Sociétés d'État

S'acquitter des responsabilités en matière d'intendance

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Vérificateur général adjoint : Wm. F. Radburn
Vérificateur responsable : Grant Wilson

Introduction et objet

10.8 Les sociétés d'État jouent un rôle important et historique dans la société canadienne. Avant la Confédération, déjà, on y avait recours pour la construction de canaux et le fonctionnement des ports. La création de la nation canadienne s'accompagnait de l'engagement de construire une voie ferrée intercontinentale pour relier le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse au centre du pays. Au fil des ans, les longues distances, la population dispersée, la présence d'un voisin puissant, des intérêts nationaux forts et distincts et l'existence de deux grands groupes culturels et linguistiques ont encouragé l'établissement des sociétés d'État.

10.9 Les sociétés d'État fédérales sont celles qui appartiennent à 100 p. 100 au gouvernement. Il existe d'autres sociétés qui appartiennent en totalité au gouvernement et qui ne sont pas appelées sociétés d'État; ce sont des établissements publics; de par leur nature et leurs objectifs, ces établissements se rapprochent davantage des ministères. Il y en a d'autres encore où la participation du gouvernement n'atteint pas 100 p. 100; ce sont des entreprises mixtes ou des coentreprises. De plus, d'autres types d'organisations institutionnelles (par exemple, les organismes de service spéciaux et les organisations non gouvernementales comme les administrations aéroportuaires locales) servent à la poursuite des objectifs gouvernementaux.

10.10 La pièce 10.1 donne un aperçu des différentes structures d'activité du gouvernement, qui vont du contrôle plus centralisé et des activités protégées des ministères et des établissements publics à la délégation largement généralisée de la prise de décision dans les conditions plus concurrentielles que l'on trouve dans les sociétés d'État commerciales et dans le secteur privé réglementé.

10.11 Les sociétés d'État constituent, et de loin, la plus vaste catégorie de ces autres types d'organisations institutionnelles. Il y a 48 sociétés d'État mères et 64 filiales en propriété exclusive. Elles participent à de nombreux secteurs de l'économie, notamment le transport, l'énergie et les ressources, l'agriculture et la pêche, le développement et la construction, les services gouverne-
mentaux, la culture et les intermédiaires financiers. Les activités des sociétés d'État vont de la commercialisation du poisson à l'énergie nucléaire et de l'exploitation des ressources minières à la radiodiffusion publique.

10.12 Les actifs de l'ensemble des sociétés d'État en activité (en excluant la Banque du Canada) s'élevaient à 57 milliards de dollars en 1994. Cela représentait une augmentation de plus de 10 milliards de dollars sur les cinq dernières années, financée principalement par une croissance de l'endettement ( voir la pièce 10.2 ). Au total, les prêts du gouvernement aux sociétés d'État s'élevaient à environ 14 milliards de dollars en 1994. Les sociétés d'État ont également d'autres dettes d'un montant de quelque 24 milliards de dollars, représentant des montants empruntés au secteur privé sur garantie, directe ou implicite, du gouvernement du Canada. En 1994, les crédits parlementaires pour les sociétés d'État s'élevaient à 4,6 milliards de dollars, destinés essentiellement à trois sociétés. Le nombre total d'employés dépassait 115 000, soit environ 23 p. 100 du nombre total des fonctionnaires fédéraux.

10.13 Un certain nombre d'activités récentes ont affecté les sociétés d'État :

10.14 Pour gérer un ensemble d'activités aussi diverses et aussi changeantes, il faut une vaste gamme de talents aux niveaux de la haute direction, du conseil d'administration et de la direction. C'est en pensant aux personnes qui se trouvent à ces postes que nous abordons la direction des sociétés d'État dans le sens le plus large, puisque les sociétés s'efforcent d'appliquer les politiques gouvernementales d'une manière qui profite à tous les Canadiens. Dans le présent chapitre, nous :

10.15 Essentiellement, c'est de la question de l' intendance que traite ce chapitre. Nous définissons les responsabilités d'intendance en cernant les questions qui, de notre point de vue, pourraient être réglées par une participation accrue du Parlement, du gouvernement, du conseil d'administration et de la direction.

10.16 Bon nombre de ces questions ont été soulevées auparavant, la dernière fois en 1993, mais l'achèvement du deuxième cycle d'examens spéciaux offre la possibilité de consolider les résultats des vérifications et de réfléchir à ce que le Parlement, le gouvernement et les sociétés d'État elles-mêmes peuvent faire pour responsabiliser davantage ces sociétés; il s'agirait surtout d'améliorer l'intendance. Ceux qui souhaitent en savoir plus sur les examens spéciaux, leurs résultats et les résultats du sondage sur les examens spéciaux, mené auprès des présidents de conseil et des chefs de direction, n'ont qu'à consulter l'annexe du chapitre. Nous avions présenté les résultats du premier cycle d'examens spéciaux dans le chapitre « Le régime de vérification s'appliquant aux sociétés d'État » de notre rapport de 1990.

Historique et contexte

Environnement général

10.17 Les sociétés d'État fonctionnent dans un milieu complexe et en évolution rapide. Les progrès technologiques, dans un contexte de mondialisation et de concurrence accrues, de préoccupation plus vive à l'égard de la protection de l'environnement, de compressions budgétaires et désir de plus grande transparence dans l'ensemble du gouvernement de la part du public continuent d'exercer des pressions sur les responsables de ces sociétés. Les sociétés d'État continuent de ressentir fortement le besoin d'une rigueur et d'une productivité plus grandes, ainsi que de solutions créatives pour régler les questions stratégiques. À tout cela s'ajoute la complexité de gérer des sociétés dans le secteur public.

10.18 Pour les entreprises du secteur privé, il est bien entendu que la priorité essentielle est de maximiser l'avoir des actionnaires. Cependant, pour les entités du secteur public, les objectifs premiers ne sont pas aussi clairs, car on exige de plusieurs sociétés d'État qu'elles soient autosuffisantes et qu'elles poursuivent en même temps des objectifs de la politique gouvernementale, comme la prestation de services publics même si ceux-ci peuvent ne pas être rentables sur le plan commercial. Des buts variés et même contradictoires modèlent des sociétés d'État complexes, qui peuvent se servir des recettes générées par leurs activités commerciales pour appuyer des entreprises non lucratives servant l'intérêt public.

Responsabilisation et intendance

10.19 Toutes les structures organisationnelles dont se sert le secteur public, qu'il s'agisse de ministères, d'administrations locales, de coentreprises, d'entreprises mixtes ou de sociétés d'État, ont au moins une chose en commun : elles sont toutes des instruments de la politique gouvernementale. Elles ont toutefois des structures différentes pour leur permettre d'appliquer cette politique. Elles diffèrent aussi notablement dans leurs cadres de contrôle et de responsabilisation. Par exemple, les ministères sont régis par des règles et des procédures administratives relativement détaillées, et la prise de décision tend à y être centralisée. Ce sont les ministres responsables qui doivent rendre compte de l'application de la politique gouvernementale. L'administration locale, un type d'organisation dont le gouvernement s'est servi récemment, est beaucoup plus autonome et beaucoup moins directement contrôlée par le gouvernement et le Parlement.

