1.10 Nous n'avons pas entrepris cette étude parce que nous pensions que les normes d'éthique des gouvernements canadiens diminuaient de rigueur ou étaient inférieures à celles du secteur privé. Les Canadiens attendent probablement beaucoup plus du secteur public que du secteur privé pour ce qui est du respect des normes d'éthique. Ils doivent, en outre, se rendre compte qu'ils ont plus d'attentes en matière de respect de l'éthique au gouvernement.
1.11 Nous n'avons pas non plus entrepris cette étude parce que nous pensions que la situation au Canada était pire que dans les autres pays. À notre avis, les gouvernements canadiens n'ont rien à envier aux gouvernements des autres pays en fait d'intégrité.
1.12 Et pourtant, nous nous préoccupons du cynisme de plus en plus prononcé que manifestent les Canadiens à l'égard des institutions publiques. Que ce cynisme se fonde sur des faits réels ou sur une perception, il n'en est pas moins troublant. Si les Canadiens n'ont pas confiance en leur gouvernement, les actes de celui-ci seront de moins en moins légitimes et de moins en moins efficaces. De là, toute l'importance d'un débat sur l'éthique dans l'administration publique et la nécessité de prendre des mesures qui maintiendront et encourageront le respect de l'éthique au sein du gouvernement.
1.13 Nous reconnaissons que le sujet de l'éthique au gouvernement est très vaste et que le présent chapitre ne traite qu'une partie du sujet : l'éthique dans la prise de décisions. L'éthique dans la prise de décisions signifie que les décisions sont prises en toute impartialité et en toute objectivité, et dans l'intérêt public. Il existe deux manières essentielles de promouvoir un comportement fidèle à l'éthique dans ce domaine. L'une se fonde sur les « règles » et la conformité à ces règles, l'autre a trait aux valeurs clairement définies et aux actions qui encouragent l'honnêteté. Bien que notre discussion mette l'accent sur la seconde manière, nous reconnaissons que tout accent mis sur l'éthique doit être modéré par les expériences passées qui indiquent que même si la promotion de l'éthique est nécessaire, elle ne saurait remplacer des contrôles financiers et de gestion efficaces par rapport aux coûts.
1.14 Dans le cas de certains problèmes d'éthique, par exemple, un conflit d'intérêts flagrant, les réponses peuvent être claires. Mais, du fait de notre système politique, il existe de réels dilemmes d'éthique, dont beaucoup émergent lorsque les avantages socio-économiques d'une proposition se heurtent à des politiques liées à des considérations pratiques comme les intérêts régionaux. Cependant, ces ambiguïtés ne doivent pas décourager le débat. Au contraire, elles sont la raison même de ce débat.
1.15 Les objectifs spécifiques de l'étude étaient :
1.17 Bien que nous n'ayons interviewé que des fonctionnaires de quatre ministères, il ne serait vraiment pas juste de placer toute la responsabilité du respect des normes d'éthique sur les seuls fonctionnaires. Le leadership des députés, des ministres et des sous-ministres est indispensable pour maintenir le respect des normes d'éthique et le rendement au gouvernement. Le respect de l'éthique au gouvernement incombe également à tous ceux qui fournissent au gouvernement des produits et des services et à ceux qui en reçoivent des avantages. C'est pour ces raisons que nous proposons dans la troisième partie du présent chapitre un cadre d'éthique pour le gouvernement.
1.18 La deuxième partie du chapitre résume les initiatives du gouvernement en matière d'éthique et de formation dans ce domaine, dans neuf ministères fédéraux.
1.19 La troisième partie traite d'un cadre d'éthique pour le gouvernement. Le cadre proposé reconnaît l'importance des mesures récentes ainsi que des mesures précédentes prises par le gouvernement, des résultats de nos entrevues et de nos consultations avec des personnes informées en la matière, d'un examen bibliographique et d'un examen des pratiques en usage dans le secteur public et dans le secteur privé. Nous proposons un certain nombre d'éléments qui s'inspirent des mesures existantes et qui pourraient aider à intégrer celles-ci dans un cadre d'éthique plus vaste.
