L'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne

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Introduction

Objet de l'examen

2.1 En 1976, à l'issue d'une étude des pratiques de gestion et de contrôle financiers de certaines sociétés appartenant à la Couronne, menée dans toute l'administration fédérale, nous avions conclu que :

Dans le cas de la plupart des sociétés de la Couronne vérifiées par mon Bureau, la gestion et le contrôle financiers sont faibles et inefficaces. En outre, la coordination et l'orientation provenant des organismes centraux du gouvernement visant les pratiques de gestion et de contrôle financiers n'existent pratiquement pas dans ces sociétés.
Cette constatation ainsi que les résultats d'une étude menée l'année précédente sur des pratiques analogues dans les ministères, devait conduire le vérificateur général à exprimer sa profonde inquiétude devant le fait que le Parlement -- et même le gouvernement -- ne contrôlait plus de façon efficace l'utilisation des deniers publics ou semblait près de perdre ce contrôle.

2.2 Depuis cette étude, les sociétés qui appartiennent à la Couronne ont fait l'objet d'examens importants de la part du Comité des comptes publics, du gouvernement et d'une commission royale d'enquête. Ces examens ont fait ressortir les mêmes problèmes que notre étude et, tout comme elle, ils ont recommandé que des mesures soient prises sans tarder pour mettre en place un cadre législatif convenable pour la direction, le contrôle et l'obligation de rendre compte des sociétés qui appartiennent à la Couronne.

2.3 Voilà six ans que le Bureau a signalé l'existence de lacunes importantes dans le contrôle et l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne et qu'il s'est engagé à rendre compte au Parlement des progrès réalisés. Bien que plusieurs projets de loi aient été préparés, que des modifications à la Loi sur l'administration financière aient été présentées au Parlement et que d'autres initiatives furent entreprises, le cadre législatif réclamé d'urgence n'est toujours pas en place. En l'absence de mesures concrètes pour régler les questions de contrôle et de l'obligation de rendre compte ayant trait aux sociétés propriété de la Couronne, nous estimons qu'il est temps d'examiner les progrès accomplis depuis 1976 et d'exposer notre point de vue sur la manière dont l'obligation de rendre compte peut être améliorée.

Portée de l'examen

2.4 Notre examen porte sur les sociétés appartenant exclusivement à la Couronne qui ne sont pas assujetties à la même obligation de rendre compte que les ministères fédéraux. Il porte principalement sur l'obligation de rendre des comptes au Parlement et au gouvernement, l'accent étant mis sur les structures et les mécanismes officiels. Nous n'avons pas étudié le rôle et les pratiques de la gestion interne ou des conseils d'administration.

2.5 Plusieurs lacunes décelées par le Bureau dans le cours normal des vérifications portant sur les sociétés appartenant à la Couronne et les ministères connexes, ainsi que par d'autres enquêtes, ont été incorporées à ce chapitre afin d'illustrer les problèmes susceptibles de se présenter, et de mettre en évidence le besoin de mesures correctives rapides.

SOMMAIRE

2.6 Le gouvernement choisit de plus en plus la forme légale de la société pour atteindre des objectifs de politique publique. Il existe toute une variété de sociétés propriété de la Couronne et de mécanismes pour rendre compte. Tout en représentant une proportion appréciable de l'ensemble des activités de l'État, les activités de ces sociétés sont beaucoup moins visibles aux yeux du public que les activités des ministères. Avec des éléments d'actif d'environ $ 67 milliards, un passif dépassant $ 57 milliards, des dépenses annuelles supérieures à $ 30 milliards, ainsi que des effectifs plus nombreux que ceux des ministères fédéraux, les sociétés propriété de la Couronne doivent avoir un meilleur cadre pour leur permettre de rendre compte de leurs activités tant au Parlement qu'au gouvernement. Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'administration financière de 1951, ces sociétés ont pris de plus en plus d'importance (p. ex. VIA Rail, CN Marine, Petro-Canada et Postes Canada). Cependant, le cadre de l'obligation de rendre compte n'a pas suivi la même évolution.

2.7 Les rapports du vérificateur général de 1975 et de 1979, le rapport de 1979 de la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité (la commission Lambert) et divers rapports du Comité permanent des comptes publics ont souligné la nécessité de mettre en place un cadre amélioré de contrôle parlementaire et de l'obligation de rendre compte. Le gouvernement a reconnu cette nécessité dans les propositions qu'il a présentées dans le document de 1977 intitulé Corporations de la Couronne : direction, contrôle, imputabilité et dans deux initiatives législatives, le projet de loi C-27 en 1979 et le projet de loi C-123 (Partie V) en 1982. Toutefois, au cours des six dernières années, les progrès réels vers une amélioration de l'obligation de rendre compte ont été assez limités, notamment à l'égard du Parlement.

2.8 Le mandat et les objectifs de politique sont souvent définis en termes vagues lors de la création d'une société appartenant à la Couronne. Aussi peut-on avoir de sérieuses raisons de se demander si ces sociétés peuvent rester, ou être maintenues dans le cadre de leur mandat et atteindre les objectifs publics visés par le Parlement et le gouvernement. Le Parlement évalue rarement les progrès accomplis dans la réalisation de leur mandat ou s'il convient de maintenir un mandat approuvé antérieurement. Cela est peut-être dû au fait que les objectifs impartis à une société propriété de la Couronne dans son mandat sont rarement exprimés par le gouvernement en priorités et en buts particuliers. Parfois, le gouvernement ne reçoit pas de renseignements suffisants pour juger si la plupart des sociétés qui appartiennent à la Couronne atteignent ou non les objectifs qui leur sont fixés, et l'information présentée au Parlement n'est pas du tout satisfaisante.

2.9 Le Bureau reste très préoccupé par la qualité de la surveillance et du contrôle exercés par le gouvernement sur les sociétés propriété de la Couronne. Par exemple, le système de classification prévu aux termes de la Loi sur l'administration financière répartissait les sociétés d'État en fonction du degré de contrôle requis. Ce système n'a pas été mis à jour depuis 1951. On n'a pas effectué les reclassifications nécessaires, peut-être à cause de l'absence d'examen périodique qui indiquerait la nécessité d'un contrôle plus ou moins strict ou du fait qu'il n'existe aucun critère explicite de classification. Un certain nombre de sociétés qui appartiennent à la Couronne ne figurent pas dans la classification de la Loi sur l'administration financière. Le document publié en 1977 par le gouvernement sur les sociétés de la Couronne indiquait que ce dernier avait amorcé une étude des entreprises mixtes et qu'il présenterait dès que possible des propositions relatives de rendre compte de ces entités envers le gouvernement et le Parlement. Ces propositions n'ont as encore été présentées au Parlement.

2.10 La surveillance et le contrôle exercés par le gouvernement sur les sociétés propriété de la Couronne sont quelque peu limités par la faiblesse latente de la coordination entre le ministère responsable et certains organismes centraux tels que le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère des Finances. Le gouvernement a déclaré que les modifications à la Loi sur l'administration financière proposées dans le projet de loi C-123 clarifieraient et renforceraient les responsabilités respectives des parties en cause.

2.11 Les sociétés désignées comme mandataires de Sa Majesté avaient, au 31 mars 1982, environ $ 13 milliards d'emprunts et d'autres dettes envers des créanciers autres que le gouvernement. Ce passif du gouvernement du Canada ne figure pas dans les comptes du Canada parce qu'il est censé être, et il l'est en pratique, remboursé directement par les sociétés. Il est déclaré dans les états financiers du Canada sous forme de note. Même si l'actif des sociétés dépasse le passif, le fait que celui-ci ne figure pas dans l'État de l'actif et du passif du gouvernement du Canada risque de donner aux lecteurs une idée fausse de la dette totale du gouvernement canadien. L'ampleur des emprunts des sociétés appartenant à la Couronne amène à s'interroger sur l'effet qu'ils peuvent avoir sur les marchés financiers canadiens et sur la capacité de ceux-ci de satisfaire les besoins de crédit d'autres emprunteurs.

2.12 Les vérifications législatives des sociétés en propriété exclusive visent à assurer le Parlement que les états financiers présentent fidèlement la situation financière de la société, que les activités des sociétés ont été conformes au mandat prescrit dans la Loi et que les fonds ont été dépensés aux fins prévues. Ces vérifications ne visent pas à donner, et elles ne donnent pas, l'assurance que les fonds ont été bien dépensés et qu'on en a eu pour son argent. Le Comité des comptes publics a reconnu qu'une vérification de portée plus large fournirait une meilleure assurance. Nous estimons que le Parlement et les contribuables du Canada veulent que des examens indépendants soient menés afin de les assurer que, lorsque des fonds publics sont dépensés, ils le sont à bon scient. Ces examens, menés par des tierces parties indépendantes, contribuent à maintenir le degré nécessaire d'autonomie des sociétés appartenant à la Couronne. Des vérifications intégrées ou de portée plus large ont été effectuées dans un certain nombre de sociétés propriété de la Couronne. Cependant, ceci ne peut être assuré pour toutes les sociétés appartenant en propriété exclusive à la Couronne tant que des dispositions législatives ne l'exigent pas.

2.13 Étant donné que les améliorations à apporter au cadre de l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne n'ont pas encore été réalisées, nous nous inquiétons sérieusement et nous craignons même que :

le Parlement ne soit de plus en plus coupé dune partie croissante des activités de l'État. Le recours, de plus en plus fréquent à des sociétés propriété de la Couronne pour exécuter une gamme grandissante d'activités de l'État, a épuisé les possibilités du cadre existant de l'obligation de rendre compte, à tel point que le Parlement n'est peut-être plus en mesure d'exercer ses responsabilités fondamentales de surveillance des recettes et des dépenses de fonds publics.

Recommandations

2.14 Des recommandations visant à améliorer l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne figurent au chapitre 5 du rapport annuel de 1976 et au chapitre 8 du rapport annuel de 1979. Beaucoup d'autres recommandations apparaissent dans le rapport final de la commission Lambert et dans de nombreux rapports déposés par le Comité permanent des comptes publics. Vu l'existence de cet ensemble de documents susceptibles d'être consultés et utilisés, les recommandations générales qui suivent sont celles qui, selon nous, exigent des mesures rapides.

2.15 Il faudrait élaborer une législation générale relative à l'obligation de rendre compte des sociétés propriété de la Couronne, dont les dispositions porteraient sur chacun des éléments suivants : autorisation et mandat, financement, direction, contrôle et rapports. Cette législation stipulerait que ces sociétés doivent faire l'objet de vérifications intégrées.

