Le ministère de la Défense nationale

Gestion des ressources humaines - Instruction et formation

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Contexte

22.6 Un imposant réseau d'écoles, de collèges et d'installations d'instruction spécialisée offre aux Forces canadiennes l'instruction et la formation dont leur personnel a besoin en temps de paix. En temps de guerre, ce même réseau doit pouvoir fournir, de façon continue, un grand nombre de personnes bien formées pour remplacer les blessés et accroître les effectifs. Les trois principaux éléments du système d'instruction et de formation des Forces canadiennes sont décrits ci-dessous.

22.7 Système d'instruction individuelle. Le Système d'instruction individuelle des Forces canadiennes regroupe la majorité des ressources des forces armées en matière d'instruction. Un réseau de 123 établissements d'instruction et d'écoles est exploité par le Commandement maritime, la Force mobile, le Commandement aérien et le Service de l'instruction des Forces canadiennes (SIFC); celui-ci est une organisation centralisée qui dispense l'instruction pour tous les groupes professionnels qui se retrouvent dans plus d'un élément de service. Le Système d'instruction individuelle, pour sa part, donne environ 2,3 millions de jours d'instruction chaque année aux membres de la Force régulière, et son coût de fonctionnement annuel se situe autour de 500 millions de dollars.

22.8 Système de perfectionnement professionnel des officiers. Il s'agit d'un deuxième réseau formé des éléments suivants : les trois collèges militaires canadiens qui offrent une formation universitaire, l'École d'état-major des Forces canadiennes, le Collège d'état-major des Forces terrestres canadiennes, le Collège de commandement et d'état-major des Forces canadiennes et le Collège de la Défense nationale. Ensemble, ces organismes dispensent la formation professionnelle, du niveau d'officier subalterne à celui d'officier général. En outre, les Forces canadiennes offrent un programme commun de perfectionnement professionnel des officiers, axé sur l'autoformation et des examens, et chaque commandement (maritime, aérien et Force mobile) a son propre programme d'évaluation des connaissances professionnelles. L'ensemble du système assure la formation professionnelle du corps des officiers qui compte 18 000 militaires.

22.9 Instruction collective. Le troisième élément du système est l'instruction collective, qui peut s'adresser à des groupes de quelques personnes ou prendre la forme d'exercices d'envergure rassemblant jusqu'à 20 000 militaires de divers commandements et même des forces alliées. Il peut s'agir d'exercices de «poste de commandement» sur papier ou informatisés, auxquels participent quelques commandants et leurs états-majors, ou bien d'exercices «réels» nécessitant le déploiement de troupes en campagne ou de navires en mer.

Vérifications antérieures

22.10 Dans notre Rapport de 1984, nous avons abordé certains aspects de l'instruction individuelle et collective ainsi que de la mobilisation du personnel. Nous avions décelé des lacunes qui nuisaient à la prestation de l'instruction et qui réduisaient l'efficience d'ensemble du système. Nous avions également noté des lacunes dans les procédés utilisés pour planifier, contrôler et évaluer les exercices opérationnels.

Étendue de la vérification

22.11 Dans le chapitre 20, nous décrivons comment, dans le cadre de la structure des forces et des groupes professionnels, sont définies les compétences et les connaissances que les membres des Forces canadiennes doivent posséder. Ici, nous nous attardons surtout aux systèmes et aux méthodes utilisés pour planifier, dispenser et évaluer la formation et le perfectionnement nécessaires pour l'acquisition de ces compétences et connaissances.

22.12 Dans notre vérification, nous nous sommes posé quatre grandes questions : les éléments clés de l'instruction sont-ils économiques et efficients? Le programme d'enseignement des langues officielles est-il économique et efficient? L'infrastructure permet-elle de répondre aux besoins en temps de paix et en temps de guerre? Les systèmes de gestion conviennent-ils à la planification, au suivi et au contrôle de l'instruction?

Observations et recommandations

L'instruction individuelle pourrait être plus efficiente

Une planification à plus long terme s'impose
22.13 Le nombre de personnes que les Forces canadiennes doivent former est déterminé d'après la structure des groupes professionnels et le cheminement des militaires au sein de celle-ci. Une planification efficace est essentielle si l'on veut éviter que les écoles soient surchargées ou sous-utilisées et que le nombre de candidats formés soit supérieur ou inférieur aux besoins.

22.14 Nous avons comparé le nombre de gens formés aux exigences des Forces au cours des dix dernières années. De façon générale, le système a formé le nombre de personnes qu'il fallait.

22.15 Nous avons constaté toutefois que, souvent, les membres des états-majors ayant le pouvoir d'influer sur les besoins en formation ne sont pas au courant des répercussions de leurs décisions sur le système d'instruction. Il en est résulté des surplus ou des pénuries de personnel, ce qui a donné lieu à des mesures d'urgence en matière de formation, ainsi qu'à un surpeuplement ou une sous-utilisation des écoles. L'un des principaux obstacles au roulement régulier dans les écoles qui dispensent l'instruction professionnelle de base a été l'application du contrôle des «années-personnes», qui a imposé des contraintes arbitraires à l'utilisation des écoles. Le ministère a reconnu cette situation et a mis fin à ce contrôle en juin 1989.

22.16 Nous avons observé que la méthode servant à déterminer les besoins en formation pour les groupes professionnels de base était fondée sur une perspective à court terme plutôt qu'à long terme. Les objectifs sont fixés uniquement pour l'année qui vient, et l'on se préoccupe peu de prévoir au-delà de cette période. Étant donné qu'il faut entre quelques mois et cinq ans pour former un militaire, même pour un poste complètement au bas de l'échelle, il est important que les prévisions, pour au moins cinq exercices financiers, soient les plus précises possible.