10.20 Les sociétés d'État sont moins autonomes et plus contrôlées que les administrations locales, mais plus autonomes et moins contrôlées que les ministères. À notre avis, puisque le gouvernement crée de nouvelles structures pour administrer sa politique, il est important d'établir un cadre de contrôle et de responsabilisation approprié avant la création de ces structures. Le contrôle étant décentralisé, le besoin d'une responsabilisation plus rigoureuse se fait sentir et cela doit se refléter dans le cadre établi pour ces entités.

10.21 C'est à cette fin que la Loi sur l'administration financière (devenue depuis la Loi sur la gestion des finances publiques - LGFP) a été modifiée en 1984, de manière à fournir un cadre amélioré de contrôle et de responsabilisation pour les sociétés d'État, expliqué à la Partie X de la LGFP. Nous avons fortement appuyé le régime de contrôle et de responsabilisation établi par la LGFP pour les sociétés d'État, parce qu'il leur accorde suffisamment de liberté d'action, tout en faisant en sorte que le Parlement et le gouvernement exercent un contrôle et que des comptes leur soient rendus.

10.22 Le cadre fournit un certain nombre de caractéristiques clés, notamment :

10.23 À noter que c'est tout récemment, seulement, que le gouvernement a envisagé de demander aux ministères de fournir des plans d'entreprise et des rapports annuels au Parlement, une disposition clé de responsabilisation intégrée à la législation régissant les sociétés d'État depuis 1984.

10.24 La pièce 10.3 décrit d'une façon générale les rôles et les responsabilités des parties de la chaîne redditionnelle telle qu'établie dans la Partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques. L'intendance a trait à la manière dont les responsables s'acquittent de leurs responsabilités.

10.25 Le cadre de responsabilisation des sociétés d'État s'inspire de celui qui a été structuré pour le secteur privé. Par exemple, dans les deux secteurs, privé et public, le conseil d'administration est responsable de la gestion générale des affaires et des activités, commerciales ou non de la société. Il existe, cependant, des différences importantes. Alors que, dans le secteur privé, le conseil d'administration est seul à assumer la responsabilité et le pouvoir de gérer les affaires de la société au nom des actionnaires, dans les sociétés d'État, cette fonction est partagée. Les conseils d'administration des sociétés d'État ont les mêmes responsabilités que ceux des entreprises du secteur privé, mais ils n'ont pas les mêmes pouvoirs. Le gouvernement approuve les plans d'entreprise; les chefs de direction sont nommés par le gouvernement, non par le conseil d'administration. Cela signifie que le gouvernement, les conseils d'administration et la direction doivent avoir une compréhension commune de leurs rôles respectifs, posséder les pouvoirs nécessaires pour s'acquitter de ces rôles et être comptables de l'usage qu'ils font de ces pouvoirs.

10.26 Une quantité importante de travaux utiles ont été consacrés à la recherche de moyens qui permettraient aux conseils d'administration de mieux s'acquitter de leurs responsabilités. Des rapports produits par le secteur privé, comme The Financial Aspects of Corporate Governance in the United Kingdom , connu sous le nom de Rapport Cadbury (R.-U., 1992), et The Committee of Sponsoring Organizations of the Treadway Commission (É.-U., 1994), présentent divers points de vue sur la manière dont les conseils d'administration des sociétés du secteur privé devraient fonctionner. En 1994, la Bourse de Toronto a publié les Guidelines for Improved Corporate Governance in Canada , qui encouragent les sociétés canadiennes ouvertes à décrire leurs méthodes d'intendance dans leurs rapports annuels. De plus, l'Institut Canadien des Comptables Agréés a publié, en 1995, un document intitulé Recommandations à l'intention des administrateurs.

10.27 Le rapport de Gérard Veilleux, Une entreprise de longue haleine , publié en 1993, les Six caractéristiques d'une gouverne efficace de la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, et notre propre rapport de 1993 « Les sociétés d'État - L'obligation de rendre compte du rendement » (chapitre 4) soulèvent d'autres questions d'intendance visant plutôt les entreprises du secteur public. En octobre 1994, la Direction générale des sociétés d'État du Conseil du Trésor / ministère des Finances, de concert avec le Conference Board du Canada, a parrainé une conférence sous le thème Régie des sociétés : Amélioration de l'efficacité des conseils d'administration des sociétés d'État . En 1993, ces organismes avaient également collaboré avec le Centre canadien de gestion à la publication, à l'intention des administrateurs, d'un ouvrage intitulé Guide d'introduction aux rôles et responsabilités des administrateurs de sociétés d'État , et le Ministère a récemment établi un comité consultatif sur les questions d'intendance touchant les sociétés.

10.28 Le cadre de responsabilisation des sociétés d'État étant structuré différemment de celui des entreprises du secteur privé, l'intendance des sociétés d'État touche non seulement le conseil d'administration et la direction, mais aussi le gouvernement et le Parlement. Chaque partie a un rôle important à jouer dans l'intendance si l'on veut que les sociétés d'État soient gérées dans le meilleur intérêt du public.

Questions soulevées précédemment

10.29 Depuis que les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques (alors Loi sur l'administration financière ) qui régissent les sociétés d'État ont été modifiées en 1984, nous avons porté un certain nombre de questions à l'attention du Parlement. La pièce 10.5 fournit un résumé des principales questions et présente quelques observations sommaires.

Résultats des examens spéciaux

10.30 Il y a maintenant cinq ans que nous avons fait rapport du premier cycle d'examens spéciaux des sociétés d'État effectué par le Bureau. Les travaux du deuxième cycle sont presque terminés. Bien qu'aucun rapport d'examen en particulier n'ait justifié l'exceptionnelle démarche de le porter à l'attention du Parlement, dans l'ensemble, les examens spéciaux du deuxième cycle soulèvent des préoccupations dans deux secteurs importants. Pour 80 p. 100 des sociétés d'État actives examinées au deuxième cycle, nous avons signalé au conseil d'administration au moins une lacune importante.

10.31 Chacune de ces sociétés avait au moins une lacune importante liée : 1) à la planification générale et stratégique ou 2) à la mesure du rendement et à la communication des résultats, ou aux deux. Nous pensons que ce fait est important pour le Parlement et pour le gouvernement, parce qu'il indique que ces sociétés :

10.32 Les paragraphes suivants portent sur ces problèmes et proposent des éléments de solution. La pièce 10.4 résume notre point de vue, à savoir qu'une rigueur accrue dans l'accomplissement des responsabilités d'intendance pourrait régler ces problèmes. Ces propositions reconnaissent que les rôles et les responsabilités sont définis par la LGFP, mais que chacune des parties responsables, de la direction des sociétés d'État jusqu'au Parlement, doit être consciente des lacunes relevées par les examens spéciaux et du besoin de travailler tous ensemble à les combler.