1.20 Les travaux ont déjà commencé dans d'autres secteurs. Par exemple, le rapport de 1991 de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis examine les questions d'éthique au niveau du parti politique et recommande que chaque parti politique enregistré adopte un code d'éthique et établisse un comité d'éthique chargé de veiller au respect de ce code et de le faire connaître. De plus, à plusieurs occasions depuis 1988, des dispositions législatives ont été proposées pour réglementer les questions de conflits d'intérêts des sénateurs et des députés. En mars 1995, un rapport sur des propositions de modification à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes intitulé « Rebâtir la confiance » a été déposé à la Chambre des communes par le Sous-comité du Comité permanent de l'Industrie.
1.22 Les fonctionnaires sont également importants du fait que, dans notre système, le Parlement ne dirige pas en détail les activités des ministres, ni celles des ministères et des organismes dont ils sont responsables. La loi octroie aux ministres, et par délégation aux fonctionnaires, un pouvoir habilitant qui leur permet d'exercer leur liberté de décision lorsqu'ils élaborent les politiques des programmes et les stratégies pour mettre celles-ci en oeuvre. Ainsi, les fonctionnaires prennent part au processus de prise de décisions.
1.24 Nous avons eu des entrevues confidentielles en 1993 et 1994 dans quatre ministères : la Défense nationale, l'Agence canadienne de développement international, Patrimoine canadien et Environnement Canada. Nous avons choisi ces ministères parce qu'ils sont responsables d'un grand nombre d'activités en matière de politique, de réglementation et d'opérations. Au moment de notre étude, le nombre total de leurs employés, y compris les membres des Forces armées canadiennes, était d'environ 120 000. Nous avons interviewé 329 fonctionnaires, dans ces quatre ministères, par échantillonnage aléatoire stratifié en deux catégories : les cadres supérieurs et les fonctionnaires. Dans certains cas, les ministères où nous avons mené nos entrevues ont été restructurés; on ne peut donc pas lier directement les résultats avec les ministères tels qu'ils sont actuellement.
1.25 Aux fins de nos entrevues, l'expression « fonctionnaires » englobe tous les employés du gouvernement fédéral, y compris les cadres supérieurs des ministères échantillonnés et les membres des Forces armées canadiennes. Nous donnons à cette expression une définition plus vaste que celle donnée par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique selon laquelle les « fonctionnaires » sont les personnes « pour qui le Conseil du Trésor représente le gouvernement à titre d'employeur ». L'expression « cadres supérieurs » désigne tous les fonctionnaires nommés dans la catégorie de la direction ou d'un grade militaire équivalent, comme les sous-ministres adjoints, les directeurs généraux et les colonels.
1.26 Généralement, notre rapport fait état des résultats de notre analyse pour tous les fonctionnaires, y compris les cadres supérieurs des ministères en question. Il fait également état des résultats concernant les cadres supérieurs lorsque la différence entre ces résultats et ceux de l'ensemble des fonctionnaires est statistiquement significative. Les fonctionnaires d'un niveau inférieur à celui de cadre supérieur constituent la majorité des employés des ministères échantillonnés, et les résultats de ce sous-groupe et de l'ensemble des fonctionnaires des ministères en question sont à peu près les mêmes.
1.27 Compte tenu de la taille de notre échantillon, les résultats présentent un niveau d'exactitude de plus ou moins six points, en moyenne, dans 95 p. 100 du temps, et cela pour tous les fonctionnaires ainsi que pour le sous-groupe des cadres supérieurs. Donc, c'est avec un niveau de confiance de 95 p. 100, que les différences observées entre l'ensemble des fonctionnaires et les cadres supérieurs reflètent des différences réelles qui ne sont pas le fait de fluctuations attribuables à l'échantillon aléatoire. Nous avons arrondi les résultats au pourcentage le plus près.
1.28 Nous avons conçu les entrevues de manière qu'elles permettent d'obtenir de l'information sur la mesure dans laquelle les fonctionnaires sont conscients et se préoccupent de questions d'éthique, de conflits d'intérêts et de fraude au sein de leurs ministères. Nous employons l'expression « fraude » pour parler d'activités qui, comme la fraude, pourraient entraîner des poursuites aux termes de divers articles du Code criminel du Canada , de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur la gestion des finances publiques . Nous avons cherché à déterminer leur connaissance des politiques du gouvernement concernant les conflits d'intérêts, la fraude et les actes illégaux. Nous leur avons également demandé leur point de vue sur le caractère approprié de certains actes discutables et sur les mesures qu'ils prendraient s'ils soupçonnaient un acte frauduleux ou un conflit d'intérêts.
