5.8 Les organisations du secteur privé subissent des pressions de nombreuses sources : les gouvernements, les marchés, les groupes de défense de l'environnement et leurs propres employés. La réglementation gouvernementale des procédés et des produits se fait de plus en plus sévère dans certaines parties du globe. Les clients demandent que l'environnement soit mieux protégé mais, parallèlement, ils veulent des produits et des services qui leur rapportent autant ou même plus d'avantages économiques. Les caractéristiques et les incidences environnementales des produits sont souvent, pour de nombreuses entreprises, ce qui distingue une marque d'une autre. Sous les pressions du public préoccupé par les questions de santé et d'environnement, les entreprises doivent assumer une plus grande responsabilité quant à la gérance de leurs produits, y compris le recyclage. La globalisation de l'économie pousse les organisations à s'attaquer à des problèmes d'envergure mondiale, comme les changements climatiques, et à accepter une plus grande responsabilité sociale lorsqu'elles font des affaires dans des économies émergentes.
5.9 Les préoccupations du public relativement à la santé et à l'environnement créent également des pressions sur les organisations du secteur public. Les gouvernements, partout dans le monde, sont confrontés à des problèmes d'ampleur planétaire, comme l'appauvrissement de la couche d'ozone et les changements climatiques. Parallèlement, ils doivent régler des problèmes d'environnement nationaux particuliers et veiller à ce que les politiques environnementales et sociales produisent les résultats souhaités. Ils doivent aussi améliorer la performance environnementale de leurs propres activités.
5.11 En étudiant les organisations qui ont connu du succès avec leur stratégie de développement durable, nous avons cherché à répondre à deux questions au sujet de leur approche : quelles activités ont servi à élaborer la stratégie et à la mettre en oeuvre? quels outils, méthodes et facteurs ont contribué à son succès?
5.12 Nous reconnaissons que, dans la pratique, le développement durable varie d'une organisation, d'une région et d'un pays à l'autre. Cependant, nous croyons qu'il y a des leçons à tirer de l'étude des solutions de gestion efficaces pour répondre au besoin de pratiques et de politiques plus soucieuses de l'environnement.
5.13 Nous examinons dans ce chapitre les cas de sept organisations des secteurs privé et public : Nortel; SJ Rail de Suède; Sony; TransAlta; le Centre d'évaluation de la technologie de l'Allemagne ( Akademie für Technikfolgenabschätzung ); le Plan national de politique écologique des Pays-Bas ( National Milieubeleidsplan ou NMP ); et Volvo. Les activités et les mandats de ces organisations sont variés, de même que leurs pratiques environnementales antérieures et les raisons qui les ont poussées à adopter une stratégie de développement durable. En général, ce sont de grandes organisations complexes, qui doivent élargir leur pensée et leurs actions pour relever le défi du développement durable. Des détails sur ces organisations, sur les pressions qui les ont amenées à opter pour le développement durable et sur leurs approches à cet égard sont présentés en encadré .
5.15 En effet, la marche vers le développement durable passe inévitablement par la recherche de façons nouvelles de penser et d'agir. Elle est un processus de changement axé sur la prise en compte des incidences environnementales et sociales, en plus des aspects économiques, dans les prises de décisions. Cette approche pourrait être qualifiée d'essentielle pour gouverner une société moderne.
5.16 Le développement durable n'est pas un but en soi mais un contexte. Il oriente les organisations dans la redéfinition continue de leurs buts. Il guide le processus d'élargissement des facteurs pris en considération dans les décisions relatives à ces buts et aux moyens de les atteindre. Dans l'exploration de nouvelles façons de penser et d'agir, le développement durable peut être considéré comme une marche qui comporte des étapes où il faut faire des choix stratégiques.
5.18 Il y a trente ans, beaucoup d'entreprises ne reconnaissaient pas leur impact sur l'environnement. Elles ne faisaient que réagir - elles s'occupaient des problèmes ou des « incidents » touchant l'environnement au fur et à mesure qu'ils se présentaient. Elles appliquaient des stratégies de « limitation des dégâts ». Elles considéraient l'action gouvernementale pour protéger l'environnement comme nuisible aux affaires et s'y opposaient. Les entreprises qui prenaient volontairement des mesures pour protéger l'environnement étaient l'exception.