Planification générale et stratégique

10.33 Le régime de responsabilisation exige que, chaque année, toutes les sociétés d'État soumettent à l'approbation du gouverneur en conseil un plan d'entreprise comprenant une facette de planification stratégique. La planification générale et stratégique a trait principalement à la détermination de l'orientation des initiatives futures de la société. Clarifier le mandat et la mission de la société, en formulant sa vision et en définissant ses objectifs, ses valeurs et ses buts est le principal moyen d'en définir l'orientation. Une fois l'orientation stratégique générale acceptée, les possibilités et les priorités stratégiques sont étudiées de manière que les plans stratégiques puissent être convertis en résultats opérationnels.

10.34 D'après les examens spéciaux du deuxième cycle, nombre de sociétés n'ont pas de vision, de valeurs ou de buts clairement articulés. D'autres n'ont pas défini leurs priorités et les options possibles, ou encore, n'ont pas traduit leurs buts en objectifs clairs et mesurables. Ainsi se trouve réduite la capacité du gouvernement, ainsi que des conseils d'administration et de la haute direction des sociétés, d'offrir des orientations stratégiques claires et efficaces pour maximiser la vraisemblance d'un rendement approprié. De plus, le défaut d'un mandat, d'objectifs et d'une stratégie clairement formulés augmente le risque d'outrepasser le mandat conféré par le Parlement. Enfin, pour ces sociétés, il est difficile de déterminer si les opérations sont gérées au moindre coût, si les extrants généraux sont optimisés et si les résultats escomptés sont obtenus.

10.35 Dans certains cas, ayant de la difficulté à interpréter leur mandat légal, les sociétés ne sont pas en mesure d'articuler clairement leur vision et leurs buts. Dans d'autres, les mandats liés à la politique gouvernementale, conférés par les lois habilitantes, entrent en conflit avec les objectifs d'autosuffisance imposés par les contraintes budgétaires.

Clarifier l'orientation et les résultats escomptés
10.36 Nous croyons qu'une meilleure communication des attentes de la société permettrait de renforcer les plans généraux et stratégiques. Les mandats conférés par les lois habilitantes sont habituellement formulés de façon générale afin d'éviter d'avoir à les modifier souvent, et de laisser une certaine place à l'interprétation; cependant, le gouvernement devrait envisager de les clarifier davantage lorsque les dispositions législatives sont soumises à l'examen du Parlement. C'est ce qui s'est produit récemment pour plusieurs projets de loi, par exemple, ceux qui avaient trait à la Société canadienne d'hypothèques et de logement et à la Société pour l'expansion des exportations.

10.37 Cela peut se faire de façon moins formelle en améliorant la communication entre le ministre responsable, le conseil d'administration et le chef de la direction, et en exprimant, en résultats mesurables, les attentes convenues en matière de rendement. Lorsque le mandat n'est pas clair, et que plusieurs interprétations sont possibles, le gouvernement devrait définir l'orientation avec précision, et le conseil d'administration devrait chercher une interprétation dans le plan d'entreprise approuvé par le gouvernement.

10.38 Dans les cas où le conseil n'a pas énoncé adéquatement et de façon mesurable les attentes à long terme en regard desquelles les résultats peuvent être mesurés, le gouvernement devrait le faire et les communiquer au conseil. Cela est particulièrement important pour les sociétés d'État qui ne sont pas autosuffisantes, qui ont besoin de crédits parlementaires et qui doivent communiquer leurs résultats. De plus, les conseils d'administration et les chefs de direction des sociétés d'État pourraient recevoir une indication de la gamme des activités acceptables. Les activités qui ne seraient pas comprises dans cette gamme seraient considérées comme inacceptables.

Mesure du rendement et communication des résultats

10.39 Sans information adéquate sur le rendement, comment la direction, les conseils, le gouvernement et le Parlement peuvent-ils déterminer dans quelle mesure les résultats escomptés ont été obtenus? La mesure du rendement consiste en de l'information qui compare les résultats obtenus, ou les extrants et les produits, avec ceux qui étaient prévus. Cela peut être de l'information sur divers indicateurs du rendement qui montrent la mesure dans laquelle la société atteint ses objectifs au coût le plus raisonnable.

10.40 Même si elles doivent communiquer leurs résultats au Parlement, nombre des sociétés que nous avons examinées ne recueillent pas d'information adéquate pour mesurer le rendement. Comme on peut s'y attendre, bon nombre de ces sociétés ont des lacunes importantes dans le secteur de la planification. Il est difficile, sinon impossible, d'élaborer des indicateurs du rendement qui montrent dans quelle mesure les objectifs sont atteints lorsque ceux-ci ne sont pas clairs et que l'on n'a pas grand chose en regard de quoi les mesurer. Quelques-unes seulement des sociétés que nous avons examinées comparent les résultats réels aux cibles décrites dans le plan d'entreprise et les communiquent. De plus, l'information sur le rendement, qui compare des activités semblables au sein de la société ou avec d'autres entités, est rare.

10.41 Dans de nombreuses sociétés, les données sur le rendement recueillies et communiquées ne sont pas suffisamment axées sur les résultats des programmes et des initiatives de la société. Bien que les sociétés fournissent généralement de l'information utile sur les activités, comme les dépenses et les recettes, cette information ne fournit pas à la direction, au conseil d'administration et au gouvernement de moyen adéquat pour évaluer dans quelle mesure la société s'acquitte de son mandat et prendre des décisions stratégiques éclairées. Elle ne fournit pas non plus d'indication sur la productivité ou le caractère satisfaisant des services de la société. L'information sur ce qui a été exécuté (les activités) est rarement la même que l'information sur ce qui a été réalisé (les résultats).

10.42 Nous reconnaissons qu'il est difficile de développer des données sur le rendement, mais nous incitons fortement les responsables à poursuivre les efforts à la fois dans la mesure et dans la communication des résultats, et même à utiliser de l'information comparative d'entités ou d'activités semblables, qui pourra servir de repère. À cet égard, il existe d'autres méthodes pour élaborer des mesures appropriées et communiquer les résultats, notamment que le gouvernement demande la vérification des données quantitatives (rendement) que les sociétés d'État doivent communiquer en rapport avec leurs objectifs. Cette disposition de la LGFP n'a pas encore été utilisée.

Résumés des plans d'entreprise et rapports annuels
10.43 Aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques , les sociétés sont tenues de communiquer leurs résultats dans le résumé de leur plan d'entreprise et dans leur rapport annuel. Pour qu'un cadre de responsabilisation fonctionne bien, il faut que le Parlement et le gouvernement reçoivent de l'information utile, qui leur permettra vraiment de juger du rendement de la société. Le résumé du plan d'entreprise sert à informer le Parlement des objectifs de la société qui ont été approuvés par le gouvernement, et des plans élaborés par la société pour atteindre ces objectifs. Le rapport annuel doit démontrer au gouvernement et au Parlement la mesure dans laquelle les plans ont réellement été exécutés et les objectifs, atteints.