1.29 Cependant, des résultats de cette étude, le lecteur ne doit pas déduire que des actions discutables passeraient inaperçues ni qu'il se trouve, au gouvernement, un degré important de fraude ou d'autres activités illégales. En outre, notre cadre d'échantillonnage s'appliquait seulement aux quatre ministères où nous avons mené des entrevues; ainsi les résultats ne se prêtent pas à une généralisation statistique à l'échelle de la fonction publique.
1.31 Cependant, nous avons trouvé des secteurs vulnérables (voir la section Constatations détaillées). Cela nous préoccupe parce qu'ils pourraient constituer une menace à la base solide de normes d'éthique que nous avons actuellement. Cela nous préoccupe aussi parce qu'un petit nombre d'infractions, surtout si elles sont largement portées à la connaissance du public, peuvent suffire à ternir la réputation de tous les fonctionnaires et à saper la confiance du public à l'égard du gouvernement.
1.34 La plupart des fonctionnaires (91 p. 100) ont affirmé que s'ils présumaient un cas important de fraude ou d'activité illégale, ils le signaleraient. Presque tous les cadres supérieurs (98 p. 100) ont dit que, le cas échéant, ils signaleraient un acte frauduleux important. La principale raison pour ne pas signaler ces cas est la crainte de représailles.
1.35 Connaissance des politiques et des contrôles clés pertinents. Nous avons interrogé les fonctionnaires sur la connaissance qu'ils ont des politiques du gouvernement sur les conflits d'intérêt, la fraude et d'autres activités illégales parce que ces politiques indiquent la manière dont il faut traiter des questions délicates. Évidemment, le fait de ne pas connaître certaines sections de ces politiques ne signifie pas que, le cas échéant, les personnes agiront de façon inappropriée et vice-versa. Néanmoins, ces politiques sont importantes parce qu'elles fournissent un ensemble commun de valeurs pour la fonction publique, et qu'elles permettent au gouvernement de tenir les personnes responsables des actes inappropriés qu'elles commettent.
1.36 La politique clé du gouvernement sur le traitement des actes illégaux commis contre la Couronne s'intitule Pertes de fonds et infractions et autres actes illégaux commis contre la Couronne. Cette politique exige que, par exemple :
1.40 Cependant, les documents les plus explicites sur les conflits d'intérêts sont le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat et le Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique . Le premier vise les « titulaires de charge publique» ministres, secrétaires d'État, secrétaires parlementaires, membres du personnel des ministres, les personnes nommées par le gouverneur en conseil. Les principes de la Partie I du Code s'appliquent également au personnel des offices, des commissions et des tribunaux fédéraux, aux employeurs distincts aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , aux Forces armées canadiennes et à la Gendarmerie royale du Canada. Le deuxième code s'applique aux fonctionnaires dont l'employeur est le gouvernement représenté par le Conseil du Trésor. Ces codes existent sous une forme ou sous une autre depuis 1985. Ils ne s'appliquent pas aux sénateurs, ni aux députés, ni aux employés des sociétés d'État.
1.41 Les codes contiennent un énoncé des principes et des règles sur ce qui est permis et ce qui est interdit en fait de biens ou d'obligations, d'activités extérieures, de cadeaux, d'avantages et de comportement pendant l'après-mandat. Ils exigent également que soient communiquées toutes les données sur les biens et sur les autres circonstances qui pourraient constituer un conflit d'intérêts.
1.42 Les codes contiennent les principes présentés à la pièce 1.3 .
1.43 Les principes sont les mêmes dans les deux codes, à l'exception du principe qui touche la prise de décisions. Le Conseil du Trésor nous a informés qu'il compte réviser, d'ici juin 1995, le code visant les fonctionnaires dont il est l'employeur.
1.44 Constatations sur les conflits d'intérêts. Dans l'ensemble (84 p. 100), les fonctionnaires des quatre ministères où nous avons mené des entrevues savent qu'il existe une politique sur les conflits d'intérêts. Presque tous les cadres supérieurs (98 p. 100) sont au courant de cette politique.
