les chances de recouvrer les créances étaient les mêmes. Par conséquent, l'étude recommandait que le risque de perte sur les prêts consentis par l'État à des pays souverains soit déterminé de la même façon que le font les banques commerciales. Le Comité des comptes publics du Royaume-Uni a endossé les recommandations, et le risque associé aux prêts consentis à des pays souverains a été reconnu dans les comptes.
1.131 Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale - deux des plus grands prêteurs du monde aux pays souverains - inscrivent maintenant le risque de perte sur ces prêts dans les rapports financiers qu'ils publient. À mon avis, notre gouvernement devrait faire de même et réviser sa comptabilisation des dettes de pays souverains dès que possible.
1.133 L'étude des opérations de change du ministère des Finances effectuée cette année (chapitre 13) en est une bonne illustration. Ce chapitre présente une description claire et pratique des interventions du Canada qui se rapportent aux opérations de change.
1.134 Il est possible que cette vérification soulève également des questions qui intéresseront les députés. Les réserves en devises étrangères du Canada sont-elles trop ou pas assez importantes, ou bien sont-elles suffisantes? Quels sont les coûts nets totaux pour conserver ces réserves? Quels avantages sont-elles censées apporter? Quels en sont les avantages réels? Faut-il vraiment des réserves pour intervenir? L'intervention est-elle nécessaire en elle-même? Le coût élevé pour conserver les réserves d'or est-il justifié? Les éléments sur lesquels on s'appuie pour limiter les devises dans lesquelles les réserves sont conservées et la dette extérieure exprimée sont-ils fondés et indiqués? Combien en coûte-t-il?
1.135 Il reste qu'en examinant ces points, on doit inévitablement en venir à des questions plus globales. Dans quelle mesure le Parlement connaît-il réellement la gestion des opérations de change? Quelles possibilités sont offertes aux députés d'examiner ces opérations et d'en débattre?
1.136 Notre vérification révèle le manque de justesse de l'information que reçoit le Parlement sur ce domaine macro-économique important.
1.137 Ce n'est qu'en disposant d'une information complète et consolidée sur ces questions que les députés peuvent s'acquitter de leur tâche qui consiste à faire un examen critique des activités du gouvernement.
1.139 Il va de soi que les contribuables sont en faveur de la deuxième solution, c'est-à-dire, voir leur gouvernement favoriser une plus grande efficience et une plus grande productivité dans tous les programmes des ministères et dispenser autant - sinon plus - de services en utilisant moins de ressources.
1.140 Un élément clé de mon mandat de vérification consiste à relever les cas où l'on ne s'est pas soucié suffisamment d'atteindre l'efficience. Lorsque cela est indiqué, je signale ces cas d'une manière constructive et je souligne les possibilités d'amélioration de l'efficience.
1.142 L'un des domaines sur lesquels portera notre étude concerne la position générale du gouvernement vis-à-vis de l'atteinte d'une gestion plus efficiente. Les gestionnaires supérieurs des organismes centraux et des ministères ont un rôle de premier plan à jouer dans la création d'un milieu qui incite à une gestion efficiente. Il est essentiel que ce milieu favorise le niveau et la qualité de leadership nécessaire et encourage l'élaboration d'une infrastructure et de pratiques de gestion qui permettent de rechercher activement les possibilités d'amélioration de l'efficience et d'en trouver.
1.143 Je souligne également qu'il incombe aux gestionnaires de la fonction publique de veiller constamment à l'efficience de la gestion et à l'utilisation des ressources du secteur public, que l'on soit en période d'austérité ou non.
1.145 L'initiative d'Accroissement des pouvoirs et des responsabilités ministériels (APRM), mise en branle ces dernières années, a pour objet d'accroître les pouvoirs des ministères, les organismes centraux cherchant à réduire leurs interventions.
