Questions d'une importance particulière - 1998

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La gestion publique dans un contexte postdéficitaire

Samuel Johnson faisait observer que la perspective d'être pendu faisait merveille sur la concentration. Au début des années 90, une récession exceptionnellement longue et profonde a failli provoquer une crise des finances publiques du Canada, déjà affaiblies par des années de déficits consécutifs et une dette croissante. En 1993-1994, le déficit budgétaire annuel atteignait le niveau record de 42 milliards de dollars et la dette nette en proportion du PIB s'élevait à plus de 70 p. 100, contre moins de 20 p. 100 deux décennies plus tôt. Le spectre de la crise financière a encouragé le gouvernement à repenser fondamentalement les activités qu'il exerçait et la façon de les exercer.

Des changements importants à l'administration publique fédérale ont suivi. Le gouvernement a instauré un nouveau système de gestion des dépenses, établi des objectifs de financement pluriannuels et exigé que les nouveaux projets de dépense soient financés par la réaffectation des fonds sans dépassement de ces objectifs. Des programmes ont été privatisés, d'autres ont été restructurés et rationalisés. La taille de la fonction publique a diminué de façon significative pour la première fois depuis des décennies, tout comme les dépenses de programme. La gestion davantage axée sur les résultats et la sensibilisation aux coûts est devenue plus prioritaire.

Comme l'ère des déficits chroniques importants est, semble-t-il, derrière nous, l'enjeu consiste désormais à maintenir l'élan en faveur d'un plus grand souci de l'économie et de l'efficience dans la gestion des fonds publics. L'élimination du déficit n'est qu'une étape vers la restauration de la santé financière mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. La dette et le fardeau fiscal demeurent lourds, et les tendances démographiques actuelles portent à croire que les pressions financières augmenteront. Les bouleversements économiques mondiaux survenus au cours des derniers mois nous rappellent de façon éloquente que la situation économique peut se retourner rapidement. Il est donc important de ne pas se laisser leurrer par ces bons résultats financiers immédiats ni d'atténuer les efforts pour améliorer le rendement.

Dans ce chapitre, je discute de certains moyens qui pourraient appuyer ces efforts. Ce sont :

Ensemble, ces éléments constitueraient une philosophie de gestion publique qui, à mon avis, serait très avantageuse généralement, et particulièrement dans le contexte postdéficitaire actuel.

D'autres questions qui ne sont pas directement liées au thème de la gestion dans un contexte postdéficitaire, mais que je considère tout de même importantes, sont communiquées en annexe de ce chapitre.

Un cadre financier à long terme

Joseph, le fils de Jacob, a sauvé l'Égypte de la famine - et est devenu ainsi riche et célèbre - en conseillant au pharaon de ne pas succomber à la tentation de profiter des années d'abondance, et de prévoir en conséquence. Dans la préparation d'un budget, la simple prudence veut que l'on adopte une vision prospective. Cela est d'autant plus sage quand nous avons des raisons de croire, tout comme Joseph, que notre situation à long terme pourrait être bien différente de la situation actuelle.

Nous ne sommes pas en mesure, comme Joseph, de prédire l'avenir en interprétant les rêves, mais nous pouvons facilement anticiper les répercussions financières à long terme en nous fondant sur les tendances démographiques actuelles. Les tendances démographiques prennent des décennies à se dessiner et suivent un modèle prévisible : les jeunes d'aujourd'hui seront les travailleurs de demain dans une décennie ou deux et les retraités du Canada, trois ou quatre décennies plus tard. Par conséquent, comme l'a dit le spécialiste de la gestion, Peter Drucker, la démographie représente réellement (traduction) « un avenir immuable ».

Que nous réserve l'avenir? Nous savons déjà qu'en raison de la baisse des taux de fécondité et de mortalité, la population du Canada vieillit. La proportion des personnes âgées dans la population totale augmentera radicalement au cours de la deuxième et de la troisième décennies du siècle prochain, au fur et à mesure que les personnes nées pendant l'explosion démographique vieilliront et prendront leur retraite. En 2030, les personnes âgées représenteront 22 p. 100 de la population totale du Canada, contre 12 p. 100 actuellement. Alors qu'aujourd'hui, on compte cinq Canadiens d'âge actif pour chaque personne âgée de 65 ans et plus, dans trois décennies, il n'y en aura plus que la moitié.

Étant donné les politiques actuelles, ces changements démographiques imposeront des pressions financières énormes sur le gouvernement, alors que la demande à l'égard des programmes de retraite et de soins de santé augmentera tandis que la proportion de la population d'âge actif qui contribue financièrement à ces programmes diminuera. Un horizon de deux ans pour des perspectives financières est manifestement beaucoup trop court pour tenir compte de ces pressions. Un tel horizon était efficace en période de crise, mais le moment est venu de voir à plus long terme.

Au sein des pays industrialisés à tout le moins, on reconnaît de plus en plus les avantages de la planification financière à long terme. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a souligné, dans ses rapports récents, la valeur de cadres budgétaires à long terme pour inciter les gens à penser à l'avenir. La Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Royaume-Uni, pays dotés d'un régime parlementaire semblable au nôtre, ont adopté des lois qui obligent leur gouvernement à fournir des perspectives financières à long terme dans le cadre de leur processus budgétaire. Aux États-Unis, tant le Congressional Budget Office, au nom du Congrès, que l'Office of Management and Budget, au nom de l'Administration, préparent et rendent publiques des projections complètes de recettes, de dépenses et d'équilibres budgétaires, suivant diverses hypothèses financières et économiques, sur un horizon de plusieurs décennies.

La budgétisation en Nouvelle-Zélande

La préparation des budgets et les rapports publiés à ce sujet en Nouvelle-Zélande sont régis par le Fiscal Responsibility Act 1994 . Cette loi oblige le gouvernement à appliquer les principes suivants de gestion financière responsable dans sa politique budgétaire :

  • la réduction de la dette du gouvernement à des niveaux prudents;
  • l'équilibre des dépenses de fonctionnement et des recettes pour une période donnée;
  • la poursuite de politiques permettant des taux d'imposition stables et prévisibles pour une période donnée.

Ces principes se reflètent concrètement dans deux publications : un énoncé de la politique budgétaire, qui doit être déposé au moins trois mois avant le budget, et un rapport sur la stratégie financière, qui doit être déposé avec le budget.

