Refus d'accès à l'information nécessaire pour la vérification des frais de déplacement des ministres

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6.5 Au cours de l'exercice 1989-1990, nous comptions effectuer une vérification, à l'échelle du gouvernement, des frais de déplacement des ministres en service commandé, y compris les frais du personnel exempt et des employés de la fonction publique qui les accompagnent. Plus précisément, nous comptions procéder à la vérification des aspects suivants :

6.6 Afin de déterminer si les contrôles exercés sur les finances et les rapports donnaient satisfaction, nous avons demandé, en avril 1989, d'avoir accès aux reçus et aux autres pièces étayant les demandes de remboursement des frais de déplacement des ministres. Nous avons également demandé des copies des demandes adressées par écrit au ministre de la Défense nationale (MDN) par les ministres qui souhaitent utiliser le transport aérien réservé aux personnalités officielles.

6.7 Au nom du gouvernement, le Bureau du Conseil privé (BCP) nous a informé, le 13 juin 1989, que le vérificateur général n'aurait pas accès à l'information demandée.

6.8 Le pouvoir que nous détenons pour effectuer une telle vérification et les raisons invoquées par le gouvernement pour ne pas communiquer l'information requise sont examinés ci-après.

6.9 À notre avis, le vérificateur général a toute l'autorité voulue, selon la loi, d'effectuer la vérification des frais de déplacement des ministres. Aux termes de la Loi sur le vérificateur général , il est le vérificateur des comptes du Canada, y compris ceux qui ont trait au Trésor. Cela inclut les comptes des divers ministères et organismes du gouvernement.

6.10 Les frais de déplacement des ministres sont payés au moyen des budgets ministériels. Selon la politique du Conseil du Trésor, énoncée dans les Pratiques administratives : Lignes directrices à l'intention des cabinets des ministres :

Le budget du ministre fait partie intégrante du budget du ministère et est assujetti aux mêmes dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) que celles qui s'appliquent à tous les autres fonds du ministère. Ces dispositions ont pour but d'assurer le contrôle du Parlement sur les deniers publics et prescrivent un cadre de contrôle financier à l'égard de toutes les opérations financières.
6.11 Le remboursement des frais de voyage des ministres est fondé sur un régime de confiance; il n'est pas obligatoire de présenter ou de conserver des reçus. En réponse à notre demande d'accès aux reçus et aux pièces justifiant les frais de déplacement des ministres, le gouvernement nous a écrit que les ministres ne sont tenus, ni de présenter, ni de conserver de tels documents. La lettre précisait ce qui suit :

(traduction) Vous n'ignorez sans doute pas qu'en vertu d'une décision prise par le Conseil du Trésor en 1963, les ministres n'ont que l'obligation de fournir un certificat indiquant le montant de leurs frais pour en obtenir le remboursement. Les ministres ne sont tenus ni de présenter, ni de conserver des reçus pour ces frais.
6.12 Nous avons appris que le système du régime de confiance a été instauré le 2 décembre 1963. À cette date, le Cabinet a approuvé une proposition du ministre des Finances sur les modalités s'appliquant aux ministres en vue de la présentation des comptes pour les avances de fonds et pour les montants dépensés dans le cadre des déplacements officiels.

6.13 Les ministres avaient été priés de présenter un relevé de leurs dépenses, pour chaque déplacement, sous deux rubriques générales : les frais de transport et les autres frais, et d'indiquer la durée du voyage et le lieu de destination.

6.14 Les ministres étaient tenus de certifier que leurs frais avaient été engagés en mission officielle, au titre de la Loi sur la gestion des finances publiques qui exige que les intéressés certifient «que les travaux ont été accomplis, les matières fournies ou les services rendus, selon le cas...» Lorsque nous avons présenté notre demande, le gouvernement nous a fait savoir que nous aurions accès aux certificats en question.

6.15 Nous avons fait observer que, dans ses Lignes directrices, le Conseil du Trésor précisait que :

Même si, en raison de leur caractère confidentiel, certains paiements demandés par des ministres n'ont pas besoin d'être justifiés par un reçu ou d'autres documents prouvant que les biens ou services ont été reçus, les ministres devraient néanmoins conserver ces documents à leur cabinet pour des vérifications éventuelles par le Vérificateur général du Canada.
6.16 Nous avons également fait observer que, dans ses Lignes directrices, le Conseil du Trésor précise que : «Même si les ministres n'ont pas à présenter de reçus ou de pièces justificatives, il serait avisé que les ministres les conservent à leurs cabinets à des fins de vérifications éventuelles.»