2.16 Le Parlement devrait se pencher sur les questions de contrôle et d'obligation de rendre compte des entreprises mixtes et des autres sociétés associées ou entités dont la Couronne est actionnaire.

Données de base

Généralités

2.17 Le gouvernement dispose de plusieurs types d'instruments de politique publique pour atteindre de grands objectifs d'ordre économique, social ou culturel ou d'autres objectifs nationaux. Des moyens indirects tels que la politique fiscale et la réglementation du gouvernement peuvent servir à atteindre des objectifs en influant sur les programmes et les activités d'autres organismes des secteurs public et privé. Le gouvernement peut aussi choisir de poursuivre ses objectifs de manière plus directe, par les programmes et les activités de deux grandes catégories d'organisation. Dans ce cas, les objectifs peuvent être atteints par les activités des ministères et organismes ou par l'entremise de sociétés possédées ou contrôlées par la Couronne.

2.18 Le choix du statut de société n'est pas sans conséquences pour le gouvernement et le Parlement puisqu'il influe sur la direction, le contrôle et l'obligation de rendre compte de l'organisme.

2.19 Au Canada, comme dans nombre d'autres pays, le recours à des sociétés pour atteindre des objectifs de politique publique a pris naissance au XIXe siècle, quand l'État est devenu propriétaire de canaux, de ports et d'entreprises ferroviaires. Le début du XXe siècle a vu l'État étendre son rôle de propriétaire dans le secteur des transports, puis dans le domaine de la radiodiffusion et de la banque centrale. La Deuxième Guerre mondiale devait accroître la participation des sociétés appartenant à la Couronne dans des activités industrielles telles que les approvisionnements, la construction, la production, la fabrication et la distribution. Les dernières années ont vu s'accroître encore ces activités, qui se sont étendues à l'énergie, aux télécommunications, au financement des exportations et de l'agriculture, ainsi qu'à diverses catégories d'offices de commercialisation, de conseils de recherche et d'octroi de subventions, et d'organismes consultatifs et réglementaires. Dernièrement, les services postaux, qui étaient jusque là un ministère, sont aussi devenus une société.

2.20 Les dispositions législatives qui établissent l'obligation des sociétés de la Couronne de rendre compte de leurs activités, figurent à la Partie VIII de la Loi sur l'administration financière (LAF), dans les lois spéciales créant certaines sociétés et dans la législation générale des sociétés, par exemple la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes. Les ministres exercent, pour le compte de la Couronne, des pouvoirs de direction et de contrôle sur les sociétés appartenant à la Couronne établies par une loi, ou agissent en qualité d'actionnaire fidéicommissaire si la société est constituée en vertu des lois sur les sociétés.

2.21 Les principales dispositions de la LAF concernant le contrôle des activités de la plupart des sociétés propriété de la Couronne portent sur les budgets d'établissement et d'exploitation. Tous les crédits destinés à des sociétés et les prêts du Fonds du revenu consolidé (FRC), ainsi que les emprunts contractés sur les marchés de capitaux par les sociétés de mandataire, doivent être approuvés par le Parlement, soit de façon globale, au moyen de la loi spéciale créant la société, soit de façon individuelle, au moyen du budget des dépenses.

2.22 À l'heure actuelle, les budgets d'établissement et d'exploitation ainsi que les plans des sociétés, lorsqu'ils existent, sont les principaux documents permettant au gouvernement de contrôler officiellement la mise en oeuvre des objectifs de politique publique et de s'entendre avec les sociétés sur les objectifs à court et à long terme ainsi que sur les stratégies de financement.

Nombre et catégories de sociétés

2.23 En 1981, le Bureau du contrôleur général a dénombré 306 sociétés appartenant en exclusivité ou en partie au gouvernement du Canada (voir la pièce 2.1). Cinquante-sept de ces sociétés mères figuraient comme sociétés de la Couronne dans les annexes de la Loi sur l'administration financière. Vingt-deux autres sociétés mères ne sont pas énumérées dans cette loi. La pièce 2.2 indique de quelles catégories il s'agit, en donne une description et des exemples.

(Ces pièces ne sont pas disponibles)

Taille et incidence

2.24 Les sociétés appartenant en totalité ou en partie à l'État jouent un rôle considérable. La pièce 2.3 donne une idée de leur taille en 1982. Les données présentées sous-estiment légèrement l'importance des sociétés appartenant à la Couronne dans l'économie canadienne du fait que certains renseignements relatifs aux filiales et aux sociétés associées n'étaient pas disponibles et que certaines sociétés filiales n'étaient pas consolidées.

(Cette pièce n'est pas disponible)

2.25 En 1982, les sociétés appartenant à la Couronne, y compris les sociétés de département, employaient plus de 263 000 Canadiens, avaient un actif déclaré d'environ $ 67 milliards et des dépenses de plus de $ 30 milliards (voir la pièce 2.3). Leur passif s'élevait à plus de $ 57 milliards. Même si l'on exclut les sociétés de département puisqu'elles sont contrôlées au même titre que les ministères et que leurs activités sont déclarées dans les états financiers sommaires du Canada, les chiffres relatifs aux autres sociétés propriété exclusive de l'État sont considérables.

(Cette pièce n'est pas disponible)

2.26 Les ministères fédéraux, de leur côté, employaient 221 000 fonctionnaires (sans compter les 84 000 membres des Forces armées et les 18 000 de la GRC) et avaient dépensé plus de $ 75 milliards en 1982. Les sociétés appartenant à la Couronne, non compris les sociétés de département, employaient plus de travailleurs que les ministères et avaient des dépenses s'élevant à environ 28 % des dépenses budgétaires ministérielles. Dans certains domaines comme l'agriculture, les communications, l'énergie, le développement industriel et les transports, les activités menées par les sociétés appartenant à la Couronne et par les sociétés entièrement contrôlées sont d'une importance comparable ou supérieure à celles des ministères dont elles relèvent.

2.27 Les sociétés propriété de la Couronne ont une taille extrêmement variable : elles vont d'organismes inactifs comme l'Office du développement et des prêts aux municipalités et Uranium Canada Limitée à des organismes financiers de premier plan comme la Banque du Canada, la Société canadienne d'hypothèques et le logement, la Société pour l'expansion des exportations, la Société du crédit agricole et la Banque fédérale de développement et à d'importantes entreprises non financières telles que les Chemins de fer nationaux, Petro-Canada, Air Canada et Postes Canada.

2.28 Nombre des sociétés propriété de la Couronne, petites ou grandes, jouissent d'un monopole ou occupent une position dominante dans un secteur de l'économie. Parmi les sociétés ayant un monopole, citons la Banque du Canada, la Commission canadienne du blé et Postes Canada (pour les lettres), Les Chemins de fer nationaux du Canada, Air Canada, Téléglobe Canada et la Société Radio-Canada font partie des sociétés propriété de la Couronne qui ont une position dominante ou significative dans un secteur donné de l'économie.

2.29 Bien que le ministère reste la forme d'organisation classique et la plus importante pour les activités de l'État, il est évident que les sociétés qui appartiennent à la Couronne représentent elles aussi un moyen important d'atteindre les objectifs de politique publique.

Progrès accomplis

Chronologie

2.30 Au cours des six dernières années, un certain nombre d'examens importants ont porté sur le cadre existant de l'obligation de rendre compte des sociétés appartenant à la Couronne et plusieurs mesures importantes ont été prises en vue de l'améliorer. Pour juger des progrès accomplis, on fera ici la rétrospective et l'analyse des événements marquants.

2.31 Rapport du vérificateur général de 1976. En 1975-76, le Bureau a examiné les pratiques financières des sociétés de la Couronne vérifiées par le vérificateur général. On constata que les pratiques des sociétés en matière de gestion et de contrôle financiers ne permettaient pas au Parlement, au gouvernement ni à la direction des sociétés de contrôler les dépenses de fonds publics. Par exemple, le gouvernement ne possédait pas une liste de toutes les sociétés qui lui appartenaient ou dans lesquelles il avait une participation appréciable. Pour remédier à la situation, le vérificateur général proposa des améliorations à la gestion et au contrôle financier des sociétés de la Couronne ainsi qu'à leur obligation de rendre compte au Parlement et au gouvernement.

2.32 Propositions du gouvernement du Canada en 1977. Le rapport de 1977 du Bureau du Conseil privé portait sur la direction, le contrôle et l'obligation de rendre compte des sociétés de la Couronne. Le gouvernement y exposait un ensemble de réformes qui visait à renforcer le rôle des sociétés de la Couronne en tant qu'organisme de l'État devant poursuivre des objectifs de politique publique, tout en maintenant le degré d'autonomie nécessaire à la direction des sociétés pour s'acquitter de ses fonctions. Comme la plupart des réformes nécessitaient une base législative, des ébauches de propositions législatives étaient jointes à l'étude.

2.33 Rapports du Comité des comptes publics. Le Comité permanent des comptes publics a publié un certain nombre de rapports portant aussi bien sur des sociétés de la Couronne particulières que sur l'obligation de rendre compte des sociétés de la Couronne en général. Trois des principaux rapports sont le deuxième rapport du 11 avril 1978 sur les sociétés de la Couronne, le quatrième rapport du 20 février 1981 sur le contrôle et l'obligation de rendre compte des sociétés de la Couronne et le quinzième rapport du 20 mai 1982 portant sur les états financiers de l'Eldorado nucléaire Limitée. Le Comité déclarait que tous les fonds publics nécessitaient une obligation de rendre compte publiquement, peu importe la forme d'organisation qui administrait les fonds. Ses recommandations portaient sur la création, la classification, le financement, les pratiques de gestion financière, les rapports et la vérification des sociétés de la Couronne ainsi que sur les responsabilités des organismes centraux à leur égard. En ce qui concerne la vérification, le quatrième rapport recommandait que le gouvernement présente un projet de loi autorisant le vérificateur général à entreprendre un programme de vérification intégrée parmi les sociétés appartenant en exclusivité à la Couronne.

