26.9 Dans certaines circonstances limitées, toutefois, il peut ne pas être pratique ou souhaitable de recourir au régime de concurrence, et il faut attribuer un contrat sur appel d'offres restreint ou à fournisseur unique. Le Règlement sur les marchés de l'État reconnaît et prévoit cette éventualité quand la valeur du marché est relativement faible, le bien ou le service fait l'objet d'un besoin urgent, le recours au régime de concurrence n'est pas dans l'intérêt national, ou encore il s'agit d'un bien ou d'un service unique, qui ne peut être obtenu que d'une seule source.
26.10 En 1994, le Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes, préoccupé du nombre de contrats non concurrentiels ou à fournisseur unique, a entrepris une enquête qui devait durer plus de deux ans. Durant ses audiences, le Comité a entendu de nombreux témoignages du secteur privé, des ministères opérationnels, de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) et du Secrétariat du Conseil du Trésor sur la passation des marchés avec le gouvernement et sur les règlements qui régissent le processus. Dans son rapport rendu public en avril 1997, le Comité a conclu que, bien qu'il y ait eu une certaine amélioration dans l'adjudication des marchés de l'État, il restait beaucoup à faire. (Voir le rapport du Comité à l'annexe A .)
26.11 Le Comité a également réaffirmé que les principes de valeur optimale et de liberté d'accès sont essentiels au processus contractuel du gouvernement. Ses recommandations visaient à faire en sorte que ces principes soient davantage respectés dans l'avenir.
26.12 Normalement, le gouvernement réagit officiellement aux rapports des comités permanents dans un délai précis. Nous avons cependant été informés que, dans ce cas, le gouvernement ne réagira pas au rapport de ce comité parce que la dissolution du Parlement pour les élections de 1997 a signifié que le rapport a expiré au Feuilleton. Le gouvernement a déclaré que les recommandations du Comité ont fait l'objet d'un examen interne et ont influencé les révisions qui seront apportées plus tard à la politique.
26.14 Les dépenses totales du gouvernement en marchés de services en 1995 se sont élevées à environ 4,4 milliards de dollars. De cette somme, 649 millions de dollars (soit environ 15 p. 100) représentaient des marchés d'une valeur inférieure à 25 000 $. Depuis octobre 1996, les règlements permettent d'octroyer, sans régime de concurrence, des marchés de 25 000 $ ou moins (auparavant la limite était de 30 000 $). Cette disposition tient compte du fait que, bien que le recours au processus concurrentiel soit encouragé dans le cas des petits contrats, il n'est pas toujours rentable pour le gouvernement ou l'industrie. Les autres marchés de services - totalisant environ 3,7 milliards de dollars - correspondaient à des sommes initiales supérieures à 25 000 $, et l'on pouvait donc s'attendre, sauf pour ceux qui répondaient aux critères d'exemption, à ce qu'ils soient attribués en régime de concurrence. Les données indiquent pourtant que des appels d'offres ont été lancés pour 51 p. 100 seulement de ces marchés.
26.15 Dans les dernières années, de nouveaux facteurs ont influé sur la passation des marchés. Ils comprennent :
26.18 À la lumière de nos constatations antérieures et de la recommandation présentée dans le rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales voulant que nous fassions une vérification des contrats à fournisseur unique, nous avons décidé d'amorcer une série de vérifications des marchés qui porteraient sur certaines opérations particulières et examineraient leur conformité aux critères établis ainsi qu'à la politique et aux règlements du gouvernement. La présente vérification est la première de cette série. Un examen de l'information de diverses sources a fait ressortir que les contrats à fournisseur unique pour services professionnels représentaient un risque particulièrement élevé, et c'est pourquoi ils font l'objet de cette vérification.
26.19 Nous avons examiné un échantillon de 26 contrats à fournisseur unique attribués par cinq ministères afin de déterminer si, entre autres choses, dans leur adjudication, le gouvernement s'était conformé aux principes et règlements en vigueur.