L'énoncé de la politique budgétaire décrit les intentions budgétaires du gouvernement pour les trois prochaines années ainsi que ses objectifs financiers à long terme.

Le rapport sur la stratégie financière compare les objectifs du budget avec ceux de l'énoncé de la politique budgétaire et fournit des « perspectives périodiques » qui présentent une projection de la situation financière du gouvernement sur dix ans ou plus, selon un éventail d'hypothèses économiques et stratégiques.

Le Fiscal Responsibility Act a servi de modèle à des lois semblables en Australie et au Royaume-Uni.

J'ai, à diverses occasions, demandé au gouvernement de préparer des projections semblables. Le gouvernement est peu enclin à accéder à ces demandes, car il craint d'être tenu responsable des perspectives à long terme, comme il l'est actuellement pour ses objectifs financiers à court terme. Or il pourrait soit publier un énoncé de politique avec les projections, soit adopter une loi, si nécessaire, indiquant que les projections sont fournies aux fins d'information seulement et qu'elles ne constituent pas des engagements du gouvernement - qui ne voudraient rien dire, de toute façon, étant donné la durée normale du mandat d'un gouvernement. De plus, les projections à long terme n'ont pas à être aussi précises ni à contenir le même type d'information que les prévisions actuelles sur deux ans.

La présentation de ces projections à long terme dans le cadre de la mise à jour financière de l'automne, plutôt qu'avec le Budget annuel en février, aiderait également à les distinguer du plan et des objectifs financiers à court terme du gouvernement. Elle fournirait en même temps un contexte utile aux consultations prébudgétaires, qui sont la raison d'être de la mise à jour financière de l'automne.

J'étais heureux de constater récemment que le Comité permanent des comptes publics a appuyé la nécessité de perspectives à long terme pour la préparation du Budget. Dans son seizième rapport déposé en octobre dernier et fondé sur les audiences sur le chapitre 6 de mon rapport de 1998, le Comité a demandé au ministère des Finances d'élaborer des mécanismes appropriés par lesquels le gouvernement pourra diffuser de l'information financière et démographique à long terme pour assurer la transparence et une meilleure compréhension des perspectives financières du Canada. J'espère que le Ministère répondra favorablement à la demande du Comité.

Des projections financières à long terme sont nécessairement spéculatives, mais n'en sont pas moins nécessaires : nul ne peut ignorer l'avenir parce qu'il n'est pas parfaitement prévisible. Les décisions financières actuelles ont des conséquences à long terme, que nous le voulions ou non. Les tendances démographiques sont tout aussi fiables que d'autres, et l'on peut facilement tenir compte de leurs répercussions financières. Cela et le fait de publier les résultats de l'exercice aideraient à rendre plus intelligibles les objectifs à court terme du gouvernement - et, par le fait même, plus acceptables aux yeux du public et plus crédibles aux yeux des marchés financiers.

Pour en savoir davantage, voir les publications du vérificateur général : Le vieillissement de la population et l'information destinée au Parlement : pour comprendre les choix (Chapitre 6 du Rapport de 1998); Information destinée au Parlement - Les déficits et la dette : Pour comprendre les choix (Chapitre 9 du Rapport de 1995); Pour une meilleure intendance - La réforme de la fonction publique en Nouvelle-Zélande de 1984 à 1994 : sa pertinence pour le Canada (1995); Information destinée au Parlement - Pour comprendre les déficits et la dette (Chapitre 5 du Rapport de 1993). Autres publications : Préserver la prospérité dans une société vieillissante (OCDE, 1998); Long-Term Budgetary Pressures and Policy Options (Congressional Budget Office, Washington, DC, mai 1998).

Des structures de régie efficaces

Les idées au sujet de ce qui fonctionne dans le secteur public, et de ce qu'on entend par gestion publique efficace, ont évolué radicalement au cours des quelque dix dernières années. La gestion publique traditionnelle est caractérisée par des structures organisationnelles hiérarchiques, une prise de décision centralisée et la réglementation des ministères opérationnels par des contrôles imposés par les organismes centraux. Elle s'appuie sur des règles détaillées plutôt que sur le jugement des gestionnaires, et sur des processus plutôt que sur des résultats.

Ces caractéristiques bureaucratiques de la gestion publique traditionnelle ont été conçues pour assurer l'équité entre les activités gouvernementales et la probité dans l'intendance des ressources publiques. Mais elles peuvent aussi rendre le secteur public complexe, rigide et inefficient. Dans un monde qui évolue rapidement, où la concurrence croît et où le public est de plus en plus exigeant, ce modèle bureaucratique traditionnel de gestion publique devient de moins en moins acceptable.

Les pays du monde industrialisé abandonnent progressivement ce mode de gestion désuet du secteur public pour adopter une gestion plus décentralisée, plus souple et davantage axée sur les résultats et le rendement. Le centre demeure responsable des orientations stratégiques et des affectations budgétaires, mais les ministères opérationnels jouissent d'une plus grande autonomie dans l'utilisation des ressources pour répondre aux besoins des clients. La reddition de comptes est assurée par l'établissement d'objectifs de rendement appropriés et l'obligation de rendre compte de l'atteinte de ces objectifs.

Par le biais d'initiatives sous la bannière générale « Repenser le rôle de l'État », l'administration fédérale a amorcé un virage vers la gestion axée sur les résultats dans le secteur public. Des cadres de contrôle et des procédures de régie qui favorisent l'engagement envers les objectifs organisationnels et qui « permettent » aux gestionnaires de gérer sont essentiels à la réussite de cette approche. Nous proposons aux organisations du secteur public d'adopter les quatre principes clés suivants, qui sont liés à un cadre de régie efficace.

Activités contractuelles - un mauvais exemple du pouvoir discrétionnaire des gestionnaires

Les contrats passés avec des fournisseurs de l'extérieur du gouvernement pour des biens et des services sont un domaine où les gestionnaires du gouvernement jouissent d'un pouvoir discrétionnaire considérable. Malheureusement, la façon dont ce pouvoir est utilisé à l'heure actuelle est souvent un mauvais exemple qui risque de s'étendre à d'autres domaines.

La vérification des contrats à fournisseur unique accordés pour les services professionnels, que nous avons effectuée cette année, nous a permis de constater :

  • le non-respect généralisé des règlements sur les marchés;
  • une mauvaise documentation;
  • un souci insuffisant de l'économie.

Pour fonctionner, la dévolution des pouvoirs doit s'accompagner d'attentes de rendement et d'obligations d'information claires. Autrement, la reddition de comptes et le rendement risquent de s'effriter.