2.34 Rapport de la Commission Lambert en 1979. La Commission Lambert a mené une vaste enquête sur les meilleurs moyens d'assurer une gestion financière efficace dans l'administration fédérale, y compris les ministères et les organismes de la Couronne. Elle a conclu que le cadre existant de l'obligation de rendre compte n'était pas assez complet pour englober les diverses catégories d'organismes de la Couronne. Elle estimait que la réponse à une grande partie du problème tenait à une bonne classification des organismes. Elle prétendait que, faute de catégories claires, ni le Parlement ni le gouvernement ne réussiraient à s'acquitter de leurs responsabilités de veiller à l'obligation de rendre compte des organismes de la Couronne en tant qu'instruments de la politique publique. Elle recommandait une révision des annexes de la Loi sur l'administration financière et, pour assurer l'obligation de rendre compte des sociétés de la Couronne, elle proposait l'élaboration d'un régime basé sur le mandat, la direction, le contrôle et l'évaluation et la divulgation pour des catégories particulières d'organismes de la Couronne.

2.35 Lettre du Bureau du Conseil privé de 1979. Le 7 mai 1979, le secrétaire du Cabinet et greffier du Conseil Privé adressait une lettre aux présidents des sociétés de la Couronne pour les informer d'une directive du Cabinet imposant des mesures provisoires de contrôle sur les activités des sociétés de la Couronne avant l'élaboration d'une politique générale. Ces mesures provisoires de contrôle portaient sur la création et la cession de filiales, l'approbation des budgets d'établissement le financement auprès de sources privées et l'approbation des nominations de vérificateurs indépendants. Un comité de sous-ministres supérieurs devait être réuni sous la présidence du secrétaire du Cabinet et greffier du Conseil Privé afin d'élaborer une politique des sociétés de la Couronne et de superviser la mise en oeuvre de la directive du Cabinet.

2.36 Rapport du vérificateur général de 1979. Le chapitre 8 de notre rapport de 1979 faisait le point sur l'évolution intervenue depuis le rapport de 1976, comparait les principales constatations du Bureau à celles de la Commission Lambert et exposait les questions qui, selon le Bureau, devaient être prises en considération par le Parlement dans l'examen de l'ébauche de projets de loi sur les sociétés de la Couronne. Le rapport exposait aussi un cadre général sur l'obligation de rendre compte.

2.37 Projet de loi omnibus de 1979 sur les sociétés de la Couronne (C-27). Le 26 novembre 1979, le gouvernement déposait le projet de loi C-27, projet de loi omnibus sur les sociétés de la Couronne. Ce projet s'appliquait à toutes les sociétés en propriété exclusive et à leurs filiales en propriété exclusive. Il visait à corriger plusieurs des lacunes décelées, en matière de contrôle et d'obligation de rendre compte, par le vérificateur général, la Commission Lambert et d'autres rapports. Mais, il ne dépassa pas l'étape du feuilleton.

2.38 La Division des sociétés de la Couronne du Secrétariat du Conseil du Trésor. Une Division des sociétés de la Couronne a été créée en 1979 au Secrétariat du Conseil du Trésor. Elle s'occupe surtout des sociétés appartenant en exclusivité à la Couronne, exception faite des sociétés de département, et elle conseille le président et les membres du Conseil du Trésor sur les soumissions des sociétés ayant trait aux prévisions budgétaires, sur les budgets d'établissement et d'exploitation, et sur d'autres questions nécessitant l'approbation du Conseil du Trésor ou une recommandation au gouverneur en conseil. De plus, la division peut fournir des conseils au président et aux membres du Conseil du Trésor sur les propositions du gouvernement qui entraînent l'affectation directe ou indirecte de fonds publics aux compagnies du secteur privé, ainsi que sur les notes au Cabinet traitant de diverses questions relatives aux sociétés.

2.39 Le Comité d'étude de la politique culturelle fédérale. En août 1980, le Secrétaire d'État créait le comité d'étude de la politique culturelle fédérale dont le mandat comprenait notamment l'étude des sociétés propriété de la Couronne ayant des responsabilités en matière culturelle. Le comité devrait publier son rapport en novembre de cette année.

2.40 Projet de loi organique de 1982 (projet C-123). Le 30 juin 1982, le président du Conseil Privé déposait le projet de loi sur l'organisation du gouvernement, dont la Partie V porte sur les sociétés de la Couronne et autres "sociétés possédées en propriété exclusive par l'État". La législation, qui allait modifier la Partie VIII de la LAF, devait s'appliquer aux sociétés figurant actuellement aux annexes C et D de la LAF et à un certain nombre d'autres sociétés en propriété exclusive. Le gouvernement a rappelé la nécessité de maintenir un juste équilibre entre le contrôle qu'exerce l'État sur ces sociétés et l'indépendance qui convient à leur statut de société et à de bonnes pratiques commerciales. Autre ce projet de loi, le gouvernement prévoyait également la création de services spécialisés s'occupant des sociétés de la Couronne et chargés de faire rapport aux ministres responsables de ces dernières.

2.41 Lettre de 1982 du premier ministre. Le 19 juillet 1982, le premier ministre a adressé une lettre à ses collègues du Cabinet responsables de sociétés appartenant à la Couronne pour fournir de plus amples renseignements sur le projet de loi C-123. Il y indiquait que la politique du gouvernement partait du principe que le gouvernement fédéral, à titre de seul propriétaire des sociétés en propriété exclusive, possédait tous les droits d'un actionnaire unique en vertu de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes et exercerait ces droits par l'entremise du ministre compétent, du Conseil du Trésor et du ministre des Finances. La lettre visait aussi à préciser les tâches des ministres responsables, des comités du Cabinet, du ministre des Finances et du Conseil du Trésor à l'égard de la législation proposée. En plus de clarifier les responsabilités ministérielles, la lettre du premier ministre indiquait que le nouveau cadre et les nouvelles modalités administratives pourraient entraîner un allégement du fardeau de la plupart des sociétés et une accélération sensible des divers processus d'approbation, tout en renforçant la capacité du gouvernement de fournir des directions à ces sociétés et de les tenir responsables.

Analyse des initiatives

2.42 Direction administrative. Dans des rapports antérieurs, nous exprimions notre préoccupation au sujet des orientations données par le gouvernement, l'incertitude entourant le nombre de sociétés appartenant à la Couronne et l'absence d'un cadre convenable d'obligation de rendre compte pour les entités dont l'État n'était pas propriétaire exclusif.

2.43 Directives du gouvernement. Au cours des six années considérées, le gouvernement a publié un certain nombre de circulaires visant à améliorer la direction, le contrôle et l'obligation de rendre compte des sociétés appartenant à la Couronne.

2.44 Ces circulaires représentent une amélioration du fonctionnement du cadre d'obligation de rendre compte des sociétés appartenant à la Couronne. Il faut cependant noter que seules les deux circulaires traitant des budgets d'investissement et des pratiques commerciales portent de façon précise sur l'obligation de rendre compte des sociétés. Les autres traitent davantage de la bonne comptabilisation financière des opérations et des activités des sociétés propriété de la Couronne qui influent sur les comptes publics.

2.45 Une circulaire sur le transfert d'éléments d'actif physiques aux sociétés appartenant à la Couronne est en cours de rédaction et un projet de circulaire a été préparé en vue de rationaliser la structure financière de ces sociétés. Sans nier l'utilité de ces circulaires, nous estimons que cette approche point par point ne saurait remplacer un cadre législatif global.

2.46 Répertoire des sociétés. La première liste visant à répertorier toutes les sociétés appartenant à la Couronne ainsi que les organismes semblables appartenant en totalité ou en partie au gouvernement du Canada ou contrôlés par ce dernier, a été diffusée en mai 1977. Elle avait été établie par le Secrétariat du Conseil du Trésor à la suite des préoccupations suscitées par l'ignorance du nombre exact de sociétés existantes. Cette liste énumérait 366 entités dans lesquelles le gouvernement du Canada avait investi. La liste la plus récente, qui date de novembre 1981, énumère 306 entités (voir la pièce 2.1). La différence entre les deux listes s'explique principalement par la suppression, dans la liste de 1981, d'un certain nombre d'entreprises mixtes et de sociétés associées. Une nouvelle liste devrait paraître en novembre 1982. À notre avis, la surveillance et le rapport au public de ces investissements devraient être effectués par le Conseil du Trésor, qui devrait en faire rapport au moins une fois par an au Comité des comptes publics.

(Cette pièce n'est pas disponible)

2.47 Régime d'obligation de rendre compte pour les sociétés en propriété non exclusive. Dans notre rapport de 1979, nous indiquions que, en raison de l'ampleur des fonds investis par le gouvernement dans ces sociétés d'entreprise mixte et conjointe, il convenait d'étudier les moyens de contrôle et de l'obligation de rendre compte.

2.48 Nous sommes déçus qu'aucune étude de ce genre n'ait encore été faite. Vu que ces entités ont des éléments d'actif et de passif, des revenus et des dépenses qui se chiffrent en milliards de dollars (voir la pièce 2.3), nous jugeons important de mettre en place un cadre approprié permettant de rendre compte au Parlement.

(Cette pièce n'est pas disponible)

2.49 Propositions législatives. Les deux propositions législatives visant à améliorer l'obligation de rendre compte des sociétés appartenant à la Couronne ont été les projets de loi C-27 et C-123 (Partie V). La pièce 2.4 présente un cadre général sur l'obligation de rendre compte inspiré en grande partie du schéma présenté dans notre rapport de 1979, mais comportant en plus les éléments d'autorisation et de financement. Les propositions du gouvernement datant de 1977 et les deux initiatives législatives qui en ont résulté y sont comparées pour montrer dans quelle mesure chacune répond aux composantes de ce cadre.

(Cette pièce n'est pas disponible)

2.50 En novembre 1979, le gouvernement déposait le projet de loi C-27 sur les sociétés de la Couronne. Malgré un certain nombre de lacunes, ce projet de loi représentait un grand pas vers la mise en place d'un cadre global et efficace de contrôle, de direction et d'obligation de rendre compte des sociétés appartenant à la Couronne. Il tenait aussi compte de la plupart des recommandations faites depuis 1976 par notre Bureau, le Comité des comptes publics et la commission Lambert.

2.51 La Partie V du projet de loi C-123 n'adopte pas la même approche globale que le projet de loi C-27. Elle ne traite que des situations qui doivent, selon le gouvernement, être corrigées de toute urgence.

2.52 Il est difficile d'analyser la Partie V du projet de loi C-123 parce qu'on ne sait pas bien comment seraient utilisés les pouvoirs discrétionnaires étendus que propose le projet de loi en matière administrative. Par exemple, la notion "d'accord unanime des actionnaires" envisagée à l'article 66.11 pourrait servir à orienter les sociétés de la Couronne sur une vaste gamme de questions et à corriger bon nombre des lacunes relevées depuis 1976. En l'absence d'indications claires du gouvernement sur l'emploi de ces pouvoirs, nous ne pouvons dire dans quelle mesure la mise en oeuvre du projet de loi C-123 répondra aux recommandations passées et aux préoccupations actuelles.

