Étude des principaux programmes sociaux fédéraux

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Vérificateur général adjoint : Richard. B. Fadden
Vérificateur responsable : Louis J. Lalonde

Contexte

Objet de l'étude

6.15 Le Bureau du vérificateur général a entrepris une étude des programmes sociaux du gouvernement fédéral, en mettant l'accent sur les caractéristiques, les dépenses et les résultats atteints jusqu'à maintenant. Nous espérons ainsi pouvoir contribuer à un débat public éclairé sur le rendement des programmes sociaux fédéraux. En particulier, ce document :

6.16 Nous reconnaissons que la Réforme de la sécurité sociale soulève d'importantes questions en matière de politiques, dont certaines sont communes à tous les programmes et niveaux de gouvernement et touchent la plupart des Canadiens. Nous ne prétendons pas dire au Parlement ce qu'il doit faire. Nous voulons toutefois que les membres du parlement aient une information suffisante pour prendre des décisions éclairées à l'égard des questions d'optimisation des ressources et d'information relatives aux programmes sociaux. Cependant, il faut se souvenir que dans toute réforme de cette envergure, il n'y a pas de certitude absolue.

Secteurs des programmes compris dans la Réforme de la sécurité sociale

6.17 La décision du gouvernement de procéder à une réforme du système de sécurité sociale au cours des deux prochaines années a été annoncée dans le discours du Trône du 18 janvier 1994 :

« Le régime de sécurité sociale du Canada doit tenir compte des réalités économiques et sociales des années 1990. Le gouvernement annoncera un plan d'action en vue d'une réforme en profondeur du système d'ici deux ans. Il collaborera étroitement avec les provinces et consultera les Canadiens et Canadiennes pour moderniser et restructurer ce régime collectif. Des projets de loi seront alors déposés devant le Parlement. »
Dans le cadre de ce discours, le gouvernement a aussi annoncé son intention de parrainer, un peu plus tard cette année, un Forum sur la santé, de concert avec les provinces, en vue de se pencher sur le renouvellement du système de santé au Canada.

6.18 Dans une proposition déposée à la Chambre des communes le 31 janvier 1994, le ministre du Développement des ressources humaines (DRH) et de la Diversification de l'économie de l'Ouest a donné plus de détails sur la décision du gouvernement. Il a défini les programmes devant faire l'objet de la Réforme de la sécurité sociale : Assurance-chômage, aide sociale, formation, emploi, réglementation du marché du travail, taxes, gestion et administration des programmes. Le Ministre a aussi indiqué que les changements ne devaient pas se faire à la pièce, ni constituer des changements spontanés ou partiels. Il a ajouté que : « les programmes sont liés entre eux; ils se touchent et se rejoignent ». Il a en outre précisé que les Canadiens participeraient à la définition des enjeux.

6.19 Le ministre du DRH a par ailleurs annoncé que son plan d'action comporterait deux objectifs : s'attaquer aux problèmes auxquels les Canadiens font face et proposer des options de changement claires. Il a énoncé les enjeux et les objectifs sous-jacents dans les termes suivants :

Problèmes auxquels font face les Canadiens :

Stratégies et objectifs sous-jacents au plan d'action :
6.20 Dans le cadre de cette proposition, le Ministre a aussi demandé à la Chambre de confier au Comité permanent du développement des ressources humaines la tâche de procéder à une vaste consultation, à une analyse, et de formuler des recommandations pour la modernisation et la restructuration du système canadien de sécurité sociale, en accordant une attention particulière aux besoins des familles avec des enfants, des jeunes et des adultes en âge de travailler.

6.21 Le gouvernement a en outre indiqué dans son plan budgétaire de février 1994 qu'il publiera un document portant sur les défis et les possibilités que crée le vieillissement de la population canadienne. Il a aussi précisé que le Régime d'assistance publique du Canada ainsi que les transferts au titre de l'enseignement postsecondaire feraient partie des programmes modifiés ou remplacés dans le cadre de la Réforme de la sécurité sociale. Les options relatives à la refonte des programmes de prêts aux étudiants feront l'objet d'un examen séparé.

6.22 Plusieurs mesures importantes ont été annoncées dans le cadre de ce plan budgétaire. Celui-ci prévoyait 400 millions de dollars en 1995-1996 et 1996-1997 pour l'élaboration de stratégies innovatrices en matière de sécurité sociale, ainsi que l'octroi de 1,7 milliard de dollars, au cours des cinq prochaines années, aux travailleurs déplacés de l'industrie du poisson de fond de l'Atlantique. Des mesures ont été adoptées immédiatement pour restreindre ou réduire les dépenses de l'Assurance-chômage et les transferts au titre de la sécurité sociale aux provinces et aux territoires. Ces restrictions sont décrites de façon plus détaillée aux paragraphes 6.62 à 6.66.

6.23 En mars 1994, le Comité permanent du développement des ressources humaines a publié un rapport provisoire sur l'opinion des Canadiens à l'égard du processus de réforme. Les nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité se sont dits préoccupés par :

6.24 Les opinions divergeaient quant à l'importance qui doit être accordée au déficit dans le contexte de la Réforme de la sécurité sociale. Certains témoins étaient fermement convaincus que le déficit canadien est clairement une menace pour les programmes actuels de sécurité sociale et pour les programmes futurs. Pour d'autres, les coûts des programmes de sécurité sociale n'étaient pas la cause du déficit, mais plutôt la conséquence de la pénurie d'emplois qui entraîne l'obligation d'offrir un soutien financier. D'autres enfin étaient d'avis que la situation économique actuelle engendrait des dépenses sociales extraordinaires et entraînait d'importants déficits sociaux et humains.

Transitions au sein du marché du travail : « La réalité canadienne »

6.25 Plusieurs études ou rapports ont décrit les tendances démographiques et celles du marché du travail au Canada, tendances qu'il est important de connaître pour bien comprendre les besoins sociaux de l'heure. Un rapport de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre s'est attardé aux transitions qui se produisent au sein du marché du travail. Les caractéristiques démographiques de la population canadienne et sa répartition inégale ont d'énormes répercussions sur les transitions vers l'emploi. L'âge, le sexe et les facteurs ethniques ont de profondes conséquences pour la société canadienne et plus particulièrement pour la population active. Les effets combinés d'un taux de natalité faible, de l'augmentation de l'espérance de vie et de l'immigration modifient rapidement la structure de la population. La pièce 6.1 présente certains éléments de la réalité canadienne décrite dans le rapport de la Commission.

6.26 La sécurité sociale au Canada et les Défis économiques du Canada , deux brochures publiées respectivement par le ministère du Développement des ressources humaines et le ministère des Finances, contiennent d'autres renseignements sur les tendances au Canada.

Aperçu national

6.27 Dans les paragraphes qui suivent, nous donnons un aperçu de l'étendue des programmes sociaux et de la répartition des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les provinces, aux termes de la Constitution. On présente également les programmes fédéraux créés au cours des 50 dernières années, qui constituent le filet de sécurité sociale tel qu'on le connaît. Enfin, on trace le tableau du financement des programmes sociaux et de leur importance par rapport à l'ensemble des dépenses du gouvernement fédéral.

6.28 Le Caledon Institute of Social Policy (une organisation privée à but non lucratif) a fourni au Bureau des estimations révisées des dépenses à caractère social, publiées dans son rapport de 1993 intitulé : « Opening the Books on Social Spending » . Le document nous permet de dresser un aperçu national puisqu'il couvre une grande variété de déboursés tels que les programmes de la sécurité du revenu et ceux du marché du travail, les services sociaux et les soins de santé assurés par les administrations fédérale, provinciales et municipales. La pièce 6.2 décrit les dépenses sociales publiques au Canada par juridiction ainsi que le total de ces dépenses exprimé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). En dollars constants de 1994, les dépenses totales en matière sociale sont passées de 26,3 milliards de dollars en 1966-1967 à 147,8 milliards en 1992-1993, soit respectivement 8,3 p. 100 et 21 p. 100 du PIB.

6.29 Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de façon unique de décrire le filet de sécurité sociale au Canada. Les spécialistes ont diverses opinions de ses composantes et arrivent à des conclusions différentes quant à son étendue et à ses coûts.

6.30 Le filet de sécurité sociale touche l'ensemble des citoyens. Il sert à protéger des millions de Canadiens, des enfants aux personnes âgées, des chômeurs aux personnes handicapées. Les perceptions de chacun diffèrent, jusqu'à un certain point, quant à ce qui peut être appelé politique sociale.

6.31 Nous avons consulté de nombreuses études et publications afin de pouvoir saisir la nature et l'étendue du filet de sécurité sociale. Les termes « programmes sociaux », « filet de sécurité sociale », « politique sociale », « bien-être social », « services sociaux » et « état-providence » sont souvent utilisés comme synonymes, bien que certains les considèrent comme ayant des significations différentes. Bon nombre d'études regroupent les programmes sous l'appellation « dépenses sociales », « sécurité sociale », ou simplement « programmes sociaux », mais, cependant, on doit faire une distinction pour pouvoir procéder à des comparaisons.

6.32 « Les dépenses sociales » comprennent généralement les dépenses à caractère social fédérales, provinciales et municipales, ainsi que les coûts des régimes d'assurance sociale (Assurance-chômage, Indemnisation des accidents du travail, Régime de pensions du Canada et Régime des rentes du Québec) qui reposent sur les cotisations des employeurs et des employés. Les dépenses sociales, comprennent également les coûts des programmes de transfert du revenu, des programmes d'emploi, des services sociaux et des soins de santé. Les « programmes sociaux » englobent tous les programmes destinés à améliorer le bien-être économique ou social de personnes ou de groupes de personnes, qui sont assurés par les gouvernements. La « sécurité sociale » selon Statistique Canada comprend une sous-catégorie des programmes sociaux, à savoir ceux destinés à assurer la sécurité du revenu.

6.33 Les dépenses à caractère social sont évaluées de façons différentes, tant au pays qu'à l'étranger. C'est donc dire que les estimations des dépenses à caractère social varient considérablement selon ce que l'on y inclut. Toutefois, aucune de ces estimations n'inclut les dépenses fiscales. Pour illustrer toute la variété des points de vue, nous présentons les positions prises par le Caledon Institute of Social Policy et celles du ministère des Finances et de Statistique Canada.

6.34 Le Caledon Institute of Social Policy estime, qu'en dollars courants, les dépenses brutes relatives au secteur social ont atteint 144 milliards de dollars au Canada en 1992-1993.

6.35 En janvier 1994, le ministère des Finances a publié un document explicatif sur les dépenses fédérales pour 1992-1993, qui fait état de la participation du gouvernement fédéral au secteur social et de ses dépenses à cet égard.

6.36 On y décrit les dépenses sociales du gouvernement fédéral comme s'inscrivant « dans divers programmes visant à améliorer la qualité de vie des Canadiens et Canadiennes, notamment ceux et celles qui ont un revenu modeste ou qui sont défavorisés. » Pour le Ministère, ces dépenses comprennent notamment le soutien du revenu, plus particulièrement destiné aux personnes âgées et aux chômeurs; les transferts aux provinces en matière de santé, d'éducation et d'aide sociale; et les programmes à l'intention des Canadiens autochtones. Elles comprennent, en outre, les dépenses pour les logements sociaux, les prêts aux étudiants ainsi que la formation et l'adaptation de la main-d'oeuvre.

6.37 Selon les chiffres du ministère des Finances, les dépenses du gouvernement fédéral pour les programmes sociaux ont été de 49,6 milliards de dollars en 1992-1993, dont 42 milliards de dollars en paiements de transfert direct aux particuliers. Les provinces ont reçu des transferts de fonds totalisant 18 milliards de dollars pour l'éducation, les soins de santé et l'aide sociale, ce qui porte le total des dépenses à caractère social à plus de 67 milliards de dollars. Un montant supplémentaire d'environ 12 milliards de dollars a été versé aux provinces sous forme de transferts fiscaux. Ce montant correspond à des points d'impôt sur le revenu transférés aux provinces pour des secteurs de programmes particuliers et qui tiennent lieu de paiements de transfert direct de fonds.

6.38 « La sécurité sociale », selon Statistique Canada, comprend un total de 78 milliards de dollars en dépenses pour 1990-1991 aux niveaux fédéral, provincial et municipal.

6.39 Les divergences de définitions et de portée compliquent la collecte de données cohérentes en vue de faire des comparaisons et de procéder à une analyse des tendances. Les données sur les dépenses fiscales sont essentielles pour bien mesurer les dépenses à caractère social et devraient être incluses, car les gouvernements fédéral et provinciaux utilisent abondamment le régime de l'impôt sur le revenu des particuliers pour accorder des avantages sociaux. Par ailleurs, même si la plupart des programmes sociaux au pays sont financés et administrés par les gouvernements, des avantages sociaux importants sont assurés par les employeurs, les bénévoles, le secteur privé et les familles. Des données complètes, obtenues en temps opportun, ne peuvent qu'aider les responsables de la réforme des programmes sociaux en cours.

La Constitution

6.40 Le partage des compétences constitue la pierre angulaire du fédéralisme. Aux termes de la Constitution canadienne, et conformément à l'interprétation qui en a été faite par les tribunaux, les pouvoirs législatifs sont répartis entre le gouvernement fédéral et les provinces.

6.41 En vertu de la Constitution, le gouvernement fédéral gère trois programmes importants du soutien du revenu. Il s'agit de l'Assurance-chômage, de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti.

6.42 Les provinces, quant à elles, exercent leurs pouvoirs dans des domaines importants de la sécurité sociale comme la santé, le bien-être et l'éducation. Elles exercent également des pouvoirs, bien qu'il y ait des exceptions importantes, sur les questions relatives au travail.

6.43 Le gouvernement fédéral assume certaines responsabilités dans le domaine de la sécurité sociale en vertu de son pouvoir de dépenser. Cela signifie qu'il peut établir des conditions générales et fournir un soutien financier. Il ne peut toutefois administrer les programmes.

6.44 D'autres programmes relèvent d'une juridiction commune aux deux paliers de gouvernement. Il s'agit des pensions, pour lesquelles les provinces ont la primauté et de l'immigration, où la loi fédérale a préséance.