10.44 Le deuxième cycle d'examens spéciaux a révélé que les résumés des plans d'entreprise d'un certain nombre de sociétés ne tenaient pas compte des questions et options stratégiques ou, si elles le faisaient, ne fournissaient pas de plans d'action à cet égard, ou ne fournissaient pas non plus de buts et d'objectifs de rendement qui soient complets et mesurables. À la suite d'un examen des rapports annuels, nous avons constaté que les sociétés ne rendaient pas adéquatement compte de la mesure dans laquelle elles atteignaient leurs objectifs, bien que la LGFP l'exige. Constatant que l'information n'est pas adéquatement communiquée par les sociétés d'État, nous estimons qu'en plus des instructions déjà fournies pour la préparation des plans d'entreprise et des rapports annuels, le gouvernement pourrait, par l'intermédiaire de la Direction générale des sociétés d'État, Conseil du Trésor / ministère des Finances, donner aux sociétés d'État d'autres instructions sur la communication des résultats et sur la manière de présenter cette information dans leurs plans d'entreprise et dans leurs rapports annuels.

10.45 Par exemple, un certain nombre de grandes sociétés d'État ne recueillent pas d'information sectorielle sur la rentabilité de chacun de leurs secteurs d'activités commerciales. La direction n'a pas besoin d'information adéquate seulement pour fournir des rapports au conseil d'administration, mais aussi pour diriger et surveiller les opérations quotidiennes de la société. Notre préoccupation vient de ce que, dans l'information communiquée, il est souvent impossible de faire la distinction entre les activités liées à l'application des politiques gouvernementales et celles qui pourraient être des activités commerciales non rentables. Par ailleurs, et c'est encore plus important, les sociétés n'établissent souvent pas de liens entre leur rendement et leurs buts et objectifs, lorsque ceux-ci ont été énoncés.

10.46 Dépôt des résumés des plans d'entreprise et des rapports annuels. Nous pensons que l'information communiquée par les sociétés d'État pourrait être grandement améliorée si tous les résumés des plans d'entreprise et rapports annuels déposés par les ministres responsables contenaient l'information nécessaire au Parlement pour évaluer le rendement des sociétés, à savoir des objectifs clairs et mesurables, les résultats escomptés et la mesure dans laquelle ils ont été atteints. Si le Parlement ne reçoit pas l'information pertinente ou que les comités parlementaires ne l'examinent ou ne l'utilisent pas, le cadre de responsabilisation s'en trouve affaibli.

10.47 Rapport du président du Conseil du Trésor. Nous reconnaissons que le rapport annuel du président du Conseil du Trésor au Parlement a été amélioré. À notre avis, on pourrait faire encore mieux en communiquant au Parlement de l'information sur le rendement par portefeuille ou par secteur. Ce genre de rapport pourrait contenir de l'information sur les taux de rendement attendus pour cette catégorie d'investissements, ou sur les limites de l'endettement, s'il en est, prévues pour les sociétés, et ainsi de suite. Ce genre de rapport aiderait le Parlement à déterminer si les sociétés d'État, dans l'ensemble, génèrent le niveau souhaité d'avantages sociaux et économiques à un coût raisonnable. Le type d'organisation qu'est la société d'État permet ce genre d'analyse et d'orientation, et nous recommandons que l'on en tire profit.

Autres questions d'intendance

Clarifier les rôles et les responsabilités
10.48 Lorsqu'il s'acquitte des responsabilités que lui confère son mandat, l'un des principaux rôles du conseil d'administration est d'élaborer, avec la direction, des stratégies qui permettront d'atteindre les objectifs à long terme de la société. Une fois les plans mis en route, le conseil doit s'assurer qu'il dispose de moyens fiables pour mesurer le rendement continu de la société, tout en surveillant les conditions externes qui pourraient favoriser sa réussite ou lui nuire. Cela ne signifie pas que le conseil doive participer au fonctionnement quotidien de la société, ce qui, de toute évidence, est du domaine de la direction. Cela signifie que le conseil doit élaborer des mesures du rendement qui donnent une indication utile sur les résultats de la société. Lorsque les résultats ne concordent pas avec les plans, c'est au conseil de poser des questions et d'exiger des explications. Pour aider à régler certains de ces problèmes, le conseil pourrait créer un comité de planification stratégique qui serait chargé d'examiner les plans et les stratégies de gestion et d'en recommander l'approbation à l'ensemble du conseil.

Nomination des administrateurs
10.49 En février 1995, nous avons fait un sondage auprès des présidents de conseil et des chefs de direction des sociétés d'État sur les questions d'intendance. D'après les résultats, les conseils participent rarement aux décisions concernant la nomination de leurs membres, bien que la LGFP exige qu'ils soient consultés pour la nomination de leurs présidents et des chefs de direction. Les présidents ont confirmé que le gouvernement nommait des membres au conseil et renouvelait des nominations sans guère consulter le conseil d'administration visé, même si une telle consultation aurait pu l'aider dans ce processus.

10.50 Les résultats du sondage sur l'intendance se trouvent à la pièce 10.6 . On remarquera que ces résultats ne font que présenter les opinions des présidents de conseil et des chefs de direction; aucune autre étude n'a été faite pour les confirmer.

10.51 Dans notre rapport de 1993, nous avons recommandé que les conseils établissent un profil de l'administrateur afin de cerner les aptitudes et les qualités que doivent présenter les membres d'un conseil d'administration solide. D'après notre sondage, bien peu de conseils ont donné suite à cette recommandation. Nous incitons les ministres à encourager les conseils à établir ces profils, dans le but de définir les critères qui assureront la nomination des administrateurs les plus qualifiés pour chaque conseil.

10.52 La majorité (74 p. 100) des sociétés d'État que nous avons étudiées sont d'avis qu'il faudrait que le gouvernement accélère le processus de nomination des administrateurs aux postes vacants des conseils (c.-à-d. nominations ou renouvellement des nominations). Nous avons déjà encouragé le prompt remplacement des administrateurs qui quittent leur poste afin d'assurer la continuité, la solidité et la stabilité des conseils. Nous reconnaissons l'incertitude qu'entraînent les vacances de postes d'administrateurs, et nous encourageons le gouvernement à rationaliser le processus de nomination aux conseils et d'annonce des nominations.

Formation des administrateurs
10.53 Dans notre rapport de 1993, nous avons proposé l'organisation, à l'intention des membres des conseils d'administration des sociétés d'État, de séances d'information sur leurs rôles et leurs responsabilités. D'après certains présidents de conseil et chefs de direction qui ont assisté à la conférence sur l'intendance parrainée par la Direction générale des sociétés d'État et le Conference Board du Canada, en octobre 1994, il arrive souvent que de nouveaux administrateurs entrent au conseil sans bien comprendre ce que l'actionnaire attend d'eux ou même sans bien connaître l'organisation dans son ensemble. Nombre de sociétés d'État tiennent pour leurs nouveaux administrateurs des séances d'information afin de les aider à comprendre les activités de la société. Étant donné les nombreuses nouvelles nominations qui se font aux conseils d'administration, nous incitons fortement ceux-ci à améliorer l'orientation et la formation de leurs nouveaux membres. Pour ces séances, on pourrait faire appel à une grande variété de personnes ressources qualifiées, comme des administrateurs de sociétés d'État expérimentés, des représentants du gouvernement et des conseillers en intendance.

