Affaires indiennes et du Nord Canada

Assistance sociale

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Vérificateur général adjoint : Don Young
Vérificatrice responsable : Nancy Cheng

Contexte

23.7 Au cours des dix dernières années, de plus en plus d'Indiens vivant dans les réserves sont devenus bénéficiaires de l'assistance sociale financée par le gouvernement fédéral. Pour beaucoup d'entre eux, l'assistance sociale fédérale constitue un moyen de survie.

23.8 Affaires indiennes et du Nord Canada administre deux grandes catégories d'activités d'assistance sociale pour les Indiens vivant dans les réserves - les services d'aide sociale et les services sociaux de soutien. Il finance aussi les services d'assistance sociale fournis à certains Indiens en phase de transition vers la vie à l'extérieur des réserves. Certaines provinces ont accepté la responsabilité du financement de ces services. Le Ministère négocie actuellement avec les autres provinces en vue de leur transférer cette responsabilité.

23.9 Dans le cadre des services d'aide sociale, le Ministère fournit de l'aide financière et des services aux particuliers et aux familles admissibles pour leur permettre de conserver santé, sécurité et dignité et de sauvegarder l'unité de la famille. Les fonds servent à répondre aux besoins essentiels, soit la nourriture, l'habillement, le logement, les fournitures de ménage et les besoins d'ordre personnel. Une allocation d'aide à l'enfance peut aussi être versée à une famille d'accueil si des conditions précises sont respectées et si l'enfant ne vit pas avec ses parents.

23.10 Les services sociaux de soutien comprennent les services à l'enfance et à la famille, les soins aux adultes, la lutte contre la violence familiale et d'autres services sociaux. Les services à l'enfance et à la famille englobent la prestation de soins en établissement, le choix de familles d'accueil, le versement d'allocations de subsistance et la prestation de services de consultation, de protection et de prévention. Les soins aux adultes comprennent, entre autres, des services d'aide et de soutien aux Indiens âgés et handicapés qui vivent dans un établissement, tels la préparation des repas et des services de surveillance ou des soins infirmiers. Grâce à l'initiative de lutte contre la violence familiale, le Ministère accorde aux Premières nations du financement pour qu'elles assurent des services communautaires d'hébergement en cas d'urgence et de lutte contre d'autres formes de violence familiale.

23.11 Fort d'une autorisation gouvernementale, le Ministère a adopté les normes de service provinciales pour le financement des services d'assistance sociale aux Indiens vivant dans les réserves. Les données du Ministère montrent que plus de 90 p. 100 des bandes indiennes assurent leurs propres services sociaux de soutien. Pour ce qui est des autres services, comme l'aide et le soutien à l'enfance, les provinces participent davantage, conformément aux lois et règlements provinciaux.

23.12 La pièce 23.1 fait état de ce que le Ministère a dépensé au titre des activités d'assistance sociale de 1984-1985 à 1992-1993. Les coûts de l'assistance sociale destinée aux Indiens vivant dans les réserves ont continué d'augmenter. D'après les prévisions du Budget des dépenses du Ministère, ces activités coûteront 898 millions de dollars en 1993-1994. Selon la Partie III du Budget des dépenses du Ministère, les dépenses prévues pour 1994-1995 sont d'un peu plus de un milliard de dollars, ce qui représente une augmentation de 12 p. 100 par rapport à l'exercice précédent et correspond à environ 20 p. 100 du budget total du Ministère au titre des paiements de transfert pour 1994-1995.

23.13 Le Ministère administre les activités d'assistance sociale avec, comme toile de fond, l'augmentation des dépenses fédérales au titre de l'assistance sociale destinée aux Indiens vivant dans les réserves, qui atteindront bientôt un milliard de dollars. En outre, le gouvernement fédéral a entrepris l'étude et la réforme des politiques sociales du Canada, lesquelles pourraient avoir une incidence majeure sur les activités et les dépenses connexes.