5.19 Quand les gouvernements se sont mis à adopter de plus en plus de règlements pour protéger l'environnement, les entreprises ont commencé à craindre d'être poursuivies en justice et de se faire imposer de lourdes peines financières. Cela a poussé beaucoup d'organisations à adopter des systèmes et des procédés pour se conformer aux lois et aux règlements en vigueur. Ces stratégies ont souvent donné lieu à des solutions en aval ou de « bout de chaîne ». Les dépenses effectuées pour respecter les exigences des règlements environnementaux étaient perçues comme la rançon des affaires, et l'objectif était de les réduire au minimum.
5.20 En cherchant des moyens de réduire ces dépenses, beaucoup d'entreprises découvrent des possibilités de protéger l'environnement qui sont également rentables. Elles appliquent les leçons tirées de la gestion de la sécurité et de la qualité. Elles élaborent des approches globales de gestion de l'environnement ; elles intègrent la prévention de la pollution et l'efficacité écologique dans un cadre de gestion des risques liés aux incidences environnementales et sociales. Elles réussissent ainsi à réduire de façon marquée les risques et les coûts. En se penchant sur la partie en amont de leurs activités, plusieurs découvrent de nouvelles possibilités de générer des revenus, des occasions d'affaires du côté des produits qui respectent l'environnement, et des solutions commercialisables à des problèmes environnementaux mondiaux.
5.21 Un nombre faible, mais croissant, d'organisations vont au-delà de la gestion globale de l'environnement et intègrent des aspects de développement durable dans leur stratégie d'entreprise. Elles élargissent leurs horizons de décision en liant l'intendance financière à la gérance environnementale et sociale. Elles modifient leurs méthodes opérationnelles de base pour éliminer ou réduire considérablement les risques à gérer. Elles intègrent les innovations de sorte que les exemples d'impact environnemental positif de l'organisation augmentent. Elles incluent l'écoute des préoccupations des intervenants dans leurs méthodes et pratiques officielles.
5.22 Pour améliorer la gérance environnementale, ces entreprises appliquent une approche de gestion du cycle de vie pour leurs produits et leurs activités. Leur objectif est de maximiser la valeur des produits créés et de minimiser l'utilisation des ressources et la production de déchets. La gérance sociale se révèle un défi plus complexe. Les entreprises ne font que commencer à se pencher sur des questions comme les pratiques applicables dans les pays en voie d'industrialisation et les impacts de leurs activités et techniques dans des économies qui sont de moins en moins confinées géographiquement et de plus en plus interdépendantes.
5.24 Dans les années 70, l'accent a été mis sur la protection de l'environnement . Le gouvernement du Canada a créé le ministère de l'Environnement en 1971 pour offrir un point de convergence des efforts à cet égard, au niveau fédéral. Des mesures législatives importantes ont été adoptées, comme des modifications à la Loi sur les pêches (1970), la Loi sur les ressources en eau du Canada (1970) et la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique (1971).
5.25 Au début des années 80, on a commencé à effectuer des évaluations environnementales des projets dans le cadre du Processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement (PEEE), qui a été établi plus officiellement au milieu des années 80 avec l'adoption du Décret sur les lignes directrices visant le PEEE . Ce décret exigeait l'évaluation des incidences environnementales des projets auxquels participait le gouvernement fédéral. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement a été adoptée en 1988. Elle autorise la prise de règlements de protection de l'environnement applicables aux ouvrages et activités du fédéral et au territoire domanial.
5.26 La gestion de l'environnement a commencé dans les années 80. En 1986, la Défense nationale a entrepris des études de base sur ses installations; en 1989, Transports Canada a élaboré des plans de gestion de l'environnement pour ses aéroports. Dans les années 90, de nombreux ministères ont entrepris d'établir des systèmes de gestion de l'environnement.
5.27 En 1990, le Plan vert du Canada a établi un cadre de politiques et de programmes pour protéger l'environnement dans l'optique du développement durable. Il a appliqué le concept de la gérance environnementale aux ministères et aux organismes fédéraux, qui ont commencé ensuite à examiner les répercussions environnementales des lois, des politiques et des programmes en vigueur.
5.28 En 1997, pour la première fois, les ministères et les organismes ont été tenus de préparer une stratégie de développement durable . (Un rapport à ce sujet est présenté au chapitre 1 .) Le commissaire à l'environnement et au développement durable suivra la mise en oeuvre des stratégies et évaluera leur efficacité.