1.45 Quatre-vingt-un pour cent des fonctionnaires (95 p. 100 des cadres supérieurs) estiment que la politique est raisonnable et justifiable.
1.46 Seulement 4 p. 100 des fonctionnaires (9 p. 100 des cadres supérieurs) ont indiqué qu'ils connaissaient des employés qui se trouvaient en conflits d'intérêts.
1.47 Bien que les constatations soient généralement positives, un examen plus poussé des données amène certaines réserves. Il arrive que les fonctionnaires ne se conforment pas à l'esprit de la politique du gouvernement sur les conflits d'intérêts parce qu'ils ne savent pas très bien ce que sont les conflits d'intérêts, parce qu'ils ont des réserves au sujet de l'administration de la politique et parce qu'ils craignent les conséquences qu'aurait le fait de signaler des conflits d'intérêts impliquant d'autres personnes. Par exemple :
1.50 Il est important de noter que ces scénarios présentent des situations qui ne sont pas autorisées par les politiques gouvernementales. Notre choix de scénarios ne
doit donc pas être interprété comme laissant entendre que des abus importants se produisent au gouvernement.
1.51 Quatre des scénarios ont trait au fait de recevoir des avantages, d'octroyer des traitements de faveur ou de se servir de façon indue de sa connaissance d'un ministère. Dans l'ensemble, les fonctionnaires des quatre ministères sont d'avis qu'il serait inapproprié de recevoir des avantages de fournisseurs ou de bénéficiaires de leurs programmes, d'accorder des faveurs et de faire un usage indu de la connaissance que l'on a d'un ministère.
1.52 Par exemple :
1.54 Le niveau de vulnérabilité des cadres supérieurs est généralement moins élevé que celui des fonctionnaires. Cependant, nous avons été surpris de constater que 4 p. 100 des cadres supérieurs des ministères en question ne voyaient rien de mal à accepter l'offre d'un bénéficiaire de leur programme de contribution ou subvention qui mettrait son chalet de ski à leur disposition. Onze pour cent des cadres supérieurs pensent qu'il est approprié, pour un employé, d'engager son beau-frère pour un contrat sans appel d'offres. Et 21 p. 100 des cadres supérieurs estiment qu'il n'est pas inapproprié, pour un cadre supérieur d'un ministère, de se servir des connaissances acquises dans l'exercice de ses fonctions pour établir sa position auprès d'une société souhaitant faire des affaires avec le ministère.
1.55 Ces points vulnérables nous préoccupent d'autant plus que, d'après nos constatations, une proportion considérable de fonctionnaires n'interviendraient pas d'une façon ou d'une autre pour signaler les activités décrites dans les précédents scénarios ou les faire cesser. Les résultats sont plus rassurants pour les cadres supérieurs. Pour chacun des trois premiers scénarios, plus de 84 p. 100 des cadres supérieurs interviendraient pour signaler la situation ou la faire cesser. Cependant, 62 p. 100 seulement des cadres supérieurs le feraient dans le cas d'autres cadres supérieurs qui se serviraient des connaissances acquises dans l'exercice de leurs fonctions pour établir leur position auprès d'une société souhaitant faire des affaires avec le ministère.
1.56 Scénarios portant sur l'impartialité et l'objectivité. Trois autres scénarios portaient sur l'impartialité et l'objectivité dans la prise de décisions. Les constatations tirées du deuxième ensemble de scénarios étaient, en général, semblables à celles du premier. Dans l'ensemble, les fonctionnaires estiment que les décisions doivent être prises en toute impartialité et en toute objectivité.
1.57 Par exemple :
1.59 Un autre point qui nous inquiète : il semble qu'environ un tiers des fonctionnaires n'interviendraient d'aucune façon pour signaler ou faire cesser l'obstruction au processus de concurrence ou l'imposition partiale d'amendes et de pénalités et que 59 p. 100 ne prendraient aucune mesure dans le cas de l'attribution discutable d'un contrat à fournisseur unique.
1.60 Les résultats chez les cadres supérieurs indiquent que 23 p. 100 d'entre eux n'interviendraient d'aucune façon pour signaler ou faire cesser l'obstruction à la concurrence pour un contrat, que 17 p. 100 ne feraient rien dans le cas d'amendes ou de pénalités imposées de façon inéquitable et que 47 p. 100 n'interviendraient pas non plus lorsqu'il est question de l'attribution discutable d'un contrat à fournisseur unique apparemment demandée par un cadre supérieur ou par le ministre.