6.45 Aux termes de la Loi constitutionnelle de 1982, les deux paliers de gouvernement se sont engagés à poursuivre conjointement des objectifs d'équité au niveau national. La Charte des droits et libertés offre des garanties en ce qui a trait à la mobilité et à l'égalité. Par ailleurs, la Constitution, dans sa version modifiée de 1982, engage le gouvernement fédéral et les provinces à « promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être » et à « fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels. »

Filet de sécurité sociale

6.46 La pièce 6.3 présente les différents éléments élaborés par le gouvernement fédéral, de 1940 à 1993, pour mettre en place le filet de sécurité sociale au Canada. Jusqu'en 1978, on a tissé le filet, de nouveaux programmes ont été mis en place et les lois existantes ont pris plus d'ampleur. Après 1978, les programmes ont été révisés, restreints ou remplacés. Les changements préconisés dans le cadre du plan budgétaire de 1994 sont décrits aux paragraphes 6.62 à 6.66.

Part fédérale des dépenses des programmes sociaux

6.47 Nous discutons maintenant de la question de « Qui est responsable » du financement des programmes sociaux. Nous tentons d'éclaircir deux aspects des programmes sociaux au Canada, à savoir les sources de revenus et la façon dont les fonds sont distribués pour assurer un filet de sécurité sociale canadien.

6.48 La question du financement est sans contredit un facteur essentiel de tout examen sérieux des programmes sociaux canadiens puisqu'ils représentent des dépenses très importantes. C'est pourquoi nous examinons les sources de revenu et les secteurs où s'effectuent les dépenses sociales.

6.49 La plupart des fonds destinés aux programmes sociaux sont recueillis par deux paliers de gouvernement, fédéral et provincial, et dans le cas de certains programmes importants, les coûts sont partagés entre ces deux paliers. Dans certaines provinces, les administrations municipales assument une partie de la responsabilité des paiements de l'aide sociale. Toutefois, quel que soit le palier de gouvernement responsable, les fonds proviennent tous des mêmes contribuables.

6.50 Les recettes fédérales sont le produit des impôts et des taxes, notamment l'impôt sur le revenu des particuliers, la taxe de vente et la taxe d'accise, l'impôt des sociétés, ainsi que les charges sociales, comme les cotisations à l'Assurance-chômage. La pièce 6.4 présente la composition des recettes fédérales de 1993-1994, recettes qui représentent au total 116 milliards de dollars.

6.51 Selon les données fournies par le ministère des Finances, les recettes publiques totales (y compris celles des administrations fédérales, des états et des provinces ainsi que des administrations locales), dans la plupart des pays industrialisés, ont augmenté à des degrés différents, en proportion du produit intérieur brut (PIB), depuis 1980. Au Canada, les recettes publiques sont passées de 31,6 p. 100 du PIB en 1980 à 37,3 p. 100 en 1991.

6.52 Tous les impôts ont augmenté, à l'exception de l'impôt des sociétés. La pièce 6.5 montre les modifications qui ont touché la composition des recettes du gouvernement fédéral entre 1980 et 1992, exprimées en pourcentage de l'ensemble des recettes. La part des recettes totales fédérales provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers est passée de 40 p. 100 en 1980 à 48 p. 100 en 1992. La taxe de vente et la taxe d'accise sont passées, au cours de cette période, de 14 p. 100 à 18 p. 100 et les cotisations à l'Assurance-chômage de 6 p. 100 à 14 p. 100. De plus, les cotisations des employés à l'Assurance-chômage et au Régime de pensions du Canada sont passées de 1,8 p. 100 du revenu personnel en 1980 à 2,7 p. 100 en 1992. Si l'on tient compte de la contribution des employeurs, ces charges sociales se sont accrues, au cours de la même période, de 5 p. 100 à 8,5 p. 100 du revenu personnel. Les impôts des sociétés sont passés de 15 p. 100 en 1980 à 7 p. 100 en 1992. Selon le ministère des Finances, cela est attribuable principalement aux répercussions de la récession au début des années 1990 sur les profits des entreprises.

6.53 Le gouvernement fédéral peut poursuivre ses objectifs sociaux et économiques de multiples façons. La pièce 6.6 montre comment le gouvernement fédéral dépense son argent et la proportion de celui-ci qui va aux programmes sociaux.

6.54 La pièce 6.7 présente les montants dépensés pour chaque programme social, ainsi que le nombre de bénéficiaires. Étant donné que le Régime de pensions du Canada (RPC) est administré conjointement par les gouvernements fédéral et provinciaux, il n'est pas inscrit aux états financiers du gouvernement fédéral. Il n'est donc pas compris dans les dépenses totales de celui-ci. Les dépenses totales au titre du RPC, qui ne comprennent pas le Québec, s'élevaient à environ 13,2 milliards de dollars en 1993.

6.55 Les paiements de transfert aux particuliers sont versés principalement aux chômeurs, aux personnes âgées, aux enfants et aux anciens combattants. Les transferts aux administrations autochtones visent le développement social, l'éducation, l'infrastructure communautaire, la gestion des bandes, le développement économique et la santé. Les fonds sont transférés par l'entremise du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et du ministère de la Santé.

6.56 Comme l'indiquait le ministère des Finances dans le document Dépenses fédérales , les transferts fédéraux aux provinces « aident ces dernières à fournir des services dans des domaines comme l'assurance-maladie, l'éducation et l'aide sociale ».

6.57 Dans le cas des transferts aux autres paliers de gouvernement, comme le démontre la pièce 6.8 , le palier de gouvernement qui impose les taxes n'est pas toujours celui qui est responsable des dépenses. Les contribuables ne peuvent pas facilement lier les services fournis par un gouvernement aux impôts versés à ce gouvernement. Nous reconnaissons que les transferts intergouvernementaux constituent une part essentielle de tout système décentralisé de gouvernement, tel que le système canadien, et qu'ils servent à assurer une répartition efficace des ressources entre les provinces. Même s'ils permettent de poursuivre d'autres objectifs politiques louables, les transferts intergouvernementaux brouillent le rapport entre les programmes et les impôts. C'est donc dire que la reddition des comptes est plus confuse lorsque les gouvernements dépensent des sommes qu'ils n'ont pas perçues eux-mêmes.

6.58 Le gouvernement peut aussi atteindre des objectifs politiques par l'entremise du système fiscal et exempter certaines personnes du paiement d'impôt par l'exclusion d'éléments du revenu imposable, des déductions, des crédits d'impôt ou des reports. Étant donné que ces mesures constituent souvent une autre forme d'aide gouvernementale, dont les répercussions financières sont les mêmes que celles des dépenses directes, elles sont désignées sous le nom de dépenses fiscales.

6.59 Il y a divergence d'opinions sur ce qui constitue une dépense fiscale relative aux programmes sociaux. Divers organismes ont produit des estimations différentes de ces dépenses fiscales à caractère social. Le Caledon Institute of Social Policy estime à 28,2 milliards de dollars pour 1991 (en dollars courants) les dépenses fiscales au titre des programmes sociaux du gouvernement fédéral et des provinces, y compris les pertes de revenu de ces dernières. L'Institut de recherches politiques estime que, pour 1989 seulement, les coûts pour le gouvernement fédéral de certaines dépenses fiscales liées au revenu des particuliers et correspondant à des objectifs sociaux s'élevaient à près de 34,4 milliards de dollars. Nous n'avons pas examiné le fondement de ces estimations.

6.60 Les dépenses fiscales posent certains problèmes quant à la mesure des dépenses au titre des programmes sociaux, problèmes qui dépassent les discussions entourant la définition d'un avantage social. De façon générale, les dépenses fiscales entraînent une réduction des ressources disponibles pour financer d'autres programmes ou pour réduire le déficit et peuvent donner lieu à une augmentation du taux d'imposition afin d'obtenir le même niveau de recettes. Il n'y a pas de données chronologiques sur les dépenses fiscales au titre des programmes sociaux pour compléter les données historiques sur les dépenses directes; on ne connaît donc qu'une partie des tendances de l'ensemble des dépenses au titre des programmes sociaux. Un exemple récent vient illustrer ce point.

6.61 Les prestations totales versées aux enfants ont dépassé 5 milliards de dollars en 1992-1993. À partir du 1er janvier 1993, les Allocations familiales et le Crédit d'impôt remboursable pour enfants ont été remplacés par un nouveau programme : la Prestation fiscale pour enfants. Étant donné que cette nouvelle prestation est versée dans le cadre du régime fiscal, elle ne fait pas partie des dépenses budgétaires. Il devient donc difficile de procéder à des comparaisons ou d'analyser les tendances des dépenses dans ce secteur.

Propositions budgétaires récentes

6.62 Étant donné que les déficits font pour ainsi dire partie intégrante des budgets du gouvernement fédéral depuis le milieu des années 1970, diverses mesures ont été prises pour restreindre les dépenses, dont certaines comprennent une réduction des prestations sociales. Les réductions et les restrictions qui ont touché les programmes sociaux sont exposées à la pièce 6.3. Dans le Plan budgétaire de février 1994, le gouvernement a annoncé d'autres réductions au cours des prochaines années à l'égard du Régime d'assistance publique du Canada (RAPC), du Financement des programmes établis (FPÉ) et de l'Assurance-chômage.

6.63 Le Régime d'assistance publique du Canada a pour objectif principal d'aider les provinces à fournir des niveaux appropriés d'aide sociale et de soins en établissement aux personnes dans le besoin, ainsi que des services de bien-être qui visent à atténuer ou à supprimer les causes ou les effets de la pauvreté, des mauvais traitements infligés aux enfants ou de la dépendance à l'égard de l'assistance publique. Jusqu'à récemment, les paiements de transfert du RAPC étaient illimités, des subventions de contrepartie conditionnelles étant disponibles uniformément dans toutes les provinces. Le gouvernement fédéral a imposé une limite quant à l'augmentation annuelle des paiements de transfert à trois provinces, de 1990-1991 à 1994-1995, pour le partage des coûts des programmes de l'aide sociale et de services sociaux en vertu du RAPC. Dans le cas des autres provinces, le gouvernement fédéral rembourse la moitié des coûts de l'aide sociale et des services de bien-être social. Tel qu'il est illustré à la pièce 6.7, les dépenses du gouvernement fédéral pour le RAPC sont passées de 6,7 milliards de dollars en 1992-1993 à 7,2 milliards de dollars en 1993-1994, soit une augmentation de plus de 7 p. 100.

6.64 Les dispositions du RAPC demeurent les mêmes pour 1994-1995. À partir de 1995-1996, les paiements de transfert aux provinces en vertu du RAPC seront maintenus aux niveaux de 1994-1995, sous réserve des changements qui découleront de la Réforme de la sécurité sociale, dont la mise en oeuvre est prévue pour 1996-1997. Les restrictions relatives au RAPC sont maintenues pour la période de la réforme. Par ailleurs, selon le Plan budgétaire , la valeur des paiements de transfert effectués en vertu du RAPC, ou du régime qui le remplacera, ne dépassera pas la valeur de ceux de 1993-1994.

6.65 En ce qui a trait au Financement des programmes établis (FPÉ), le blocage actuel touchant le FPÉ sera maintenu pour 1994-1995 et 1995-1996. En 1996-1997, le volet enseignement postsecondaire du FPÉ sera rajusté afin que le total des paiements de transfert au titre de la sécurité sociale, y compris ceux du RAPC (ou du programme qui le remplacera), ne dépassent pas les niveaux de 1993-1994. Les mesures de restrictions ne s'appliquent pas au volet des soins de santé. C'est donc dire qu'il y aura une distinction claire à l'intérieur du FPÉ quant à ces deux volets et qu'une démarche différente sera adoptée à l'égard de chacun d'eux.

6.66 Le Plan budgétaire comprend les modifications suivantes à l'Assurance-chômage : réduction de la durée maximale des prestations, augmentation de la période minimale d'admissibilité et réduction possible du taux de prestations. Ces mesures devraient réduire les dépenses de l'Assurance-chômage de 725 millions de dollars en 1994-1995 et de 2,4 milliards de dollars par année ensuite. D'autres mesures ont été adoptées pour réduire le taux de cotisation pour 1995.

Importance des programmes sociaux fédéraux

6.67 Une part importante de l'augmentation des dépenses fédérales depuis 1975 a été attribuée aux programmes sociaux en général (c'est-à-dire les paiements de transfert aux particuliers) et aux paiements des intérêts sur la dette fédérale comme le montre la pièce 6.9 . La proportion élevée et grandissante des dépenses au titre des programmes sociaux doit être prise en compte dans le cadre de la mesure des résultats de chacun de ces programmes (voir la rubrique Information sur les résultats des programmes).

6.68 Par rapport au PIB, la tendance depuis longtemps au titre des dépenses courantes et des dépenses en immobilisations du gouvernement fédéral était constante, avec des diminutions graduelles. Les transferts gouvernementaux aux entreprises ont fluctué considérablement par rapport au PIB au cours de la période de 1975 à 1985; depuis, ils déclinent rapidement. Les transferts aux entreprises constituent la catégorie de dépenses la moins importante que nous avons étudiée et, en 1992, ils représentent à peu près le même pourcentage du PIB qu'en 1966.

6.69 Par contre, les transferts aux particuliers et aux gouvernements se sont accrus très rapidement au cours de la deuxième moitié des années 1960. Même s'ils sont sujets à des fluctuations cycliques, les transferts aux particuliers ont enregistré une augmentation importante et constante. Exprimés en pourcentage du PIB, ils sont passés d'un maximum cyclique d'environ 6 p. 100 au milieu des années 1970 à environ 8 p. 100 en 1992. En général, les transferts aux gouvernements, exprimés en pourcentage du PIB, se sont stabilisés depuis le milieu des années 1970.

6.70 Dans l'ensemble, les transferts aux particuliers sont devenus l'un des plus importants articles de dépenses du gouvernement fédéral, depuis le début des années 1970, et sa progression à long terme a dépassé le taux de croissance de l'économie. En incluant les paiements effectués en vertu du Régime de pension du Canada (RPC), les dépenses au titre des transferts aux particuliers seraient encore plus importantes. Tel qu'il a déjà été mentionné, les paiements du RPC ne sont pas inclus dans les états financiers du gouvernement fédéral ni dans le total des dépenses relatives aux programmes sociaux. Comme nous l'avons indiqué au paragraphe 6.54, les dépenses du RPC s'élevaient à 13,2 milliards de dollars en 1993. Il s'agit donc d'un montant important qui s'ajoute aux 50 milliards de dollars que nous avons identifiés comme paiements de transfert aux particuliers à la pièce 6.7 .

