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Rapport du vérificateur général
B V G
Section I —
Introduction
Section II — De l'information pour gérer notre avenir - Le dossier de la dette et du déficit
Section III — L'état de
la fonction publique
Section IV — Changer
la structure du gouvernement
Section V — La responsabilité de gestion et le
Parlement
Section VI — Environnement et développement
durable
Section VII — La prestation de services à la population canadienne
Section VIII — L'évolution du rôle de
la vérification
législative et du
Bureau du vérificateur général
Section IX — Dernières réflexions

Le point sur une décennie au service du Parlement

Communiqué

Section I — Introduction

Le Canada dans les années 1990

1. Au cours des années 1990, le Canada et le gouvernement fédéral ont eu à relever de sérieux défis. Une récession a marqué le début de la décennie et celle-ci s'est terminée par un boum économique. Les Canadiens ont été confrontés à de nouvelles réalités économiques : le libre-échange; le virage de plus en plus accentué vers une économie centrée sur les technologies et communications de pointe; la crainte que la nouvelle économie ne donne lieu qu'à des emplois précaires, mal payés et non souhaitables; et enfin, la crainte que les jeunes gens n'aient à assumer une dette plus élevée et ne puissent jouir d'autant de sécurité que leurs parents.

2. La décennie a également été marquée par des conflits constitutionnels au Canada - par un questionnement fondamental sur le rôle des gouvernements, à tous les niveaux. On est allé jusqu'à se demander si le pays devait continuer à exister dans sa forme actuelle. Les relations entre les peuples autochtones et le reste de la société canadienne ont subi d'énormes changements politiques et légaux. La création du Territoire du Nunavut et la conclusion du traité avec les Nisga'a en sont des exemples, événements très différents de la crise d'Oka dont nous nous souvenons tous très bien.

3. Durant les années 1990, nous avons assisté à la fin de la guerre froide et à l'avènement d'un nouvel ordre mondial. Pour la première fois depuis 1953, le Canada est allé en guerre. Tout au long de la décennie, des soldats, officiers de police et travailleurs de l'Aide internationale canadiens ont maintenu la paix et offert du secours, souvent sous le feu des belligérants.

Mes premières impressions comme vérificateur général

4. À mon arrivée à Ottawa, l'importance primordiale de vaincre le déficit annuel et la dette accumulée a d'abord retenu mon attention. L'incidence du déficit sur le niveau de vie des Canadiens et sur celui des générations futures était une préoccupation répandue. J'ai écrit que le Canada était entré dans un cercle vicieux : l'énorme dette accumulée et les paiements d'intérêt sur cette dette contribuaient à nous endetter encore plus. Le fait que le gouvernement fédéral ait continué à mettre l'accent sur l'amélioration des processus administratifs internes a eu peu d'incidence sur la situation financière du pays, qui se détériorait. La vérification de l'optimisation des ressources, la création du Bureau du contrôleur général, l'évaluation de programme, et toutes ces initiatives connues sous leurs acronymes - la RCB, la SPO, la SGSD, l'APRM - ne semblaient pas avoir donné de résultats déterminants.

5. J'ai été frappé également par la complexité de la gestion au gouvernement fédéral. De nombreuses activités faisaient intervenir plus d'un ministère fédéral ainsi que des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Le chevauchement des services et les problèmes de coordination caractérisaient la gestion de l'agriculture, de l'environnement et des pêches. Le transfert de responsabilités aux Premières nations a ajouté à la complexité des relations entre les Autochtones et le gouvernement.

Lorsque j'ai entamé mon mandat à titre de vérificateur général, l'importance de gérer la dette et le déficit, la complexité à laquelle le gouvernement fédéral était confronté et la nécessité de réformer la gestion des finances et des ressources humaines ont d'abord retenu mon attention.

 

6. J'ai senti que le moment était propice au changement et à la réforme de la fonction publique fédérale, alors accablée par des contrôles détaillés exercés sur les dépenses, sur la gestion des ressources humaines et sur d'autres aspects de l'administration. Remarquant que les mêmes problèmes refaisaient surface encore et encore depuis 30 ans, je me suis demandé s'il n'y avait pas une résistance culturelle au changement qui était profondément ancrée. Mis à part l'absence générale de progrès, je constatais avec inquiétude que peu de programmes gouvernementaux étaient assortis d'objectifs mesurables - des objectifs qui pourraient permettre aux gestionnaires de gérer en fonction de leur atteinte plutôt qu'en fonction de l'application de contrôles détaillés sur les ressources. Le gouvernement n'avait pas réfléchi plus à fond et n'avait pas déterminé quels contrôles étaient essentiels ni comment il pourrait gérer sans tous les autres contrôles.

7. Ce qui me frappait le plus, c'était que le gouvernement devait être plus ouvert et plus responsable. À mes yeux, le problème de la dette et du déficit ne pouvait se régler sans que le gouvernement ne fournisse au Parlement plus d'information sur la situation financière du pays. La prestation des programmes devait aussi se faire avec une plus grande transparence, de sorte que le Parlement puisse déterminer si le gouvernement atteignait les résultats souhaités.

L'importance du Parlement

8. Je suis arrivé à Ottawa avec la conviction que le droit des citoyens de contrôler la façon dont les fonds publics sont perçus et dépensés est l'une des pierres d'assise du gouvernement démocratique. Au Canada, comme dans les autres démocraties parlementaires, les membres élus du Parlement exercent ce contrôle au nom de la population.

9. Un contrôle parlementaire efficace exige une lutte constante. Notre système de gouvernement, modelé sur le régime de Westminster, pipe nettement les dés en faveur de l'exécutif qui contrôle les ressources du gouvernement. L'exécutif produit aussi la majeure partie de l'information sur le fonctionnement du gouvernement et, par conséquent, il la contrôle. Le parti au pouvoir domine le Parlement.

Pour que la démocratie fonctionne et que le gouvernement soit efficient et efficace, le Parlement doit être en mesure de jouer son rôle.

 

10. Le Parlement doit donc être en mesure de jouer son rôle - de tenir le gouvernement responsable de son rendement et de son utilisation des fonds publics prélevés par le Parlement grâce aux impôts et aux taxes. Le Parlement doit pouvoir également déterminer si le gouvernement applique et respecte les lois qu'il adopte. Si le Parlement ne peut exercer efficacement son pouvoir de surveillance, les citoyens pourraient en payer le prix en gaspillage, en mauvaise gestion et en mauvaises décisions. Les gouvernements ne sont qu'humains - ils ne vont sans doute pas admettre volontairement que des erreurs ont été faites, des lois, contournées, et des cibles, ratées. Si les gouvernements ne peuvent être tenus responsables des conséquences de leurs erreurs et des mauvais choix qu'ils font, et bien les erreurs et les mauvais choix se répéteront probablement.

11. Un universitaire britannique déclarait récemment que, selon l'examen et la vérification effectués par un Parlement démocratiquement élu, seules 25 nations dans le monde sur environ 190 sont tout à fait honnêtes et raisonnablement efficientes. Il pensait que le Royaume-Uni se classait parmi les cinq premières, mais il déclarait tout de même :

[traduction]

. . . si le National Audit Office (bureau de vérification national) venait à éprouver certaines difficultés, que ce soit avec ses ressources, ses méthodes ou avec le pouvoir qu'il peut exercer au Parlement par l'entremise du Comité des comptes publics, le pays glisserait presque instantanément en bas des 5 premières nations, et peut-être même en bas des 25 premières, et la dégringolade pourrait être impossible à arrêter. Il serait difficile de trouver au pays une institution plus essentielle à cet égard que le National Audit Office.

Je crois que cela s'applique non seulement au Royaume-Uni et au National Audit Office, mais aussi au Canada et au Bureau du vérificateur général.

12. L'un de mes buts prépondérants a été d'aider le Parlement à être aussi efficace que possible non seulement en lui fournissant directement de l'information dans des rapports de vérification, mais aussi en veillant à ce que le gouvernement lui transmette continuellement l'information dont il a besoin.

L'évolution de mes priorités

13. Avant ma nomination à titre de vérificateur général, j'avais déjà travaillé pendant environ quatre ans au Bureau du vérificateur général, sous la direction de James J. Macdonell, dans le cadre d'un programme d'échange de cadres. Il m'a donc fallu peu de temps pour établir les priorités du Bureau - j'avais déjà une bonne idée des défis, des frustrations et des problèmes auxquels était confronté le gouvernement fédéral. Mes priorités étaient alors les suivantes :

  • Aider le Parlement à réduire la dette et les déficits. J'étais convaincu que cela serait essentiel pour que le gouvernement puisse atteindre ses objectifs. À long terme, des ressources seraient libérées pour combler les besoins de la population.
  • Maintenir l'équité du système de perception fiscale. Venant du secteur privé, j'avais pu me rendre compte que d'importantes firmes et de riches individus disposaient des ressources nécessaires et d'une armée de comptables et d'avocats très brillants pour défendre leur point de vue afin d'obtenir un traitement fiscal favorable. J'étais d'avis que Revenu Canada serait bientôt dépassé. Qui plus est, il était essentiel que tous les contribuables croient en l'équité du système, étant donné les pressions exercées sur le régime d'imposition pour assurer le service de notre énorme dette. Sans un partage équitable du fardeau, des citoyens pourraient décider de ne plus faire leur part ou éviter d'assumer leurs obligations, ce qui augmenterait d'autant plus l'escalade de la dette.
  • Appuyer la réforme de la fonction publique. Comme je l'ai fait remarquer, l'échec des divers efforts de réforme nuisait vraiment à l'efficience et à l'efficacité du gouvernement fédéral. La Commission de la fonction publique, le Secrétariat du Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé et les sous-ministres avaient tous des responsabilités qui, prises ensemble, constituaient un mode de gestion extrêmement complexe. De plus, les pratiques en matière de gestion des ressources humaines étaient limitées par d'innombrables lois et règlements qui avaient été établis petit à petit, au fil des ans, sans plan d'ensemble.
  • Travailler à l'amélioration de la reddition de comptes. Il semblait évident que le Parlement devait disposer d'une information de bien meilleure qualité pour bien s'acquitter de ses fonctions. Le gouvernement devait lui en dire davantage au sujet des résultats de ses dépenses et de la mesure dans laquelle il atteignait ses buts. Mais il fallait aussi un changement de culture pour faire vraiment accepter la reddition de comptes et la valeur de la transparence dans un gouvernement démocratique. De plus, la culture bureaucratique devait changer : les fonctionnaires devaient être tenus responsables de l'obtention de résultats plutôt que du respect des règles et des processus.
  • Améliorer la gestion financière. Comparativement au secteur privé, la gestion financière au gouvernement était tout à fait dépassée. Par exemple, le gouvernement utilisait une méthode de comptabilité de caisse modifiée - imputant aux programmes les fonds durant l'exercice où les factures étaient reçues - plutôt que la méthode de la comptabilité d'exercice, qui consiste à comptabiliser les dépenses au fur et à mesure que les ressources sont utilisées. Le gouvernement exerçait un contrôle limité sur son énorme stock d'immobilisations. Il était impossible d'évaluer combien d'argent il fallait mettre de côté pour prévenir la désuétude des installations et de l'équipement. Plutôt que de s'intéresser à la gestion financière, les fonctionnaires mettaient l'accent sur l'administration financière - c'est-à-dire la tenue des livres, ce qui était loin des principales préoccupations de la haute direction. Là encore, des changements culturels et techniques semblaient s'imposer.

14. J'ai rapidement ajouté deux autres questions prioritaires : les programmes destinés aux Premières nations et l'environnement. Dans mon premier rapport à la Chambre des communes, j'ai attiré l'attention sur le dilemme de longue date que posent pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien les modes de financement des Premières nations et son obligation de rendre compte au Parlement. J'ai également attiré l'attention sur la difficulté qu'éprouve le gouvernement fédéral à trouver un moyen efficace de gérer des programmes environnementaux faisant intervenir quelque 24 ministères ainsi que les provinces et plus de 50 lois.

Mes priorités sont demeurées relativement constantes au cours des dix dernières années.

 

15. Ces priorités, prises ensemble, n'ont à peu près pas changé au fil des ans. J'aimerais pouvoir déclarer qu'au cours de mon mandat, tous les défis ont été relevés et les obstacles, surmontés et que j'ai pu passer à d'autres questions. Il y a eu certains progrès, mais ceux-ci n'ont pas été suffisants pour que je puisse passer à autre chose.

16. L'une de mes priorités les plus récentes reflète les préoccupations croissantes de la population au sujet de l'environnement. Les Canadiens sont mieux informés de son importance pour leur bien-être et ont de plus en plus de preuves que l'environnement local et mondial est menacé. Le Parlement a répondu à leurs préoccupations en créant le poste de commissaire à l'environnement et au développement durable au sein du mon bureau. La création de ce poste a provoqué un énorme changement dans nos priorités en matière de vérification, depuis l'époque où les questions environnementales étaient en concurrence avec les questions d'économie et d'efficience, jusqu'à l'époque actuelle où des ressources sont expressément réservées pour les vérifications environnementales.

17. D'autres priorités ont évolué mais moins radicalement. Nous travaillons toujours à l'amélioration de la situation financière du gouvernement, en nous penchant sur la dette publique ainsi que sur les dépenses et les recettes annuelles, en vérifiant la perception et l'administration des recettes et en cherchant des possibilités d'économies. Nous continuons aussi d'exercer des pressions afin que s'améliorent la gestion à long terme de la dette et la reddition de comptes à l'égard de cette gestion. Cependant, la forte croissance de l'économie dans les années 1990 et les mesures correctives prises par le gouvernement ont créé une certaine marge de manoeuvre.

18. Malheureusement, la réforme du régime de gestion des ressources humaines, un aspect essentiel de la réforme de la fonction publique, n'est pas encore terminée. La priorité que mérite cette question monte en flèche, à mesure que les défis augmentent et que la frustration à l'égard de la bureaucratie favorise de plus en plus la prestation des grands programmes et services par des agences qui ne font pas partie de la fonction publique.

19. La reddition de comptes évolue mais elle demeure prioritaire. Grâce au processus budgétaire, le gouvernement fournit au moins certaines informations utiles au Parlement au sujet des résultats des dépenses, quoique ces données demeurent insuffisantes. Les mécanismes grâce auxquels des services publics sont assurés par des agences extérieures et le secteur privé plutôt que par le noyau de la fonction publique ont occasionné d'autres risques en matière de reddition de comptes : en bout de ligne, le Parlement pourrait avoir un accès restreint à l'information, et la responsabilité est souvent diluée quand plusieurs parties participent à la prestation d'un programme.

20. La gestion financière a progressé avec l'adoption, par le gouvernement, de nouveaux systèmes comptables et d'information financière modernes. Le travail avance à petits pas et comporte des risques techniques que le vérificateur au service du Parlement doit surveiller étroitement - mais ce sont de bonnes nouvelles! Cependant, la culture de la fonction publique évolue plus lentement, et on ne voit guère de progrès en ce qui a trait à l'établissement d'objectifs mesurables pour les programmes gouvernementaux et au fait de tenir les fonctionnaires responsables de l'atteinte de ces objectifs.

21. Dans l'ensemble, mes priorités sont centrées sur les structures internes et les processus du gouvernement, comme la gestion financière. Mais nous n'avons pas laissé de côté la prestation des services aux Canadiens - de fait, la plupart de nos vérifications au cours des dix dernières années ont porté sur ce sujet. Néanmoins, j'ai jugé nécessaire de consacrer davantage d'efforts aux problèmes de gestion qui affligent le gouvernement en entier.

Mon rapport final

22. Ce rapport récapitulatif est mon dernier rapport en qualité de vérificateur général du Canada. J'y décris les progrès que le gouvernement a, selon moi, réalisés dans des secteurs essentiels au cours des dix dernières années, et y présente mes questions prioritaires dans l'ordre suivant :

  • la dette et le déficit;
  • l'état de la fonction publique;
  • l'évolution de la structure du gouvernement, la responsabilité de gestion et le Parlement qui, ensemble, reflètent mes préoccupations concernant la nécessité d'améliorer la reddition de comptes et la gestion financière;
  • l'environnement et le développement durable.

Mes réflexions sur le rendement des programmes d'impôt et les questions touchant les Premières nations sont présentées dans une section sur la qualité et l'efficacité des services assurés par le gouvernement aux Canadiens. Je discute également du rôle de la vérification législative et de l'avenir du Bureau du vérificateur général.

Section II — De l'information pour gérer notre avenir - Le dossier de la dette et du déficit

La gestion budgétaire est importante mais ce n'est pas un sujet amusant

23. La gestion budgétaire n'est pas un sujet amusant. Je pense que les Canadiens, en général, ne détacheront jamais leur regard de la télévision pour appeler quelqu'un dans la pièce voisine et lui dire « Viens donc voir! On donne les indicateurs de la dette publique! » Et pourtant, comme je l'ai fait remarquer, la gestion de la dette publique a revêtu une importance primordiale pour le Canada au cours des années où j'étais vérificateur général.

24. La taille de la dette publique détermine l'intérêt que nous devons payer sur les dépenses passées. L'argent que nous dépensons pour payer ces intérêts, nous ne l'avons pas pour répondre aux besoins d'aujourd'hui. Si on la laisse trop croître, la dette pourrait hypothéquer les revenus de nos enfants. Pire encore, les pays qui accumulent de fortes dettes se voient imposer des taux d'intérêt plus élevés par leurs créanciers, ce qui ne fait qu'exacerber le problème.

25. Mon prédécesseur, le vérificateur général Kenneth Dye, a attiré l'attention en 1987 sur le problème des déficits budgétaires et de la taille importante de la dette publique qu'ils avaient engendrée. Il pensait que la réforme de la gestion financière - les contrôles internes exercés sur les dépenses - avait permis de contrôler à nouveau le trésor public, mais que des sommes énormes se trouvaient hors du champ de la gestion financière. Il parlait de la proportion (23 p. 100) des dépenses de l'État qui était consacrée au paiement de l'intérêt sur la dette - une proportion qu'il jugeait « écrasante ». M. Dye s'inquiétait du fait que le gouvernement ne fournissait pas aux Canadiens de l'information actuelle et facile à comprendre sur la dette, et il indiquait que les parlementaires désiraient obtenir de l'information sommaire qui leur permettrait d'avoir une vue d'ensemble. Bien que le déficit fédéral soit l'un des indicateurs les plus évidents de la performance financière du gouvernement, M. Dye se plaignait du fait que les députés ne recevaient que fort peu d'information sur celui-ci.

26. Comme je l'ai souligné précédemment, quand je suis arrivé à Ottawa, j'étais préoccupé, d'une part, par les tentatives ratées d'améliorer les processus administratifs et, d'autre part, par la situation financière du pays. Après 15 ans d'initiatives visant à améliorer l'efficience du gouvernement (vérification de l'optimisation des ressources, création du Bureau du contrôleur général, Partie III du Budget des dépenses, accent accru sur la vérification interne, avènement de l'évaluation de programme, toutes ces initiatives connues sous leurs acronymes : la RCB, la SPO, la SGSD et l'APRM; et Fonction publique 2000) et quels que soient les gains d'efficience réalisés, les finances du Canada ne se portaient pas mieux.

Nous avions besoin d'une « carte de pointage »

27. Malheureusement, on n'a pas tenu compte en général des préoccupations de M. Dye. Lorsque j'ai été nommé vérificateur général, en 1991, la dette accumulée totalisait quelque 15 000 $ par Canadien; l'intérêt sur celle-ci accaparait 27 p. 100 de chaque dollar de recettes fiscales. L'information sur le rendement du gouvernement était toujours insuffisante. Dans mon premier rapport au Parlement, je préconisais la publication d'une carte de pointage qui indiquerait au Parlement si le gouvernement a atteint ses objectifs, si ses plans ont été contrecarrés par des événements imprévus et s'il avait bien prévu ses recettes et ses dépenses.

28. Je considérais que c'était là de l'information dont les Canadiens avaient besoin pour participer à la gestion de l'avenir de leur pays. Il fallait que nous sachions jusqu'à quel point nous pouvions nous écarter du plan de réduction du déficit du gouvernement, tout en conservant une situation financière saine. Il fallait également que nous sachions si nous pouvions faire face à une urgence imprévue et laisser tout de même à nos enfants un pays dans une situation financière solide.

Il est essentiel que les Canadiens disposent d'une information sur la dette et le déficit qui soit facile à comprendre, de sorte qu'ils puissent participer à la gestion de l'avenir de leur pays.

 

29. Au cours des premières années, nous avons continué à communiquer ce message et à donner de plus en plus de précisions au sujet de l'information dont le Parlement avait besoin. En 1993, nous avons proposé que le gouvernement présente, à intervalles réguliers et de la même manière d'une fois à l'autre, des indicateurs clairs et concis qui renseignent sur les déficits et les dettes des gouvernements fédéral et provinciaux, et qui fournissent des tendances historiques et établissent des comparaisons avec d'autres pays. Nous avons suggéré les cinq indicateurs suivants :

  • la part de l'intérêt, le pourcentage des recettes gouvernementales qui doit servir à payer l'intérêt sur la dette;
  • la part des programmes, le pourcentage des recettes consacré aux dépenses de programme, ce qui donne une indication de l'étendue du déficit budgétaire;
  • le ratio des dépenses aux recettes, qui montre la part des dépenses gouvernementales qui est financée par des emprunts;
  • la part des taxes et des impôts, la part du produit intérieur brut (PIB) du Canada consommée par les impôts et taxes;
  • le ratio de la dette au PIB, qui reflète la capacité de l'économie de générer suffisamment de recettes pour supporter la dette.

Je pensais que ces indicateurs permettraient à la plupart des Canadiens d'évaluer assez bien l'incidence des déficits annuels considérables.

30. Mais le gouvernement n'a pas beaucoup agi en 1993. Lors du dépôt du Budget, nous avons appris que le gouvernement fédéral avait raté de huit milliards de dollars son objectif en matière de déficit. Ce n'était pas une première, et le gouvernement a fourni très peu d'information pour expliquer pourquoi il était aussi loin de l'objectif. À mon avis, après avoir présenté ses prévisions, le gouvernement aurait dû boucler la boucle et expliquer pourquoi il avait raté son objectif. Cela l'inciterait à faire des prévisions plus réalistes.

Le gouvernement et le Parlement ont agi

31. En 1994, le gouvernement a commencé à donner suite à nos recommandations en publiant le premier Rapport financier annuel. Il a également démocratisé le processus de consultation budgétaire en permettant au Parlement et au public d'avoir davantage voix au chapitre pour ce qui est de l'élaboration des plans de dépenses du gouvernement. Ce processus a permis d'en arriver à un plus grand consensus, à savoir que la dette avait réellement de l'importance.

32. Cependant, je n'étais pas entièrement satisfait. Le gouvernement mettait toujours l'accent sur la réduction du déficit à court terme et ne fournissait pas d'information adéquate sur les conséquences à long terme de ses décisions. En se concentrant sur la réduction du déficit, il n'attachait pas suffisamment d'importance à la question plus générale de la taille de la dette que nous pouvions nous permettre à long terme, ni à la façon dont cette question s'inscrivait dans notre vision du régime fiscal et du rôle du gouvernement. Je pensais que le Parlement devait préciser les grandes lignes de ce rôle.

La grande question était la suivante : quelle dette pouvions-nous nous permettre à long terme?

 

33. Puis le Parlement s'est mis à attacher plus d'importance à cette question. En janvier 1996, le Comité permanent des finances a pris note de notre inquiétude au sujet de la pratique du gouvernement qui consistait à mettre l'accent uniquement sur les objectifs fixés pour le déficit et à ne pas vraiment tenir compte de la dette globale qui s'accumulait. Le Comité a convenu que l'approche du gouvernement n'était plus adéquate. Il a insisté également sur l'importance que présentaient les budgets annuels pour l'avenir à long terme du pays.

34. Le gouvernement a innové sur trois plans dans son processus budgétaire : il a établi une réserve pour éventualités, a adopté un objectif de deux ans pour le déficit et a intégré un « facteur de prudence » à ses prévisions. La réserve pour éventualités visait à couvrir le risque d'erreurs dans les prévisions et la possibilité d'événements imprévus. L'objectif sur un horizon de deux ans a été adopté pour mettre fin à la pratique du gouvernement voulant qu'il reporte les parties les plus difficiles de son plan quinquennal aux deux dernières années. Le gouvernement a intégré un facteur de prudence, car il avait fréquemment raté ses objectifs par le passé et les marchés financiers commençaient à perdre confiance dans la capacité du gouvernement à respecter ses plans.

35. Une discipline plus rigoureuse de la part du gouvernement et une plus grande transparence du processus budgétaire ont constitué les améliorations les plus marquantes. Cette discipline plus rigoureuse a permis au gouvernement de vivre avec les recettes perçues. Les audiences précédant la présentation du budget, qui font maintenant partie intégrante du processus budgétaire, permettent au public de mieux comprendre les décisions que le gouvernement doit prendre et à celui-ci, de recevoir des commentaires de la part des Canadiens sur ses intentions. Ces audiences aident aussi à mobiliser le public en vue d'apporter des changements en faisant participer les Canadiens à la prise de décisions.

36. Aussi le gouvernement publie-t-il maintenant plus d'information sur l'état des finances du pays. J'ai mentionné le Rapport financier annuel, qui fournit de l'information sur les dépenses de l'exercice précédent. Le gouvernement a aussi commencé à déposer chaque année au Parlement sa Stratégie de gestion de la dette et son Rapport sur la gestion de la dette. De plus, La Mise à jour économique et financière fournit plus d'information sur la dette et le déficit avant les consultations publiques sur le budget.

Il reste beaucoup à faire

37. Malgré les améliorations apportées, l'information est toujours loin de refléter les meilleures pratiques d'autres administrations. Le gouvernement a adopté un horizon budgétaire de cinq ans, mais les autres pays font des projections sur des horizons de plusieurs décennies. Le Royaume-Uni présente des projections financières à long terme en vertu du Code of Fiscal Stability (Code de stabilité financière), et la Nouvelle-Zélande fait de même en vertu de la Fiscal Responsibility Act (Loi sur la responsabilité financière). Dans les deux cas, il est entendu qu'il s'agit de projections qui illustrent ce qui se produirait dans des circonstances données, et non des prévisions montrant ce que le gouvernement pense qu'il se produira.

Une frénésie de dépenses à la fin de l'exercice n'est pas une façon d'assurer l'économie, l'efficience et l'efficacité de l'utilisation des fonds publics.

 

38. De plus, si les objectifs à court terme comme ceux du Canada sont fondés sur des projections pessimistes, cela peut avoir un effet négatif. Des réserves pour éventualités et des facteurs de prudence étaient peut-être nécessaires quand la discipline budgétaire laissait vraiment à désirer, mais maintenant que le budget affiche un excédent, ces réserves constituent de grosses sommes d'argent qui dorment jusqu'à la fin de l'exercice, moment auquel on assiste à une frénésie de dépenses. Ce n'est certainement pas la façon d'assurer l'économie, l'efficience et l'efficacité de l'utilisation des fonds publics. De plus, cette frénésie de dépenses injecte des sommes d'argent dans l'économie lorsqu'elle est forte et n'en a pas besoin, alors qu'il serait préférable de mettre ces sommes de côté et de s'en servir lorsque l'économie est faible et a besoin de stimulation. Établir des réserves pour éventualités est une bonne pratique, mais le gouvernement doit être réaliste et éviter de succomber à la tentation de dépenser de façon frénétique en fin d'exercice.