5.30 Les choix ne sont pas indépendants ou isolés. Les organisations ont à prendre de nombreuses décisions environnementales, sociales et économiques en même temps. Il n'est pas rare que, tout en prenant des mesures pour se conformer à la loi et aux règlements, elles élaborent un système de gestion de l'environnement et explorent les conséquences plus vastes du développement durable.
5.31 Par exemple, la société Volvo veut établir un système de gestion de l'environnement dans 40 de ses installations d'ici 1998. Elle veut aussi adopter l'évaluation du cycle de vie comme outil de décision dans au moins dix projets de développement l'année suivante. Elle s'est donné le défi de définir et de développer la « mobilité durable » comme une façon de répondre aux besoins de transport des personnes et des biens par des systèmes de transport conçus en fonction des utilisateurs, sécuritaires, sûrs, écologiques et rentables.
5.32 Les organisations ne progressent pas nécessairement de manière séquentielle. Elles réagissent à la fois aux pressions de la concurrence, aux changements technologiques, aux nouvelles exigences réglementaires, aux demandes des clients, à l'évolution des valeurs sociales, à un leadership fort et aux prévisions.
5.33 Lorsque SJ Rail a entrepris son plan de réforme en 1988, sa vision était de créer un système durable de transport ferroviaire pour voyageurs et marchandises. Elle a élaboré sa vision de la durabilité en tant que priorité organisationnelle de sa réforme et en tant que base d'un nouveau système ferroviaire qui pourrait jouer un rôle clé pour la préservation de la qualité de l'environnement et de la « durabilité » de la compétitivité nationale de la Suède.
5.34 Les organisations qui progressent par étapes ont tendance à concentrer leur attention successivement sur les coûts, l'innovation et le renouvellement. Au début, les entreprises peuvent essayer de réduire les coûts. Ensuite, elles gèrent les risques et cherchent à améliorer de façon continue la productivité et l'efficience. Dans certains cas, elles parviennent à des niveaux supérieurs de performance par l'innovation et le renouvellement de l'organisation.
5.35 Nortel est passée d'une approche axée sur la conformité aux règlements à une approche environnementale proactive à la suite de son expérience avec les CFC (chlorofluorocarbures). La société y a vu un net avantage commercial : la possibilité d'améliorer son image et de se faire reconnaître internationalement comme un chef de file en matière de gestion de l'environnement. L'une des plus importantes leçons de l'élimination des CFC a été qu'on pouvait tirer des avantages imprévus en revoyant toute la chaîne des opérations (approvisionnement en matières premières, procédés de fabrication, utilisation des produits et gestion des déchets).
5.36 Les organisations reconnaissent les avantages de comprendre l'interconnexion des systèmes. L'évolution vers le développement durable fait passer l'attention des opérations aux produits ou aux services, avec prise en compte des impacts, des contraintes et des besoins sociaux et environnementaux plus larges. Beaucoup d'entreprises en viennent à penser moins en fonction des produits qu'elles fournissent et plus en fonction des services qu'apportent leurs produits.
5.37 Nous avons trouvé un exemple intéressant de cette évolution chez Interface Flooring, une société américaine qui connaît une expansion rapide. Son programme « Evergreen » fournit aux clients des services de revêtement de sol (propriétés acoustiques et esthétiques), mais Interface reste propriétaire et responsable du produit, de sa fabrication à son enlèvement et ultimement, à son recyclage dans un nouveau produit.
5.38 TransAlta et d'autres entreprises d'électricité fournissent des services de gestion de la demande. Ces services aident les clients à réduire la demande d'électricité. En baissant la production requise, on diminue les effets potentiellement négatifs sur l'environnement.
5.39 Dans les organisations du secteur public qui sont responsables de politiques, l'accent est passé de l'incidence d'activités particulières (la production de déchets, par exemple) à de grands thèmes, pour élaborer des politiques plus intégrées.
5.40 Le Plan national de politique écologique des Pays-Bas a comme but ambitieux de conduire les Pays-Bas au développement durable en une génération. Alors qu'autrefois on ciblait des composantes particulières de l'environnement (air, eau et sol) et des secteurs industriels précis, on concentre maintenant l'attention sur des « thèmes » clés, comme la gestion des ressources, l'acidification, les matières dangereuses et les changements climatiques. Des groupes cibles ont été chargés de chercher des solutions. En outre, les décideurs ont commencé à penser à des solutions qui visent les sources ou les causes de la pollution ou encore l'amélioration de la qualité de l'environnement.