22.17 Le ministère devrait mieux planifier les besoins et la production en matière d'instruction en élargissant son cadre de planification et en veillant à ce que les pratiques administratives ne modifient pas arbitrairement les objectifs du système d'instruction. Avec le temps, le ministère devrait pouvoir établir ses besoins en formation à partir d'un plan stable et à long terme d'organisation des forces.

Commentaire du ministère : Il est juste que les besoins en matière d'instruction devraient être établis à partir d'une structure stable et à long terme. Toutefois, tant que la structure en question ne sera pas elle-même établie, cela ne sera pas possible. Entre temps, on a modifié le mode d'attribution des fonctions. Plutôt que de décider de l'attribution pour un an en présumant de la stabilité de la situation, on l'établira, d'une part pour un an et, d'autre part pour cinq ans à la lumière des meilleures données disponibles. Dans ce dernier cas, on pourra apporter des modifications rapidement à mesure que les données se préciseront.

Il est possible d'accroître l'efficience de l'instruction
22.18 L'instruction individuelle est assurée par les commandements des trois éléments et par le Service de l'instruction des Forces canadiennes (SIFC). Le SIFC dispense 50 p. 100 des 2,3 millions de jours d'instruction offerts chaque année aux Forces canadiennes, c'est-à-dire 470 cours suivis par environ 28 000 stagiaires. Nos sondages de vérification se sont limités à l'instruction professionnelle élémentaire et avancée dispensée par le SIFC.

22.19 Les besoins en instruction individuelle sont déterminés d'après une analyse des professions, et l'on conçoit ensuite l'instruction en présumant que les personnes formées utiliseront leurs nouvelles connaissances dans leur poste actuel ou dans les prochains postes. Or, ces deux facteurs échappent au contrôle des gestionnaires de l'instruction. En fait, l'hypothèse selon laquelle les emplois sont uniformes et prévisibles ne reflète aucunement la réalité au sein du Service de l'instruction des Forces canadiennes. Le manque d'efficience que nous avons noté peut être attribué, entre autres, au fait que le SIFC doive former des militaires de divers éléments en appliquant une norme commune et polyvalente.

22.20 Afin de déterminer la mesure dans laquelle l'instruction du SIFC convient aux besoins réels des Forces canadiennes, nous avons effectué un sondage auprès des diplômés d'un échantillon représentatif de 15 cours, et auprès de leurs superviseurs. Nous leur avons demandé s'ils exécutaient les tâches pour lesquelles ils avaient été formés et s'ils croyaient que l'instruction reçue les avait bien préparés à remplir les tâches de leur poste actuel. Selon les réponses fournies, environ 62 p. 100 de l'instruction individuelle dispensée par le SIFC ne répond pas à ces fins, soit parce que les stagiaires n'avaient pas à effectuer ces tâches dans le cadre de leur travail (35 p. 100), soit parce qu'ils savaient accomplir ces tâches avant de suivre la formation (27 p. 100). La valeur annuelle de cette instruction de base et de niveau avancé, dispensée par le SIFC, est estimée à 165 millions de dollars, dont quelque 80 millions versés en salaires au personnel en formation.

22.21 Les résultats du sondage révèlent qu'il y a des moyens d'améliorer la rentabilité de l'instruction, surtout dans les secteurs du SIFC examinés, en procédant, entre autres, à une présélection qui permettrait de déterminer si un candidat a réellement besoin de formation. Voici d'autres moyens : procéder à des épreuves d'homologation avant d'exiger la présence à des cours; accroître la formation en cours d'emploi; trouver d'autres méthodes de formation au lieu de travail, comme l'apprentissage assisté par ordinateur ou selon un rythme personnel; déterminer les exigences professionnelles plus rapidement et de façon plus précise; et, valider, mieux et plus souvent, le contenu des cours afin de s'assurer qu'il répond aux exigences professionnelles. Plusieurs de ces solutions sont déjà envisagées par le ministère dans le cadre de l'«Étude d'autres méthodes d'instruction et de formation».

22.22 Le ministère devrait examiner ses méthodes de planification et de prestation de l'instruction individuelle de façon à s'assurer que le système est efficient et répond aux besoins des utilisateurs. Il devrait aussi s'assurer régulièrement que le contenu des cours est toujours pertinent.

Commentaires du ministère : Un moyen très efficace de déterminer l'efficience et la pertinence de l'instruction dispensée est la phase de validation du SIFC. Le ministère vient de remettre cette phase du SIFC au premier plan et a demandé à tous les commandements de faire état du nombre d'enquêtes de validation effectuées, des modifications apportées en conséquence et des validations qu'ils escomptent faire. Le QGDN et le DII surveilleront le processus de validation pour voir dans quelle mesure il permet d'adapter davantage l'instruction aux besoins des apprenants.

Au chapitre de l'efficacité et de l'efficience de la phase d'instruction du SIFC, de nouvelles techniques d'enseignement sont adoptées, par exemple l'apprentissage à l'aide d'ordinateurs, l'usage de vidéodisques interactifs et de techniques d'instruction à distance. En outre, le ministère examine les méthodes visant à déterminer quelles techniques permettront le mieux de répondre aux besoins en matière d'instruction.

Pour conclure, les Forces canadiennes dispensent l'instruction à leur personnel pour un éventail d'emplois dans une profession particulière afin de répondre aux besoins opérationnels confirmés, ce qui peut mener à une formation excessive dans certains cas, mais, en fin de compte, donne la souplesse opérationnel nécessaire.