39. Le ministère des Finances joue un rôle essentiel dans la gestion de la dette. Il doit établir des prévisions exactes de sorte que le gouvernement puisse déterminer les sommes d'argent qu'il devra lever par les impôts et taxes. Cela suppose l'estimation de la performance de l'économie de même que l'incidence des changements au régime fiscal sur les recettes. Plutôt que de se fier à ses propres analyses économiques, le Ministère fonde maintenant ses prévisions financières sur un ensemble de prévisions établies par le secteur privé. Le résultat ne semble pas plus juste en raison du facteur de prudence, mais les prévisions de recettes pêchent maintenant par excès de pessimisme plutôt que d'optimisme.

Nous ne sommes pas encore tirés d'affaire

40. Dans l'ensemble, les années 1990 ont été marquées par des progrès constants en matière de gestion de la politique budgétaire et de réduction du déficit. Le gouvernement a démocratisé le processus budgétaire et il fournit maintenant de l'information de meilleure qualité sur la situation financière du pays.

41. Aujourd'hui, la proportion des recettes dont le gouvernement dispose pour répondre aux besoins actuels des Canadiens est plus importante qu'en 1991. Mais nous ne sommes pas encore tirés d'affaire. La dette du gouvernement fédéral, qui s'élève à plus de 560 milliards de dollars, doit être remboursée. Avec un excédent, il peut être tentant de dépenser sans une bonne planification. Le gouvernement ne publie toujours pas de prévisions à long terme montrant l'incidence future de l'évolution des dépenses. Dans ces conditions, le gouvernement pourrait dévier de ses objectifs pendant plusieurs années avant que le Parlement et le public n'en voient toutes les conséquences.

42. Le gouvernement doit faire preuve d'une discipline plus stricte. Il doit constamment exiger que les ministres et les gestionnaires de programmes examinent la valeur de leurs programmes et la mesure dans laquelle ils s'inscrivent dans les priorités nationales. Le gouvernement l'a déjà fait au moyen de l'Examen des programmes, mais ce n'était qu'un examen ponctuel. Sans une surveillance constante, les dépenses recommenceront à croître - et l'on pourrait s'interroger sur l'utilité d'une bonne partie de cette augmentation.

Le gouvernement doit consolider ses réformes et ne doit cesser de les soutenir.

 

43. Enfin, le gouvernement doit ancrer ses améliorations en permettant au Parlement de jouer un rôle véritable. Comme je l'ai fait remarquer il y a dix ans, une réforme interne à elle seule ne produit pas de gestion budgétaire efficace. Lorsque le Parlement participe, il est plus difficile pour le gouvernement de retomber dans les vieilles habitudes et de laisser des programmes prendre de plus en plus d'ampleur jusqu'à ce qu'on n'ait plus les moyens de se les payer. Une visibilité plus grande des répercussions à long terme peut également aider à freiner les dépenses qui servent des buts politiques à court terme plutôt que de répondre aux besoins à long terme des Canadiens. Les problèmes de gestion budgétaire sont complexes et exigent des solutions à plus d'un niveau. J'espère qu'au cours des prochaines années, des solutions à ces problèmes seront trouvées.

Section III — L'état de la fonction publique

Pour avoir un bon gouvernement, il faut une fonction publique efficace

44. La fonction publique fédérale est l'employeur le plus gros, le plus varié et probablement le plus important du Canada. Elle aide les ministres à concevoir et à assurer les services aux Canadiens en élaborant les propositions de politiques, en effectuant des études scientifiques, en gérant et en administrant les ministères et les organismes et en répondant aux besoins du public. La fonction publique du Canada représente un ensemble exceptionnel de connaissances et de compétences. Pour que le gouvernement en tire le meilleur parti, les fonctionnaires doivent être bien organisés et bien encadrés.

45. La fonction publique doit être en mesure d'attirer sa part des candidats les meilleurs et les plus brillants du pays. Elle doit former, retenir et motiver ses employés pour qu'ils donnent leur plein potentiel. Les Canadiens sont en droit de s'attendre à rien de moins que cela.

46. De l'avis général, au début des années 1990, l'institution ne fonctionnait pas bien. Deux initiatives ont été prises au cours de la décennie pour améliorer la fonction publique : Fonction publique 2000 (FP 2000) et La Relève. Nous avons suivi de près l'avancement de ces réformes et avons effectué récemment une étude de ces deux initiatives, intitulée La réforme de la gestion de la fonction publique : progrès, échecs et défis.

Cela fait très longtemps que la fonction publique fédérale ne fonctionne pas bien.

 

Une vaste initiative de réforme de la fonction publique a été lancée au début des années 1990

47. En décembre 1989, le gouvernement lançait Fonction publique 2000, une initiative de réforme et de renouvellement de la fonction publique visant à soumettre celle-ci à moins de règles et à lui permettre d'innover davantage. L'initiative mettait l'accent sur l'atteinte des résultats et la prestation des services au public. La nouvelle philosophie de gestion préconisait la décentralisation des pouvoirs et insistait sur le perfectionnement des compétences et le développement du potentiel des employés. Comme l'a fait observer un cadre clé, FP 2000 comportait trois volets de changement dont l'importance respective était la suivante : 10 p. 100 pour le volet législatif, 20 p. 100 pour celui des systèmes et 70 p. 100 pour celui des attitudes et des pratiques.

48. FP 2000 a effectivement permis certains progrès. La Loi sur la réforme de la fonction publique de 1992 a modifié dans une certaine mesure le système de dotation et prévoyait la modification du système de classification des employés. FP 2000 a donné lieu également à une plus grande délégation des pouvoirs du Conseil du Trésor aux hauts fonctionnaires des différents ministères.

49. Cependant, FP 2000 n'a produit que des résultats limités par rapport à ses buts en matière de gestion des ressources humaines et aux grandes attentes soulevées. Le manque d'application de ses principes a nui au progrès. Ainsi, le changement de la philosophie de gestion dépendait fortement du leadership personnel des hauts fonctionnaires, mais aucun mécanisme efficace n'était en place pour veiller à ce que les gestionnaires en observent les principes fondamentaux. Qui plus est, FP 2000 n'a pas atteint ses objectifs car elle ne comportait ni stratégie décisive ni buts concrets. En outre, les mesures de restriction financière ont mené à une grève des fonctionnaires et ont miné les relations patronales-syndicales. La contradiction entre les restrictions financières, comme le gel des salaires, et les messages fondamentaux de FP 2000 a provoqué chez les employés un cynisme au sujet de la fermeté de l'engagement du gouvernement à l'endroit des réformes.

50. La réforme de la fonction publique n'a jamais constitué une grande priorité pour les politiciens. Trop souvent, les initiatives visant à améliorer le rendement ont été interprétées comme visant à répondre aux demandes des fonctionnaires, plutôt qu'aux préoccupations de la population canadienne. Dans ces conditions, un programme de réforme qui dépendait à 70 p. 100 du changement des attitudes était voué à l'échec.

Les compressions ont augmenté le niveau de stress dans la fonction publique

51. L'Examen des programmes et les autres compressions apportées par le gouvernement au milieu des années 1990 ont entraîné de profonds changements dans la fonction publique, y compris une réduction importante des effectifs. La direction s'est surtout attachée à assurer le traitement équitable du personnel qui quittait la fonction publique en raison des compressions. Bien que ces coupures n'aient pas provoqué de gros conflits, l'environnement était peu propice aux réformes de gestion des ressources humaines qui étaient prévues par FP 2000.

52. Les fonctionnaires qui sont restés en poste étaient en proie au stress. Bon nombre d'entre eux étaient inquiets en raison de l'incertitude qui régnait au sujet de leur avenir et de l'avenir des programmes dans lesquels ils s'étaient engagés. Un groupe de travail dirigé par un sous-ministre a signalé en 1996 que de nombreux fonctionnaires avaient été bouleversés par la réduction des effectifs et par la façon dont elle avait été effectuée et que leur foi dans les valeurs de la fonction publique en avait été ébranlée. Les coupures qui ont suivi la parution du Livre blanc de FP 2000, dans lequel on affirmait que les ressources humaines étaient l'actif le plus important de la fonction publique, ont exacerbé le désarroi des fonctionnaires.

53. Le stress s'est accru dans certaines parties de la fonction publique car l'effectif avait été réduit, mais non la charge de travail. La moitié des personnes qui ont répondu au sondage mené en 1999 auprès des fonctionnaires ont déclaré que leur charge de travail n'était que parfois ou rarement acceptable; les sous-ministres considèrent maintenant qu'il s'agit là d'un des problèmes les plus sérieux auquel est confrontée la fonction publique. De plus, le départ imprévu, dans la foulée de la réduction des effectifs, d'employés qui comptaient parmi les plus brillants et avaient un potentiel élevé a entraîné des pénuries de compétences dans divers groupes professionnels, dont les analystes en politiques, les informaticiens et les ingénieurs. La réduction des effectifs et les mesures de restriction salariale ont exacerbé certains des problèmes que FP 2000 devait justement permettre de régler, comme la nécessité de rendre l'emploi dans la fonction publique plus attrayant afin de recruter et de retenir des personnes de talent. Étant donné les restrictions au chapitre de la dotation en personnel au cours de cette période, la fonction publique compte aujourd'hui trop peu de jeunes gens.

Des initiatives de renouvellement de la fonction publique ont une fois de plus été lancées

54. Au cours de la période qui a suivi l'Examen des programmes, le greffier du Conseil privé et les sous-ministres ont réexaminé les défis auxquels était confrontée la fonction publique. Comme ils l'avaient fait dans le cadre de FP 2000, des comités de sous-ministres se sont penchés sur diverses questions et ont produit des rapports. Des priorités ont été établies pour renforcer la capacité du gouvernement à élaborer des politiques et à continuer de moderniser la prestation des services. Pour atteindre les objectifs dans ces domaines, il fallait résoudre des problèmes importants en matière de gestion des ressources humaines. En 1996, le greffier a lancé une nouvelle initiative, La Relève. Celle-ci visait à contrecarrer la crise anticipée en matière de leadership découlant de facteurs comme le « départ à la retraite massif » de cadres supérieurs et d'autres employés. Elle visait également à dissiper le malaise qui s'était répandu dans la fonction publique.

55. La Relève, tout comme FP 2000 avant elle, dépendait fortement du leadership du greffier du Conseil privé et des sous-ministres. L'initiative ne comportait pas de plan directeur en tant que tel. On y avait plutôt intégré une philosophie qualifiée de « parti pris pour l'action ». Chaque sous-ministre a présenté un plan d'action pour mettre en oeuvre des changements dans son ministère. Mais le fort roulement des sous-ministres, ainsi que le manque de suivi et de rapport sur les progrès et l'absence de reddition de comptes efficace, ont eu pour effet d'atténuer sensiblement tout impact de La Relève.

56. La Relève semble avoir été tranquillement mise au rancart, comme FP 2000. Le terme est encore parfois utilisé, mais il n'occupe plus une place de choix dans les communications, et il apparaît rarement dans les plans et rapports des ministères.

Même si, selon les artisans de la réforme, La Relève représentait « un parti pris pour l'action », elle a produit peu de résultats.

 

57. Au début de 1999, un nouveau greffier a été nommé et, une fois de plus, des groupes de travail de sous-ministres se sont mis à l'oeuvre. Ces groupes de travail ont étudié trois des questions jugées essentielles par La Relève - le recrutement, le bien-être en milieu de travail, ainsi que l'apprentissage et le perfectionnement. Le Septième Rapport annuel du greffier indiquait que les groupes de travail devaient dresser des plans pour veiller à ce que les progrès se poursuivent. L'objectif ultime était de transformer la fonction publique en un employeur de choix. Au cours de l'été 2000, les groupes de travail ont présenté leurs constatations. Ils ont reconnu, entre autres, que la tâche était immense dans un contexte où la charge de travail constituait déjà un problème, et que l'on devrait se concentrer sur quelques éléments pour réduire le risque de « surcharge ». Bien que les trois groupes de travail aient cerné des points où un changement serait nécessaire, ils n'ont pas dressé de plans précis pour s'y attaquer. De nombreuses initiatives sont en cours, mais elles doivent être intégrées et classées par ordre de priorité. Une fois de plus, des études approfondies des problèmes sont effectuées, mais on prend trop peu de réelles mesures pour les régler.

Il faut déterminer qui est responsable de quoi

58. La réforme des systèmes et des pratiques de gestion des ressources humaines a peu progressé au cours des années 1990. C'est extrêmement décevant, surtout si l'on considère toute l'énergie investie pendant une aussi longue période.

59. À mon avis, les efforts que plusieurs générations de cadres supérieurs bien intentionnés ont déployés pour rationaliser et moderniser la gestion des ressources humaines ont été contrecarrés par l'enchevêtrement de rôles et de responsabilités des institutions qui assurent la gestion des ressources humaines et par le cadre législatif pertinent.

60. Il faut régler trois questions connexes importantes :

  • le caractère indûment complexe et désuet du cadre législatif et administratif;
  • le morcellement de la gestion des ressources humaines;
  • la nécessité de renforcer la gestion des ressources humaines dans les ministères.

61. La fonction publique fédérale est constituée de plusieurs éléments soumis à des cadres législatifs régissant la gestion des ressources humaines, qui sont différents et parfois uniques. Dans le noyau de la fonction publique, c'est-à-dire les fonctionnaires des principaux ministères et organismes (environ 80 entités qui emploient actuellement quelque 146 000 des 300 000 fonctionnaires), la dotation est assujettie à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et à l'autorité de la Commission de la fonction publique. Cet arrangement a pour but de maintenir une fonction publique professionnelle, non partisane et représentative. La gestion des ressources humaines dans les organismes du noyau de la fonction publique est soumise également aux politiques et aux décisions du Conseil du Trésor, qui est l'employeur responsable de la négociation collective. Ces ministères et organismes ont, en vertu de la loi, très peu de pouvoirs législatifs en ce qui a trait à la gestion de leur personnel. Ils dépendent des pouvoirs délégués par les organismes centraux pour administrer des systèmes, des politiques et des processus prescrits au niveau central.

62. D'autres entités gouvernementales, connues sous l'appellation d'employeurs distincts, ne sont soumises qu'à certaines parties de ce régime de gestion, et bénéficient d'une plus grande souplesse pour gérer leurs ressources humaines. En 1999, les employés de Revenu Canada, qui représentaient près du quart des fonctionnaires en poste à l'époque, ont été transférés à la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada, employeur distinct créé en grande partie pour se libérer du régime complexe de gestion des ressources humaines imposé au noyau de la fonction publique.

63. La structure complexe du cadre législatif et des pouvoirs imposée aux ministères du noyau de la fonction publique remonte à la fin des années 1960, lorsque la négociation collective a été introduite. Elle a donné lieu à un régime administratif lourd, coûteux et contraignant, qui a besoin d'être modernisé et simplifié. La majorité des gestionnaires de la fonction publique estiment tout particulièrement que le système de dotation constitue une entrave indue, malgré les efforts répétés de la part de la Commission de la fonction publique au cours des 30 dernières années pour rationaliser ce système et l'adapter aux besoins des différents ministères. Les efforts déployés pour réformer la dotation ont été en grande partie anéantis par les décisions que les tribunaux ont rendues pendant près de trois décennies sur les appels des mesures de dotation. Il en résulte, en définitive, un processus qui se prolonge et empêche les gestionnaires de faire avancer les affaires du gouvernement, et qui continue en même temps de susciter des doutes chez de nombreux employés quant à l'équité du processus de dotation dans leur milieu de travail.

64. La division des responsabilités entre le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique est depuis longtemps jugée comme empêchant une gestion efficace et intégrée des ressources humaines dans les ministères et les organismes. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport d'avril 2000, des commissions royales ont depuis 1962 souligné ce problème à plusieurs reprises. Au fil des ans, d'autres organismes ont assumé des responsabilités nouvelles ou supplémentaires en matière de gestion des ressources humaines, dont le Bureau du Conseil privé, le Comité des hauts fonctionnaires et le Centre canadien de gestion. Dans chacun des cas, ces changements ont procuré des avantages mais ont également rendu les relations plus complexes. Le Conseil des ressources humaines (qui représente les experts fonctionnels de la fonction publique) et des études récentes menées par des groupes de travail dirigés par des sous-ministres ont soutenu que ce morcellement des responsabilités posait un problème sérieux. Dans son rapport de juin 2000, le groupe de travail sur l'apprentissage et le perfectionnement affirme, par exemple, que tout le système, et non juste la responsabilité de l'apprentissage, est fragmenté et mal coordonné et qu'il faut le clarifier et le simplifier pour préciser les orientations et les régimes de responsabilisation.

Il faut simplifier le cadre de gestion des ressources humaines, qui est lourd, coûteux et contraignant, clarifier les responsabilités et, éventuellement, les décentraliser.

 

65. Notre vérification de décembre 2000 du Programme de recrutement postsecondaire illustre ce morcellement. Bien que le recrutement constitue l'une des trois priorités essentielles, nous signalons que le gouvernement n'a pas établi de cibles ni de stratégies d'ensemble à cet égard. Le Secrétariat du Conseil du Trésor, responsable de la taille et de l'organisation générales de l'administration fédérale, a déclaré qu'il attendait que les ministères ou les collectivités lui soumettent des analyses de rentabilisation pour obtenir des ressources supplémentaires. La Commission de la fonction publique a déclaré qu'elle n'embaucherait que pour combler les postes déterminés par les ministères. Ceux-ci ont, quant à eux, indiqué qu'ils attendaient les directives et l'aide des organismes centraux. Entre-temps, personne n'agit de façon concertée face à cette priorité essentielle de gestion. Je crois que le moment est venu d'indiquer clairement qui est responsable de quoi.

66. Les gestionnaires des ministères doivent aussi assumer de plus grandes responsabilités en matière de gestion des ressources humaines. Autrefois, non seulement les ministères étaient-ils soumis à l'autorité des organismes centraux pour l'élaboration des politiques, mais encore devaient-ils faire approuver au préalable toute mesure administrative qu'ils envisageaient de prendre. Au fil des décennies, les organismes centraux ont renoncé à certains contrôles directs et délégué des pouvoirs précis aux sous-ministres des différents ministères, qui les ont délégués à leur tour à leurs spécialistes des ressources humaines et puis, de façon sélective, à leurs gestionnaires. Les sous-ministres sont devenus responsables envers les organismes centraux de l'administration des pouvoirs délégués dans des domaines comme la classification des emplois et la dotation. En règle générale, ils s'appuyaient fortement sur leurs spécialistes des ressources humaines, soucieux d'appliquer les contrôles, pour garantir que les règles étaient suivies.

67. Les gestionnaires hiérarchiques devraient, à juste titre, être chargés de recruter, de former et de maintenir en poste les personnes dont ils ont besoin, mais ils doivent bénéficier de l'appui nécessaire à ce chapitre. Cet appui prendrait les formes suivantes : conseils de spécialistes des ressources humaines, pour aider les gestionnaires à atteindre leurs objectifs opérationnels, personnel de soutien qui se chargerait des processus nécessaires, et appui de systèmes d'information qui fourniraient des rapports utiles et conviviaux grâce auxquels les gestionnaires pourraient prévoir, planifier, obtenir et évaluer les résultats.

68. Pour faire en sorte que leurs entités fonctionnent efficacement, dans le contexte en constante évolution d'aujourd'hui, et deviennent des organisations évolutives, les sous-ministres doivent modifier encore davantage leur mode de gestion. Ils ne peuvent pas se contenter d'assumer leurs responsabilités au niveau de l'administration des systèmes centraux, mais doivent jouer un rôle essentiel et continu dans la création et le maintien d'un milieu de travail sain. Ils doivent veiller à ce que leurs ministères assurent la formation et le maintien en poste d'un effectif ayant les compétences et la capacité de relever les défis qui se pointent à l'horizon. Je pense que si les responsabilités législatives sont plus décentralisées, ces changements se produiront naturellement, au fur et à mesure que les sous-ministres deviendront plus autonomes. Le moment est peut être venu de se pencher sur les leçons que les nouvelles agences, plus indépendantes, ont apprises.

Il est urgent de régler les problèmes de recrutement

69. J'ai fait état à plusieurs reprises des défis que la fonction publique doit relever d'urgence : une population vieillissante, une forte concurrence pour les employés instruits et la possibilité du départ imminent à la retraite de nombreux cadres supérieurs qui sont essentiels à la gestion des ministères et à la prestation des programmes et des services aux Canadiens. Plus de la moitié des cadres supérieurs actuels de la fonction publique pourraient prendre leur retraite d'ici cinq ans, et les membres des groupes qui devraient normalement les remplacer ont à peu près le même âge. Une crise se profile à l'horizon étant donné que les jeunes travailleurs sont sous-représentés dans l'administration fédérale, que les jeunes travailleurs compétents ne considèrent pas nécessairement la fonction publique comme un employeur de choix, que le secteur privé livre une concurrence féroce pour les travailleurs du savoir et que la fonction publique n'offre sans doute pas des salaires concurrentiels dans certains domaines professionnels. En outre, la formation des employés depuis leur entrée en fonction jusqu'à ce qu'ils deviennent cadres et cadres supérieurs exige beaucoup de temps. Notre récente vérification du Programme de recrutement postsecondaire me fait craindre que le gouvernement ne s'attaque pas assez rapidement ou de manière suffisamment globale à ce défi. Le gouvernement soutient que le recrutement des jeunes fonctionnaires ne constitue qu'une petite part du recrutement extérieur. Nous constatons toutefois que la plupart des autres personnes recrutées de l'extérieur le sont pour de courtes périodes déterminées, et que ces mesures de recrutement ne sont pas le fruit d'un plan de recrutement global et à long terme. Je pense que la complexité du processus de dotation et la frustration à l'égard du système, comme l'ont exprimé à maintes reprises les gestionnaires et les employés, encouragent le recrutement à court terme, dans un horizon à court terme. Si ce problème - et le manque de clarté sous-jacent en matière de responsabilités - ne sont pas réglés rapidement, le gouvernement et les citoyens canadiens pourraient en payer chèrement le prix.

Il faut un nouveau système de classification sans tarder

70. La dotation n'est pas la seule caractéristique du régime actuel sur laquelle doit se pencher le noyau de la fonction publique. Des efforts considérables ont été déployés au cours de la dernière décennie pour restructurer entièrement un système de classification des emplois qui non seulement ne répond pas à l'exigence de parité salariale liée au non-sexisme, mais ne reflète pas non plus la nature des travaux effectués aujourd'hui dans les ministères du noyau de la fonction publique. Il est désuet, trop complexe et trop coûteux à exploiter. Nous pensons que le Secrétariat du Conseil du Trésor a fait des progrès importants dans cette initiative de réforme majeure. Mais le nouveau système n'a pas encore été mis en oeuvre. Les ministères et le Secrétariat du Conseil du Trésor doivent mener la tâche à terme et assurer l'exactitude du système. Les descriptions d'emploi doivent être justes, les résultats d'évaluation doivent être valables et d'autres tests doivent être exécutés pour démontrer à toutes les parties intéressées que la version définitive de la norme de classification est non sexiste et universelle. Le temps est venu de maintenir l'intérêt de la haute direction pour que le gouvernement profite des progrès réalisés.

71. Le Secrétariat du Conseil du Trésor doit aussi établir une stratégie de rémunération pour appuyer l'introduction du nouveau système. Comme la norme est différente de celle utilisée jusqu'à maintenant, le changement aura une incidence sur la rémunération de nombreux employés. Le Conseil a besoin d'une stratégie pour faire face aux changements et aux bouleversements qui ne pourront manquer d'en résulter.

Le gouvernement doit consacrer suffisamment de ressources pour régler ses problèmes de recrutement et mener à terme son nouveau système de classification; autrement, les Canadiens en paieront chèrement le prix.

 

72. Enfin, le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait veiller à ce que des ressources suffisantes soient disponibles pour terminer les travaux sur la norme. Ce projet aura des répercussions sur la majeure partie de la fonction publique fédérale dans tout le pays et ce, durant plusieurs dizaines d'années. Il aura un effet sur les coûts du personnel qui se comptent en milliards de dollars, sans parler de la capacité de recruter et de retenir des employés hautement compétents et d'établir des conditions d'emploi équitables. Le Secrétariat avait au départ sous-estimé la complexité de la tâche ainsi que le temps et les ressources nécessaires pour la mener à terme. Le Conseil du Trésor a indiqué n'avoir affecté que 20 millions de dollars de fonds supplémentaires depuis 1996; les ministères ont aussi été autorisés à recevoir une avance de 60 millions de dollars sur leur financement futur, qu'ils devront rembourser. C'est beaucoup moins que les sommes consacrées à des projets de technologie de l'information, même de taille moyenne, conçus pour gérer, par exemple, les stocks d'un seul ministère. Il est dès lors peu étonnant que ce projet progresse lentement.

Il faut aller au-delà de la phase de l'étude

73. Si l'on veut faire des progrès réels dans la gestion des ressources humaines, des changements législatifs et systémiques, de nouvelles attitudes et pratiques, ainsi qu'une nouvelle culture organisationnelle s'avéreront nécessaires. Tous ces changements doivent être gérés de façon cohérente. Le gouvernement doit aller au-delà du modèle qui a caractérisé les années 1990 - c'est-à-dire créer des comités de cadres supérieurs pour étudier le problème et établir des plans, sans réussir à résoudre les questions. Le roulement des cadres supérieurs empire la situation, puisque chaque nouvelle personne nommée commence par réexaminer les questions. Étant donné la vague de départs à la retraite qui est anticipée au sommet de la hiérarchie, le problème ne sera pas facile à résoudre. Il faut cependant trouver une solution si l'on ne veut pas que la gestion des ressources humaines soit dépassée par les défis et le rythme rapide du nouveau siècle.

Les valeurs et l'éthique exigent autant d'attention que les systèmes de gestion

74. Le gouvernement fédéral dépend de plus en plus du respect des valeurs saines et de l'éthique de la part des employés pour assurer l'intégrité de la fonction publique. Le niveau de supervision et le nombre de règles et de lignes directrices détaillées qui doivent être suivies ont été réduits considérablement. L'effectif devient plus diversifié, les nouvelles technologies de l'information prolifèrent, et les fonctionnaires jouissent de plus de souplesse pour prendre des décisions. Parallèlement, les nouveaux mécanismes de prestation des services mettent l'accent sur des valeurs qui caractérisent davantage le secteur privé et qui peuvent être en contradiction avec les valeurs traditionnelles de la fonction publique. De plus, les partenariats avec le secteur privé se font plus nombreux.

75. Je pense que la fonction publique fédérale possède une assise solide au chapitre des valeurs et de l'éthique. Cependant, les changements importants qui continuent de se produire les mettent à l'épreuve. Mon bureau examine régulièrement les efforts déployés par le gouvernement pour maintenir et promouvoir de saines valeurs et l'éthique au sein de son effectif.

76. John Tait, un ancien sous-ministre de la Justice qui dirigeait le Groupe d'étude sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, a produit en 1996 un rapport dans lequel se dégageait un consensus parmi les hauts fonctionnaires, à savoir que le maintien de valeurs saines et de l'éthique exigerait des efforts. Dans mon rapport d'octobre 2000 au Parlement, j'ai conclu que la majeure partie de ces efforts en était encore à une étape préliminaire. Qui plus est, certains des efforts essentiels exigeront un changement de culture important qui pourrait prendre une génération à se produire.

77. Les initiatives en matière de valeurs et d'éthique ont été difficiles à mettre de l'avant, en grande partie en raison du changement culturel qui y est toujours associé. Les personnes investies d'un pouvoir peuvent percevoir de tels changements comme une menace. Ainsi, certains gestionnaires peuvent se sentir menacés si les employés ont la possibilité de se tourner vers une partie extérieure pour exprimer leurs préoccupations en matière d'éthique.