Voir : La passation des marchés de services professionnels : certains contrats à fournisseur unique (Chapitre 26 du Rapport de 1998).

Évidemment, aucun processus de gestion ne peut garantir le succès en bout de ligne. Au mieux, il permet à l'organisation de maintenir le cap sur les buts qu'elle veut atteindre et de s'occuper des questions qui relèvent de la direction et qui font obstacle au succès. Un cadre de régie efficace est conçu pour aider la direction à y parvenir.

J'entends déjà quelques lecteurs me dire « C'est plus facile à dire qu'à faire ». Je le sais. Par surcroît, je ne sous-estime pas la difficulté d'établir, dans de nombreux secteurs du gouvernement, des objectifs clairs et des mesures du rendement et de communiquer de l'information de façon franche et ouverte. Néanmoins, comme le montrent les pratiques d'autres pays, nous pouvons faire mieux. Les avantages possibles en valent le coût, particulièrement en ce moment : des structures qui encouragent une éthique du rendement, renforcées par des pratiques de communication de l'information qui facilitent la surveillance, peuvent minimiser le risque de recul au moment où les pressions financières à court terme en faveur des économies disparaissent.

Dans le reste du chapitre, j'examine divers aspects de cet enjeu.

Pour en savoir davantage, voir les publications du vérificateur général : La communication de l'information sur le rendement dans le Système de gestion des dépenses (Chapitre 5 du Rapport de 1997); Vers une gestion axée sur les résultats (Chapitre 11 du Rapport de 1997); Les sociétés d'État - Appliquer la mesure du rendement (Chapitre 22 du Rapport de 1997); Sociétés d'État : S'acquitter des responsabilités en matière d'intendance (Chapitre 10 du Rapport de 1995).

L'innovation et la prise de risque prudente dans le secteur public

Dans d'autres sections du chapitre, je discute des changements profonds survenus dans les structures de régie, les ressources et les méthodes de prestation des services qui ont marqué la fonction publique fédérale au cours des dernières années. Même si bon nombre de ces changements découlent de la lutte engagée par le gouvernement contre les déficits chroniques, d'autres facteurs comme la mondialisation, les tendances démographiques et sociétales et la révolution technologique ont fait de l'évolution rapide une réalité. Dans l'environnement compétitif et axé sur les résultats qui existe maintenant, on attache beaucoup d'importance à la capacité et au désir des fonctionnaires de prendre des risques raisonnables et de faire preuve d'innovation - non seulement pour en arriver à suivre le changement, mais pour l'anticiper et l'influencer, et saisir les possibilités qu'il offre.

Cependant, de l'avis de plusieurs observateurs, il existe des entraves à la prise de risque et à l'innovation. Parmi celles-ci, citons les répercussions sur le moral des fonctionnaires de facteurs interdépendants comme la réduction des effectifs, le long gel des salaires qui n'a pris fin que l'an passé, et la perception d'un manque d'appui. Parallèlement, plus de transparence et une plus grande attention à l'égard des résultats peuvent parfois susciter des critiques non méritées quand les résultats escomptés ne se concrétisent pas. Dans ces circonstances, de nombreux fonctionnaires peuvent juger prudent de ne pas prendre de risques.

Je reconnais que les travaux de mon bureau sont parfois considérés comme contribuant aux forces qui entravent l'innovation. Étant donné la nature même de notre mandat, qui nous demande de rendre publics les cas de mauvaise gestion, il est toujours possible que nos travaux répriment le désir de certains fonctionnaires d'innover et de prendre des risques. Néanmoins, je suis convaincu que le Bureau est un intervenant relativement mineur dans le contexte opérationnel complexe de la fonction publique. Nous - le public, les parlementaires, les fonctionnaires et le Bureau - devons travailler ensemble pour aider à supprimer les contraintes et à trouver des façons d'encourager l'innovation et la prise de risque responsable qui sont plus que jamais nécessaires.

C'est à la lumière de ces considérations qu'en octobre de cette année, j'ai parrainé la Table ronde sur l'innovation et la prise de risque* réunissant des hauts fonctionnaires des gouvernements fédéral et provinciaux, des représentants politiques et des représentants du secteur privé et des syndicats. Les discussions étaient fondées sur des documents de travail préparés par le Forum des politiques publiques ( The Risk Not Taken ), Industrie Canada ( An Industry Canada Perspective ) et le Bureau ( Le rôle et la perspective du Bureau du vérificateur général du Canada ). Je crois que la participation à la Table ronde, les discussions animées et l'éventail de points de vue exprimés reflètent l'importance de ce sujet, de même que l'intérêt et les préoccupations des participants. Le fait que les participants ne se soient pas limités au recensement des problèmes, mais qu'ils aient proposé certaines mesures concrètes qui pourraient faire avancer les choses, m'encourage tout particulièrement.

Je considère que la Table ronde est le début plutôt que la fin d'un processus permanent. Nous continuerons de travailler avec les ministères et les organismes pour cerner plus clairement les contraintes à l'innovation et à la prise de risque prudente et les mesures qui peuvent être prises pour encourager les fonctionnaires à s'acquitter de leurs responsabilités avec créativité, innovation et intégrité.

*On peut se procurer le sommaire des travaux de la Table ronde en communiquant avec notre bureau.

Une gestion et des rapports financiers modernisés

L'une de mes priorités comme vérificateur général depuis ma nomination en 1991 est d'encourager une meilleure gestion financière dans l'administration fédérale. Or une information financière de qualité est indissociable d'une gestion financière de qualité. De fait, il faut de l'information financière exacte et actuelle pour tous les aspects de la gestion publique, notamment l'affectation des ressources et la planification, le suivi des activités et l'évaluation du rendement. Des rapports actuels et crédibles contenant de l'information financière pertinente sont également fondamentaux pour rendre les ministères, et le gouvernement dans son ensemble, responsables des ressources qu'ils utilisent et du pouvoir qu'ils exercent.

L'état de la gestion financière me préoccupe à trois points de vue :

Modernisation de la gestion financière - il est temps d'agir

En même temps que des améliorations sont apportées au système de gestion financière du gouvernement, se déroule une initiative plus vaste pour renouveler la gestion financière dans l'administration fédérale. Dans son rapport de 1997, le Groupe de travail indépendant chargé de la modernisation de la « fonction de contrôleur » dans l'administration fédérale du Canada soutient que la fonction de contrôleur - comme elle est considérée et exercée en ce moment - doit changer fondamentalement pour répondre aux besoins d'un gouvernement moderne.