Il faudrait envisager le recours à des sources extérieures pour l'instruction
22.23 Les Forces canadiennes emploient 68 000 personnes à titre de militaires du rang (MR), autrefois appelés personnel non officier ou PNO. Pour acquérir de manière plus économique les compétences dont elles ont besoin, les Forces pourraient, entre autres, recruter des personnes qui possèdent au départ une partie des qualités requises. Cependant, les Forces canadiennes n'arrivent pas à recruter beaucoup de diplômés de collèges professionnels, car la structure de carrière qu'elles offrent est peu intéressante pour eux. La principale raison est le manque d'équivalences au sein des Forces canadiennes pour les diplômes d'écoles professionnelles, ce qui fait que les détenteurs de ces diplômes sont embauchés, dans leur métier, au même niveau que ceux qui sortent des écoles secondaires. Or, le présent Programme de recrutement de travailleurs spécialisés (PRTS) offre des suppléments de rémunération et de l'ancienneté comptant pour l'avancement au grade de caporal, mais de 1986 à 1988, le ministère n'a recruté que 57 personnes dans le cadre de ce programme.

22.24 Une autre façon de réaliser des économies serait de faire appel à des établissements d'instruction extérieurs plutôt que d'utiliser les ressources internes. À l'heure actuelle, le recours du ministère au réseau national de collèges communautaires se limite au Programme de formation des techniciens de marine (PFTM); dans le cadre de ce programme, deux collèges communautaires dispensent de l'instruction et décernent de 40 à 50 diplômes chaque année. Des études du ministère révèlent que le réseau des collèges communautaires peut très bien répondre aux besoins des Forces. Nous estimons qu'il en coûte 71 923 $ pour former un stagiaire du PFTM, comparativement à 265 352 $ (dollars de 1986-1987) à l'École de la Flotte des Forces canadiennes.

22.25 Dans le cadre de notre vérification, nous avons examiné un échantillon de cours d'instruction individuelle afin de déterminer dans quelle mesure les collèges communautaires pourraient répondre aux besoins des Forces canadiennes et de comparer le temps d'instruction et les coûts entre les Forces canadiennes et le secteur civil.

22.26 Les collèges communautaires que nous avons consultés ont indiqué qu'ils étaient en mesure de répondre à la plupart des besoins en instruction que nous avions étudiés. Toutefois, nous reconnaissons que d'après des études antérieures effectuées par le ministère, il fallait procéder à une analyse détaillée avant de pouvoir faire appel à des services extérieurs. Même dans le cas des cours qui conviennent le mieux, il y certains aspects militaires qui ne peuvent être enseignés dans les collèges civils. Nous avons établi que, dans notre échantillon, le temps qu'il fallait aux Forces canadiennes pour donner les cours était comparable aux approximations fournies par les collèges civils.

22.27 Étant donné que les cours militaires ne sont pas exactement les mêmes que ceux qui sont dispensés dans les collèges communautaires, il a été difficile pour nous d'établir une comparaison directe des coûts. Nous avons néanmoins constaté, comme dans le cas du PFTM, que le coût de l'instruction était généralement plus élevé au sein des Forces canadiennes que dans le secteur civil.

22.28 Nous admettons qu'il faut tenir compte de plusieurs autres facteurs avant de confier l'instruction à l'extérieur. Il y a toujours une dimension liée aux valeurs militaires à considérer, et nous l'avons fait dans le cas du PFTM. Il faut également tenir compte des coûts déjà engagés dans les installations d'instruction existantes. Ces facteurs, ainsi que les conséquences qui en découlent, compliquent toute tentative systématique visant à minimiser les coûts d'instruction tout en satisfaisant aux besoins des Forces canadiennes.

22.29 Il semble toutefois que le ministère ait la possibilité d'accroître la rentabilité de l'instruction en réduisant ses coûts internes et en ayant davantage recours à la formation actuellement offerte dans le réseau des collèges communautaires.

22.30 Le ministère devrait comparer le coût de son réseau d'écoles à celui des collèges civils et des instituts de technologie. Il devrait déterminer les secteurs où les écoles des Forces canadiennes sont plus coûteuses, et utiliser ces renseignements pour réduire ses coûts sans diminuer l'efficacité de l'instruction.

22.31 Dans les cas où les coûts internes continueraient d'être supérieurs à ceux du secteur civil, le ministère devrait songer à faire appel au réseau des collèges communautaires pour satisfaire les besoins supplémentaires en matière d'instruction.

Commentaire du ministère : Il faudrait recourir davantage à des collèges communautaires pour réaliser des économies. On déterminera les comparaisons de coût et les analyses d'options qu'il faut faire. Le SIFC tiendra compte de ces besoins dans sa gestion de manière à retenir la méthode la plus efficiente et la plus efficace de dispenser l'instruction validée nécessaire.

Le programme d'enseignement des langues officielles a besoin d'améliorations

22.32 Les Forces canadiennes ont leur propre programme d'enseignement des langues officielles, distinct de celui de la Commission de la fonction publique du Canada. L'enseignement des langues aux militaires a coûté environ 500 millions de dollars au ministère depuis 1980, salaires des stagiaires compris. Nous avons examiné les politiques et les plans sur lesquels sont fondés les besoins d'enseignement des langues officielles, les systèmes utilisés pour dispenser la formation linguistique ainsi que la mesure dans laquelle les connaissances acquises sont utilisées.

22.33 Nous avons discuté des conclusions de notre vérification ainsi que de nos recommandations avec le Commissariat aux langues officielles, organisme chargé d'assurer le respect de l'esprit et de l'objet de la Loi sur les langues officielles dans l'administration des institutions fédérales.

Il faut améliorer les politiques et les plans
22.34 Pour être efficaces et efficients, les programmes d'enseignement des langues officielles doivent reposer sur des politiques claires et sur des objectifs mesurables en ce qui concerne le nombre de postes désignés bilingues aux divers niveaux de compétence. Ces objectifs doivent ensuite être convertis en plans d'instruction, fondés sur des données précises, plans qui fassent correspondre les objectifs aux ressources disponibles. Nous avons constaté que des améliorations pourraient être apportées dans ces domaines.