78. De nouveaux mécanismes pourraient être nécessaires au sein de l'administration fédérale pour renforcer une conduite éthique et s'assurer que toutes les préoccupations sont soulevées. Il peut s'agir notamment d'ombudsmans, de conseillers en éthique et de centres de soutien, de commissaires à l'intégrité et de mécanismes de recours pour permettre des interventions de bonne foi. Les mécanismes n'ont pas besoin d'être coûteux ni de nuire à l'efficience. Cependant, pour être efficaces, ils exigent que les structures actuelles du pouvoir partagent ce pouvoir et acceptent une plus grande surveillance - un changement qui pourrait être difficile à « vendre » aux autorités.

79. Le facteur le plus important, cependant, est que de nombreux cadres supérieurs admettent la nécessité de maintenir les valeurs et l'éthique, mais ne reconnaissent peut-être pas qu'un problème existe au sein de leur propre organisation. Confrontés à de lourdes contraintes en matière de temps et de ressources, ils pourraient regimber devant une autre initiative de gestion. Ces cadres pourraient ne pas juger le dossier convaincant, et n'y voir qu'une perte importante de temps et de ressources.

Les Canadiens ne méritent rien de moins que les normes les plus élevées de conduite dans l'administration fédérale.

 

80. À mon avis, il existe des signaux d'alerte qui démontrent la nécessité de veiller de plus près aux valeurs et à l'éthique. Par exemple, Où en sommes-nous, une publication de 1998 qui reflète les vues de 30 000 gestionnaires de niveau intermédiaire de la fonction publique, signale que « le cynisme, l'amertume et la méfiance demeurent de mise ». Nous avons fait allusion à ce cynisme lorsque nous avons signalé qu'un pourcentage important des marchés à fournisseur unique avaient été attribués, en toute connaissance de cause, en contravention du Règlement sur les marchés de l'État. Nous avons également constaté que de nombreux cadres supérieurs, qui s'étaient montrés sceptiques quant à la nécessité d'entreprendre des initiatives en matière de valeurs et d'éthique, n'avaient pas pris eux-mêmes la peine de vérifier si leur organisation respectait une norme élevée à cet égard.

81. Je pense que le maintien et la promotion de valeurs saines et de l'éthique sont un aspect essentiel d'une bonne régie et, qu'ils sont en définitive, nécessaires pour que le public garde confiance dans les institutions démocratiques. Nous ne sous-estimons pas la difficulté de gérer avec succès des initiatives en matière de valeurs et d'éthique. Créer des structures, obtenir l'engagement actif des leaders politiques et des hauts fonctionnaires, et surmonter le scepticisme des fonctionnaires, tout cela posera des défis énormes. Cependant, les Canadiens ne méritent rien de moins que les normes les plus élevées de conduite dans l'administration fédérale. Et c'est en fonction de ces normes que notre bureau continuera d'évaluer les valeurs et l'éthique dans l'administration fédérale.

Section IV — Changer la structure du gouvernement

Améliorer la gestion des sociétés d'État

82. Les sociétés d'État comptent pour une partie importante de l'activité de l'administration fédérale et contribuent à la mise en oeuvre de la politique gouvernementale et à l'atteinte de buts commerciaux. À l'heure actuelle, les 41 sociétés d'État (excluant leurs filiales et la Banque du Canada) ont un effectif d'environ 70 000 personnes; elles gèrent un actif de plus de 60 milliards de dollars et reçoivent des crédits budgétaires annuels de 3,8 milliards de dollars. Les sociétés d'État, dont 18 ont été liquidées ou cédées et 9 ont été créées au cours des 10 dernières années, continuent de représenter un mode de prestation des programmes gouvernementaux dynamique, viable et pertinent.

83. Les crises financières et les échecs importants subis par les sociétés d'État ont donné lieu, en 1984, à l'ajout de la Partie X à la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), qui établissait un nouveau régime de responsabilisation et de contrôle. La gestion des sociétés d'État n'a cessé de s'améliorer depuis, comme nous l'avons constaté dans nos examens spéciaux (un type de vérification quinquennale de l'optimisation des ressources des sociétés d'État). La planification stratégique et organisationnelle, la mesure du rendement et la communication de l'information sur celui-ci exigent d'autres efforts. Néanmoins, la Partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques a eu un effet positif sur la gestion et la reddition de comptes des sociétés d'État.

84. Toutefois, la solidité d'un régime de responsabilisation et de contrôle est fonction de la solidité de sa mise en oeuvre. Dans mon rapport de décembre 2000, j'ai mis en évidence les lacunes qui subsistent en matière de régie et qui doivent être comblées de toute urgence pour que les sociétés d'État puissent satisfaire aux exigences futures de rendement. Il est essentiel que les conseils d'administration des sociétés d'État soient renforcés et que les administrateurs participent à la sélection du premier dirigeant. Le conseil d'administration constitue la pierre angulaire du régime de responsabilisation. Les administrateurs doivent posséder les compétences, les connaissances et l'expérience nécessaires pour remplir leur rôle. Le gouvernement doit s'assurer qu'il a la capacité d'examiner et de mettre en question les plans d'entreprise et déterminer si le mandat de chaque société répond encore à ses besoins actuels.

85. La transparence fait partie d'un bon cadre redditionnel. La Loi sur la gestion des finances publiques prévoit des dispositions concernant la communication de l'information, mais les sociétés d'État pourraient améliorer l'information qu'elles transmettent. En effet, elles pourraient mieux faire connaître leurs pratiques environnementales et de régie - incluant la rémunération des dirigeants et des administrateurs - de même que les résultats des examens spéciaux et des examens de mandat. En outre, le Conseil du Trésor pourrait fournir une meilleure orientation par voie de règlements, comme la Loi sur la gestion des finances publiques permet de le faire.

86. J'invite le Parlement à jouer un rôle plus actif en demandant aux sociétés d'État de rendre compte de leur rendement, de leur efficacité à remplir leur mandat et de la pertinence continue de celui-ci.

87. J'encourage le gouvernement à non seulement renforcer la mise en oeuvre de la Partie X de la LGFP, mais aussi à étendre son application. Il a donné plus d'indépendance à certaines sociétés en les exemptant des dispositions relatives au contrôle et à la reddition de comptes de la Loi sur la gestion des finances publiques. Notre bureau s'oppose à cette décision depuis un certain temps déjà. Toutes les sociétés d'État - quel que soit leur degré d'indépendance stratégique et organisationnelle du gouvernement - devraient être assujetties à un régime de responsabilisation adéquat. La Partie X de la Loi prévoit un tel régime dans les dispositions qui traitent du partage clair des rôles et des responsabilités entre le gouvernement et la société, de l'établissement de plans quinquennaux et d'objectifs, de la communication de l'information par rapport aux objectifs et aux cibles ainsi que de l'application d'un régime détaillé de vérification interne et externe.

88. Étant donné que le gouvernement confie de plus en plus la prestation de services à des entités sans lien de dépendance, il est essentiel qu'il établisse des dispositions de contrôle et de reddition de comptes appropriées. Je lui recommande fortement de s'inspirer du cadre redditionnel et de contrôle mis en place pour les sociétés d'État, lequel a donné de bons résultats, et d'établir, de la même façon, de nouveaux modes de prestation de services et mécanismes de régie, dont un bon nombre sont maintenant utilisés sans qu'il existe un régime de responsabilisation et de contrôle approprié.

La prestation de services aux Canadiens

La recherche de nouveaux modes de prestation de services

89. La crise de l'endettement et du déficit a forcé le gouvernement à réduire sa taille, à devenir plus rentable et à adopter une approche de gestion davantage semblable à celle du secteur privé. Celui-ci a cru initialement que tous les services publics devaient être offerts de la manière traditionnelle - soit par un ministère visé par la Loi sur la gestion des finances publiques dont les employés ont été engagés aux termes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique - puis il a, au début des années 1990, commencé à réfléchir à de nouveaux moyens plus efficients d'exercer ses activités.

90. On croyait généralement que le gouvernement avait trop de règles internes, que les organismes n'adaptaient pas leurs services aux besoins des clients et que le secteur privé offrait une expertise spécialisée qui pourrait améliorer les services gouvernementaux et abaisser les coûts. De plus, les structures de gestion des ressources humaines du gouvernement étaient perçues comme trop encombrantes et limitatives.

91. En décembre 1989, le gouvernement a annoncé une première initiative - soit la création, dans le cadre de projets pilotes, d'organismes de service spéciaux, dont le service consultatif de gestion aux ministères. Ces organismes ont continué de relever des sous-ministres, mais n'étaient pas tenus de satisfaire à certaines exigences administratives gouvernementales. En revanche, ils devaient obtenir des résultats particuliers. À la fin de 1993, le gouvernement avait approuvé la création de 15 organismes du genre; on en compte actuellement 19, dont la moitié environ fournissent des services uniquement au gouvernement et le reste, des services limités au public.

92. Bien que ces organismes de service spéciaux existent toujours, l'expérience n'a jamais vraiment été poussée plus loin. Seulement 5 000 fonctionnaires environ ont été touchés. Cependant, d'autres initiatives ont mené à l'établissement de nouveaux mécanismes de régie, à la privatisation d'anciens organismes et à l'achat direct de services du secteur privé pour remplacer les services de soutien qui, jusque-là, étaient assurés par le gouvernement. Dans le cadre de ces nouveaux mécanismes de régie, le gouvernement fédéral partage l'exécution de programme avec d'autres parties, ou encore délègue à un tiers la prise de décisions clés en matière de planification et d'organisation.

Les nouveaux mécanismes menacent la surveillance parlementaire et l'intérêt public

93. En 1999, nous avons constaté que le gouvernement fédéral avait mis en place au moins 51 mécanismes de collaboration pour la prestation de services avec d'autres ordres de gouvernement ou avec les secteurs privé et bénévole, à un coût annuel pour les contribuables d'environ 4,5 milliards de dollars. Citons en exemple le programme Travaux d'infrastructure Canada (qui a coûté 2,4 milliards de dollars sur une période de 6 ans), auquel ont participé les provinces, les administrations locales et le secteur privé, et les ententes sur le développement du marché du travail avec les administrations provinciales et territoriales, dont le coût s'élève à plus de 7,7 milliards de dollars sur 5 ans. Dans le cas de 26 mécanismes, le gouvernement fédéral avait aussi délégué la prise de décisions à un partenaire. Parmi ceux-ci, mentionnons la Fondation canadienne pour l'innovation (un milliard de dollars), mise sur pied pour la période de 1997 à 2003, et le Fonds canadien des bourses d'études du millénaire, qui a été institué en 1998 et pour lequel on prévoit dépenser 2,5 milliards de dollars sur une période de dix ans.

94. Nous nous attendons à ce que de tels mécanismes adhèrent aux valeurs du secteur public, lesquelles assurent l'examen de toutes les dépenses fédérales par les parlementaires ainsi que la justesse, l'impartialité et l'équité lors de la prestation de services et l'application des règlements.

95. Pour ce qui est des mécanismes de collaboration établis entre le gouvernement et d'autres organisations, nous avons constaté, au cours de nos vérifications, un manque d'information satisfaisante sur le rendement. Souvent, les mécanismes redditionnels essentiels - par exemple, une entente sur la forme et le contenu des rapports annuels - n'étaient pas en place et le gouvernement n'avait pas suffisamment évalué si ses partenaires pouvaient assumer les responsabilités prévues par le mécanisme. Il fallait de meilleurs mécanismes pour protéger l'intérêt public, notamment des dispositions prévoyant la participation du public et le traitement des griefs des citoyens.

96. Dans le cas des mécanismes en vertu desquels le gouvernement fédéral avait délégué la prise de décisions à un partenaire, nous avons observé que peu d'information sur le rendement avait été communiquée au Parlement. Les attentes en matière de rendement n'étaient généralement pas liées aux conséquences et il n'y avait pas de données de référence pour mesurer les progrès et déterminer si le mécanisme fonctionnait comme il se doit. Dans d'autres cas, il n'y avait pas de mesures adéquates pour protéger l'intérêt public, par exemple des dispositions concernant les plaintes et les recours des citoyens et des règles en matière de conflits d'intérêts.

97. Enfin, lorsque le gouvernement fédéral procède à une réorganisation, il doit s'assurer qu'il ne crée pas de nouveaux problèmes. En 1997, il a établi l'Agence canadienne d'inspection des aliments en tant qu'employeur distinct, en fusionnant des secteurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, de Santé Canada et de Pêches et Océans. Ces trois ministères ont transféré plus de 4 500 employés à la nouvelle Agence ainsi qu'un budget annuel d'environ 330 millions de dollars. L'Agence jouit d'une certaine liberté pour gérer ses finances et ses ressources humaines et passer des marchés, mais en retour, elle doit améliorer sa reddition de comptes en préparant un plan d'entreprise comprenant des objectifs et des attentes en matière de rendement ainsi qu'un rapport annuel faisant état de ses réalisations véritables. Après trois ans, l'Agence ne présente toujours pas un tableau clair et complet de son rendement qui peut permettre au Parlement et à d'autres parties d'évaluer la mesure dans laquelle elle joue son rôle.

98. L'Agence des douanes et du revenu du Canada a été créée dans le but précis, encore une fois, d'améliorer les services offerts aux Canadiens. En effet, les contribuables admissibles veulent obtenir plus rapidement leur crédit d'impôt pour enfants, les importateurs souhaitent que l'on accélère le dédouanement des marchandises à la frontière et les contribuables constitués en société voulaient des vérifications plus expéditives. La structure mise en place pour gérer la nouvelle Agence semble solide, mais celle-ci devrait présenter son premier rapport sur le rendement un peu plus tard cette année. J'espère que le rapport permettra vraiment au Parlement de déterminer si l'Agence atteint ses objectifs.

D'autres approches créent des risques commerciaux

99. Le gouvernement fédéral a aussi essayé d'autres approches pour améliorer la qualité des services et pour réduire les coûts. La plus remarquable est la commercialisation pure et simple de services, soit la transformation d'un organisme gouvernemental en société privée. La création récente de NAV CANADA, une société sans but lucratif dont le mandat est d'exploiter le système canadien de navigation aérienne civile, en est un bon exemple.

100. En 1997, nous avons vérifié les opérations qui ont entouré la mise sur pied de NAV CANADA. Nous avons conclu que le gouvernement n'avait pas pris de mesures adéquates pour assurer l'optimisation de ses ressources. Il a reçu 1,5 milliard de dollars pour l'actif et le monopole de l'exploitation transférés à NAV CANADA, alors que les conseillers financiers de Transports Canada avaient estimé la valeur d'exploitation à 2,4 milliards de dollars. En outre, les coûts de transfert étaient élevés, le passif découlant du régime de retraite se situant à lui seul entre 145 millions de dollars et 275 millions de dollars. Transports Canada n'a pas obtenu d'évaluation officielle de l'entité par un professionnel qualifié ni d'opinion externe quant à la qualité de l'information financière utilisée. Lorsqu'il conclut une entente de ce genre, le gouvernement fédéral doit veiller à ne pas vendre des actifs publics pour une valeur inférieure à leur valeur réelle, de même qu'à obtenir des analyses financières complètes et justes.

101. Dans une situation similaire, la Défense nationale a passé un marché avec un consortium privé en 1998 pour la prestation du programme militaire canadien de formation au pilotage. Le Programme d'entraînement en vol de l'OTAN au Canada utilisait les fonds du gouvernement pour financer une capacité de formation qui excédait les besoins du Canada, afin de dispenser de la formation à d'autres pays membres de l'OTAN; les coûts étaient partagés avec ces derniers, ce qui diminuait les coûts indirects pour le Canada. À un coût de 2,8 milliards de dollars sur 20 ans, l'entente peut s'avérer profitable pour tous les pays visés. Cependant, nous avons constaté que lorsque le gouvernement a payé l'entrepreneur pour assumer la responsabilité des risques, il a mal défini ces risques et mal calculé leur valeur. Le gouvernement a aussi enfreint ses propres règlements en matière de marchés, en attribuant les travaux à un seul fournisseur sans inviter d'autres fournisseurs éventuels à soumissionner.

102. Sur une note positive, nous devons souligner que le gouvernement a fait un bon travail en gérant le risque commercial associé à la passation d'un marché pour la construction d'un pont devant raccorder en permanence le continent à l'Île-du-Prince-Édouard. Le gouvernement voulait fixer un plafond à la subvention déjà versée au service de traversiers, puis la transférer au secteur privé en contrepartie de la construction du pont et de son exploitation sur une période de 35 ans. Lorsque cette période sera terminée, le gouvernement mettra fin à la subvention. Il deviendra alors propriétaire du pont et en assurera l'exploitation. Nous avons constaté que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada avait adéquatement protégé l'État contre d'éventuels dépassements de coûts et le retrait possible de l'appui des entrepreneurs du secteur privé. Il a également fait le suivi des exigences environnementales et veillé à recevoir une information suffisante sur le projet.

103. Néanmoins, si le gouvernement doit continuer de conclure des ententes de mégaprojets qui entraînent le transfert d'actifs financés par les contribuables et la création de monopoles, il doit se doter d'une meilleure structure de gestion à cette fin. En particulier, il doit maximiser son utilisation du marché concurrentiel. Avant de privatiser un service, il doit être certain qu'il existe un marché concurrentiel. Il doit aussi renforcer sa capacité d'analyse commerciale, afin de pouvoir évaluer les coûts et les avantages d'ententes complexes dont les conditions peuvent être établies pour plusieurs décennies.

Il est trop tôt pour déterminer la mesure dans laquelle les nouveaux mécanismes sont satisfaisants

104. La plupart des nouveaux organismes et mécanismes sont trop récents pour que l'on puisse déterminer leur rendement. Nous savons qu'il faut surtout améliorer l'établissement des cibles de rendement et la communication de l'information sur l'atteinte de ces cibles. Sans une structure de gestion qui intègre ces éléments, il est peu probable que le gouvernement puisse démontrer que ses actions ont produit des résultats positifs. S'il n'a pas de structure de gestion globale en place, le Parlement ne peut pas surveiller les dépenses, ce qui affaiblit la reddition de comptes au public.

Organiser le « siège social » du gouvernement

Du commandement et du contrôle à la surveillance active

105. Le gouvernement fédéral n'a pas, comme les sociétés, de siège social; le régime politique canadien attribue individuellement aux ministres du Cabinet la responsabilité de nombreuses activités gouvernementales et collectivement, la responsabilité de nombreuses décisions importantes. Toutefois, pour être efficient, le gouvernement doit coordonner la gestion de ses activités et aider les ministères à améliorer leurs pratiques de gestion. Le Conseil du Trésor, qui est un comité formé de ministres secondé par un secrétariat composé de fonctionnaires, s'acquitte de ces responsabilités en établissant des normes gouvernementales de saine gestion et en encourageant l'échange des meilleures pratiques entre les ministères.

106. Jusqu'ici, lorsqu'il préparait le plan de dépenses annuel du gouvernement (le Budget des dépenses) en vue de le faire approuver par le Parlement, le Conseil du Trésor devait concilier les demandes conflictuelles de ressources. Le Secrétariat fournit aux ministres du Conseil du Trésor des analyses et des avis devant appuyer leurs décisions relatives aux dépenses ministérielles.

107. Au cours des 20 dernières années, le Conseil du Trésor s'est éloigné du « commandement et du contrôle » qui étaient caractérisés par des politiques détaillées et l'approbation des opérations individuelles. Au début des années 1990, il a entrepris des réformes qui visaient à améliorer, dans l'ensemble du gouvernement, l'efficacité de la gestion et qui consistaient à déléguer des pouvoirs accrus aux ministères, à accorder plus d'attention aux besoins des clients, à collaborer davantage avec les ministères, à prendre des moyens pour améliorer le service au public et à utiliser de nouveaux modes de prestation de services. Au milieu des années 1990, des coupures causées par les pressions budgétaires ont abouti à un examen en profondeur de tous les programmes gouvernementaux. À la suite de cet examen, les ministères ont de plus en plus exercé de pressions en faveur d'une décentralisation et d'une application moins rigoureuse des procédures détaillées.

108. Le Conseil du Trésor a réagi à ces pressions en donnant aux ministères plus de latitude dans la prise de décisions. En 1997, les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor ont déclaré au Comité des comptes publics qu'il n'était pas de leur ressort de surveiller le rendement des ministères et que ce travail incombait aux administrateurs généraux. Mais nos vérifications ont indiqué que les ministères n'étaient pas toujours en mesure d'assumer plus de responsabilités : par exemple, les ministères et les organismes plus petits avaient de la difficulté à gérer des projets de technologie complexes, à risque élevé. Qui plus est, lorsque le Conseil du Trésor avait délégué l'élaboration de politique aux ministères, certains ne satisfaisaient pas aux exigences redditionnelles et aucun n'examinait le rendement des programmes.

109. À la fin de 1990, le pendule avait amorcé son mouvement de retour. Le gouvernement a désigné le Conseil du Trésor et le Secrétariat comme conseil de gestion. En mars 2000, le président du Conseil du Trésor a déposé le document intitulé Résultats pour les Canadiens et les Canadiennes dans lequel il établit un cadre de gestion pour le gouvernement et définit le rôle d'un conseil de gestion. Cette mesure n'a pas pour effet de changer la nature des travaux du Conseil du Trésor, mais la manière dont il les exécute. Dans les faits, ce dernier surveille activement les systèmes de contrôle ministériels. Lorsqu'il exerce une surveillance active, le Secrétariat vérifie l'état des contrôles d'un ministère et le caractère adéquat de ses cadres de gestion des dépenses, afin de pouvoir intervenir rapidement lorsqu'il détecte un risque pour les contrôles. Cette approche peut rétablir l'équilibre entre le contrôle et les initiatives, équilibre qui a été perdu au cours des dernières années.

Un meilleur radar est nécessaire

110. L'ère du commandement et du contrôle étant révolue, la nouvelle ère de surveillance active exige que le Conseil du Trésor se dote d'un bon radar. Nous avons constaté, lors de nos vérifications, qu'au cours des années 1990, le Conseil du Trésor avait approuvé des dépenses ministérielles considérables qui étaient fondées sur des analyses de rentabilité peu rigoureuses, apparemment sans que le Secrétariat ne les ait vraiment mises en question. Par exemple, dans nos récentes vérifications de projets d'immobilisations de la Défense nationale approuvés par le Conseil, nous avons trouvé de graves lacunes dans les analyses d'options à l'appui des décisions. Dans notre vérification de 1996 du projet d'Automatisation du système canadien de la circulation aérienne, nous avons constaté qu'on avait dépensé 230 millions de dollars avant même que les exigences n'aient été arrêtées et que 11 questions importantes concernant l'entrepreneur et le gouvernement n'aient été réglées. Nous avons constaté que le projet avait été restructuré - ce qui a provoqué une augmentation de prix et une réduction de ce que le gouvernement obtiendrait - sur la base d'une information financière qui n'avait pas entièrement été communiquée aux ministres du Conseil du Trésor. Si l'on n'adopte pas une approche plus active, des écarts de ce genre sur le plan de la gestion continueront à se produire.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor doit être plus dynamique et exercer une surveillance active des ministères.

 

111. Il est évident que même si la surveillance active est moins exigeante que le commandement et le contrôle, le niveau d'efforts déployés actuellement est insuffisant. Le radar du siège social doit fonctionner avant que les ministres puissent se concentrer sur les problèmes. Les problèmes que Développement des ressources humaines Canada a récemment éprouvés dans la gestion des subventions et des contributions étaient en partie attribuables à un radar qui était défectueux depuis des années. Les fonctionnaires du Conseil du Trésor craignent maintenant que le Secrétariat ne puisse jouer son rôle au sein du conseil de gestion. Dans le domaine de la gestion financière et dans d'autres domaines, le Secrétariat n'a pas la combinaison de compétences et de personnel nécessaire. Le roulement du personnel, qui est endémique au gouvernement, est trop élevé et la charge de travail est trop lourde. De nouveaux programmes, comme les nouveaux modes de prestation des services, ajoutent au fardeau en exigeant du Secrétariat qu'il effectue de nouvelles analyses plus complexes.

112. Les députés qui m'ont parlé du rôle du Conseil du Trésor se demandent ce que le Secrétariat essaie de faire. Il serait utile que celui-ci consulte les députés afin d'obtenir leurs vues sur son rôle. Je crois fermement que le Secrétariat devrait continuer avec détermination à exercer une surveillance « active ». Nos rapports de vérification sont remplis d'exemples d'échecs de l'optimisation des dépenses lorsque le Secrétariat du Conseil du Trésor a adopté une approche non interventionniste. Il n'est pas souhaitable d'avoir une bureaucratie centrée sur les règles, mais il est temps que le siège social du gouvernement s'occupe plus activement de s'assurer que les ministères exécutent les programmes avec économie, efficience et efficacité.

Section V — La responsabilité de gestion et le Parlement

Qu'est-ce que la responsabilité de gestion?

113. Il y a deux types fondamentaux de responsabilité au gouvernement : la responsabilité politique et la responsabilité de gestion. La responsabilité politique est la reddition de comptes par les ministres à la Chambre des communes, et par les députés, aux citoyens qui les ont élus. Un Cabinet qui ne réussit pas à garder la confiance de la Chambre des communes est voué à la disparition, et les députés qui ne réussissent pas à garder la confiance de leurs électeurs ne seront pas réélus. Des propositions pour améliorer la responsabilité politique - au moyen d'un Sénat élu par exemple - ont été présentées, mais il ne fait aucun doute que cette responsabilité est solidement établie au Canada et que les gouvernements doivent rendre des comptes à l'électorat.

114. Un plus grand nombre de personnes se partagent la responsabilité de gestion au sein de l'administration fédérale. Au niveau le plus bas, les fonctionnaires rendent des comptes à leurs supérieurs pour l'exécution de leur travail et l'utilisation responsable des ressources. Les administrateurs généraux rendent des comptes aux ministres pour les activités et le bon fonctionnement de ministères et d'organismes entiers. Les ministres rendent des comptes au premier ministre, au Cabinet et à la Chambre des communes pour la gestion de leurs portefeuilles respectifs. Les comités parlementaires peuvent exiger que les ministres et les fonctionnaires se présentent devant eux pour rendre compte de l'utilisation des crédits votés par le Parlement, ce qui constitue une importante partie du rôle de surveillant du Parlement.

115. Une solide responsabilité de gestion requiert, entre autres choses, de l'information sur ce qui est dépensé pour atteindre des objectifs particuliers, de l'information sur ce qui a été accompli ainsi que la communication de cette information au sein des ministères et des organismes et au Parlement. Étant donné que les ministres sont responsables de l'administration de leur ministère, la responsabilité politique et la responsabilité de gestion sont fusionnées au niveau supérieur du système.

Confiance du public et responsabilité des fonds publics

116. Les citoyens s'attendent à ce que leur gouvernement s'acquitte des responsabilités qui lui ont été confiées par les électeurs et utilise les fonds publics avec prudence et dans le respect des règles et du bien-fondé. L'établissement d'objectifs, le suivi des initiatives menées et de leurs résultats et l'information communiquée au Parlement sont les composantes essentielles de la reddition de comptes. Lorsque cette base est établie, c'est sur elle que repose la confiance des citoyens envers leur gouvernement. L'une des principales responsabilités de mon bureau consiste à déterminer pour le Parlement si cette information existe et la mesure dans laquelle elle est fiable.

117. Le Bureau est aussi préoccupé par la qualité de l'information utilisée par les gestionnaires de la fonction publique. Une bonne information constitue le fondement d'une gestion économique, efficiente et efficace des programmes gouvernementaux et d'une prise de décisions axée sur le respect des règles. L'information est la composante qui alimente la reddition de comptes au gouvernement.

118. Toutefois, la pile doit être rechargée. Le gouvernement fédéral est aux prises depuis des décennies avec des difficultés à fournir de l'information financière et de l'information non financière sur le rendement. Ces difficultés ont été signalées plusieurs fois : par la Commission Glassco, en 1962, la Commission Lambert, en 1979, notre bureau, en 1976 et de nouveau, en 1987, et le Groupe de travail sur la modernisation de la fonction de contrôleur, en 1997. Le ministre des Finances et le président du Conseil du Trésor ont fermement appuyé les initiatives visant à améliorer l'information financière utilisée pour la prise de décisions et, notamment, à faire le lien entre l'information financière et l'information non financière sur le rendement.