1.146 L'objectif de l'APRM, qui est de donner aux gestionnaires des ministères plus de responsabilités et les moyens de les assumer - tout en allégeant les exigences des processus et de la procédure qui prennent beaucoup de temps - concorde avec les constatations faites par mon Bureau dans des études précédentes qui ont fait l'objet d'un rapport : « Entraves à une gestion productive dans la fonction publique » (1983), l'« Étude de la gestion et du contrôle financiers » (1987) et « Les organisations performantes » (1988). L'APRM a déjà donné des résultats, surtout en ce qu'il a permis d'alléger le fardeau des contrôles administratifs.
1.147 Cependant, notre Étude de la gestion et des contrôles financiers (ÉGCF) formulait également des mises en garde concernant l'APRM; plus particulièrement, elle signalait que, pour la réussite de sa mise en oeuvre, « le régime utiliserait certains mécanismes déjà en place, mécanismes qui, nous l'avons constaté, ne fonctionnent pas bien ». En outre, le suivi de cette étude (chapitre 25) suggère que l'évolution de l'APRM est, à d'importants égards, à un point critique de l'atteinte de sa vitesse de croisière qui pourrait aboutir à une amélioration de l'obligation de rendre compte.
1.148 Il ressort de l'étude en cours sur l'amélioration de l'efficience qu'un cadre de gestion équilibré est nécessaire, c'est-à-dire un cadre qui donne aux organismes centraux et aux ministères des rôles et des responsabilités distincts, mais complémentaires. Il semble qu'il faille faire équipe dans une approche coordonnée pour faire face à la complexité du maintien des services avec des ressources réduites.
1.149 L'instauration du cadre de gestion pour améliorer l'efficience se divise en plusieurs étapes.
1.150 La recherche de l'efficience doit commencer par une vision commune de ce qui est pratique et réalisable. Il est manifeste que les organismes centraux et les ministères ont un rôle à jouer dans la concrétisation de cet engagement et dans l'orientation et le soutien à donner. Nous poserons diverses questions comme de savoir si les gestionnaires supérieurs des organismes centraux et des ministères voient vraiment la recherche de l'efficience comme une réalisation que l'on attend d'eux et pour laquelle ils devront rendre des comptes.
1.151 Bien qu'il incombe d'abord aux ministères de trouver et d'analyser les possibilités d'amélioration de l'efficience, les organismes centraux doivent aussi faire leur part à l'étape suivante, c'est-à-dire lorsque vient le moment de repérer les initiatives à l'échelle du gouvernement et de coordonner l'expérience acquise dans chaque ministère. Il m'intéresse plus particulièrement de savoir si, compte tenu de l'austérité, les ministères sont encouragés à trouver d'autres domaines où l'on pourrait réaliser des économies, avant de prendre la décision de sabrer dans les niveaux de services.
1.152 Dans le cadre de notre étude, nous examinerons ensuite les trois dernières étapes qui s'amorcent avec la mise en oeuvre d'améliorations réelles de l'efficience, l'établissement, par les organismes centraux, de leurs exigences en matière d'information et la mise en place essentielle de systèmes d'établissement de rapports satisfaisants par les ministères et enfin, la responsabilité commune d'évaluer les progrès accomplis dans chaque ministère et dans l'ensemble de la fonction publique dans l'accroissement de l'efficience et de la productivité.
1.156 Pour la plupart de ses vaisseaux, la Garde côtière utilise un horaire de travail de l'équipage semblable à celui des bureaux - huit heures par jour et cinq jours par semaine - plutôt que d'appliquer un système qui favoriserait une utilisation aussi efficiente que possible de ses navires. En temps normal, les navires de la Garde côtière retournent à leur port d'attache pour les fins de semaine et les congés civiques. Lorsque les brise-glaces et d'autres vaisseaux sont amarrés pendant une longue période pour que l'on puisse procéder à leur entretien ou à une modernisation, tout l'équipage demeure en service. Par exemple, en 1987-1988, un navire est demeuré entièrement équipé pendant une période d'immobilisation de 37 semaines, pour un coût hebdomadaire moyen de 25 775 $.
1.157 Il faudrait de toute urgence que la Garde côtière accroisse sa capacité d'analyse. Notre examen du volume de travail et de la capacité de la flotte de baliseurs durant la période de pointe de 1987-1988 a révélé que le travail aurait pu être accompli avec au moins cinq navires de moins sans que le service habituel soit réduit de façon perceptible. Le coût de fonctionnement annuel de ces cinq navires s'est élevé à 10,9 millions de dollars alors que les coûts de remplacement s'élevaient à quelque 169,1 millions de dollars.