Le Groupe de travail a proposé les trois points de repère suivants qui indiqueraient quand la modernisation a lieu :

  • l'existence de normes sur le rendement, à l'échelle du gouvernement, adaptées aux besoins des ministères et instaurées de façon à répondre à leurs circonstances;
  • les décideurs reçoivent une information complète et crédible sur le rendement;
  • l'existence de centres d'excellence pour la formation des gestionnaires et des professionnels aux exigences de la fonction de contrôleur.

Le gouvernement a accepté les recommandations du Groupe de travail. J'appuie les efforts du contrôleur général pour mettre en oeuvre ces recommandations rapidement.

Premièrement : il est plus que temps de moderniser la gestion financière

La nécessité de réformer le mode de gestion de l'information financière dans l'administration fédérale est à l'ordre du jour depuis de nombreuses années. Il y a près de quatre décennies, la Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement (Commission Glassco) réclamait l'adoption d'un système comptable qui fournirait de l'information de meilleure qualité sur les coûts entiers des activités gouvernementales. Depuis, cette demande a été réitérée à maintes reprises par de nombreuses parties, tant de l'intérieur que de l'extérieur du gouvernement.

Le gouvernement est en train d'instaurer un tel système, dans le cadre d'une initiative appelée la Stratégie d'information financière (SIF). Entre autres, on remplacera le système comptable actuel, en partie fondé sur la comptabilité de caisse, par la comptabilité d'exercice intégrale. Ainsi, les dépenses consacrées aux immobilisations seront constatées au fur et à mesure que les actifs seront utilisés, de sorte que les coûts seront répartis sur la durée de vie utile de ces actifs. Actuellement, le coût total d'une immobilisation est imputé aux dépenses au moment de l'acquisition de l'actif. En associant de façon adéquate les coûts aux activités qu'ils appuient, la comptabilité d'exercice nous fournit une information de meilleure qualité sur le coût réel des programmes du gouvernement.

La modernisation de la gestion financière du gouvernement s'impose depuis longtemps. La Stratégie elle-même a été approuvée par le Conseil du Trésor en 1989 et a été appuyée de nouveau comme priorité gouvernementale en 1995. Mais la mise en oeuvre est lente.

Bien que la cadence se soit accélérée récemment, il faudra des années encore avant qu'un système de gestion financière répondant à des normes jugées acceptables dans le secteur privé soit en place. De nouveaux reports ne sont pas envisageables : le gouvernement a besoin de l'information financière qui lui fait défaut actuellement.

Deuxièmement : les plans du gouvernement donneraient lieu à des incohérences entre les crédits parlementaires et les dépenses gouvernementales

Comme nous l'avons signalé en septembre de cette année, l'un des principaux défis de la mise en oeuvre réussie de la Stratégie d'information financière sera de persuader les représentants des ministères d'utiliser la nouvelle information financière dans la gestion quotidienne des programmes et des activités. Il est plus probable qu'ils l'utiliseront si les fonds sont également octroyés selon la méthode de comptabilité d'exercice intégrale. Les projets annoncés par le gouvernement prévoient l'adoption de la comptabilité d'exercice intégrale pour le Budget annuel, les Comptes publics du Canada, le Rapport sur les plans et les priorités des ministères et le Rapport sur le rendement des ministères, mais non pour le Budget des dépenses soumis au Parlement aux fins des crédits parlementaires.

À mon avis, cette fissure dans la structure des rapports financiers pourrait nuire sérieusement à l'efficacité de la Stratégie. L'engagement des gestionnaires de programme envers les principes de la comptabilité et de la budgétisation d'exercice sera moindre si ces principes ne sont pas appliqués pour une fin aussi fondamentale que l'octroi des crédits. En outre, le maintien de deux séries de livres pour les mêmes activités, l'une pour la gestion et l'autre pour les rapports, compliquerait aussi sans raison le régime redditionnel. Tous les avantages de la Stratégie ne seront réalisés que si elle englobe le processus d'octroi des crédits, de sorte que l'information utilisée par les gestionnaires du secteur public pour planifier et gérer leurs programmes sera la même que celle dont se servira le Parlement pour l'octroi et l'approbation des ressources.

Troisièmement : l'engagement pris par le gouvernement de respecter des normes comptables objectives doit être réaffirmé

Pour ma part, l'un des aspects les plus encourageants de la Stratégie est l'intention déclarée du gouvernement de respecter des normes comptables conformes aux recommandations du Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public (CCVSP) de l'Institut Canadien des Comptables Agréés. Ces normes sont élaborées ouvertement, avec la pleine participation des milieux financiers et comptables et du secteur public, et selon un processus établi qui comprend la diffusion d'exposés-sondages et l'évaluation des réponses des parties intéressées.

Pourtant, pour la troisième année consécutive, je fais part de mon inquiétude au sujet du non-respect, par le gouvernement, des normes du CCVSP pour la comptabilisation de certaines dépenses dans les Comptes publics. Pour cette raison, j'ai dû formuler une restriction dans mon opinion sur les états financiers annuels du gouvernement des deux dernières années. Les dépenses en question comprenaient l'aide transitoire octroyée en 1996 pour l'harmonisation des taxes de vente provinciales avec la TPS, ainsi que les fonds pour établir la Fondation canadienne pour l'innovation en 1997 et la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, plus tôt cette année.

Le respect des normes comptables recommandées par un organisme indépendant comme le CCVSP devrait être la pratique générale dans la comptabilité du gouvernement. Les comptes préparés selon ces normes refléteront probablement le consensus des experts en finances et en comptabilité et des experts du secteur public sur la meilleure façon de traduire la réalité financière dans les états financiers du gouvernement. En outre, comme on ne pourra affirmer alors que la méthode suivie a été choisie pour des raisons politiques ou de partisanerie, les rapports qui en résulteront jouiront d'une plus grande crédibilité parmi les citoyens et les milieux financiers nationaux et internationaux.

La récente crise financière asiatique atteste de l'importance d'une information transparente, fidèle et intégrale sur l'état des finances des gouvernements. Le Fonds monétaire international a jugé que le manque de transparence a été un facteur qui a contribué à cette crise. Des pratiques de communication d'information opaques et un accès limité aux données ont empêché d'avoir une vue réaliste des aspects fondamentaux de l'économie des pays maintenant aux prises avec des difficultés financières. La communication en temps opportun d'une information utile et facile à comprendre contribue à un meilleur rendement en appuyant la prise de décision éclairée et en exposant les activités du gouvernement à l'examen public.