119. Le besoin d'information sur le rendement justifie un examen attentif, tout comme l'information communiquée au Parlement. Dans tous les cas, les progrès sont insatisfaisants.

La gestion axée sur les résultats ne fait que des progrès sporadiques

120. Les contribuables veulent entendre que les programmes gouvernementaux produisent les résultats auxquels les députés s'attendaient lorsqu'ils ont adopté les lois ou voté les crédits. De plus, l'établissement d'un objectif et la gestion axée sur l'atteinte de cet objectif représentent des éléments fondamentaux d'une saine gestion, laquelle exige que l'on ait une idée claire et concrète du résultat souhaité ainsi que l'information sur les progrès accomplis et les ressources utilisées à cette fin. Aussi élémentaire que soit cette notion, ce n'est pas la manière dont les gouvernements sont dirigés. En effet, les gouvernements ont jusqu'ici pris davantage soin d'administrer leurs programmes en respectant les règles et les règlements et de ne pas dépasser leurs budgets.

121. L'idée selon laquelle le gouvernement devrait gérer en fonction des résultats n'est pas vraiment nouvelle, cependant. Les tentatives pour mesurer le rendement du gouvernement s'échelonnent sur près de 40 ans, soit depuis le dépôt du rapport de la Commission Glassco, en 1962. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a commencé, au début des années 1970, à promouvoir la mesure du rendement comme point d'appui de la planification, de la prise de décisions et de l'amélioration de la gestion. De plus, le président du Conseil du Trésor a annoncé, en 1995, que le gouvernement était déterminé à assurer la prestation de programmes qui fonctionnent bien, en mettant non plus l'accent sur les règles mais sur les résultats. Pour encourager les ministères à faire cette transition, le gouvernement a, depuis, mis en oeuvre un certain nombre de projets : la réforme des documents relatifs au Budget des dépenses, la sensibilisation à la qualité du service et la modernisation de la fonction de contrôleur. Mais en dépit de ces initiatives de l'administration centrale, le changement n'est pas encore assez marqué au niveau opérationnel.

122. C'est en 1997 que nous avons examiné pour la première fois l'initiative de gestion axée sur les résultats, qui est toujours en cours au gouvernement. Nous avons alors constaté que les efforts en vue de gérer en fonction des résultats, et à plus forte raison les succès, n'étaient pas très nombreux. Certains gestionnaires mesuraient les résultats, communiquaient cette information et l'utilisaient pour améliorer leurs programmes, mais ce type de gestion était limité dans l'ensemble. Nous avons conclu qu'une attention soutenue était nécessaire pour que des progrès soient possibles.

123. Nous avons fait le suivi de cette vérification en 2000. Nous nous attendions alors à ce que la plupart des gestionnaires aient essayé la méthode de gestion axée sur les résultats et à ce que bon nombre d'entre eux aient de bons systèmes en place. Nous avons relevé des progrès dans quelques secteurs, mais de toute évidence la gestion axée sur les résultats n'était pas encore la norme dans les ministères que nous avons vérifiés.

Les gestionnaires sont trop souvent embourbés dans une phase de planification perpétuelle et d'élaboration de mesures du rendement. « Mieux » est devenu l'ennemi de « satisfaisant ».

 

124. Nous avons par contre observé que la mesure des résultats est maintenant une notion claire et bien acceptée au gouvernement fédéral. Les tentatives faites au cours des années 1970 et même des années 1980 n'ont pas reçu un soutien continu des niveaux supérieurs. Par contre, au cours des années 1990, le président du Conseil du Trésor et le Conseil ont montré un engagement plus ferme. Depuis 1995, le président a fait rapport chaque année au Parlement sur les progrès réalisés par le gouvernement en matière de gestion axée sur les résultats. Le gouvernement a souligné son engagement dans un document publié en 2000, par le Secrétariat, intitulé Résultats pour les Canadiens et les Canadiennes : un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada.

125. La notion de gestion axée sur les résultats est claire, mais les gestionnaires semblent trop souvent embourbés dans une planification perpétuelle. Les fonctionnaires nous disent encore qu'ils s'attendent « bientôt » à utiliser davantage l'information sur le rendement ou à commencer « l'année prochaine » à utiliser l'information sur le rendement et à cerner les coûts de l'atteinte des résultats. Il semble que dès qu'un cadre de gestion du rendement est presque terminé, il est abandonné et recommencé au début. Dans certains ministères, le roulement fréquent des ministres et des sous-ministres déclenche souvent un réexamen de tout le cadre élaboré par les personnes en poste avant eux. D'autres ministères semblent en quête de perfection. Il est temps que les gestionnaires se concentrent sur le vieil adage « Mieux est l'ennemi de satisfaisant » et qu'ils cessent de concevoir de meilleures mesures. Il est temps de commencer à utiliser des moyens qui sont « satisfaisants » et de les améliorer par l'expérience pratique.

126. Le « siège social » du gouvernement, le Secrétariat du Conseil du Trésor, a mis en oeuvre de nombreuses initiatives qui appuient la gestion axée sur les résultats, mais aucune n'a produit l'effet souhaité. Le Secrétariat lui-même n'utilise pas systématiquement l'information ministérielle sur le rendement dans sa propre analyse et sa propre prise de décisions. De plus, il n'a pas déterminé les résultats qu'il s'attend à obtenir tout au long de l'application du processus de gestion axée sur les résultats. Il ne semble avoir ni plans, ni cibles, ni échéanciers précis.

127. Ces écarts ne sont pas la cause de l'absence de progrès, mais les symptômes. Le principal obstacle est moins un problème technique que culturel : il y a peu de pression à quelque niveau que ce soit pour que l'on fournisse plus d'information sur le rendement. Les fonctionnaires en ont conscience et de plus, ils ne sont pas enclins à produire de l'information qui pourrait embarrasser leur ministre. La pile de la reddition de comptes n'est donc jamais chargée.

128. Je crois que nous disposons d'assez de preuves indiquant que, lorsqu'on fait montre de détermination, mesurer les résultats n'est pas une tâche impossible. Dans une vérification exécutée l'année dernière, nous avons recensé dix secteurs où l'on a fait une certaine utilisation de l'information sur le rendement, et quatre secteurs où l'on a utilisé régulièrement cette information pour améliorer la conception et le fonctionnement des programmes. En particulier, nous avons noté ce qui suit :

  • Le commissaire et les cadres supérieurs de Service correctionnel Canada s'étaient engagés à obtenir l'information sur les résultats, à analyser et à expliquer les résultats et à utiliser l'information obtenue. Les cadres intermédiaires étaient aussi très enthousiastes et l'initiative de rémunération à risque servait à orienter le Service vers l'atteinte des résultats.
  • Agriculture et Agroalimentaire Canada avait mis en place un « tableau de bord » d'indicateurs de rendement qui étaient surveillés par le sous-ministre. Les cadres supérieurs participaient étroitement à l'élaboration et à l'utilisation des indicateurs de rendement.
  • Industrie Canada avait désigné des sous-ministres adjoints comme champions de ses objectifs stratégiques. Le sous-ministre avait donné du poids au message en attribuant les ressources en fonction de la capacité des programmes d'afficher des résultats.

Ces exemples montrent que des progrès sont possibles lorsque les cadres supérieurs manifestent de l'intérêt et de la volonté.

La gestion financière s'améliore lentement

129. Une priorité de longue date du Bureau consiste à favoriser une meilleure gestion financière dans les ministères. Les fonctionnaires, les ministres et, en définitive, les contribuables doivent savoir ce qu'un programme gouvernemental coûte avant de pouvoir établir s'ils souhaitent continuer de payer pour ce programme. Ils veulent aussi avoir l'assurance que les sommes versées au gouvernement sont protégées et utilisées uniquement aux fins approuvées. En 1997, nous avons mené une étude en vue de déterminer quels sont les outils de gestion financière dont le gouvernement a besoin actuellement et quels sont ceux dont il aura besoin à l'avenir. Les résultats de cette étude ont donné lieu à ce que nous appelons le Modèle de la capacité de gestion financière. Ce modèle décrit nos attentes fondamentales à l'égard de la gestion financière au gouvernement. En bref, nous nous attendons à ce que les organisations gouvernementales apportent des améliorations dans trois secteurs :

  • Gestion et contrôle des risques. Une organisation doit pouvoir préciser tout ce qui pourrait nuire à sa capacité d'atteindre ses objectifs, et elle doit établir un cadre de gestion et de contrôle de ces risques.
  • Information. L'organisation doit gérer ses données et protéger leur intégrité et pouvoir produire le type d'information dont les gestionnaires ont besoin pour mener leurs activités et rendre compte de leurs réalisations.
  • Gestion des ressources. Les organisations devraient pouvoir obtenir des résultats tout en faisant preuve d'économie et d'efficience.

130. Notre modèle compte cinq stades de développement ou de maturité pour évaluer le degré de sophistication de la gestion financière d'une organisation. Après le niveau du démarrage, le tout premier stade est ce que nous appelons le niveau du contrôle - l'organisation dispose de données financières complètes, actuelles et exactes et peut assumer ses responsabilités d'intendance de base. Elle peut aussi faire le suivi de ses dépenses et de ses actifs et veiller à ce que les dépenses soient conformes aux autorisations.

131. Les ministères, en revanche, n'ont même pas entièrement atteint ce niveau de base. Ils ne vérifient pas assez bien leurs propres systèmes de contrôle, ce qui expose leurs actifs financiers à un risque encore plus grand. Les gestionnaires nous ont dit que comme les données financières ne sont pas toujours actuelles et exactes, ils font le suivi des dépenses dans leurs propres « petits carnets de notes ».

132. Nous appelons le prochain niveau de sophistication niveau de l'information, qui est l'élément essentiel sur lequel reposent de nombreuses initiatives d'amélioration gouvernementales en cours. Une organisation à ce niveau peut à la fois mesurer et gérer ses risques financiers. Elle peut aussi générer de l'information sur le coût de production d'un produit d'une qualité donnée ou de la prestation d'un service à un niveau donné. Les ministères que nous avons examinés tentent d'élaborer les outils nécessaires pour atteindre ce niveau, mais la plupart n'ont pas précisé comment ils intégreront la gestion financière à leurs autres pratiques de gestion, ni comment la gestion financière doit appuyer l'organisation. En particulier, ils n'ont établi que peu de liens entre les coûts et les résultats. Sans ces liens, les gestionnaires demeureront limités aux démarches traditionnelles, à savoir obtenir des ressources du Parlement et administrer ces ressources sans dépasser le budget, tout en veillant à dépenser tout l'argent reçu. Ils ne parviendront pas à instaurer une culture où l'on tente d'obtenir les meilleurs résultats possibles à un coût acceptable.

133. Néanmoins, je crois qu'il y a progrès. Le gouvernement travaille maintenant sans relâche à la mise en oeuvre de la Stratégie d'information financière et il consacre énormément de ressources à la modernisation des systèmes d'information financière des ministères et au passage à la comptabilité d'exercice. Jusqu'ici, les actifs étaient comptabilisés comme des dépenses au moment de leur acquisition, mais le passage à la comptabilité d'exercice permettra aux ministères de comptabiliser les coûts à mesure que les actifs sont utilisés. Ils pourront ainsi établir des liens plus étroits entre les coûts et les résultats. Ils disposeront également d'une meilleure information pour prendre les décisions au quotidien et pour mieux gérer les actifs.

134. Même si j'appuie sans réserve l'adoption de la comptabilité d'exercice pour la préparation des rapports financiers, je crains que le gouvernement n'ait pas tenu compte de toutes les répercussions de cette décision sur la budgétisation et l'octroi des crédits par le Parlement. Nous pourrions donc nous trouver dans une situation où les chiffres communiqués sur les prévisions et ceux sur les résultats seront préparés selon deux méthodes de comptabilité différentes. Outre l'incidence évidente qu'il aurait sur la qualité des rapports, ce problème pourrait nuire à l'atteinte des objectifs globaux de la Stratégie d'information financière. Le gouvernement doit résoudre ce problème en priorité.

135. Le gouvernement a lancé son initiative de modernisation de la fonction de contrôleur afin d'intégrer l'information financière et l'information non financière sur le rendement, de cerner et de gérer les risques et de faire en sorte que des systèmes de contrôle appropriés soient en place. Le Conseil du Trésor croit que les données existantes sont meilleures que ne l'indiquent nos vérifications, mais pour la plus grande partie, il perçoit l'état de la gestion financière de la même manière que nous.

136. Le problème n'est donc pas de décider de ce qu'il faut faire, mais de passer à l'action. Il ne sera pas facile de réformer la gestion financière et cela prendra beaucoup de temps. Les succès obtenus dans d'autres administrations - Grande-Bretagne, Australie, Nouvelle-Zélande et Alberta - ont comme dénominateurs communs une forte volonté politique de changement et une surveillance étroite des progrès. Pourtant, l'amélioration de la gestion financière ne représentait qu'une partie d'un effort global d'amélioration de la gestion en général. Le financement continu des programmes et la rémunération des gestionnaires étaient liés à l'atteinte des résultats convenus à l'intérieur des coûts prévus.

Dans les cas où la gestion financière a été améliorée, le changement a été guidé par une forte participation au niveau politique.

 

137. Au Canada, il y a un danger que la gestion financière continue à être perçue comme une fonction isolée et peu importante, que les cadres supérieurs peuvent déléguer aux spécialistes et à laquelle ils n'accorderont que peu d'attention par la suite. Le Parlement, les ministres et les sous-ministres, de même que le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé, doivent tous relever le défi pour assurer le succès des plus récentes initiatives.

L'information sur le rendement communiquée au Parlement est un problème fondamental

138. L'information sur le rendement et les coûts devrait servir non seulement aux ministres et aux fonctionnaires qui gèrent les programmes, mais aussi au Parlement dans son rôle de surveillant. Ce dernier doit disposer d'une information suffisante pour tenir les ministres responsables de l'utilisation des ressources et des résultats obtenus par le gouvernement. Les efforts déployés pour améliorer l'information communiquée au Parlement, qui remontent à 1981, et la conception de la Partie III du Budget des dépenses avaient pour objet d'informer les députés au sujet des plans de dépenses des ministères et des résultats de l'utilisation des fonds déjà dépensés. C'est en 1995 qu'a été mis sur pied le projet d'amélioration des rapports au Parlement que nous connaissons actuellement.

139. Nous pouvons constater un certain progrès. En effet, le besoin d'information de la part du Parlement est beaucoup plus évident aujourd'hui qu'il ne l'était en 1990. Les cadres supérieurs du gouvernement reconnaissent davantage ce besoin qu'il y a dix ans. Mais le passage des principes et des notions à la pratique se révèle un problème. Les quatre dernières années ont été des années d'expérimentation, qui étaient peut-être nécessaires, mais il est maintenant temps d'avancer.

140. Étant donné que les ministères mettent un temps considérable à adopter la gestion axée sur les résultats, on ne devrait pas s'étonner que le Parlement ne soit toujours pas suffisamment informé des résultats des programmes gouvernementaux. Dans notre rapport de 2000, nous avons publié un indice pour mesurer l'information sur les réalisations communiquée au Parlement. Cet indice indique si les objectifs étaient clairs, s'ils précisaient l'étendue des changements escomptés et le délai d'exécution, s'ils étaient centrés sur les conséquences et s'ils étaient liés de manière plausible au programme gouvernemental visé. Les résultats montrent peu d'amélioration depuis 1996. Les énoncés de rendement sont devenus plus axés sur les conséquences, mais nous notons peu de progrès quant à l'établissement de dates cibles et encore moins quant à l'ampleur des changements prévus.

141. La tendance en ce qui a trait à l'information sur les réalisations, communiquée au Parlement, est tout aussi linéaire. Le tiers environ des ministères se sont améliorés, mais approximativement le quart des ministères se sont moins bien classés en 1999 qu'en 1997. Les ministères ont toujours tendance à faire état de leurs résultats sur une base annuelle, et il est donc difficile de dire si les programmes à long terme produisent des résultats positifs. De plus, il est rare que les ministères se comparent à d'autres fournisseurs de services ou administrations, ou encore qu'ils discutent de l'influence de leurs programmes sur les conséquences souhaitées par les Canadiens. On s'efforce encore de présenter dans les rapports des vignettes de « bonnes nouvelles » de l'année précédente, d'où un manque d'équilibre et, par le fait même, de crédibilité. Nos vérifications révèlent, par exemple, que dans leurs rapports au Parlement, la Défense nationale et l'Agence canadienne de développement international ont surtout cherché à annoncer les bonnes nouvelles, plutôt qu'à dresser un compte rendu complet et équilibré des résultats des programmes.

En raison de notre culture politique, il est plus sûr de communiquer une information médiocre.

 

142. Je crois que les faibles progrès sont attribuables à trois raisons fondamentales :

  • Les fonctionnaires n'ont pas encore complètement accepté la gestion axée sur la mesure des résultats et la communication de leurs réalisations au Parlement.
  • La communication de l'information sur le rendement au Parlement a des conséquences politiques, et on craint que les rapports sur le rendement puissent servir d'outil politique aux ministres ou à l'Opposition.
  • Les gestionnaires ou les ministères dans l'ensemble reçoivent peu d'encouragements au chapitre de la communication de l'information. Une organisation qui n'améliore pas l'information communiquée court vraiment peu de risques. En fait, en raison de notre culture politique, il est plus sûr de communiquer une information médiocre.

143. Au cours des 40 dernières années, la responsabilité des résultats a été acceptée en principe, mais elle a été faiblement assumée en ce qui concerne la mesure du rendement et la communication de l'information sur celui-ci. La réforme de la gestion financière sera pleine d'embûches. Les problèmes ont persisté tout au long des nombreux changements de gouvernement et de la multitude d'objectifs économiques. À la lumière des modestes progrès constatés jusqu'ici, une action plus vigoureuse s'impose. Dans mon rapport de décembre 2000, j'ai vivement insisté pour que des dispositions législatives consolident les progrès faits jusqu'à maintenant et pour que l'on affirme sans équivoque que la communication d'information financière et d'information non financière sur le rendement constitue une exigence fondamentale de la reddition de comptes au Parlement.

144. Si les Canadiens veulent une optimisation de leurs impôts et taxes, ils doivent insister pour que le gouvernement fédéral remplisse à fond le plus rapidement possible son engagement à améliorer ses rapports au Parlement.

Section VI — Environnement et développement durable

Une préoccupation de longue date

145. Lorsque j'ai été nommé vérificateur général du Canada, j'ai cerné les secteurs dans lesquels je voulais faire une différence au cours de mon mandat. Dans mon premier rapport à la Chambre des communes, en 1991, j'ai déclaré :

Nombre des enjeux auxquels fait face le gouvernement - environnement, déficit, relations avec les Premières nations, communication entre les différents paliers de gouvernement, pour n'en nommer que quelques-uns - détermineront non seulement l'avenir immédiat, mais aussi notre legs aux futures générations . . . Je veux faire une différence.

146. Au cours des dix dernières années, le Bureau a de plus en plus appliqué les principes et les procédés de vérification et de comptabilité aux domaines de préoccupation relatifs à l'environnement et au développement durable. Ainsi, j'ai déclaré au Parlement dans ce premier rapport que le ministère fédéral de l'Environnement n'avait pas clarifié avec les provinces quelles étaient les responsabilités de chaque partie en ce qui a trait à l'application de la loi, un champ de compétence partagé. J'ai souligné l'absence de buts particuliers et de dates d'échéance dans les plans de mesures correctives visant à décontaminer les 42 « points névralgiques » dans les Grands Lacs, ce qui ralentissait les progrès dans le traitement du grave problème de pollution par les substances toxiques dans ces lacs. J'ai alors mentionné qu'un programme quinquennal de 250 millions de dollars axé sur la décontamination de sites « orphelins » à risque élevé n'avait donné lieu à la décontamination complète de seulement 11 des 48 sites à risque élevé et qu'il n'existait aucun plan pour traiter les autres sites. J'ai affirmé que les passifs associés aux sites fédéraux contaminés étaient considérables et qu'ils pourraient influer grandement sur la situation financière du gouvernement. Les problèmes relatifs au recensement et à la décontamination des sites fédéraux contaminés ne sont pas encore résolus.

Un mandat élargi

147. Les modifications apportées par le gouvernement à la Loi sur le vérificateur général en 1995 m'ont réjoui, car elles renforçaient la reddition de comptes en matière de gestion de l'environnement et de développement durable. Les modifications créaient le poste de commissaire à l'environnement et au développement durable au sein du Bureau du vérificateur général. Elles prévoyaient aussi que les ministres déposent à la Chambre des communes la stratégie de développement durable de leurs ministères respectifs et qu'ils la mettent à jour tous les trois ans. On a demandé au Bureau du vérificateur général qu'il prenne en compte les incidences environnementales dans ses vérifications et qu'il présente ses principales constatations. L'environnement est le quatrième « E » qui a été intégré à nos travaux, s'ajoutant à l'économie, à l'efficience et à l'efficacité. Enfin, les modifications autorisaient le vérificateur général à recevoir des pétitions sur les questions liées à l'environnement et au développement durable et exigeaient que les ministres y répondent dans un délai de 120 jours.

Le commissaire à l'environnement et au développement durable

148. J'ai nommé le premier commissaire à l'environnement et au développement durable en 1996. Le rôle du commissaire consiste à surveiller les progrès des ministères en matière de développement durable et à faire rapport à ce sujet à la Chambre des communes. Le commissaire a présenté quatre rapports à la Chambre dans lesquels il a fait état de certains succès, de quelques échecs et de travaux en cours. En voici des exemples.

  • Le Canada a respecté ses obligations prévues par le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone et les a même parfois dépassées. Il se compare favorablement à d'autres pays quant à l'influence exercée sur le programme international et à la mise en oeuvre de celui-ci. Le Canada a aussi fait des progrès pour respecter ses engagements nationaux.
  • Bien qu'il préconise fortement la prise de mesures à l'échelle internationale en ce qui concerne le changement climatique et la biodiversité, le Canada n'a pas respecté les engagements qu'il a pris au Sommet de la Terre tenu en 1992 à Rio de Janeiro. Il ne respecte pas non plus ses engagements au chapitre de la prise de mesures nationales en matière de substances toxiques et de qualité de l'air.
  • Les ministères en sont aux stades préliminaires en ce qui touche l'intégration des considérations environnementales et de développement durable à la conduite de leurs activités. Ils ont fait les premiers pas mais doivent intensifier leurs efforts.

149. Les rapports du commissaire ont cerné trois principales faiblesses dans la gestion par le gouvernement fédéral des questions liées à l'environnement et au développement durable : des écarts entre les engagements et les mesures concrètes; un manque de coordination entre les ministères et entre les administrations; des lacunes au niveau de l'examen de la performance environnementale et de l'information communiquée au Parlement.

Il existe des écarts entre les engagements et les mesures concrètes.

 

150. Les Canadiens sont au premier rang pour ce qui est de se pencher sur les questions liées à l'environnement et au développement durable, au pays et à l'échelle internationale. Toutefois, ils n'ont pas entièrement réussi à traduire leurs paroles en mesures concrètes - à finir ce qu'ils ont commencé. La performance du gouvernement fédéral est peu brillante : bon nombre des objectifs énoncés sont loin d'être atteints.

151. Le chapitre sur le smog, dans le Rapport du commissaire de 2000, illustre les écarts. Le gouvernement fédéral et les provinces ont entériné un plan de réduction de l'ozone troposphérique - une composante clé du smog - mais ils ne se sont jamais entendus sur la façon de le mettre en application.

152. Le smog ne constitue pas un cas isolé. Nos vérifications environnementales ont mis en évidence des lacunes semblables quant au suivi d'importantes questions telles que le changement climatique, les substances toxiques et la biodiversité. Même si les gouvernements canadiens ont approuvé, en 1995, un Programme d'action national concernant les changements climatiques, nous avons constaté en 1998 qu'au lieu d'atteindre la réduction promise par rapport aux niveaux de 1990, les émissions des gaz à effet de serre avaient, en fait, augmenté. Nous avons remarqué que peu de ministères fédéraux avaient établi des plans de gestion des substances toxiques et que le gouvernement fédéral n'avait pas élaboré de politique ou de stratégie de réduction des risques associés aux pesticides, alors qu'il s'y était engagé.

Il y a un manque de coordination entre les ministères fédéraux et entre les administrations.

 

153. Certains des problèmes les plus pressants auxquels les gouvernements sont confrontés relèvent du mandat de plusieurs ministères et de la compétence de plusieurs administrations. Il faut une coordination efficace pour relever les défis en matière de développement durable - et ce n'est pas le point fort des gouvernements. En 1990, mon prédécesseur a posé la question suivante au sujet de l'environnement au Canada : « Qui mène la boutique? » Dix ans plus tard, ce n'est toujours pas clair. Aucun ministère fédéral n'a été désigné pour mener l'écologisation des opérations gouvernementales, et notamment diriger les stratégies de développement durable. En 1999, nous avons constaté que les ministères fédéraux étaient profondément divisés quant à la manière de gérer les substances toxiques; le comportement de certains ministères constituait, en réalité, un obstacle de taille à l'efficacité des programmes fédéraux. Au pays, le gouvernement fédéral et les provinces ont conclu des ententes de coopération dans le domaine de l'environnement, mais celles-ci ne précisent pas les exigences en matière d'évaluation afin de déterminer si ces ententes étaient complètement mises en oeuvre et si elles donnaient les résultats attendus.

Le Parlement ne reçoit pas une information adéquate.

 

154. Il faut avoir une bonne information pour prendre de bonnes décisions : fixer des priorités, élaborer des politiques et des programmes, gérer des activités, évaluer les progrès et rendre compte des réalisations. La base de données sur l'environnement dont nous disposons actuellement n'est pas à la hauteur. Le gouvernement fédéral a beau être la plus grande entreprise du pays, il ne dispose que d'informations élémentaires concernant ses vastes activités et leurs conséquences sur l'environnement. Le gouvernement ne connaît pas ses propres répercussions environnementales ni les coûts environnementaux associés à ses activités.

Stratégies de développement durable

155. Le gouvernement fédéral a énormément d'influence sur les perspectives de l'environnement et du développement durable au Canada. Il partage avec les provinces la responsabilité de l'établissement du cadre juridique qui influe sur la façon dont nous utilisons l'environnement; de plus, il fournit une gamme de services et de programmes qui contribuent au bien-être des Canadiens sur les plans social, économique et environnemental.

156. Les stratégies de développement durable des ministères constituent un nouvel outil d'écologisation du gouvernement fédéral. Elles avaient pour objectif d'aider chaque ministère à élargir sa façon de voir ses activités et la manière de les exercer - à prendre en compte de manière plus systématique les considérations environnementales, économiques et sociales dans ses politiques, programmes et activités, ou à passer de la parole aux actes.

157. En 1997, 28 ministères et organismes ont préparé une stratégie pour dépôt à la Chambre des communes; 24 d'entre eux étaient tenus de le faire en vertu de la loi et quatre autres, dont le Bureau du vérificateur général, ont préparé volontairement une stratégie. Mais les progrès sont lents. En octobre 1999, soit près de deux ans après le dépôt de leur première stratégie, les ministères indiquent dans leurs rapports qu'ils n'ont tenu que 20 p. 100 de leurs engagements.

158. Les ministères doivent améliorer leur capacité d'exécuter leur stratégie de développement durable. Une approche consisterait à avoir un système de gestion obligeant l'organisation à définir ses buts, à élaborer des plans et des cibles, à utiliser son système de gestion de l'environnement dans ses activités quotidiennes, à surveiller sa propre performance et à réaliser des examens périodiques pour améliorer sa gestion. En 1999, nous avons mentionné que dans un échantillon de ministères, le tiers environ des pratiques suivaient la norme ISO 14001 sur les systèmes de gestion de l'environnement. En 2000, cette proportion était passée à la moitié.