1.158 Ce qui s'explique aussi encore moins, comme le mentionne notre rapport sur la Garde côtière canadienne (chapitre 22), c'est qu'elle a affecté peu de ressources aux inspections indispensables des pratiques en matière de sécurité des vaisseaux de pêche commerciale, des navires étrangers qui transportent des matières dangereuses et des traversiers.
1.160 Chaque année, le gouvernement du Canada dépense plus de 5 milliards de dollars pour des produits divers. Pour s'assurer de la qualité de ces produits, il s'est toujours fié aux normes, aux inspections et aux garanties. Ces méthodes sont valables lorsqu'il s'agit de produits peu complexes, fabriqués en grande quantité. Toutefois, elles ne semblent pas suffisantes lorsqu'elles sont appliquées aux produits plus complexes et techniques pour lesquels il faut utiliser une approche plus globale d'assurance de la qualité. La chose est déplorable en soi; les produits de qualité inférieure peuvent nuire à l'efficience des services du gouvernement.
1.161 Mais il y a une répercussion plus profonde. Si le gouvernement fédéral - qui est le plus grand acheteur de produits canadiens - accepte des produits de qualité inférieure, cela équivaut à endosser l'échec de nos industries à fabriquer des produits de qualité. Le gouvernement fédéral n'est pas leur unique client. Ces industries doivent également être compétitives sur le marché international de plus en plus difficile où l'on exige des normes élevées de qualité. Le gouvernement doit, dans le cadre de ses modalités d'achat, prendre des mesures qui favorisent une meilleure approche en matière de qualité et, ainsi, améliorent la réputation et la compétitivité de l'industrie canadienne tant au Canada qu'à l'étranger.
Le défi consiste à fournir de façon plus efficiente les programmes gouvernementaux que les Canadiens sont en droit d'obtenir, dont ils ont besoin et pour lesquels ils ont payé.
1.163 Lorsqu'elle est frappée par une période de crise économique, l'entreprise privée, soucieuse de son résultat net, sabre dans le service central d'administration. Il est sacro-saint que les produits de la compagnie satisfassent sa clientèle.
1.164 Dans le secteur public, la réaction en période d'austérité est trop souvent complètement à l'opposé. On clame aussitôt qu'il faut réduire les services fournis au public.
1.165 La vérification du Service canadien des parcs (chapitre 11) de cette année illustre bien ce que j'avance. Il y a une baisse perçue, quoique pas très bien mesurée, de la qualité et de l'étendue des services offerts aux visiteurs de nos parcs nationaux. Le Service attribue cette baisse à une réduction générale du nombre de ses années-personnes.
1.166 Mais notre vérification va plus loin et relève des possibilités d'accroissement de l'efficience en réduisant le nombre d'années-personnes dans les services généraux et les services de soutien, comme les finances et l'administration. Ces ressources pourraient être réaffectées aux secteurs de service proprement dits.
1.167 Il faut un changement d'attitude dans tout le gouvernement. En période d'austérité, les besoins des utilisateurs des services du gouvernement - c'est-à-dire les contribuables canadiens qui, en définitive, payent la note - doivent avoir la priorité.
1.169 Il faut faire preuve de leadership. Il faut qu'il y ait une vision commune parmi tous ceux qui participent à la prestation des services et des programmes du gouvernement. Il faut prendre le genre de mesures qui témoignent d'une conviction que les ressources humaines sont réellement importantes. Dans la fonction publique, des gens compétents et motivés sont en mesure de repérer des possibilités d'atteindre une meilleure efficience et de les mettre en oeuvre.
1.171 Parmi les défis internes, notons le fait que la présente austérité a limité le recrutement à la base. La Commission de la Fonction publique a signalé le fait qu'il est impérieux que la fonction publique attire, motive et retienne des personnes douées - qui se sentent à l'aise avec les technologies modernes - qui peuvent s'adapter et tirer parti des nouvelles possibilités d'accroissement de l'efficience.
