14.7 Régler des revendications territoriales globales, c'est négocier et mettre en oeuvre des traités modernes complexes. Selon le Ministère, les règlements territoriaux sont une sorte de tremplin pour l'accession à l'autonomie gouvernementale des Premières nations et peuvent être accompagnés ou suivis d'ententes en ce sens.
14.8 Le transfert des droits de propriété sur de vastes territoires et des droits d'accès à ceux-ci avec certaines des ressources qu'ils recèlent, et le paiement de sommes importantes aux collectivités autochtones sont d'ordinaire les principaux éléments d'un règlement territorial. Au nombre des avantages dont bénéficient les requérants, mentionnons la participation à la gestion des ressources (eau, faune, sous-sol, intérêts extracôtiers, etc.) et le partage des recettes et des ressources.
14.9 Le gouvernement croit notamment que les règlements négociés évitent les contestations judiciaires à son égard et lèvent ainsi les ambiguïtés juridiques liées aux concepts de droits ancestraux en common law. D'après lui, un règlement substitue à des droits indéfinis les droits institués expressément par des ententes.
14.11 En juillet 1997, 12 revendications, dont six regroupées qui émanaient de 14 Premières nations, avaient été réglées. Elles concernaient 48 000 Autochtones et prévoyaient la propriété exclusive de plus d'un demi-million de kilomètres carrés de terres, des indemnités totales de 1,8 milliard de dollars et d'autres éléments. On trouvera les détails à la pièce 14.1 . La mise en oeuvre de ces ententes se poursuit et les paiements se feront jusqu'en l'an 2012 au moins. Le Ministère prévoit dépenser 262 millions de dollars en 1998-1999 pour les revendications globales, bien qu'il n'indique pas clairement dans le Budget des dépenses qu'il soumet au Parlement les montants à prévoir pour la négociation et la mise en oeuvre des ententes, et les paiements à verser en vertu de celles-ci.
14.12 En juin 1998, il y avait 70 revendications à divers stades des négociations ou des discussions préalables ou à l'étape des déclarations acceptées d'intention de négocier, soit 52 en Colombie-Britannique et 18 ailleurs au pays. Cent vingt-trois bandes avaient signifié leur intention de suivre le processus institué par la Commission des traités de la Colombie-Britannique.
14.13 À l'été de 1998, on en était aux dernières étapes de la conclusion d'un traité avec les Nisga'a de Colombie-Britannique, dont les négociations n'ont pas été menées dans le cadre du processus de la Commission des traités de cette province. Comme le traité était sur le point d'être signé au moment de notre vérification, nous n'avons pas examiné la façon dont il a été négocié ni les résultats obtenus.
14.15 Pour en arriver à un règlement final, il faut parfois compter plus de 20 ans, en partie à cause du nombre de parties et de la complexité des dossiers. De plus, la motivation et les stratégies de négociation des parties peuvent directement influer sur la rapidité, le coût et la teneur des règlements.
14.16 Bien que les affaires autochtones et les questions concernant les réserves indiennes relèvent de la compétence du Parlement du Canada, celui-ci a besoin des autorités provinciales et territoriales pour régler des revendications portant sur certaines terres relevant de leur compétence. Ainsi, la Commission des traités de la Colombie-Britannique, établie par le gouvernement du Canada, le gouvernement provincial et le Sommet des Premières nations, coordonne le processus de négociation de la plupart des traités dans cette province.
14.17 Le processus des revendications à l'extérieur de la Colombie-Britannique (voir la pièce 14.2 ) commence par des travaux de recherche entourant la revendication et par sa présentation par un ou plusieurs groupes. Suivent une confirmation par le gouvernement et des négociations de règlement. À titre de ministère responsable, Affaires indiennes et du Nord Canada représente les autorités fédérales. Le ministère de la Justice et d'autres ministères fédéraux participent, s'il y a lieu.
14.18 Des équipes secondées de divers groupes ou comités de travail se chargent des négociations de règlement. Les principaux jalons du processus de revendication englobent les négociations des documents suivants : entente-cadre sur le champ de négociation, entente de principe, qui établit notamment le volet financier et la superficie des terres revendiquées, entente finale et mise en oeuvre du règlement. Les mandats de négociation qui sont approuvés par le Cabinet et l'intervention du législateur attestent de l'importance des revendications territoriales.