159. Les ministères sont tenus de mettre à jour leur stratégie de développement durable tous les trois ans; la première mise à jour devait être déposée en décembre 2000. Dans son rapport de cette année, le commissaire à l'environnement et au développement durable fera des commentaires sur les nouvelles stratégies.

Intégrer les considérations environnementales aux travaux du Bureau

160. Selon sa propre stratégie, le Bureau veut intégrer la sensibilisation à l'environnement et au développement durable dans ses travaux et sa façon de les conduire. Notre stratégie de développement durable compte trois volets principaux. Le plus important est de loin la prise en compte des considérations environnementales et de développement durable lorsque nous déterminons l'étendue de tous nos travaux de vérification. Nous sommes aussi déterminés à réduire l'incidence environnementale de nos activités quotidiennes et à donner à nos employés les outils nécessaires à l'écologisation de nos travaux de vérification et de nos activités. Étant donné que nous sommes un petit organisme, ces deux derniers buts auront moins d'incidence que notre but premier, mais nous continuons à les considérer comme importants.

161. Nous faisons des progrès dans ces trois secteurs. Notre deuxième stratégie définit nos priorités pour les trois prochaines années.

Donner suite aux préoccupations des Canadiens

162. Les modifications apportées à la Loi sur le vérificateur général ont établi un processus de pétition, un moyen que les Canadiens peuvent utiliser pour faire part de leurs préoccupations au sujet de questions particulières dans le domaine de l'environnement et du développement durable relevant de la compétence fédérale et obtenir une réponse à ces préoccupations. Suivant ce processus, un résidant canadien envoie une pétition au vérificateur général, qui l'achemine au ministre fédéral responsable. Le ministre doit y répondre dans un délai de 120 jours.

163. En novembre 2000, 27 pétitions avaient été reçues et envoyées aux ministres responsables. Un grand nombre de ces pétitions concernaient l'évaluation environnementale, dont la responsabilité incombait au ministre des Pêches et des Océans. À mon avis, les citoyens ont sous-utilisé ce moyen de tenir le gouvernement responsable. Les citoyens ont toujours pu écrire directement aux ministres, mais le processus de pétition assure une réponse rapide. En outre, le commissaire inclut des sommaires des pétitions et des réponses dans chaque rapport annuel qu'il soumet au Parlement, ajoutant ainsi de la transparence au processus. Le commissaire étudie maintenant les mesures à prendre pour que les citoyens puissent maximiser les avantages de cette modification de la Loi.

Un parcours inachevé

164. Notre avenir à tous, le rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement de 1987, décrivait le développement durable comme un parcours plutôt que comme une destination. Si cela est exact - comme je le crois - c'est l'image d'un parcours inachevé qui illustre le mieux l'état d'avancement de l'écologisation du gouvernement du Canada.

165. Des progrès ont été accomplis, mais il reste d'importants défis à relever. Ainsi, le gouvernement doit mieux gérer les nouveaux produits chimiques toxiques, le smog urbain et la contamination des eaux souterraines. Comparativement à d'autres pays, notre consommation d'énergie et d'autres ressources naturelles par habitant est très élevée. Le Canada demeure également un important pollueur et producteur de déchets.

166. En dépit des efforts considérables que déploient les ministères pour faire progresser le dossier de l'environnement et du développement durable, nous devons reconnaître que les progrès sont lents et encore difficiles à mesurer. Nous devons presser le pas et avancer rapidement sur la voie du développement durable. En particulier, le gouvernement doit finalement décider « qui mène la boutique ». Il pourra ensuite combler plus rapidement les écarts entre les engagements et les mesures concrètes, que nous avons signalés dans nos vérifications. Je suis convaincu qu'une meilleure reddition de comptes et une meilleure performance vont de pair. Et je crois fermement que les modifications apportées à la Loi sur le vérificateur général feront une différence, pour nous et pour nos enfants.

Section VII — La prestation de services à la population canadienne

Cinq exemples de prestation de services aux Canadiens

167. Une grande partie du présent rapport traite de la gestion interne de l'appareil du gouvernement fédéral : fonction publique, gestion des finances et du rendement et structure gouvernementale. Au cours des dix dernières années, mon bureau a fait beaucoup d'efforts pour comprendre les points forts et les faiblesses des rouages du gouvernement fédéral. Or, cette question présente aussi un intérêt immédiat pour le Parlement et les Canadiens, qui veulent savoir si le gouvernement est efficace dans la prestation des services dont ils ont besoin. Le plus gros de notre travail de vérification a porté sur l'exécution des programmes et la communication de leurs résultats au Parlement.

168. Dans un rapport comme celui-ci, je ne peux pas résumer l'évolution de la prestation de services à l'échelle de l'administration fédérale. Je peux cependant donner plusieurs exemples qui sont représentatifs, à mon avis, de l'ensemble et importants en soi. Développement des ressources humaines Canada, ministère qui administre de vastes programmes sociaux; l'Agence canadienne des douanes et du revenu (anciennement Revenu Canada), qui perçoit la plus grande partie des recettes gouvernementales; Pêches et Océans, qui joue un rôle clé dans le domaine des ressources et de l'environnement; le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ministère unique en son genre qui s'acquitte de responsabilités cruciales sur les plans social et économique; enfin, le ministère de la Défense nationale, la plus vaste agence de sécurité fédérale, offrent de tels exemples.

169. L'histoire de ces cinq ministères illustre certains des principaux problèmes auxquels le gouvernement fédéral s'est buté au cours des dix dernières années. Elle montre à quel point il peut être coûteux de reporter des choix difficiles. Il est assurément difficile de prendre des décisions qui font des gagnants et des perdants ou qui entraînent une réduction du niveau de service, mais en s'y soustrayant, on ne fait qu'accroître la difficulté. Trois des ministères mentionnés illustrent cette situation : Affaires indiennes et du Nord canadien, qui n'a pas donné suite aux conclusions de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996); Pêches et Océans, qui n'a toujours pas de stratégie globale pour la gestion des pêches durables; Défense nationale, dont le budget ne suffit plus à maintenir des forces armées de la taille désirée par le gouvernement.

170. Trois des ministères - Développement des ressources humaines Canada, Pêches et Océans et Défense nationale - ont été durement touchés par les compressions budgétaires et la restructuration. Leurs difficultés de rendement sont attribuables en partie à l'obligation qu'ils ont eue de se restructurer tout en continuant à offrir leurs services.

171. Enfin, ces ministères se heurtent à beaucoup des problèmes propres à toute l'administration gouvernementale, que j'ai exposés en détail dans d'autres parties du présent rapport : faibles structures de contrôle, difficulté à faire la transition vers la gestion axée sur les résultats et pénurie de personnel très qualifié. Ensemble, ces cas donnent aux lecteurs un bon aperçu de l'état de la gestion des programmes au sein de l'administration fédérale.

Développement des ressources humaines Canada
Un ministère vaste, complexe et relativement nouveau

172. En 1993, un même ministre est devenu responsable de tous les programmes fédéraux de soutien du revenu, d'emploi et de développement des ressources humaines, ainsi que de l'intervention fédérale dans les dossiers du marché du travail et des conditions de travail. Le gouvernement a créé un nouveau ministère, Développement des ressources humaines Canada (DRHC), en regroupant des composantes de plusieurs anciens ministères :

  • les programmes d'assurance-chômage et du marché du travail de l'ancien ministère de l'Emploi et de l'Immigration;
  • tous les programmes et services de l'ancien ministère du Travail;
  • les programmes de développement social et de sécurité du revenu et les programmes à frais partagés de l'ancien ministère de la Santé nationale et du Bien-être social;
  • les programmes de développement social, de prêts aux étudiants et de paiements de transfert au titre de l'enseignement postsecondaire de l'ancien Secrétariat d'État.

173. Le ministère qui a vu le jour est diversifié et complexe. C'est en vertu d'une approche stratégique intégrée qu'il canalise les investissements du Canada dans les ressources humaines et offre des programmes et des services. Chaque année, le Ministère fournit des services à près de 9 millions de Canadiens dans toutes les régions du pays et verse plus de 50 milliards de dollars en prestations diverses. Ses activités sont fortement décentralisées, comme en témoigne le fait que 80 p. 100 de ses 21 000 employés travaillent dans des bureaux locaux et régionaux.

Le changement et les défis sont des constantes

174. Dès sa création, DRHC a dû établir de nouvelles structures organisationnelles et de nouveaux moyens d'offrir ses services. Depuis, il a connu plusieurs changements dans son mode de gestion et d'importantes transformations de ses activités et de ses grands programmes.

175. En avril 1994, DRHC est devenu responsable du volet adaptation de la main-d'oeuvre de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. En juillet 1996, il a mis en application la nouvelle Loi sur l'assurance-emploi. En même temps, il a instauré le Fonds transitoire pour la création d'emplois pour venir en aide, sur une période de trois ans, aux régions du pays les plus gravement touchées par la réforme de l'assurance-chômage.

DRHC est un nouveau ministère vaste et complexe qui a dû composer avec des changements continuels et d'importantes compressions.

 

176. En 1996, certaines responsabilités du Ministère ainsi que les employés qui les exerçaient ont commencé à être transférés aux gouvernements provinciaux en vertu des ententes sur le développement du marché du travail. En 1997, DRHC s'est attaqué aux vastes changements du Régime de pensions du Canada qui devaient entrer en vigueur en janvier 1998. À l'approche de la fin de la décennie, le Ministère a investi beaucoup de ressources et d'énergie dans la préparation à l'an 2000 des systèmes essentiels à sa mission.

Le Cabinet a fait d'importantes compressions budgétaires

177. Comme le gouvernement s'attendait à effectuer une réforme globale de la sécurité sociale, la plupart des activités de DRHC avaient été exclues de l'Examen des programmes au départ. Toutefois, la détérioration de la situation financière au pays a obligé le gouvernement à changer ses plans et le Cabinet a décidé d'imposer d'importantes compressions à DRHC.

178. Dans son budget de février 1995, le gouvernement a annoncé que DRHC réduirait ses dépenses de 600 millions de dollars en 1995-1996, et de 1,1 milliard de dollars pour chacune des deux années suivantes. Afin de réaliser ces économies, le Ministère a dû réduire de 5 000 employés son effectif à plein temps. De plus, il n'a eu que quatre mois pour décider des moyens de rationaliser et de restructurer son organisation pour atteindre cet objectif.

179. La réduction des effectifs consécutive à l'Examen des programmes et le transfert de programmes et de services aux provinces et à des organisations de l'extérieur ont entraîné des pertes aux chapitres de la mémoire institutionnelle, de l'expérience et des capacités dans l'ensemble du Ministère, et particulièrement aux points de service.

Un nouveau réseau de prestation de services

180. La rationalisation de DRHC reposait surtout sur un remaniement complet de la structure locale de prestation de services, de façon que les programmes et les services puissent être fournis avec moins de ressources. Le nouveau réseau de prestation de services a été instauré en 1995. Le Ministère a regroupé ses services dans 100 centres de ressources humaines du Canada (CRHC), qui procurent tout l'éventail des services, y compris les fonctions d'administration et de soutien. Par ailleurs, 220 bureaux satellites assurent les services de base. Environ 150 bureaux locaux ont fermé leurs portes lorsque le nouveau réseau est devenu opérationnel.

181. Dans le cadre de ce nouveau réseau, le Ministère a développé de nouvelles façons d'offrir des services qui incluent des partenariats avec d'autres ordres de gouvernement et avec des organisations non gouvernementales, des services téléphoniques améliorés et le libre-service à la clientèle au moyen d'installations informatisées et d'Internet. Actuellement, on trouve dans les locaux des CRHC et de leurs partenaires des terminaux d'ordinateur, situés dans plus de 5 000 kiosques, qui donnent accès à de nombreux services.

182. Dans notre rapport d'avril 2000 sur la qualité du service au niveau local, nous avons conclu que DRHC avait fait des progrès considérables. Il a rendu les services plus accessibles aux Canadiens, énoncé des engagements nationaux à l'égard de la clientèle et amélioré les compétences des employés en matière de service. Nous avons toutefois signalé que DRHC n'avait pas adopté de mesures du rendement pour tous ses engagements nationaux touchant les services et que l'information qu'il communiquait au Parlement à l'égard du rendement de ses services présentait des lacunes. Nous avons aussi constaté que le paiement des prestations d'assurance-emploi se faisait plus rapidement qu'en 1995, mais que la proportion de paiements erronés avait beaucoup augmenté au cours de la même période.

183. Dans une autre vérification de la qualité du service pour l'ensemble de l'administration gouvernementale, dont les résultats ont aussi été publiés en avril 2000, nous avons constaté que les services téléphoniques offerts par DRHC à sa clientèle s'étaient grandement améliorés entre 1995-1996 et 1998-1999. Les centres d'appel pour les programmes de la sécurité du revenu et le régime d'assurance-emploi répondaient à une plus grande proportion des appels reçus et le faisaient plus rapidement.

Transition vers la gestion axée sur les résultats

184. En 1996, DRHC a amorcé un virage vers la gestion axée sur les résultats, en déplaçant vers les résultats l'accent traditionnellement mis sur les processus. Concrètement, cela signifiait moins de lourdeurs administratives, l'assouplissement des règles, l'habilitation des employés des points de service et une plus grande délégation des pouvoirs. L'objectif était d'accroître l'efficience, de fournir un meilleur service à la clientèle et d'améliorer la reddition de comptes à l'égard des résultats obtenus.

185. Nous avons signalé en octobre 1997 que le Ministère avait lancé plusieurs initiatives touchant la gestion axée sur les résultats et qu'il avait réalisé des progrès. Nous avons cependant constaté qu'il devait faire plus d'efforts pour mesurer et analyser son rendement et pour rendre compte des résultats au Parlement. Dans notre suivi de cette vérification effectué en 2000, nous avons relevé d'autres progrès, mais indiqué que la mesure du rendement et la communication des résultats avaient encore besoin d'être améliorées.

Des faiblesses dans les contrôles de base

186. Face à l'évolution rapide de ses programmes, de ses opérations et de ses responsabilités, le Ministère a, depuis sa création, investi beaucoup d'efforts dans la mise sur pied et le maintien d'une organisation cohérente, notamment de structures de gestion et de systèmes d'information appropriés. Le contexte des années 1990 l'encourageait à mettre l'accent sur l'efficience et le service plutôt que sur les cadres de responsabilité et les contrôles de base.

187. Depuis 1993, nos rapports sur DRHC ont traité d'un large éventail de ses programmes et de ses activités :

  • Régime de pensions du Canada - Invalidité (1996);
  • Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique (1997 et 1999);
  • Vers une gestion axée sur les résultats (1997);
  • Gestion du numéro d'assurance sociale (1998);
  • Reddition de comptes pour les programmes sociaux conjoints (1999);
  • Qualité du service au niveau local (2000).

Nos vérifications et études (et nos travaux de suivi) ont montré que DRHC a fait des progrès à de nombreux égards. Il reste toutefois des lacunes dans les contrôles de base et de sérieuses faiblesses dans les cadres de responsabilité, y compris l'insuffisance de l'information clé nécessaire à la gestion efficace et efficiente des programmes et des services et à la reddition de comptes à l'égard de leurs résultats.

DRHC a mis l'accent sur le service plutôt que sur les contrôles de base.

 

188. À titre d'exemple, nous avons signalé en 1996 la nécessité, pour DRHC, d'avoir de meilleures pratiques de gestion et une information plus complète pour déterminer l'admissibilité aux prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Nous avons indiqué que le Ministère ne recueillait pas de données sur le rendement à des fins de gestion et de reddition de comptes et qu'il ne les analysait pas; notre suivi de 1999 montrait des améliorations limitées. Autre exemple, les faiblesses que nous avons relevées en 1998 dans les contrôles de base exercés sur la gestion des numéros d'assurance sociale, notamment des procédures insuffisantes pour prévenir les fraudes et les abus. Nous avons constaté dans notre suivi de 2000 que, pour améliorer la gestion des numéros d'assurance sociale, le Ministère avait pris différentes mesures, telles que l'élaboration d'un plan d'action pour prévenir et détecter les fraudes et les abus, l'accroissement du nombre d'enquêtes et des travaux visant à définir des indicateurs de rendement appropriés.

Des lacunes sérieuses et généralisées dans la gestion des subventions et des contributions

189. En janvier 2000, DRHC a publié les résultats d'une vérification interne, qui faisaient ressortir des problèmes majeurs dans son mode de gestion des programmes de subventions et de contributions. Les constatations de notre propre vérification de ces programmes, menée en octobre 2000, ont confirmé celles de la vérification interne et sont allées plus loin. Nous avons constaté des lacunes sérieuses et généralisées dans le processus de sélection et d'approbation des projets et dans la gestion et le contrôle financiers des projets. Il y avait aussi des faiblesses dans les caractéristiques des programmes de subventions et de contributions et dans les moyens utilisés pour mesurer les résultats et en rendre compte. Les deux rapports de vérification ont révélé à quel point les systèmes internes de contrôle et de reddition de comptes faisaient défaut, ce qui compromettait l'utilisation judicieuse des deniers publics.

190. Pour faire suite au rapport de vérification interne, DRHC a élaboré un plan d'action en six points visant à régler les problèmes découverts et à renforcer la gestion des subventions et des contributions. Nous avons constaté que le Ministère avait fait des progrès appréciables dans la mise en oeuvre de ce plan d'action et des mesures complémentaires. En outre, nous avons conclu que les mesures correctives prises et prévues par le Ministère combleraient les lacunes relevées concernant les caractéristiques et la gestion des programmes de subventions et de contributions.

191. La direction actuelle du Ministère se montre résolue à prendre les mesures nécessaires. Il reste que les lacunes ne seront pas comblées du jour au lendemain. La direction devra poursuivre ses efforts afin de concrétiser les initiatives prévues et les vastes changements systémiques requis pour réaliser un juste équilibre entre l'efficience, le service et une bonne gestion financière.

Un défi qui consiste à établir un juste équilibre entre le service et le contrôle

192. Comme je l'ai mentionné, le contexte de la plus grande partie des années 1990 encourageait le Ministère à mettre l'accent sur le service plutôt que sur le contrôle et la reddition de comptes. Ce n'est qu'à la fin de la décennie qu'il a commencé à faire converger ses efforts sur les contrôles internes et la gestion du risque, dans le cadre des travaux pangouvernementaux visant à moderniser la fonction de contrôleur. Ces efforts se poursuivent, leur caractère urgent ayant été accentué par les préoccupations récentes au sujet des programmes de subventions et de contributions.

193. Au cours de la dernière année, le Ministère s'est montré résolu à prendre les mesures correctives qui s'imposent dans la gestion des subventions et des contributions, et il poursuit sur sa lancée. Le défi, pour lui, sera de continuer à progresser, d'élargir son champ d'action afin de renforcer les contrôles de base et la reddition de comptes dans tous les aspects de son mandat. Il doit le faire sans perdre de vue la nécessité d'offrir des services d'excellente qualité et d'obtenir les résultats souhaités.

Recettes
Préserver l'assiette fiscale est l'une des plus importantes fonctions du gouvernement

194. Quand je suis devenu vérificateur général, j'ai adopté comme objectif prioritaire de vérifier davantage le régime fiscal du Canada. Un gouvernement ne peut pas offrir des services à ses citoyens s'il n'a pas les fonds voulus. Et pour se procurer les fonds, il doit percevoir les impôts et taxes d'une façon qui soit efficiente, équitable et acceptable pour la grande majorité des contribuables.

195. Pour être efficace, un régime fiscal doit combiner méthodes de perception efficientes et équitables et confiance en un comportement intègre de toutes les personnes concernées. Les États dont les citoyens ne croient pas que les fonds recueillis au moyen des impôts et taxes servent uniquement à financer des services légitimes et que tous les contribuables paient leur juste part seront de plus en plus confrontés à des problèmes de non-conformité au régime fiscal et ils pourront même éprouver de la difficulté à percevoir des recettes suffisantes pour fonctionner. Le Canada est loin de courir ce danger, mais nous croyons que même de légères fissures dans les fondements de notre fiscalité ne devraient pas être tolérées.

Le but visé est le respect de la loi

196. En 1999-2000, le gouvernement fédéral a perçu plus de 165 milliards de dollars en impôts et taxes fédéraux pour financer les services qu'il offre aux Canadiens, et il a perçu 73 milliards de dollars supplémentaires pour le compte de gouvernements provinciaux et d'autres organismes. La perception des impôts et taxes au Canada est fondée sur un régime d'autocotisation, si bien qu'un non-respect appréciable de la législation fiscale compromettrait l'assiette même du régime. Le gouvernement s'attend à ce que les Canadiens déclarent franchement leurs revenus et paient tous leurs impôts et taxes, et pour leur part les Canadiens ont le droit de s'attendre à ce que l'État repère les contribuables ne payant pas leur juste part et qu'il prenne des mesures en conséquence.

L'aide aux contribuables et le traitement des déclarations fiscales sont en général solides, mais l'exécution doit être améliorée.

 

197. Sensibiliser les contribuables à leurs obligations fiscales et traiter rapidement et sans erreur les déclarations de ces derniers sont deux fonctions auxquelles l'Agence des douanes et du revenu du Canada (auparavant Revenu Canada) attache une grande importance. L'habileté avec laquelle l'Agence s'acquitte de ces deux fonctions s'est beaucoup améliorée au fil des années.

198. Nous avons été moins satisfaits des efforts déployés par l'Agence pour faire observer la loi. Notre rapport de 1994 sur les mesures d'exécution visant la TPS, celui de 1996 sur le Programme de l'évitement fiscal et sur le Programme de vérification des grandes sociétés, ainsi que celui de 1999 sur l'Initiative visant l'économie clandestine, mentionnaient tous des lacunes dans l'exécution. L'Agence a pris des mesures pour y remédier, mais elle ne peut toujours pas montrer que ses activités d'exécution accroissent réellement le respect de la loi, alors qu'il s'agit du principal objectif visé pour ces activités.

Le gouvernement doit améliorer sa manière de résoudre les différends fiscaux

199. Un processus efficace de règlement des différends constitue un élément essentiel de tout régime fiscal efficace. La loi prévoit un processus d'appel pour les contribuables croyant que le fisc ne les a pas traités équitablement. Nous nous inquiétons de la capacité de l'Agence d'apporter une solution juste et rapide aux différends ainsi soulevés.

200. Par exemple, dans un rapport de 1993, nous mentionnions que Revenu Canada et le ministère de la Justice n'avaient pas géré de façon appropriée les risques de litige engendrés par la disposition régissant la déduction relative à des ressources. Il s'agissait d'une déduction aux fins de l'impôt accordée aux entreprises du secteur pétrolier et gazier et de l'exploitation minière (en remplacement de la déduction des redevances à la Couronne). La Couronne a été obligée de rembourser plus d'un milliard de dollars en impôts et en intérêts depuis 1994 parce que la disposition concernée n'exprimait pas clairement l'intention du législateur. Nous avons vérifié en 1998 l'administration interministérielle du régime d'impôt sur le revenu et avons constaté que la gestion des risques liés aux litiges fiscaux s'était améliorée.

Un manque de clarté dans les dispositions fiscales peut entraîner des procès longs et coûteux et une perte de recettes.

 

201. Le traitement des demandes de crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental a fait l'objet d'une vérification dont nous avons présenté le rapport en 2000. Nous avons trouvé des demandes non résolues remontant jusqu'à 1985, qui représentaient des centaines de millions de dollars. Ces demandes n'avaient pu être résolues parce qu'on ne savait pas au juste si des projets précis étaient admissibles aux fins du crédit d'impôt. Je crois que le règlement de ces demandes contestées de crédit d'impôt prend trop de temps.

L'Agence des douanes et du revenu a des lacunes dans ses capacités

202. Au cours des dix dernières années, nous avons plusieurs fois remarqué que la capacité de l'Agence de réaliser ses programmes de façon équitable et uniforme, dans les délais voulus, était en danger. En 1996, notre examen des vérifications des grandes sociétés effectuées par l'Agence et, en 1998, notre vérification de la Direction de l'impôt international ont tous les deux mis en évidence le fait que des problèmes dans la dotation de postes avaient réduit la capacité de l'Agence de jouer son rôle dans ce domaine complexe. Notre travail portant sur la gestion financière pratiquée au sein de ce qui était alors le ministère du Revenu national a montré l'existence de problèmes importants concernant la fiabilité de l'information utilisée pour surveiller et analyser les statistiques, les tendances et le rendement des programmes. La nouvelle Agence a plus de latitude en matière de gestion et elle devrait en tirer parti pour tenter de résoudre ces problèmes.

Garder justes et équitables les dispositions fiscales

203. La Loi de l'impôt sur le revenu est une loi complexe. Elle doit faire l'objet d'une surveillance constante de la part de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et du ministère des Finances, pour éviter que des contribuables bien déterminés à la contourner ne parviennent à leurs fins et pour qu'elle continue de s'appliquer à tous de façon juste et équitable. Dans nos vérifications du régime fiscal, nous cherchons à déceler des manques éventuels d'équité. Ainsi, dans notre rapport de 1992, nous signalions que le ministère des Finances n'avait pas achevé en temps voulu sa révision des règles concernant l'imposition des revenus de source étrangère et des bénéfices des sociétés étrangères affiliées de contribuables canadiens. Ce retard peut en attendant avoir entraîné des avantages indus pour certains contribuables. Le ministère des Finances a contesté nos constatations lors de la présentation du Rapport et lors de séances ultérieures d'un comité du Parlement, mais j'ai néanmoins été heureux de remarquer que les changements apportés aux règles en 1995 visaient à remédier à bon nombre des situations que nous considérions comme inquiétantes.

Nos vérifications du régime fiscal ont mis en évidence des manques d'équité, mais le gouvernement a pris des mesures pour les corriger.

 

204. Voici un autre exemple. En 1996, nous avons exprimé de graves inquiétudes au sujet de l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, tout spécialement au sujet de biens d'une valeur de deux milliards de dollars détenus dans des fiducies familiales, biens qui avaient quitté le Canada. Là encore, le gouvernement n'a pas reconnu le bien-fondé de nos conclusions, mais il a ultérieurement révisé la politique connexe et a proposé l'apport d'importantes modifications à la façon de traiter les contribuables qui deviennent des non-résidents. Malheureusement, ces modifications proposées en 1996 sont restées à l'état de version préliminaire.

Gestion et comptabilisation des dépenses fiscales

205. Des dépenses fiscales (recettes fiscales auxquelles l'État renonce) atteignant plusieurs milliards de dollars par année réduisent l'impôt à payer par les contribuables, du fait que certains revenus peuvent être exclus ou déduits ou que le contribuable peut obtenir un crédit ou un report d'impôt. Les dépenses fiscales servent différents buts sociaux et économiques pour lesquels l'État ferait autrement des dépenses directes. À notre avis, les dépenses fiscales demandent d'être gérées et comptabilisées de manière aussi adéquate que les dépenses directes, car un dollar de recettes auquel on renonce a la même importance qu'un dollar dépensé.

206. Durant les années 1980, nous étions préoccupés par le fait que le ministère des Finances ne gérait pas les programmes de dépenses fiscales avec une rigueur suffisante. Nous nous attendions à ce que les objectifs et les résultats attendus de ces programmes soient clairement énoncés, à ce que leur rendement fasse l'objet de contrôles périodiques et à ce que leurs résultats réels soient évalués. Nous nous attendions aussi à ce que l'information sur les dépenses fiscales soit significative, complète et fournie au Parlement en temps opportun.