2.53 À part cela, nous sommes alarmés de voir dans quelle mesure le projet de loi C-123 néglige le rôle du Parlement dans le contrôle, la direction et l'obligation de rendre compte des sociétés de la Couronne. Par exemple, le projet de loi :

Nécessité d'améliorer le cadre d'obligation de rendre compte

2.54 Trois parties principales interviennent dans le processus de l'obligation de rendre compte des sociétés : le Parlement (pour l'autorisation législative et l'examen), le gouvernement (pour la coordination centrale, la direction et le contrôle) et la direction des sociétés, y compris les conseils d'administration et les cadres supérieurs (pour la politique des sociétés, leurs activités et le compte rendu des résultats).

2.55 Le Parlement a pour rôle de tenir aussi bien le gouvernement que chaque société, par l'entremise du ministre compétent, responsables des ressources publiques qui leur sont confiées.

2.56 Le rôle du gouvernement qui consiste à assurer la coordination, la direction et le contrôle des sociétés, a aussi pour but de protéger les fonds publics et d'atteindre les objectifs de la politique publique. Les sociétés appartenant à la Couronne profitent de certains avantages tels que :

Pour réduire les abus possibles et les risques inhérents à l'octroi de ces privilèges, le gouvernement impose des contraintes et des mesures de contrôle susceptibles de limiter l'autonomie des sociétés. Pour s'assurer de la réalisation des objectifs de politique publique, le gouvernement doit en surveiller la mise en oeuvre.

2.57 Les sociétés appartenant à la Couronne se soucient à juste titre d'obtenir des résultats financiers satisfaisants. Elles doivent aussi assumer la mise en oeuvre des objectifs approuvés de politique publique.

2.58 La nécessité d'un bon cadre de l'obligation de rendre compte pour les sociétés de la Couronne en propriété exclusive est évidente, en particulier si l'on tient compte du nombre et de la diversité des sociétés, de la taille et de l'incidence de cette forme d'organisation et des nombreuses fins auxquelles ces sociétés sont utilisées. Ce cadre peut être décrit en fonction de cinq grands éléments; autorisation et mandat, financement, direction, contrôle, rapports. La vérification, autre élément important de l'obligation de rendre compte, est étudiée à part.

2.59 Dans les sections qui suivent, nous entreprenons :

Autorisation et mandat

2.60 Le cadre. On entend par "autorisation" la création de sociétés propriété de la Couronne, puis la détermination, l'approbation et l'attribution de grands objectifs, de pouvoirs et de responsabilités à ces sociétés.

2.61 Lors de la création d'une société, on devrait déterminer ses fins, les motifs du choix du statut de société, ses pouvoirs, rôles et responsabilités, la portée de la vérification indépendante requise et la façon dont est choisi le vérificateur. Le Parlement, après délibération, devrait donner suite aux recommandations du gouvernement en adoptant la loi constituante de la société ou en approuvant sa constitution sous le régime de la législation générale des sociétés.

2.62 Une fois la société en activité, le ministre compétent devrait rendre compte au Parlement de l'exécution des activités de la société. Le gouvernement, avec la participation des organismes centraux, devrait étudier ces rapports, évaluer les progrès et, au besoin, proposer au Parlement des modifications législatives touchant le but et les pouvoirs de la société. Le Parlement devrait alors étudier ces propositions et statuer à leur sujet. La participation du Parlement, tant à la création qu'à la supervision permanente des sociétés qui appartiennent à la Couronne, est indispensable à une obligation de rendre compte efficace.

2.63 Questions. Notre examen du cadre existant d'obligation de rendre compte nous a amené à poser les questions suivantes :

2.64 Exemples. Nos activités régulières de vérification ont révélé un certain nombre de cas où le Parlement n'avait pas eu la possibilité d'étudier et d'approuver la création de sociétés appartenant à la Couronne :

2.65 Les Chemins de fer nationaux du Canada offrent un exemple de mandat très vaste qui est accordé aux sociétés de la Couronne. L'article 31 de la Loi de 1955 sur les Chemins de fer nationaux du Canada accorde au CNR un mandat presque illimité pour acquérir des titres d'autres sociétés :

La Compagnie du National peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, acquérir, détenir, garantir, nantir et aliéner des actions de capital, des obligations, billets, valeurs ou autres obligations contractuelles quelconques d'une compagnie de chemin de fer, ou d'une compagnie de transport, de navigation, de tête de ligne, de télécommunication, de messagerie, d'hôtel, d'électricité ou d'énergie, ou de toute autre compagnie autorisée à faire des opérations se rattachant au fonctionnement d'un chemin de fer, ou des opérations qui, de l'avis du conseil d'administration, peuvent être faites dans l'intérêt de la Compagnie du National.
2.66 Conclusions. La cadre législatif existant qui régit la création et la surveillance des sociétés de la Couronne et au besoin, la modification du recours à cette forme d'organisation pour atteindre des objectifs de politique publique, peut faire l'objet d'abus. Le besoin de prendre des mesures rapides sert de prétexte pour éviter de demander l'autorisation du Parlement.

2.67 Le projet de loi C-123 exigera une autorisation parlementaire au moyen d'une résolution négative pour la création de sociétés propriété de la Couronne par des ministres. Cependant, il limitera strictement la durée des débats permis. De plus, le projet de loi, dans sa version actuelle, continuera d'autoriser la création de sociétés de la Couronne mères et de filiales par des "personnes morales", c'est-à-dire d'autres sociétés appartenant à la Couronne, sans examen parlementaire.

2.68 Le fait que le Parlement n'a peut-être pas l'occasion voulue ni les renseignements suffisants pour examiner et approuver la création de sociétés, ou une participation à des sociétés de ce genre, pour atteindre des objectifs de politique publique, nous occasionne une certaine inquiétude.

Financement

2.69 Le cadre. Le financement devrait permettre à chaque société propriété de la Couronne de disposer des ressources financières nécessaires pour s'acquitter de son mandat, sous réserve bien entendu des capacités du Fonds du revenu consolidé et des priorités du gouvernement.

2.70 Le financement influe sensiblement sur le rendement des sociétés qui appartiennent à la Couronne. Le gouvernement devrait évaluer les besoins financiers et formuler des recommandations au Parlement au sujet de la forme de financement (par actions, prêts, crédits, et.), le calendrier et les pouvoir de financement, la désignation à titre de mandataire de Sa Majesté ainsi que les rôles et responsabilités connexes. Lorsque la nécessité d'un financement supplémentaire par des fonds publics peut être clairement démontrée, le gouvernement devrait recommander au Parlement la forme, le montant et le calendrier de ce financement.

2.71 Le Parlement, avant de statuer sur ces propositions de financement, devrait recevoir des renseignements précis sur les effets directs ou indirects que le financement proposé est susceptible d'avoir sur le les fonds publics. Le contrôle permanent du gouvernement sur les engagements, les emprunts et les dépenses devrait s'effectuer au moyen d'un examen et de l'approbation des budgets d'exploitation et d'investissements, et de l'obtention de renseignements complets et à jour sur les résultats financiers de la société. La société est responsable en premier lieu de veiller à la bonne gestion des ressources financières et à la déclaration de dividendes, s'il y a lieu. L'une de ses principales responsabilités devrait être aussi de faire rapport au Parlement sur l'emploi des fonds accordés.

2.72 Questions. Notre examen du cadre existant d'obligation de rendre compte nous a amené à poser plusieurs questions :

2.73 Exemples. Autorisation des crédits par le Parlement. Le Parlement peut autoriser des sociétés appartenant à la Couronne à faire des retraits à même le Fonds du revenu consolidé à diverses fins :

Au cours de l'exercice 1981-1982, l'aide financière apportée à des sociétés propriété de la Couronne au titre de crédits budgétaires s'est élevée à $ 6,5 milliards, soit environ 9% des dépenses budgétaires totales. Notre examen a révélé un certain nombre d'incohérences et d'anomalies tant dans la divulgation que dans l'utilisation des crédits parlementaires.

2.74 Utilisation des fonds. Un exemple des incertitudes entourant les crédits parlementaires apparaît dans les crédits accordés à la Commission de la capitale nationale en 1980 et 1981. En 1981, la Commission a reçu $ 35,9 millions ($ 31,6 millions en 1980) au titre du crédit 45 pour ses dépenses nettes de fonctionnement. Comme le révélait notre rapport de 1981, $ 2,9 millions ($ 2,6 millions en 1980) de cette somme n'avaient pas été dépensés par la Commission au 31 mars 1981; à notre avis, ce montant aurait dû être déclaré dans les états financiers comme un élément de passif à court terme, à cette date, et être restitué au FRC au lieu d'être conservé par la Commission.

2.75 Au cours de l'exercice terminé le 31 mars 1982, la Commission s'est servie du solde non dépensé de $ 2,9 millions ($ 2,6 millions en 1980) sur le crédit de 1980-1981 pour rembourser des prêts accordés par le Canada. À notre avis, cette somme aurait dû, soit servir aux dépenses de fonctionnement, conformément à l'autorisation parlementaire, soit être restituée au FRC à titre de remboursement de fonds périmés. En fait, l'utilisation de fonds attribués à des dépenses de fonctionnement pour rembourser des prêts équivaut à un crédit supplémentaire sans autorisation du Parlement.

2.76 Dans notre rapport de vérification présenté au ministre des Travaux publics, notre opinion sur les états financiers de la Commission pour l'exercice terminé le 31 mars 1982 comportait une restriction en ce sens, comme l'exige la Loi sur l'administration financière.

2.77 Changements de formulation des crédits . Le libellé des crédits peut avoir d'importantes conséquences : a savoir si les fonds périmés à la fin de l'exercice doivent être remboursés au Fonds du revenu consolidé. Ainsi, pour les exercices financiers terminés le 31 mars 1981 et 1980, le Bureau a exprimé des réserves sur les états financiers de la Commission de la capitale nationale parce que la Commission n'avait pas remboursé les fonds périmés comme l'exige la Loi portant affectation de crédits et la LAF. Les crédits de 1981-1982 effacèrent toute incertitude quant au remboursement des fonds périmés en introduisant les mots "paiement à" dans le libellé des crédits. Ceci permet de considérer les fonds comme une contribution et autorise donc l'organisme à les conserver. Le but du crédit demeure le même : couvrir une partie des dépenses annuelles d'exploitation. Un simple changement de mots ne devrait pas modifier la nature d'un crédit ni réduire les pouvoir du Parlement de s'assurer que les fonds sont bien utilisés aux fins autorisées. Dans ces circonstances, le contrôle du Parlement se trouve amoindri car les crédits annuels risquent d'être utilisés à des fins autres que celles autorisées par le Parlement.