Améliorer les communications entre le conseil d'administration et le gouvernement
10.54 Après présentation par le conseil du plan d'entreprise au ministre, ce plan est remis au Conseil du Trésor pour approbation gouvernementale. Lorsque le gouvernement (Secrétariat du Conseil du Trésor ou cabinets de ministres) demande des éclaircissements ou demande à la société d'adopter une autre ligne d'action, c'est généralement avec la direction de la société qu'il communique. Si le conseil participait davantage à ce processus, particulièrement pour des questions ayant trait à la planification et à la communication de l'information, il serait peut-être plus conscient de ses responsabilités dans ces secteurs. Par ailleurs, le conseil se sentirait plus en mesure de s'acquitter du rôle important que les lois habilitantes lui attribuent.

Évaluer le rendement de la direction
10.55 Bien que ce ne soit pas le conseil d'administration qui nomme ou qui renvoie le chef de direction, s'il veut conserver son rôle de surveillance sur la direction de la société, il devrait fournir au gouvernement une évaluation périodique du rendement du chef de direction. Si le conseil estime qu'il ne reçoit pas l'information dont il a besoin pour s'acquitter de ses tâches, par exemple, de l'information sur le rendement, il doit en tenir compte dans l'évaluation. En vertu de la LGFP, il lui incombe de faire ce qu'il faut pour être en mesure de remplir ses responsabilités générales.

Établir des mécanismes de récompense et de sanction
10.56 En 1993, nous avons remarqué un certain nombre de facteurs qui entravent la communication des résultats, notamment le fait que la conformité aux exigences de base de l'obligation redditionnelle n'est guère récompensée, et la non-conformité, guère punie. La situation n'a pas beaucoup changé. Cependant, nous avons remarqué une amélioration croissante de l'information communiquée par les sociétés depuis, entre autres facteurs, l'introduction, l'année dernière, du Prix d'excellence des Rapports annuels des sociétés d'État . Nous continuerons d'attribuer ce prix pendant au moins quatre ans, mais nous encourageons le gouvernement à créer un régime de récompenses et de sanctions lié à la mesure du rendement et à la communication des résultats des sociétés d'État, car c'est dans l'intérêt des sociétés, du gouvernement et du Parlement d'avoir l'information nécessaire pour déterminer si les sociétés d'État s'acquittent des rôles de politique gouvernementale établis pour elles.

10.57 Les paragraphes précédents se concentraient sur les questions découlant des examens spéciaux; les paragraphes suivants porteront sur un certain nombre de questions distinctes, qui intéressent les sociétés d'État et qui représentent une mise à jour des points de vue et des positions du Bureau.

Dette des sociétés d'État

10.58 Ces cinq dernières années, les sociétés d'État se sont endettées encore plus vis-à-vis des prêteurs du secteur privé pour financer la croissance de leur actif. Même si le gouvernement du Canada ne garantit pas explicitement toutes les dettes des sociétés d'État, étant l'unique actionnaire de celles-ci, il est perçu en fin de compte comme en étant responsable.

10.59 Les prêteurs imposent aux emprunteurs une certaine forme de discipline au moyen des taux d'intérêt : les intérêts croissent proportionnellement au risque. Les gouvernements sont aussi soumis à cette règle mais, une fois les taux privilégiés établis pour le gouvernement, les sociétés d'État peuvent généralement en bénéficier.

10.60 La croissance de l'endettement des sociétés d'État exerce des pressions considérables sur la capacité du portefeuille des sociétés d'État d'assurer le service de la dette ( voir la pièce 10.7 ), et les gains n'ont pas suivi la courbe de l'endettement.

10.61 À mesure que la dette d'une société augmente, les fonctions de trésorerie de la société occupent une place de plus en plus importante dans la gestion de cette dette. Le marché de l'emprunt devient de plus en plus complexe du fait, par exemple, qu'un nombre croissant de services de trésorerie se servent d'instruments dérivés. Étant donné les nombreux cas récents, dans les secteurs privé et public, où les transactions sur instruments dérivés ont entraîné des faillites d'organisations, les conseils et le gouvernement ont besoin de savoir comment faire la distinction entre la spéculation sur les instruments dérivés et les bonnes pratiques de gestion du risque, et de s'assurer que ces pratiques minimisent le risque.

Impôt sur le revenu des sociétés d'État

10.62 Certaines sociétés d'État sont soumises à l'impôt sur le revenu, d'autres non. Dans le chapitre du rapport de 1986 sur les dépenses fiscales, nous disions que certaines sociétés d'État, qui étaient imposées, pouvaient passer outre au processus budgétaire normal du Parlement et obtenir des fonds supplémentaires par l'intermédiaire du régime fiscal. De plus, à cause des dispositions de confidentialité de la Loi de l'impôt sur le revenu , le Parlement n'avait pas accès à l'information fiscale de Revenu Canada pour examiner les activités des sociétés d'État.

10.63 Nous avons donc soulevé ces préoccupations parce qu'elles représentaient des anomalies dans un système prévu pour essayer de placer les sociétés d'État au même niveau que les entreprises du secteur privé. Nous mettons encore en question la raison pour laquelle l'impôt sur le revenu s'applique aux sociétés d'État. Par exemple, maintenant, bien qu'il soit peu probable qu'elles aient jamais à le faire, les sociétés financées par crédits parlementaires pourraient avoir à payer un impôt sur le revenu pour ces crédits; elles doivent donc remplir une déclaration de revenu.

10.64 Il est peut-être temps que le gouvernement évalue s'il n'y aurait pas d'autres moyens que l'impôt sur le revenu pour obtenir une part des profits des sociétés d'État. Les coûts administratifs qu'entraînent, pour les sociétés et pour Revenu Canada, la préparation et l'évaluation des déclarations complexes du revenu des sociétés, pourraient être éliminés si le gouvernement décidait simplement de retenir des sommes équivalentes sous forme de dividendes.

Exemption des sociétés d'État - Suivi

10.65 En 1991, nous avons souligné qu'il serait avantageux qu'un bon nombre des dispositions de la Partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques , particulièrement celles ayant trait à la responsabilité de gestion, à la responsabilisation et à la vérification, soient appliquées aux responsables de la gestion et de la surveillance des sociétés d'État qui en sont exemptées. Nous avons recommandé de clarifier la situation des sociétés d'État exemptées et, dans la mesure du possible et compte tenu de leurs besoins particuliers, de les soumettre désormais au même régime que les autres sociétés d'État.

10.66 Récemment, un certain nombre de projets de loi d'initiative parlementaire ont essayé de régler la question, car exempter des sociétés de l'obligation redditionnelle de base à l'égard du gouvernement reste une pratique discutable, d'autant plus que ces sociétés sont financées par crédits parlementaires. Dans les cinq dernières années seulement, ces sociétés ont reçu plus de 2,9 milliards de dollars (sauf la Société Radio-Canada, pour laquelle la plupart des dispositions redditionnelles applicables aux autres sociétés d'État sont directement intégrées dans la Loi sur la radiodiffusion ).