207. Nos vérifications de 1994 sur les encouragements fiscaux à la recherche et au développement et sur l'aide fiscale à l'épargne-retraite ont révélé peu d'amélioration dans la gestion des dépenses fiscales. Notre rapport de 1996 sur la prestation fiscale pour enfants et sur le crédit pour TPS ne signalait non plus aucune amélioration notable à ce chapitre. Par contre, nous avons constaté en 2000 que la gestion des encouragements fiscaux à la recherche et au développement s'était quelque peu améliorée depuis 1994. De plus, le rapport annuel présenté au Parlement sur les dépenses fiscales contient maintenant plus de renseignements sur les programmes de dépenses fiscales, notamment sur leurs objectifs. De surcroît, des évaluations de ces programmes sont publiées. Nous encourageons le ministère des Finances à continuer sur cette voie.

Les défis subsistent

208. L'Agence des douanes et du revenu du Canada a eu de nombreux défis à relever au cours des années 1990. Elle s'est montrée capable de faire preuve de souplesse et d'innovation et d'agir promptement lorsque le gouvernement souhaitait apporter d'importants changements de programme. Elle aura besoin de cette capacité au cours des dix prochaines années, étant donné que les activités de l'Agence continuent d'évoluer rapidement et que les pressions exercées sur l'assiette fiscale augmentent.

209. Les activités internationales des contribuables canadiens, particulièrement le recours aux paradis fiscaux, constituent l'une des plus graves menaces à l'assiette fiscale. Ce problème n'est pas propre au Canada; beaucoup de nations sont à la recherche de solutions, séparément et de concert avec d'autres. L'Agence des douanes et du revenu du Canada a mis sur pied une direction distincte chargée d'écarter cette menace. C'est un pas dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup à faire.

210. L'économie clandestine représente une autre menace sérieuse. En 1999, nous avons estimé qu'elle entraînait, pour le gouvernement fédéral et les provinces, des pertes de recettes fiscales atteignant 12 milliards de dollars par année. La participation à l'économie clandestine n'est pas un crime sans victime, car sur le plan de la concurrence elle défavorise les entreprises honnêtes et, dans certains cas, elle accule celles-ci à la faillite. De plus, elle oblige les contribuables honnêtes à porter la part du fardeau fiscal à laquelle les fraudeurs se soustraient. Non réprimée, l'économie clandestine risquerait de miner la confiance des Canadiens en l'équité du régime fiscal. La lutte contre l'économie clandestine se poursuit, mais le problème nécessitera des efforts soutenus de la part de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, du Parlement et de tous les Canadiens.

Les activités des contribuables à l'étranger et l'économie clandestine constituent de sérieuses menaces à l'équité future du régime fiscal du Canada.

 

211. La réussite de notre régime fiscal dépend de la confiance et de collaboration des contribuables. Pour avoir confiance, les Canadiens doivent croire que le régime est équitable, que l'argent de leurs impôts et taxes sert des fins valables et que leurs dirigeants sont honnêtes. Le Parlement a un rôle clé à jouer dans le maintien de cette opinion et il peut ainsi contribuer à préserver un bien national essentiel, l'assiette fiscale. Le Parlement doit veiller à ce que la législation fiscale soit équitable et à ce que la politique fiscale soit conforme tant à la situation financière du pays qu'aux objectifs du gouvernement. Pour jouer son rôle de surveillance, le Parlement a besoin de connaître le degré d'efficacité des programmes de recouvrement et d'exécution. Il a également besoin de connaître les répercussions des dépenses fiscales, c'est-à-dire le montant du manque à gagner en recettes fiscales et les objectifs visés. Au cours des dix dernières années, le Parlement et le gouvernement ont réagi favorablement à un grand nombre de nos constatations de vérification et ils ont déployé des efforts pour améliorer le régime fiscal et le rendre plus équitable pour tous les contribuables. Cependant, il y a encore des défis de taille à relever. L'Agence qui a été créée récemment est investie de pouvoirs qui lui permettent de faire les choses mieux et plus vite. Je pense que les députés devraient exiger que l'Agence fasse exactement cela.

Pêches et Océans

212. Pêches et Océans est un ministère très décentralisé, dont 90 p. 100 de l'effectif est déployé dans six régions d'un bout à l'autre du pays. Ses dépenses nettes sont passées de 700 millions de dollars à 1,3 milliard de dollars au cours des années 1990, hausse surtout attribuable à la fusion avec la Garde côtière canadienne en 1995 et à une augmentation des subventions et des contributions pour répondre aux crises survenues dans le secteur des pêches. Nos travaux de vérification durant la dernière décennie ont été axés sur la gestion des pêches par le Ministère. Nous avons constaté que bon nombre des problèmes ne datent pas d'aujourd'hui : nous en avions déjà saisi le Parlement au cours des années 1970 et 1980.

Les responsables de la gestion des pêches ont fait face à d'énormes défis au cours des années 1990

213. Les responsables des fonctions scientifiques, de gestion des ressources, d'élaboration des politiques et d'exécution de la réglementation ont éprouvé beaucoup de difficultés à gérer les pêches et à intervenir au moment de l'effondrement des principales pêches sur les deux côtes. Ces défis ont persisté lors de l'apparition de nouvelles pêches, comme celle des mollusques sauvages, et de l'exploitation du saumon d'élevage. Le principal enjeu du Ministère, au cours des années 1990, consistait à octroyer aux groupes concurrents - les pêcheurs commerciaux, les pêcheurs autochtones, les aquaculteurs et les pêcheurs sportifs - un droit équitable à l'accès aux pêches et à une part des récoltes au fur et à mesure des changements survenant dans les ressources.

214. En 1992, le Ministre a imposé un moratoire sur la pêche des stocks de morue du Nord au large de la côte Est. En 1994, on a assisté à l'effondrement de la plupart des autres stocks de poissons de fond de l'Atlantique et, en 1995, on a constaté une baisse spectaculaire dans le secteur de la pêche commerciale du saumon du Pacifique. Ces événements ont eu d'importantes conséquences économiques et sociales pour les pêcheurs, les travailleurs d'usine et leurs collectivités. Auparavant, le Ministère éprouvait déjà des difficultés à gérer ces pêches. Il n'avait à sa disposition que des données scientifiques limitées, il avait des problèmes à octroyer des droits équitables aux différents groupes pour leur permettre de pêcher, et il éprouvait des difficultés à contrôler la conformité aux règlements et à faire appliquer ces derniers. Les problèmes se sont multipliés lors de l'apparition de nouvelles pêches et de nouveaux participants comme les Premières nations. L'utilisation de bateaux et d'engins plus efficaces et plus coûteux, qui permettait d'accroître la capacité de pêche, et un changement aux exigences en matière de transformation du poisson ont encore empiré la situation. Simultanément, la gestion des stocks de poissons est devenue plus complexe, les tribunaux reconnaissant des droits de pêche aux Autochtones dans les décisions Marshall et Sparrow.

L'effondrement des stocks de poissons et la concurrence que se livrent les pêcheurs pour avoir accès à de nouvelles ressources ont posé un énorme défi.

 

215. La collecte de données sur les ressources halieutiques constitue un défi, même dans un contexte stable. L'évolution rapide des ressources halieutiques du Canada qui a caractérisé les années 1990 a amplifié ce défi. Vers la fin de cette période, la valeur de bon nombre de pêches était remontée à des niveaux presque sans précédent. Les mollusques et crustacés dans la région de l'Atlantique, tout en étant abondants, exigent beaucoup moins de transformation que le poisson de fond; nombre de collectivités qui étaient tributaires de la transformation du poisson de fond ont dès lors continué à avoir des problèmes persistants sur le plan social et économique.

216. À la fin des années 1990, le Ministère a dû continuer à relever de grands défis en ce qui concerne les trois volets de la durabilité, à savoir les aspects biologique, économique et social. Les nouvelles politiques gouvernementales sur le développement durable et la biodiversité exigeaient que le Ministère détermine les résultats écologiques, sociaux et économiques de sa gestion.

217. Le nombre trop élevé de bateaux de pêche et de pêcheurs a continué de poser un problème tout au long des années 1990. Bien que le Ministère ait mis des programmes en place pour faire correspondre la flottille de pêche aux stocks de poissons, le financement de ses activités a été réduit de façon marquée, et comme la plupart des ministères, il a dû réduire la taille de son effectif.

218. Tous ces défis - des problèmes de gestion importants, des crises dans les principales pêches, de nouveaux droits d'accès, des situations de confrontation pour le partage des ressources, de nouvelles politiques gouvernementales sur la durabilité et la biodiversité, et de nouveaux programmes visant à réduire la surcapacité et le nombre de personnes tributaires de la pêche - le Ministère a dû y faire face sans avoir de cadre stratégique global pour des pêches durables afin d'orienter le processus décisionnel. Nous avons constaté la prise de bon nombre de décisions ponctuelles et contradictoires, et un manque de transparence dans le cadre du processus décisionnel.

219. En conséquence, les intervenants ont perdu confiance dans la capacité du Ministère à gérer les ressources. Dans certains cas, cela a même entraîné des protestations et des manifestations chez les pêcheurs et les travailleurs d'usine de transformation du poisson dans la région de l'Atlantique.

Le Ministère fonctionnait en mode de crise

220. En l'absence d'un cadre stratégique pour gérer des pêches durables - un cadre qui permettrait d'établir des objectifs précis et des principes directeurs et rassembler les facteurs biologiques, économiques et sociaux - le Ministère a réagi aux événements en adoptant, pour toutes les pêches qui ont fait l'objet de nos travaux de vérification, une gestion ponctuelle des crises.

Le ministère des Pêches et des Océans a fonctionné en mode de crise durant une bonne partie des années 1990.

 

221. Le Ministère n'a pas apporté les améliorations nécessaires pour assurer la durabilité des nouvelles pêches lucratives, notamment celle des mollusques et crustacés de l'Atlantique, et de l'élevage croissant du saumon en Colombie-Britannique. Sa planification était faible et il a mis du temps à élaborer des politiques sur des pêches durables et des cadres pour les intégrer. Il n'avait à sa disposition que des connaissances restreintes sur les stocks et sur l'habitat pour lui permettre de déterminer les besoins de conservation et les plafonds des prises, et il a omis de prendre les précautions nécessaires au moment où ses propres experts scientifiques l'on averti du danger d'une baisse des stocks. En conséquence, le Ministère a dû fermer en tout ou en partie certaines pêches sans consulter adéquatement les intervenants, ce qui a miné encore davantage la confiance de ces derniers dans sa capacité de gérer les ressources. Le Ministère a aggravé la situation en hésitant à appliquer la Loi sur les pêches et son règlement et en échouant dans ses tentatives pour élaborer un processus efficace et global de consultation avec les intervenants.

222. Les programmes que le Ministère a établis pour régler le problème du nombre excessif de bateaux et de pêcheurs n'ont pas évolué de façon satisfaisante. Le gouvernement a éprouvé des difficultés à définir, et encore plus à contrôler, la capacité de la flotte commerciale. Dans bien des cas, le nombre de personnes tributaires de la pêche a été réduit, mais la capacité de la flottille à capturer du poisson n'a pas diminué. En fait, le Ministère a permis à la flottille de pêche de la région de Terre-Neuve de croître de façon marquée, en acceptant de nouveaux crevettiers et en autorisant l'agrandissement ou le remplacement des crevettiers existants. Dans le secteur de la pêche du saumon du Pacifique, les plafonds des prises n'étaient pas établis en fonction de la conservation des ressources, de façon à régir la taille de la flottille. Le nombre trop élevé de bateaux était symptomatique des efforts infructueux déployés par le Ministère pour élaborer une méthodologie stratégique et durable de la gestion des pêches.

Le Ministère doit collaborer avec les intervenants pour adopter une nouvelle approche

223. Le Ministère a finalement décidé de faire preuve d'initiative à la fin de la décennie, en mettant en place un plan stratégique qui énonce clairement les orientations et les priorités et en élaborant une politique pour des pêches de saumon durables dans le Pacifique. Il a également entrepris un examen de ses politiques sur les pêches dans l'Atlantique.

Le Ministère a commencé à faire preuve d'initiative à la fin de la décennie.

 

224. Les récentes initiatives du Ministère en matière de planification et de politique ont montré que celui-ci accordait beaucoup d'attention aux problèmes à surmonter et qu'il avait décidé d'abandonner une gestion ponctuelle des crises pour adopter une gestion ordonnée de pêches durables. Avec la participation directe des intervenants, le Ministère doit terminer le processus d'élaboration de nouvelles politiques et pratiques pour la gestion de pêches durables. Il faut surtout qu'il respecte son engagement de mettre en oeuvre ces politiques et pratiques de façon équitable et cohérente. Le Parlement pourrait prêter son concours en réexaminant périodiquement les progrès réalisés et en recommandant aux ministres la façon dont on pourrait élargir et accélérer le processus.

Affaires indiennes et du Nord Canada
Les problèmes concernant les Autochtones sont complexes et remontent au XVIIIe siècle

225. Même si de nombreuses sphères d'activité du gouvernement canadien comportent des défis, il est difficile de trouver un domaine présentant plus de difficultés que celui du règlement des questions autochtones. Les raisons de ces difficultés sont nombreuses et complexes. Pour expliquer les problèmes actuels concernant les Indiens, il faut en général remonter à des événements antérieurs à la Confédération. La Proclamation royale de 1763 - qui se situe plus de cent ans avant la naissance du Canada uni - énonce des doctrines qui ont encore une incidence sur la vie des Indiens, par le truchement de la Loi sur les Indiens. Celle-ci établit aussi certaines des responsabilités du Ministère.

226. Au fil du temps, de nombreuses questions rattachées aux droits ancestraux ont évolué pour aboutir aux affirmations et aux attentes actuelles de la collectivité autochtone. Malheureusement, avec une fréquence accrue, ces attentes trouvent réponse dans des litiges coûteux ou des menaces de litiges, au lieu des règlements négociés qui procurent des résultats plus prévisibles. On trouve au nombre des questions non résolues les droits d'accès aux terres, les droits ancestraux revendiqués, les droits découlant des traités entre les Premières nations et le gouvernement et les droits d'accès aux ressources. Comme la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et affirme les droits ancestraux et les droits issus des traités au Canada, tous les Canadiens devraient être préoccupés et déçus qu'il y ait tant de questions non réglées, qui ont souvent amené les Autochtones à recourir, en dernier ressort, aux tribunaux.

Difficulté de mettre en oeuvre une réforme efficace

227. Nos vérifications d'Affaires indiennes et du Nord Canada ont permis de relever une grande variété de problèmes, dont une mauvaise reddition de comptes et des résultats inacceptables sur le plan des programmes destinés aux Autochtones. Or, l'amélioration de la situation dépend dans une large mesure de l'existence de relations de travail efficaces entre le gouvernement et les Premières nations, qui sont plus de 600. Comme il existe de grandes différences entre les Premières nations en ce qui concerne la culture, la taille, le lieu de résidence, les aspirations, le leadership et l'accès aux ressources, on peut s'attendre à ce que leurs relations avec le gouvernement fédéral présentent aussi des différences, et c'est effectivement le cas.

228. Un défi parallèle qui a commencé à prendre forme, il y a au moins deux décennies, est le transfert de la responsabilité des programmes à toutes les Premières nations. Le transfert de ces responsabilités constitue une réforme majeure par rapport à l'approche séculaire du surintendant des Affaires indiennes, mais il ne doit pas cependant entraîner une abdication de nos responsabilités. Il incombe encore au Ministère de veiller à ce que les programmes qu'il finance produisent les résultats prévus, avec l'engagement de coûts appropriés. Le transfert efficace des responsabilités doit donc tenir compte des divers besoins, des points forts, des faiblesses et des risques qui caractérisent chacune des Premières nations.

229. Dans nos vérifications, nous avons fait plusieurs observations au sujet des relations entre les Premières nations et le Ministère, et au sujet du transfert de la responsabilité des programmes, notamment les suivantes :

  • En 1991, 92 p. 100 des quelque 600 revendications présentées au cours des 20 dernières années n'avaient pas encore été réglées.
  • En 1998, il n'était pas inhabituel qu'il faille plus de 20 ans pour régler des revendications territoriales globales.
  • En date de 1996, il faudrait 23 ans pour que le taux d'achèvement des études secondaires de la population étudiante indienne des réserves atteigne celui de l'ensemble de la population canadienne.
  • Plusieurs ententes de financement entre le Ministère et les Premières nations, qui se chiffraient à environ trois milliards de dollars par année, présentaient des lacunes. Ces ententes ne correspondaient pas aux capacités des Premières nations de gérer leurs programmes et elles ne prévoyaient pas de dispositions pour que le Ministère puisse en rendre compte de façon appropriée au Parlement.
  • Beaucoup de réserves indiennes présentent des conditions de vie inférieures à la norme, qui ne seraient tolérées par aucun résidant des municipalités canadiennes : logements insalubres, approvisionnement en eau inadéquat, éléments d'infrastructure décrépits, sous-développement économique, et ainsi de suite.

230. De plus, la Commission royale sur les peuples autochtones (1996) a fait état de problèmes qui étaient demeurés sans solution depuis longtemps, et elle a fait de nombreuses recommandations. Comme ces problèmes persistent depuis plus de deux siècles, il ne faut pas s'attendre à ce que l'on puisse les régler du jour au lendemain. Je pense, cependant, que plus on prendra de temps avant de s'y attaquer franchement, plus il sera difficile de les régler.

Chercher des solutions

231. Si je me fonde sur mes observations des dix dernières années, il ressort clairement que ces problèmes s'enchevêtrent en raison de leur complexité et qu'il sera difficile de les résoudre. Nos vérifications nous portent à croire qu'il faudrait instaurer au moins les conditions suivantes :

  • leadership efficace sur le plan politique et en matière de gestion dans les collectivités autochtones et au gouvernement, et recherche dynamique de solutions;
  • volonté et capacité des Premières nations d'accepter le transfert de la gestion des programmes par le gouvernement fédéral et d'en assumer les responsabilités;
  • volonté et capacité au sein du gouvernement fédéral d'aider les Premières nations à développer leurs capacités;
  • élaboration et application par toutes les parties de principes sains d'exercice des pouvoirs et de reddition de comptes;
  • règlement expéditif des revendications légitimes formulées à l'endroit du gouvernement;
  • établissement et maintien de relations harmonieuses entre toutes les Premières nations et le gouvernement;
  • respect intégral, par toutes les parties, des traités avec les Indiens et des engagements contractuels.
Nécessité d'avancer avec prudence

232. Le mandat du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pose un défi d'une grande complexité et d'une extrême délicatesse pour les personnes qui doivent remplir les responsabilités du gouvernement. Je pense qu'un solide engagement politique de la part de ce dernier et un engagement tout aussi grand de la part des Premières nations sont absolument essentiels pour permettre la réalisation de progrès. Il est toutefois impossible qu'un engagement politique puisse s'établir si les Canadiens en général ne cessent de réagir de façon purement automatique face aux demandes des collectivités autochtones; ils doivent comprendre en quoi consistent les droits issus des traités sur lesquels se fondent ces demandes et reconnaître leurs fondements moraux dans l'optique de la justice sociale. Il est facile de blâmer les politiciens du soutien médiocre que l'on constate actuellement - en fait, les valeurs qu'ils véhiculent sont le reflet des nôtres.

Il est facile de blâmer les politiciens du soutien médiocre que l'on constate actuellement - en fait, les valeurs qu'ils véhiculent sont le reflet des nôtres.

 

233. Trouver des solutions aux problèmes susmentionnés est un peu comme modifier la course d'un navire de ligne pour le faire passer dans un chenal étroit : même si l'on possède de grandes compétences en navigation, la progression est lente. Les dirigeants doivent démontrer aux parties concernées et aux Canadiens en général leur volonté de relever le défi avec rigueur et sans fléchir. Il faudra en particulier que les gestionnaires du Ministère et ceux des collectivités autochtones jouissent de l'appui solide et constant des dirigeants politiques pendant qu'ils travaillent à régler les problèmes.

Développer les capacités techniques des Premières nations en matière de gestion

234. Le transfert aux Premières nations de la responsabilité des programmes financés par le gouvernement est presque terminé. Des programmes tels que l'aide sociale dans les réserves, le développement de l'infrastructure, l'éducation et d'autres initiatives sont maintenant exécutés et gérés directement par les Premières nations. En 1996, le Ministère travaillait à transférer sous le contrôle des Premières nations et pour le bénéfice de leurs collectivités environ 75 p. 100 des fonds octroyés par le Parlement. Toutefois, le transfert de programmes complexes à des collectivités qui ont été entièrement dépendantes du gouvernement fédéral pendant des décennies pose de grands risques d'échec. Certaines Premières nations ont une si petite taille qu'il est peut-être irréaliste de s'attendre à ce qu'elles développent elles-mêmes la capacité d'assurer les programmes. Les Premières nations qui ne sont pas encore prêtes à assumer la responsabilité entière de la prestation des programmes ont peut-être besoin d'une aide supplémentaire pour leur permettre de se doter des capacités nécessaires.

235. Il faut donc se demander à qui incombe la responsabilité de faire en sorte que les Premières nations aient la capacité et la volonté d'administrer efficacement les programmes transférés. La réponse est inévitable : le gouvernement fédéral et les Premières nations doivent partager cette responsabilité.

236. Nous avons constaté dans nos vérifications que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'avait pas déployé suffisamment d'efforts pour aider les Premières nations à se préparer à gérer les programmes dont la prestation était auparavant assurée par le gouvernement. En effet, on n'a pas encore satisfait à des conditions de base comme l'établissement d'ententes de financement appropriées entre le Ministère et les Premières nations. Il est également raisonnable de s'attendre à ce que les dirigeants indiens qui croient que les programmes peuvent être plus efficaces s'ils sont gérés par eux fassent en sorte que leurs collectivités soient bien préparées pour accepter le transfert des responsabilités.

Obligation fédérale de rendre compte des résultats

237. Le gouvernement et les Premières nations doivent démontrer qu'ils sont comptables envers leurs commettants respectifs. Nous avons toutefois constaté des différences de perspective qui peuvent exister au chapitre de la reddition de comptes.

238. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien doit, comme les autres institutions fédérales, rendre des comptes au Parlement et aux personnes qu'il sert. Indépendamment du transfert des programmes, le Ministère conserve le devoir de rendre compte de la façon dont les fonds fédéraux sont utilisés et de veiller à l'obtention de résultats acceptables. Je suis heureux de noter que, au cours des dernières années, le Ministère et les Premières nations ont accordé plus d'attention à cette exigence de la reddition de comptes. Je crois que, avec des efforts soutenus, on arrivera au fil du temps à instaurer une reddition de comptes qui répondra aux attentes des Canadiens.

Règlement des revendications

239. Les revendications territoriales des Premières nations et leurs autres revendications formulées à l'endroit du gouvernement du Canada préoccupent les deux parties depuis des décennies. Les nombreux aspects complexes du règlement des revendications ont des répercussions d'une grande portée, qui vont bien au-delà des participants au processus. Pendant environ 25 ans, des décisions ont été rendues dans le cadre de litiges, utilisés comme dernier recours, au sujet de revendications importantes qui n'avaient pas encore été résolues.

240. Dans nos vérifications des revendications particulières en 1991 et des revendications territoriales globales en 1998, nous avons fait remarquer que les efforts déployés pour parvenir à des ententes prennent beaucoup de temps, sont très coûteux et s'avèrent difficiles. Les questions visées trouvent leur origine dans une époque où l'exploration et le développement du Nouveau monde étaient les prérogatives des puissances coloniales. Aujourd'hui, certaines revendications portent sur d'immenses territoires du Canada. Les aspects moraux et juridiques visés suggèrent qu'il est dans l'intérêt de tous de régler ces revendications le plus rapidement possible, afin d'éliminer les incertitudes qui s'y rattachent et de stimuler par voie de conséquence les investissements et les progrès dans les régions touchées.

241. Pour obtenir des résultats tangibles, il faudra la collaboration et une volonté ferme non seulement de la part des Premières nations et du gouvernement fédéral, mais aussi des gouvernements provinciaux et du secteur privé. À mon avis, il faudrait intensifier les efforts pour faire en sorte que toutes les parties mettent l'épaule à la roue.

Le problème pourrait s'aggraver

242. Les tendances démographiques montrent que les problèmes actuels se trouveront exacerbés dans l'avenir s'ils ne sont pas résolus. Il est donc particulièrement important qu'on s'y attaque avec efficacité et dans un esprit de justice. Pour ce faire, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien doit adopter une attitude plus proactive. Le Ministère et de nombreuses autres organisations ont déjà étudié à fond les questions autochtones. Il est maintenant urgent de prendre des mesures correctives.

Défense nationale
De grands défis à relever au cours des années 1990

243. Les dix dernières années se sont révélées une période à la fois agitée et difficile pour le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes. La fin de la guerre froide a entraîné l'éclatement des modèles opérationnels établis depuis plus de 50 ans. Les Forces se sont retrouvées avec de l'équipement, une doctrine et des modes de fonctionnement plutôt mal adaptés aux nouvelles exigences qu'elles devaient satisfaire. Mais il était impossible de remplacer immédiatement les anciens systèmes, et l'organisation de la Défense elle-même ne pouvait pas être modifiée rapidement. Les événements de la décennie, en particulier l'échec du système militaire canadien en Somalie, ont mis en évidence le fait que d'importants problèmes internes devaient être réglés.

244. L'incident en Somalie et l'enquête qui a suivi ont porté un rude coup aux Forces canadiennes. Les Forces ont perdu beaucoup de leur crédibilité au pays et à l'étranger, et les hauts dirigeants ont été obligés de consacrer leur énergie à régler un problème qui n'aurait jamais dû se produire.

245. Pour la direction, les réductions radicales des dépenses de défense ont constitué l'aspect le plus important de la décennie. Afin d'équilibrer le budget et parce qu'il estimait que la menace directe d'une guerre avait diminué, le gouvernement a réduit le financement accordé à la Défense nationale d'approximativement 25 p. 100 sur trois ans, à partir de 1994. En raison de cette baisse, les Forces canadiennes ont dû réduire leur effectif de 76 000 à 60 000 membres. Le Ministère a aussi mis à pied 12 000 employés civils, pour en maintenir environ 20 000 en poste. Étant donné l'envergure de ces réductions, le Ministère devait trouver de nouvelles façons de fonctionner, de remplacer les systèmes de gestion et d'impartir certains travaux de soutien.

246. Les années 1990 ont également été marquées par d'importantes activités militaires dont la nature était très différente de celle des 40 années précédentes. Depuis longtemps, de nombreuses troupes canadiennes étaient stationnées en Europe, prêtes à partir en guerre dans un bref délai, mais il s'agissait de périodes de service relativement plaisantes. Aucun coup de fusil n'était tiré, les militaires étaient accompagnés de leurs personnes à charge et, pendant une bonne partie de cette période, la solidité du dollar canadien a permis aux militaires de bénéficier de bonnes conditions de vie. Les années 1990 se sont révélées différentes. Des militaires canadiens ont servi dans le Golfe, en Somalie, au Rwanda, en Bosnie, au Kosovo et à Haïti, où ils ont vécu dans des conditions de campagne, voyagé sur des routes minées, essuyé des tirs et subi des pertes humaines. Le service à l'étranger ne constituait plus une récompense, mais une importante source de stress pour la famille.

247. Nos vérifications ont porté sur la plupart des fonctions principales exercées par le Ministère. En 1990, la Défense nationale était une bureaucratie respectueuse des règles établies et peu encline à courir des risques mais, en 1994, son budget ne lui permettait plus de soutenir ce genre d'organisation. En 2000, la Défense était parvenue à mieux fonctionner selon ses ressources financières et elle avait apporté certaines améliorations à sa gestion, mais de nombreux problèmes persistent encore en cette nouvelle décennie.