26.20 Nous avions espéré pouvoir faire un échantillonnage statistique de contrats à fournisseur unique pour des services professionnels. Nous avons constaté toutefois que cela n'était pas réalisable, vu la nature des renseignements tenus dans les organismes centraux et la plupart des ministères. Nous avons décidé de choisir environ cinq marchés adjugés en 1996 par chacun des cinq grands ministères suivants : Service correctionnel Canada, Pêches et Océans, Santé Canada, Défense nationale et Transports Canada. Parce qu'il s'agit d'un échantillonnage choisi, les résultats ne peuvent pas être généralisés statistiquement à l'ensemble des marchés semblables. Néanmoins, les échantillons n'ont pas été choisis d'une manière orientée ou biaisée, qui aurait fait en sorte que l'échantillonnage ne soit pas représentatif des pratiques appliquées dans l'attribution de contrats à fournisseur unique du genre faisant l'objet de notre vérification. Certains cas sont présentés dans Études des cas - Contrats à fournisseur unique attribués par cinq ministères.
26.21 Nous nous sommes concentrés uniquement sur les interventions des fonctionnaires dans la conclusion et l'administration de ces contrats. Notre vérification n'a pas porté sur les entrepreneurs, et nous ne faisons aucune observation quant à leurs interventions.
[...] des dossiers relatifs aux marchés devraient être établis offrant une piste complète de vérification, contenant des détails sur des questions comme les options, les décisions, les approbations, les modifications s'il en est, et nommant les fonctionnaires ou organes qui les ont prises ou autorisées. De tels dossiers sont extrêmement importants pour répondre aux questions et évaluer les résultats.26.24 Au début de la vérification, nous nous attendions à ce que la majeure partie de la documentation dont nous aurions besoin pour notre travail soit facile à trouver dans les dossiers des contrats. Toutefois, nous n'avons trouvé aucun dossier qui, à notre avis, répondait à toutes les exigences du Secrétariat du Conseil du Trésor. En outre, dans de nombreux cas, les ministères ont été incapables de fournir même la documentation clé et, en raison du roulement de personnel, les personnes qui auraient peut-être pu expliquer les lacunes n'étaient plus là. En conséquence, une mention « non rempli » dans le tableau des pièces ci-après signifie, soit que le dossier était complet mais que la qualité de la documentation était inférieure à la norme, soit que le dossier était incomplet et que le ministère était incapable de fournir la documentation manquante. Dans l'un et l'autre cas, une mention « non rempli » indique qu'en tant que vérificateurs du Parlement, nous sommes incapables de donner l'assurance que les gestionnaires ont fait preuve de souci d'économie et ont respecté les principes de liberté d'accès et de valeur optimale.
Deux mécanismes seront utilisés : les vérifications ministérielles et le Rapport annuel sur les marchés. Les ministères seront évalués selon leur niveau de conformité aux politiques relatives à la passation des marchés et selon le nombre de marchés concurrentiels qu'ils passent. Tous les ministères et organismes qui octroient et/ou modifient des contrats doivent soumettre au Secrétariat du Conseil du Trésor un rapport annuel sur leurs activités à ce chapitre. Le Secrétariat du Conseil du Trésor effectue également l'examen périodique des marchés de services de particuliers, y compris de ceux dont la valeur est inférieure à 5 000 $.26.26 Nous avons constaté cependant que la pratique réelle est très différente. Les cinq ministères que nous avons examinés ont fait certains travaux de vérification interne touchant les pratiques de passation des marchés, mais généralement pas sur une grande échelle. Comme nous l'avons souligné, le plus récent rapport sur l'octroi de marchés dans l'ensemble de l'administration fédérale porte sur 1995. Nous avons demandé au Secrétariat du Conseil du Trésor ses propres évaluations de la conformité des ministères aux exigences, et particulièrement ses examens portant sur des marchés de services de particuliers. On nous a informés qu'il n'existe aucune évaluation ni aucun examen de ce genre.
26.28 Nous avons constaté que les dossiers ne contenaient que des renseignements limités à l'appui de la nécessité d'acquérir le service et qu'ils ne renfermaient aucun détail sur les avantages relatifs des décisions de « faire ou faire faire » ni aucune définition précise des besoins ( voir la pièce 26.1 ). Ces insuffisances se reflètent dans certains des problèmes que nous avons observés dans notre échantillon de contrats.