Étendue et objectif de la vérification

23.14 La vérification a porté sur la façon dont le Ministère administre ses activités d'assistance sociale. Nous n'avons pas examiné les programmes provinciaux ni la façon dont les provinces administrent ces activités. Notre objectif était d'évaluer la prestation des activités par le Ministère afin de l'aider à améliorer l'administration de programme, à obtenir de meilleurs résultats et à mieux s'acquitter de son obligation de rendre compte. Nous avons aussi examiné les données dont le Ministère disposait sur la situation et l'importance de l'assistance sociale chez les Indiens vivant dans les réserves afin de mieux sensibiliser le Parlement à la situation et, par conséquent, d'encourager et de faciliter la prise de mesures au besoin.

23.15 En plus des entrevues que nous avons réalisées à l'administration centrale du Ministère, nous avons visité sept bureaux régionaux et certains bureaux de district. Nous nous sommes aussi rendus dans certaines collectivités des Premières nations.

Observations et recommandations

Situation et importance de l'assistance sociale chez les Indiens vivant dans les réserves

Les taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale sont élevés chez les Indiens vivant dans les réserves et ils sont en hausse
23.16 Selon le Ministère, le taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale constitue le pourcentage de la population totale des Indiens vivant dans les réserves qui sont bénéficiaires. Les bénéficiaires sont des personnes qui touchent des prestations d'aide sociale pour subvenir à leurs besoins fondamentaux. La définition englobe les personnes à charge des bénéficiaires, mais pas les personnes qui reçoivent d'autres formes d'aide sociale et de services sociaux de soutien comme des services à l'enfance et à la famille. Les prestations permettant de subvenir aux besoins fondamentaux représentent la principale composante de l'assistance sociale, comptant pour plus de la moitié des dépenses du Ministère à ce titre.

23.17 Nous avons noté que les données du Ministère sur le nombre de bénéficiaires et sur le taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale des Indiens vivant dans les réserves contenaient des différences de définition et des approximations. Nous avons examiné les données pour acquérir une connaissance de l'importance et de la tendance générale de la demande de services d'aide sociale chez les Indiens vivant dans les réserves, mais nous n'avons pas vérifié les données.

23.18 Notre examen des données du Ministère révèle que le nombre de bénéficiaires a augmenté progressivement au cours des dix dernières années (voir la pièce 23.2 ). Les changements législatifs apportés en 1985, qui ont redonné le statut d'Indien inscrit à certains peuples autochtones et à leurs descendants, n'ont pas semblé avoir une incidence marquée sur le nombre de bénéficiaires. L'augmentation survenue entre le milieu et la fin des années 80 a été légèrement supérieure à celle des années précédentes et la tendance à la hausse s'est poursuivie par après.

23.19 Ce n'est pas d'hier que le haut taux de dépendance à l'égard des services d'aide sociale dans les collectivités des Premières nations est élevé. Les données d'un rapport ministériel de 1994 montrent que le taux de dépendance chez les Indiens vivant dans les réserves s'est établi en moyenne à 38 p. 100 et qu'il a varié entre 35 et 43 p. 100 de 1981 à 1992. Au cours de la même période, le taux de dépendance pour le Canada, compte non tenu des Indiens vivant dans les réserves, s'est établi en moyenne à 7 p. 100 et a varié entre 6 et 10 p. 100. La pièce 23.3 fait état des taux de dépendance pour les Indiens vivant dans les réserves et pour la population canadienne en général, de 1981 à 1992.

23.20 Le taux de dépendance dans les collectivités des Premières nations varie aussi considérablement d'une région à l'autre. Par exemple, en 1992, le taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale dans ces collectivités était de 74 p. 100 dans l'Atlantique, de 23 p. 100 en Ontario et de 48 p. 100 en Alberta. Les taux de dépendance, par région, pour les Indiens vivant dans les réserves contrastent vivement avec les taux de dépendance pour la population canadienne en général (voir la pièce 23.4 ). Il aurait été plus informatif de comparer le taux de dépendance d'une collectivité des Premières nations à celui d'une municipalité avoisinante. Toutefois, les données à l'appui de telles comparaisons ne sont pas facilement accessibles.

23.21 Même si les données contiennent des différences de définition et des approximations, elles montrent que le taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale chez les Indiens vivant dans les réserves est élevé et qu'il a généralement tendance à monter. En outre, depuis 1982, le taux de croissance annuel de la population d'Indiens vivant dans les réserves s'établit en moyenne à 3 p. 100.