1.63 Le Bureau du conseiller en éthique. Le conseiller en éthique, qui relève du premier ministre, administre le Code régissant les conflits d'intérêt et l'après-mandat pour les ministres, les secrétaires parlementaires, le personnel des ministres et les personnes nommées à une charge à temps plein par le gouverneur en conseil. Il lui incombe de faire enquête sur les allégations de conflits d'intérêts ou de lobbying déposées à l'endroit de titulaires de charge publique.
1.64 Interdiction des honoraires conditionnels pour obtenir des contrats. Une clause, maintenant dans tous les contrats du gouvernement, interdit aux fournisseurs d'engager des lobbyistes pour les aider à obtenir des contrats en échange du versement d'honoraires conditionnels. Les sociétés doivent attester qu'elles n'ont pas engagé de lobbyistes dont le paiement est subordonné à l'obtention du contrat.
1.65 Modifications proposées à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes . La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes a été adoptée en 1989. Le gouvernement a proposé des modifications à la Loi qui exigeraient des lobbyistes qu'ils communiquent au Directeur de l'enregistrement, Direction de l'enregistrement des lobbyistes, Industrie Canada, des informations plus précises sur leurs campagnes de lobbying. Le conseiller en éthique aurait l'autorisation d'élaborer un code de déontologie des lobbyistes en consultation avec des membres du secteur, de faire enquête sur les plaintes relatives à des activités de lobbying contrevenant au code et de rendre compte publiquement du résultat de ces enquêtes.
1.66 Directives sur les marchés de publicité et de recherche sur l'opinion publique. En plus des mesures annoncées le 16 juin 1994, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a établi, en mai 1994, de nouvelles lignes directrices sur la passation des marchés en matière de sondage d'opinion et de publicité. Ces marchés sont maintenant couverts par les politiques générales sur les marchés de l'État qui ordonnent aux ministères de les attribuer de façon équitable et selon le principe de la concurrence, conformément aux règlements et aux politiques du gouvernement.
1.67 Révision du Code. En juin 1994, le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat a été révisé. On y a ajouté deux obligations, à savoir que le titulaire de charge publique doit prendre des décisions « dans l'intérêt public tout en considérant le bien-fondé de chaque cas » et qu'il doit éviter « d'accorder à tout individu ou groupe un traitement de faveur en fonction des personnes retenues pour les représenter ». D'autres révisions du Code exigent que les ministres, les secrétaires d'État et les secrétaires parlementaires remplissent des rapports confidentiels sur les biens et sur les obligations de leurs conjoints et des personnes à leur charge.
1.69 Nous avons également obtenu de l'information sur les programmes d'éthique et sur la formation dans ce domaine que l'on trouve dans les organisations du secteur public et du secteur privé, au Canada et dans d'autres pays. Ces programmes suivent diverses approches faisant appel notamment à des comités d'éthique de la haute direction, des rapports à la haute direction sur l'éthique dans l'organisation, des conseillers en éthique ou un ombudsman, des codes de déontologie, des programmes de formation, des sondages périodiques pour repérer les attitudes, des bulletins et des articles dans des publications des organisations. Certains organismes ont également des programmes anti-fraude, notamment des plans de lutte contre la fraude, une formation anti-fraude et des lignes téléphoniques spéciales pour signaler les cas d'abus.
1.70 Bien que l'on dispose de peu d'information sur l'efficacité des programmes d'éthique dans le secteur public et le secteur privé, il semble que ces programmes ont un effet positif sur l'éthique du personnel et de la direction et sur leur sensibilisation à l'égard de l'inconduite et sur leur volonté de la signaler. D'après les ouvrages publiés, si le gouvernement veut élaborer et mettre en oeuvre de tels programmes, ceux-ci devront couvrir l'ensemble des principes communs à toutes les parties ainsi que les problèmes plus particuliers de chacune d'entre elles.