26.29 À cause de l'absence, au départ, d'une définition claire des besoins - c'est-à-dire la nature et l'ampleur des tâches à accomplir - près de la moitié des contrats examinés (12 sur 26) ont nécessité des modifications fréquentes qui, dans de nombreux cas, ont augmenté sensiblement leur valeur originale. Parfois, les arrangements qui découlaient de ces modifications n'étaient pas conformes au Règlement sur les marchés de l'État . Des hauts fonctionnaires devaient alors intervenir pour résoudre les problèmes.
26.30 Les gestionnaires nous ont informés qu'une raison importante pour expliquer l'absence d'analyses de « faire ou faire faire » est le fait que la pénurie de personnel résultant de la compression des effectifs a (dans de nombreux cas) éliminé la possibilité de « faire ».
26.32 Au paragraphe 10.2.6 de la Politique sur les marchés du Secrétariat Conseil du Trésor, on trouve le passage suivant.
Le recours à l'une quelconque des quatre exceptions à la règle de l'appel d'offres doit être pleinement justifié, et les raisons doivent figurer au dossier du marché ou, le cas échéant, dans les présentations au Conseil du Trésor. Même dans le cas d'un marché prescrit[...] de biens et de services visé par l'une de ces quatre exceptions, l'autorité contractante est encouragée à recourir autant que possible à la méthode de l'invitation électronique à soumissionner pour annoncer le projet de marché au moyen d'un préavis d'adjudication de contrat (PAC). Si le PAC n'est pas contesté de façon valable dans les quinze jours civils suivant sa publication, le marché envisagé est alors jugé concurrentiel et peut être attribué conformément au pouvoir de passer des marchés faisant l'objet d'une invitation électronique à soumissionner.
Si l'autorité contractante doit demander au Conseil du Trésor de l'autoriser à adjuger un tel marché (prescrit), ce dernier ne pourra l'approuver que si au moins une des quatre exceptions s'applique. Un décret sera alors nécessaire pour faire exception au Règlement.Lorsqu'un gestionnaire croit que l'une des circonstances exceptionnelles existe, c'est à lui qu'il incombe de montrer pourquoi l'exception s'applique au marché en question. Il doit verser au dossier du marché une preuve écrite justifiant le recours à l'exception.
26.33 Quand l'existence d'une source unique, par exemple, est invoquée comme motif du recours à un fournisseur unique, les directives prévoient clairement que le fait que le gestionnaire croit qu'il existe une seule source d'approvisionnement ne justifie pas en soi l'exception. Les gestionnaires doivent prendre des mesures bien précises et faire des recherches afin de s'assurer que la source est bien « unique », que personne d'autre ne peut fournir le service. Nous nous attendions donc à ce que les dossiers des contrats faisant partie de notre échantillon indiquent clairement laquelle des exceptions avait été invoquée pour justifier le recours à un fournisseur unique et à ce qu'ils renferment des preuves écrites des mesures prises par les gestionnaires pour s'assurer qu'une exception était justifiée. La pièce 26.3 expose, sous forme schématique, le processus logique que le gestionnaire doit suivre, selon le Règlement sur les marchés de l'État , pour déterminer si l'octroi d'un contrat à fournisseur unique est permis.
26.34 Les préavis d'adjudication de contrat (PAC) sont des avis électroniques publiés par l'ancien Service des invitations ouvertes à soumissionner, devenu le MERX. Ce système permet à un ministère d'afficher un avis pour indiquer son intention d'adjuger un contrat à un fournisseur en particulier. Si personne ne se manifeste pendant le délai de préavis de 15 jours, le contrat est attribué au fournisseur nommé et il est considéré comme « concurrentiel », même si aucune soumission n'a été présentée en régime de concurrence . L'utilisation d'un PAC n'exempte pas toutefois le ministère de l'obligation de confirmer que le contrat à fournisseur unique est admissible à au moins une des quatre exceptions stipulées ( voir les pièces 26.2 et 26.3 ).
26.35 Bien que tous les marchés figurant dans notre échantillon aient été adjugés sans régime de concurrence, nous avons constaté que seulement 8 des 26 contrats examinés avaient satisfait à l'une des conditions qui permettent l'attribution de tels marchés ( voir la pièce 26.4 ). D'ailleurs, dans la plupart des cas, le dossier du contrat n'indiquait même pas clairement l'exception que le gestionnaire avait invoquée pour justifier le recours à un fournisseur unique.