Pour en savoir davantage, voir les publications du vérificateur général : La Stratégie d'information financière : un outil essentiel pour repenser le rôle de l'État (Chapitre 18 du Rapport de 1998); La présentation des résultats financiers du gouvernement : l'importance de respecter des normes comptables objectives (Chapitre 9 du Rapport de 1998); La gestion financière - L'élaboration d'un modèle de la capacité (Chapitre 2 du Rapport de 1997); La gestion de la fonction comptable du gouvernement au niveau des organismes centraux (Chapitre 3 du Rapport de 1997). Autre publication : Observations du vérificateur général (Comptes publics du Canada, Volume 1, Section 1, 1996 à 1998).

Une meilleure intégration de la gestion des ressources humaines aux réformes en cours dans le secteur public

L'un des plus gros défis de l'ère postdéficitaire concerne les ressources humaines dans la fonction publique et la façon dont elles sont gérées. Pour que le gouvernement puisse fonctionner adéquatement, il nous faut au Canada une fonction publique forte. Afin que les organisations gouvernementales puissent innover et offrir des services de grande qualité aux contribuables, la fonction publique doit être en mesure d'attirer et de retenir des personnes talentueuses. Ces ressources appréciables doivent donc être gérées adéquatement. Il faut pour cela un ensemble efficace d'éléments concrets, comme de bonnes politiques et de bons systèmes, et des éléments moins concrets, comme un leadership solide.

Lorsque je discute avec des hauts fonctionnaires, je constate beaucoup d'insatisfaction au sujet de l'état actuel de la gestion des ressources humaines dans l'administration fédérale. J'ai constaté - tout comme d'autres observateurs et représentants du gouvernement - que la fonction publique est une institution qui est soumise à de fortes pressions.

Principaux problèmes de gestion des ressources humaines qui doivent être réglés

  • Moderniser et simplifier les systèmes de classification et d'évaluation des emplois
  • Examiner les processus de formation, de recrutement et de transfert afin d'améliorer la mobilité et les possibilités de carrière
  • Rajeunir et renouveler le personnel pour compenser les pertes d'employés expérimentés et trouver les nouvelles compétences nécessaires
  • Remédier aux pénuries de groupes spécialisés (spécialistes en informatique, ingénieurs, statisticiens, etc.)
  • Mieux gérer la situation des employés qui restent

L'insatisfaction au sujet de la gestion des ressources humaines se traduit également par l'intérêt manifesté par les hauts fonctionnaires à l'égard des nouveaux modes de prestation de services. L'un des moteurs de cet intérêt est que les systèmes actuels de dotation en personnel, de classification et de rémunération sont trop lourds et n'offrent pas assez de souplesse. Le gouvernement doit veiller à ce que la course pour « sortir du système » n'empêche pas de le rationaliser.

La gestion des ressources humaines après une réduction d'effectifs pose un défi de taille. Nos vérifications de la réduction des dépenses et des effectifs au sein de la fonction publique, dont les résultats ont été communiqués en avril dernier, mettent en lumière la nécessité de voir à ce que les effectifs correspondent aux besoins futurs. Dans le cadre du programme offrant des primes de départ anticipé, on n'a pas toujours déterminé avec précision les types d'employés qui seraient nécessaires à l'avenir. L'encadré présente une liste de problèmes cernés par nos vérifications et qui doivent être réglés.

Il est inquiétant de constater que ces problèmes persistent. Ce n'est pas par manque de consensus au sujet de la nécessité du changement. Ce n'est pas non plus parce que les problèmes viennent d'être décelés - les réductions des effectifs n'ont fait qu'amplifier des problèmes qui existent depuis de nombreuses années.

L'élimination, l'an dernier, du gel des salaires a supprimé un irritant majeur et une source de malaise chez les fonctionnaires. Une série d'initiatives visant à revitaliser la fonction publique sont également en cours, notamment La Relève. Mais on a le sentiment que les progrès sont lents, en partie parce qu'il ne semble pas y avoir de vision globale du rôle et de la composition de la fonction publique dans un secteur public réorganisé.

Pour définir cette vision, il faut trouver réponse à certaines questions difficiles. La fonction publique devrait-elle être gérée uniformément ou différentes parties de celle-ci devraient-elles être gérées autrement? Quels devraient être les rôles respectifs des organismes centraux et des ministères? Comment peut-on le mieux protéger les principes du mérite et de l'impartialité politique? Mais malgré ces difficultés, la définition de cette vision et la réforme du secteur public sont essentielles au succès du nouveau modèle de fonction publique que le gouvernement tente de créer. Si les problèmes liés aux ressources humaines ne sont pas réglés, la mise en oeuvre d'autres réformes dans le secteur public a peu de chance de réussir.

Pour en savoir davantage, voir les publications du vérificateur général : Les réductions des dépenses et des effectifs au sein de la fonction publique (Chapitre 1 du Rapport de 1998); Les réductions des dépenses et des effectifs dans certains ministères (Chapitre 2 du Rapport de 1998).

Une reddition de comptes transparente et significative au Parlement

L'une des principales responsabilités du Parlement est de tenir le gouvernement responsable : en examinant les travaux des ministères et des organismes et en forçant le gouvernement à défendre ses politiques et sa gestion du trésor public. Pour faire ce travail efficacement, les parlementaires ont besoin d'information actuelle et pertinente sur les objectifs du gouvernement, les résultats attendus et le rendement réel. L'information communiquée au Parlement devient également accessible au grand public, ce qui contribue à mieux l'informer et à lui permettre de participer davantage au processus gouvernemental.

Des pas importants ont été franchis en ce sens récemment. Les rapports sur le rendement déposés à l'automne et les rapports sur les plans et les priorités déposés au printemps en sont des exemples notables. Ce sont des initiatives conçues pour améliorer l'information communiquée au Parlement et permettre une plus grande participation à la politique publique et à la gestion des affaires publiques.