14.20 Voici ce que disent les objectifs de la Politique :
Les ententes de règlement visent à fournir une certitude et une précision quant aux droits de propriété et d'utilisation des terres et des ressources dans les régions du Canada où les titres ancestraux n'ont pas été réglés par traité ni annulés légalement. Les ententes finales doivent donc servir à établir une certitude et des prévisions relativement à l'utilisation et à la disposition des terres touchées par les règlements. En ce qui concerne les droits de propriété et l'application des lois, le caractère de certitude sera établi lorsque l'entente entrera en vigueur.14.21 Les ententes de règlement comportent des dispositions de cession de certains droits ancestraux. Ainsi, une entente finale de 1993 dit que la Première nation en cause et le peuple qu'elle représente en droit cèdent à Sa Majesté tous leurs droits, titres et intérêts sur les terres non visées par ce règlement et toutes les autres terres et eaux au Canada, sauf certaines exceptions. Le gouvernement y voit une façon de lever l'incertitude qu'il considère comme nuisible au développement économique.
14.22 On continue d'exercer des pressions afin de déterminer si le processus des revendications et la Politique à cet égard sont toujours pertinents. Un exemple digne de mention est l'affaire Delgamuukw où 58 000 kilomètres carrés de territoire du nord-ouest de la Colombie-Britannique étaient revendiqués. Présentée en 1984, cette cause a été tranchée par la Cour suprême du Canada en décembre 1997.
14.23 La Cour suprême n'a pas statué sur les terres revendiquées. Cependant, elle a mieux défini l'étendue des droits et des titres ancestraux connexes et déclaré que les témoignages verbaux sur la recevabilité de la revendication auraient dû être plus largement acceptés par les tribunaux. La Cour a également statué qu'un nouveau procès devrait avoir lieu s'il était impossible d'en arriver à un règlement négocié. Les groupes autochtones ont considéré cette décision comme favorable à leurs intérêts, et le gouvernement a indiqué pour sa part qu'il en examinerait les conséquences avec les parties.
14.25 Nous avons constaté que, dans le cas des revendications réglées, le gouvernement fédéral avait contrôlé en grande partie le mode de règlement. Il avait déterminé quels critères d'acceptation des revendications seraient appliqués et combien d'argent recevraient les requérants pour la recherche et les négociations. De plus, la Politique du gouvernement établissait le cadre pour la conclusion et la mise en oeuvre des ententes.
14.26 Dans la poursuite de ses objectifs, le gouvernement doit représenter de façon équitable tous les Canadiens, qui sont liés en définitive par les ententes conclues. Parallèlement, le gouvernement a, à l'égard des Premières nations, certaines responsabilités et obligations qui ne s'appliquent pas aux autres Canadiens en général. Comme il est difficile d'équilibrer ces divers intérêts dans le règlement de revendications territoriales, ce serait peut-être faire preuve d'optimisme que de s'attendre à ce que toutes les parties jugent que la démarche et son issue sont équitables.
14.29 Nous avons constaté que les ententes de règlement portent, entre autres choses, sur la propriété des terres. On peut voir l'importance des règlements de revendications territoriales pour les Autochtones et le gouvernement par le champ d'application d'une entente existante « mûre », où les responsabilités énoncées représentent tout un défi (voir la pièce 14.3 ).
14.30 Nous convenons que les parties ne voient pas toutes de la même façon ce qu'est une certitude. Sans une interprétation commune, il est plus difficile de déterminer précisément ce qu'on obtient par un règlement négocié. Il y a le risque que les parties puissent s'être entendues sur des résultats après négociation, mais qu'elles gardent des vues et des attentes différentes concernant les avantages et les obligations énoncés dans l'entente signée.
14.31 À notre avis, les parties doivent considérer qu'une interprétation strictement technique ou juridique de la certitude peut ne pas suffire si elles désirent conclure et mettre en oeuvre en harmonie des ententes de règlement.
14.32 Après l'examen en 1981 de sa politique, le Ministère a remarqué que les groupes autochtones demeuraient insatisfaits de la Politique. Les requérants s'opposaient en particulier à une politique qui, à leurs yeux, tentait d'éliminer les droits ancestraux en échange des avantages précis prévus par une entente de règlement.
14.33 Malgré ces préoccupations, les ententes de règlement comportent toujours des clauses d'extinction ou de cession de droits autochtones de chasse, de pêche et de piégeage. Les groupes autochtones continuent à affirmer leurs droits, animés de la conviction que ces clauses leur font perdre leur identité, leurs croyances et leur mode de vie. Nous ne jugeons pas ici du bien-fondé de ces affirmations, mais nous notons que la certitude peut être mise en cause dans la pratique. Par exemple, la confiance des investisseurs dans les secteurs d'activités peut être ébranlée.
14.34 Qui plus est, la certitude et les autres avantages recherchés dépendent non seulement de l'unanimité des intentions, mais aussi des événements postérieurs aux règlements, parce que les ententes renferment souvent des centaines de pages de modalités qui sont susceptibles de recevoir des interprétations différentes des nombreuses parties après leur signature.
14.35 De plus, même s'il y a consensus sur l'interprétation de l'entente, une mise en oeuvre satisfaisante de cette dernière par toutes les parties est primordiale afin de favoriser l'efficacité des relations, essentielle au succès de l'entreprise.