26.36 Nous avons également constaté que, parmi ces contrats, peu avaient fait l'objet d'un PAC, comme l'encourage la politique. Par conséquent, un trop grand nombre ont été attribués sans régime de concurrence. Cette situation n'est pas conforme au principe d'accès libre aux possibilités de passation de marchés avec le gouvernement fédéral. À notre avis, l'adjudication de ces contrats ne résisterait pas à l'examen public.
26.37 La pièce 26.5 résume les motifs invoqués par les ministères pour justifier le recours à un fournisseur unique dans les dossiers des contrats que nous avons examinés. Comme l'indique cette pièce, le motif le plus commun d'attribution du marché à un fournisseur unique est l'« expérience antérieure ». Cela sous-entend que les ministères considèrent un fournisseur comme unique - la seule personne ou organisation capable d'effectuer un travail - simplement parce qu'il a de l'« expérience antérieure ». Bien que le Règlement exige une justification plus adéquate pour invoquer le motif de la source unique, aucun des dossiers que nous avons examinés n'indiquait que le ministère avait pris des mesures raisonnables et suffisantes pour confirmer que l'entrepreneur proposé était le seul à pouvoir fournir le service demandé.
26.38 D'une part, l'« expérience antérieure » ne suffit pas pour démontrer l'unicité de la source; d'autre part, le recours persistant à ce motif pour justifier l'attribution de contrats à fournisseur unique sape sérieusement l'esprit et l'intention de la politique d'adjudication des marchés du gouvernement. Cela signifie que, trop souvent, le premier fournisseur à franchir le seuil de la porte détient un monopole (de fait) sur les marchés futurs. Utilisé comme base du recours à un fournisseur unique, le facteur de l'« expérience antérieure » devient très limitatif : il empêche d'autres fournisseurs d'offrir des idées ou des solutions nouvelles, ou même de proposer un prix concurrentiel en choisissant d'absorber le coût de l'« apprentissage » nécessaire. Mentionnons que dans aucun des cas où l'« expérience antérieure » avait été invoquée avons-nous trouvé de preuve qu'un effort avait été fait pour évaluer la « valeur » de cette expérience par rapport au travail à accomplir. L'expérience antérieure était considérée comme une justification en soi.
26.39 Le manque d'observation apparent des règles qui régissent l'attribution des contrats à fournisseur unique, que nous avons observé dans les cas que nous avons vérifiés, soulève les questions suivantes : « pourquoi en est-il ainsi? » et « les règles sont-elles déraisonnables ou trop onéreuses? ». Le Comité permanent des opérations gouvernementales a posé ces questions lors de ses audiences sur l'attribution des contrats à fournisseur unique. Au sujet de cette même préoccupation, un fonctionnaire supérieur du Secrétariat du Conseil du Trésor a témoigné comme suit devant le Comité.
... Nous arrivons donc à la conclusion que la concurrence est le meilleur moyen, et nous visons toujours la concurrence.
Cela dit, pourquoi les ministères ont-ils de la difficulté à respecter la politique du Conseil du Trésor? Il y a quantité de raisons. Mettez-vous quelques instants à la place d'un ministère. Il a tout d'abord la contrainte du temps. Un appel d'offres prend plus de temps, en règle générale, qu'un contrat avec un fournisseur exclusif.
Cela comporte un coût. Le temps, c'est de l'argent. S'il faut plus de temps, il en résulte un coût. Dans bien des cas, les ministères y voient un fardeau administratif. Il faut plus de temps pour adjuger un marché au moyen d'un appel d'offres qu'en faisant appel à un fournisseur exclusif. Les ministères ont des sous-objectifs qui s'excluent mutuellement. Bon nombre de gestionnaires voudraient privilégier l'exécution des programmes sans trop se soucier des bonnes procédures de passation des marchés.