Il est encore trop tôt pour juger du succès de ces initiatives. Je m'attends à ce que la qualité de l'information communiquée s'améliore dans le temps, au fur et à mesure qu'on tirera des leçons de l'expérience et qu'on s'engagera plus à fond envers les résultats et le rendement. Les parlementaires peuvent accélérer le processus en utilisant efficacement cette information. Plus ils manifesteront d'intérêt envers ces nouveaux rapports ministériels, plus les ministères seront incités à en améliorer la qualité. L'information de meilleure qualité devrait contribuer alors à une meilleure gestion, en facilitant la participation d'un plus grand éventail de parties intéressées et en incitant les fonctionnaires à mettre l'accent sur les résultats qui comptent pour les Canadiens.

Les nouveaux modes de prestation de services présentent un défi particulier

Au fur et à mesure que le gouvernement réévalue son rôle afin de vivre selon ses moyens, il a de plus en plus recours à d'autres mécanismes que les ministères pour assurer les services. Ces nouveaux mécanismes de prestation de services prennent diverses formes. Il peut s'agir d'organismes de services spéciaux au sein du gouvernement, d'ententes de partenariat avec d'autres paliers de gouvernement ou avec des participants de l'extérieur du gouvernement, ou de la commercialisation des services. Bien que le concept général ne soit pas nouveau, le gouvernement compte de plus en plus sur les nouveaux modes de prestation pour assurer des services autrefois offerts par les ministères.

Ces mécanismes sont habituellement plus spécialisés que les ministères et jouissent de plus d'autonomie dans l'utilisation des ressources humaines et financières. Le contrôle gouvernemental est généralement exercé par des ententes-cadres plus explicites qui précisent les objectifs et les mesures de rendement et qui prévoient moins de discrétion ministérielle. L'objectif prépondérant de tous ces mécanismes est d'améliorer la prestation des services en conférant à l'organisme de prestation plus de souplesse et de meilleurs incitatifs, tout en maintenant un contrôle adéquat sur l'utilisation des fonds publics.

Quel que soit le type d'organisme utilisé pour assurer un service, quand celui-ci nécessite des ressources et des pouvoirs fédéraux, les Canadiens ont le droit de s'attendre à une reddition de comptes au moyen de rapports complets et fidèles au Parlement. En sortant du modèle ministériel traditionnel, les nouveaux modes de prestation pourraient, s'ils ne sont pas conçus adéquatement, diluer la reddition de comptes et affaiblir les valeurs de la fonction publique. L'expérience d'autres administrations avec ces nouveaux modes de prestation montre que le maintien de la reddition de comptes et de la cohésion pose un défi constant.

Pour aider le Parlement, mon bureau a proposé un cadre en quatre points pour évaluer les propositions de nouveaux modes de prestation, en faisant écho aux quatre principes d'une régie efficace discutés à la page 12 :

Les nouveaux modes de prestation promettent d'offrir, de façon plus efficiente, un service plus ciblé, plus souple et davantage axé sur la clientèle que les ministères traditionnels. Parallèlement, ils peuvent entraîner des changements importants dans les rôles et les responsabilités des ministres et dans la relation entre les fournisseurs de services et les organismes centraux et le Parlement. Ces changements, pour leur part, soulèvent d'importantes questions sur l'intégration des activités des nouveaux organismes de prestation à celles de l'ensemble du secteur public, et sur la façon d'assurer la reddition de comptes au Parlement et de veiller à la protection de l'intérêt public. Il faut trouver réponse à ces questions si l'on veut que les nouveaux modes tiennent toutes leurs promesses.

Pour en savoir davantage, voir les publications du vérificateur général : L'évaluation des nouveaux modes de prestation de services (document de discussion, juin 1998); La création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (Chapitre 12 du Rapport de 1998); La communication de l'information sur le rendement dans le Système de gestion des dépenses (Chapitre 5 du Rapport de 1997); Transports Canada - La commercialisation du système de navigation aérienne (Chapitre 19 du Rapport de 1997).

Conclusion

Au cours des dernières années, la compression des dépenses publiques et la réforme du secteur public ont été suscitées en grande partie par la nécessité de réduire les énormes déséquilibres budgétaires qui menaçaient souvent de provoquer une crise des finances publiques. Dans ces circonstances, les incitations à tenir compte des coûts et à faire preuve de frugalité étaient naturellement présentes. Avec l'élimination du déficit l'an dernier, il est clair que ces pressions sont moindres.

Dans ce nouveau contexte, où la recherche de l'efficience et de l'économie peut ne pas paraître aussi pressante, les pressions compensatoires qu'un bon système de gestion et d'information dans le secteur public peut apporter revêtent une importance nouvelle. Les éléments d'un tel système sont :

Les restrictions des ressources ont permis ces dernières années de rationaliser l'administration fédérale qui est alors devenue plus efficiente, plus transparente et davantage axée sur les besoins. Le défi consiste maintenant à profiter de cet élan pour continuer à améliorer le rendement. C'est un défi de taille, mais qu'il faut relever. Le succès va bien au-delà de l'optimisation de l'argent des contribuables, bien que cela en fasse manifestement partie. Le succès veut dire bâtir un meilleur pays et une société démocratique plus saine. En améliorant son rendement, le secteur public peut aider à redonner confiance dans le gouvernement - confiance qui a été minée gravement par des années d'attentes déçues. Au fil du temps, cela se traduira par un gouvernement de plus en plus efficace et des institutions publiques de plus en plus fortes pour nos enfants et les enfants de nos enfants.


Annexe du chapitre : d'autres questions récentes et certaines qui posent toujours problème

Évaluations de l'information sur le rendement

Pour la première fois, mon bureau est tenu par la loi de fournir une évaluation de l'information sur le rendement communiquée par un nouvel organisme de prestation de services, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). On envisage l'adoption d'exigences législatives semblables pour deux autres organismes proposés : l'Agence canadienne des parcs et l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

En vertu de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments , je dois évaluer la justesse et la fiabilité de l'information sur le rendement communiquée dans le rapport annuel de l'Agence en fonction des objectifs établis dans son plan d'entreprise. Ma première évaluation a été incluse dans le rapport annuel de l'Agence de cette année. Une évaluation indépendante a pour but d'ajouter de la crédibilité à l'information qu'une organisation communique sur son rendement.

Cette première évaluation a constitué un bon apprentissage tant pour l'Agence que pour le Bureau. Nous avons constaté un intérêt accru pour cette forme d'assurance dans certaines provinces et dans d'autres pays. Comme je l'ai déjà indiqué, je suis disposé à envisager d'effectuer davantage de travaux de ce genre s'ils sont utiles pour le Parlement et le gouvernement.