6.71 Depuis le milieu des années 1970, l'augmentation du coût des programmes sociaux est attribuable principalement à la croissance des dépenses fédérales en matière de sécurité sociale. Les frais de la dette ont également augmenté de façon constante au cours de la même période et ces deux facteurs réunis ont entraîné une série ininterrompue de déficits pour le gouvernement fédéral. D'autres transferts, y compris ceux qui visent à soutenir les dépenses sociales des gouvernements provinciaux, ont connu une croissance contrôlée grâce à des mesures de plus en plus restrictives au cours de la dernière décennie et ont suivi la croissance économique du pays.

6.72 Il est très important de tenir compte du rapport coût-efficacité de chacun des éléments des programmes sociaux au Canada, à cause du volume de dépenses qu'ils représentent et de leur importance quant au déficit et à la dette.

6.73 En résumé, comme nous l'avons vu sous la rubrique Contexte, les programmes sociaux fédéraux font partie intégrante de la vie au Canada et constituent une part très importante des dépenses publiques fédérales. Le filet de sécurité sociale a été mis sur pied au cours des quatre décennies qui ont séparé la grande crise de 1929 et la fin des années 1970. Les dépenses sociales fédérales représentent à l'heure actuelle environ 67 milliards de dollars soit, selon les estimations les plus conservatrices, plus de la moitié des recettes fédérales. Quelque 42 milliards de dollars sont ainsi remis directement aux citoyens canadiens.

6.74 Le niveau de dépenses publiques au Canada a des répercussions importantes sur la valeur du crédit du pays et la place du Canada sur les marchés monétaires internationaux. Une analyse des dépenses au titre des programmes sociaux et des bénéficiaires fournit des données essentielles sur les tendances, qui aideraient les décideurs à mieux comprendre les facteurs sociaux et économiques qui touchent les demandes actuelles et futures du système de sécurité sociale. Toutefois, le Canada doit obtenir des renseignements exhaustifs sur les programmes sociaux afin de permettre une comptabilité plus complète, précise et cohérente des dépenses publiques.

6.75 Les tendances à long terme des dépenses du gouvernement fédéral indiquent qu'à partir de 1975, année pendant laquelle on se rendait compte pour la première fois de l'état du déficit, les coûts accrus des programmes sociaux combinés aux coûts des autres programmes n'ont pu être compensés par les revenus d'impôt disponibles et ont nécessité des emprunts importants. Cela se reflète par la forte tendance à la hausse des paiements d'intérêts.

Tendances socio-économiques

6.76 Cette section vise à décrire les principales tendances économiques et sociales qui caractérisent tout particulièrement l'évolution des programmes sociaux.

6.77 Ces tendances servent à établir un cadre permettant d'évaluer l'information (paragraphes 6.80 à 6.101) sur le fonctionnement des programmes et les résultats atteints.

6.78 Un examen du contexte actuel fait ressortir clairement l'étendue des changements en cours. Même les tendances semblent se modifier; dans nombre de cas, elles semblent refléter des changements importants de la structure de l'économie et du marché du travail ainsi que des conditions sociales. Cela laisse croire que ces tendances ne sont pas temporaires et qu'elles ne se corrigeront pas d'elles-mêmes.

6.79 Au total, nous avons cerné dix tendances de base qui sont d'une importance particulière à l'égard des programmes sociaux. Ces tendances sont résumées ci-dessous.

6.80 L'adaptation de l'industrie au sein de l'économie s'est intensifiée et se poursuivra vraisemblablement à des niveaux élevés. Dans une publication de 1994 du ministère des Finances, Les défis économiques du Canada , on a noté deux genres de changement qui provoquent l'adaptation de l'industrie.

6.81 Ces changements ont deux effets : tout d'abord, une augmentation importante des compétences et de la scolarité requises ( pièce 6.10 ); ensuite, un plus grand nombre de licenciements permanents et des problèmes croissants de réaffectation lorsque les entreprises procèdent à des réductions de personnel. Cela a des répercussions importantes sur les systèmes d'éducation et de formation au Canada.

6.82 Les changements démographiques importants qui se produisent auront un effet sur l'utilisation et le coût des programmes sociaux. On s'attend à ce que la population active augmente à un rythme beaucoup plus lent dans les années 1990. On évalue à environ 180 000 le nombre des personnes qui entreront sur le marché du travail chaque année, comparativement à plus de 200 000 dans les années 1980, et 300 000 dans les années 1970 ( pièce 6.11 ).

6.83 Du fait de la faible croissance de la population, les jeunes âgés de 15 à 24 ans constitueront une proportion moins importante de la main-d'oeuvre disponible ( pièce 6.12 ). Les travailleurs d'âge mûr, quant à eux, représenteront une proportion plus importante de la population et de la population active ( pièce 6.13 ).

6.84 Par le passé, on disposait d'un nombre important et sans cesse croissant de jeunes travailleurs pour répondre aux besoins de nouvelles compétences. Les jeunes travailleurs changent d'emploi plus fréquemment et ont plus de souplesse d'adaptation. Le vieillissement de la main-d'oeuvre signifiera que de plus en plus de travailleurs établis seront soumis au processus d'adaptation de l'industrie et de réaffectation. Cela augmentera davantage l'utilisation des programmes sociaux pour faciliter l'adaptation et la réaffectation, plutôt que pour simplement fournir un soutien du revenu.

6.85 On note une tendance à long terme vers l'augmentation des taux de chômage. Le chômage cyclique a constitué un élément important de l'augmentation du nombre de chômeurs depuis 1990. Toutefois, la tendance à long terme du chômage était déjà à la hausse dans les années 1970 ( pièce 6.14 ). À la fin des années 1980, même lorsque la croissance économique était forte, le taux de chômage national n'est jamais tombé au-dessous de 7,5 p. 100, comparativement à un taux minimal de 4,5 p. 100 dans les années 1960.

6.86 À long terme, la création d'emplois au Canada a dépassé celle de la plupart des pays industrialisés, mais la nature des emplois change. La croissance moyenne annuelle de l'emploi entre 1973 et 1988 se situait bien au-dessus de 2 p. 100 au Canada ( pièce 6.15 ), comparativement à moins d'un pour cent dans la plupart des autres pays industrialisés.

6.87 Il convient toutefois de souligner que bien que la croissance à long terme du taux d'emploi au Canada soit impressionnante, les emplois sont devenus moins stables. Le Conseil économique du Canada estime que 44 p. 100 de la croissance de l'emploi au Canada dans les années 1980 était constitué d'emplois temporaires ou précaires.

6.88 Les familles à plusieurs revenus constituent maintenant la norme. Depuis 1989, environ 70 p. 100 des prestataires d'assurance-chômage vivent dans des familles à deux revenus ou plus ( pièce 6.16 ). Même si les conditions générales de l'emploi peuvent s'être détériorées, les répercussions du chômage sur la plupart des familles ne seront pas nécessairement aussi graves que pendant les périodes précédentes de chômage élevé. Les familles à un seul revenu, par contre, continueront de faire face à de graves difficultés en cas de chômage.

6.89 Il existe un problème bien ancré de disparités régionales du chômage. Les disparités régionales persistantes peuvent révéler un problème structurel de l'économie, qui implique entre autres un déséquilibre géographique dans l'offre et la demande de main-d'oeuvre.

6.90 Alors que le cycle économique est à son meilleur, donc lorsque la demande en main-d'oeuvre est forte, une comparaison des taux de chômage régionaux avec la moyenne nationale ne montre aucune amélioration quant aux disparités régionales; dans certains cas, elle fait même ressortir une aggravation de ces disparités ( pièce 6.17 ).

6.91 Des travailleurs immigrés répondent à d'importants besoins de main-d'oeuvre dans les régions où la croissance est forte. Les immigrants qui sont arrivés au Canada entre 1986 et 1991 représentaient 38 p. 100 de l'augmentation du niveau d'emploi en Ontario. En Colombie- Britannique, une autre région où la croissance de l'emploi est importante, ce chiffre s'est situé à près de 18 p. 100 ( pièce 6.18 ).

6.92 La grande dépendance des régions en croissance à l'égard de travailleurs immigrés soulève des questions quant à la mobilité géographique des travailleurs canadiens et à l'influence possible du programme d'Immigration sur l'endroit où s'établissent les entreprises. Les pénuries d'emploi dans les régions où le taux de chômage est élevé entraînent un plus grand recours aux programmes sociaux.

6.93 La tendance à la hausse du chômage s'est maintenue même lorsqu'il y avait davantage d'emplois disponibles. Cette tendance existe depuis déjà un certain temps ( pièce 6.19 ). Une étude de la situation économique au Canada, effectuée par l'OCDE en 1991, démontre que les taux de chômage qui prévalaient à la fin des années 1980 ont pratiquement doublé par rapport à ceux des années 1960, à un taux d'emplois disponibles donné. Au milieu des années 1960, le taux d'emplois disponibles était accompagné d'un taux de chômage inférieur à 4 p. 100. À la fin des années 1980, un taux sensiblement équivalent d'emplois disponibles s'accompagnait d'un taux de chômage de plus de 8 p. 100. Cette situation laisse supposer l'existence d'un problème d'ajustement dans l'offre de main-d'oeuvre.

6.94 Cela soulève cette question essentielle : « Pourquoi des emplois demeurent-ils disponibles alors même qu'il y a des travailleurs en chômage? » Comme nous l'avons noté au paragraphe 6.85, une tendance à long terme de l'économie vers des taux de chômage plus élevés ressort clairement. Plusieurs facteurs entrent en jeu dont, entre autres, l'effet des changements structurels dans l'économie. La possibilité que le niveau de soutien du revenu accordé par les programmes sociaux (voir le paragraphe 6.96) dissuade les gens de retourner au travail et cause une forme de chômage volontaire peut être citée comme un autre facteur. Cela contribuerait à la tendance à la hausse du chômage et au taux de 8 p. 100 mentionné précédemment.

6.95 On peut définir le chômage volontaire comme le choix des travailleurs de profiter des avantages du filet de sécurité sociale, plutôt que d'occuper les emplois disponibles. Lorsque l'on connaît simultanément des taux de chômage et des taux d'emplois disponibles élevés, cela peut freiner la croissance économique. De plus, cela peut ajouter au fardeau des dépenses des programmes sociaux.

6.96 Dans son rapport de janvier 1994 intitulé : Les défis économiques du Canada , le ministère des Finances conclut que le Programme d'assurance-chômage au Canada est beaucoup plus généreux que celui des États-Unis et d'autres pays industrialisés. La pièce 6.20 présente l'analyse comparative du niveau de soutien du revenu accordé aux chômeurs dans les pays industrialisés du G-7. Le niveau de soutien du revenu, tel qu'il est présenté, tient compte aussi bien de la couverture et de l'admissibilité que du niveau des prestations. Le ministère des Finances lie la question de la générosité à celle des effets dissuasifs envers le travail. Même si le niveau de soutien du Programme d'assurance-chômage canadien a été réduit par suite des modifications apportées depuis 1990, il demeure encore un sujet important de préoccupations.

6.97 La croissance du revenu d'emploi par habitant diminue et les disparités salariales s'élargissent. Au Canada, le salaire moyen a augmenté de façon importante jusqu'au début des années 1970. Dans les années 1980, on n'a noté qu'une très faible augmentation du niveau de rémunération ( pièce 6.21 ).

6.98 Parallèlement, les disparités salariales s'élargissent. Toutefois, ceci est compensé pour une large part par l'ensemble des paiements de transfert du gouvernement ( pièce 6.22 ).

6.99 Les transferts gouvernementaux du revenu jouent maintenant un rôle plus important pour assurer le maintien des niveaux de revenu. Les effets des transferts du revenu sur les diverses tranches de revenu figurent à la pièce 6.23 .

6.100 Le rôle des transferts gouvernementaux du revenu dans le maintien des niveaux de revenu s'est accentué à partir de 1981. Sauf pour la tranche des 20 p. 100 des revenus les plus bas, où les paiements de transfert constituaient déjà la principale source de revenu, le soutien assuré par ces programmes a plus que doublé depuis le début des années 1970. Cela soulève des questions à l'égard de la pertinence des programmes universels, par opposition à des programmes mieux ciblés et du niveau de soutien accordé par les divers programmes de transfert du revenu.

6.101 Nous n'avons pu trouver d'information complète sur le taux de récupération fiscale à l'égard des transferts du revenu pour les tranches figurant à la pièce 6.23. Ces données seraient importantes pour déterminer les effets nets des programmes de transfert du revenu et pour évaluer le rapport coût-efficacité de leur exécution.

6.102 En résumé, il ressort de notre examen des tendances socio-économiques actuelles que l'économie traverse une période d'adaptation importante qui affecte autant l'industrie que la main-d'oeuvre. Cette adaptation économique coïncide avec une diminution importante de la croissance des revenus d'emploi et une augmentation des transferts gouvernementaux pour tous les niveaux de revenu.

6.103 Les données sur la croissance de tels transferts du revenu ainsi que des comparaisons des niveaux de soutien d'autres pays assurés par l'assurance-chômage, soulèvent des questions importantes quant au rapport coût-efficacité des programmes mieux ciblés, de leurs effets dissuasifs envers le travail et à leur générosité relative.

6.104 Dans ce contexte, nous examinerons maintenant l'information disponible sur les résultats des divers programmes sociaux par rapport à leurs objectifs respectifs.

Information sur les résultats des programmes

6.105 On peut obtenir de diverses sources des renseignements pertinents sur les résultats des programmes gouvernementaux. Dans cette section, nous examinons l'information obtenue de documents clés qui soulèvent des questions d'optimisation des ressources importantes quant aux dépenses des programmes.