23.22 La croissance tant du taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale que de la population a fait augmenter la demande d'assistance sociale chez les Indiens vivant dans les réserves. Au fil des ans, les dépenses du Ministère au titre de l'assistance sociale ont augmenté plus vite que les taux d'inflation et de croissance démographique combinés. Les réalités financières actuelles ne laissent pas une marge de manoeuvre très grande pour répondre aux demandes de financement futures, surtout si l'on tient compte du fait que la demande continuera probablement d'augmenter.

23.23 De plus, la situation de nombreuses collectivités des Premières nations est grave depuis plusieurs années, et elle n'a montré aucun signe d'amélioration. Même si le financement actuel répond aux besoins de base, l'assistance ne vaut qu'à court terme et elle ne fait pas baisser la forte demande à l'égard des services. Elle laisse aussi des questions de fond sans réponse.

Malgré une inquiétude croissante et la mise en oeuvre de certaines initiatives, les taux de dépendance ont continué de monter
23.24 Le Ministère a reconnu qu'il fallait freiner la croissance de la demande d'assistance sociale. Au fil des ans, il a entrepris des projets de financement en vue d'offrir des possibilités d'emploi et de formation aux bénéficiaires. Les projets incluent notamment le Programme assistance-travail, l'Opération Travail, le Programme de relance de l'aide à l'emploi et les Stratégies de mise en valeur des ressources humaines des collectivités indiennes.

23.25 Le Ministère a demandé et reçu des autorisations du Conseil du Trésor et des directives du gouvernement pour financer les projets proposés et administrés par les bandes en vue de créer des possibilités d'emploi et de formation pour les bénéficiaires. Les dépenses liées à ces projets ont représenté environ un ou deux pour cent du coût total de l'assistance sociale. Le Programme assistance-travail et les Stratégies de mise en valeur des ressources humaines des collectivités indiennes existent toujours afin d'aider à réduire le taux de dépendance chez les Indiens vivant dans les réserves.

23.26 En 1989, la Stratégie canadienne de développement économique des autochtones a été lancée sous la forme d'une importante initiative multiministérielle. La mise en oeuvre de la stratégie a été estimée à environ un milliard de dollars, et l'un des résultats attendus de cette Stratégie était la réduction de la dépendance des Indiens à l'égard de l'assistance sociale. Dans les observations formulées à la suite de notre vérification de cette Stratégie (1993), nous avons noté que les résultats de cette initiative n'avaient pas été évalués. Par conséquent, il était impossible de savoir la mesure dans laquelle les objectifs étaient atteints. En date de mai 1994, l'évaluation n'était pas encore terminée.

23.27 Toutefois, le Ministère n'a pas formulé d'objectif officiel qui tienne compte de la nécessité de surveiller la demande d'assistance sociale et la hausse des taux de dépendance et de prendre les mesures nécessaires à cet égard. Le Ministère n'a pas analysé les taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale en fonction des circonstances propres à chacune des collectivités des Premières nations ni déterminé si des améliorations étaient faisables et pratiques. Même si, au moment de planifier ses activités, le Ministère a tenu compte de la hausse des dépenses au titre de l'assistance sociale, il n'a pas évalué de façon adéquate ce qui se produirait sur le plan financier si la tendance des taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale se maintenait.

23.28 En 1993, désireux d'atténuer l'inquiétude croissante à l'égard de la hausse des coûts de l'assistance sociale, le Ministère a entrepris un projet de recherche pour déterminer les causes sous-jacentes de cette hausse et les facteurs qui aideraient les Premières nations à ne pas dépendre de l'assistance sociale.

23.29 Le projet devait permettre d'étudier le rapport entre la demande changeante d'assistance sociale et la situation démographique ainsi que les caractéristiques socio-économiques des Indiens inscrits et de leurs diverses collectivités. Le mandat du projet prévoyait aussi l'étude des écarts entre les régions et l'établissement de comparaisons avec la population canadienne en général. Au cours de la vérification, le Ministère nous a informés que le projet avait été reporté et que son étendue avait été réduite parce que certaines des données nécessaires à la recherche n'existaient pas.