5.42 Ces organisations élargissent les horizons temporels et l'éventail des points de vue et des options considérés dans leurs décisions. Elles établissent une vision de ce que signifie pour elles le développement durable. À cet égard, notamment, elles précisent leurs buts à long terme de même que les valeurs et les principes qu'elles se donnent.
5.43 La vision est beaucoup plus qu'un « grand but » ou qu'une « représentation idéalisée de l'avenir ». Elle définit le contexte commun de travail. Elle fournit un cadre et des lignes directrices pour stimuler l'action. Disposer d'un modèle mental commun est précurseur de progrès en matière de développement durable. Bien que l'objectif initial puisse être de définir le développement durable, la haute direction découvre que la discussion élargit la question et la définition de ce que fait l'organisation.
5.44 Le Centre d'évaluation de la technologie est une fondation publique créée pour guider l'État industriel allemand de Baden-Württemberg vers le développement durable. Il cherche à franchir cinq grandes étapes auxquelles se rattachent des outils politiques particuliers, à savoir :
5.46 Nortel s'intéresse à la responsabilité sociale des pays en voie d'industrialisation dans le contexte de l'industrie des télécommunications (en particulier, l'incidence sur l'éducation, les soins de santé et le développement économique).
5.47 À Volvo, la question « quel est notre objectif? » est passée du niveau opérationnel (éliminer les CFC et les substances toxiques du procédé de fabrication) au niveau stratégique pour devenir « quel devrait être notre objectif? » (mettre au point des autos recyclables, offrir des véhicules ou des systèmes de transport efficaces, ou développer « la mobilité durable »).
5.49 La planification traditionnelle, contrairement à l'élaboration de scénarios, se rapproche davantage de la prévision. Les prévisionnistes font des extrapolations à partir du passé; ils s'appuient sur les caractéristiques observées d'événements antérieurs pour établir des projections. Les prévisions sont donc sensibles aux changements très probables, mais imprévisibles, dans ces caractéristiques.
5.50 Les scénarios permettent de considérer des cadres temporels plus longs et un plus large éventail de données pour l'élaboration des stratégies de développement durable. Les organisations utilisent des scénarios pour vérifier la résilience des choix stratégiques en fonction d'un éventail de conditions futures possibles. De nombreuses discussions sur le développement durable portent sur les risques liés au manque d'information et aux conséquences imprévisibles. Les scénarios aident les décideurs qui testent divers modèles mentaux à éviter d'interpréter les nouvelles données en fonction d'anciennes convictions.
5.51 L'élaboration de scénarios influence la construction de nouvelles cartes mentales. Les menaces, les possibilités et les nouvelles options que relèvent les participants élargissent la « conversation stratégique ». Cela entraîne généralement un processus de planification où l'on commence par évaluer les plans existants en fonction des résultats possibles et des nouvelles interventions proposées. Le cadre de prise de décisions devient plus robuste.
5.52 Il existe de nombreux exemples d'application réussie de scénarios. Récemment, plus de 30 membres du World Business Council for Sustainable Development ont participé à un projet de scénario mondial. L'objectif était d'aider les participants à prendre en considération un certain nombre de voies plausibles de développement durable et d'en examiner l'incidence sur leur entreprise.
5.53 Les Pays-Bas ont élaboré des scénarios des émissions et des coûts afin de mieux comprendre les réductions des émissions et des rejets que commande le développement durable. Dans un cas particulier, les scénarios ont indiqué une augmentation potentielle du PIB dans des comparaisons avec d'autres politiques économiques possibles, plus traditionnelles. Ce travail a servi à la planification stratégique du premier plan national de politique écologique de ce pays.
5.54 À la Commission européenne, un organe consultatif est chargé d'examiner des scénarios possibles pour une Europe durable en l'an 2020. Ce travail comporte cinq objectifs :
5.57 Les organisations qui vont puiser dans l'immense réservoir externe des connaissances en tirent de nombreux avantages :
5.59 TransAlta invite ses clients et des représentants de groupes environnementaux à donner leur avis sur ses projets importants. Par le passé, ces groupes ont proposé des solutions qui lui ont permis de réduire les incidences environnementales et les coûts de ses activités.