22.35 Les besoins des Forces canadiennes en matière d'enseignement des langues sont fondés sur deux grandes politiques. La première découle de la Loi sur les langues officielles qui confère au public le droit de recevoir des services du gouvernement fédéral dans l'une ou l'autre des langues officielles, lorsque cela est justifié, et permet aux employés fédéraux de travailler dans la langue de leur choix, dans certaines régions désignées. La Loi sur les langues officielles dispose également que, même si les institutions fédérales doivent être bilingues, les employés fédéraux ont droit à une carrière dans la langue de leur choix.

22.36 Quant à la deuxième politique, elle a été établie par le ministère, et c'est ce qu'on appelle le «corps d'officiers bilingues». En vertu de cette politique, le corps des officiers doit être capable de commander et de communiquer efficacement dans les deux langues officielles. À cet égard, les Forces canadiennes ont décidé en 1988 que, d'ici 1997, tous les officiers devront normalement atteindre un niveau de bilinguisme «fonctionnel» pour être promus au grade de lieutenant-colonel.

22.37 Nous avons décelé d'importantes lacunes dans l'établissement des exigences linguistiques liées à l'application de la Loi sur les langues officielles . Une revue effectuée en 1987 et destinée à évaluer les exigences linguistiques de certains postes s'est déroulée sans indications ou mesures de contrôle de la qualité satisfaisantes et, par conséquent, les résultats n'étaient pas fiables. Par exemple, le nombre de postes désignés bilingues a, sans raison apparente, augmenté de 25 p. 100 à la suite de cette étude. Les niveaux de connaissances linguistiques pour les postes bilingues semblent avoir été établis de façon arbitraire. Des représentants du ministère nous ont signalé qu'une autre étude des postes bilingues était en cours et qu'elle devrait se terminer d'ici 1992.

22.38 Nous avons aussi relevé des lacunes dans les méthodes d'évaluation des compétences linguistiques des membres des Forces canadiennes. Or, ces données sont essentielles à la planification de la formation linguistique puisqu'elles servent à établir dans quelle mesure les titulaires répondent aux exigences de leur poste. En 1988, les connaissances linguistiques de 14 500 personnes ont été évaluées, mais le ministère n'a pas pu démontrer la validité des tests utilisés. On a normalisé arbitrairement les notes de passage, de sorte que le pourcentage d'échecs soit égal chez les anglophones et chez les francophones, au lieu de veiller à ce que la norme de compétence soit atteinte. Qui plus est, les résultats de test de 6 120 personnes, bien qu'ils aient été incomplets parce qu'on n'avait pas de test écrit au cours de l'étude de 1988, ont été inclus dans la base de données du ministère, dans la catégorie des personnes désignées parfaitement bilingues. Il est donc difficile de déterminer les progrès réalisés dans le cadre du programme des langues officielles.

22.39 Quant à l'autre grande politique, soit le corps d'officiers bilingues, elle soulève aussi certaines préoccupations. Contrairement à la fonction publique, les Forces canadiennes nomment les officiers à un grade plutôt qu'à un poste. Même si elles ont mis au point, à la demande du Conseil du Trésor, des lignes directrices pour reconnaître la mobilité du personnel militaire, elles n'ont pas fait preuve de suffisamment de rigueur dans l'application de ces lignes directrices, et le Conseil du Trésor n'a pas suivi la situation de près. Le principe du «corps d'officiers bilingues» n'était pas fondé sur des exigences linguistiques définies objectivement. Les hautes instances nous ont plutôt expliqué que les Forces canadiennes exigeaient normalement que les militaires du grade de lieutenant-colonel soient bilingues pour des motifs opérationnels. Or, cette exigence n'a jamais été justifiée.

22.40 En 1990, le ministère et les Forces ont approuvé un nouveau programme de langues officielles. D'après les niveaux actuels de dépenses, le ministère estime que l'atteinte des objectifs de formation linguistique du nouveau programme occasionnera, au cours des quinze prochaines années, des dépenses directes d'environ 500 millions de dollars, plus 900 millions en salaires versés aux stagiaires. Aux niveaux actuels de production, ces sommes permettront de répondre, tout au plus, à 50 p. 100 des besoins du ministère. Les représentants du ministère nous ont signalé que les nouveaux programmes devraient accroître la productivité, mais ils n'ont pas pu préciser dans quelle mesure.

Le Programme militaire d'enseignement des langues secondes (PMELS) pose certains problèmes d'économie et d'efficience
22.41 Le programme d'enseignement des langues vise à former un corps d'officiers bilingues et à assurer qu'il y a un nombre suffisant de militaires du rang capables d'occuper les postes désignés bilingues. Il manque présentement 19 300 anglophones bilingues et, au rythme actuel de la formation, il faudra 40 ans pour pallier cette pénurie.

22.42 L'objectif premier du programme de langues des Forces canadiennes consiste à amener les candidats au niveau «fonctionnel», ce qui exige habituellement 1 250 heures d'instruction. Nous avons constaté que ce niveau de connaissances est insuffisant pour les officiers qui exercent des fonctions de supervision. En outre, étant donné que le niveau «fonctionnel» couvre une vaste gamme de compétences linguistiques, les Forces n'ont aucun moyen d'affecter les personnes les plus qualifiées aux postes qui exigent de plus grandes compétences à l'intérieur de la catégorie «fonctionnel». Les Forces canadiennes désignent des postes bilingues comme exigeant un niveau de compétence au-delà du niveau fonctionnel, appelé «niveau intégral», mais elles ne dispensent pas la formation permettant d'y accéder.