10.67 Pour autant que nous sachions, ces sociétés n'ont pas eu de problème qui aurait pu être évité si elles avaient été soumises aux dispositions de la Partie X de la LGFP, mais elles exercent des fonctions commerciales et poursuivent des objectifs de politique gouvernementale importants sans passer par le processus d'approbation du plan d'entreprise et sans avoir à rendre compte des résultats ni à se soumettre aux exigences des examens spéciaux; en outre, le Bureau ne peut être nommé vérificateur ou covérificateur, s'il ne l'était pas déjà auparavant, comme ce serait le cas si ces sociétés figuraient à l'annexe III-I.

Comptabilisation des crédits parlementaires - Suivi

10.68 Dans chacun de nos rapports de 1989 et de 1991, nous avons signalé le manque d'uniformité dans la manière dont un certain nombre de sociétés d'État comptabilisaient leurs crédits parlementaires. Nous nous préoccupions de ce qu'un des principes comptables de base, à savoir que les choses semblables doivent être comptabilisées de façon semblable, n'était pas suivi. Par conséquent, les états financiers annuels n'étaient pas aussi utiles qu'ils auraient dû l'être pour évaluer l'intendance et le rendement opérationnel financier, et les comparaisons entre les sociétés d'État étaient d'autant moins valides.

10.69 Bien que ces dernières années aient vu un certain nombre d'améliorations, plusieurs sociétés d'État continuent de déclarer des crédits parlementaires d'exploitation comme recettes dans leur état des résultats au lieu de les classer à part. Cette manière de faire n'est pas celle de la majorité des sociétés et, à notre avis, elle est inappropriée.

10.70 Les recettes sont généralement définies comme le montant gagné au cours d'un exercice et provenant de la vente de produits ou de services rendus à des tiers. Les montants reçus de l'actionnaire pour financer une opération ne correspondent pas à cette définition largement acceptée et, par conséquent, ne devraient pas, à notre avis, être considérés comme des recettes. En traitant les crédits parlementaires comme des recettes, on fausse les résultats nets d'exploitation pour l'exercice, puisqu'on y inclut non seulement les résultats des opérations, mais aussi l'apport de l'actionnaire. Il est donc plus difficile d'évaluer le rendement des opérations, particulièrement lorsqu'on le compare à d'autres sociétés.

10.71 Nous encourageons ces sociétés à se pencher sur cette question de communication de l'information afin de rendre l'information contenue dans les états financiers plus utile.

Conclusion

10.72 Nos examens spéciaux des sociétés d'État indiquent que, dans de nombreux cas, les mandats et les objectifs de celles-ci ne sont pas clairement définis et communiqués. Faute d'une orientation plus claire, il devient difficile de faire le lien entre les activités et les objectifs des sociétés. Dans ces conditions, le gouvernement risque de ne pas être en mesure de fournir les services et les produits que ces sociétés étaient à l'origine censées fournir. En outre, il devient également plus difficile de rendre compte de la mesure dans laquelle les objectifs ont été atteints. Même lorsque ceux-ci sont significatifs et clairement énoncés, la communication des résultats en regard des objectifs laisse souvent à désirer. En particulier, maintenant que de nombreuses sociétés d'État doivent faire face à un financement réduit, elles doivent faire en sorte de maintenir les services requis à un coût raisonnable, et d'une manière vérifiable par le Parlement et le gouvernement.

10.73 Les sociétés d'État continuent de jouer un rôle public important, qui touche habituellement la plupart des Canadiens et Canadiennes, sinon tous. À notre avis, les Canadiens et Canadiennes sont généralement bien servis par le cadre qui régit les activités de ces sociétés. Comme nous l'avons déjà dit, le cadre de contrôle et de responsabilisation établi dans la Partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques constitue une assise législative solide, qui a donné de très bons résultats depuis son instauration il y a 11 ans. La situation actuelle est bien meilleure que celle qui existait avant qu'il ne soit introduit en 1984.

10.74 Toutefois, nous aurions tort de nous reposer sur nos lauriers; nous devons viser à ce que les objectifs soient plus clairs et à ce que la communication des résultats en regard de ces objectifs soit meilleure. En dépit des complexités avec lesquelles les sociétés d'État doivent composer, nous pensons que cela peut et doit être fait grâce à une meilleure intendance mettant à contribution toutes les parties, à savoir le Parlement, le gouvernement, les conseils d'administration et la direction.


Équipe de vérification

Denis Scott
Norah Roberts
Olga Dupuis

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec le vérificateur responsable, M. Grant Wilson.


Annexe - Les examens spéciaux

Qu'est-ce qu'un examen spécial?
10.75 Le mandat qui régit les examens spéciaux est énoncé dans la Partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP). Toutes les sociétés d'État mères nommées dans l'annexe III de la Loi, ainsi que leurs filiales en propriété exclusive, sont soumises au régime des examens spéciaux. Le premier cycle de cinq ans a commencé le 1er septembre 1984; les résultats ont été présentés dans le chapitre 6 de notre rapport de 1990. Un examen spécial doit être fait dans les cinq ans qui suivent la date d'achèvement du précédent.

10.76 L'examen spécial, un genre de vérification de l'optimisation des ressources, sert à fournir, au conseil d'administration, une opinion impartiale sur la question de savoir si les systèmes de contrôle et d'information financiers, de contrôle et d'information de gestion ainsi que les méthodes de gestion de la société sont maintenus de manière à donner la certitude raisonnable que :

10.77 Nombre de sociétés d'État soumises au régime des examens spéciaux. Le deuxième cycle d'examens spéciaux visait 43 sociétés d'État ( voir la pièce 10.8 ), c'est-à-dire 42 des 48 sociétés d'État mères figurant à l'annexe III de la Loi sur la gestion des finances publiques et leurs filiales en propriété exclusive, et une filiale en propriété exclusive tenue aux mêmes obligations d'information qu'une société d'État mère. Parmi les six autres sociétés d'État, l'une a été dissoute en 1995 et cinq sont exemptées des dispositions de la Partie X de la LGFP et ne sont donc pas visées. Trente-quatre de ces examens ont été effectués par notre Bureau, seul ou en collaboration avec d'autres examinateurs (au moment de mettre sous presse, 31 étaient terminés) et neuf ont été exécutés par des praticiens du secteur privé.

10.78 Seulement 17 des 31 examens terminés ont été exécutés uniquement par le Bureau dans les deux cycles. Pour les autres, il s'agissait de sociétés dont l'examen du premier cycle avait été fait par des praticiens du secteur privé ou bien de sociétés dont l'examen du deuxième cycle était le premier. Dans un cas, le Bureau a été le seul examinateur pour le premier cycle et un examinateur conjoint pour le deuxième. Donc, il vaudrait peut-être mieux ne pas faire de comparaison directe entre les deux cycles sans bien en comprendre les différences.