Un appel d'offres exige également des connaissances et un savoir-faire. Cela suppose normalement avoir une organisation spécifique exclusivement chargée de passer les marchés. Cela représente parfois une contrainte pour les ministères, particulièrement en période de compression des effectifs. Les ressources humaines sont limitées. Les effectifs de la fonction publique ont considérablement diminué ces dernières années, ce qui fait que les ressources disponibles pour cette activité en particulier sont limitées. Vous avez également besoin d'un personnel bien formé et expert. Or, dispenser cette formation et donner cette expérience aux ressources humaines présente évidemment quelques contraintes. (Témoignage, 26 mars 1996)26.40 Alors que les témoignages devant le Comité ont indiqué que les ministères perçoivent les règles comme des contraintes, ils ont également fait ressortir les raisons pour lesquelles elles sont en place (par exemple, pour assurer la conformité avec les dispositions des accords de commerce intérieur et international). Les témoignages n'ont certainement pas confirmé une position voulant que les règles imposent des contraintes déraisonnables . Après avoir soupesé tous les éléments probants, le Comité a produit un rapport qui prenait fermement position en faveur des règles. Ce rapport appuyait aussi l'application de procédures beaucoup plus rigoureuses - tant au sein des ministères qu'au Secrétariat du Conseil du Trésor - qui forceraient les organisations à se conformer aux règles.
26.42 Dans l'ensemble, nous n'avons pas trouvé ce à quoi nous nous attendions. Dans seulement 9 des 26 cas examinés ( voir la pièce 26.1 ) avons-nous trouvé un énoncé complet des travaux, qui comprenait une estimation, par le gestionnaire, du temps et des coûts nécessaires à l'exécution des travaux. Souvent, nous avons constaté que le seul énoncé détaillé des travaux, la seule estimation du temps et des coûts et la seule définition des services à fournir avaient été préparés par l'entrepreneur choisi en réponse à l'énoncé sommaire des besoins du ministère.
26.43 De manière générale, les ministères ne tenaient pas dans un seul dossier toute la documentation requise pour justifier les opérations. Les fonctionnaires des ministères nous ont dit qu'il existait plusieurs « dossiers de contrats » qui, ensemble, pourraient contenir la documentation requise. Dans les ministères, des dossiers distincts étaient tenus par le personnel des approvisionnements, les gestionnaires de centres de responsabilité et les services ministériels des finances. Dans certains cas, ces dossiers ne faisaient pas l'objet d'un index à références multiples et n'étaient pas disponibles. En général, les éléments probants contenus dans les dossiers que nous avons pu voir n'étaient pas complets et n'étaient pas suffisants aux fins de la vérification. Dans certains cas, le gestionnaire du centre de responsabilité désigné ne pouvait trouver aucun dossier.
26.44 Selon la politique du Secrétariat du Conseil du Trésor, les modalités de tout contrat attribué doivent être formulées par écrit, et le contrat doit être signé par les fonctionnaires ministériels autorisés et les représentants de l'entrepreneur dès que possible après que l'attribution du marché a été notifiée au soumissionnaire retenu. Nous avons cependant constaté que les ministères avaient conclu de nombreux contrats verbaux, les contrats écrits officiels ayant été signés bien après le début des travaux et, parfois, après leur achèvement.
26.45 En l'absence d'un contrat écrit qui précise les modalités relatives au travail à accomplir et qui porte les signatures appropriées, l'État s'expose à des risques imprévus. De plus, notre échantillon nous a permis de constater que des contrats verbaux peuvent donner lieu à des problèmes qui exigent une intervention poussée de la part de hauts fonctionnaires du ministère ou du Secrétariat du Conseil du Trésor, ou des deux, et parfois de ministres du Conseil du Trésor selon l'ampleur du marché devant être ratifié.
26.46 Nous n'avons trouvé dans certains des dossiers que des éléments probants limités pour justifier le prix de l'entrepreneur ou confirmer l'attestation de meilleur prix fournie par l'entrepreneur. Les ministères n'ont pas été capables de présenter d'autres preuves que le gouvernement recevait une valeur optimale.
26.47 Comme le montre la pièce 26.6 , dans seulement 5 des 26 cas avons-nous reçu des preuves raisonnables que le gestionnaire avait pu regarder la proposition de l'entrepreneur et juger si la durée et les coûts estimatifs étaient raisonnables compte tenu de la nature et de l'ampleur des travaux à effectuer. Dans un seul cas nous a-t-on présenté des preuves que le gestionnaire connaissait le « taux courant » et s'en était servi dans ses négociations avec le fournisseur. Cependant, dans un cinquième des cas (5 sur 26), le gestionnaire avait exigé du fournisseur une attestation de meilleur prix. Dans ces cas au moins, une certaine assurance a été fournie quant au prix, sinon quant à la valeur.