1.173 Pour que la fonction publique fédérale soit en mesure de faire face aux défis que pose l'avenir, il faut réformer la structure administrative et législative qui régit les gens. Il faut donner une nouvelle dimension créative à la gestion des fonctionnaires du Canada.
1.174 Un certain nombre de pays, dont le Royaume-Uni, l'Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande ont relevé un défi semblable au cours des dernières années, et chacun a modifié de façon importante, voire radicale, les rôles et responsabilités des personnes qui gèrent leur fonction publique.
1.175 Or, sur la scène fédérale, au Canada, le cadre administratif et législatif de base qui régit la gestion des gens est demeuré fondamentalement inchangé depuis plus de 20 ans. L'ajout successif, année après année, de dispositions législatives - qui portent sur des choses il va sans dire importantes comme les langues officielles, l'équité en matière d'emploi et l'accès à l'information - est venu compliquer la situation. La gestion cohérente des gens dans la fonction publique est donc devenue extrêmement difficile.
1.176 Tout au long des années, nos vérifications nous indiquent qu'il y a une opinion répandue selon laquelle l'application correcte de systèmes et de pratiques d'administration rendrait la gestion des ressources humaines efficace et permettrait d'utiliser l'effectif au maximum. Nos travaux ne corroborent pas ce point de vue. Nous avons constaté que les gens sont assujettis à une administration excessive, une centralisation trop poussée, trop de prescriptions, alors qu'ils manquent trop souvent de leadership véritable. Les systèmes et pratiques ne fonctionnent bien que lorsqu'ils sont orientés et appuyés par un leadership fort, des valeurs communes et une philosophie de gestion éclairée qui est constamment communiquée et renforcée par les décisions et les actes quotidiens.
1.178 Ces mesures (je le suggère respectueusement aux députés) devraient commencer par l'adoption de nouvelles dispositions législatives. Plusieurs aspects de la législation qui régit à l'heure actuelle la gestion des ressources humaines ont attiré la critique et ont été contestés en cour. Il faut une réforme législative complète et unifiée.
1.179 Il ne m'appartient pas d'essayer d'énoncer les détails de cette réforme. Cependant, des éléments clés des modifications législatives apportées dans d'autres champs de compétences comprennent la simplification de la structure à l'administration centrale afin de fournir un point de référence et un leadership, et la délégation aux ministères du pouvoir, de l'autonomie et de la responsabilité de la gestion de leurs ressources humaines. Il faut tenir compte de ces mêmes points dans l'élaboration de nouvelles dispositions législatives pour la fonction publique canadienne.
1.180 La création d'un milieu dans lequel les employés de tous les niveaux sont consultés, se sentent engagés et sont conscients de leur propre valeur est extrêmement importante pour s'adapter à des périodes d'évolution. Ce sont les gens qui font face au changement et qui s'en servent pour atteindre des degrés plus élevés d'excellence.
1.181 L'année prochaine, dans mon dernier rapport en qualité de vérificateur général, je publierai les conclusions de notre étude sur la gestion efficiente des ressources publiques. Le rapport inclura également les résultats d'une autre étude intitulée « Philosophie de gestion des ressources humaines », qui traitera de l'influence des valeurs sur le rendement dans la fonction publique.
1.182 L'un ne va pas sans l'autre. Si le gouvernement parvient à effectuer les changements nécessaires pour donner une nouvelle orientation à sa façon de gérer les ressources humaines; s'il parvient à une plus grande souplesse dans la fonction publique; s'il parvient à instaurer des valeurs et des objectifs communs; s'il parvient à instaurer un leadership clair et une certaine vision des choses, la fonction publique du Canada pourra alors demeurer l'une des meilleures au monde.
1.183 En même temps, le gouvernement peut réaliser l'efficience qui, en dépit de l'austérité, lui permettra de fournir aux Canadiens la qualité de services et de programmes qu'ils sont en droit d'obtenir et dont ils ont besoin.
1.184 Sans oublier qu'en tant que contribuables, ce sont eux qui ont payé tout cela.