14.36 Si une mise en oeuvre de bonne foi peut avoir tout d'une attente normale, nous avons cependant relevé des poursuites intentées contre l'État fondées sur des allégations de défauts de mise en oeuvre et de conflits sur l'interprétation des ententes. À la section portant sur les différends en matière de mise en oeuvre, nous parlerons de ces contestations plus en détail.
14.37 Il peut survenir des poursuites contre le gouvernement dans diverses circonstances qui, parfois, n'ont rien à voir avec les revendications territoriales globales. Néanmoins, les poursuites peuvent compromettre l'établissement d'une certitude par des ententes négociées.
14.38 En 1994, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a commandé une grande étude sur les questions de cession de droits et d'obtention de certitude qui influent sur la négociation d'ententes de règlement de revendications territoriales. Le juriste de haut rang à qui on a confié cette étude a produit son rapport en 1995. Au nombre de ses abondantes observations sur la question de la certitude, il a dit qu'il y avait certitude lorsque les deux parties étaient satisfaites du résultat. Diverses observations faites dans le cadre de cette étude sont énumérées à la pièce 14.4 .
14.39 Ce rapport souligne que tout traité doit comporter une reconnaissance expresse des droits des Autochtones. L'auteur conclut que l'on peut obtenir une certitude sans les clauses sur la cession des droits contenues dans les récentes ententes de règlement.
14.40 Le Ministère confirme qu'il entend étudier des méthodes autres que celle de la renonciation aux droits et titres ancestraux par mesure de cession ou d'extinction. Ces méthodes devraient offrir des garanties de clarté, de stabilité et de certitude par la voie des revendications territoriales globales, et devraient être appuyées par les gouvernements fédéral et provinciaux, les Premières nations et la population.
14.42 Le Ministère nous a fourni quatre rapports d'étude sur les revendications territoriales et les intérêts économiques présentés en 1990 (deux rapports), 1995 et 1996. Ils portent sur la Colombie-Britannique où aucune entente finale n'a encore été conclue. Dans un rapport, on essaie d'attribuer une valeur économique à l'incertitude. On examine le coût du non-règlement des revendications territoriales dans certains secteurs économiques de la province. Dans les autres, on expose les vues de certaines tierces parties et l'on décrit les avantages éventuels de règlements des revendications.
14.43 Le Ministère n'a pas consacré d'études aux avantages des règlements négociés du milieu des années 70 jusqu'à la fin des années 80 dans le Grand Nord et ailleurs au Canada. Nous ne croyons donc pas qu'il se soit suffisamment efforcé de montrer les avantages prévus en ce qui concerne les retombées économiques d'ententes négociées.
14.45 Notre conclusion générale est que l'établissement d'une certitude par de telles ententes est difficile dans la pratique.
14.46 Pour favoriser l'établissement d'une certitude, Affaires indiennes et du Nord Canada devrait continuer à tenter de répondre aux attentes différentes des parties quant aux droits et à la capacité de mise en oeuvre des règlements.
14.48 Le Ministère examine les répercussions éventuelles de la décision de décembre 1997 de la Cour suprême dans l'affaire Delgamuukw sur la Politique actuelle des revendications et le mode de règlement adopté.
14.50 Les négociations mènent à un règlement de revendications territoriales qui comporte habituellement une redistribution de biens importants (terres, argent, recettes d'exploitation des ressources, etc.) auparavant détenus par l'État au nom de tous les Canadiens.
14.51 Affaires indiennes et du Nord Canada doit disposer d'une information suffisante et utiliser une méthode convenable pour établir la nature et la valeur des biens à inclure dans un règlement final. Ainsi, il importe à nos yeux que le Ministère utilise de l'information sur l'existence de ressources du sol et du sous-sol et leur valeur éventuelle. On s'attendrait aussi à ce qu'il tienne bien compte d'autres méthodes possibles. Cependant, le Ministère n'a pas toujours fait preuve d'assez de rigueur dans de tels exercices.
14.52 Nous avons relevé des questions ou des préoccupations au sein du Ministère au sujet de la façon de régler les revendications. Ainsi, dans un certain nombre de règlements, le Ministère ne disposait pas d'études sur les terres revendiquées, qu'il aurait pu considérer comme fiables. De plus, les répartitions des terres ne tenaient pas compte de leur incidence et les décisions de partage de redevances d'exploitation de ressources naturelles se prenaient sans données détaillées sur le potentiel de telles ressources.
14.54 Ainsi, nous avons constaté un cas où le ministère de la Justice avait signalé qu'un certain nombre de questions n'étaient pas résolues six mois avant la date de signature de l'entente. Selon celui-ci, les questions ne pouvaient être réglées à l'étape de l'examen juridique à cause de désaccords entre les requérants et le gouvernement et entre lui-même et les négociateurs fédéraux, du peu de temps dont on semblait disposer pour en venir à une entente finale, et du désir de s'aligner sur les règlements antérieurs des revendications territoriales.