26.49 Nous avons constaté que les services à fournir - le travail fait par l'entrepreneur - étaient généralement décrits en termes abstraits (comme « conseils », « services professionnels »). La plupart des contrats ne précisaient pas clairement quel service était demandé et dans quel délai. Pour 21 des 26 cas, les ministères ont pu nous fournir des copies des factures des fournisseurs et des approbations écrites attestant que les services avaient été fournis conformément aux modalités du contrat. Mais le reste de la documentation dans les dossiers était limité. Pour près des deux tiers de l'échantillon (17 cas), les ministères n'ont pas pu fournir de preuves supplémentaires, prévues au paragraphe 16.11 de la Politique sur les marchés du Secrétariat du Conseil du Trésor, que les services mentionnés dans le contrat avaient été fournis au complet et dans les délais prescrits ( voir la pièce 26.7 ). Les gestionnaires sont donc incapables de donner l'assurance que, dans ces 17 cas, les services ont été fournis conformément à toutes les dispositions des contrats et que les fonds ont été déboursés pour les fins prévues.
Le Comité, comme le Conseil du Trésor, se soucie du grand nombre de modifications de marchés. Dans de nombreux cas, ces modifications sont nécessaires et se justifient; dans d'autres, la mauvaise gestion du projet et les contrôles financiers défaillants ont entraîné des dépassements de coût. Selon le Comité, le Conseil du Trésor et le responsable de l'adjudication de contrats au sein de chaque ministère et organisme devraient surveiller de plus près le rendement des marchés.26.51 Nous avons examiné notre échantillon de dossiers de contrats pour trouver des preuves que le marché avait été dûment exécuté lorsque des modifications ont été faites, et que les modifications avaient été adéquatement justifiées et approuvées conformément à la politique du Conseil du Trésor. Nous avons également vérifié si les modifications étaient dans le « meilleur intérêt du gouvernement » et n'étaient ni le résultat d'une mauvaise planification du marché, ni un moyen de contourner d'autres règles régissant l'adjudication des marchés.
26.52 Comme le montre la pièce 26.7 , pour environ la moitié des cas comportant une modification, les éléments probants mis à notre disposition étaient insuffisants pour déterminer si la modification avait été justifiée et adéquatement exécutée ou non. Dans les dossiers qui comprenaient assez d'éléments probants pour permettre de porter un jugement, nous avons constaté, dans la plupart des cas, que les modifications n'avaient été ni justifiées, ni adéquatement exécutées. Cette situation a souvent eu pour conséquence que des changements rétroactifs ont été apportés aux marchés. Des hauts fonctionnaires des ministères, le ministre et parfois le Conseil du Trésor ont alors dû intervenir afin de rectifier, de modifier, d'attester et de ratifier le contrat.
26.53 À notre avis, une mauvaise planification de l'approvisionnement, une analyse inadéquate des besoins et une mauvaise définition des exigences contribuent grandement au processus souvent complexe et coûteux de modification du marché original. En outre, le fait de modifier les marchés plutôt que d'inviter de nouvelles soumissions compromet l'examen public du déboursement de fonds publics et la liberté d'accès aux possibilités de marchés pour d'autres fournisseurs.
26.55 Dans notre rapport de 1997 (chapitre 6, « Le rendement des marchés »), nous constations que bon nombre de ces critères avaient été établis pour s'assurer que le gouvernement respecte les lois et les accords commerciaux en vigueur dans la conduite de ses affaires. Nous reconnaissions également que les pratiques d'attribution des contrats ne devaient en aucun cas faire de préférences ou de favoritisme, ne serait-ce qu'en apparence. Comme nous l'avions noté, « les marchés de l'État doivent répondre à ces autres attentes, sans qu'on puisse faire appel aux tactiques plus vigoureuses - ou coopératives - qu'on attribue à certains organismes du secteur privé dans la gestion des marchés, et sans engager de frais d'administration excessifs ». Enfin, nous avions conclu que, même si les critères applicables aux marchés publics sont différents, ils demeurent néanmoins compatibles avec les grandes obligations juridiques et stratégiques imposées aux gestionnaires du gouvernement.