6.106 En vertu de la politique du Conseil du Trésor, les ministères fédéraux devraient procéder à des évaluations périodiques de leurs programmes, « lorsqu'il est utile et efficace par rapport au coût de le faire ».

6.107 Les ministères recueillent de façon continue diverses données sur leurs programmes, dont certaines donnent une idée partielle des résultats des programmes. Ces données, ainsi que celles de l'extérieur, comme celles de Statistique Canada, sont parfois analysées dans le cadre d'examens plus exhaustifs des programmes des ministères.

6.108 En outre, les chercheurs procèdent périodiquement à des études techniques de l'ensemble des effets des programmes. De même, des commissions d'enquête ont analysé certains aspects de ceux-ci. Des organismes internationaux, comme l'Organisation de coopération et de développement économiques et le Fonds monétaire international, mènent des études abordant la productivité des programmes de pays membres, y compris le Canada, dans le cadre d'examens plus vastes ou d'analyses comparatives à l'échelle internationale.

6.109 Toutes ces sources nous permettent d'avoir un aperçu des résultats des programmes sociaux du gouvernement fédéral au fil des ans.

6.110 Comme nous le verrons dans certains cas, cet aperçu est très limité. Parmi nos principales observations se trouvent des lacunes dans l'information des programmes en place, lacunes dont on devrait tenir compte dans le contexte de la Réforme de la sécurité sociale.

Activités des programmes examinées

6.111 Dans le cadre de cette étude, nous avons mis l'accent sur des programmes de trois principaux secteurs des politiques sociales, afin de déterminer l'information disponible sur les résultats de :

6.112 Au total, ces trois secteurs représentaient, en 1993-1994, plus de 26 milliards de dollars en dépenses fédérales. Des programmes qui constituent des postes de dépenses aussi importants devraient avoir des répercussions majeures, tant sur les populations visées que sur l'ensemble de l'économie.

6.113 Ces activités des programmes constituent les principales composantes fédérales du filet de sécurité sociale et se concentrent surtout sur les membres de la population en âge de travailler et leurs personnes à charge.

Récents rapports d'évaluation de programme

6.114 Comme nous l'avons souligné au chapitre 8 de notre Rapport de 1993, l'évaluation de programme des ministères revêt une importance particulière puisqu'il s'agit d'une « discipline permettant d'évaluer les activités et les programmes publics ». Elle se fonde sur des mesures et une analyse indépendantes et systématiques effectuées pour répondre aux attentes énoncées dans les politiques et les normes, et publiées. C'est donc dire que l'évaluation devrait être du domaine public et susciter un débat bien informé sur les résultats atteints par les programmes gouvernementaux.

6.115 La politique gouvernementale a reconnu, au fil des ans, l'importance de l'évaluation de programme comme principal outil de la mesure des résultats. Les sous-ministres sont responsables de la planification, de l'exécution des études d'évaluation de programme ainsi que des rapports qui en découlent.

6.116 Le ministère du Développement des ressources humaines a mis à notre disposition des rapports d'évaluation de programme qui examinent les résultats pour trois des quatre secteurs de programmes. Le Ministère nous a également transmis un rapport sur l'évaluation préliminaire des prestations ordinaires de l'Assurance-chômage.

6.117 En ce qui a trait à l'Assurance-chômage, nous avons souligné dans notre rapport de 1993 que jusqu'à maintenant ce secteur n'a fait l'objet que d'évaluations limitées.

6.118 Dans une évaluation préliminaire des prestations ordinaires de l'Assurance-chômage, le Ministère admettait que cette composante importante du programme n'avait jamais été évaluée, bien qu'il s'agisse du programme fédéral le plus important visant l'adaptation du marché du travail et que l'on se préoccupe de plus en plus ces dernières années de la croissance rapide et continue des dépenses.

6.119 Le Ministère est à compléter une évaluation importante des répercussions et des effets des prestations ordinaires de l'Assurance-chômage sur la clientèle visée et toute l'économie. Certains renseignements préliminaires sur les observations se retrouvent dans une série d'études portant sur les effets de ce genre de programme. D'autres études sont prévues cet automne et en 1995. Cette information pourrait servir à l'examen effectué par le gouvernement du système de sécurité sociale au Canada. Il est important que l'information découlant des études de l'évaluation de programme soit mise à la disposition du Parlement lors de prises de décisions importantes. Nous encourageons le ministère du Développement des ressources humaines à poursuivre ses activités d'évaluation comme prévu.

Titre du rapport Date Étape

Évaluation du Régime
d'assistance publique
du Canada 1991 Rapport final

Évaluation préliminaire des
prestations ordinaires de
l'Assurance-chômage 1992 Ébauche

Évaluation de la formation
financée par l'Assurance-
chômage 1993 Ébauche

Évaluation des initiatives
d'amélioration de
l'employabilité pour les
bénéficiaires de l'aide
sociale 1993 Ébauche

6.120 Même si les travaux actuels d'évaluation constituent un progrès important, ils peuvent être perçus, à certains égards, comme venant trop tard. Cela est particulièrement vrai compte tenu des questions majeures soulevées au fil des ans sur les effets négatifs possibles de l'Assurance-chômage, son importance et ses coûts. Ces éléments sont examinés aux paragraphes 6.164 à 6.200. Des études préalables du programme, y compris deux commissions d'enquête d'envergure, auraient sûrement bénéficié de la disponibilité d'information sur les résultats obtenus.

Effets attendus

6.121 La pièce 6.24 comprend un sommaire des activités de base prévues dans le cadre de trois programmes fédéraux, ainsi que des effets qu'on en attend. Comme il est indiqué dans la pièce, les programmes dans leur ensemble ont des objectifs à la fois économiques et sociaux.

6.122 Dans le cas de l'Assurance-chômage, les objectifs incluent la réaffectation des chômeurs (grâce au soutien du revenu, au counselling, à la recherche d'emploi et à l'aide à la formation), ainsi qu'un filet de sécurité sociale (aide financière) pour les sans-travail. Toutefois, comme nous l'expliquerons ci-après, la portée du Programme d'assurance-chômage canadien n'a jamais été bien définie. Les différents points de vue des observateurs quant à son rôle en sont la preuve. Plusieurs critiques conviennent que le rôle approprié du programme est une forme particulière d'assurance, tandis que d'autres le voient comme un outil pour la redistribution du revenu.

6.123 Dans le cas du Régime d'assistance publique du Canada et de la formation des bénéficiaires de l'aide sociale, les objectifs sont mieux définis. Le RAPC est axé sur le soutien du revenu fourni dans le cadre des systèmes de bien-être provinciaux, c'est-à-dire « une mesure de dernier recours ». Son objectif social est donc bien défini. Pour la formation des bénéficiaires de l'aide sociale, le principal effet attendu est l'amélioration de l'employabilité et la réduction de la dépendance à l'égard de l'aide gouvernementale.

6.124 Le Programme d'assurance-chômage n'a pas d'objectifs clairs. Conformément à la loi habilitante, le Parlement a énoncé l'objectif du Programme d'assurance-chômage en termes généraux. Cet énoncé général doit être traduit, autant que possible, en des objectifs clairs, cohérents et mesurables, servant de base à l'élaboration et à la gestion des programmes ainsi que pour rendre compte. Cela n'a pas été respecté, comme en font foi les divers énoncés des objectifs de l'Assurance-chômage figurant à la pièce 6.25 .

6.125 Voici le plus récent énoncé des objectifs de l'Assurance-chômage :

« favoriser la croissance économique et la souplesse de l'économie en fournissant un revenu d'appoint temporaire aux travailleurs qui y ont droit aux termes de la Loi sur l'assurance-chômage sans imposer de fardeau inutile aux particuliers, aux groupes ou aux régions. »
6.126 L'expression « fardeau inutile » s'interprète de plusieurs façons. Par conséquent, l'équilibre voulu entre les objectifs de croissance économique et ceux de redistribution du revenu n'est pas évident.

6.127 De même, l'interprétation de l'expression « croissance économique » et de « souplesse » n'est pas claire quand on parle de l'assurance-chômage comme programme d'assurance ou comme mesure de redistribution du revenu. L'absence d'objectifs bien structurés et définis se démontre au fil des ans par l'élargissement de l'Assurance-chômage aux prestations de maladie, congés de maternité et parentaux, et dispositions spéciales pour les travailleurs autonomes de l'industrie de la pêche. On se pose les mêmes questions quand on parle « d'utilisation à des fins productives » de l'Assurance-chômage, dont la formation constitue l'élément le plus important, mais qui comprend également les dépenses relatives à la création d'emplois, l'aide à l'activité indépendante et au travail partagé.

6.128 Cela ne veut pas dire que ces activités ne sont pas légitimes. Toutefois, les exigences en matière de reddition des comptes qui s'appliquent aux fonds publics font en sorte que les objectifs de programmes doivent être mieux définis et la portée des activités déterminée clairement.

6.129 La situation est d'autant plus grave qu'il n'existe aucun énoncé cohérent et unique des objectifs de l'Assurance-chômage. Tel qu'il est indiqué à la pièce 6.25, des documents faisant autorité offrent divers points de vue quant aux attentes à l'égard du Programme. En outre, chacune de ces sources, la Partie III du Budget des dépenses principal , le rapport d'une commission d'enquête, des documents d'études ministérielles et d'autres documents similaires, le démontrent. En résumé, les objectifs de l'Assurance-chômage varient selon la source que l'on utilise. De plus, comme il est signalé dans la pièce, dans le Rapport annuel du Ministère, un document où l'on s'attendrait à ce que les objectifs de l'Assurance-chômage soient cités clairement et uniformément, il n'y avait aucune mention des objectifs du programme.

6.130 Pourquoi le manque d'objectifs clairs du Programme d'assurance-chômage est-il si important? Il y a plusieurs raisons.

6.131 Tout d'abord, la taille du budget global du programme, lequel s'est élevé à plus de 19 milliards de dollars au cours des dernières années, signifie que de larges sommes d'argent sont perçues et distribuées par l'entremise du programme. Les cotisants ont le droit de savoir clairement à quoi doit servir et à quoi sert leur argent ainsi que de connaître les résultats atteints.

6.132 En outre, lorsque des objectifs ne sont pas clairement formulés et communiqués par les cadres supérieurs, il est fort possible que la gouverne et la gestion opérationnelle soient déficientes. Il en est ainsi lorsqu'on ne peut connaître le but exact du programme par rapport aux intentions énoncées par le Parlement lors de l'adoption de la législation pertinente.

6.133 Par conséquent, il est fort probable que les gestionnaires, les membres du Parlement, les clients et autres intervenants aient tous des perceptions différentes de ce que le programme doit faire. Cela réduira vraisemblablement le rapport coût-efficacité, étant donné qu'il devient difficile de mesurer les résultats et de prendre les mesures correctives nécessaires. C'est également plus difficile de tenir le gouvernement responsable des résultats.

6.134 Lorsqu'il y a absence d'objectifs clairs et de rétroaction globale sur les résultats atteints par rapport aux sommes dépensées, cela crée l'image d'un programme important qui, depuis un certain temps, fonctionne sans une reddition de compte adéquate.

6.135 La plupart des observateurs reconnaissent que l'Assurance-chômage ne peut pas fonctionner entièrement comme un régime d'assurance privé. Toutefois, il faudrait que le Programme évolue à l'intérieur d'un cadre clairement défini d'objectifs cohérents. Nous reconnaissons la difficulté d'établir des objectifs clairs et nous nous rendons compte que, dans certains cas, il peut y avoir contradiction entre eux. Dans ces cas, il est encore davantage nécessaire d'être clair et de mesurer les résultats atteints. Le Parlement pourrait décrire plus précisément dans des lois à venir ses intentions quant aux objectifs du programme, vu sa complexité.

Effets positifs des programmes

6.136 Des effets positifs ont été obtenus des programmes sociaux fédéraux, mais on pourrait faire mieux. Des études qui évaluent les mesures de sécurité sociale fédérales indiquent que les programmes ont eu plusieurs résultats positifs quant aux transferts du revenu. Certains avantages économiques ont pu être atteints, mais il existe encore des lacunes importantes quant à l'information disponible. Nous examinons dans cette section les renseignements sur les effets de l'Assurance-chômage, du Régime d'assistance publique du Canada et de la formation.

Assurance-chômage
6.137 L'Assurance-chômage a un dossier bien établi par rapport au soutien financier. Le Programme d'assurance-chômage couvre presque toute la main-d'oeuvre au pays, à l'exception de certains travailleurs à temps partiel et travailleurs autonomes. Le programme fonctionne de pair avec le placement, le counselling et la réaffectation des travailleurs, grâce à un large réseau de Centres d'emploi du Canada. Après une période d'attente de deux semaines, commencent automatiquement des versements réguliers et informatisés de chèques de prestations d'assurance-chômage assujettis à une preuve que les chômeurs tentent de trouver un emploi. Toutefois, la période d'attente de deux semaines peut être financièrement difficile. Une étude d'évaluation ministérielle laisse prévoir que, pour certaines années, environ 75 000 prestataires pourraient provisoirement réclamer des prestations d'aide sociale.

6.138 L'Assurance-chômage comporte une série de mesures de contrôle pour déceler et prévenir les abus. Des études d'évaluation effectuées par l'ancien ministère de l'Emploi et de l'Immigration, à la fin des années 1980, indiquent que les contrôles ont entraîné des économies. Toutefois, la question se pose de savoir quelle serait globalement la méthode la plus efficace par rapport au coût dans un système d'assurance-chômage, dont les caractéristiques comprennent une accessibilité accrue (voir paragraphe 6.96) combinée à des contrôles administratifs variés et une complexité plus grande pour prévenir les abus.

6.139 La nécessité de recourir au système d'aide sociale des provinces et la complexité de l'exécution du programme exigent que le Ministère améliore son efficacité opérationnelle et qu'il optimise davantage ses ressources.