14.55 Le ministère de la Justice a fait en outre observer que, s'il ne s'était pas opposé pour autant à la ratification de l'entente par le gouvernement, il croyait tout de même que l'entente finale imminente n'était pas aussi claire qu'elle aurait dû l'être. Nous avons pu constater que, environ deux ans après sa signature, la partie requérante avait intenté une poursuite en justice contre le gouvernement à cause d'une de ces importantes questions en suspens. Lors de notre vérification, la cause était toujours devant les tribunaux.
14.56 Nous n'avons pas été en mesure d'établir si ce cas était isolé ou si on règle couramment et adéquatement les autres questions soulevées par le ministère de la Justice avant de conclure des ententes de règlement. Affaires indiennes et du Nord Canada nous a cependant informés qu'il n'appuierait pas une proposition de règlement si le ministère de la Justice y trouvait d'importantes questions demeurées en suspens.
14.57 Nous avons également remarqué qu'Affaires indiennes et du Nord Canada ne demande pas d'évaluation globale du ministère de la Justice sur l'entente finale avant qu'elle ne soit signée. À notre avis, de telles évaluations sont nécessaires pour que les parties fédérales puissent assurer une meilleure reddition de comptes et pour réduire les risques d'interprétation malencontreuse des modalités des ententes.
14.59 À la suite de poursuites intentées par des Premières nations et d'événements liés en 1972, des négociations se sont engagées en 1973 en vue du règlement de deux dossiers de revendications. Des ententes ont été signées en 1975. Ce sont les premiers règlements négociés de revendications territoriales globales de l'ère moderne, et ce sont ceux qui ont exigé le moins de temps pour en arriver à une entente finale. On trouvera à la pièce 14.6 des exemples d'autres délais de règlement.
14.60 Comme l'indique cette pièce, il a fallu de six à 24 ans après l'acceptation de revendications (en vue de la négociation) pour établir dix ententes sur 12 (la plupart ont demandé plus de 14 ans). Ajoutons qu'il faudra plus de 24 ans pour régler les revendications de huit Premières nations. Enfin, trois autres dossiers acceptés en négociation dans les années 70 ne sont toujours pas réglés.
14.61 En 1986, le Ministère a pris acte, dans sa politique des revendications, des inquiétudes au sujet de l'absence de progrès des négociations. De plus, en 1998, un important organisme autochtone a déclaré que les règlements tardaient trop.
14.62 Nous convenons que les raisons pour lesquelles les négociations se prolongent sont complexes et que toutes les parties à une revendication peuvent être responsables de ces longs délais, mais nous ne pouvons attribuer cette responsabilité à une partie en particulier. Voici des facteurs qui peuvent entrer en jeu : hésitation de certains gouvernements à juger de la recevabilité d'une revendication, nature des stratégies de négociation des parties, nécessité d'atteindre des objectifs politiques, lien avec les négociations d'accession à l'autonomie gouvernementale, répercussions possibles de tiers intérêts (non-parties).
14.63 Il se peut aussi que la façon dont on gère le processus de revendication vienne allonger les délais de règlement. Dans certains règlements, nous avons constaté les lacunes suivantes :
14.65 Affaires indiennes et du Nord Canada devrait :
14.67 Documents complexes et volumineux, les ententes de règlement s'étalent sur une longue période et plusieurs parties y jouent un rôle. Les responsabilités des parties peuvent être collectives ou individuelles et le ministère responsable, Affaires indiennes et du Nord Canada, est appelé à gérer l'exécution de centaines d'obligations.
14.68 Même si le Ministère prend une part active à la mise en oeuvre des ententes de règlement, nous constatons que ses activités doivent être améliorées. Dans certains cas, les clauses d'ententes récentes de règlement peuvent mener à des conflits de mise en oeuvre. Ainsi, dans une définition type que comportent plusieurs ententes, on indique que le gouvernement en cause est le gouvernement du Canada, le gouvernement territorial ou les deux selon le ou les gouvernements qui, de temps à autre, peuvent se voir confier la responsabilité du dossier en question. Avec une telle formulation et compte tenu de la délégation en cours de responsabilités ministérielles aux territoires, les risques d'ambiguïté s'accroissent en ce qui concerne les responsabilités de mise en oeuvre.
14.70 Les ententes conclues après 1986 doivent être assorties de plans de mise en oeuvre qui décrivent plus ou moins en détail des centaines de projets et d'activités en ce sens. Souvent, ces projets dépendent d'autres projets pour lesquels on n'a pas fixé de délais de réalisation.