Le maintien de forces prêtes à intervenir constituait un problème continu

248. En 1996, nous avons fait rapport sur la capacité des Forces canadiennes de mener des opérations de maintien de la paix et nous avons effectué le suivi de ces travaux en 1998. Dans le cadre d'autres vérifications, nous avons examiné les systèmes de soutien individuels : l'approvisionnement, le soutien médical, l'instruction, la Réserve des Forces canadiennes et la gestion de l'état de préparation. Au début des années 1990, nous avons remarqué que les systèmes en place ne permettraient pas de soutenir les Forces canadiennes en cas de conflit prolongé - ce qui était leur objectif à l'époque. Plus tard, nous avons constaté que la planification des missions de maintien de la paix comportait des lacunes et que l'instruction préalable au déploiement ne répondait pas aux besoins. Le coût associé au maintien de la Réserve s'élevait à environ un milliard de dollars par année, mais la plus importante composante de celle-ci, la milice, fournissait peu de militaires efficaces en raison des faibles taux de maintien de l'effectif, de l'équipement inapproprié et du manque de disponibilité des réservistes aux fins d'instruction.

249. Au fil du temps, nous avons constaté certains progrès. La planification des missions et l'instruction préalable au déploiement se sont améliorées, tout comme la capacité des Forces à évaluer leurs propres opérations et à cerner les leçons retenues. Le soutien aux opérations de déploiement s'est également amélioré. Cependant, la Réserve a langui tout au long de la décennie. Bien que le Ministère et les ministres aient effectué de nombreuses études, peu de choses avaient été accomplies au bout de ces dix années pour garantir l'optimisation des ressources affectées à la milice. Une nouvelle initiative a été lancée, mais elle n'a pas encore produit de résultats. Étant donné le haut pourcentage de membres de l'Armée de terre au sein de la Réserve et les dépenses que cela représente, ce problème doit absolument être résolu.

250. Le Ministère n'a pas non plus été capable de mesurer adéquatement l'état de préparation des Forces, c'est-à-dire la mesure dans laquelle les troupes répondent aux normes établies en ce qui a trait à l'instruction, à l'équipement et à la capacité d'effectuer des opérations en campagne. Au cours des dix dernières années, on a vainement tenté de mettre au point des systèmes de mesure valables pour l'ensemble des Forces, ce qui permettrait au Ministère et au Parlement de savoir si les Forces canadiennes sont prêtes à mener des opérations. Cela n'est tout simplement pas acceptable au sein d'une organisation dont le fonctionnement coûte dix milliards de dollars par année et dont notre sécurité dépend. La Défense nationale élabore en ce moment un système de mesure du rendement qui inclurait la production de rapports sur l'état de préparation dans l'ensemble des Forces, mais cette initiative n'en est qu'à ses premiers stades.

L'efficience des services de soutien s'est peu améliorée

251. Au début de la décennie, la Défense nationale était très en retard sur le monde extérieur en ce qui a trait à l'efficience de ses services de soutien. Les vérifications ont régulièrement montré que ses services étaient de 30 p. 100 à 300 p. 100 plus coûteux que les services de soutien semblables dans d'autres organisations. Ainsi, dans notre vérification de 1990 portant sur le soutien médical, nous avons constaté que le fonctionnement des hôpitaux militaires coûtait de 65 p. 100 à 150 p. 100 plus cher que celui des hôpitaux civils similaires. Dans une même veine, la prestation de l'instruction technique militaire était trois fois plus coûteuse que celle d'une formation comparable dans les collèges communautaires, et la productivité des membres du métier de génie en construction au sein des bases était de 33 p. 100 inférieure à celle du secteur privé.

252. Le Ministère a entrepris un nombre impressionnant de grands projets tout au long des années 1990, notamment la rationalisation des quartiers généraux, la restructuration des services de soutien du matériel et du personnel et l'impartition de nombreux services comme le soutien à l'instruction en vol, la gestion des centres d'instruction de la milice et même la prestation de services logistiques aux troupes déployées. Ces initiatives n'ont toutefois donné que peu de résultats. Une vérification effectuée en 1996 au sujet de certains services de soutien a permis de constater que la productivité diminuait dans les vastes fonctions liées au matériel et à l'instruction, en raison de la réduction de l'effectif, la demande à l'égard de ces services ayant baissé plus rapidement que l'offre. Un suivi effectué en 2000 a montré que le déclin se poursuivait dans le secteur de l'instruction, auquel on consacre deux milliards de dollars par année. Le programme de diversification des modes de prestation des services, qui avait pour but de réduire les coûts grâce à l'adjudication de marchés de service, ne permettait d'épargner qu'environ 60 millions de dollars par année en 2000, au lieu des 200 millions de dollars visés en 1999 et des 350 millions de dollars prévus pour 2001. Ce programme a également soulevé des questions quant à la perte de souplesse au niveau militaire, le personnel des Forces étant remplacé par des entrepreneurs civils.

253. Les efforts en vue d'améliorer l'efficience ont échoué parce que le Ministère ne disposait pas d'un plan global, qu'il a donné la priorité à d'autres objectifs et qu'il était aux prises avec des coupures budgétaires et de personnel continues. Aux quartiers généraux nationaux, la plupart des gestionnaires ne disposent pas encore de la formation, des outils et de l'information nécessaires pour administrer les coûts et le rendement.

Le budget de défense a été étiré au-delà de ses limites

254. La capacité financière constitue un problème de taille depuis le milieu des années 1990. En dépit des mesures correctives qui ont été prises, la tentative de la Défense nationale de maintenir une force trop importante pour son budget aura des répercussions pendant plusieurs années encore. En 1994, le Ministère a procédé à un examen du Livre blanc et a conclu qu'il avait besoin d'une force « polyvalente et apte au combat ». Comme cette force n'a jamais été vraiment définie, tous les éléments et les services ont tenté de se perpétuer sous une forme de plus en plus réduite à mesure que les compressions budgétaires entraient en vigueur. En outre, on a constaté le vieillissement généralisé d'une grande quantité d'équipement acquis dans les années 1970 et 1980. Nous avons constaté en 1998 que le Ministère serait obligé de presque doubler ses fonds pour dépenses en capital afin d'être en mesure de soutenir la force qu'il envisageait de mettre sur pied. Or, les efforts d'amélioration de l'efficience s'étant soldés par un échec, le Ministère ne parvenait pas à libérer suffisamment de fonds à l'interne. En outre, il ne disposait pas d'outils de planification adéquats pour évaluer les besoins et établir les priorités.

255. En 2000, le Ministère semblait progresser vers l'atteinte de ses objectifs. Il a nettement amélioré sa planification interne, de sorte que de vrais choix s'offrent maintenant dans l'ensemble des éléments et gammes de services. Il a également utilisé sa méthode d'analyse améliorée pour convaincre les organismes centraux et les ministres qu'une augmentation du financement était justifiée. Les cadres supérieurs estiment qu'il manque encore quelque 750 millions de dollars chaque année, mais ils proposent des solutions aux ministres pour combler cet écart. L'amélioration de l'information et de la discipline peut permettre d'éliminer graduellement l'étirement excessif des budgets qui a caractérisé les années 1990 et a laissé les Forces aux prises avec de l'équipement désuet, un fonctionnement incertain et un entretien coûteux, et avec du nouvel équipement trop léger pour accomplir le travail.

Le Parlement n'a pas été tenu au courant de la situation

256. Tout au long de la décennie, nous avons souligné le fait que le Parlement n'avait reçu que peu d'information, voire aucune, sur l'état des Forces armées. En 1998, le Comité des comptes publics a demandé que le rapport annuel du Ministère comprenne une évaluation et un examen exhaustifs de la défense ainsi que des indicateurs montrant dans quelle mesure les acquisitions d'immobilisations permettaient d'atteindre les buts en matière de défense. Le gouvernement a répondu au Comité qu'un examen annuel ne serait pas pratique et que l'information requise était déjà fournie dans d'autres documents publics. Les rapports ministériels sur le rendement présentés annuellement au Parlement se sont révélés une série décevante de « bonnes nouvelles » plutôt qu'une source d'information réelle sur le rendement. Comme mentionné précédemment, le Ministère n'a pas réussi à mettre au point un système interne de gestion du rendement sur lequel les rapports au Parlement pourraient être fondés. Et tandis que le Ministère continue d'envisager d'importantes réductions et restructurations des Forces, la déclaration selon laquelle « les Forces canadiennes sont maintenant davantage aptes au combat qu'elles ne l'étaient il y a dix ans » constitue à peu près tout ce que le Parlement a reçu comme information.

257. Le gouvernement ne fournit pas au Parlement les renseignements dont ce dernier a besoin pour exercer son rôle de surveillance. Nous avons constaté l'existence de problèmes continus en ce qui a trait à l'état de préparation, à l'efficacité interne et à la capacité financière pour exécuter le programme au cours des années 1990. Ces problèmes ne peuvent être réglés sans qu'on apporte des changements qui entraînent des répercussions politiques. Il est dès lors essentiel que le Parlement reçoive l'information nécessaire pour arranger les choses, comme son rôle l'exige.

Section VIII — L'évolution du rôle de la vérification législative et du Bureau du vérificateur général

Qu'est-ce que la vérification législative?

258. La vérification s'est développée à partir de la comptabilité financière dans le secteur privé, où la direction, les actionnaires et les prêteurs doivent communiquer efficacement. La direction communique la majeure partie de l'information redditionnelle dans ses états financiers, qui sont préparés conformément à des principes reconnus. Le travail du vérificateur est de rendre encore plus crédible l'information redditionnelle préparée par la direction en testant les assertions par rapport à des normes connues et en fournissant l'assurance que l'information présentée donne une image fidèle de la situation.

259. Un vérificateur général indépendant joue ce rôle dans les activités du gouvernement du Canada depuis 1878. Mais la vérification législative dépasse maintenant la vérification comptable traditionnelle. On demande aux vérificateurs législatifs de fournir à la législature de l'information sur le rendement en matière de gestion à l'échelle de l'administration. On leur demande non seulement de faire des observations sur le caractère adéquat des rapports de la direction mais aussi de fournir bien d'autres renseignements. Il n'existe pas de normes généralement reconnues pour la communication de l'information non financière sur le rendement, et la vérification d'une entité donnée peut exiger l'élaboration de normes particulières à cette fin. Malgré ces obstacles, les vérificateurs législatifs ont généralement été en mesure de fournir des évaluations indépendantes de la gestion des programmes, jugées objectives par les utilisateurs.

260. La vérification législative comprend toujours la vérification comptable traditionnelle, et tous les vérificateurs législatifs ont notamment pour fonction de fournir à la législature l'assurance que les états financiers du gouvernement reflètent correctement sa situation financière et ses résultats financiers. Les vérificateurs législatifs peuvent également rendre compte du respect des lois et des règlements par la direction. Enfin, dans de nombreuses administrations, ils fournissent une opinion professionnelle, à savoir si les opérations gouvernementales sont gérées en fonction de l'économie, de l'efficience et des répercussions environnementales, et s'il existe des systèmes adéquats pour surveiller l'efficacité de ces opérations. Vue sous un autre angle, la vérification législative a progressé au cours des 30 ou 40 dernières années depuis l'examen de la conformité aux règles d'opérations individuelles jusqu'aux vérifications d'aujourd'hui où le vérificateur rend compte de la gestion de l'ensemble des programmes de dépenses publiques dont la valeur atteint plusieurs milliards de dollars.

261. La plupart des genres de vérification que mon bureau effectue n'existaient pas il y a 25 ans; certaines, comme la vérification environnementale, ne sont apparues qu'il y a quelques années. La vérification législative au Canada continue d'évoluer en fonction des besoins du Parlement en matière de surveillance des dépenses du gouvernement. Elle change aussi selon les priorités du Parlement et les modifications organisationnelles du gouvernement.

Vérification de l'optimisation des ressources

La crédibilité de la vérification de l'optimisation des ressources est établie

262. Le Canada a fait oeuvre de pionnier dans le monde pour établir la vérification de l'optimisation des ressources. Celle-ci tire son origine des « paiements non productifs » révélés dans les rapports du vérificateur général à la fin des années 1950. Il s'agissait de dépenses qui étaient légales mais n'offraient que peu de valeur pour les Canadiens. Maxwell Henderson, vérificateur général au début des années 1970, a élargi les travaux de sorte qu'ils sont devenus la section la plus connue du Rapport annuel du vérificateur général. Le vérificateur général suivant, James J. Macdonell, a demandé que ses responsabilités d'enquête et de rapports soient réexaminées. Cet examen a finalement donné lieu, en 1977, à la modification de la Loi sur le vérificateur général qui a permis d'élargir le mandat du vérificateur général pour inclure l'obligation de signaler au Parlement tous les cas où les dépenses publiques n'avaient pas été faites avec le souci de l'économie et de l'efficience et où le gouvernement n'avait pas mis en place de systèmes pour mesurer l'efficacité des programmes et en rendre compte.

263. M. Macdonell a également recruté de nombreuses personnes au sein du secteur privé, dont moi, et a commencé à moderniser le Bureau. Les premières vérifications effectuées par le Bureau avaient apporté la crédibilité nécessaire pour que le Parlement fasse le pas de conférer au vérificateur général de nouveaux pouvoirs très étendus, définis uniquement en termes généraux.

264. En 1977, certains craignaient que les changements apportés au mandat n'incitent le vérificateur général à s'ingérer dans les questions stratégiques, et même dans la politique, et qu'il aille jusqu'à mettre en question le jugement politique. Pour cette raison, la Loi fait la distinction entre, d'une part, les vérifications de l'économie et de l'efficience, qui sont citées comme travaux que le vérificateur général peut effectuer, et d'autre part, la vérification de l'efficacité; la Loi mentionne la vérification de la mesure de l'efficacité du gouvernement seulement. La plupart des gens reconnaissent maintenant la valeur de la Loi de 1977, mais certains craindront toujours que le vérificateur général ne dépasse la frontière - difficile à délimiter - entre la gestion et la politique, comme c'est le cas dans d'autres pays qui ont une vérification législative.

Après 23 ans de vérification de l'optimisation des ressources, les craintes que le vérificateur général transgresse la frontière et s'ingère dans les questions de politique devraient être apaisées.

 

265. Je pense cependant qu'après 23 ans de vérification de l'optimisation des ressources, ces craintes devraient être apaisées. La Loi sur le vérificateur général laisse au vérificateur général le soin de déterminer où la frontière se situe. Pour moi, cette frontière n'est pas fixe. D'un côté, je situe l'extrémité de la limite aux politiques administratives comme les conventions comptables. Ces conventions ne soulèvent pas de problèmes de politique et il est hors de question de ne pas les vérifier. De l'autre côté, je situe la limite aux objectifs de la politique nationale du gouvernement qui ne sont pas toujours intégrés aux lois et qui font l'objet d'un débat politique. Comme nous n'avons jamais vérifié ces objectifs - et nous ne tenterons jamais de le faire - ils ne posent pas de problème. Entre les deux se trouvent les politiques qui appuient les programmes et qui précisent comment ceux-ci doivent être gérés, ainsi que les politiques qui établissent les objectifs des programmes et les grandes décisions en la matière. C'est dans cette zone « grise » intermédiaire que la frontière entre la gestion et la politique est difficile à tracer.

266. Dans la pratique, je pense que nous avons très bien réussi à respecter notre mandat. Nos choix ont suscité peu de plaintes voulant que nous ayons transgressé la frontière. J'ajouterai que si nous n'avions suscité aucune plainte, j'en aurais conclu que nous ne nous étions sans doute pas acquittés entièrement de notre mandat.

267. Le vérificateur au service du Parlement doit informer la Chambre que le gouvernement respecte ses propres règles et politiques au chapitre des dépenses ou des activités. Qui plus est, lorsque le gouvernement ne fournit pas lui-même l'information, le vérificateur peut devoir informer le Parlement de la mesure dans laquelle les programmes gouvernementaux ont donné les résultats escomptés. Si des problèmes surgissent en raison d'une absence de politique, j'estime approprié que le vérificateur attire également l'attention du Parlement sur ce sujet. Quand nos vérifications mettent en évidence des problèmes, c'est au Parlement et au gouvernement d'agir.

268. Les vérifications de la gestion des programmes peuvent soulever des questions quant aux politiques qui sous-tendent un programme. En 1996, le gouvernement a par exemple créé le Fonds transitoire pour la création d'emplois en même temps que la réforme associée à la nouvelle Loi sur l'assurance-emploi. L'objectif du Fonds était d'appuyer la création d'emplois durables dans les régions qui avaient toujours eu amplement recours à l'assurance-emploi et qui seraient par conséquent plus gravement touchées par les réformes. En conséquence, le gouvernement a décidé que le programme s'adresserait aux régions dont le chômage était d'au moins 12 p. 100. C'est aux fonctionnaires du ministère pertinent qu'est revenue la responsabilité de définir les régions admissibles. Quand nous avons vérifié ce programme, nous avons signalé que l'équité de la désignation avait été compromise par les difficultés que les fonctionnaires avaient éprouvées pour estimer les taux de chômage locaux avec suffisamment de justesse, ce qui mettait en doute la valeur concrète de cette politique.

269. Il est important que le Bureau du vérificateur général préserve son indépendance et évite toute apparence de parti pris politique. La décision d'effectuer des vérifications qui vont au-delà de la gestion des programmes et, s'il y a lieu, de la réalisation des buts des programmes, doit donc être prise après mûre réflexion.

270. Au cours des 20 dernières années, le Bureau du vérificateur général a réussi à respecter la frontière entre la gestion et la politique, et les députés en sont généralement satisfaits. Naviguer dans la zone grise veut dire observer constamment les frontières, et nous avons eu très peu de plaintes. Les parlementaires considèrent maintenant nos rapports comme un élément essentiel pour les aider à jouer leur rôle de surveillance. Malgré l'amélioration de l'information sur le rendement communiquée par le gouvernement, je suis convaincu que les députés continueront de vouloir que le Bureau produise des rapports de vérification de l'optimisation des ressources qui leur permettent de tenir les ministres et les fonctionnaires responsables des activités du gouvernement.

Les députés s'attendent à ce que le Bureau produise des rapports de vérification de l'optimisation des ressources qui leur permettent de tenir les ministres et les fonctionnaires responsables des activités du gouvernement.

 

La vérification du rendement aide à aller au fond de la question

271. La vérification de l'optimisation des ressources (ou du rendement) évalue si les programmes sont gérés de façon économique et efficiente et si le gouvernement a les moyens de mesurer leur efficacité. Le vérificateur se demande si les contribuables en ont pour leur argent. La vérification du rendement vise à acquérir une vision complète d'un programme pour montrer s'il est bien géré, plutôt que d'en examiner chaque élément séparément. La vérification donne alors de meilleurs résultats et va aux racines d'un problème. J'ai observé que le principal défi pour les vérificateurs est de faire le lien entre les symptômes qu'ils ont dégagés et la source réelle du problème. C'est lorsque nous avons pu cerner les causes du problème que nous avons le mieux réussi à convaincre les gens qu'il fallait apporter des changements. Les exemples suivants illustrent ce fait.

  • La vérification du traitement des demandes de revendication du statut de réfugié a indiqué que le gouvernement fédéral avait beaucoup de difficultés à traiter ces demandes rapidement et de façon efficiente. La vérification a suscité énormément d'intérêt de la part du public et des parlementaires, et a été un facteur important dans le dépôt du projet de loi C-31 visant à améliorer la rigueur et l'efficacité du processus de détermination des réfugiés et de sélection des immigrants.
  • La vérification des programmes de réadaptation de Service correctionnel Canada a montré que le succès de ces programmes avait été limité en raison de lacunes de gestion, comme le fait de dépenser une part disproportionnée des ressources dans deux domaines, de ne pas offrir aux délinquants les compétences dont ils ont besoin et d'axer trop de ressources sur les établissements, ce qui fait qu'il en reste très peu pour aider les délinquants à trouver du travail une fois qu'ils ont réintégré la collectivité. Cette vérification a incité le Service à établir un groupe de travail spécial, à renforcer les programmes de réadaptation ainsi qu'à mesurer et à améliorer les résultats.
  • La vérification des pêches de mollusques et de crustacés de l'Atlantique a mis en évidence des problèmes de gestion semblables à ceux que nous avions décelés dans les pêches de poisson de fond de l'Atlantique, qui ont souffert d'un effondrement. L'incidence des problèmes sur les pêches de mollusques et de crustacés ne se voyait pas entièrement en raison de la haute valeur des prises dans ces pêches. La vérification a toutefois amené le gouvernement à s'engager à effectuer un examen pluriannuel en deux phases de la gestion par Pêches et Océans des stocks de poissons de la côte atlantique, ainsi que des orientations stratégiques et buts poursuivis à ce chapitre par le Ministère. Cet examen constitue un bon pas en avant pour répondre à nos préoccupations concernant l'absence de politique saine fondée sur la durabilité des pêches.
  • La vérification de la gestion du numéro d'assurance sociale (NAS) a indiqué que celui-ci était devenu un code d'identification national de fait, contrairement à l'intention du gouvernement. En outre, les nombreux problèmes associés à l'intégrité de l'information ont créé des risques pour tous les utilisateurs, y compris le gouvernement et le public. Deux comités parlementaires ont produit des rapports complets contenant des recommandations visant à améliorer la gestion du NAS. Développement des ressources humaines Canada a agi rapidement pour combler les principales lacunes.
  • La vérification de 1998 de la Défense nationale a montré que le budget d'équipement ne suffisait pas pour appuyer l'effectif de la force de campagne qui avait été planifié. Cela a amené le Ministère à acheter certaines pièces d'équipement qui ne convenaient pas à la tâche militaire prévue ou qui ne possédaient pas les composantes nécessaires. La vérification a entraîné une révision du budget global et de la structure des Forces canadiennes.
  • La vérification de la gestion des programmes géographiques de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), effectuée en 1993, a permis de constater que plusieurs facteurs étaient incompatibles avec le but du développement autonome. Elle a notamment mis en évidence des objectifs contradictoires, un manque de concentration des efforts d'aide, un accent sur le processus plutôt que sur les résultats du développement et un manque de transparence dans les rapports sur les objectifs de l'ACDI et sur les résultats réels. Les vérifications de suivi en 1998 et en 2000 ont montré que l'ACDI avait fait des progrès, même s'il reste des problèmes à résoudre.

272. Le défi pour les vérificateurs consiste à faire davantage que simplement signaler le mauvais rendement d'un programme, et à trouver la cause du problème. Ce faisant, les vérificateurs peuvent aider la direction à trouver une solution et susciter des changements positifs dans la gestion du gouvernement. Je pense qu'il n'est pas suffisant de signaler un problème, bien que cela fasse nécessairement partie du travail. Si les causes du problème demeurent imprécises, la direction pourra difficilement décider quelles mesures prendre; elle ira même parfois jusqu'à éviter de prendre des mesures qui pourraient être pénibles. Notre bureau s'est, par conséquent, efforcé véritablement de trouver les causes sous-jacentes aux problèmes cernés et croit qu'il a ainsi contribué à la prise de mesures correctives.

Dans leurs rapports, les vérificateurs doivent aller au-delà des mauvais résultats et indiquer la cause véritable du problème.

 

L'augmentation de la demande de nouveaux services met des pressions sur le Bureau

273. J'ai la nette impression que le Parlement apprécie réellement la valeur des travaux de vérification de l'optimisation des ressources ou du rendement. Le plus gros défi que nous devons sans doute relever est de maintenir la même qualité de travaux tout en faisant face à l'augmentation de la demande de nouveaux services du Bureau. L'une de ces nouvelles demandes éventuelles sera la vérification des rapports ministériels sur le rendement communiqués au Parlement, qui fourniront de l'information sur les résultats des programmes, de même que les nouveaux états financiers ministériels prévus. Cependant, même si cela peut accaparer des ressources, les programmes dont les rapports sur le rendement sont crédibles deviendront plus transparents et le Parlement aura moins besoin de nos rapports de vérification à leur sujet. Nous pourrons donc concentrer nos travaux de vérification sur les secteurs qui restent encore peu transparents.

274. Nous recevons également un nombre croissant de demandes de vérifications précises émanant directement du Parlement. Ainsi, le Comité des comptes publics nous a demandé d'assurer un suivi continu des efforts de réforme de la gestion à la Défense nationale; le Comité de l'environnement nous a demandé d'examiner l'efficacité des ententes fédérales-provinciales sur l'environnement. De plus, les comités nous demandent souvent de comparaître à leurs audiences. Le défi est d'arriver à un équilibre entre des besoins précis et l'obligation de fournir au Parlement une vue d'ensemble. Je serais très déçu si nous ne recevions aucune demande de travaux particuliers ou d'invitations à témoigner, mais il semble que nous ayons atteint la limite de notre capacité à cet égard.

275. Durant la longue période de compressions au gouvernement, la productivité du Bureau est demeurée élevée. Le nombre de rapports de vérification a augmenté et nous avons assumé de nouvelles responsabilités, comme celles du commissaire à l'environnement et au développement durable. Ces demandes ont réellement poussé à ses limites le capital physique et humain de l'organisme. Le Bureau doit maintenant réinvestir dans de nouvelles méthodes de vérification, de nouvelles technologies et la formation. Il doit aussi prendre le temps de permettre au personnel de vérification d'élargir ses connaissances du gouvernement et du monde extérieur. Comme les ministères, le Bureau doit revoir ses plans de gestion des ressources humaines pour garantir qu'il pourra doter les postes essentiels lorsque les employés de la génération du baby-boom prendront leur retraite au cours des prochaines années.

D'autres activités de vérification et d'autres rapports contribuent à rendre le gouvernement plus transparent et plus responsable

Les sociétés d'État devraient être plus transparentes

276. Les examens spéciaux sont des vérifications des sociétés d'État effectuées tous les cinq ans, dans le but de signaler au conseil d'administration toute lacune importante des systèmes et procédures de gestion. À l'instar des vérifications du rendement, les examens spéciaux sont passés d'un simple concept à des activités professionnelles bien établies.

277. Nos examens spéciaux ont eu une incidence notable sur un certain nombre de sociétés d'État. Par exemple, une grande société d'État a modifié considérablement son rôle et sa stratégie entre 1992-1993 et 1997-1998 à la suite de nos travaux. Cependant, comme les rapports sont adressés au conseil d'administration des sociétés et sont confidentiels, leur importance échappe souvent au public. C'est la raison pour laquelle le Bureau rend compte périodiquement au Parlement de l'efficacité du régime de rapport dans son ensemble, améliorant ainsi la visibilité publique.

278. La transparence demeure un défi. Nous pouvons nous attendre à juste titre à ce que les institutions du secteur public soient plus transparentes que les sociétés du secteur privé. Notre bureau encourage la production de bons rapports redditionnels en offrant tous les ans un prix pour le meilleur rapport annuel des sociétés d'État. Ce prix est attribué en fonction de l'information que les sociétés communiquent sur leurs finances et leurs activités en regard d'objectifs clairs et significatifs, de la présentation des risques auxquels elles sont confrontées et de leurs projets d'avenir. Nous avons également établi un cadre d'évaluation des rapports des sociétés d'État. La confidentialité des renseignements pose des craintes légitimes, mais les Canadiens doivent avoir accès à plus d'information sur la gestion des sociétés d'État. En publiant nos rapports d'examens spéciaux, certaines sociétés d'État donnent le bon exemple et montrent qu'il est possible d'arriver à une plus grande transparence.

La vérification environnementale s'établit de façon durable

279. La vérification environnementale a été intégrée aux activités du Bureau au cours de mon mandat de dix ans comme vérificateur général. Ailleurs dans le présent Rapport, j'ai déjà fait des observations sur ses principales réalisations. Il faut dire que l'évolution de la vérification environnementale a suscité certaines surprises. Par exemple, l'obligation pour les ministères d'élaborer des stratégies de développement durable n'était qu'un élément mineur des changements apportés à la Loi sur le vérificateur général qui ont entraîné la création du poste de commissaire à l'environnement et au développement durable. Cependant, cette obligation a eu des répercussions très importantes en incitant de gros ministères comme la Défense nationale à apporter de profonds changements et à intégrer systématiquement l'environnement à leurs activités et à leurs plans.