2.78 Gestion de l'encaisse. La Société de développement du Cap-Breton est une société de la Couronne financée par des crédits accordés pour les pertes subies dans l'exploitation des mines de charbon, pour des frais de développement industriel et des investissements. Elle rend compte au Parlement par l'entremise du ministère de l'Expansion économique régionale (MEER). En 1981-1982, l'ensemble des fonds versés par le Canada à la société s'est élevé à $ 133 millions ($ 108 millions en 1980-1981). Pour les dépenses en capital de la division du charbon, le Canada accorda des crédits -- versés par le MEER -- de $ 60,4 millions en 1980-1981 et de $ 98,5 millions en 1981-1982. La société n'a toutefois fait rapport que des dépenses en capital de $ 29,5 et de $ 72 millions, respectivement, les deux années. Elle a donc reçu pendant les deux exercices $ 158,9 millions, dont $101,5 millions ont été consacrés à des dépenses en capital, soit un paiement net en trop de $ 57 millions de la part du Canada.

2.79 Engagements et lettres d'accord. Un engagement susceptible de mener à l'achat d'un élément d'actif a été contracté par CN Marine, qui a conclu un bail afin d'affréter un navire qui coûtera à la société un minimum de $ 878 000 dollars par an, sans tenir compte de l'inflation. Si la société résilie le bail, elle est obligée d'acheter le navire au plus élevé de sa valeur comptable nette ou de sa juste valeur marchande. Cette entente pourrait conduire au financement, par le gouvernement, de l'acquisition d'un important élément d'actif par une société propriété de la Couronne sans examen préalable de la transaction par le Parlement.

2.80 Les lettres d'accord sont des documents utilisés par les ministères et les organismes pour accélérer l'octroi de prêts par des institutions financières à des sociétés appartenant à la Couronne avant que Sa Majesté ne donne une garantie formelle. Ces lettres sont autorisées par un décret du Conseil et signées par un ministre. Elles expirent donc lorsque Sa Majesté donne sa garantie ou que le prêt est remboursé. En pratique, elles consistent à fournir une garantie sans autorisation parlementaire. Le recours aux lettres d'accord oblige en fait le Parlement à approuver toutes les garanties de prêts accordées de fait par le Canada. Depuis le 31 mars 1982, la plupart des lettres d'accord fédérales ont été remplacées par des garanties de prêts officielles. Un montant de $ 185 millions sous forme de lettres d'accord n'a pas encore reçu l'autorisation du Parlement.

2.81 Statut de "mandataire de Sa Majesté". La plupart des sociétés qui appartiennent à la Couronne sont légalement des mandataires de Sa Majesté du chef du Canada, en vertu soit d'une loi spéciale ou constituante (comme Petro-Canada) ou d'un décret du Conseil pris aux termes de la Loi sur le fonctionnement des compagnies de l'État (comme la Corporation d'investissement au développement du Canada). Les tribunaux peuvent également juger que des sociétés propriété de la Couronne non mandataires sont des mandataires de fait parce qu'elles mènent leurs activités pour le compte du gouvernement, avec l'autorité ostensible de ce dernier. Ainsi, le statut des sociétés incorporées ou acquises par des sociétés de mandataire de la Couronne risque de ne pas être clair.

2.82 Le statut de mandataire, pour les sociétés qui appartiennent à la Couronne, représente un domaine flou de la jurisprudence canadienne. Il est clair que ce statut établit un rapport de mandataire à mandant entre la société en question et la Couronne. Les implications de ce rapport sont toutefois incertaines. On s'entend généralement sur les points suivants :

L'article 45 de la Loi sur l'administration financière stipule que "toute somme d'argent empruntée avec l'intérêt y afférent" par, ou au nom de Sa Majesté, doit être imputée au Fonds du revenu consolidé et payée à même ce Fonds. Les prospectus publiés par de nombreuses sociétés de mandataire de la Couronne font allusion à cette disposition. Le recours au statut de mandataire pour le financement par emprunt revient à soustraire les sociétés propriété de la Couronne à la discipline du marché qui s'applique aux sociétés du secteur privé.
Les sociétés de mandataire de la Couronne peuvent échapper à l'application de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. L'article 16 de la Loi d'interprétation déclare qu'aucune loi fédérale ne lie Sa Majesté ni ne porte atteinte à ses droits ou prérogatives, sauf stipulation expresse du contraire. Plusieurs lois fédérales, notamment la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, ne comportent pas de stipulation expresse à cette fin, de sorte que rien n'y indique qu'elles lient la Couronne. Cette immunité a été confirmée récemment par les tribunaux dans plusieurs jugements.
2.83 Dans son quinzième rapport à la Chambre des communes, le Comité des Comptes publics dénonçait :

dans les termes les plus vigoureux possibles, la forme d'organisation commerciale actuelle des sociétés de la Couronne qui permet au gouvernement de leur verser d'importantes sommes en deniers publics sans en rendre compte au Parlement et au gouvernement.
2.84 Conclusions. Étant donné les incertitudes qui entourent actuellement le statut de "mandataire de Sa Majesté", toute la gamme des implications de ce statut devrait être étudiée et définie dans toute législation relative aux sociétés de la Couronne. Il faudrait envisager un contrôle plus étroit de tous les fonds fournis par le Canada aux sociétés propriété de la Couronne. De plus, devant les incohérences présentées par le libellé et la divulgation des crédits, le niveau du passif des sociétés et les préoccupations exprimées par le Comité des comptes publics, nous concluons qu'il est nécessaire d'améliorer la gestion et le contrôle financiers des sociétés appartenant à la Couronne en raison des effets que peuvent avoir les activités financières de ces sociétés sur l'ensemble des passif du gouvernement du Canada. Il faudrait envisager sérieusement d'inclure les emprunts des sociétés appartenant à la Couronne, mandataires et non mandataires, dans l'état de l'actif et du passif du gouvernement du Canada.

Direction

2.85 Le cadre. On entend par "direction" la communication des priorités du gouvernement et la traduction des buts et pouvoir autorisés pour chaque société appartenant à la Couronne en objectifs opérationnels et en cibles de rendement mesurables.

2.86 Lorsqu'il établit une nouvelle société de la Couronne mère, le gouvernement devrait définir et faire connaître les responsabilités précises de la société et veiller à ce que les rôles et les responsabilités des administrateurs et des dirigeants soient clairement établis. Les responsabilités confiées aux nouvelles filiales en propriété exclusive et aux sociétés contrôlées devraient faire l'objet d'un examen de la part du gouvernement. Il faudrait donner des directions de politique à la société, fixer des cibles de rendement et établir un cadre de communication. Le Parlement devrait connaître et approuver le pouvoir dont disposent les organismes centraux et réglementaires à l'égard des sociétés appartenant à la Couronne. Le cas échéant, les sociétés devraient recommander au gouvernement les changements à apporter au mandat prévu dans la législation et aux buts d'exploitation. Ces changements, une fois approuvés par le Parlement, devraient constituer la base législative des activités futures de la société.

2.87 Questions. Notre examen du cadre actuel d'obligation de rendre compte nous a conduit à poser certaines questions, et notamment :

2.88 Exemples. Directives du gouvernement. Comme il est de règle pour toutes les sociétés appartenant à la Couronne, Air Canada a présenté son budget annuel d'établissement de 1981 à l'examen du Conseil du Trésor. Ce dernier recommanda au gouverneur en conseil d'approuver ce budget, le 22 janvier 1981, à condition qu'Air Canada ne procède à aucun engagement de ses fonds d'éventualités à aucune initiative nouvelle importante sans l'autorisation préalable du Conseil du Trésor. Le 3 septembre 1981, le ministère des Transports avisait le Secrétariat du Conseil du Trésor d'une annonce qu'allait faire Air Canada sur une prise de participation dans une société appelée Innotech Aviation Limitée. Le 4 septembre 1981, un haut fonctionnaire du Secrétariat répondit qu'un préavis d'un jour avant l'achat proposé était contraire à l'esprit de la décision du Conseil du Trésor exigeant une autorisation préalable. Comme l'ont révélé les états financiers d'Air Canada, l'acquisition de 30% d'Innotech Aviation Limitée s'est élevée à quelque $ 4,5 millions et est entrée en vigueur le 1er juillet 1981, sans que le Conseil du Trésor n'ait été avisé et n'ait donné son autorisation préalable.

2.89 Un exemple qui illustre l'imprécision des rôles et des responsabilités est fourni par le Compte d'accroissement du taux de propriété canadienne (CATPC). Dans le cadre du Programme énergétique national de 1981, le gouvernement indiquait qu'il se proposait d'acquérir plusieurs grandes entreprises pétrolières et gazières. Ces acquisitions devaient être faites par l'établissement d'un programme autofinancé, le CATPC. La Loi sur l'administration pétrolière reçut le 23 avril 1981 des modifications imposant les prélèvements voulus pour financer le Compte. Nous avons examiné les opérations du CATPC entre le 1er juillet 1981 et le 31 mars 1981; les conclusions de notre vérification sont décrites plus en détail au chapitre 15.

2.90 Au 31 mars 1982, l'acquisition de Petrofina par Petro-Canada, au coût de $ 1,7 milliard, était en partie fiancée à l'aide de $ 711 millions en provenance du Compte. Nous nous attendions à ce que les parties autorisant l'acquisition disposent de renseignements sur Petrofina, par exemple : la valeur de Petrofina regard du prix payé, les stratégies de rechange pour son acquisition et une évaluation a postériorité de ses avoirs pour déterminer dans quelle mesure "on en avait eu pour son argent". Nous avons demandé ces renseignements au ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources. Le ministère a répondu qu'il incombait à Petro-Canada d'effectuer les analyses de ce genre et qu'il ne convenait pas au ministère de revenir sur une décision de cette société. En résumé, le ministère était d'avis, comme on l'explique au chapitre 15, que c'était à Petro-Canada et non à lui-même, de s'assurer qu'on en avait eu pour son argent. À nos yeux, le fait que le ministère ait avancé $ 1,7 milliards à Petro-Canada sans lui imposer de responsabilités correspondantes suscite de sérieuses questions.