14.71 Les plans de mise en oeuvre sont annexés aux ententes mais n'en font pas partie. Sauf certaines exceptions, ils n'énoncent pas d'obligations contractuelles. Ainsi, même si les plans sont signés par les parties, leur contribution à la reddition de comptes et aux résultats est restreinte. Pour le Ministère, les plans n'ont qu'une valeur indicative car il faut garder de la souplesse. Vu l'importance des règlements de revendications territoriales et le grand défi que pose leur mise en oeuvre réussie, nous croyons que les plans peuvent et doivent être plus qu'un guide, tout en conférant la souplesse nécessaire.
14.73 De même, on ne peut rapprocher toutes les obligations et l'information contenue dans les rapports de mise en oeuvre des ententes, parce que celles-ci ne figurent pas toutes dans le LCOS. Ainsi, il n'y a pas de rapport régulier de l'état d'avancement de la mise en oeuvre des obligations et des activités découlant d'une entente conclue en 1984. Pour les ententes qui s'y trouvent, le système fait seulement le point sur les obligations du gouvernement fédéral. Là où le système indique des mesures à prendre, les délais ne sont généralement pas mentionnés. On risque ainsi que se perpétuent les circonstances à l'origine des mesures jugées nécessaires.
14.74 Qui plus est, lorsqu'on indique des dates d'achèvement, il est peu manifeste que les progrès aient été mesurés par rapport à ces dates. Nous n'avons relevé aucun critère ministériel sur la façon d'évaluer si la mise en oeuvre était adéquate.
14.75 L'état d'avancement de la mise en oeuvre des obligations des autres parties est déclaré séparément par celles-ci ou par des comités de mise en oeuvre où le Ministère est représenté. Ainsi, ce dernier peut se renseigner sur l'état d'avancement des obligations des autres parties, ce qui peut l'aider à s'acquitter de ses propres obligations. Cependant, on ne produit pas en temps opportun de rapports types périodiques sur l'ensemble des obligations. Ainsi, dans le cas d'une entente de règlement de 1993, le seul rapport d'ensemble interne qui ait été produit en juin 1998 portait sur la période se terminant en mars 1996. Tout comme dans le LCOS, il n'y a aucune indication sur les délais de mise en oeuvre des mesures jugées nécessaires.
14.76 De plus, l'examen général d'un plan de mise en oeuvre de 1992, qui porte sur une période de cinq ans se terminant en 1997, avait permis de recommander que le Canada et le gouvernement territorial chargent, d'ici juin 1998, un groupe de travail d'examiner, de mettre en oeuvre et de surveiller les mesures économiques prévues par l'entente de règlement de 1992. Par ailleurs, le plus récent examen de la mise en oeuvre d'une entente de 1975, publié par le Ministère, remonte à 1982.
14.77 Outre les rapports de surveillance du LCOS, le Ministère coordonne la production de rapports annuels d'examen des ententes de règlement, qui décrivent les activités de mise en oeuvre entreprises. L'information est transmise par les parties à ces ententes et les personnes s'occupant de leur mise en oeuvre. À notre avis, ces documents sont un moyen utile de communiquer de l'information sur la mise en oeuvre des règlements de revendications territoriales, mais on en accroîtrait l'utilité si on y traitait des résultats obtenus par celle-ci et de l'incidence des règlements sur les collectivités touchées.
14.78 En ce qui concerne les évaluations, aucune des quatre ententes de règlement de l'échantillon vérifié ne prévoit une évaluation des principales répercussions de la mise en oeuvre. Aucune évaluation n'a été effectuée. Dans une entente conclue en 1984, on prévoit un examen public complet de l'efficacité des dispositions sur le développement économique en l'an 2000, soit 16 ans après la conclusion de l'entente.
14.79 Dans une autre entente conclue en 1993, on prévoit cette fois un examen de l'efficacité des dispositions en matière de développement économique d'ici l'an 2010, ce qui représente un délai de 17 ans.
14.80 L'évaluation de la mise en oeuvre des ententes de règlement pourrait :
14.83 Pendant notre vérification, nous avons relevé plusieurs cas de poursuites contre l'État, dont, par exemple, une poursuite venant d'un tiers et trois poursuites, de Premières nations. Une poursuite intentée en 1996 contre le Canada et d'autres parties, afin de réclamer 5,4 milliards de dollars, porte sur le premier règlement de l'ère moderne. Des Premières nations veulent obtenir réparation de violations alléguées des obligations contractées en ce qui concerne :
14.85 Dans une autre poursuite, intentée en 1995, une Première nation allègue que l'État ne lui remet pas sa juste part des redevances d'exploitation des ressources comme l'exigeait l'entente de 1993. Le litige tient à des différences d'interprétation de l'esprit des clauses applicables.