1.71 Notre examen des programmes d'éthique et de formation dans ce domaine de neuf ministères nous indique que, par le passé, les ministères réglaient les questions d'éthique en fournissant une formation d'un genre ou d'un autre à certains groupes de fonctionnaires. Par exemple, dans le cadre de son Programme de sensibilisation au droit, le ministère de la Justice offre aux ministères un cours d'une demi-journée portant sur les conflits d'intérêts. Bien qu'on note une augmentation non négligeable du nombre de cours d'éthique offerts ces dernières années, peu de fonctionnaires des ministères choisis y ont participé. Deux ministères, la Défense nationale et Travaux publics et Services gouvernementaux commencent à utiliser une approche plus globale pour promouvoir l'éthique. Cependant, moins de 6 p. 100 seulement des fonctionnaires des neuf ministères choisis ont suivi une formation quelconque en éthique.
1.72 Ces lacunes dans la formation nous préoccupent parce que, d'après nos entrevues, une proportion importante de fonctionnaires ne sont pas au courant des lignes directrices existant sur les conflits d'intérêts ni des autres politiques pertinentes, ou ne les comprennent pas. Cependant, les règles et les lignes directrices ne peuvent tenir compte de toutes les circonstances; il est également important que les fonctionnaires acquièrent les aptitudes qui leur permettront de faire face à toute une gamme de dilemmes. À notre avis, il est important d'offrir une formation qui porte à la fois sur les conflits d'intérêts et sur la prise de décisions.
1.74 Un cadre d'éthique bien conçu établit clairement qu'un certain type de comportement est inacceptable au gouvernement. Avec ce cadre, il est plus probable que les décisions seront basées sur le bien-fondé du cas, que les justifications des mesures prises par le gouvernement seront acceptables pour le public et que la confiance de celui-ci dans le gouvernement s'en trouvera renforcée.
1.75 De plus, en adhérant à un cadre d'éthique bien conçu, le gouvernement évitera de voir ses priorités éclipsées par des accusations de conflit d'intérêts ou de favoritisme politique et pourra concentrer tous ses efforts sur l'essentiel de la politique.
1.76 Un cadre d'éthique établit clairement que les apparences entourant les décisions sont importantes. Un fonctionnaire qui accepte des cadeaux ou l'hospitalité de personnes dont on peut penser qu'elles ont intérêt à influencer sa décision ne doit pas être surpris lorsque le public pense que son jugement a été influencé. En définitive, en matière de fraude et de conflit d'intérêts la perception sape la confiance du public dans l'intégrité du gouvernement aussi sûrement que la fraude ou les conflits d'intérêt réels tombant sous le coup du droit pénal.
1.77 Le cadre d'éthique que nous proposons se construit autour des mesures existantes faisant déjà en sorte qu'au gouvernement, les décisions sont prises dans l'intérêt public. La pièce 1.8 résume les éléments du cadre proposé.
1.79 Ces lignes directrices générales devront être complétées par une section intitulée Commentaires expliquant la signification des principes. Par exemple, on attend des titulaires de charge publique qu'ils se conforment au principe selon lequel les décisions doivent être prises « dans l'intérêt public tout en considérant le bien-fondé de chaque cas ». Il faut clarifier la signification de ce principe par des exemples illustrant le genre de situation où les titulaires de charge publique peuvent se trouver et la manière dont ils peuvent ou doivent régler les questions d'éthique. Ainsi, l'intention du principe serait claire et les expressions « intérêt public » et « bien-fondé de chaque cas » seraient comprises de la même façon par tous.
1.80 Comme on l'a dit précédemment, on ne peut attendre des titulaires de charge publique et des fonctionnaires qu'ils soient seuls responsables du respect de ces principes. Le gouvernement doit donc communiquer sans équivoque son ensemble de normes d'éthique aux groupes et aux particuliers avec lesquels il fait affaire en indiquant clairement qu'il entend bien que ces normes soient respectées. Cet ensemble de principes pourrait également servir de modèle dont ces groupes pourraient s'inspirer pour créer leur propre code d'éthique qui correspondrait à leurs besoins précis.
1.81 Le gouvernement souhaitera peut-être s'intéresser à d'autres questions en rapport avec l'étendue et l'application de ces normes d'éthique. Par exemple, les principes actuels ne visent pas explicitement des questions comme la protection de la vie privée, la confidentialité et le harcèlement. Ils ne s'appliquent pas non plus à des activités gouvernementales comme celles qui touchent les sociétés d'État et les entreprises réalisées en partenariat avec le secteur privé ou d'autres administrations.