6.140 Les données sur le Programme indiquent qu'il donne de bons résultats comme mécanisme de transfert du revenu par rapport aux disparités régionales du chômage. L'Assurance-chômage a comme effet important d'assurer une bonne redistribution du revenu parmi les provinces. La pièce 6.26 illustre les effets de distribution interprovinciale de l'Assurance-chômage, ce qui confirme qu'il s'agit d'un instrument appréciable de transfert du revenu aux provinces où le taux de chômage est le plus élevé et où la croissance de l'emploi est la plus faible. En 1992, environ 3,2 milliards de dollars ont été transférés de cette façon. De tout temps, une part importante de ces transferts s'est effectuée entre l'Ontario et les provinces de l'Ouest vers le Québec et les provinces de l'Atlantique. Cette tendance découle des variations du chômage d'une province à l'autre et de l'uniformité des cotisations sans égard à la province de résidence, caractéristique importante du programme.

6.141 Le programme semble, toutefois, être moins efficace comme mécanisme de redistribution entre les tranches de revenu. Par exemple, une analyse du Ministère indique qu'en 1990 seulement 7 p. 100 des prestations totales d'assurance-chômage ont été versées à des familles ayant un revenu annuel inférieur à 15 000 $, tandis que la moitié des prestations ont été versées à des familles avec des revenus annuels supérieurs à 40 000 $ et plus du tiers à des familles ayant des revenus supérieurs à 50 000 $.

6.142 L'analyse citée ci-dessus ne nous donne aucun renseignement sur les recettes générées par rapport aux dépenses du programme par tranches de revenu. Ce type de données, ainsi que des renseignements sur les dispositions plus générales de l'impôt sur le revenu, permettraient d'avoir un aperçu de l'effet net de redistribution des revenus du programme. Il ressort en outre d'une étude d'évaluation du Ministère que l'adoption de dispositions plus restrictives de l'Assurance-chômage a limité encore davantage le rôle du programme comme outil de redistribution du revenu.

6.143 C'est comme stabilisateur de l'économie que l'Assurance-chômage semble avoir eu ses répercussions positives les plus importantes. Une étude d'évaluation du Ministère conclut que les dépenses nettes de l'Assurance-chômage ont eu pour effet de réduire considérablement les répercussions du ralentissement économique sur l'emploi. C'est particulièrement vrai dans le cas des prestations d'assurance-chômage, mais un peu moins dans le cas des cotisations. Selon l'évaluation, le taux de cotisation a un cycle inverse de celui de l'économie, c'est-à-dire qu'il tend à augmenter en période de récession.

6.144 L'étude conclut que les augmentations du taux de cotisation, qui semblent avoir été faites au cours de ralentissements économiques, ont réduit le potentiel de stabilisation économique du programme. Toutefois, si le gouvernement fédéral maintenait constants les taux de cotisation, cela entraînerait des déficits plus élevés qu'il devrait financer. Cela est expliqué davantage aux paragraphes 6.239 à 6.243.

6.145 L'étude évalue l'effet stabilisateur moyen de l'Assurance-chômage à environ 10 à 12 p. 100. Cela signifie que le Programme d'assurance-chômage a permis d'éviter une réduction de 10 à 12 p. 100 du rendement, qui se serait sans doute produite au plus fort du repli cyclique. Du point de vue de l'emploi, cela se traduit par une réduction de 11 à 14 p. 100 du nombre de pertes d'emploi, grâce au maintien des revenus disponibles. Une deuxième étude commanditée par le Ministère en arrivait aux mêmes conclusions de base.

6.146 Même si le soutien du revenu assuré dans le cadre de l'Assurance-chômage peut aider les travailleurs à trouver des emplois plus appropriés, ses effets sont limités . Une étude préliminaire effectuée par le Ministère sur l'intensité de la recherche d'emploi par les chômeurs conclut que l'Assurance-chômage permet aux travailleurs de procéder à une recherche d'emploi plus productive, ce qui donne lieu à un meilleur jumelage entre la demande et l'offre de main-d'oeuvre.

6.147 Aux termes de l'étude, on estime que grâce à cette amélioration, la rémunération obtenue par les prestataires d'assurance-chômage s'est accrue de 7 à 9 p. 100. Toutefois, on conclut que ces avantages pourraient ne pas être supérieurs aux coûts additionnels de plus longues périodes de prestations pour trouver un emploi plus approprié.

Régime d'assistance publique du Canada
6.148 L'évaluation du Régime d'assistance publique du Canada a fait ressortir plusieurs résultats positifs. L'évaluation du Régime d'assistance publique du Canada (RAPC) effectuée en 1991 par l'ancien ministère de la Santé et du Bien-être social a porté sur l'ensemble des questions d'évaluation relatives à un programme de transfert fédéral. L'évaluation concluait que le programme avait réussi à verser des sommes fédérales aux personnes dans le besoin, grâce à un financement conjoint avec les provinces. Ce genre d'aide en est une de dernier recours pour les personnes dans le besoin.

6.149 L'évaluation trouvait que les disparités interprovinciales de niveaux d'aide sociale se sont amoindries depuis l'avènement du RAPC. En outre, on notait que dans certaines provinces, particulièrement les plus pauvres, les autorités étaient d'avis que les services sociaux n'auraient pas évolué autant sans l'aide du RAPC.

6.150 Toutefois, il importe d'obtenir davantage de renseignements auprès des gouvernements provinciaux sur les programmes appuyés par le RAPC. Quelles sont les caractéristiques de ceux qui reçoivent de l'aide tel que l'âge, le sexe, la situation familiale, la scolarité et l'expérience de travail? Pourquoi une personne a-t-elle besoin d'aide? fréquence? durée? Les programmes ont-ils aidé à réduire la dépendance envers l'aide sociale? Il faudrait de meilleurs renseignements sur les causes, la durée et les effets de la pauvreté et les répercussions des programmes existants afin de permettre une évaluation de l'effet du coût de la coparticipation du Canada aux programmes du filet de sécurité. En outre, il n'y a aucune information sur les effets globaux de la redistribution du revenu au profit des Canadiens nécessiteux.

6.151 Bien que le gouvernement fédéral partage les coûts, les provinces sont responsables de l'élaboration et de la gestion de l'aide sociale dans leur juridiction. La flexibilité du RAPC lorsque combinée à la diversité régionale a créé un système unique de bien-être social dans chacune des 12 juridictions (les dix provinces et les deux territoires) au Canada. Bien entendu, les définitions des programmes fédéraux/provinciaux ne sont pas harmonisées et les catégories de bénéficiaires ne concordent pas nécessairement dans les dix provinces. Les données reçues des provinces sont donc fragmentaires et très difficiles à compiler sur une base nationale.

6.152 Le problème devient encore plus épineux du fait de décisions du gouvernement fédéral qui ont des répercussions directes sur les systèmes provinciaux d'aide sociale. Depuis les restrictions imposées en 1990 en vertu du RAPC, les trois provinces visées (Ontario, Alberta et Colombie-Britannique) ne donnent aucun renseignement au gouvernement fédéral une fois qu'elles atteignent leur niveau maximum de transfert. De plus, les récentes coupures de l'Assurance-chômage peuvent occasionner une augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale sans que les deux niveaux de gouvernement ne s'entendent sur sa portée. Les gouvernements provinciaux sont ainsi réticents à fournir plus d'information sur les activités de leurs programmes de bien-être social.

6.153 Il n'y a jamais eu, depuis le début, suffisamment de renseignements sur les programmes financés par le RAPC. L'obtention de renseignements sur les résultats de programme à tous les niveaux est devenue difficile à cause de la complexité des relations fédérale/provinciales combinée au problème du rassemblement des données de diverses sources. Cependant comme nous l'avons relevé dans nos rapports antérieurs, nous exhortons le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces pour régler ce problème de longue date.

6.154 Il est primordial de connaître les résultats atteints avec les fonds versés. Cela inclut les 7,2 milliards de dollars du RAPC en 1992-1993. À notre avis, ce genre d'information est essentiel avant de prendre des décisions sur toute modification des programmes du filet de sécurité. Sans ces renseignements le Parlement ne peut évaluer la pertinence du ciblage des programmes qui relèvent des systèmes de bien-être ou la limite à laquelle l'aide accordée crée une dépendance chez les bénéficiaires. Nous revoyons ces problèmes ci-après dans le contexte des initiatives de formation à l'endroit des récipiendaires d'aide sociale.

Formation
6.155 Les programmes de formation destinés aux prestataires d'assurance-chômage peuvent contribuer à augmenter leurs revenus et perspectives d'emploi. Selon une étude visant à mesurer les résultats de la formation, il ressort clairement que l'amélioration des compétences peut faciliter le redéploiement des travailleurs et augmenter leurs revenus. Toutefois, l'étude comprend d'autres renseignements indiquant que l'on n'obtient pas la pleine valeur des ressources utilisées dans le cas de l'aide fédérale à la formation des prestataires d'assurance-chômage.

6.156 De façon plus positive, même si ceux qui n'avaient pas eu de formation avaient des chances égales de trouver un emploi, les stagiaires ont pris en moyenne de 11 à 17 semaines de moins pour trouver un emploi. Pour certains groupes de stagiaires, les gains dans les revenus individuels ont atteint plus de 6 000 dollars par année.

6.157 Toutefois, les résultats varient considérablement selon le genre de formation. Dans certains cas, on a noté une augmentation modeste, mais qui a son importance, des demandes d'aide sociale chez les stagiaires, comparativement aux prestataires qui n'avaient pas suivi de formation. Autrement dit, la situation de ces stagiaires était pire que celle de travailleurs semblables qui n'avaient pas reçu d'aide gouvernementale pour développer leurs compétences. Nous nous expliquons mal cette situation.

6.158 La formation des bénéficiaires de l'aide sociale est efficace. Selon les renseignements disponibles, les bénéficiaires d'aide sociale ont augmenté considérablement leurs revenus et leurs possibilités d'emploi suite à la formation reçue. Ils sont en outre moins dépendants de l'aide sociale, comptent un nombre plus élevé de semaines d'emploi et participent davantage au marché du travail. Toutefois, il y a eu une hausse des recours à l'assurance-chômage à la fin des périodes d'emploi des bénéficiaires de l'aide sociale, les gains et les salaires reçus ayant contribué à augmenter l'admissibilité à l'assurance-chômage et à l'aide qui en découle.

6.159 L'accroissement de l'emploi des bénéficiaires de l'aide sociale, lorsqu'il mène à une utilisation accrue de l'Assurance-chômage, équivaut à un transfert d'un programme de soutien du revenu à un autre. Le Ministère est d'avis cependant que la formation a profité de façon nette à l'économie nationale. Toutefois, la mesure du renvoi d'autres travailleurs et du recours de ces derniers au filet de sécurité sociale provoqué par le recrutement des travailleurs nouvellement formés n'est pas évidente. Cette question devrait être examinée par le Ministère.

6.160 Le rapport coût-efficacité de l'affectation des ressources doit être étudié. Il faut réévaluer l'affectation actuelle des ressources entre les mesures passives destinées au marché du travail, comme le soutien du revenu, et les mesures actives, comme la formation et d'autres programmes de redéploiement des travailleurs.

6.161 Les données recueillies par l'Organisation de coopération et de développement économiques montrent que parmi les sept pays les plus industrialisés, les dépenses du Canada au titre de l'Assurance-chômage ont représenté près de 2,3 p. 100 de son produit intérieur brut en 1992, ce qui situe notre pays au deuxième rang après la Suède. Même lorsque l'on considère les différences dans les taux de chômage, les dépenses consacrées à l'Assurance-chômage au Canada demeurent élevées en comparaison d'autres pays comme les États-Unis, le Japon, la France et le Royaume-Uni ( pièce 6.27 ).

6.162 Par ailleurs, le pourcentage du produit intérieur brut du Canada consacré aux mesures actives destinées au marché du travail, comme la formation, se rapproche de celui des pays industrialisés avancés ( pièce 6.28 ).

6.163 Dans l'ensemble, et comparativement à d'autres pays, le Canada a le rapport le plus bas de dépenses pour des mesures actives par rapport aux dépenses pour des mesures passives. Comme nous l'avons indiqué précédemment, les données disponibles sur les effets positifs du Programme d'assurance-chômage soulignent l'efficacité limitée du soutien passif du revenu, à titre de mesure unique, pour améliorer le redéploiement des travailleurs. Cela soulève une question importante quant à l'optimisation des ressources consacrées par l'Assurance-chômage au soutien passif du revenu.

Effets négatifs des programmes

6.164 On ne dispose pas de renseignements appropriés sur les effets négatifs possibles des programmes sociaux. Outre les résultats positifs, il est évident que les programmes ont aussi des effets négatifs importants. Ces effets sont jugés négatifs du point de vue de l'atteinte des objectifs et des résultats attendus. Le Ministère devrait s'attaquer en priorité à préciser et à mesurer ces effets.

6.165 Les effets négatifs soulèvent des questions importantes d'optimisation des ressources parce qu'ils peuvent saper ou neutraliser les résultats positifs des programmes, accroître leurs coûts et diminuer leur efficacité.

6.166 À partir des données limitées disponibles, nous sommes d'avis que les programmes sociaux fédéraux examinés peuvent entraîner des effets négatifs dans les domaines suivants :

6.167 Déjà en 1981, une importante étude entreprise par le gouvernement intitulée : L'assurance-chômage dans les années 1980 , reconnaissait que le Programme d'assurance-chômage pouvait avoir une influence négative sur le taux de chômage au Canada. La Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada (la Commission Macdonald) concluait en 1985 que certaines dispositions de l'Assurance-chômage touchaient la structure incitative et le mécanisme d'adaptation du marché du travail.

6.168 Il existe une dépendance chronique à l'égard des programmes gouvernementaux. Selon les données disponibles, il semble y avoir une dépendance importante et croissante à l'égard des programmes sociaux gouvernementaux.

6.169 Même si le recours aux programmes sociaux augmente en période de ralentissement économique, ceux-ci ne retournent pas complètement à leurs niveaux antérieurs même lorsqu'il y a reprise de l'économie et de l'emploi. Autrement dit, le recours aux programmes subit une escalade progressive établissant un nouveau seuil pour les activités à venir ( Pièce 6.29 ).

6.170 Le recours répété à l'Assurance-chômage a incité certains observateurs à définir une partie de l'aide comme une forme de supplément régulier du revenu. Selon le Ministère, en 1991, près de 1,3 million de prestataires ordinaires (environ la moitié) avaient eu recours à l'Assurance-chômage au moins une autre fois au cours des deux dernières années. Un tiers des prestataires ordinaires avaient présenté au moins trois autres demandes dans les sept années précédentes. Compte tenu de ces seuls chiffres, on peut s'attendre à ce que les coûts découlant de la dépendance à l'égard du Programme soient considérables.