10.79 Les résultats dont il est question dans le chapitre se fondent uniquement sur les examens effectués par notre Bureau. Toutefois, comme nous avons échangé de l'information avec les praticiens du secteur privé pendant de nombreuses années, les méthodes générales et le genre de rapports adoptés par le secteur privé présentent une grande uniformité avec les nôtres.

Quelle est leur nature?
10.80 La pièce 10.9 expose les types d'opinions présentées dans le cadre des deux cycles d'examens spéciaux. Dans six cas du deuxième cycle, l'opinion était sans réserve, c'est-à-dire qu'aucune lacune importante n'a été signalée; dans un cas, il n'y avait pas d'opinion, car la société ne fonctionnait pratiquement pas. Les rapports des examens spéciaux de 24 sociétés faisaient état d'au moins une lacune considérée comme importante par l'examinateur.

À qui sont adressés les rapports d'examen?
10.81 Lorsque le rapport d'examen spécial contient des informations qui, de l'avis de l'examinateur, devraient être portées à l'attention du ministre compétent ou du Parlement, l'examinateur ne peut le faire que si la société figure à la partie I de l'annexe III de la Loi sur la gestion des finances publiques . À l'issue des examens spéciaux du deuxième cycle, on a relevé une augmentation considérable du pourcentage de rapports communiqués à des ministres ( pièce 10.10 ).

10.82 Les raisons de cette augmentation sont diverses. Les sociétés examinées dans le deuxième cycle étant plus importantes et plus complexes, il était plus justifié de porter les questions qui les touchaient à l'attention du ministre. De plus, certains rapports ont été transmis à des ministres parce qu'ils traitaient de questions qui outrepassaient les capacités de la société (p. ex., interprétation du mandat), alors que d'autres révélaient d'importantes lacunes qui n'avaient pas été corrigées adéquatement depuis la fin du premier cycle.

Quelles sont les lacunes importantes qui ont été relevées?
10.83 Un examen en détail de tous les systèmes et pratiques coûterait très cher et serait difficile à faire. Par conséquent, en se fondant sur une connaissance approfondie de la société et de son environnement, l'examen se concentre sur les secteurs de la société où toute lacune pourrait être importante. La pièce 10.11 présente les secteurs que le Bureau a sélectionnés le plus souvent pour son examen approfondi de deuxième cycle. Cette pièce indique aussi le nombre de sociétés qui présentaient des lacunes importantes dans ces secteurs.

10.84 Par « planification générale et stratégique », on entend l'interprétation faite par la direction de la mission et du mandat de la société et la hiérarchisation des activités de la société. En plus des lacunes dans la planification ainsi que la mesure du rendement et la communication des résultats dont on a discuté dans le chapitre, on a trouvé des lacunes dans les secteurs des opérations, de la gestion des ressources humaines et de la gestion de l'actif. Les opérations comprennent tous les processus opérationnels qui ont trait aux activités de base de la société, comme la planification opérationnelle, la production, la livraison des produits ou la prestation des services. La gestion des ressources humaines a trait aux activités comme le recrutement, la formation, la planification de la relève et les modes de négociation collective. La gestion de l'actif comprend la gestion des installations, l'entretien et la sécurité de la propriété intellectuelle et des biens matériels.

10.85 Parmi les lacunes importantes dans ces secteurs, citons les plans opérationnels et les activités actuelles qui ne sont pas liés au plan stratégique, les conventions collectives qui ne correspondent pas à la réalité opérationnelle, et les systèmes et pratiques qui ne suffisent pas pour protéger et contrôler les actifs immobiliers. Quelques sociétés seulement avaient des lacunes importantes dans des secteurs comme la commercialisation et l'établissement des prix, les systèmes d'information de gestion, la gestion financière et la gestion environnementale.

10.86 La pièce 10.12 classe les lacunes importantes sous les catégories efficacité des opérations, gestion économique et efficiente des ressources et protection de l'actif. Il s'agit des objectifs que les sociétés sont tenues d'atteindre et en regard desquels elles sont évaluées dans le cadre des examens spéciaux. La rubrique « protection et contrôle des éléments d'actif insuffisants » couvre des lacunes importantes comme l'entretien inadéquat des biens matériels, et une gestion et une protection de la propriété intellectuelle qui laissent à désirer. La rubrique « gestion non économique et inefficiente des ressources » couvre des lacunes importantes comme une mauvaise gestion de l'inventaire des matières premières, des risques environnementaux non résolus et le manque de systèmes de mesure, de surveillance et de rétroaction sur le rendement opérationnel (p. ex., la productivité et l'utilisation des ressources) et la rentabilité.

10.87 La rubrique « déroulement peu efficace des opérations » porte sur des questions comme le manque de clarté des objectifs et des stratégies, l'insuffisance de l'évaluation et de l'établissement des rapports sur la mesure dans laquelle les objectifs et les buts sont atteints, l'insuffisance de l'information sur les coûts et les résultats qui permettrait de mettre en oeuvre les stratégies clés efficacement.

10.88 La correction des lacunes dans le secteur de l'efficacité des opérations exige souvent la contribution d'un certain nombre de parties, dont certaines n'appartiennent pas à la société. Nous avons déjà signalé ces lacunes dans le chapitre. Cependant, nous croyons que la société peut elle-même corriger certaines lacunes importantes ayant trait à l'efficacité des opérations ainsi que toutes les questions touchant la protection et le contrôle des éléments d'actif et la gestion des ressources.

Dans quelle mesure a-t-on utilisé les travaux de la vérification interne?
10.89 Dans la mesure où c'est possible, lorsqu'il effectue un examen spécial, le vérificateur est tenu d'utiliser les travaux de vérification interne de la société. Cela signifie que l'examinateur se sert de certains travaux de vérification interne au lieu de rechercher lui-même les éléments probants nécessaires pour étayer l'opinion exprimée. La pièce 10.13 indique les exemptions ainsi que l'utilisation faite des travaux de vérification interne. Dans le deuxième cycle d'examens spéciaux, le pourcentage global d'utilisation de ces travaux a augmenté, mais l'étendue de l'utilisation a été plus limitée.

10.90 Nous n'avons pas pu tirer parti autant que nous l'espérions des travaux des vérificateurs internes. Dans notre Rapport de 1990, nous prévoyions que les examens du deuxième cycle se feraient en étroite collaboration avec les vérificateurs internes des sociétés et nous pensions utiliser exhaustivement leurs travaux. Cependant, depuis le premier cycle, les fonctions de vérification interne de nombreuses sociétés ont été réduites du fait de la restructuration et de la réduction des effectifs; cela limite déjà l'utilisation que nous pouvons faire de ces travaux; à cela s'ajoutent les délais plus courts des examens spéciaux et notre orientation davantage axée sur les résultats.

10.91 Dans cinq cas, nous n'avons pas utilisé les vérifications internes, soit parce que leur étendue ne correspondait pas à celle des examens spéciaux, soit parce que les sociétés n'avaient pas effectué de vérification qui soit comparable à notre examen spécial. Une corporation était inactive et ses activités progressivement réduites, six autres avaient été exemptées de l'obligation de faire des vérifications internes. Le gouverneur en conseil accorde des exemptions lorsqu'il estime, souvent à cause de la taille de la société ou de la nature de ses activités, que le coût de ces vérifications en dépasserait les avantages.