1.83 Comme le notent Michael Starr et Mitchell Sharp dans leur rapport de 1984, L'éthique dans le secteur public , « Le premier ministre détient une large part de responsabilité en ce qui concerne les questions d'éthique dans le secteur public... (car c'est lui) qui donne le ton à l'ensemble du gouvernement. » Le comportement quotidien, réel ou tel que perçu, de leaders comme le premier ministre, les ministres et les hauts fonctionnaires doit être conforme aux lignes directrices du gouvernement sur l'éthique. Les récentes initiatives du gouvernement témoignent de l'importance qu'il attache au leadership.
1.84 À la jonction de la politique et de l'administration, le leadership est de la plus haute importance. Habituellement, les sous-ministres perçoivent le greffier du Conseil privé comme leur porte-parole auprès du premier ministre quand ils se trouvent en conflit d'éthique avec leurs ministres. Les fonctionnaires perçoivent les sous-ministres comme leurs porte-parole auprès du cabinet du ministre. Il est nécessaire d'établir clairement le rôle du greffier du Conseil privé et des sous-ministres en tant que gardiens de l'intégrité de la fonction publique. Toutes les parties doivent comprendre clairement leurs propres rôles et responsabilités ainsi que ceux de tous les autres. Il y aurait peut-être lieu de définir plus précisément les responsabilités du greffier du Conseil privé et des sous-ministres, en ces matières.
1.86 L'éthique n'est pas l'affaire des seuls ministres et hauts fonctionnaires. À notre avis, les fonctionnaires doivent être habilités à accomplir leurs tâches dans l'intérêt public et à résister aux pressions visant à les faire agir autrement. Il faut qu'il devienne normal pour les employés de faire état de leurs réserves au sujet d'actes qu'ils considèrent discutables du point de vue de l'éthique. Les décideurs de tous les niveaux sont tenus de les écouter. De plus, bien que le gouvernement ait le droit d'exiger des fonctionnaires qu'ils respectent le principe de confidentialité à l'égard de ses actes, en retour, il est clair qu'il ne peut leur demander d'agir contrairement aux principes sur les conflits d'intérêts dans des domaines comme l'examen public, la prise de décisions et les traitements de faveur.
1.88 À notre avis, cependant, il faudrait y ajouter un autre principe essentiel, à savoir que les ministres doivent être aussi ouverts que possible lorsqu'il s'agit de donner les motifs de leurs décisions. Faute de la plus grande transparence, il n'est guère possible pour d'autres personnes de juger si les titulaires de charge publique agissent dans l'intérêt public et en considérant le bien-fondé de chaque cas, et si les décisions ont été prises en toute impartialité et objectivité.
1.89 Dans certains secteurs, par exemple, la sécurité nationale, le gouvernement ne peut être aussi communicatif que dans d'autres. Cependant, en général, nous croyons qu'en cas de conflit entre la transparence et le secret, c'est la transparence qui doit l'emporter.
1.90 Naturellement, toute tentative de dissimuler une décision politique sous une autre apparence - par exemple, une analyse coûts-avantages faussée - est inacceptable. Cela va à l'encontre du principe d'honnêteté du gouvernement et sape le moral et l'éthique de tous ceux qui participent au subterfuge. Pour les mêmes raisons, le public doit pouvoir examiner les mesures prises par des lobbyistes ou autres parties intéressées pour essayer d'influencer la politique officielle et les décisions.
1.92 Discuter des questions d'éthique constitue une manière essentielle de parvenir à ces fins. Il faut que toutes les parties, particulièrement les cadres supérieurs, soient en mesure de reconnaître les aspects éthiques tant dans leur travail que dans le gouvernement dans son ensemble. Une formation en éthique fournirait de l'information sur les valeurs et les règles officielles du gouvernement. Elle donnerait aux fonctionnaires les moyens de répondre adéquatement aux demandes, discutables sur le plan de l'éthique, de leurs supérieurs et des ministres, et elle leur donnerait également l'occasion de discuter des dilemmes éthiques auxquels les gens font face. La formation devrait être offerte à toutes les parties et consister en ateliers auxquels participeraient des gens de divers niveaux.