22.43 Bien que les Forces canadiennes souffrent d'une grave pénurie d'anglophones bilingues, nous constatons que le système d'enseignement des langues est conçu pour offrir une formation de base à un grand nombre de candidats plutôt que pour amener un nombre plus limité de personnes au niveau de compétence dont elles ont besoin pour exécuter leurs tâches efficacement. Ainsi, tous les officiers anglophones reçoivent, dès l'entrée en fonctions, les deux tiers de la formation requise pour atteindre le niveau fonctionnel. Quant au reste de la formation, elle est dispensée si l'intéressé prend les mesures nécessaires ou si les cours supplémentaires sont offerts. Les représentants du ministère ont déclaré que des cours étaient offerts dans 38 des 43 bases et qu'environ 2 600 personnes s'y étaient inscrites en 1989-1990. Cependant, 75 p. 100 de cette instruction était destinée aux débutants et non à ceux qui avaient déjà une formation de base.

22.44 Entre 1980 et 1989, seul le cours continu de français permettait d'atteindre le niveau fonctionnel. Pour les 3 500 candidats qui ont suivi le cours, le taux de réussite était de 68 p. 100 chez les officiers et de 33 p. 100 chez les militaires du rang. Avant 1988, le ministère n'exigeait aucune connaissance préalable pour ce cours, ce qui explique le taux d'échec élevé chez les militaires du rang. Or, en 1988, des conditions préalables ont été établies, mais on a continué d'inscrire au cours des candidats qui ne satisfaisaient pas aux exigences. Afin de justifier leur présence au cours, on a redéfini la notion de «réussite»; il s'agissait alors d'accomplir des progrès suffisants plutôt que d'atteindre un niveau de compétence particulier. Le taux de réussite est alors passé à 61 p. 100. Les représentants du ministère nous ont affirmé que l'atteinte du niveau «fonctionnel» sera rétabli comme critère de réussite en 1991 et qu'à ce moment-là ceux qui n'atteignent pas la norme ne pourront plus être inscrits aux cours continus.

22.45 Les Forces canadiennes inscrivent un militaire à un cours de langue peu de temps après son enrôlement dans les forces armées. Or, nous avons remarqué que la formation n'était pas nécessairement dispensée à un moment où le militaire serait vraisemblablement appelé à utiliser cette langue seconde dans l'exercice de ses fonctions. Par conséquent, les connaissances acquises ne sont pas mises en pratique, ce qui n'incite pas tellement les candidats à réussir le cours. Le taux moyen d'échec pour le cours de français de base est d'environ 50 p. 100. Ce cours a nécessité 50 p. 100 des ressources allouées pour l'enseignement du français en 1988-1989 et environ 60 p. 100 en 1989-1990. Compte tenu du fait que 30 p. 100 des militaires quittent les Forces au cours de leurs cinq premières années de service, nous nous demandons s'il est rentable d'inscrire les recrues au cours continu de français si tôt en début de carrière.

22.46 Des représentants des Forces canadiennes nous ont dit qu'ils avaient pris ou comptaient prendre des mesures pour remédier aux nombreux problèmes que nous avons soulevés. En juillet 1989, soucieuses d'améliorer le taux de réussite aux cours de langues, les Forces ont accru la durée de certains cours et instauré une nouvelle condition d'admissibilité sous forme de niveau de connaissance pour le cours continu de français. Le nombre de stagiaires inscrits au cours a augmenté, et l'on a mis sur pied un «Programme militaire décentralisé d'enseignement des langues secondes» pour permettre aux intéressés d'entreprendre ou de poursuivre leur formation. Les représentants des Forces canadiennes ont déclaré que ces initiatives augmenteraient la capacité en matière de formation linguistique.

Le bilinguisme et le processus de promotion
22.47 La formation linguistique permet d'acquérir des compétences professionnelles qui font partie de l'ensemble des éléments évalués en vue d'une promotion. Nous avons donc examiné quelle valeur les Forces canadiennes accordaient à la compétence linguistique dans le cadre du processus de promotion.

22.48 Nous avons constaté que le Conseil du Trésor n'a donné aucune indication ou directive générale sur la façon d'intégrer les exigences linguistiques des divers rangs et occupations au processus d'évaluation du mérite pour des institutions comme les Forces canadiennes qui donnent des promotions de grade plutôt que de poste. À l'heure actuelle, on attribue des points de mérite à ceux qui ont acquis des compétences en langue seconde ou qui ont manifesté le désir d'apprendre.

22.49 Bien que les conseils de promotion au mérite aient reçu des renseignements généraux sur la façon de coter les compétences linguistiques, il faudrait leur fournir des lignes directrices bien précises.

22.50 Les politiques des Forces canadiennes en matière de promotion, y compris celle d'un corps d'officiers bilingues décrite précédemment, ont entraîné une augmentation considérable de la demande en cours de langues, bien qu'il n'y ait aucune garantie que, dans un avenir prévisible, des postes bilingues seront disponibles pour les personnes formées.

Le système des affectations devrait mieux mettre à profit les compétences linguistiques
22.51 Les affectations par rotation permettent la réalisation de bien des objectifs des Forces canadiennes en ce qui concerne la gestion des ressources humaines, par exemple, lorsqu'il s'agit de combler des postes opérationnels qui présentent des conditions de travail difficiles et de répondre aux besoins professionnels et personnels des militaires. Par conséquent, contrairement à la fonction publique où le taux de mobilité est relativement faible, le MDN a besoin d'un système d'affectations qui lui permette d'utiliser efficacement les compétences acquises dans le cadre du programme de formation linguistique. Or, aucun système de ce genre n'existe présentement. Comme les cours de langues ne sont pas liés aux priorités de dotation des postes bilingues, la disponibilité de personnel bilingue dans le métier et dans le grade appropriés est l'effet du hasard. Au cours des trois dernières années, environ 58 p. 100 seulement des diplômés du cours continu de français ont été affectés à des postes bilingues. Il n'y a aucune politique de dotation pour les autres cours de langues, lesquels représentent 70 p. 100 de l'enseignement total du français.