Quels ont été la durée, l'opportunité et le calendrier des examens spéciaux?
10.92 Au premier cycle, la durée moyenne d'un examen spécial était de 19 mois. Cinq examens, dont les projets ont été menés de façon successive, ont duré plus de deux ans et demi. Pour le deuxième cycle, un certain nombre de sociétés d'État subissaient leur premier examen spécial, ou tout au moins leur premier par le Bureau. Les examens du deuxième cycle ont duré en moyenne 14 mois et, à l'exception de l'un d'entre eux, tous ont été terminés en moins de deux ans ( voir la pièce 10.14 ). Cette amélioration découle directement de ce que, dans des examens spéciaux, on a entrepris plusieurs projets à la fois au lieu de les exécuter les uns après les autres, comme on l'avait souvent fait au premier cycle. Cette durée plus courte a entraîné, pour les sociétés, une diminution des coûts de leur participation à la vérification, et a permis d'améliorer la gestion des ressources au Bureau.

10.93 Comme pour le premier cycle, les questions de délais et de calendrier posent encore problème. Plus d'un tiers des rapports définitifs des examens ont été présentés aux conseils d'administration juste après la date limite fixée par la Loi sur la gestion des finances publiques. Cela s'explique surtout par le fait que les examens spéciaux sont souvent prévus pour la fin du cycle de cinq ans et que les dates des réunions des conseils d'administration ne concordent pas toujours avec celle de la fin du rapport.

10.94 Le deuxième cycle se sera étalé sur plus de sept ans (septembre 1989 à décembre 1996), mais 91 p. 100 des sociétés actives auront été examinées durant la période de deux ans se terminant en novembre 1994. Voir, à la pièce 10.15 , le calendrier des examens des deux cycles. Il s'agit là d'un problème administratif pour le Bureau; pendant la période de pointe, nous avons dû faire appel à des experts-conseils de l'extérieur pour aider notre personnel.

10.95 Jusqu'à présent, ce sont les sociétés qui ont mis en route le processus d'établissement du calendrier des examens spéciaux et, c'est compréhensible, elles attendent souvent jusqu'à ce que les lacunes importantes passées soient corrigées ou jusqu'à ce que les réorganisations ou autres initiatives internes soient terminées. Cependant, nous espérons qu'avec l'appui et la collaboration des sociétés d'État, et en réduisant davantage encore la durée moyenne des examens spéciaux, nous pourrons optimiser le calendrier des examens spéciaux du troisième cycle afin de respecter les délais prévus par la loi et de continuer à réduire les coûts. D'ici peu, nous communiquerons avec certaines sociétés d'État pour discuter du calendrier des examens spéciaux du troisième cycle.

Combien ont-ils coûté?
10.96 Les coûts des examens spéciaux effectués par le Bureau sont inclus dans le rapport annuel de l'année où ces examens se terminent et ceux des examens effectués par des praticiens du secteur privé sont communiqués au président du Conseil du Trésor. Comme pour le premier cycle, les coûts des examens spéciaux ont varié considérablement, allant de moins de 100 000 $ pour les petites sociétés à plus de un million de dollars pour les sociétés importantes et complexes. Le coût moyen des 17 examens exécutés par notre Bureau dans les deux cycles est resté constant - 429 000 $ - mais le coût moyen des examens du deuxième cycle est passé de 435 000 $ à 585 000 $ pour les raisons suivantes :

Que valent-ils?
10.97 Au cours du deuxième cycle, nous avons cherché à tirer parti de l'expérience acquise pendant le premier cycle afin d'augmenter l'efficience des examens spéciaux et leur « valeur ajoutée » pour les sociétés. Une des grandes améliorations a été que, désormais, nous cherchions à déterminer s'il y avait une certitude raisonnable que les résultats escomptés avaient été atteints (en fait, si les éléments d'actif étaient protégés, si les ressources étaient gérées économiquement et avec efficience, et si les opérations se déroulaient efficacement) plutôt qu'à savoir si les systèmes et les méthodes des sociétés étaient appliqués selon des processus idéaux.

10.98 Cela signifie que, dans nos vérifications, nous sommes passés d'une méthode axée sur les processus ou les systèmes à une méthode davantage axée sur les résultats, qui concorde mieux avec les intérêts des gestionnaires et des administrateurs. Cela signifie également que, lorsque nous relevons une lacune importante, il faut se demander Quelles en sont les répercussions ? et aussi Quelle en est l'importance ? Pour qu'une lacune soit considérée comme importante et soit consignée dans le rapport d'examen spécial, il faut que ses répercussions soient graves.

10.99 En février 1995, on a demandé par sondage aux présidents de conseil et aux chefs de direction des sociétés d'État leurs points de vue sur les examens spéciaux ( voir les autres résultats du sondage à la pièce 10.16 ). Les réponses provenaient de 24 des 32 sociétés; la majorité étaient fortement en faveur des examens spéciaux. En fait, 83 p. 100 des répondants estimaient que la certitude donnée par l'opinion du vérificateur dans le rapport d'examen spécial était un atout pour les conseils d'administration; 71 p. 100 étaient d'avis que, dans l'ensemble, compte tenu des avantages et des coûts pour les sociétés et des coûts pour le Bureau, ces examens avaient été utiles. Douze pour cent n'avaient pas d'opinion et 17 p. 100 estimaient que les examens spéciaux n'étaient pas utiles.

10.100 Certains répondants ont dit que les examens leur avaient été utiles parce qu'ils leur donnaient un point de vue impartial sur les activités des sociétés et, à l'occasion, les avaient amenés à repenser leur façon de faire des affaires. Pour de nombreux présidents de conseil, le processus était important parce qu'il contribuait à renforcer l'obligation redditionnelle de la direction devant le conseil d'administration. Les réponses neutres et négatives avaient trait à la durée des examens spéciaux, à leurs coûts en temps et en argent pour la société et aux frais qu'ils entraînent pour le Bureau et donc, pour les contribuables.

Qu'est-ce que tout cela veut dire pour le troisième cycle?
10.101 D'après l'expérience des deux premiers cycles, nous estimons que les examens spéciaux contribuent également à faire une différence pour l'ensemble du contrôle et de la reddition des comptes des sociétés d'État. D'autre part, nous nous attendons que le troisième cycle d'examens spéciaux soit d'une plus grande valeur encore pour les sociétés d'État.

10.102 Le troisième cycle d'examens spéciaux commencera au début de 1997. Les deux premiers cycles ainsi que le sondage auprès des sociétés d'État nous ont beaucoup appris. Nous prévoyons être encore plus efficients dans le troisième cycle et être encore plus utiles aux sociétés d'État en concentrant nos efforts comme suit :

10.103 Le Bureau continuera de tirer parti des leçons apprises au cours des deux premiers cycles et d'améliorer la manière dont les examens spéciaux sont effectués afin d'en augmenter, au troisième cycle, la valeur pour les sociétés, le gouvernement et le Parlement.