14.86 Dans une poursuite intentée en 1996 par un tiers, celui-ci veut se faire indemniser pour dommages allégués dans la répartition des terres, arrêtée par des ententes de règlement. Le Canada et l'autre secteur de compétence qui est partie à ce règlement ne s'entendent pas sur la responsabilité de l'indemnisation prévue par l'entente. Les deux gouvernements ont ensuite réglé leur différend, mais le tiers n'a toujours pas reçu l'indemnité demandée.
14.87 Affaires indiennes et du Nord Canada, de concert avec les autres parties aux règlements, selon le cas, devrait :
14.89 Le Ministère ne communique pas les coûts complets de la conclusion et de la mise en oeuvre d'ententes de règlement. Bien que les coûts afférents aux volets d'indemnisation financière des règlements soient généralement connus, les autres coûts liés à ces mêmes règlements n'ont été déterminés que partiellement ou ne l'ont pas été du tout. Il peut s'agir des coûts de conclusion d'une entente, de la valeur éventuelle des droits transférés de propriété des terres et d'accès aux terres, des frais consolidés des autres ministères fédéraux associés au processus des revendications, des coûts des divers projets relevant de tous les secteurs de compétence et découlant des plans de mise en oeuvre ou des coûts de partage des ressources et des recettes. Dans certains cas, seuls les coûts estimatifs peuvent être cernés. À notre avis, s'il est impossible d'établir les coûts réels, on devrait communiquer ce fait de manière qu'on sache précisément dans quelle mesure les parties à une revendication doivent répondre de la conclusion et de la mise en oeuvre des ententes.
14.90 Affaires indiennes et du Nord Canada devrait communiquer et déclarer les coûts complets de la conclusion et de la mise en oeuvre d'ententes de règlement et les comparer aux chiffres des budgets correspondants.
14.92 En 1993, la CTCB a commencé à recevoir des déclarations d'intention de Premières nations désireuses de négocier des traités. Son but est de faciliter la négociation de traités et d'ententes connexes. Elle est notamment appelée :
14.94 À titre de représentant du gouvernement fédéral dans les revendications territoriales en Colombie-Britannique, le Bureau fédéral de négociation des traités d'Affaires indiennes et du Nord Canada ne négocie pas de traités modernes avec une Première nation qui ne passe pas par le processus de négociation de la CTCB. En pareil cas, le seul recours qui s'offre à la bande, c'est la contestation judiciaire. En juillet 1998, on comptait 74 bandes sur un total de 197 qui, dans cette province, n'avaient pas mené leurs négociations dans le cadre de ce processus.
14.95 Le processus de négociation des traités de la CTCB comporte six étapes qui sont décrites à la pièce 14.7 . Affaires indiennes et du Nord Canada s'en remet à la Commission pour l'acceptation des Premières nations dans ce processus. En juillet 1998, 36 dossiers de négociation sur 51 se trouvaient à l'étape 4 (entente de principe) et 15, à des étapes antérieures.
14.96 La Commission a déterminé plusieurs aspects à étudier dans le processus de négociation d'un traité :
14.98 Au début de 1998, le Canada avait octroyé 90 millions de dollars en vue du financement de la négociation de traités depuis 1994-1995. Aucune entente de règlement n'avait encore été conclue dans le cadre de ce processus. La CTCB a indiqué qu'elle n'avait pas le mandat de fixer des délais de négociation. On peut se demander ce qu'il faudra prévoir en temps et en coût pour régler les demandes de 123 bandes qui ont manifesté de l'intérêt pour conclure des traités.
14.100 Pour certains types d'entreprises sur certaines terres visées par des règlements, il y a des indications selon lesquelles les entreprises en question n'auraient guère eu voix au chapitre dans les décisions prises concernant la répartition des terres et les autres dispositions des ententes.
14.101 Dans un cas, une association de 20 entreprises touristiques alléguait notamment que les terres octroyées bloquaient ses zones habituelles d'exploitation, empêchant tout accès efficace au gros gibier et entravant donc les activités de ses entreprises. Elle pensait aussi que, dans la négociation d'ententes de règlement, on avait négligé tout ce qui est utilisation historique non autochtone de terres et que la population en général n'avait pas été convenablement représentée.
14.102 Une autre association se disait inquiète parce que les gens n'étaient pas consultés suffisamment dans le processus des revendications et qu'on ignorait comment on découpait les terres aux fins des règlements.
14.103 Nous ne nous prononçons pas sur ces opinions et convenons que d'autres types d'entreprises pourraient adopter un autre point de vue.
14.106 Dans l'examen des objectifs fixés par le gouvernement pour la négociation d'ententes de règlement de revendications territoriales, ainsi que de la façon d'atteindre ces objectifs, nous sommes parvenus à la conclusion que, si la passation d'une entente constitue un jalon important, elle ne représente pas l'aboutissement complet du processus. Il est possible de résoudre certaines questions fondamentales.