Je reconnais que les ministères et les organismes fédéraux poursuivent actuellement leurs efforts pour mettre au point les rapports sur le rendement. À mon avis, il est essentiel que la qualité de ces rapports s'améliore plus rapidement; le Parlement et le public ne devraient pas avoir à attendre longtemps pour que des rapports de qualité deviennent la norme.

Je continuerai d'insister pour que les rapports et la reddition de comptes s'améliorent, de même que d'y contribuer, lorsque possible. Le Parlement et les ministres ont un rôle important à jouer eux aussi; dans d'autres administrations, il a fallu les pressions concertées des dirigeants politiques pour obtenir de bons rapports sur le rendement.

Pour en savoir davantage, voir : L'Évaluation par le vérificateur général de l'information sur le rendement (Rapport annuel de 1997-1998 de l'Agence canadienne d'inspection des aliments).

Promotion de l'intégrité au sein de Revenu Canada

L'éthique dans le secteur public est un thème qui a toujours intéressé le Bureau. En 1995, nous avons fait état de travaux que nous avons réalisés sur l'intégrité dans le secteur public. L'objectif était de clarifier davantage les principaux éléments de la prise de décision intègre. L'étude proposait un cadre d'éthique pour le secteur public fondé sur le principe que « la fonction publique est un bien public ».

En septembre de cette année, nous avons rendu compte de la façon dont Revenu Canada encourage l'intégrité chez ses employés. Nous avons constaté que le Ministère reconnaît l'importance d'une culture d'intégrité bien vivante pour assurer le succès de ses activités et qu'il a adopté des mesures pour maintenir un milieu de travail qui appuie ce genre de culture. Outre les procédures courantes d'enquête sur la mauvaise conduite, l'imposition de mesures disciplinaires aux contrevenants et la correction des faiblesses cernées, ces mesures comprennent :

Ces mesures sont conformes au cadre proposé dans notre étude de 1995 et constituent un fondement solide pour la promotion de l'intégrité à Revenu Canada.

La vérification a également permis de cerner des secteurs susceptibles d'améliorations pour renforcer ce fondement. Plus particulièrement, les règles de conduite pourraient être plus claires et leur justification pourrait être mieux expliquée. De plus, Revenu Canada pourrait nommer un conseiller en matière d'éthique que les employés pourraient consulter à titre confidentiel et qui pourrait agir comme défenseur des mesures visant à promouvoir l'intégrité au sein du Ministère.

Le fait d'avoir des normes d'éthique n'est pas suffisant pour assurer un rendement en matière d'éthique, mais c'est une étape nécessaire. Les initiatives prises par Revenu Canada en ce domaine constituent des exemples que les autres ministères devraient envisager de suivre.

Pour en savoir davantage, voir la publication du vérificateur général : Revenu Canada - Promouvoir l'intégrité au sein du Ministère (Chapitre 15 du Rapport de 1998).

Examen de l'obligation de déclarer les biens étrangers déterminés

Le 19 décembre 1997, le gouverneur général en conseil, sur la recommandation du ministre des Finances et du ministre du Revenu national, m'a demandé d'examiner l'obligation selon l'article 233.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu de déclarer des biens étrangers déterminés. Mon rapport d'examen a été déposé à la Chambre des communes le 5 juin 1998.

Nous avons conclu que l'exigence de déclaration des biens étrangers déterminés était un mécanisme approprié, dans le cadre d'une stratégie d'ensemble, à la fois pour mieux faire observer les dispositions législatives qui rendent obligatoire la déclaration des revenus de provenance étrangère et pour fournir à Revenu Canada des renseignements qui lui permettent de valider les cotisations calculées par les contribuables. Nous avons également examiné des mécanismes de rechange et avons conclu qu'aucun d'entre eux n'était aussi efficace que l'exigence de déclaration actuelle. Je suis, par conséquent, désappointé de constater que le gouvernement a opté pour un régime de déclaration sous la forme de cases à cocher (qui exige simplement des contribuables qu'ils répondent oui ou non à une série de questions, sans fournir de détails sur leurs biens). Cependant, le gouvernement a accepté la plupart de nos autres recommandations.

Cet examen nous a fourni l'occasion unique de solliciter le point de vue de Canadiens et de fiscalistes étrangers sur la question. Bon nombre de ceux qui nous ont fait parvenir des mémoires ont formulé des préoccupations sérieuses et profondes au sujet de la protection des renseignements personnels et des questions d'économie et d'investissements. Nous avons étudié ces préoccupations avec soin et avons constaté que bon nombre d'entre elles avaient trait aux taux d'imposition, à l'obligation de payer de l'impôt sur le revenu de toutes provenances et à une mauvaise compréhension du régime fiscal canadien plutôt qu'à l'obligation de déclaration que nous devions examiner.

Pour en savoir davantage, voir la publication du vérificateur général : Examen de l'obligation de déclarer les biens étrangers déterminés prévue par l'article 233.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Rapport de 1998 aux ministres des Finances et du Revenu national).

La Stratégie fédérale en matière de sciences et de technologie : suivi des progrès

Dans une série de rapports au cours de la majeure partie de la décennie, mon bureau a encouragé le gouvernement à améliorer la gestion de ses activités de sciences et de technologie. Le gouvernement fédéral a dévoilé sa nouvelle stratégie en matière de sciences et de technologie en mars 1996, dans le but d'encourager la recherche scientifique et l'application de la technologie dans le meilleur intérêt des Canadiens. Nous craignons à cette étape que la Stratégie ne perde son élan initial, comme cela a été le cas par le passé pour d'autres initiatives.

Pour cette raison, nous avons examiné l'état d'avancement des travaux réalisés par le gouvernement pour mettre en oeuvre la Stratégie. Ce faisant, nous avons retenu les messages de nos travaux précédents, notamment la nécessité d'effectuer des recherches fonction d'un mandat et axées sur les résultats, d'établir clairement les responsabilités et de mettre l'accent sur le rendement.

Les résultats de notre vérification, présentés dans le chapitre 22 de ce rapport, révèlent que le gouvernement tarde à établir un nouveau système de régie des activités de sciences et de technologie et qu'il n'a pas encore respecté tous les engagements qu'il a pris aux termes de la Stratégie. Par conséquent, le régime établi pour gérer les activités fédérales de sciences et de technologie ne donne pas encore les résultats prévus - à savoir, assurer des priorités claires, des efforts concertés et des rapports complets sur le rendement.