5.61 La haute direction joue un rôle clé. Tous les modèles de système de gestion de l'environnement font ressortir la nécessité d'avoir l'adhésion et l'appui de la haute direction. Cela est encore plus essentiel dans le cas du développement durable étant donné le changement exigé. L'appui de la haute direction signale l'engagement de l'organisation. C'est un point à faire valoir dans les communications et les efforts pour renforcer les changements stratégiques. Dans les organisations que nous avons étudiées, nous avons constaté l'engagement du directeur général, du ministre ou du conseil de direction; cet engagement se traduisait par leur participation active à la conception et à la promotion de la stratégie de développement durable de leur organisation.
5.62 Dans des organisations du secteur privé, l'engagement est renforcé par la désignation d'un cadre supérieur comme responsable direct de la stratégie de protection de l'environnement et du développement durable. À TransAlta et à Nortel, ce cadre supérieur est un vice-président. Il a la responsabilité générale de veiller à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la stratégie de protection de l'environnement et du développement durable, ainsi que des systèmes de gestion à l'appui.
5.63 Obtenir la participation et l'appui de toute l'organisation. Pour parvenir au développement durable, il faut la participation et l'appui actif de tout le personnel. On gagne en mettant à profit la créativité des employés dans la recherche de l'innovation à tous les niveaux de l'organisation. Pour ce faire, on peut, entre autres :
5.65 À TransAlta, une fonction centrale est en place pour parrainer la stratégie. Des personnes de diverses unités sont invitées au sein du groupe central pour y être formées et accroître leur engagement. Lorsqu'elles retournent dans leur unité, ces personnes sont davantage conscientisées et deviennent les défenseurs de la stratégie dans leur service.
5.66 SJ Rail a élaboré sa stratégie de développement durable avec la collaboration active du syndicat des employés. Elle a nommé des membres de celui-ci au sein de son conseil d'administration et a collaboré avec lui à un programme conjoint visant à améliorer le rendement et à rehausser le moral des employés. Elle lui a donné accès aux données financières pour obtenir sa collaboration à la solution des problèmes et faire progresser sa vision de la durabilité des transports ferroviaires. Les cadres intermédiaires et les superviseurs ont bénéficié de programmes de perfectionnement. Un programme de formation de cinq jours a été offert pour appuyer le nouveau style de gestion plus ouvert et axé sur la coopération.
5.68 La sensibilisation et la formation aident les organisations à mieux comprendre les problèmes, à définir les principes qu'elles entendent appliquer, à établir des cadres et des modèles conceptuels et à acquérir des compétences utiles au développement durable.
5.69 Volvo a sensibilisé et formé plus de 40 000 employés, fournisseurs et concessionnaires en ce qui touche la nature, son fonctionnement, les conditions essentielles à la vie, les problèmes importants de l'environnement à régler (changements climatiques, appauvrissement de la couche d'ozone et perte de la biodiversité, entre autres), les aspects et les impacts environnementaux de l'énergie et des transports, ainsi que ses propres objectifs et programmes en matière d'environnement. En outre, elle a sensibilisé à l'environnement quelque 350 personnes travaillant pour près de 60 fournisseurs européens et leur a fourni des attentes claires de performance sur plusieurs points : établissement d'un système de gestion de l'environnement; échange de données pour les évaluations de cycles de vie; « listes noires et grises » de produits chimiques; méthodes optimisées pour la manutention des déchets et l'emballage; et recyclabilité des matériaux.
5.70 TransAlta a donné à ses employés beaucoup de formation dans le cadre de l'« Initiative d'écocivisme » d'Environnement Canada. En outre, elle a fait appel à un institut externe à but non lucratif pour faire suivre à tous ses employés un programme d'immersion de quatre jours sur l'environnement et les outils et les activités qui s'y rapportent. Il en a découlé une adhésion rapide à sa stratégie et une bonne compréhension générale des problèmes et des pressions qui touchent l'environnement. Les employés ont appliqué les compétences acquises non seulement dans leur milieu de travail mais aussi dans leur communauté, ce qui leur a permis d'être encore plus sensibles aux préoccupations et aux problèmes locaux.