14.107 À notre avis, le succès ultime des traités de l'ère moderne actuels et futurs reposera largement sur la façon dont les parties définiront leurs attentes et y donneront suite en vue d'obtenir une certitude et une clarification des droits de toutes les parties. Ajoutons que la satisfaction des parties à l'égard des progrès et des résultats de la mise en oeuvre des ententes de règlement contribuera grandement à déterminer les avantages à long terme de la négociation de telles ententes.
14.108 Comme un nombre appréciable de revendications ne sont toujours pas réglées, Affaires indiennes et du Nord Canada doit s'attaquer aux questions et aux préoccupations que nous avons soulevées dans ce chapitre et qui sont de son ressort.
Réponse du Ministère : Le Ministère est déterminé à résoudre les questions de revendications territoriales et de droits et titres ancestraux des Autochtones par la voie de la négociation plutôt que par celle des tribunaux. Cette démarche a été entérinée en 1997 par la Cour suprême du Canada lors de sa décision dans la cause Delgamuukw. La Cour a alors conclu : « Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes tous ici pour y rester ». La première entente de revendications territoriales des temps modernes ou traité, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, a été conclue en 1975. Depuis, douze ententes finales de revendications territoriales, une entente de principe et 41 ententes-cadres ont été conclues dans diverses régions canadiennes qui n'étaient pas touchées antérieurement par des traités.
Dans son rapport, le vérificateur général a examiné des traités négociés au cours des 20 dernières années et plus, principalement dans les années 70 et 80. Il souligne certaines lacunes des politiques et pratiques du passé qui ont considérablement évolué pendant cette période. Par exemple, comme le fait remarquer le vérificateur général, toutes les ententes conclues depuis 1986 comportent des plans de mise en oeuvre élaborés par les parties. Dans le cas des ententes conclues avant 1986, le Ministère s'est efforcé après coup de négocier avec les autres parties des ententes de mise en oeuvre et ce, avec succès dans la plupart des cas.
Nous sommes d'accord avec le vérificateur général lorsqu'il affirme qu'il y a toujours place à l'amélioration dans le suivi de la mise en oeuvre des ententes et la production de rapports à cet effet. Le Ministère s'efforce constamment d'améliorer ses pratiques, de concert avec les autres participants et parties intéressées. Au début des années 90, le Ministère a instauré un système rigoureux et polyvalent de suivi et de rapport relatif aux plans de mise en oeuvre. Le Ministère prépare aussi à chaque année un rapport global sur la mise en oeuvre de toutes les ententes. Ce rapport est déposé au Parlement et mis à la disposition du public. De plus, plusieurs ententes prévoient des examens quinquennaux exhaustifs. Le premier de ces examens, suite à l'entente conclue avec les Gwich'ins en 1992, est présentement en cours.
La démarche adoptée par le gouvernement pour établir la certitude sur les terres et ressources a aussi considérablement évolué depuis les années 70, alors que l'État pouvait abolir les titres ancestraux. La Loi constitutionnelle de 1982 protège maintenant les droits ancestraux existants des Autochtones d'une telle action unilatérale de la part du gouvernement. Les dernières ententes de revendications territoriales reflètent une évolution dans ce domaine. Toutes les parties s'efforcent de définir en termes juridiques des moyens d'assurer la certitude sur les terres et ressources. Le fait qu'aucune cause n'ait encore été portée devant les tribunaux sur la question des titres ancestraux dans les régions couvertes par les traités modernes augure bien quant à l'obtention de la certitude juridique. Cependant, comme l'a fait remarquer le vérificateur général, la satisfaction de toutes les parties à l'égard des ententes négociées et de leur mise en oeuvre contribuera davantage à établir la certitude plutôt que la protection légale que recherchent les gouvernements et les groupes autochtones.
Le processus même de négociation a été considérablement rationalisé au cours des années. Depuis 1986, la négociation d'ententes-cadres comme première étape du processus, étape où les parties s'entendent sur les sujets à couvrir, les procédures de travail et les échéanciers, permet aux parties d'établir de bonnes relations et de clarifier leurs attentes respectives. Plus des deux tiers des Premières nations qui ont adhéré au processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique depuis son établissement en 1993 ont conclu des ententes-cadres et ont entamé la négociation d'ententes de principe.
Toutes les parties conviennent de la nécessité d'accélérer le processus de négociation des traités. En partenariat avec les représentants des groupes autochtones, des gouvernements provinciaux et des autres intéressés, le Ministère est à explorer les moyens d'y arriver tout en respectant les rôles des parties et les relations entre elles afin de maintenir, voire accroître leur confiance dans le processus et les résultats obtenus. Toutefois, étant donné que les négociations de traités visent à résoudre des enjeux complexes ayant une incidence à long terme, les gouvernements, tout comme les groupes autochtones, doivent prendre le temps de s'assurer que les ententes pourront satisfaire adéquatement leurs intérêts à l'avenir.