23.30 Nous sommes inquiets de voir que certaines données empiriques nécessaires à l'analyse des principales causes de la hausse de la dépendance à l'égard de l'assistance sociale n'existent pas et que le Ministère n'est pas en mesure d'évaluer la nature et l'envergure des efforts qui permettront d'atténuer les causes et de ralentir la croissance de la demande d'assistance sociale dans les réserves. Malgré les mesures prises au fil des ans et dans le cadre de la Stratégie canadienne de développement économique des autochtones, les taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale chez les Indiens vivant dans les réserves ont continué de monter.

Pour trouver une solution efficace, il faut des données et des analyses appropriées ainsi qu'une participation accrue des collectivités des Premières nations et de leurs chefs
23.31 La réduction de la demande d'assistance sociale est généralement liée à la création d'emplois et à d'autres possibilités d'affaires. Dans beaucoup de collectivités des Premières nations, les efforts en ce sens sont souvent gênés par de nombreux facteurs comme :

La nécessité sous-jacente de concilier les efforts avec les valeurs et la culture des Premières nations, la diversité de ces dernières et la complexité des dispositions législatives applicables aux Indiens vivant dans les réserves rendent les choses encore plus difficiles.
23.32 Il n'existe pas de solution facile et il est improbable qu'à lui seul le Ministère arrive réellement à freiner la demande croissante d'assistance sociale dans les réserves. La recherche de solutions efficaces nécessite la participation active des collectivités des Premières nations et de leurs chefs. S'il travaillait en partenariat avec eux, le Ministère pourrait lancer, faciliter et appuyer des projets et voir à la coordination des activités avec celles d'autres ministères fédéraux et d'autres paliers de gouvernement s'il y a lieu.

23.33 À la fin de janvier 1994, le gouvernement fédéral s'est engagé à tenir de vastes consultations, à faire des analyses et à formuler des recommandations pour moderniser et restructurer le régime de sécurité sociale du Canada. Le projet comporte l'examen des moyens à prendre pour fournir des programmes de formation et d'emploi, d'assistance sociale et d'aide à l'éducation et à l'apprentissage.

23.34 Les changements issus de la réforme fédérale du régime de sécurité sociale pourraient toucher tous les Canadiens, y compris les Indiens vivant dans les réserves. La réforme donne au Ministère la chance de formuler commentaires et conseils sur les aspects du régime qui ont trait aux Indiens vivant dans les réserves. Le Ministère pourrait aussi intervenir dans la coordination de la participation des Premières nations à la réforme du régime de sécurité sociale du Canada.

23.35 De plus, le Ministère se voit ainsi offrir l'occasion d'agir avant l'entrée en vigueur des changements : il pourrait évaluer l'incidence possible de la réforme sur ses activités d'assistance sociale et déterminer s'il devra éventuellement songer à des activités complémentaires. Le Ministère nous a dit discuter de ces questions avec Développement des ressources humaines Canada depuis mai 1994.

23.36 Le Ministère devrait réunir les données nécessaires pour appuyer son analyse des principales causes de la demande croissante d'assistance sociale chez les Indiens vivant dans les réserves. Au moment d'élaborer des projets en vue d'atténuer les causes, le Ministère devrait continuer à travailler avec les collectivités des Premières nations et leurs chefs. Le Ministère devrait coordonner ses efforts avec ceux des autres ministères et organismes fédéraux en cause et avec d'autres paliers de gouvernement en vue d'assurer l'appui nécessaire aux projets.

23.37 Le Ministère devrait voir à ce que des commentaires et des conseils pertinents sur les aspects liés aux Premières nations soient fournis aux organismes responsables de la réforme du régime fédéral de sécurité sociale et coordonner la participation des Premières nations. Il devrait aussi évaluer l'incidence possible des changements issus de cette réforme sur les Premières nations et prendre les mesures appropriées pour se préparer à la mise en oeuvre de tels changements.