Pour réaliser la mise en oeuvre de la Stratégie comme prévu, le gouvernement doit établir clairement les mesures à prendre et fournir le leadership nécessaire pour qu'elles soient prises. Dans un monde axé sur l'information, il est d'une importance primordiale que les programmes de sciences et de technologie fonctionnent bien.

Pour en savoir davantage, voir les publications du vérificateur général : La Stratégie fédérale en matière de sciences et de technologie : suivi des progrès (Chapitre 22 du Rapport de 1998); Les activités fédérales dans le domaine des sciences et de la technologie - Suivi (Chapitre 15 du Rapport de 1996); La gestion globale des activités fédérales dans le domaine des sciences et de la technologie (Chapitre 9 du Rapport de 1994); La gestion des activités scientifiques et technologiques dans les ministères et organismes (Chapitre 10 du Rapport de 1994). Autre publication : Les sciences et la technologie à l'aube du XXIe siècle : La stratégie fédérale (mars 1996).

Le bogue du millénaire : encore une menace

Le problème du passage à l'an 2000, aussi connu sous le vocable bogue du millénaire, désigne les possibilités de défaillance des systèmes informatiques à l'aube de l'an 2000. Le problème vient de la pratique utilisée couramment par les programmeurs informatiques dans le passé (adoptée pour des raisons d'économie) de représenter l'année par deux chiffres uniquement. Les ordinateurs encodés de la sorte ne seront pas en mesure de distinguer l'an 2000 de l'année 1900. Ils pourraient donc tomber en panne ou mal fonctionner. La possibilité d'un bouleversement général en raison de ces pannes est importante.

En 1997, en fonction des résultats d'une vérification que nous venions de terminer, je craignais que les progrès réalisés par le gouvernement pour préparer ses systèmes à l'an 2000 ne soient trop lents. Dans un suivi effectué cette année, nous avons constaté que le rythme des projets de préparation à l'an 2000 s'est accéléré et que beaucoup de progrès ont été accomplis. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor mène des enquêtes auprès des ministères et des organismes sur les systèmes qui appuient les nombreuses fonctions essentielles à la mission de l'administration fédérale. Sa plus récente enquête, terminée en juin 1998, montre que la préparation de nombreux systèmes était en retard par rapport à un calendrier déjà serré. Cette année, les constatations de notre vérification révèlent que trois des six fonctions essentielles à la mission que nous avons examinées, demeurent à risque. Je crains fort que les systèmes qui appuient de nombreuses fonctions essentielles à l'administration fédérale ne soient pas prêts à temps pour l'an 2000.

Le problème de l'an 2000 en est un pour lequel les solutions ne peuvent être reportées. Le gouvernement doit continuer d'y accorder une priorité très élevée et intensifier ses efforts pour mettre à jour ses systèmes et les préparer à l'an 2000. Il doit également prévoir des plans d'urgence pour faire en sorte que les services publics essentiels seront assurés au début de l'an 2000.

Pour en savoir davantage, voir les publications du vérificateur général : La préparation à l'an 2000 : les systèmes essentiels à la mission de l'administration fédérale (Chapitre 20 du Rapport de 1998); Les technologies de l'information - La préparation à l'an 2000 (Chapitre 12 du Rapport de 1997).

Une approche stratégique du développement durable

Les organisations tant des secteurs privé que public font l'objet de pressions accrues pour améliorer leur performance environnementale et contribuer au développement durable. Le gouvernement fédéral a parfois dirigé l'action du secteur privé conformément à son rôle d'organisme de réglementation, alors qu'à d'autres moments, il a fait du rattrapage pour adopter des pratiques ayant déjà pris racine ailleurs.

En tant que plus grande entreprise au Canada, le gouvernement fédéral est en position unique pour donner l'exemple en améliorant sa performance environnementale dans des domaines comme les achats, la gestion des déchets et l'utilisation de l'eau, de l'énergie et des terres.

Cependant, l'incidence du gouvernement sur l'environnement s'étend bien au-delà de son rôle comme employeur et consommateur. Sa principale incidence découle du grand nombre de décisions stratégiques et de décisions relatives aux programmes qu'il prend et qui ont un effet sur la façon dont les producteurs et les consommateurs, individuellement, influent sur l'environnement. Les coûts élevés d'assainissement et les dommages causés à l'environnement dans les étangs bitumeux de Sydney, à l'Île du Cap-Breton, illustrent quelques-unes des conséquences de l'imprévoyance dans ce domaine.

Vingt-huit organisations fédérales ont maintenant préparé leur stratégie de développement durable et l'ont déposée à la Chambre des communes. Au moyen de leur stratégie, les ministères doivent s'efforcer d'intégrer de façon plus systématique des considérations environnementales, économiques et sociales à l'ensemble de leurs activités, c'est-à-dire leurs politiques, leurs programmes et leurs opérations quotidiennes.

Il y a un an, j'ai dit que l'un des enjeux pour le gouvernement fédéral était d'aller au-delà de la rhétorique du développement durable et de mettre l'accent sur la mise en oeuvre dans la pratique. Le commissaire à l'environnement et au développement durable fera rapport sur la mesure dans laquelle les ministères ont fait ce qu'ils ont dit qu'ils feraient.

Pour en savoir davantage, voir la publication du vérificateur général : Rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable de 1998.

Possibilités d'économies

Améliorer l'efficience et l'efficacité des activités gouvernementales et se soucier davantage de l'économie sont des objectifs essentiels à notre mandat et aux travaux que le Bureau effectue. Une façon de promouvoir ces objectifs est de signaler des possibilités d'économies précises. Voici des exemples extraits du Rapport de cette année :

Souvent, au cours de nos travaux, nous décelons des possibilités d'économies qui, bien qu'elles soient importantes, ne sont pas faciles à quantifier. Par exemple, dans le chapitre 16, La gestion du numéro d'assurance sociale, nous signalons qu'il existe près de quatre millions de numéros d'assurance sociale actifs de plus que de Canadiens âgés de 20 ans ou plus. Le numéro d'assurance sociale est utilisé comme code d'identification pour vérifier l'admissibilité à une large gamme d'avantages sociaux et pour cotiser les impôts dus. Les sommes en jeu sont énormes (environ 100 milliards de dollars en paiements annuels pour tous les paliers de gouvernement) au point que même une incidence relativement faible de fraudes et d'abus pourrait représenter des coûts importants pour les gouvernements.