Un autre sujet abordé est celui de la capacité des groupes autochtones, dont les revendications sont valables, à poursuivre les négociations tout en assumant des responsabilités accrues, telles que la prestation de conseils aux gouvernements sur les diverses propositions de développement affectant leurs territoires traditionnels. Cette question a été soulevée lors de l'examen du processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique et, pour y faire face, le gouvernement fédéral a décidé d'établir dans cette province un fonds spécial visant l'amélioration des capacités des Premières nations. Cette démarche est conforme à la position du gouvernement exprimée dans le document Rassembler nos forces : le plan d'action du Canada pour les questions autochtones, qui constitue la réponse du gouvernement aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones. Dans ce document, le gouvernement entend renouveler les partenariats avec les peuples autochtones, appuyer les gens et renforcer les collectivités et les économies, renforcer l'exercice des pouvoirs par les Autochtones, et établir une nouvelle relation financière.
Les pratiques internes du Ministère ont également été améliorées. Par exemple, des analyses du potentiel minier des terres qui pourraient faire l'objet d'une entente sont maintenant utilisées pour appuyer les négociations. Le Ministère a aussi tissé des liens horizontaux avec les autres ministères de sorte que ceux-ci collaborent étroitement au processus de négociation des traités et ce, de manière routinière. En particulier, le ministère de la Justice fournit des services d'avocats à temps plein aux équipes de négociation afin de les conseiller à chaque étape. De plus, tous les ministères touchés revoient les propositions des ententes-cadres, des ententes de principe et des ententes finales avant qu'elles ne soient conclues.
Les coûts de négociation et de mise en oeuvre des ententes sont indiqués au Budget principal des dépenses et dans les rapports annuels sur le rendement de chaque ministère. Ils figurent également dans les Comptes publics. De plus, les rapports annuels sur la mise en oeuvre de chaque entente de règlement offrent des résumés fort utiles sur la plus grande partie de ces dépenses. Le Ministère répond à toutes les exigences sur la production de rapports et à toutes les normes de présentation. De plus, le Ministère a joué un rôle de premier plan parmi les ministères fédéraux dans l'amélioration de la présentation de rapports au Parlement, tout particulièrement dans la façon de présenter horizontalement toutes les dépenses effectuées pour les Autochtones dans l'ensemble des ministères. Il reste toutefois que la publication de données financières exhaustives, précises et faciles à comprendre sur les règlements des revendications constitue un défi complexe que nous continuons de relever.
La population canadienne appuie la négociation d'ententes de revendications territoriales afin de résoudre des mésententes de longue date et de permettre aux Autochtones de participer pleinement à la vie de la société en reprenant la maîtrise de leurs collectivités par le biais d'ententes d'autonomie gouvernementale. De nombreuses leçons ont été tirées de l'expérience des dernières années. Le processus continue d'évoluer au fur et à mesure que de nouveaux modèles sont mis à l'essai et que les parties continuent à s'adapter à des circonstances toujours changeantes. Bien que les enjeux soient de taille et les négociations, complexes, nous continuerons à relever ce défi parce que nous sommes convaincus que la négociation de traités bénéficiera à tous les Canadiens et contribuera à la réputation internationale que s'est taillée le Canada, soit celle d'un pays capable de résoudre ses conflits de manière pacifique.
Nous avons examiné à des degrés divers quatre ententes de règlement conclues de 1984 à 1993 (cette dernière année étant celle du règlement le plus récent à l'époque où l'équipe de vérification a entrepris son travail). Les ententes en question donnaient la possibilité d'étudier toutes les étapes d'un règlement et de sa mise en oeuvre. La valeur totale de l'indemnisation directe connue dans le cadre de ces quatre ententes s'établit à 350 millions de dollars environ et les terres en propriété autochtone exclusive qui sont visées par les ententes de l'échantillon vérifié sont d'une superficie approximative de 160 000 kilomètres carrés dans le Nord. Nous nous sommes penchés sur certaines questions relatives à d'autres ententes de règlement.
Nous avons rencontré les membres de la Commission des traités de la Colombie-Britannique pour obtenir un aperçu du mandat de celle-ci, faire le point sur les revendications dans la région et étudier certaines questions. Enfin, nous nous sommes enquis des vues de certaines Premières nations qui sont parties à des revendications territoriales globales, ainsi que de Premières nations touchées par ces revendications.
Bruce Carroll
Julie Erb
Kathleen Hobbs
Suzanne Moorhead
Marjorie Pound
Anne-Marie Smith
Pour obtenir de l'information, veuillez communiquer avec M. Grant Wilson.