2.91 Conclusions. Le projet de loi C-123 s'efforce de régler la question de la direction et des responsabilités respectives en autorisant le gouverneur en conseil à donner des directives aux sociétés appartenant à la Couronne à titre "d'actionnaire unique". Cependant, rien dans le projet de loi ne prévoit le dépôt de ces directives au Parlement. Le projet de loi permet d'utiliser les plans des sociétés comme moyen de rapprocher les objectifs et priorités du gouvernement des responsabilités des sociétés appartenant en exclusivité à la Couronne. Seul le temps permettra de déterminer dans quelle mesure ce texte législatif, s'il est adopté, clarifiera la question des responsabilités.

Contrôle

2.92 La cadre. Le contrôle exercé par le gouvernement et le Parlement consiste à s'assurer que les activités sont conformes aux lois, aux politiques et aux directives prescrites. Il suppose qu'on accorde une attention suffisante à la nomination et au renvoi des administrateurs et des présidents de manière à bien servir les intérêts du gouvernement et des sociétés.

2.93 Les sociétés qui appartiennent à la Couronne devraient bien comprendre les pouvoir qui leur sont conférés ainsi que les directives du gouvernement, et s'y conformer. La classification de ces sociétés aux termes de la LAF à des fins de contrôle devrait être uniforme et répondre à des critères clairs. Le gouvernement devrait contrôler les activités et le rendement de ces sociétés afin de s'assurer du respect des directives et de la réalisation des objectifs établis. Le Parlement devrait avoir lui aussi la possibilité de déterminer si on seul conforme aux lois, dans quelle mesure on atteint les objectifs énoncés et approuvés et si les responsabilités et les rôles attribués sont justes et convenables.

2.94 Questions. Notre examen du cadre existant d'obligation de rendre compte nous a conduit à poser les questions suivantes :

2.95 Exemples. Un exemple de cas où le gouvernement n'a pas surveillé régulièrement les activités de sociétés appartenant à la Couronne pour déterminer si elles étaient conformes à leurs pouvoir statuaires est fourni par la Commission canadienne du lait (CCL), qui fait des prélèvements sans en avoir l'autorité légale. Des taux de prévèlement sont établis par la CCL afin de défrayer l'élimination des excédents de produits laitiers. Les prélèvements versés par les producteurs, pour l'année de production terminée le 31 juillet 1981, seul sont élevés à $ 134,6 millions, dont $ 7,7 millions ont été perçus directement par la Commission en les déduisant des subsides versés aux producteurs. Les autres prélèvements sont déduits des paiements faits par les entreprises de transformation aux producteurs, à la livraison de lait industriel, et sont remis aux offices provinciaux de commercialisation qui les transmettent par la suite à la Commission.

2.96 L'alinéa 12(f) de la Loi sur la Commission canadienne du lait habilite le gouverneur en conseil à

"établir des règlements portant sur la commercialisation de tout produit laitier, notamment des règlements... autorisant la Commission à fixer, imposer et percevoir des droits ou taxes que doivent verser les personnes qui seul livrent à la commercialisation de tout produit laitier... et à utiliser ces droits ou taxes pour l'exercice des fonctions que lui assigne la présente loi".
Depuis la création de la Commission canadienne du lait en 1967, aucun règlement concernant le prélèvement de droits n'a été adopté en vertu de l'article 12. La Commission déclare que les droits sont établis et perçus en application d'une loi provinciale.

2.97 En l'absence d'un règlement l'autorisant à fixer, à imposer et à percevoir des droits ou des frais, la Commission n'a pas le pouvoir, à notre avis, de seul livrer à ces activités. Par conséquent, les droits imposés aux producteurs, ayant été institués en l'absence d'un règlement, outrepassent à notre avis les pouvoir de la CCL. Nous avons donc assorti des réserves voulues notre opinion sur les états financiers de la Commission pour l'exercice terminé le 31 juillet 1981, dans notre rapport au ministre de l'Agriculture.

2.98 Un autre exemple est fourni par Loto Canada Inc. Pendant l'exercice terminé le 31 mars 1981, la société a financé des recherches sur de nouveaux jeux, et notamment des travaux de recherche et de développement sur un projet de fonds commun pour les sports. Ce financement s'est poursuivi après la fin de l'exercice; en août 1981, le Cabinet décidait que ce mécanisme serait administré par un nouvel organisme fédéral. En septembre 1981, la société décida avec l'accord du gouvernement que tous les paiements consacrés aux travaux de recherche et de développement sur le projet de fonds commun des sports seraient récupérés intégralement auprès du gouvernement du Canada. Les dépenses engagées à ce titre, soit $ 1,2 million jusqu'au 1er juin 1982, ont été entièrement recouvrées auprès du gouvernement du Canada.

2.99 La société prétend que ce financement était une décision commerciale relevant de ses pouvoir généraux et qu'il était conforme aux intentions du gouvernement fédéral.

2.100 À notre avis, cependant, les paiements effectués pour les travaux de recherche et de développement sur le projet de fonds commun pour les sports, bien que récupérés par la société, n'étaient pas autorisés spécifiquement par l'acte constitutif de la société qui limite les activités que cette dernière peut mener et gérer. Par conséquent, ils étaient contraires aux dispositions de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes. Notre opinion sur les états financiers de Loto Canada Inc. pour l'exercice terminé le 31 mars 1981 était assortie de réserves à cet égard.

2.101 Classification. La Loi sur l'administration financière a recours à certains critères pour établir les catégories qui déterminent les contrôles de l'obligation de rendre compte que le gouvernement utilise pour chaque catégorie de sociétés. Par exemple, une société figurant à l'annexe D de la Loi est "ordinairement tenue de conduire ses opérations sans crédit budgétaire".

2.102 Ce critère de classification ne semble pas être appliqué de façon uniforme. Les résultats du rendement de plusieurs sociétés de l'annexe D indiquent qu'elles ont eu régulièrement besoin de fonds publics. Il s'agit notamment de Via Rail, de la Société Radio-Canada, de la Société de développement du Cap-Breton et de l'Administration de la voie maritime du St-Laurent.

2.103 Contrôle. La surveillance et le contrôle pour le compte du gouvernement des activités des sociétés appartenant à la Couronne varie sensiblement selon les ministères.

2.104 Par exemple, le ministère de l'Expansion économique régionale verse des fonds à la Société de développement du Cap-Breton à partir des crédits votés par le Parlement, sans pour autant contrôler l'utilisation de ces fonds. Des versements excédentaires de $ 57 millions ont été effectués à cette société sur des crédits prévus pour des dépenses en capital, à la demande de la société, sans que le ministère ou un organisme central ne fasse de lien entre ces paiements et des besoins démontrés.

2.105 Certaines sociétés appartenant à la Couronne seul font rembourser, dans certains cas en application de modalités contractuelles, l'exécution d'activités non économiques qu'elles entreprennent dans l'intérêt national sous la direction du gouvernement. Ainsi, le ministère des Transports a conclu des contrats avec VIA Rail (société de l'annexe D) et une filiale du CN (société de l'annexe D) pour qu'elles fournissent des services essentiels au réseau national de transports et relevant de la compétence du gouvernement fédéral.

2.106 Le Parlement a voté des crédits au ministère des Transports pour qu'il puisse payer les services fournis par ces sociétés. Le ministère est donc dans l'obligation de rendre compte de l'utilisation qu'il a faite des ressources provenant du Fonds du revenu consolidé pour démontrer que les affaires de l'État sont administrées au mieux des intérêts des contribuables. Le statut indépendant accordé aux sociétés a limité la capacité du ministère de rendre compte de l'utilisation des fonds. Les cas qui suivent illustrent les problèmes posés par les relations actuelles.

2.107 Les fonds versés par le ministère à VIA pour la gestion de la société, les projets d'investissement, les services ferroviaires voyageurs et d'autres frais subis par la société seul sont élevés à $ 451 et à $ 540 millions en 190-1981 et 1981-1982 respectivement. En 1981, 70 p. cent des coûts d'exploitation de VIA, ont été remboursés par le programme ministériel. La société VlA jouit d'un monopole pour le transport ferroviaire des voyageurs, mais doit affronter la concurrence des autres moyens de transport. Le programme n'a pas réussi à atteindre son objectif qui consistait à diminuer les subventions qui dépassent maintenant le double du plafond de $ 240 millions fixé par le Parlement lors de la création de la société en 1977. De plus, presque toutes les prévisions de dépenses présentées au Parlement étaient sous estimées, de sorte qu'il a fallu fournir au programme des fonds supplémentaires importants.

2.108 Le ministère n'a pu obtenir ni élaborer de données financières ou d'exploitation fiables sur les activités de VIA.

2.109 Par ailleurs, les fonds versés par le ministère à CN Marine Inc. pour l'exploitation de traversiers et de services connexes ont atteint $ 143 millions en 1981-1982, ce qui représente plus de 80 cents sur chaque dollar de dépenses d'exploitation de la société. Le gouvernement est dans l'obligation constitutionnelle de subventionner la majorité des services financés par le programme.

2.110 Les relations entre le ministère et la société posent un certain nombre de problèmes, notamment :

2.111 L'obligation de rendre compte des gestionnaires de programme est également diffuse. Ces responsables, bien qu'ils passent des contrats de services avec les sociétés appartenant à la Couronne, estiment ne pas disposer du pouvoir qui accompagne normalement une relation contractuelle pour faire respecter les conditions des contrats. Ils ont par exemple du mal à retenir des paiements du fait que les services achetés sont rendus nécessaires par des engagements législatifs, réglementaires ou politiques.

2.112 Ces relations difficiles nuisent à la capacité du ministère de gérer le programme de façon économique et efficiente et, dans ces conditions, les cadres des ministères ne seul jugent pas pleinement capables de rendre compte des paiements provenant du fonds du revenu consolidé. À notre avis, cela représente une lacune sérieuse dans la gestion des fonds publics.

2.113 Le gouvernement devrait réexaminer les relations entre les organismes centraux, les ministères et les sociétés, en particulier dans les cas où des services non économiques sont achetés à une société appartenant à la Couronne et que les paiements qui lui sont faits représentent une partie appréciable des dépenses de la société.