5.71 À Sony, un vaste processus est en place pour sensibiliser les 160 000 employés aux problèmes de l'environnement : cours de gestion qui comprennent des ateliers sur la gestion de l'environnement et qui traitent de la conception et de la mise au point de produits écologiques; programmes à l'intention des gestionnaires sur le rôle de l'entreprise face aux problèmes environnementaux; programmes d'orientation générale à l'intention des nouveaux employés, où il est question de la responsabilité sociale, des problèmes environnementaux et des activités de Sony dans l'optique de l'environnement; séminaires à l'intention des techniciens nouvellement engagés; cours spécialisés pour les gestionnaires des affaires environnementales; cours par correspondance.
5.72 Dans le cas du Plan national de politique écologique des Pays-Bas, l'une des clés du succès de l'application de la stratégie a été l'établissement d'un programme de formation pour 400 fonctionnaires. Ce programme, donné par le Massachusetts Institute of Technology (MIT), enseignait aux cadres supérieurs à devenir formateurs et comportait des exercices de simulation de problèmes d'application possibles.
5.75 TransAlta a établi d'excellentes pratiques internes en matière d'information et de communication, qui s'étendent au développement durable : rapports sur les méthodes; Sustainable Development Dashboard , bulletin trimestriel produit à l'intention de la direction et des autres employés.
5.76 Une des étapes clés de la création du Plan national de politique écologique des Pays-Bas a été l'élaboration et la diffusion d'une « histoire crédible » sur le développement durable. Après les analyses scientifiques et économiques, on a lancé une campagne de sensibilisation du public (messages publicitaires, annonces dans des journaux et des revues) dont le slogan était « l'amélioration de l'environnement commence chez soi » et qui a comporté la diffusion à la télévision néerlandaise de messages produits avec le concours de vedettes sportives. On a d'abord fait valoir l'importance de l'environnement, puis on a proposé des moyens de l'améliorer. Cette deuxième étape, axée sur l'action, a souvent été coordonnée avec des mesures précises sur le plan politique (comme le lancement de programmes de recyclage).
5.77 À partir de son plan stratégique, SJ Rail a choisi cent points qu'elle s'est engagée à améliorer dans un délai de trois ans. Elle en a fait la promesse à toute la population suédoise. Par des encarts dans les journaux, elle a fait connaître les buts et les échéances fixés, ainsi que les noms des gestionnaires responsables et leurs plans et cibles précis de mise en oeuvre. Des campagnes de publicité indiquant les cibles et les échéances ont été ensuite menées dans les trains ainsi que dans toute la Suède, et, au fur et à mesure que les projets se terminaient, la réussite était signalée par un gros crochet rouge dans une case prévue à cet effet. À la fin de la première année, 36 projets étaient terminés, tous dans les délais fixés, et le crochet rouge en assurait la reconnaissance par le public.
5.79 Les objectifs à long terme indiquent un engagement et précisent l'orientation et l'ampleur du changement prévu. Ils établissent un cadre stable pour la planification et l'action de chacun.
5.80 Le Plan national de politique écologique des Pays-Bas vise à parvenir au développement durable en une génération. On a établi des objectifs à long terme, à échéance de 20 ans, comme réduire les émissions de SO2 (anhydride sulfureux) de 70 p. 100. On a ensuite négocié des plans d'action avec les gouvernements locaux et les principaux groupes cibles (secteurs industriels et autres groupes responsables de trouver des solutions).Vus comme des engagements, ces plans établissent des buts clairs à moyen terme (cinq à dix ans) et laissent beaucoup de souplesse pour les atteindre.
5.81 Beaucoup d'organisations établissent des buts « éloignés » ambitieux. Même si la façon de les atteindre n'est pas précisée, leur intention est de stimuler l'innovation, d'inspirer le personnel pour qu'il sorte des sentiers battus et de montrer un engagement clair.
5.82 Sony s'est fixé des buts comme accroître le recyclage de 50 p. 100 pour l'an 2000, éliminer la mise en décharge de déchets pour 2010 et recycler tout le papier et utiliser seulement du papier recyclé pour l'an 2000.
5.83 Nortel s'est notamment donné les buts suivants : réduire de 50 p. 100 les rejets de polluants et la quantité de déchets solides mis en décharge pour l'an 2000; et réduire de 30 p. 100 les achats de papier. Elle suit les progrès accomplis et en rend compte annuellement.
5.84 Ces objectifs et buts s'accompagnent de cibles claires, précises et connues au sujet des améliorations à apporter. Ces cibles sont nécessaires pour suivre et examiner les progrès et apporter des améliorations de façon continue.