6.171 L'information contenue dans une étude d'évaluation effectuée par le Ministère confirme la tendance vers une utilisation accrue. L'étude conclut qu'un premier recours à l'Assurance-chômage augmente de façon permanente la probabilité d'y recourir encore plus tard. La probabilité d'une utilisation future était de 12 p. 100 pour les travailleurs d'âge mûr et de 6 p. 100 pour les plus jeunes.

6.172 Le système de bien-être n'encourage pas ses clients à travailler. Dans les années 1960, la plupart des personnes qui demandaient de l'aide étaient des personnes âgées et des invalides qui n'étaient pas considérés aptes à recevoir un revenu d'emploi. Depuis les années 1980, des problèmes liés aux effets dissuasifs envers le travail sont apparus à cause d'un nombre croissant de personnes aptes à l'emploi qui devenaient bénéficiaires de l'aide sociale.

6.173 Chaque province possède des lignes directrices connues sous le nom de « rémunération exemptée ». Il s'agit de montants que les bénéficiaires de l'aide sociale peuvent gagner sans voir leurs prestations réduites. Les revenus d'emploi qui dépassent les niveaux établis entraînent généralement une réduction équivalente des prestations. Les bénéficiaires de l'aide sociale ne gardant qu'une petite partie de la rémunération, le gain net est donc minime.

6.174 Par ailleurs, la rémunération des bénéficiaires est assujettie à l'impôt sur le revenu et aux charges sociales, tandis que les prestations d'aide sociale ne le sont pas. C'est donc dire que l'effet combiné de la rémunération exemptée et de l'impôt sur le revenu gagné n'incite pas les bénéficiaires à abandonner l'aide sociale.

6.175 Les bénéficiaires de l'aide sociale qui intègrent ou réintègrent le marché du travail perdraient aussi des avantages non financiers, comme les indemnités d'assurance-maladie, le remboursement des soins dentaires et des médicaments et l'aide pour les dépenses liées au travail. Même si la valeur des avantages non financiers n'est pas connue, elle peut représenter des montants importants, particulièrement pour les ménages qui ont des besoins spéciaux, comme des problèmes de santé ou d'incapacité.

6.176 Selon une étude du Conseil économique du Canada, une proportion croissante de nouveaux débouchés se retrouvent dans des emplois non habituels (par exemple, des arrangements de travail qui diffèrent du modèle traditionnel d'emploi à temps plein et à longueur d'année). Environ 44 p. 100 de tous les nouveaux emplois créés entre 1981 et 1989 étaient des emplois à court terme ou à temps partiel. Ce genre d'emploi représentait environ 28 p. 100 de tous les emplois en 1989. Selon les données de Statistique Canada, le nombre d'emplois à temps partiel a augmenté de 211 000 entre 1990 et 1993, tandis que celui des emplois à temps plein a baissé de 400 000, démontrant que la tendance des années 1980 se continue dans les années 1990.

6.177 Les emplois non habituels offrent généralement, mais pas toujours, une faible rémunération, peu d'avantages et peu de sécurité. Selon l'étude du Conseil économique, la différence entre l'aide financière gouvernementale aux personnes dans le besoin et le revenu tiré d'emplois à temps partiel n'est peut-être pas suffisante pour encourager certaines personnes à travailler; la portée d'un tel effet dissuasif n'a pas été évaluée. Il est fort possible qu'une augmentation des niveaux de soutien du revenu encourage certains travailleurs à faible rémunération à quitter la population active (voir les paragraphes 6.214 à 6.218). Il faut beaucoup plus de recherche dans ce domaine.

6.178 L'assurance-chômage a pour effet d'entraîner un plus grande nombre de congédiements. Du point de vue des employeurs, les coûts de rémunération et de production à court terme peuvent être réduits en combinant les mises à pied temporaires et les rappels de travailleurs admissibles aux prestations d'assurance-chômage. Plus les dispositions de l'Assurance-chômage sont généreuses et plus les mises à pied sont acceptables par les travailleurs en réponse aux fluctuations commerciales des entreprises. Comme nous l'avons souligné précédemment, le Conseil économique du Canada a estimé que près de 44 p. 100 des emplois créés dans les années 1980 étaient précaires.

6.179 Des évaluations effectuées par le Ministère présentent des renseignements préliminaires sur les effets du Programme d'assurance-chômage qui permettent d'approfondir davantage la question.

6.180 L'information révèle que, selon le mouvement mensuel des travailleurs, le niveau de mises à pied dépasse celui des départs volontaires. Dans certains cas, on remarque un retour au Programme d'assurance-chômage du même groupe d'employeurs; plus de 40 p. 100 des travailleurs qui ont présenté cinq demandes ou plus de prestations avaient chacun été employés par trois employeurs ou moins. Cela signifie qu'il existe des pratiques établies de congédiement et de rappel chez certains groupes d'employeurs.

6.181 Une analyse commanditée par le Ministère indique en outre que lorsque les périodes pour être admissible à l'Assurance-chômage augmentent, ce sont les employeurs qui tendent à rajuster les périodes d'emploi à court terme afin de s'assurer que les travailleurs mis à pied seront admissibles aux prestations. C'est donc dire que l'adaptation à l'évolution des dispositions de l'Assurance-chômage engage autant les employeurs que les travailleurs.

6.182 Comme nous l'indiquons au paragraphe 6.227, le recours à l'Assurance-chômage diffère considérablement selon les secteurs d'activités. Cela signifie que les revenus de cotisations de certains secteurs servent à financer un recours plus important au programme dans d'autres secteurs. Cela soulève la question de la fixation de taux particuliers (abordée aux paragraphes 6.229 et 6.231). En outre, cette utilisation des ressources de l'Assurance-chômage pourrait maintenir un trop grand nombre de travailleurs dans certains secteurs, aux dépens des cotisants d'autres secteurs.

6.183 Selon l'information disponible, on doit se demander si les dispositions du Programme d'assurance-chômage contribuent à accroître le nombre d'emplois à court terme. Cet effet négatif probable mérite d'être examiné de façon plus approfondie par le Ministère.

6.184 Les programmes sociaux pourraient entraîner une augmentation du taux de chômage. Notre étude de deux programmes de transfert du revenu a soulevé des questions préoccupantes; l'Assurance-chômage aussi bien que le Régime d'assistance publique pourraient avoir des effets dissuasifs envers le travail.

6.185 Dans le cas des transferts du revenu et d'autres avantages sociaux financés par le Régime d'assistance publique du Canada, très peu de renseignements sont disponibles (paragraphes 6.148 à 6.154). On ne peut établir avec précision la portée des effets dissuasifs (paragraphes 6.172 à 6.177). Toutefois, il est extrêmement important d'avoir cette information si l'on veut optimiser les ressources qui sont consacrées aux programmes.

6.186 Dans le cas du Programme d'assurance-chômage, la situation est plus claire. Toutefois, les renseignements de base disponibles sont également très incomplets.

6.187 Il n'existe pas à l'heure actuelle de consensus clair quant aux effets de l'Assurance-chômage sur le taux de chômage global au Canada.

6.188 Toutefois, il est fort possible que les activités entreprises dans le cadre du Programme d'assurance-chômage comportent certains effets dissuasifs envers le travail, ce qui risque d'accroître le taux de chômage au Canada ( pièce 6.30 ). Le Ministère devrait étudier cette question le plus rapidement possible.

6.189 Comme nous l'avons souligné, une étude effectuée en 1981, L'Assurance-chômage dans les années 1980 , signalait la possibilité qu'une hausse du taux de chômage de l'ordre 0,5 à 1,3 p. 100 puisse découler d'une plus grande accessibilité et du niveau de soutien accru de l'Assurance-chômage après 1971.

6.190 Des études entreprises par la suite, pour la plupart à l'extérieur du gouvernement, ont présenté diverses estimations. Dans certains cas, on n'a trouvé aucun effet; dans d'autres, on a évalué l'augmentation du taux de chômage à 2 p. 100 et plus. Il est évident que c'est un domaine difficile à évaluer.

6.191 L'Organisation de coopération et de développement économiques a conclu, dans une étude effectuée en 1991, que les dispositions et l'accessibilité à l'Assurance-chômage au Canada ont contribué à l'augmentation du taux de chômage de 2 p. 100, suite aux modifications du Programme au cours des années 1970.

6.192 Des modifications subséquentes à l'Assurance-chômage auraient causé une baisse du taux. Toutefois, il semble que l'effet net du chômage causé par le Programme d'assurance-chômage canadien demeurera toujours important, en tenant compte de la générosité continue du programme par rapport à ceux de plusieurs pays industrialisés et de la tendance à long terme vers le recours répété au programme qui explique une proportion croissante de courtes périodes de chômage. Le programme aurait donc des effets structurels sur le marché du travail, en raison du comportement des travailleurs et des employeurs par rapport à ses dispositions.

6.193 Le Programme d'assurance-chômage est tellement considérable que même un effet dissuasif minime sur le chômage peut avoir des répercussions importantes sur les coûts. Ainsi, l'ajout de 0,5 p. 100 au taux de chômage, en raison d'un recours accru au programme à cause des effets dissuasifs envers le travail, pourrait correspondre à plus de 500 millions de dollars en dépenses courantes. Il s'agit d'un effet important, négatif et inattendu. Le Ministère devrait s'assurer que son évaluation des effets de l'Assurance-chômage sur le taux de chômage soit présentée au Parlement et que les répercussions sur les dépenses du programme soient connues.

6.194 L'augmentation du chômage causée par le programme peut entraîner des coûts importants, au-delà de ses ressources. Comme nous l'avons dit sous la rubrique Tendances socio-économiques, l'augmentation du chômage, même en période de croissance économique, est une caractéristique frappante des changements du contexte. Plusieurs facteurs peuvent être en cause. Notre étude a souligné la possibilité que les effets dissuasifs envers le travail du Programme d'assurance-chômage entraîne du chômage volontaire. Même s'il y avait des débouchés, les travailleurs préféreraient profiter du filet de sécurité sociale et ceci augmenterait le taux de chômage.

6.195 Nous avons en outre souligné que les emplois disponibles semblent coexister avec des niveaux de chômage beaucoup plus élevés que par le passé. L'OCDE estime qu'au Canada le taux de chômage a fondamentalement doublé entre le milieu des années 1960 et la fin des années 1980, alors que le taux d'emplois disponibles était essentiellement le même.

6.196 Lorsque des niveaux importants d'emplois disponibles et de chômage existent en même temps, on peut se poser la question, à savoir s'il n'en résulte pas des contraintes sur la croissance économique. L'analyse de l'OCDE en 1991 sur les emplois disponibles et le chômage au Canada démontre une tendance à long terme et à la hausse vers de telles conditions au cours de périodes de croissance économique.

6.197 Selon les points de repère disponibles, si les effets dissuasifs envers le travail par le Programme d'assurance-chômage restreignaient la croissance de l'économie à cause du chômage volontaire et que cela augmentait le taux de chômage de 0,5 p. 100, des coûts additionnels de 7,5 milliards de dollars pourraient être encourus en perte de productivité, ce qui constitue un coût très élevé. Il ne s'agit pas d'une question urgente dans les conditions économiques actuelles. Cependant, il est important de cerner le mieux possible ces effets du programme.

6.198 Un taux de 0,5 p. 100 de chômage causé par le programme n'aurait pas nécessairement un tel résultat, puisque dans certains cas l'Assurance-chômage peut inciter certaines personnes, qui autrement ne feraient pas partie de la population active, à s'inscrire au chômage. Dans le cas des prestataires d'assurance-chômage, d'autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte (comme les compétences et les secteurs industriels visés) et réduire l'impact de la perte de production.

6.199 Toutefois, notre analyse fait ressortir clairement (paragraphes 6.189 à 6.193) que les effets de la perte de production dans l'économie canadienne devrait nous inquiéter. Le Ministère devrait examiner et mesurer les répercussions réelles dans le cadre de l'évaluation de programme.

6.200 À notre avis, la possibilité de tels effets négatifs aurait dû être étudiée et mesurée il y a longtemps, au nom d'une saine gouverne et afin de rendre vraiment compte au Parlement des fonds votés.

Liens entre les programmes

6.201 Les programmes sociaux, décrits précédemment dans ce chapitre, sont fréquemment regroupés et connus comme filet de sécurité sociale. Cela veut dire que les différents programmes sont interdépendants. En plus des effets directs des programmes, il faut tenir compte des effets additionnels découlant des liens qui les relient.

6.202 Les liens entre les programmes peuvent parfois augmenter ou compliquer les effets particuliers d'un programme dans l'économie ou sur la clientèle. Les programmes peuvent être conçus pour se compléter en vue de produire conjointement des résultats. Dans certains cas, l'interaction entre les programmes peut entraîner des recoupements qui nuisent à l'atteinte des objectifs.

6.203 Nous avons examiné l'information disponible et limitée sur les liens entre les programmes et leurs effets. La pièce 6.31 présente certains liens possibles entre les programmes. Les conclusions les plus importantes sont résumées ci-dessous.

6.204 Nous savons que, dans certains contextes, les bénéficiaires de l'aide sociale alternent entre l'aide sociale et l'assurance-chômage. Une proportion importante de bénéficiaires de l'aide sociale touchent aussi des prestations d'assurance-chômage. Selon L'Enquête sur l'activité de Statistique Canada, environ 32 p. 100 des personnes en âge de travailler au Canada, qui ont reçu des prestations d'aide sociale à un moment ou à un autre entre 1988 et 1990, ont également touché des prestations d'assurance-chômage. Ce groupe représentait environ 9 p. 100 des prestataires d'assurance-chômage au cours de cette période. On pourrait donc croire que toute modification aux dispositions du Programme d'assurance-chômage pourrait avoir un impact sur les systèmes provinciaux d'aide sociale.