22.52 De plus, en 1989, seulement 28 p. 100 des postes bilingues étaient occupés par du personnel bilingue et seulement 34 p. 100 des personnes bilingues occupaient des postes bilingues. En 1989, les Forces canadiennes ont accru de 4 p. 100 le nombre de postes bilingues comblés mais, dans la plupart des cas, il s'agissait de postes que le ministère avait désignés de faible priorité en ce qui concerne l'exigence de bilinguisme.

22.53 Comme nous l'avons déjà signalé, le nouveau programme de langues officielles du ministère, d'une durée de 15 ans, coûtera environ 500 millions de dollars au chapitre de l'enseignement des langues secondes, sans compter les salaires des stagiaires, les dépenses en capital ainsi que les dépenses de fonctionnement et d'entretien. Or, aucun plan n'est prévu pour que la formation soit dispensée en fonction de l'emploi probable de la personne de manière à ce que les connaissances soient utilisées et à ce que les militaires qualifiés soient affectés à des postes appropriés. La question du dosage entre l'état de préparation opérationnelle, les objectifs en matière de langues officielles et les coûts n'a pas été abordée.

Résumé
22.54 Les besoins et les données en matière de langues officielles ne sont pas tout à fait exacts. En général, les programmes desservent de grands nombres de personnes qui acquièrent un niveau de compétence trop bas et, une fois la formation terminée, il n'y a aucun système ou procédé efficace en place pour affecter les candidats formés à un poste où ils pourront mettre en pratique ou perfectionner les connaissances acquises. Nous avons également décelé des lacunes dans les méthodes d'évaluation des connaissances linguistiques des candidats.

22.55 Les représentants du Conseil du Trésor ont indiqué leur intention de fournir aux Forces canadiennes des directives générales et des conseils qui leur permettront d'établir, en matière de langues officielles, des politiques et des lignes directrices qui soient claires et qui répondent aux besoins militaires.

22.56 Le ministère et les Forces canadiennes devraient redéfinir les objectifs de leur programme de langues officielles en ce qui concerne le nombre de postes bilingues et les niveaux de connaissance requis. Ces objectifs devraient être fondés sur des besoins opérationnels clairement définis et ils devraient être atteignables.

22.57 L'efficience et l'économie de l'enseignement des langues officielles s'en trouveraient améliorées si l'on dispensait la formation à un moment plus opportun, si l'on s'assurait que les tests sont valides, fiables et correctement étalonnés, puis, si l'on planifiait la formation en fonction des priorités de dotation des postes bilingues et si l'on modifiait le processus d'affectations de façon que la formation reçue soit mise en pratique.

Commentaires du ministère : Les Forces canadiennes rendront l'enseignement des langues officielles plus efficient et économique, c'est-à-dire qu'elles réexamineront les besoins en la matière et surveilleront le processus d'affectation pour veiller à ce que la formation dispensée serve. L'épreuve linguistique sera aussi revue afin de déterminer si elle est toujours valable.

À la lumière d'un examen interne approfondi des politiques et des pratiques en matière de formation linguistique dans les Forces canadiennes, des changements substantiels ont été apportés au PMELS en juillet 1989. Compte tenu de l'importance de la formation linguistique, des critères de sélection et des normes d'enseignement ont été établis pour chaque cours principal. Un programme uniforme a été élaboré de manière à assurer une formation progressive et structurée. Bien qu'il soit encore trop tôt pour évaluer tous les effets de ces changements, on constate que deux cours à l'intention des officiers subalternes, qui ont pris fin au printemps, ont connu des taux de réussite beaucoup plus élevés : la note de passage aux collèges militaires canadiens est passée de 74 à 99 p.100, et le taux de réussite au cours de français élémentaires est passé de moins de 50 p. 100 à 76 p. 100. Outre les améliorations apportées, le nombre de participants a augmenté à tous les cours organisés par le QG, et 2 600 personnes ont suivi un nouveau cours offert à toutes les bases depuis septembre 1989.

Dans les Forces canadiennes, nous sommes convaincus que les mesures et les initiatives prises ou prévues remédient aux problèmes mentionnés dans le présent chapitre. Le ministère de la Défense et les Forces canadiennes, de concert avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, élaborent actuellement un protocole d'entente qui définira, pour leur programme de langues officielles, des objectifs clairs qui se prêtent à des évaluations, ce qui leur permettra de définir des buts plus précis et réalistes en matière de formation linguistique.

Les programmes de perfectionnement professionnel auraient besoin d'être intensifiés

22.58 Nous avons examiné deux aspects du perfectionnement professionnel au sein des Forces canadiennes : les programmes de formation des officiers, grâce auxquels des candidats sont intégrés au corps des officiers, et le perfectionnement des officiers supérieurs.

Les programmes de formation des officiers pourraient être rendus plus rentables
22.59 Les Forces canadiennes produisent des officiers par le biais de divers programmes. Il peut s'agir, entre autres, de programmes de formation universitaire subventionnée dans un collège militaire ou dans une université civile, ou de programmes de recrutement direct, pour les Forces armées, de diplômés de l'école secondaire, du collège ou de l'université. Celui qui est jugé le plus important et le plus efficace est le Programme de formation des officiers de la Régulière (PFOR), qui constitue la principale source d'officiers détenant un diplôme et d'officiers du service général (64 et 44 p. 100 respectivement). Les candidats de ce programme utilisent la majorité des places disponibles dans les collèges militaires; plusieurs centaines d'officiers sont également formés dans des universités civiles chaque année.

22.60 Notre examen a révélé que le contingentement de l'élément le plus coûteux des divers programmes de formation des officiers, les collèges militaires, était fixé à 1 520 étudiants, nombre fondé sur les installations en place plutôt que sur les besoins des Forces canadiennes. En 1989, le ministère a effectué une étude et a conclu que, moyennant un certain investissement initial en immobilisations, deux collèges au lieu de trois suffiraient à produire le niveau actuel d'officiers. Le ministère a également estimé que 7,7 millions de dollars pourraient ainsi être économisés chaque année et qu'il réaliserait en outre une économie unique de 35 millions de dollars en dépenses en capital si l'un des collèges était transformé et utilisé à d'autres fins. Toutefois, rien n'a été fait en ce sens, car on a voulu maintenir la représentation régionale au sein du réseau de collèges.