2.114 Conclusions. Comme l'indiquait l'analyse comparative des initiatives du gouvernement, le projet de loi C-123 renforce considérablement le rôle des ministres quant au contrôle du financement et à la direction des sociétés qui appartiennent en exclusivité à la Couronne. Toutefois, il manque de répondre aux besoins du Parlement. Lorsque le projet de loi sera adopté, nous examinerons comment fonctionnent les nouvelles dispositions administratives et nous en rendrons compte au Parlement.

Rapports

2.115 Les rapports devraient fournir de l'information sur les plans, les besoins de ressources, la réalisation des objectifs, l'exécution des responsabilités et le rendement.

2.116 Les sociétés qui appartiennent à la Couronne devraient faire rapport au gouvernement de leurs plans, de leur rendement et de la réalisation des objectifs. Le gouvernement devrait établir ces exigences en matière de rapport et s'assurer que ceux-ci sont produits conformément à ces exigences. Le Parlement devrait avoir connaissance des exigences de rapport, avoir la possibilité de les évaluer périodiquement et d'en tenir compte lorsqu'il envisage d'apporter des changements au mandat ou aux objectifs de la société considérée, à la législation applicable et aux propositions gouvernementales de dépenses ou autres.

2.117 Questions. Notre examen du cadre actuel d'obligation de rendre compte nous a conduit à poser les questions suivantes :

2.118 Exemples. Souvent, les renseignements ne sont pas produits à temps. Ces retards diminuent l'utilité de ces renseignements, lorsqu'il s'agit d'aborder les questions d'actualité. Les tableaux 2.1 et 2.2 révèlent que des retards seul produisent effective ment.

Tableau 2.1

Dépôt au Parlement des rapports annuels des sociétés
de la Couronna des annexes C et D

Nombre de mois après
la fin de l'exercice
1982 1981

Nombre

%

Nombre

%

Quatre mois ou moins 15 36 15 38
Plus de quatre à cinq mois 4 9 4 10
Plus de six mois 23 55 21 52
     Total

42

100

40

100

Note : D'après la Loi sur l'administration financière, les sociétés des annexes C
et D sont tenues de remettre leur rapport annuel au ministre compétent dans les trois
mois qui suivent la fin de leur exercice, pour dépôt au Parlement dans les quinze
jours de la réception du rapport.

2.119 Les retards apportés au dépôt des rapports annuels au Parlement peuvent s'expliquer notamment par le fait que le Parlement ne siège pas, que les états financiers n'ont pas été finalisés à temps ou que la vérification n'est pas terminée. Quelles que soient les raisons, il est évident que, dans la plupart des cas, le Parlement ne reçoit pas les rapports annuels des sociétés de l'annexe C et D en temps opportun.

2.120 Un autre exemple de cas où les renseignements ne sont pas présentés au Parlement en temps opportun est fourni par les budgets d'investissements. La Loi sur l'administration financière (LAF) exige que le ministre compétent dépose chaque année au Parlement les budgets d'établissement (budgets d'investissements) des sociétés de la Couronne après leur approbation par le gouverneur en conseil. La circulaire 1976-38 du Conseil du Trésor sur les budgets d'investissements des sociétés de la Couronne stipule que ces derniers doivent être communiqués au Conseil du Trésor au plus tard trois mois avant le début de chaque exercice et, dans tous les cas, au plus tard le 30 novembre de l'année précédant le nouvel exercice. Bien que la LAF ne fixe pas de délai précis pour l'approbation des budgets par le gouvernement ou leur dépôt au Parlement, on peut présumer raisonnablement que les budgets d'investissements, tout comme le Budget des dépenses, devraient être présentés et approuvés bien avant le début de l'exercice auquel ils seul rapportent. Pour l'exercice terminé au mois de mars 1982, seulement deux budgets d'investissements ont été approuvés avant l'exercice auxquels ils s'appliquaient. La plupart ont été approuvés dans le courant de l'exercice applicable. Dans un cas, l'approbation a été accordée après la fin de l'exercice.

Tableau 2.2

Moment de l'approbation des budgets d'investissement
des sociétés de la Couronna des annexes C et D
par le gouverneur en conseil

Approbation avant/après
la fin de l'exercice
Exercice terminé
en mars 1982
Exercice terminé
en mars 1981

Nombre

%

Nombre

%

12 mois avant 2 5 5 14
7-11 mois avant 21 54 13 35
4-6 mois avant 3 8 5 13
1-3 mois avant 2 5 4 11
1-3 mois après 1 3 3 8
Aucun budget d'investissement
   présenté (Note)
10 25 7 19
     Total

39

100

37

100

Note : Les chiffres de 1982 et 1981 ne tiennent pas compte de trois
sociétés inactives.

2.121 Les renseignements fournis au Parlement dans le Budget des dépenses varient. Les sociétés de département (annexe B) présentent des prévisions de dépenses détaillées et sont tenues de soumettre des plans pluriannuels pour l'approbation du Cabinet. Certaines autres sociétés appartenant à la Couronne, qui reçoivent des crédits pour leurs dépenses annuelles d'exploitation, n'ont fourni au Parlement aucun détail sur leurs besoins estimatifs de trésorerie, tandis que d'autres en ont fourni. Une uniformisation de la formulation et une divulgation plus poussée amélioreraient les renseignements reçus sur les sociétés qui appartiennent à la Couronne.

2.122 La divulgation des crédits reçus dans le rapport annuel des organismes varie également. Dans certains cas, les fonds reçus sous forme de crédits ne sont pas divulgués. Dans d'autres cas, le rapport annuel donne des détails sur l'objet du crédit, les sommes fournies et les montants périmés. Les crédits, de même que le traitement comptable, devraient être pleinement divulgués.

2.123 De plus, le Parlement ne reçoit généralement pas de renseignement lui permettant de déterminer dans quelle mesure les sociétés appartenant à la Couronne atteignent bien leurs objectifs. La mesure et la divulgation du rendement des programmes sont actuellement une responsabilité des ministères de l'État, mais non de la plupart des sociétés qui appartiennent à la Couronne. Dans les cas où l'exécution d'un programme incombe à une société, le gouvernement ne recevra normalement aucune évaluation des résultats du programme, à moins qu'on ait imposé une telle exigence.

2.124 Autre ce que nous avions relevé dans notre Rapport de 1981, nous n'avons pu fournir au Parlement, à partir des renseignements connus jusqu'ici, une opinion sur la question de savoir s'il convenait ou non que le CN réclame des déductions fiscales pour pertes, même si le déficit des années antérieures ayant donné lieu à ces pertes était entièrement financé par le crédit budgétaire du ministère des Transports. Il ressortirait des états financiers du CN que, pour les années 1978 à 1981 inclusivement, les impôts directs ont été réduits d'environ $ 329 millions par l'imputation de ces pertes d'exercices antérieurs. Il en résulte un double avantage substantiel, sous forme d'impôts non payés. Les conséquences de cet élément extraordinaire n'ont pas été assez bien évaluées par le ministère des Transports lors du remaniement de la structure financière du CN en 1977.

2.125 Conclusions. Nous nous inquiétons du fait que, dans le cas des sociétés appartenant à la Couronne, autres que les sociétés de département, le Parlement :

Il faudrait avoir plus conscience de l'importance qu'il y a à produire les rapports dans les délais prévus et à améliorer le genre de renseignements fournis.

Vérification des sociétés propriété de la Couronna

2.126 Les lacunes du cadre législatif et administratif relevées dans les pages précédentes de ce chapitre ne peuvent être corrigées qu'au moyen de modifications à la loi et au soutien administratif connexe. Cependant, la vérification a un rôle essentiel et constructif à jouer en donnant des assurances sur l'obligation, des sociétés propriété de la Couronne, de rendre compte au gouvernement et au Parlement. En fait, une vérification indépendante peut être un moyen de maintenir l'autonomie des sociétés propriété de la Couronne et de la concilier à leur obligation de rendre compte au gouvernement et au Parlement. L'assurance que peut fournir une vérification indépendante dépend du mandat et de la portée de la vérification.

2.127 Types de vérification. Il existe trois types de vérification : l'attestation, la vérification législative et la vérification intégrée :

Ces catégories de vérifications ont un champ d'application différent selon le genre d'organisation. Les organismes à but lucratif du secteur privé sont normalement sujets à des vérifications d'attestation. Les sociétés propriété de la Couronne et les ministères de l'État font normalement l'objet de vérifications législatives et de vérifications intégrées, respectivement. La pièce 2.5 présente les divers types de vérification et leur champ d'application.

(Cette pièce n'est pas disponible)

2.128 Rôle du vérificateur général. Le Bureau du vérificateur général joue un double rôle, d'abord en vérifiant les comptes du Canada, ensuite en agissant comme vérificateur désigné d'un certain nombre de sociétés de la Couronne. Le mandat du vérificateur général, défini dans la Loi sur le vérificateur général de 1977, fournit le fondement législatif des travaux de vérification menés dans les ministères et organismes de l'État. Ces vérifications aboutissent à une opinion portant sur les états financiers annuels du Canada tels qu'ils sont présentés dans les Comptes publics et sur le rapport annuel du vérificateur général à la Chambre des communes.

2.129 Observations à titre de vérificateur des comptes du Canada. Les fonds investis par le gouvernement dans les sociétés propriété de la Couronne sont importants : au 31 mars 1982, ils représentaient environ $ 25 milliards, avant provision pour réévaluation, c'est-à-dire, à peu près 63 p. 100 de l'actif total figurant à l'État de l'actif et du passif, à la section 2 du volume 1 des Comptes publics du Canada.

2.130 Comme l'indique la note 3 aux états financiers du Canada, bien que les emprunts et les autres dettes des sociétés de mandataire de la Couronne auprès de prêteurs autres que le gouvernement soient considérés comme imputables au Fonds du revenu consolidé, ces emprunts ne sont pas inclus dans les comptes du Canada puisqu'ils sont censés être, et sont en pratique, remboursés directement par les sociétés. Au 31 mars 1982, ces emprunts s'élevaient à environ $ 13 milliards ($ 10 milliards en 1981). Leur incorporation aux Comptes du Canada aurait accru le passif total déclaré de 9.6 p. 100. le faisant passer de $ 134,1 à $ 146,9 milliards. Il faut faire remarquer que l'actif de ces sociétés de mandataire est supérieur au passif qui est de $ 13 milliards.

2.131 Comme l'actif, le passif, les recettes et les dépenses de ces entités ne sont pas inclus dans les états financiers du Canada, nous avons conclu que, pour cette raison et d'autres motifs, les conventions comptables énoncées ne permettaient pas d'arriver à une présentation convenable de l'actif et du passif du gouvernement du Canada au 31 mars 1982 ainsi que de ses recettes et dépenses pour l'exercice terminé à cette date.