6.17 Dans une lettre qu'il nous a écrite le 17 août 1989, le gouvernement précisait que :

(traduction) Les cabinets des ministres ont effectivement été informés qu'il serait plus prudent de conserver les reçus des frais de déplacement. Ce conseil est fondé sur le principe que les ministres sont comptables devant la Chambre des communes et qu'il est à leur avantage de pouvoir être en mesure de fournir des réponses, au cas où des questions seraient posées en Chambre.
6.18 Nous avons demandé à consulter les reçus que les ministres, ayant suivi la recommandation du Conseil du Trésor, auraient jugé prudent de conserver.

6.19 Le gouvernement nous a dit que, même s'il existait des reçus, nous ne pourrions y avoir accès. Les seuls documents fournis seraient les certificats déjà mentionnés. Plus exactement, le gouvernement nous a dit que :

(traduction) Ces certificats étaient, bien entendu, disponibles aux fins de la vérification proposée, mais que tout reçu pouvant exister dans les dossiers du cabinet d'un ministre ne serait pas, à son avis, semblablement disponible.
6.20 Un système qui n'exige pas de reçus pour appuyer les demandes de remboursement de frais ne peut pas faire l'objet d'une vérification. Sans reçus, nous ne pouvons déterminer si les demandes de remboursement sont pertinentes.

6.21 Nous ne pouvons pas non plus le déterminer si le gouvernement refuse l'accès aux reçus que les ministres auraient peut-être conservés suivant le conseil de prudence du Conseil du Trésor.

6.22 Nous voulions également vérifier la pertinence des procédés financiers et du mode de rapport utilisés pour la flotte d'avions réservés aux personnalités officielles. Le MDN assure l'exploitation du Service des vols d'affaires (le transport aérien réservé aux personnalités officielles) pour les membres de la famille royale, le gouverneur général, le Premier ministre, les ex-premiers ministres qui voyagent à des fins liées à leurs anciennes fonctions, les ministres du Cabinet, les dignitaires étrangers en visite au Canada, les membres des comités parlementaires ou des délégations voyageant en mission officielle, et, lorsque le ministre l'autorise, des cadres supérieurs de la fonction publique fédérale en service commandé.

6.23 Le Service de vols d'affaires, qui dispose de huit Challenger, fonctionne toute l'année, sept jours par semaine et vingt-quatre heures par jour. D'autres types d'avions peuvent également être fournis, par exemple un Boeing 707.

6.24 La flotte d'avions réservés aux personnalités officielles est censée n'être utilisée que dans certaines conditions. Les Lignes directrices stipulent que les appareils du service des vols d'affaires «ne devraient être utilisés que dans les cas où le service aérien commercial n'est pas disponible ou adéquat, et seulement pour les voyages effectués pour les affaires du ministre ou du ministère.» Les Lignes directrices précisent en outre que : «Ces appareils ne peuvent être utilisés à des fins ayant trait au parti ou à la circonscription, ni dans le cadre d'une campagne électorale.»

6.25 Plus exactement, les ministres ne peuvent utiliser les avions d'affaires du gouvernement que dans les circonstances suivantes :

6.26 Le ministre qui demande à utiliser le transport aérien réservé aux personnalités officielles est censé suivre des procédures déterminées exigeant, entre autres, qu'il indique la raison exacte de sa demande. Conformément aux Lignes directrices, le cabinet du ministre qui présente la demande de vol doit téléphoner à la Défense nationale pour donner de l'information préliminaire sur le vol requis et indiquer la raison de la demande. La demande est transmise au Centre de coordination des vols du MDN, qui doit alors communiquer avec le ministre requérant pour obtenir les détails pertinents.

6.27 Le ministre qui présente la demande de vol doit également envoyer une demande écrite au ministre de la Défense nationale, en indiquant :

6.28 De plus, il doit inclure la déclaration suivante :

Je (ou mon ministre) demande à utiliser cet avion, étant parfaitement au courant des lignes directrices sur l'utilisation du Service des vols d'affaires, tenant compte du fait que le gouvernement s'est engagé à faire preuve de retenue dans ce domaine, et en conformité avec le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat.
6.29 La demande doit être signée par le ministre qui la présente, ou par son chef de cabinet qui signe en son nom.

6.30 Les frais applicables aux ministres pour l'utilisation du Service des vols d'affaires varient selon le type de vol. En 1984, le secrétaire du Cabinet a écrit aux ministres et aux sous-ministres au sujet de l'utilisation des avions d'affaires du gouvernement. Il a signalé que le Premier ministre avait approuvé les procédures décrites dans la note de service.