22.61 Nous avons de plus constaté que les collèges militaires étaient coûteux. Le ministère estime qu'ils coûtent 47 700 $ par étudiant par année, tandis qu'un candidat du PFOR qui fréquente une université civile ne coûte que 18 000 $ par année. Environ 30 p. 100 de cet écart s'explique par les subventions provinciales versées aux universités civiles et par des différences de programmes comme le drill, l'éducation physique obligatoire et les cours de langues. Le reste est attribuable à la surcapacité des collèges militaires et à des facteurs tels qu'un rapport professeurs/étudiants deux fois et demie supérieur à la moyenne dans les universités canadiennes.

22.62 La rentabilité relative des divers programmes de formation des officiers n'a pas été analysée des points de vue du maintien en poste du personnel et de l'avancement dans la carrière. Personne ne semblait chargé d'étudier ces facteurs. Malgré les nouvelles tendances dans la société, rien n'indique que l'on envisage de mettre au point de nouveaux programmes de production ou de modifier ceux qui sont en place depuis si longtemps.

22.63 Le ministère devrait, à intervalles réguliers, évaluer l'efficience et l'efficacité de ses programmes de formation d'officiers.

Commentaires du ministère : Le ministère a récemment consacré beaucoup d'efforts à l'examen de l'efficience de l'élément le plus dispendieux du PFOR, c'est-à-dire les collèges militaires, et cherche des moyens d'améliorer son rapport coût-efficience.

L'application de mesures d'accroissement de l'efficience a, jusqu'à maintenant, été reportée en raison du manque de fonds pour l'investissement initial nécessaire à l'adaptation de l'infrastructure et de la baisse de la demande ainsi que pour des considérations de répartition entre les régions. On est conscient des problèmes et on continue de s'efforcer d'améliorer la situation.

Nous reconnaissons qu'il n'y a pas suffisamment d'évaluations régulières de l'efficacité relative des divers programmes. Nous allons concevoir des moyens de recueillir des données pour ce type d'évaluations.

Les besoins de perfectionnement des officiers supérieurs n'ont pas été définis
22.64 Un des facteurs déterminants de l'efficacité des Forces canadiennes en temps de guerre ou en cas de crise majeure serait la compétence opérationnelle des dirigeants, c'est-à-dire les officiers à partir du grade de lieutenant-colonel. Ces officiers seraient alors chargés de prendre des décisions vitales sur le champ de bataille et de donner des conseils qui serviraient de base à des décisions politiques cruciales. Nous avons donc examiné ce que les Forces canadiennes faisaient pour améliorer la compétence de leurs officiers supérieurs et généraux.

22.65 L'art du commandement opérationnel s'acquiert et se perfectionne grâce à un programme de formation, d'expérience pratique et d'études. À cette fin, un système officiel de perfectionnement professionnel des officiers a été mis sur pied et il permet, entre autres, aux officiers d'acquérir des connaissances théoriques et pratiques générales. Cette formation est dispensée surtout par les deux collèges de commandement et d'état-major. Pour certains candidats choisis, les connaissances acquises sont ensuite mises en pratique et perfectionnées en campagne, ou en mer, grâce à des affectations de commandement déterminées par le service du ministère qui s'occupe de la gestion des carrières.

22.66 Les Forces canadiennes ont officieusement adopté un modèle de carrière «généraliste», qui évite la spécialisation en matière de commandement et d'état-major. Étant donné que le nombre d'unités opérationnelles est restreint, il s'ensuit donc que les officiers des classifications opérationnelles n'auront, au mieux et à chaque grade, qu'une seule affectation de commandement de courte durée, en moyenne moins de deux ans dans chaque cas. Les officiers supérieurs canadiens et ceux de plusieurs pays alliés de l'OTAN estiment que l'expérience du commandement aux niveaux inférieurs ne donne pas automatiquement les connaissances nécessaires pour exercer efficacement le commandement aux niveaux supérieurs. En plus de ne fournir qu'un minimum d'expérience et de perfectionnement pratiques, ces changements fréquents de chefs, de l'avis du ministère, ont des répercussions très néfastes sur le moral des troupes.

22.67 Le manque d'expérience peut être compensé, dans une certaine mesure, par une formation de haute qualité. Or, les Forces canadiennes n'offrent pas de formation ou d'instruction officielle axée sur les opérations aux officiers au-delà du grade de major.

22.68 En outre, bien que la plupart des officiers supérieurs et généraux participent à l'établissement des politiques et à la gestion des ressources d'un grand ministère ainsi qu'à la formulation de la politique de sécurité nationale, les Forces canadiennes n'ont pas défini la formation et l'instruction dont ces officiers ont besoin pour accomplir efficacement ce travail. Un programme structuré d'activités de perfectionnement est présentement en voie de développement.

22.69 Les Forces canadiennes reconnaissent depuis longtemps qu'elles doivent offrir un programme complet de perfectionnement à leurs officiers supérieurs et généraux. Des progrès ont été réalisés récemment, mais il y a encore beaucoup à faire.

22.70 Les Forces canadiennes devraient analyser les tâches opérationnelles et gestionnelles que les officiers supérieurs et généraux doivent accomplir, ce qui leur permettrait de déterminer les niveaux de compétence, de connaissance et d'expérience dont ceux-ci ont besoin ainsi que le nombre d'officiers requis à chaque niveau. Il faudrait alors modifier en conséquence les systèmes actuels de gestion de carrière et de perfectionnement professionnel.