26.56 Selon la politique du Secrétariat du Conseil du Trésor, les marchés publics doivent :
26.58 Par le passé, nous avons fait de nombreuses recommandations au gouvernement pour qu'il améliore ses pratiques d'attribution des marchés. Toutes ces recommandations se résument en fait en une seule : appliquer les règles établies. C'est là aussi l'essence des recommandations du Comité permanent. Sur les questions abordées dans notre vérification, le Comité permanent était généralement d'avis qu'il faudrait serrer les rênes pour que les gestionnaires au gouvernement observent les règles d'attribution des marchés. Quoi qu'il en soit, d'après notre échantillon, il semble que l'inobservation des règles d'attribution pour les contrats à fournisseur unique soit devenue une pratique fort répandue. Ce phénomène s'explique peut-être par le fait que cette pratique semble entraîner peu de conséquences. Faut-il alors instaurer de nouvelles mesures de contrôle? À notre avis, non. On ne ferait que resserrer l'étau des contraintes dans lequel de nombreux gestionnaires se sentent déjà pris, en plus d'allonger le processus d'attribution des marchés. Certains gestionnaires verraient là une raison de plus de court-circuiter le processus et de simplement « faire ce qu'ils ont à faire ». La solution serait peut-être de hausser le niveau de responsabilisation à chacune des étapes du processus d'attribution des marchés publics.
26.59 Les sous-ministres devraient s'assurer que les employés à qui ils délèguent des responsabilités en matière d'attribution des marchés comprennent à fond les deux grands objectifs de la politique du gouvernement sur les marchés (liberté d'accès et valeur optimale) et qu'ils sont tenus responsables de l'atteinte de ces objectifs.
26.60 Les sous-ministres devraient s'assurer que lorsqu'un contrat à fournisseur unique est attribué, les circonstances cadrent pleinement avec les dispositions du Règlement sur les marchés de l'État .
Réponse du gouvernement : Nous tenons à remercier le Bureau du vérificateur général pour la présente vérification sur les marchés de services professionnels.
Nous nous sommes engagés à faire preuve de leadership auprès des ministères pour la mise en oeuvre de saines pratiques de passation des marchés à l'échelle du gouvernement fédéral. Nous tiendrons donc compte des constatations de votre vérification pour améliorer la conclusion des marchés de services au niveau fédéral.
Réponse de la Défense nationale : Les politiques actuellement en place à la Défense nationale reflètent clairement les deux grands objectifs de la politique du gouvernement sur les marchés, soit la liberté d'accès et la valeur optimale. Ces politiques ont été récemment revues, et les exigences seront reconfirmées très prochainement. Le nouvel énoncé de politique fera de nouveau ressortir que les contrats attribués à un fournisseur unique doivent satisfaire pleinement aux exigences et aux circonstances du Règlement sur les marchés de l'État.
Tout comme les énoncés de politique, les programmes de formation actuels du Ministère ont pour objet de s'assurer que les employés qui ont des responsabilités en matière d'attribution des marchés comprennent à fond leurs fonctions et leurs obligations. À la Défense nationale, le pouvoir de passer des marchés n'est délégué que lorsque cette formation a été suivie avec succès.
En terminant, le Ministère craint que la technique d'échantillonnage limité utilisée pour la tenue de cette vérification n'ait conduit à des constatations qui ne sont peut-être pas représentatives des pratiques de passation des marchés qui sont appliquées dans l'ensemble du Ministère. Nous reconnaissons que les contrats attribués à un fournisseur unique représentent un aspect litigieux de la passation des marchés, mais le Ministère a toujours l'intention d'appliquer le règlement en vigueur de manière constante et uniforme tout au long du processus.
Nous n'avons aucunement cherché à évaluer le rendement ou les qualifications des fournisseurs. Aucun commentaire formulé dans ce rapport ne doit d'ailleurs être interprété comme une critique à l'endroit des fournisseurs.
Sami Sourani
Cyril Lee-Shanok
Rosemary Marenger
Pour obtenir de l'information, veuillez communiquer avec M. Hugh McRoberts.