280. Les sociétés d'État n'étaient pas incluses dans le mandat initial de vérification environnementale du Bureau, mais certains députés nous ont encouragés à être plus actifs dans ce domaine. En juin 2000, le gouvernement m'a demandé d'effectuer une vérification spéciale des pratiques environnementales de la Société pour l'expansion des exportations. J'ai accepté ce travail et nos constatations seront présentées au conseil d'administration de la Société, au ministre du Commerce international et à la Chambre des communes plus tard cette année.

281. Je crois que notre stratégie, qui consiste à produire des rapports particuliers sur l'environnement et à intégrer des questions environnementales à nos rapports de vérification de l'optimisation des ressources, aide le gouvernement à tenir compte de l'environnement dans toutes ses activités.

Les rapports sur le rendement présentés par les agences sont prometteurs

282. La création d'agences non ministérielles qui, selon leur loi habilitante, sont tenues de déposer au Parlement un rapport sur le rendement vérifié est un autre changement qui touche le Bureau. Les rapports sur le rendement fournissent généralement au Parlement de l'information sur les réalisations de l'agence en regard de ses principaux objectifs. Comme je l'ai mentionné, une fonction importante de la vérification législative consiste à fournir l'assurance que l'information communiquée dans les rapports sur le rendement est fiable. Les nouvelles agences qui doivent produire de tels rapports sont l'Agence des douanes et du revenu du Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence Parcs Canada.

283. Il s'agit là d'un changement très positif. Cependant, les ministères et les nouvelles agences n'arrivent pas toujours à produire des rapports sur le rendement qui répondent entièrement aux attentes à cet égard. Préparer un bon rapport demeure un défi. Nous avons commencé à examiner les rapports actuels et, au fur et à mesure qu'ils évolueront, le Parlement pourrait vouloir obtenir une forme quelconque d'assurance concernant l'information sur le rendement. Nous encourageons le gouvernement à appliquer la loi actuelle afin d'étendre aux sociétés d'État l'obligation de produire de l'information sur le rendement vérifiée.

Les examens spéciaux, les rapports sur le rendement des agences et le Rapport financier annuel du ministre des Finances pourraient tous être utilisés pour rendre les activités du gouvernement plus transparentes aux yeux des Canadiens.

 

Le Rapport financier annuel du ministre des Finances devrait être élargi

284. En réponse à nos suggestions, le ministre des Finances a commencé en 1994 à publier un Rapport financier annuel. Celui-ci donne un aperçu des recettes et des dépenses du gouvernement. Le gouvernement publie également un rapport annuel dans le cadre du processus budgétaire. C'est un outil essentiel qui permet au Parlement d'évaluer la mesure dans laquelle l'activité gouvernementale influe sur l'économie canadienne en général et la façon dont la dette et le déficit sont gérés. Je suis très satisfait de ce qui a été accompli jusqu'à maintenant, mais on peut faire encore mieux. Le Rapport devrait être plus convivial et être conçu pour un auditoire plus large. Malheureusement, le ministère des Finances ne semble pas enthousiaste à l'idée de modifier ce rapport.

La vérification comptable demeure une pierre d'assise

285. Le secteur le plus stable de nos travaux au cours des dix dernières années a été la vérification comptable. Nous avons modernisé nos techniques et réduit nos coûts internes, mais les principes fondamentaux n'ont pas changé. La vérification comptable constituera toujours un aspect fondamental de la vérification législative pour fournir au Parlement l'assurance que l'information communiquée sur les finances du gouvernement est fiable. Si l'on ne dispose pas d'une information financière fiable, il est impossible de débattre de la politique publique, de tenir le gouvernement responsable ou de poser des questions au gouvernement.

286. De plus, les vérifications comptables peuvent permettre de déceler d'autres problèmes et facilitent la surveillance que doit exercer le Parlement. Ainsi, la vérification comptable du Compte d'assurance-emploi a mis en évidence que l'excédent dépassait largement le montant jugé nécessaire par l'actuaire en chef de Développement des ressources humaines Canada, sans que le gouvernement n'ait fourni d'explications adéquates. Notre rapport a provoqué un débat sur l'utilisation de ces fonds et la question n'est pas encore tout à fait réglée.

Il est temps de faire progresser la vérification de l'efficacité

287. En 1977, on hésitait à octroyer au vérificateur général l'autorisation explicite de vérifier l'efficacité des programmes, mais le Bureau a fait ses preuves depuis. Les vérificateurs généraux successifs ont montré qu'ils peuvent rester du bon côté de la frontière entre la politique et la gestion. Il ne devrait plus y avoir d'hésitation à étendre expressément le mandat du Bureau pour inclure la vérification de l'efficacité. Le Parlement en saurait davantage sur les réalisations accomplies en regard des dépenses qu'il a autorisées.

La prochaine étape : une nouvelle Loi sur le vérificateur général?

288. Au cours des années 1990, le rôle de la vérification législative, tel qu'il est défini dans la Loi de 1977, a été renforcé. Le Bureau dépose maintenant des rapports périodiques, et son mandat a été élargi avec l'ajout de la vérification environnementale et de l'évaluation des rapports sur le rendement des agences. Certains ont toujours de la difficulté à accepter le fait qu'un vérificateur législatif puisse s'occuper d'autres choses que de « chiffres », mais je crois que notre rôle actuel est généralement accepté. Nous constatons même une augmentation de la demande pour nos travaux de la part du Parlement. Nous faisons face à l'occasion à une certaine résistance et à un certain nombre de désaccords de la part des représentants du gouvernement, mais les différends ont presque toujours été de nature professionnelle et discutés dans une atmosphère de respect mutuel. En bref, on peut conclure que la vérification législative est maintenant une partie très importante du régime de gouvernement au Canada, comme c'est le cas dans la plupart des pays industrialisés.

Il faut envisager de modifier la Loi sur le vérificateur général pour protéger la vérification législative.

 

289. Le danger est que les choses peuvent aussi bien empirer que s'améliorer. Rien ne permet de penser que le statu quo peut - ou devrait - durer encore dix ans parce que tout s'est bien déroulé jusqu'à maintenant. Comme je l'ai déjà mentionné, un observateur britannique croit que la norme de probité et d'efficience durement acquise au gouvernement pourrait disparaître rapidement si le travail du Bureau du vérificateur était freiné. Nous possédons un bon gouvernement au Canada, mais nous devons veiller à le préserver. Pour s'assurer que la vérification législative continuera de bien fonctionner, il faut envisager de modifier la Loi.

Il faut protéger davantage l'indépendance du Bureau

290. Tout d'abord, il faut protéger davantage l'indépendance du Bureau du vérificateur général. À l'heure actuelle, le Bureau négocie son budget avec les représentants du Conseil du Trésor. Cela n'a pas encore posé de difficulté, mais je crois que c'est une relation non appropriée. Le Bureau pourrait subir des pressions injustifiées et les fonds dont il a besoin pourraient être retenus. En outre, le Bureau doit jouir d'une plus grande autonomie administrative sur le plan de la rémunération de son personnel et des conventions collectives.

291. Le Royaume-Uni jouit d'un meilleur système de financement. Le budget du bureau de vérification est établi sur recommandation d'un comité de députés de tous les partis du gouvernement. Ainsi, les décisions budgétaires sont prises par les bonnes personnes, à savoir les députés du Parlement envers lesquels le vérificateur général est comptable, plutôt que par des fonctionnaires. Je crois que nous pourrions suivre l'exemple britannique, dans les limites de la Constitution canadienne, pour le Bureau du vérificateur général et peut-être pour d'autres mandataires du Parlement également.

Clarifions les règles : qui le vérificateur général doit-il vérifier?

292. De nouvelles agences sont continuellement créées et elles remplissent des fonctions qui faisaient partie des fonctions de base du gouvernement - l'inspection des aliments, les services des parcs, la perception des recettes, entre autres. Le vérificateur général a été nommé à juste titre le vérificateur attitré de ces nouvelles agences. En effet, les organismes établis dans l'intérêt public assument des risques uniques et le vérificateur général possède quant à lui une expertise unique comme vérificateur législatif et il se concentre sur la communication de l'information au Parlement et la protection de l'intérêt public.

293. Cependant, nous devons penser à l'avenir. Des organismes qui ne sont pas vérifiés par le vérificateur général ont été créés, par exemple le Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire et l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Si le Parlement veut réellement jouer son rôle et exercer une surveillance, il doit établir les principes et les lignes directrices qui déterminent quand son vérificateur peut examiner de nouvelles entités et en rendre compte à la Chambre. Les lignes directrices pourraient porter sur les questions suivantes : L'organisme assure-t-il un service de base ou joue-t-il un rôle d'intérêt public important? Le niveau d'intérêt parlementaire pour le programme assuré est-il important? Dans quelle mesure l'organisme dépend-il des ressources publiques et quelle incidence financière a-t-il sur le gouvernement? Les programmes ou le rôle de l'organisme présentent-ils un grand risque pour le gouvernement?

294. De plus, il faut établir le rôle que le vérificateur général doit jouer s'il n'est pas le vérificateur de l'agence. Le vérificateur général devrait-il avoir un accès limité à l'information par l'entremise du vérificateur nommé par l'agence, ou être en mesure de vérifier l'agence directement? Il serait logique d'étudier la question et de déterminer à quel accès le vérificateur du Parlement a droit.

295. En bref, il faut reconnaître que la Loi sur le vérificateur général et les autres dispositions législatives régissant la vérification ne sont pas parfaites. Nous devrions nous pencher sur leur modification éventuelle.

Section IX — Dernières réflexions

296. Mes dix années comme vérificateur général m'ont apporté de grandes satisfactions et, cela n'est pas surprenant, certaines frustrations aussi. Dans de nombreux domaines, nous avons pu produire des changements positifs et l'administration publique s'est beaucoup améliorée au cours de la dernière décennie. Le maintien d'une démocratie saine et d'institutions solides exige des efforts considérables. L'une des principales contributions du Bureau à ce maintien consiste à fournir au Parlement et au public l'information nécessaire pour tenir les ministres et les fonctionnaires responsables de leurs décisions. Notre pays réussit généralement bien à assurer l'honnêteté et l'efficience de l'administration publique, mais le dossier fédéral est loin d'être parfait. Le Canada a tout ce qu'il faut pour devenir un véritable modèle quant à la qualité du gouvernement et de la reddition de comptes; il reste encore beaucoup à faire pour que le gouvernement fédéral devienne ce modèle.

Contribution à la santé financière du gouvernement fédéral

297. Quand je suis entré en fonction comme vérificateur général, les déficits chroniques que le gouvernement fédéral enregistrait m'inquiétaient énormément. À mes yeux, le dossier financier était la clé qui permettrait au gouvernement de mieux répondre aux besoins du pays.

298. Comme nous le savons tous, le gouvernement a amélioré considérablement sa capacité de vivre selon ses moyens et enregistre maintenant des excédents. Je crois qu'il est sur la bonne voie et je tire une certaine fierté de la contribution que le Bureau a faite en veillant à ce que le Parlement ait une image claire du problème. Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation. Le gouvernement a fait des compressions à l'issue d'une action ponctuelle appelée Examen des programmes. Cette action a forcé les politiciens à choisir les services qu'ils voulaient vraiment et qu'ils avaient les moyens d'offrir, et forcé aussi les fonctionnaires à trouver des façons plus efficientes d'effectuer le travail. Les compressions ont été faites, mais le service en a souvent souffert. Comme le gouvernement a maintenant plus d'argent, il peut combler les lacunes des services - mais on court le risque que les programmes ne prennent plus d'expansion que nécessaire et que l'on garde des programmes dont on n'a plus besoin en raison d'une conjoncture favorable. La question n'est pas de savoir si le gouvernement doit augmenter ou non les dépenses de programme, mais s'il existe un processus rigoureux d'examen critique des dépenses. La réévaluation des priorités et la recherche de gains d'efficience suscitées par l'Examen des programmes devraient faire partie intégrante de la gestion du gouvernement. Il faut mettre en place des mécanismes plus rigoureux d'examen critique et de remplacement des programmes.

Le gouvernement est sur la bonne voie en matière de finances mais doit adopter des mécanismes permanents de réforme administrative.

 

299. Au début de mon mandat, je craignais également que Revenu Canada ne puisse concurrencer les fiscalistes auxquels ont recours les grandes sociétés et les riches individus, et qu'il ne se laisse dépasser. L'observation de la loi posait toujours un problème, mais en relevant les inéquités et en veillant à ce qu'elles soient corrigées, je crois que nous avons contribué à l'intégrité du régime fiscal et à la santé financière du gouvernement.

La réforme de la gestion des ressources humaines : absence de résultats

300. La gestion des ressources humaines dans la fonction publique a peu changé en 30 ans malgré l'insatisfaction continue, de nombreuses études et des tentatives répétées de réforme. Les règles et les systèmes sont d'une complexité telle que le gouvernement fédéral a besoin de près de quatre fois plus de professionnels de la gestion des ressources humaines par employé que le secteur privé. Il faut deux fois plus de temps pour combler une vacance dans le noyau de la fonction publique que dans d'autres institutions publiques - et de nombreux fonctionnaires estiment que le régime est injuste. Et cela en dépit du fait que le système vise à protéger le principe du mérite.

301. Si la complexité et les retards n'étaient que les seuls problèmes, la situation pourrait être tolérable. Mais il existe d'autres problèmes tout aussi sérieux. Selon le sondage mené en 1999 auprès des employés de la fonction publique, ceux-ci aiment toujours leur travail, sont satisfaits de leur carrière et sont fiers du travail effectué dans leur service, mais des signaux d'alerte existent. Le gouvernement fédéral devient un lieu de travail moins intéressant pour de nombreuses personnes dans des domaines essentiels. D'autres études montrent que les travailleurs du savoir, qui composent 55 p. 100 de la fonction publique contre environ 33 p. 100 il y a 15 ans, jugent leur milieu de travail bureaucratique, marqué par les conflits interpersonnels et des charges de travail inacceptables. Il n'est pas surprenant qu'environ 75 p. 100 d'entre eux aient songé à quitter la fonction publique; ceux qui restent sont plus âgés. Quand les fonctionnaires plus âgés commenceront à prendre leur retraite en grand nombre dans quelques années, il restera trop peu d'employés expérimentés dans la fonction publique pour les remplacer, à moins que des mesures efficaces de recrutement et de perfectionnement ne soient prises.

302. Les frustrations à l'égard du régime ont amené certaines institutions fédérales à renoncer et à s'en retirer. Récemment, des institutions comme l'ancien ministère du Revenu national, qui emploie plus de 50 000 fonctionnaires, ont quitté le noyau de la fonction publique pour devenir des « employeurs distincts ». Je crois que l'un des principaux motifs de leur décision a été le désir de se libérer du régime de gestion des ressources humaines en vigueur dans le noyau de la fonction publique.

303. Un système dont les responsabilités législatives seraient plus décentralisées ne serait peut-être pas mauvais. Jusqu'à maintenant, le Canada a choisi d'adopter un système uniforme de gestion des ressources humaines pour tout le noyau de la fonction publique, mais d'autres pays ont adopté des régimes beaucoup plus décentralisés. Le Canada pourrait faire de même. Les ministères du gouvernement canadien sont suffisamment importants pour offrir des perspectives de carrière à la plupart de leurs employés; qui plus est, quitter son employeur pour aller travailler pour un autre se fait bien dans le secteur privé. Ce qui est important, c'est qu'un changement à ce niveau global soit soigneusement mûri et exécuté délibérément. Il vaut sûrement mieux décentraliser à dessein que de laisser les organismes prendre un à un la décision de le faire.

304. Je suis découragé, je ne le cache pas, par la lenteur de la réforme de la gestion des ressources humaines. Elle justifie que les hauts fonctionnaires du gouvernement y travaillent sans relâche et qu'ils insistent pour obtenir des résultats. Certes, ce sujet a fait l'objet de nombreuses études, mais un grand nombre des questions se sont révélées insolubles sur une longue période. Il ne semble pas y avoir encore de consensus parmi les hauts fonctionnaires en ce qui a trait aux solutions. De plus, les réformes mises en oeuvre au fil des ans se sont surtout attachées à apporter des améliorations sans que soit modifié le cadre législatif actuel. Étant donné que la fonction publique subit en ce moment d'importantes transformations et qu'elle devra relever des défis, je crois que le cadre législatif fondamental mérite d'être revu entièrement. Au cours des deux dernières décennies, la plupart des propositions de réforme ont été l'initiative de hauts fonctionnaires ou ont découlé d'études qu'ils avaient commandées. Je crois que le moment est venu pour le gouvernement d'envisager de procéder à un examen indépendant visant à produire des propositions de réforme et de loi en la matière.

La reddition de comptes est un problème majeur

305. Dans certains domaines, je crois que le pays a besoin de plus de changements. L'un des problèmes les plus importants est l'absence d'une reddition de comptes de la part des gestionnaires des programmes gouvernementaux qui soit vraiment efficace. Bien qu'il existe certains indices montrant que la fonction publique accepte mieux de mesurer les résultats des programmes et que la communication d'information au Parlement s'est quelque peu améliorée, il reste beaucoup de chemin à faire. D'autres pays améliorent rapidement leur reddition de comptes, et le Canada risque de se laisser devancer.

306. Une partie du problème est attribuable à la nature de la politique au Canada. On est peu enclin à divulguer au Parlement et au public la façon dont les programmes gouvernementaux fonctionnent, car si les choses vont mal, cela revient à donner des munitions aux adversaires. Et même lorsqu'un ministre n'est pas personnellement touché par un problème, les hauts fonctionnaires tiennent compte de cette possibilité. Les rédacteurs des rapports sur le rendement du gouvernement semblent s'efforcer d'en dire le moins possible pour ne pas exposer leur ministère à la critique.

307. Bien que les vérificateurs ne soient pas des experts en droit constitutionnel, il me semble que le problème va bien au-delà des individus et paraît enraciné dans la doctrine canadienne de la responsabilité ministérielle. Dans tous les gouvernements modelés sur celui de Westminster, les ministres sont responsables envers le Parlement de l'état de leur ministère. Cependant, contrairement à d'autres pays, le Canada n'a jamais mis à jour cette doctrine pour établir une distinction entre la responsabilité du ministre envers le public et celle des hauts fonctionnaires. À mes yeux, il n'est pas tout à fait réaliste de tenir les ministres responsables de tout en bout de ligne. En règle générale, notre système fait qu'il est difficile d'être ouvert et les parlementaires ont donc beaucoup de difficultés à aborder certaines questions avec les fonctionnaires.

Les ministres et les hauts fonctionnaires devraient considérer les avantages d'une plus grande ouverture.

 

308. Je pense que si les ministres et les hauts fonctionnaires réfléchissaient plus à fond à ce problème, ils verraient que leur véritable intérêt tient dans une plus grande ouverture et une attribution plus claire des responsabilités. Au cours de mon mandat, le ministre de la Santé a donné un exemple positif de la valeur de l'ouverture en affichant sur le site Web de son ministère son plan pour régler les problèmes cernés par nos vérifications. Dans de nombreux autres cas, cependant, les réactions ont été très défensives.

309. Le problème de la non-divulgation des mauvaises nouvelles est exacerbé par la mauvaise qualité des dossiers tenus dans les ministères. On peut attribuer une partie du problème à une certaine paranoïa à l'égard des règles d'accès à l'information et à la réticence traditionnelle des fonctionnaires à conserver en dossier les instructions des ministres ou les discussions entourant les motifs des décisions.

Le Commissaire à l'information a attiré l'attention sur les lacunes graves de la gestion des dossiers.

 

310. La disparition de la piste de vérification traditionnelle rend également la reddition de comptes plus difficile. Les efforts pour réduire les coûts administratifs indirects semblent avoir donné lieu à des compressions disproportionnées dans la gestion des dossiers. Mon collègue, le Commissaire à l'information, a attiré l'attention sur la réduction du nombre de préposés à l'information, de bibliothécaires, de commis aux dossiers et de secrétaires au classement, situation qui, estime-t-il, a contribué énormément à l'absence de discipline dans la gestion des dossiers. Cela nuit non seulement à la capacité du public d'avoir directement accès aux dossiers du gouvernement, mais aussi à la mémoire institutionnelle des ministères. La capacité de vérifier les décisions en souffre également.

311. La piste de vérification est également endommagée par le recours aux technologies de l'information. Autrefois, la correspondance et les documents étaient sur papier et étaient physiquement classés dans le registre central des ministères. Aujourd'hui, les notes internes ont été remplacées par des courriels, qui ne sont pas classés au niveau central et qui s'évaporent lorsqu'il n'y a plus d'espace sur le serveur sur lequel ils sont stockés. La plupart des travailleurs du savoir tiennent de nombreux dossiers importants sur leur propre disque dur, auquel les gestionnaires des dossiers des ministères n'ont pas accès. Tout comme le Commissaire à l'information, je suis d'avis que ces pratiques détruisent peu à peu le fondement de la reddition de comptes au gouvernement fédéral. Je crains que sans l'utilisation de meilleures technologies, il ne devienne plus difficile de savoir comment et pourquoi d'importantes décisions sont prises.

La gestion financière ne s'est pas assez améliorée

312. En 1989, le gouvernement a commencé à établir une stratégie d'information financière. La majeure partie pourrait être en place en 2002 - mais cela n'est pas certain, même après 13 ans. Je ne constate pas de véritables progrès vers l'établissement d'un système de gestion entièrement intégré qui inclut la gestion financière. Jusqu'à tout récemment, la gestion financière était considérée comme un système distinct qui ne préoccupait pas beaucoup les sous-ministres. Tout ce qu'ils devaient savoir, c'était s'il y avait encore de l'argent dans la caisse et si aucune loi ou règlement n'avait été transgressé. La vision prédominante était que tous les fonds votés par le Parlement devaient être dépensés avant la fin de l'exercice. Les grandes décisions - quels programmes mettre en place et comment modifier l'exécution des programmes - étaient souvent prises sans grand souci pour la gestion financière. Les attitudes ont commencé à changer, mais les systèmes de gestion actuels ne reflètent toujours pas ces changements.

313. Dans d'autres pays comme l'Australie, l'affectation des ressources entre les ministères, et au sein des ministères entre les divers programmes, est de plus en plus fonction du respect des objectifs financiers et de rendement. Certains pays, comme la Nouvelle-Zélande, vont même encore plus loin et se servent des objectifs financiers et de rendement pour établir la rémunération des sous-ministres.

Lier la rémunération des hauts fonctionnaires au rendement et aux résultats financiers entraînerait rapidement l'amélioration des systèmes d'information financière.

 

314. Lier le rendement aux coûts pose un autre défi. Cela est difficile mais essentiel à la gestion axée sur les résultats. Même si les gestionnaires peuvent soutenir que leurs programmes de développement économique ont créé des emplois, ils doivent savoir combien coûtent ces programmes. La connaissance des coûts des programmes permet de faire des choix plus rationnels. Il est vital que le nouveau système de rémunération en fonction du risque lie la rémunération des hauts fonctionnaires et l'affectation des ressources au respect des objectifs financiers et de rendement. Une telle mesure augmentera automatiquement l'intérêt qu'ont les sous-ministres et les sous-ministres adjoints pour le fonctionnement de leurs systèmes de gestion financière.

Donner suite aux engagements environnementaux

315. Comme dit le dicton, « parler ne coûte pas grand chose ». Bien que le gouvernement fédéral ait réitéré son engagement envers le développement durable - soit d'en arriver à un équilibre entre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux - il continue à avoir des difficultés à tenir ses promesses. Le commissaire à l'environnement et au développement durable a cité l'incapacité des gouvernements fédéral et provinciaux à travailler efficacement ensemble en tant que partie essentielle du problème. Depuis mon entrée en fonction comme vérificateur général, je me préoccupe du manque de coordination au sein du gouvernement fédéral. D'une certaine façon, le problème s'est aggravé, puisque les programmes supposent de plus en plus de partenariats entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

316. L'ancien commissaire à l'environnement et au développement durable a cité l'échec de la gestion du smog pour réduire la pollution de l'air comme un exemple de la nécessité de rendre les partenariats fonctionnels. Il a conclu que le gouvernement fédéral avait respecté la majeure partie de ses engagements pour réduire le smog, mais que sa tâche la plus importante, diriger l'effort national, était un échec. Le programme du smog n'est pas un cas isolé. Nous avons cerné des problèmes dans la gestion par le gouvernement de questions essentielles comme le changement climatique, les substances toxiques et la biodiversité. Les engagements pris envers les Canadiens ne sont pas respectés.

Les partenariats entre le gouvernement fédéral et les provinces pour la gestion de l'environnement doivent être fondés sur des responsabilités claires.

 

317. Le gouvernement fédéral doit trouver des façons d'améliorer ses propres résultats en matière d'environnement, et lorsque d'autres ordres de gouvernement ont aussi des responsabilités en vertu de la Constitution, il doit également exercer un leadership à l'échelle nationale. Bien que les questions partagées soient plus difficiles à gérer en raison de notre système fédéral, il ne faut pas pour autant accepter une gestion inefficiente ou inefficace. C'est une question délicate, mais comme d'autres secteurs importants où les compétences sont partagées, l'environnement doit être géré de façon cohérente au pays.

Observations plus personnelles

318. L'opinion cynique voulant que notre système fédéral de gouvernement ne puisse être changé est fermement ancrée dans certains milieux. Certes, il est vrai qu'il faut plus de temps que nous le voudrions pour changer des choses, mais des changements se sont néanmoins produits dans un certain nombre de secteurs importants.

319. Au cours de mon mandat, le gouvernement a pris d'importantes mesures pour réduire la dette et les déficits et améliorer la gestion budgétaire et financière, et commencer à s'attaquer aux problèmes environnementaux. Les défis auxquels les gestionnaires au gouvernement fédéral sont toujours confrontés sont faciles à résumer - effectuer un examen continu des programmes, rendre véritablement des comptes et améliorer la gestion des ressources humaines et financières. J'encourage le gouvernement - et le prochain vérificateur général - à garder ces questions au premier rang de leurs préoccupations lorsqu'ils établiront leurs priorités.

320. J'invite également les personnes qui sont devenues cyniques au sujet de leur gouvernement à changer d'avis. Nos institutions représentent la meilleure défense des citoyens ordinaires contre certaines tendances qui exigent une action collective pour les atténuer - je place les préoccupations d'ordre économique, social et environnemental dans cette catégorie. Nos institutions publiques sont également la meilleure défense contre le pouvoir des groupes d'intérêt qui souhaitent obtenir des privilèges par des lois ou être simplement libres de faire ce qu'ils veulent. Nos institutions sont importantes. La politique est importante. Il est de notre devoir, en tant que citoyens, de renforcer les institutions du gouvernement. Ceux d'entre nous qui sont ou ont été au sein du système ont le devoir de veiller à ce que nous demeurions comptables de nos actions et des vastes ressources qui nous ont été confiées.

321. Enfin, j'aimerais dire au revoir à tous ceux avec qui j'ai travaillé au cours des dix dernières années. Je suis redevable du niveau extrêmement élevé de compétence et de dévouement au travail que j'ai trouvé chez mes collègues au Bureau du vérificateur général. J'aimerais également remercier les ministres et les fonctionnaires du respect qu'ils ont manifesté envers le Bureau et envers moi, et de leur travail acharné pour mettre en oeuvre les recommandations que nous avons faites. Finalement, je suis reconnaissant d'avoir eu cette occasion unique de servir le Parlement et la population canadienne.