Commentaire du ministère : Le ministère convient de la nécessité d'analyser le rôle des officiers supérieurs et des officiers généraux, en temps de guerre et en temps de paix. Ce type d'analyse, qui permettrait de donner une assise solide à l'élaboration d'un programme de perfectionnement plus efficace et efficient, sera effectuée en temps et lieu.

Le matériel d'instruction a été amélioré, mais il a besoin de l'être encore davantage

22.71 L'efficacité au combat dépend de la qualité de l'équipement et de l'habileté du personnel à le faire fonctionner et à l'entretenir. Il est donc important que l'infrastructure d'instruction soit adaptée aux armes, sinon l'efficacité d'un équipement coûteux sera limitée par la compétence et les connaissances de l'utilisateur et du personnel préposé à l'entretien.

22.72 Les Forces canadiennes accordent une plus grande priorité à l'acquisition de systèmes d'armes opérationnels, comme des navires et des aéronefs, qu'à l'infrastructure auxiliaire. En conséquence, les projets de remplacement ne sont pas financés ou ils sont mis en oeuvre avec beaucoup de retard. En voici des exemples.

22.73 Une part considérable de l'infrastructure d'instruction des Forces canadiennes est acquise en même temps que les grands systèmes d'armes. Nous avons examiné le volet instruction de huit des grands projets de l'État en cours, représentant une valeur totale de 17 milliards de dollars sur les 40 milliards alloués pour les projets gérés par la Défense nationale, afin de déterminer si les besoins en instruction avaient été décelés et prévus. Ils l'avaient été dans la plupart des cas pour les projets analysés. Si l'on continue de procéder de cette façon, on pourra éviter les problèmes que nous avons décrits.

22.74 Nous avons aussi trouvé des cas où le déroulement de l'instruction peut être perturbé, mais non en raison de lacunes dans le programme d'instruction. Voici des exemples.

22.75 À l'heure actuelle, les contrats de projets d'immobilisations n'obligent pas toujours les entrepreneurs à fournir l'instruction nécessaire pour répondre de façon opportune et appropriée aux besoins des Forces canadiennes.

22.76 Le ministère de la Défense nationale devrait s'assurer que les contrats renferment des dispositions confirmant que le type et la qualité de l'instruction dispensée ont répondu ou répondront aux besoins du ministère avant l'acceptation définitive du produit.

22.77 Le ministère devrait s'efforcer de mieux synchroniser l'instruction et la livraison du matériel et s'assurer que les coûts d'opportunité du matériel non productif sont prévus au moment de la négociation du contrat.

Commentaire du ministère : Il est pratique courante au ministère d'inventorier les besoins d'instruction en fonction des acquisitions de matériel dès le début des négociations avec les fournisseurs. Le ministère a toujours évalué l'instruction dispensée par ses fournisseurs et continuera de l'évaluer, avec plus de rigueur même, afin de s'assurer que l'on répond à ses besoins. On veillera encore davantage à synchroniser l'instruction avec la livraison du matériel, et ce, au moyen d'une concertation accrue avec les fournisseurs.

Les systèmes d'information de gestion ne sont pas adéquats

22.78 L'information de gestion ayant trait au contrôle de l'instruction sert au moins trois fins importantes : surveiller l'efficacité et la rentabilité des méthodes actuelles d'instruction; fournir des données sur le niveau global d'instruction; vérifier la capacité du système d'instruction de répondre aux besoins prévus en temps de guerre.

22.79 Comme c'est le cas de façon générale pour le système de gestion des ressources humaines du ministère, les systèmes d'information utilisés dans le cadre du Système d'instruction individuelle des Forces canadiennes ont tendance à être dépassés et sont habituellement conçus pour satisfaire aux exigences de temps de paix. Dans l'ensemble, il y a des lacunes dans la production d'information et dans le traitement des données permettant d'évaluer régulièrement l'économie et l'efficience ou d'envisager des solutions pour la planification et la prestation de l'instruction. Comme nous l'avons signalé, il faudrait aussi améliorer les méthodes d'évaluation afin de pouvoir déterminer la pertinence des cours et trouver des moyens plus efficients de répondre aux besoins en matière d'instruction, dans un système où les candidats sont souvent affectés à des postes exigeant une vaste gamme de compétences. Si l'essai de «délégation de pouvoirs et de responsabilités au niveau des bases» lancé par le ministère est mis en oeuvre, certains gestionnaires disposeront peut-être de meilleures données sur les coûts.

22.80 De l'information à l'échelle du ministère sur l'efficacité du système d'instruction en temps de guerre peut être obtenue par le biais des rapports officiels et aussi grâce à l'analyse systématique des résultats des exercices militaires. En 1984, nous avions constaté que le système de rapports en place ne permettait de recueillir que des renseignements limités. Le ministère a depuis mis sur pied un nouveau Système d'efficacité et d'état de préparation opérationnelle (SEEPO) qui fournit, entre autres, des données sur la situation globale de l'instruction au sein des Forces canadiennes. Le système ne peut cependant être entièrement mis en oeuvre avant qu'un plan officiel de développement des forces ne soit adopté et que des objectifs bien définis ne soient fixés, à partir desquels il sera possible de mesurer les états de préparation actuels. En outre, notre examen indique que ce système reposera sur des banques de données sur le personnel qui ne seront peut-être pas fiables.

22.81 Aucun exercice de poste de commandement d'envergure ne s'est déroulé depuis BOLDSTEP 84. En effet, BOLDSTEP 88 a été annulé. Les autorités ont indiqué que le ministère n'avait pas encore résolu les principaux problèmes survenus au cours de BOLDSTEP 84, notamment sur le plan de l'administration du personnel, du matériel et des finances, et que, par le fait même, un autre exercice n'aurait pas été constructif. Elles ont par ailleurs souligné que le ministère avait l'intention de participer à un exercice de mobilisation organisé à l'échelle du gouvernement en 1990.