6.31 La note de service faisait état de trois catégories de vol :

Le vol spécial à bord duquel prennent place des membres de la famille royale, le gouverneur général ou le Premier ministre.
Le vol ministériel ou parlementaire organisé par le gouverneur général, le Premier ministre, un ministre de la Couronne, le président de la Chambre des communes ou du Sénat, ou à bord duquel prennent place des délégations en service commandé, des chefs d'État étrangers et des dignitaires en visite au Canada, toute autre personne qui pourrait en avoir l'autorisation, pour un service commandé ne se rattachant pas nécessairement aux programmes d'un ministère.
Le vol dans le cadre d'un programme ministériel à bord duquel prennent place un ministre, un ministre avec des fonctionnaires ministériels, et les autres personnes qui peuvent en avoir l'autorisation d'un ministre, ou des représentants ministériels voyageant seuls pour les besoins d'un programme ministériel.
6.32 La note de service indiquait également les coûts à imputer aux ministres requérants pour les divers types de vols :

Vol spécial : Aucuns frais.
Vol ministériel ou parlementaire : Le double du tarif aller-retour de première classe, par vol, que demanderait un transporteur commercial pour le même vol ou un vol semblable, ou 100 $, suivant le montant qui est le plus élevé. Ces frais s'appliquent par vol et non pas par personne.
Vol dans le cadre d'un programme ministériel : Les frais sont recouvrés conformément aux tarifs approuvés par le Conseil du Trésor.
6.33 Le ministre qui demande le vol décide dans quelle catégorie le vol sera classé.

6.34 Au cours de l'exercice 1989-1990, le coût facturé à un ministère pour l'utilisation d'un avion Challenger s'élevait à 2 451 $ par heure de vol. Ce montant n'inclut pas le coût du service d'entretien, l'usure de l'appareil, l'amortissement, le soutien assuré par la base et les frais d'équipage. Selon les données du MDN pour 1989-1990, ajouter de tels frais ferait passer le coût à 5 460 $ par heure, soit une majoration de 123 p. 100. Les coûts réels d'un vol devraient également inclure le prix des aliments et services commandés par le ministre en déplacement pour tous les passagers et un rajustement pour les frais engagés pour l'équipage de l'avion.

6.35 Dans notre enquête initiale, nous avons constaté que les ministres requérants classent 95 p. 100 des vols dans la catégorie des vols ministériels ou parlementaires, ce qui signifie que les ministres sont habituellement facturés au prix le plus bas. Par exemple, un vol récent a été facturé à 3 815,20 $, soit le double du tarif de première classe. Si les frais avaient été facturés au taux des vols effectués dans le cadre d'un programme ministériel, le coût aurait atteint près de 29 900 $. On a estimé que l'ajout des frais non inclus aurait porté le coût à environ 66 600 $. Le coût total de l'exploitation de la Flotte réservée aux personnalités officielles, soit globalement, soit individuellement par ministre, n'est pas divulgué au Parlement. Toutefois, le MDN nous a informé qu'il était lié par les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information et qu'il avait rarement, sinon jamais, de motifs pour retenir les renseignements relatifs aux coûts.

6.36 On nous a refusé l'accès à l'information sur les raisons pour lesquelles les ministres ont utilisé la Flotte d'avions réservés aux personnalités officielles. Nous avons cherché à obtenir l'accès aux demandes que les ministres présentent par écrit au ministre de la Défense nationale en vue de l'utilisation de la Flotte en question, afin de nous assurer que les appareils ont été utilisés en service commandé et selon les conditions stipulées dans les Lignes directrices, et que les coûts facturés aux ministres pour l'utilisation des appareils étaient appropriés.

6.37 Dans sa lettre du 13 juin, le gouvernement a signalé qu'il ne fournirait pas cette information.

6.38 Conclusion : Nous croyons que le contrôle exercé par le Parlement sur les deniers publics s'applique aussi aux frais de déplacement des ministres en service commandé. Nous avons constaté que le coût total de l'exploitation de la Flotte réservée aux personnalités officielles, soit globalement, soit individuellement par ministre, n'est pas divulgué au Parlement.

6.39 Que notre Bureau entreprenne une telle vérification fait partie intégrante du contrôle que doit exercer le Parlement.

6.40 Nous nous sommes demandés si nous devions entreprendre ou non la vérification, vu que :

6.41 Conformément à l'alinéa 7(1)b) de la Loi sur le vérificateur général , le vérificateur général a décidé de signaler à la Chambre des communes qu'il n'a pas reçu tous les renseignements et éclaircissements dont il a besoin dans l'exercice de ses fonctions. Après avoir soigneusement étudié la question, il a également décidé de ne pas entreprendre de vérification pour le moment.