2.132 Observations à titre de vérificateur d'un certain nombre de sociétés propriété de la Couronne. Le rôle et les responsabilités des vérificateurs des sociétés de la Couronne, qu'il s'agisse de notre Bureau ou de vérificateurs du secteur privé, sont établis dans la Loi sur l'administration financière et la loi constituante de chaque société de la Couronne. Le type de vérification exigé pour les sociétés énumérées dans les annexes de la LAF est généralement une vérification législative.

2.133 Le Bureau vérifie et fait rapport sur les états financiers annuels de huit sociétés de département de la Couronne figurant à l'annexe B et de 36 (2 à titre de vérificateur conjoint) des sociétés de mandataire et de propriétaire de la Couronne figurant aux annexes C et D de la LAF. Les vérifications des sociétés de mandataire et de propriétaire de la Couronne font l'objet d'un rapport conformément aux dispositions de l'article 77 de la LAF.

2.134 Les années précédentes, les réserves exprimées dans nos opinions faisaient l'objet d'un chapitre distinct du rapport annuel. Cette année, cependant, les réserves qui nuancent l'opinion donnée sur les états financiers des sociétés propriété de la Couronne sont signalées dans ce chapitre, aux paragraphes suivants :

2.135 Les réserves dont est assortie l'opinion donnée sur la Commission canadienne de l'emploi et de l'immigration, le Régime de pensions du Canada et le Compte du fonds des changes sont présentées au chapitre 15 du Rapport.

2.136 Dans nos rapports de 1976 à 1982, 51 observations distinctes, au total, ont été portées par le Bureau à l'attention du Parlement et du gouvernement à l'égard de ces sociétés. Ces réserves portaient sur des questions de vérification législative du genre suivant :

2.137 À notre connaissance, pendant la même période, aucune réserve n'a été portée à l'attention du Parlement ou du gouvernement à l'égard des sociétés propriété de la Couronne non vérifiées par notre Bureau en application de l'article 77 de la Loi sur l'administration financière. Cette différence notable est peut-être due au fait que les vérificateurs du secteur privé tout en suivant la même approche et portée de vérification n'ont décelé aucune question de ce genre, ou ne les ont pas jugées suffisamment importantes pour les porter à l'attention du Parlement et du gouvernement. Il seul peut également que la direction des sociétés ait pris des mesures correctives pour éviter que l'opinion des vérificateurs ne soit assortie de réserves. Cette différence pourrait encore s'expliquer par le fait que les vérificateurs du secteur privé ont peut-être adopté une approche plus restreinte et ont réduit la portée de la vérification, ce qui ne leur permettrait pas de relever les points à signaler.

2.138 Le Bureau est le vérificateur désigné de certaines sociétés appartenant de la Couronne, des vérificateurs du secteur privé étant désignés pour d'autres. Il est donc essentiel que les rôles et responsabilités du vérificateur soient bien compris et appliqués de manière uniforme. Dans cet esprit et en raison de son double rôle particulier ainsi que de son expérience considérable de la vérification du secteur public, le Bureau a élaboré un document qui expose les rôles et responsabilités actuels des vérificateurs des sociétés qui appartiennent à la Couronne. Le Bureau prévoit également un atelier auquel seront invités les autres vérificateurs des sociétés propriété de la Couronne afin de discuter de cette question importante. L'uniformité, la coopération et la communication entre tous les vérificateurs des sociétés propriété de la Couronne permettront de donner de meilleures assurances aux dirigeants de ces entités, à leur conseil d'administration, au gouvernement et au Parlement.

2.139 Choix du vérificateur. La Loi sur l'administration financière réglemente la nomination des vérificateurs des sociétés propriété de la Couronne. Si aucun vérificateur n'est nommé dans une loi constituante, le gouverneur en conseil en désigne un. À l'heure actuelle, le vérificateur général du Canada est le vérificateur de toutes les sociétés de l'annexe B, de toutes celles de l'annexe C (dans un cas à titre de vérificateur conjoint) et d'environ les trois quarts des sociétés de l'annexe D. Les autres sociétés propriété de la Couronne sont examinées par des vérificateurs du secteur privé.

2.140 En juin 1979, le Bureau avait élaboré, en consultation avec l'Institut canadien des comptables agréés, un projet de lignes directrices devant servir au choix d'un vérificateur pour les sociétés propriété de la Couronne. Ces lignes directrices proposées avaient été présentées à l'attention du contrôleur général pour considération lors de la rédaction de la réglementation du Conseil du Trésor seul rapportant à l'article 66(2) du projet de loi C-27. Le projet de loi C-123 à l'étude ne traite pas de cette question.

2.141 Genre de vérification nécessaire pour les sociétés appartenant exclusivement à la Couronne. À l'heure actuelle, les fonds publics attribués aux ministères et organismes fédéraux font l'objet d'une vérification de portée plus vaste que les ressources et les fonds publics des sociétés appartenant exclusivement à la Couronne. Étant donné l'importance de ces sociétés dans la réalisation des objectifs de politique publique, on peut raisonnablement conclure qu'elles devraient être assujetties à une vérification de même portée que celles des ministères et organismes de l'État afin de donner au gouvernement et au Parlement la même assurance de vérification indépendante. Comme le déclarait notre Rapport de 1979 :

Le Parlement, qui représente les contribuable canadiens, a le droit et le devoir de s'assurer que les sociétés de la Couronne sont comptables de la réalisation des objectifs liés à la politique du gouvernement. Parce que ces objectifs seul mesurent rarement en termes de rentabilité, l'examen du rendement financier seulement ne constitue pas un fondement suffisant pour l'évaluation de la performance. La vérification intégrée peut assurer un degré suffisant d'imputabilité pour les sociétés de la Couronne sans mettre en danger leur indépendance par rapport au Parlement. Pour les sociétés qui appartiennent entièrement au gouvernement, la vérification intégrée...
2.142 Depuis plusieurs années, le Bureau a de fréquentes consultations avec le Comité permanent des comptes publics, le président du Conseil du Trésor, le contrôleur général du Canada et plusieurs présidents de grandes sociétés appartenant à la Couronne pour déterminer le genre de vérification qui conviendrait aux sociétés propriété de la Couronne et le rôle du Bureau dans ces vérifications.

2.143 Bien que la législation actuelle n'impose pas de vérification intégrée à toutes les sociétés appartenant à la Couronne, elle ne l'empêche pas non plus. Le ministre compétent, le conseil d'administration ou la direction peut demander au vérificateur de mener une vérification de ce genre.

2.144 Des vérifications intégrées ont été, ou sont actuellement effectuées, dans les six sociétés propriété de la Couronne énumérées ci-après. Ces sociétés faisaient partie du "groupe expérimental" établi en 1979 par le Bureau; les conseils d'administration et les gestionnaires de ces sociétés avaient accepté que ces vérifications soient effectuées :

Deux de ces sociétés sont examinées par des vérificateurs du secteur privé avec lesquelles nous collaborons à la mise au point d'une méthodologie. Le septième membre du groupe expérimental initial, Eldorado Nucléaire Limitée, s'est prononcé contre l'exécution d'une vérification intégrée. Dans son quinzième rapport, le Comité des comptes publics a conclu que le refus d'Eldorado de seul soumettre à une vérification intégrée était inacceptable et que cette vérification serait profitable à la société.

2.145 De plus, dans le cas de la Commission canadienne du lait, une vérification intégrée a été effectuée à la demande du ministre responsable. Des vérifications intégrées ont aussi été effectuées au Centre de recherches pour le développement international et à la Société des transports du Nord Limitée.

2.146 Le projet de loi C-85 mentionne l'expression "vérification exhaustive" (intégrée) dans la loi constituante de Canagrex, une société de la Couronne qui fut proposée. L'article 29 (4), modifié en comité, stipule :

le vérificateur général examine chaque année les comptes de Canagrex et il peut, s'il l'estime nécessaire, procéder à une vérification exhaustive des comptes de ladite société.
2.147 Il convient enfin de noter que la Nouvelle-Zélande, l'Australie et d'autres pays ont autorisé leur vérificateur général à mener des vérifications intégrées dans des sociétés qui appartiennent à la Couronne. Au Royaume-Uni, des responsabilités analogues ont été confiées à une commission indépendante.

2.148 Avec une expérience appréciable, un personnel qualifié, une méthodologie et des normes en voie d'élaboration, l'ingrédient essentiel qui manque est une législation qui assurerait que les sociétés font l'objet, au même titre que les ministères, d'un d'examen indépendant. Étant donné que des fonds publics sont en cause, des examens indépendants de vaste portée sont nécessaires, peu importe la forme d'organisation choisie.

2.149 Tout comme pour l'application de la vérification intégrée dans les ministères de l'État, la portée, le moment et la fréquence des examens devraient dépendre de la nature des activités, de l'ampleur des renseignements communiqués et de la qualité du service de vérification interne, et. Cependant, si le mandat et la portée de la vérification doivent être les mêmes pour les ministères de l'État et les sociétés appartenant en exclusivité à la Couronne, la communication des résultats des vérifications intégrées devrait tenir compte des différences de structure et des différentes responsabilités des conseils d'administration. Le vérificateur devrait donc communiquer aux conseils d'administration les résultats de la vérification intégrée, par l'entremise de leur comité de vérification. C'est uniquement dans les cas où le conseil ne donnerait pas suite, de manière satisfaisante, aux points soulevés dans ces rapports ou que des questions revêtiraient une importance telle que, de l'avis du vérificateur, elles devraient être portées à l'attention du Parlement, que ces questions devraient être signalées par le vérificateur au ministre et, par le truchement de ce dernier, au Parlement.

2.150 Conclusions. Le projet de loi C-123 ne contient aucune disposition pour la vérification des sociétés qui appartiennent à la Couronne. Si certaines sociétés ont été l'objet de vérifications intégrées, d'autres ont choisi de ne pas en faire faire. Aussi nous sommes préoccupés par le fait que le Parlement et le gouvernement ne reçoivent pas d'assurance suffisante sur le fonctionnement du cadre global de l'obligation de rendre compte des sociétés appartenant à la Couronne. Notre conclusion est qu'il faut adopter une loi qui obligerait toutes les sociétés appartenant en exclusivité à la Couronne à seul soumettre à une vérification intégrée de façon que cette partie importante et croissante du trésor public fasse l'objet d'un examen indépendant dans des conditions uniformes.