6.205 Une évaluation préliminaire ministérielle pour l'année 1993 révèle que dans les cinq premiers mois suivant un arrêt d'emploi, près de 6 p. 100 des prestataires d'assurance-chômage ont aussi touché des prestations d'aide sociale. Toutefois, dans plus de la moitié des cas, l'aide sociale a été versée pour des périodes de deux semaines seulement pour compenser la période d'attente de l'Assurance-chômage.

6.206 On s'attendrait à ce que les travailleurs en chômage prolongé ayant épuisé leurs prestations d'assurance-chômage se tournent en dernier recours vers l'aide sociale, s'ils y sont admissibles. Ce que l'évaluation ministérielle démontre est qu'un nombre important de prestataires d'assurance-chômage demande l'aide sociale avant de recevoir leurs prestations, étant donné les deux semaines d'attente exigées par le Programme d'assurance-chômage.

6.207 Une étude effectuée par le Ministère en 1992 a examiné la possibilité que des mesures adoptées par les gouvernements provinciaux contribuent à transférer les bénéficiaires de l'aide sociale à l'Assurance-chômage. Selon cette étude, les coûts d'Assurance-chômage provenant de telles mesures pourraient atteindre 2,6 milliards de dollars en 1991. On aurait le droit de s'inquiéter de l'existence d'un « recyclage » continuel entre les programmes sociaux, plutôt que des mesures efficaces par rapport au coût qui rehausseraient l'employabilité à long terme.

6.208 Les programmes d'Immigration et d'Assurance-chômage se recoupent parfois. Les travailleurs immigrés ont joué un rôle important comme source supplémentaire de main-d'oeuvre, entre 1986 et 1991, en Ontario et en Colombie-Britannique, deux régions où l'on a noté une croissance de l'emploi (pièce 6.18). En Ontario, l'apport d'immigrants était de beaucoup supérieur aux mouvements de main-d'oeuvre internes nets d'autres provinces, tandis qu'en Colombie-Britannique, ils étaient à peu près égaux.

6.209 La Commission Macdonald et l'OCDE soulignaient que l'un des effets non voulus de programmes sociaux comme l'Assurance-chômage était d'interrompre l'ajustement géographique de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre suite aux emplois créés par l'économie canadienne.

6.210 Il existe donc un paradoxe, à savoir que des disparités régionales importantes en matière de chômage (surplus de main-d'oeuvre) coexistent avec une dépendance importante à l'égard de la main-d'oeuvre supplémentaire en provenance de l'étranger (immigrants) pour répondre aux besoins canadiens de main-d'oeuvre. Les travailleurs, qui viennent au Canada par ce moyen qui mène principalement aux régions où il y a croissance de l'emploi, contribuent à des programmes comme l'Assurance-chômage et aident grandement à défrayer les transferts interprovinciaux de fonds aux régions où le taux de chômage est plus élevé. Autrement dit, cette main-d'oeuvre en provenance de l'étranger aide à compenser les coûts des programmes sociaux, alors que selon la Commission Macdonald et l'OCDE cette situation rend plus difficile l'appariement entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre. Cela pourrait donner lieu à un besoin plus grand de main-d'oeuvre supplémentaire de l'extérieur du pays pour suffire à la demande là où il y a des perspectives d'emploi, alors qu'ailleurs au pays on continue à faire face à des surplus de main-d'oeuvre.

6.211 L'appariement de la demande et des excédents de main-d'oeuvre au Canada pourrait causer divers problèmes. Un de ces problèmes est le mouvement des travailleurs vers des régions où les emplois sont plus nombreux. Un autre serait que l'offre supplémentaire de main-d'oeuvre étrangère entraîne la concentration excessive d'industries dans les régions où la croissance économique est importante, alors que d'autres régions sont aux prises avec des taux de chômage élevés. Nous n'avons pu trouver de renseignements appropriés sur les effets possibles de cet élément de programme. Toutefois, il ressort clairement qu'il s'agit d'une question très importante qui devrait être étudiée de pair avec les répercussions du système canadien d'immigration.

6.212 Les programmes de formation fédéraux pour les bénéficiaires d'assurance-chômage et d'aide sociale influent sur leur rémunération, leurs possibilités d'emploi et leur dépendance à l'égard des programmes sociaux. Selon une étude ministérielle, certains genres de formation offerte aux prestataires d'assurance-chômage augmentent leur rémunération et leurs possibilités d'emploi. Tel qu'il est décrit au paragraphe 6.157, dans certains cas on notait une modeste, mais tout de même importante, augmentation dans les demandes d'aide sociale de stagiaires comparativement à des travailleurs n'ayant pas reçu de formation.

6.213 Tel qu'il est énoncé au paragraphe 6.158, la formation des bénéficiaires de l'aide sociale augmente leurs revenus et possibilités d'emploi. Le Ministère note que cela réduit la dépendance à l'égard de l'aide sociale. Cependant il semblerait que des mesures prises par les gouvernements provinciaux poussent les bénéficiaires de l'aide sociale vers l'Assurance-chômage. Aussi, on ne sait pas jusqu'à quel point les travailleurs nouvellement formés prennent la place d'autres travailleurs ou les poussent tout simplement vers l'aide sociale. Le Ministère devrait se pencher sur ces questions.

6.214 Les avantages financiers ne sont pas suffisamment élevés pour que les bénéficiaires de l'aide sociale acceptent un travail au salaire minimum. Les taux des prestations d'aide sociale sont généralement calculés en fonction de la taille de la famille. Le salaire minimum, par contre, correspond à un montant uniforme, que n'affecte pas la situation familiale. Selon la province de résidence, la taille de la famille et ses besoins, un ménage peut mieux vivre de l'aide sociale que d'un revenu au salaire minimum.

6.215 La pièce 6.32 , préparée par le Conseil national du bien-être social, compare les prestations d'aide sociale, qui ne sont pas imposables, au salaire minimum. Un effet incitatif à retourner au travail est l'équivalent de la différence entre le salaire minimum (revenu brut moins les déductions d'impôt, les cotisations au Régime de pensions du Canada et les primes d'assurance-chômage) et la prestation d'aide sociale nette (prestation de base en plus de la rémunération permise sans réduction des prestations d'aide sociale). Un effet dissuasif se retrouve là où les prestations d'aide sociale sont plus élevées qu'un revenu au salaire minimum.

6.216 Selon le Conseil national du bien-être social, il est avantageux de travailler pour les personnes seules aptes au travail et les couples ayant deux revenus, dans la plupart des provinces; par contre, pour les autres types de bénéficiaires il y a très peu d'encouragement au travail. La pièce montre dans quelle mesure l'importance des prestations d'aide sociale par rapport au salaire minimum a des effets incitatifs ou dissuasifs envers le travail (dans la pièce, les effets dissuasifs sont présentés entre parenthèses). Même si des écarts existent, il est impossible de déterminer à partir de quelle valeur monétaire l'écart peut encourager les travailleurs à retourner au travail.

6.217 Dans plusieurs cas, les niveaux de soutien de l'aide sociale dépassent de beaucoup les revenus possibles des personnes occupant des postes au salaire minimum. Cela pourrait ne pas être juste pour ceux, qui avec un emploi peu rémunéré, sont le seul soutien de famille. Cette possibilité d'iniquité est aggravée du fait que bon nombre de bénéficiaires de l'aide sociale sont admissibles à des avantages non financiers : des logements subventionnés, de la formation, des soins dentaires. Étant donné les effets dissuasifs pour certains bénéficiaires de l'aide sociale, on devrait chercher des moyens de les aider à réintégrer le marché du travail.

6.218 En résumé, nous avons examiné sous cette rubrique trois grands programmes de dépenses publiques. Il s'agit du programme d'Assurance-chômage, des programmes d'aide sociale appuyés par le Régime d'assistance publique du Canada et de la formation des prestataires d'assurance-chômage et des bénéficiaires de l'aide sociale. Dans chaque cas, nous avons tenté de déterminer leurs objectifs et d'établir, à partir de l'information disponible auprès du Ministère et d'autres sources, les résultats atteints.

6.219 Les dernières évaluations de programme entreprises par le ministère du Développement des ressources humaines élargissent de façon importante les renseignements disponibles sur les effets de l'Assurance-chômage. La portée des évaluations doit inclure les effets additionnels résultant de l'interaction des programmes socio-économiques. Il n'y a pas de raccourci pour amasser toute l'information que les évaluations d'un programme peuvent offrir; cela demande du temps et un effort constant.

6.220 À notre avis, la mesure des résultats qu'effectue le Ministère en ce moment pourrait vraiment aider aux débats publics. Rendre les résultats de ces études disponibles en temps opportun améliorera la connaissance des résultats atteints par les programmes sociaux fédéraux.

Questions relatives au financement de l'Assurance-chômage

6.221 L'Assurance-chômage est financée par les cotisations des employeurs et des employés. Le taux de cotisation est uniforme au Canada et correspond à un pourcentage de la rémunération assurable. Les déficits sont financés par des avances du Trésor portant intérêts. Par exemple, les avances au 31 décembre 1993 se situaient à 5,7 milliards de dollars. La pièce 6.33 présente un aperçu de la situation financière du Compte, de 1989 à 1993.

6.222 Des changements ont été apportés à la méthode de financement de l'Assurance-chômage, ainsi qu'aux prestations. Le gouvernement fédéral, qui se chargeait de plus du tiers des coûts de l'Assurance-chômage dans les années 1970, a procédé graduellement au transfert de ceux-ci, entre 1979 et 1990, aux employeurs et aux employés.

6.223 Les taux de cotisation à l'Assurance-chômage ont augmenté de 54 p. 100, entre 1989 et 1993, et le Compte d'assurance-chômage est passé d'un excédent cumulatif de 1,1 milliard de dollars à un déficit cumulatif de 5,9 milliards de dollars à la fin de 1993. Pour 1994, la Commission entrevoit un excédent de quelque 2 milliards de dollars, ce qui devrait réduire le déficit cumulatif à moins de 4 milliards de dollars.

6.224 Le financement de l'Assurance-chômage suscite plusieurs questions importantes qui devraient être examinées dans le contexte de la Réforme de la sécurité sociale, mais qui ne peuvent être traitées de façon exhaustive dans ce document, étant donné qu'elles touchent la politique. Plus particulièrement :

6.225 Notre étude met l'accent sur trois questions touchant le financement de l'Assurance-chômage qui, à notre avis, sont importantes. Il s'agit :

Cotisants et prestataires

6.226 En 1992, quelque 12,9 millions d'employés contribuaient à l'Assurance-chômage, tandis qu'une moyenne de 1,4 million de personnes ont touché des prestations chaque mois. Cette proportion de prestataires par rapport aux cotisants varie d'une province à l'autre. Elle se situe entre 14 et 34 p. 100 au Québec et dans les provinces de l'Atlantique, et entre 7 et 10 p. 100 dans les Territoires, en Ontario et dans les provinces de l'Ouest.

6.227 Certains secteurs d'activités financent moins que leur part de prestations. Des données sur les secteurs d'activités, obtenues du Ministère, montrent qu'en 1992, les chômeurs des secteurs primaires et du secteur de la construction touchaient des prestations d'assurance-chômage représentant plus de trois fois le montant de leurs cotisations (voir la pièce 6.34 ). Ces deux secteurs représentaient plus de 20 p. 100 des prestations versées.

6.228 Comme l'ont démontré de nombreuses études, les écarts importants quant au recours à l'Assurance-chômage entre les secteurs d'activités ont entraîné une situation où les industries qui offrent des emplois relativement stables pendant toute l'année sont perçues comme subventionnant les industries moins stables.

6.229 La fixation de taux particuliers est souvent proposée comme un moyen d'éliminer ou de réduire le financement entre les secteurs d'activités. On prétend que, compte tenu des principes de l'assurance, les entreprises ou industries qui génèrent un taux disproportionné de chômage en raison de leurs pratiques de mises à pied devraient payer des cotisations plus élevées. La Loi de 1971 permettait à la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada de réglementer la fixation de taux particuliers à certains employeurs. Cette disposition a été révoquée en 1977, sans qu'elle n'ait jamais été appliquée.

6.230 La Commission rejetait la fixation de taux particuliers dans les examens qu'elle a effectués (1977, 1980 et 1986). Le gouvernement prétendait, notamment, qu'il contribuait à rembourser une part importante des coûts de l'Assurance-chômage. Il maintenait que certains coûts échappaient au contrôle des employeurs et ne devaient, par conséquent, pas être financés par la fixation de taux particuliers. Il soutenait en outre que celle-ci pourrait éventuellement réduire les débouchés dans le cas des petites entreprises et des jeunes. Les coûts administratifs étaient aussi mentionnés comme inquiétants.

6.231 Dans le contexte actuel de compressions budgétaires, on étudie la possibilité de faire payer l'usager. Cet état de choses soulève des questions quant à la mesure dans laquelle le financement entre les secteurs d'activités paie le recours répété à l'Assurance-chômage des employés des industries saisonnières.

6.232 Dans une étude de Statistique Canada effectuée en 1993, on signalait que le travail saisonnier était responsable d'une grande partie de l'utilisation répétée de l'Assurance-chômage à court terme (c'est-à-dire les personnes demandant deux fois des prestations sur une durée de 14 semaines). Une analyse récente effectuée par le Ministère indique que les prestataires d'assurance-chômage qui font partie des travailleurs saisonniers occasionnent continuellement des coûts importants au programme. Par exemple, l'étude démontre qu'en 1989, les prestataires des secteurs saisonniers constituaient environ un tiers de tous les prestataires recevant des prestations ordinaires. Environ 80 p. 100 d'entre eux ont présenté des demandes répétées sur une période de deux ans.

6.233 Les règlements touchant les travailleurs saisonniers étaient adoptés pour la première fois en 1946. En 1956, on y a assujetti les pêcheurs ainsi que les pêcheurs autonomes. Les prestations saisonnières ont été intégrées aux prestations ordinaires à partir de 1957-1958 et ont prolongé la durée des prestations de cinq mois et demi environ.

6.234 En 1962, un comité d'enquête a proposé que les prestations saisonnières soient remplacées par un régime de prestations élargi, tenant compte des variations régionales de chômage et financé à partir des recettes générales. Les prestations saisonnières étaient perçues comme dérogeant de façon importante au principe de l'assurance sociale. L'objection venait non pas du fait que des personnes occupant un emploi assurable seulement une partie de l'année pouvaient être subventionnées pendant la période hors saison, mais plutôt que cette subvention était tirée d'un régime d'assurance et financée par les cotisations à ce régime.