1.96 Nous croyons que les normes d'éthique de notre gouvernement n'ont rien a envier à celles du secteur privé ou des autres pays. Pourtant, les Canadiens se préoccupent de l'intégrité de leur gouvernement. Si les Canadiens n'ont pas confiance en leur gouvernement, les actes de celui-ci seront de moins en moins légitimes et de moins en moins efficaces. De là, toute l'importance d'un débat sur l'éthique au gouvernement ainsi que la nécessité de prendre des mesures qui maintiendront et encourageront le respect de l'éthique au gouvernement.
1.97 Pour faire avancer le débat, nous avons présenté les éléments que pourrait comprendre un cadre d'éthique pour le gouvernement reposant sur des principes fondamentaux et s'appliquant à tous les intervenants et qui, en même temps, serait adapté en fonction des problèmes et des dilemmes éthiques qui se posent à chaque partie. Même si nos constatations sont tirées d'entrevues avec des fonctionnaires, il ne serait vraiment pas juste de placer sur les seuls fonctionnaires la responsabilité du maintien des normes d'éthique. Le leadership des députés, des ministres et des sous-ministres est indispensable pour maintenir les normes d'éthique et le rendement au gouvernement. Le maintien de l'éthique incombe également à ceux qui fournissent au gouvernement des produits et des services ou qui en reçoivent des avantages.
1.98 Cependant, les fonctionnaires jouent un rôle essentiel dans le maintien d'un noyau de valeurs éthiques agissant comme un frein sur les sources internes et externes d'abus qui ont une incidence sur l'intégrité du gouvernement.
1.99 Les fonctionnaires participent de plus en plus au processus de prise de décisions. La liberté de prendre des décisions à tous les niveaux de la fonction publique croît sans cesse du fait des réductions de la taille de la fonction publique, du renouvellement de l'administration fédérale et des changements dans les contrôles financiers et de gestion. Jouissant d'un plus grand pouvoir discrétionnaire, les fonctionnaires doivent être sensibilisés aux questions d'éthique et disposer des moyens pour régler ce genre de problèmes. Le débat de plus en plus animé sur l'éthique dans la prise de certaines décisions va aider toutes les parties à encourager le respect des normes d'éthique au gouvernement.
1.100 Les constatations que nous avons présentées sur les questions de sensibilisation à l'éthique et à la fraude sont tirées d'entrevues que nous avons menées avec plus de 300 fonctionnaires de quatre ministères. Ces résultats indiquent qu'au chapitre des normes d'éthique dans la fonction publique, nous partons d'une base solide. Cependant, nous avons trouvé des secteurs vulnérables. Et cela nous préoccupe parce qu'ils pourraient constituer une menace pour la base solide que nous avons actuellement; en outre, même un petit nombre d'actes contraires à l'éthique peuvent avoir un effet néfaste sur le milieu de travail et sur la perception qu'a le public de l'intégrité du gouvernement.
1.101 Pour trouver une solution à ces points vulnérables, nous avons examiné les stratégies qui pourraient renforcer la sensibilisation aux questions d'éthique et minimiser le risque non seulement de la fraude, mais de tout autre comportement contraire à l'éthique. De toute évidence, pour stimuler le climat d'éthique du gouvernement, il faut une stratégie à plusieurs volets comme celle qui est décrite dans notre cadre d'éthique pour le gouvernement. Il peut s'agir, par exemple, d'intégrer les considérations d'éthique au processus quotidien de prises de décisions, consciemment et au vu de tous, de clarifier les énoncés de principes, d'assurer aux fonctionnaires une formation en éthique et d'établir des mécanismes permettant aux personnes concernées de signaler leurs problèmes d'ordre éthique et d'en discuter.
1.102 En résumé, le renforcement et le maintien de l'éthique au gouvernement reposent sur le principe que la fonction publique est un bien public. Nos efforts ont pour objectif de faire en sorte que ce principe devienne la pierre angulaire de l'administration publique canadienne.
Équipe de vérification
Theresa DukPour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec le vérificateur responsable, M. Alan Gilmore.
Myles Kennedy
Carol McCalla
Jim Murley
Neil Papineau
Gaëtan Poitras
Jean-Luc Tétreault
Edith Colton