5.86 SJ Rail fait collaborer tous ses gestionnaires à la définition des facteurs clés de succès, à l'établissement d'indicateurs mesurables, à la spécification des rapports à produire et au raccordement des éléments du plan d'action à des activités de suivi. Dans tous les cas, la clé est de combiner à des buts précis des mesures explicites. SJ Rail veut que tous les employés soient informés des indicateurs et des ratios de leur unité de travail et sachent comment les indicateurs sont reliés entre eux et comment les efforts de chacun contribuent à l'atteinte des objectifs.
5.87 Volvo a établi des objectifs et des buts clairs et mesurables pour toute l'entreprise et chaque secteur d'activité. Elle croit à l'adage « ce qui est mesuré est réalisé », et elle a élaboré un processus systématique pour évaluer les progrès par rapport aux buts fixés. Les objectifs et les résultats concernant l'environnement font l'objet d'un suivi et de rapports dans le cadre d'un processus traditionnel de planification stratégique. En outre, Volvo produit annuellement un rapport sur l'environnement qui connaît une large diffusion. L'objectif est de stimuler des améliorations continues.
5.88 E.B. Eddy a publié son troisième rapport d'avancement sur le développement durable en décembre 1996. Les trois rapports montrent clairement une progression dans l'information communiquée à cet égard.
5.90 Plus particulièrement, ces organisations formulent une vision à long terme et énoncent les valeurs et les principes qui les guideront dans leur marche vers le développement durable. Elles réfléchissent non seulement à ce qu'elles veulent changer par rapport à ce qu'elles étaient auparavant mais aussi à la façon dont elles veulent se distinguer d'autres organisations. Elles développent de nouvelles perceptions d'elles-mêmes et aussi de leurs politiques, de leurs produits et de leurs services.
5.91 Nos études de cas révèlent que ces organisations cherchent continuellement à cerner et à comprendre les pressions actuelles et futures. Elles définissent et atténuent les risques en se servant d'outils de décision comme les scénarios qui permettent d'élargir l'éventail des aspects à prendre en considération et l'horizon temporel; elles mettent à profit les sources externes de connaissances pour compléter leurs propres ressources; elles établissent de nouvelles relations pour comprendre les défis et les possibilités et pour y répondre.
5.92 Afin que les nouvelles façons de penser se traduisent en nouvelles façons d'agir, il faut accroître l'engagement et les compétences au sein de l'organisation. L'appui de la haute direction est essentiel, mais il ne suffit pas. Tout le personnel de l'organisation doit prendre part à l'élaboration et à l'application des choix stratégiques. La sensibilisation et la communication sont des moyens à utiliser dès le départ pour conscientiser le personnel, accroître la base de connaissances et développer la capacité de l'organisation de découvrir et d'appliquer de nouvelles façons d'agir. L'organisation définit des objectifs, des buts et des cibles clairs et mesurables à court, moyen et long terme. Elle a des processus de gestion de la performance pour suivre, examiner et corriger la mise en oeuvre.
5.93 Ensemble, ces activités forment un processus itératif de gestion. Il ne convient pas de leur donner un rang, car elles sont toutes nécessaires. Elles ne s'inscrivent pas dans une hiérarchie; elles dépendent plutôt les unes des autres, tout en étant reliées. Elles sont toutes importantes pour l'élaboration et la mise en oeuvre réussies d'une stratégie. Un aspect clé de ce processus itératif est la circulation d'information entre les activités pour favoriser l'apprentissage et l'amélioration continus dans toute l'organisation.
5.94 Le développement durable demande de nouvelles façons de penser et d'agir. C'est un processus de changement guidé par la nécessité de mieux intégrer les perspectives économiques, environnementales et sociales dans la prise de décisions. La marche vers le développement durable comporte plusieurs étapes qui sont franchies à la lumière de nouvelles connaissances, en mettant à profit de nouvelles compétences et l'innovation, et qui conduit à la réduction des incidences négatives sur l'environnement et à une plus grande responsabilité sociale.
5.95 Les organisations que nous avons étudiées utilisent une approche globale pour élaborer et instaurer une stratégie qui permet de tirer parti des possibilités et des avantages associés à la recherche du développement durable. Les ministères et les organismes fédéraux peuvent s'inspirer de ces exemples et d'autres exemples pour élaborer et mettre en oeuvre leur propre stratégie de développement durable.
Jacques Grou
Susan Mojgani
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