6.235 En 1971, étant donné l'élargissement des exigences en matière d'admissibilité pour les prestations ordinaires et la prolongation de leur durée, les prestations saisonnières ont disparu. Le gouvernement assumait une plus grande part de responsabilités quant au financement des prestations de prolongation fondée sur des taux de chômage national et régionaux supérieurs à 4 p. 100.

6.236 Les modifications législatives apportées en 1990 simplifiaient la structure des prestations ordinaires et il n'est plus possible de déterminer le montant des prestations de prolongation fondée sur le taux de chômage régional. La durée des prestations ordinaires demeure liée aux taux de chômage régionaux, toutefois, les coûts, comme nous l'avons indiqué précédemment, sont pris en charge par les employeurs et les employés.

Coût du financement du déficit de l'Assurance-chômage

6.237 La loi adoptée en 1971 modifiait le financement de l'Assurance-chômage, qui passait d'un financement cumulatif, c'est-à-dire avec une réserve pour compenser le passif, à un financement à court terme. Le concept de réserve avait pour but d'éliminer la nécessité de faire fluctuer le taux de cotisation, ce qui posait un problème aux employeurs. Avec la nouvelle méthode, l'Assurance-chômage était autorisée pour la première fois à accumuler des déficits. La Loi établissait un nouveau procédé pour établir le taux de cotisation, afin d'éliminer tout déficit cumulatif sur une période de temps relativement courte. Elle rendait obligatoire la modification des taux dans les deux ans suivant un déficit ou un excédent.

6.238 En l'absence d'une réserve, l'Assurance-chômage a été déficitaire pendant 14 des 22 années depuis 1972, occasionnant ainsi des frais d'intérêt de 3 milliards de dollars. Une autre somme d'un milliard de dollars est prévue en frais d'intérêt pour financer le déficit actuel. Cela a pris environ six ans pour rembourser le déficit cumulatif des années 1980 (voir la pièce 6.35 ).

6.239 Une des questions qui se pose lorsqu'on établit des taux de cotisation concerne leur instabilité au fil des ans et, plus particulièrement, l'à propos des rajustements par rapport aux cycles commerciaux. Ces rajustements semblent perturber l'économie.

6.240 Les effets de l'augmentation des taux sur l'économie peuvent être illustrés par les exemples suivants. Au début de 1983, après une période de récession tirant à sa fin, le taux combiné de cotisations des employeurs et des employés était passé de 3,96 p. 100 à 5,52 p. 100 de la rémunération assurable. Cela représentait une augmentation de quelque 2 milliards de dollars en cotisations d'assurance- chômage pour les employeurs et les travailleurs sur un an.

6.241 La même situation s'est produite au cours de la récession de 1990. Le taux combiné avait déjà été augmenté à 5,4 p. 100 en 1990. Encore une fois, après une période de récession tirant à sa fin, le taux combiné est passé en 1992 à 7,2 p. 100, soit une augmentation des cotisations d'assurance-chômage de quelque 3 milliards de dollars pour l'année (voir la pièce 6.33 ).

6.242 Les augmentations de 54 p. 100 du taux depuis 1989 sont attribuables, pour une large part, à l'élargissement de l'utilisation à des fins productives de l'Assurance-chômage, au retrait du gouvernement du financement de l'Assurance-chômage et à la récession. Un déficit important et une augmentation subséquente des cotisations au début d'une période de reprise économique pourraient entraîner des pressions pour réduire les prestations.

6.243 Comme nous l'avons mentionné dans notre Rapport de 1988, une réserve raisonnable dans le Compte d'assurance-chômage pourrait être souhaitable. Cela diminuerait la nécessité d'emprunter, réduirait les coûts d'intérêts, assurerait une stabilité relative du taux de cotisation et protégerait contre les augmentations de coût imprévues. Instituer une réserve entraînerait toutefois des pressions pour élargir l'assujettissement ou diminuer le taux de cotisation. Cela soulève des questions quant à ce qui représente une réserve raisonnable et au délai nécessaire pour la constituer.

Répercussions du déficit de l'Assurance-chômage sur le déficit du gouvernement du Canada

6.244 En 1986, avec la modification des politiques comptables du gouvernement, le Compte d'assurance-chômage a été consolidé à l'entité comptable du gouvernement du Canada principalement pour des raisons de contrôle et de responsabilité. Les dépenses et les recettes de l'Assurance-chômage figurent maintenant dans les états financiers du gouvernement et ses déficits ou excédents accumulés sont inclus dans le déficit global du gouvernement. C'est donc dire que le solde net de l'Assurance-chômage a des répercussions sur les résultats budgétaires annuels du gouvernement.

6.245 À court terme, cette interaction peut avoir des effets sur la gestion, par le gouvernement, de l'Assurance-chômage. Toutefois, puisque l'Assurance-chômage s'autofinance au fil des ans, ses répercussions sur le budget fédéral sont neutres à long terme.

Lacunes en matière d'information

6.246 L'examen que nous avons fait des renseignements disponibles sur les résultats atteints par les programmes sociaux a démontré un certain nombre de lacunes importantes du point de vue de l'information.

6.247 À notre avis, ces lacunes sont importantes. En effet, elles touchent des secteurs critiques du rendement et des effets des programmes existants. Les membres du Parlement ont besoin d'information afin de pouvoir examiner de façon plus approfondie et réaliste les propositions qui leur seront soumises. La pièce 6.36 résume nos conclusions à l'égard de ces lacunes. Nous encourageons le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces afin de combler certaines des lacunes soulignées.

6.248 En 1994, Statistique Canada a estimé la valeur de l'économie souterraine à environ 3 p. 100 du produit intérieur brut, soit 21 milliards de dollars par année, incluant les emplois non déclarés. On ne sait pas dans quelle mesure la participation à l'économie souterraine s'accompagne d'une dépendance permanente à l'égard des programmes sociaux du gouvernement.

6.249 La pauvreté fait l'objet de nombreux débats au Canada. Pour comprendre la nature de la pauvreté, il faudrait avoir des indicateurs utiles, crédibles et acceptables pour tous les intervenants. L'estimation du nombre de gens pauvres et le taux de pauvreté sont deux exemples d'indicateurs sociaux clés. À l'heure actuelle, bien que de nombreuses études et recherches aient été effectuées à ce sujet, il n'existe pas de consensus pour définir ce qu'est la pauvreté. Comme la plupart des nations du monde, le Canada ne dispose pas de mesure officielle de la pauvreté.

6.250 Le seuil de faible revenu de Statistique Canada a été largement utilisé comme mesure de la pauvreté, en dépit du fait que l'agence ait clairement indiqué qu'elle ne le perçoit pas comme un indicateur ou une mesure de la pauvreté.

6.251 Outre le seuil de faible revenu, plusieurs autres mesures ont été suggérées pour évaluer la pauvreté. Les différences entre les méthodes utilisées donnent lieu à des écarts considérables quant à l'estimation du nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté. C'est donc dire qu'avec les multiples définitions utilisées, il est actuellement difficile de déterminer précisément le nombre de personnes pauvres et de personnes au seuil de la pauvreté, de même que l'étendue de la pauvreté au Canada.

6.252 Pour avoir une idée juste de l'étendue de la pauvreté au Canada, les chercheurs doivent marcher au même rythme. L'utilisation d'une méthode qui permette des comparaisons crédibles est primordiale. Il est essentiel que le Parlement ait à sa disposition des renseignements cohérents et fiables sur la pauvreté, avant d'examiner toute proposition de modification des programmes.

Conclusion

6.253 Dans cette étude, nous avons examiné l'information disponible sur les résultats des programmes et les effets des liens entre les programmes, dans trois secteurs importants de politique sociale : les prestations ordinaires d'assurance-chômage, l'aide sociale appuyée par le gouvernement fédéral et la formation des prestataires d'assurance-chômage et des bénéficiaires de l'aide sociale. Nous avons soulevé des préoccupations sérieuses sur des questions d'information et d'optimisation des ressources.

6.254 Nous reconnaissons que la Réforme de la sécurité sociale porte sur d'autres programmes que ceux que nous avons examinés dans le cadre de cette étude. Nous comprenons en outre que les questions liées aux problèmes que nous avons soulevés ne puissent pas toutes être résolues en même temps et que le Parlement ait la prérogative de décider ce qu'il doit examiner ou non.

6.255 Au cours des dernières années, des efforts spéciaux étaient déployés pour étudier nombre de facteurs socio-économiques au Canada. Ces efforts à la fois des secteurs privés et publics sont très encourageants. Plusieurs études devraient être publiées cet automne et au début de 1995. Leurs résultats devraient fournir des renseignements additionnels, combler certaines lacunes en information et peut-être soulever d'autres questions à examiner.

6.256 Comme nous l'avons vu, l'estimation des dépenses dans le domaine social varie considérablement selon les programmes qui sont compris dans la description. Les statistiques disponibles sur les programmes sociaux pourraient être améliorées : il existe des problèmes de définitions, d'estimation des dépenses ainsi que de disponibilité et de qualité des données. Étant donné que les programmes sociaux sont actuellement le point de mire, les lacunes quant au rapport des dépenses sociales ne sont pas purement académiques et ne se limitent pas au pays.

6.257 Nous avons tenté de situer les dépenses sociales fédérales dans le contexte des dépenses sociales globales au Canada. Cela devrait nous donner, nous l'espérons, un bon aperçu des dépenses sociales au Canada ainsi qu'une idée de l'apport fédéral, provincial et municipal. Après tout, ces trois niveaux de dépenses sont financés par les mêmes contribuables.

6.258 Nos discussions avec les principaux intervenants nous portent à croire qu'il n'est pas certain que l'Assurance-chômage doive fonctionner comme un régime d'assurance ou comme un programme de redistribution spéciale des revenus. On a la preuve du recours répété à l'Assurance-chômage par les employés qui occupent des emplois saisonniers, de l'augmentation du nombre de mises à pied par les employeurs et de l'utilisation de l'Assurance-chômage pour réduire les coûts des programmes de bien-être. C'est donc dire qu'il importe d'éclaircir les objectifs du Programme d'assurance-chômage, afin que les cotisants puissent avoir un aperçu plus juste de l'utilisation qui est faite de leur argent et des résultats qui sont atteints.

6.259 Notre examen a permis de relever des preuves suffisantes sur les avantages découlant des programmes sociaux. Ceux-ci ne doivent pas être négligés. Les prestations d'assurance-chômage fournissent un important filet de sécurité aux chômeurs, contribuent à affecter des ressources dans les régions les plus pauvres du pays et, en périodes de récession, jouent un rôle important comme stabilisateur de l'économie. Le Régime d'assistance publique du Canada, qui est appliqué par l'entremise des programmes provinciaux, a contribué à redistribuer les crédits fédéraux parmi les personnes dans le besoin et peut avoir joué un rôle dans l'établissement de services sociaux dans les régions les plus pauvres. Les crédits de formation pour les prestataires d'assurance-chômage et les bénéficiaires de l'aide sociale ont donné lieu à une augmentation de la rémunération et des possibilités d'emploi.

6.260 Toutefois, notre étude a permis de déterminer la possibilité d'effets négatifs de ces programmes; effets dont le gouvernement n'a pas suffisamment tenu compte. Ils comprennent :

Les solutions à certains de ces problèmes ne sont ni simples, ni rapides.

6.261 Une autre préoccupation serait la possibilité que le Programme d'assurance-chômage, par l'entremise de ses effets sur le chômage, entraîne un rendement inférieur de l'économie canadienne quant à l'emploi, comparativement à son potentiel de production en période de croissance économique.

6.262 Il existe aussi des préoccupations quant au financement de l'Assurance-chômage, au rajustement des taux, aux frais d'intérêts découlant de l'absence d'une réserve raisonnable dans le Compte d'assurance-chômage et des mises à pied temporaires en raison d'un taux uniforme de cotisation.

6.263 Il convient de souligner que, pour le moment, il existe davantage de questions que de réponses concernant les effets négatifs possibles. Toutefois, on dispose de suffisamment de renseignements pour savoir que ces questions ne doivent pas être prises à la légère et doivent être examinées par le gouvernement. Il faudrait trouver des réponses à ces questions, ne serait-ce que des réponses approximatives comportant des marges d'erreur données, et les soumettre à la discussion.

6.264 Compte tenu des renseignements disponibles sur les programmes, il est clair que l'Assurance-chômage et les mesures d'aide sociale provinciales soutiennent financièrement les mêmes personnes qui subissent des interruptions d'emploi. Alors que le Parlement envisage de modifier la politique sociale, les répercussions entre les programmes devraient être éclaircies.

6.265 La complexité, la taille, l'élaboration et les liens possibles des programmes sociaux, leurs effets sur le comportement des travailleurs sur le marché du travail et le fait que les programmes font intervenir deux paliers ou plus de gouvernement demandent une plus grande obligation de rendre compte. Dans une large mesure, on pourra résoudre ce problème en comblant les lacunes en information quant à la portée des programmes et aux résultats atteints. Compte tenu de la dette et du déficit, les membres du Parlement doivent avoir une idée plus juste de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas.

6.266 Le gouvernement a devant lui la tâche difficile de formuler des politiques qui assureront une plus grande cohérence sans semer la confusion, dans les domaines économique, fiscal, social, éducatif, du marché du travail ainsi que les secteurs privés et publics. Il ne faudrait pas que les contraintes économiques puissent éclipser l'importance des objectifs sociaux et que les politiques sociales puissent ralentir le progrès économique. On devrait tenir compte du fait que les ressources sont limitées dans la formulation des politiques sociales.

6.267 Les questions ou problèmes soulevés dans cette étude ne sont pas de nature temporaire et ne se régleront pas d'eux-mêmes. L'enjeu est le bien-être de millions de Canadiens sans travail, qui vivent dans la pauvreté et qui désirent améliorer leurs compétences. Nous espérons que cette étude pourra être utile aux membres du Parlement dans leur examen des propositions gouvernementales.