Autorisation législative et cadre d'exécution

L'absence d'autorisation législative formelle pourrait miner le contrôle parlementaire et la reddition des comptes
23.38 On s'attendrait que l'important programme d'assistance sociale pour les Indiens vivant dans les réserves, qui est donné et financé par le Ministère, soit fondé sur une autorisation législative claire et formelle. D'après nos constatations, le Ministère n'a pas invoqué les dispositions législatives existantes, ce qui veut dire qu'il ne dispose pas d'une autorisation législative claire et formelle pour ses activités d'assistance sociale.

23.39 La Loi constitutionnelle de 1867 répartit les pouvoirs législatifs entre le Parlement et les législatures provinciales et accorde au Parlement le pouvoir fondamental de voter des lois touchant les Indiens et les terres qui leur sont réservées. Sans l'adoption de dispositions législatives appropriées, la Loi constitutionnelle seule ne donne pas au Ministère l'autorisation législative d'assurer et de financer des activités d'assistance sociale pour les Indiens vivant dans les réserves, pas plus qu'elle ne lui impose l'obligation légale de le faire.

23.40 La Loi sur les Indiens propose d'appliquer les lois provinciales aux Indiens vivant dans la province. Même si le Ministère assure et finance les activités d'assistance sociale, la Loi sur les Indiens ne contient aucune obligation légale en ce sens.

23.41 Le Régime d'assistance publique du Canada a été adopté en 1966 afin de favoriser l'élargissement et le perfectionnement des services d'assistance et de bien-être dans tout le Canada. Pour ce faire, il prévoyait un instrument permettant au gouvernement fédéral de partager les coûts avec les provinces. La partie II du Régime porte précisément sur le bien-être des Indiens. D'après cette partie, le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, de concert avec le ministre du Développement des ressources humaines (anciennement Santé nationale et Bien-être social), peut conclure un accord avec une province en vue de l'élargissement des programmes provinciaux de bien-être, pour les offrir aux Indiens, et du partage des coûts supplémentaires.

23.42 En 1965, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du Régime d'assistance publique du Canada , le Ministère a conclu un accord (l'Accord de 1965) avec l'Ontario concernant l'administration des programmes de bien-être pour les Indiens. Depuis l'entrée en vigueur du Régime, aucun accord connexe n'a été signé avec une province. Ainsi, le Ministère n'a pas eu recours aux dispositions du Régime qui auraient pu lui assurer une autorisation législative formelle et un cadre pour la prestation et le financement de ses activités d'assistance sociale destinées aux Indiens vivant dans les réserves.

23.43 Faute d'autorisation législative formelle, le Ministère trouve l'autorisation de financement dans les lois annuelles de crédits et se sert des décisions du Conseil du Trésor et d'autres directives du gouvernement pour exercer ses activités d'assistance sociale.

23.44 L'absence d'autorisation législative formelle pourrait miner le contrôle parlementaire et la reddition des comptes. Elle empêche le Parlement de débattre de questions importantes comme celles de savoir si un programme d'assistance sociale pour les Indiens vivant dans les réserves devrait permettre à la fois de réduire la demande et de fournir les services et de déterminer quelles devraient être les prestations appropriées. Elle le prive aussi d'un instrument qui lui permettrait de demander au Ministère de lui rendre des comptes en se fondant sur des autorisations de programme autres que celles approuvées par le Conseil du Trésor.

Le cadre d'exécution des activités d'assistance sociale est complexe, lourd et difficile à gérer
23.45 Nous avons compté près de 100 autorisations du Conseil du Trésor et directives du gouvernement, et un grand nombre d'entre elles étaient antérieures au Régime d'assistance publique du Canada de 1966. Près du tiers d'entre elles sont encore en vigueur. Par convention et par suite d'une autorisation du Conseil du Trésor de 1964, le Ministère a adopté les normes provinciales pour répondre aux besoins essentiels, c'est-à-dire les critères d'admissibilité et les conditions applicables aux prestations pour les Indiens vivant dans les réserves.

23.46 Dans les régions et les districts du Ministère, les manuels provinciaux d'orientation et de procédures, les nombreuses autorisations du Conseil du Trésor et directives du gouvernement et les accords qui en découlent sont devenus le cadre de prestation et de financement de l'assistance sociale destinée aux Premières nations. Comme aucune entente n'a été signée en vertu du Régime d'assistance publique du Canada , l'autorisation législative permettant l'adoption des normes provinciales n'a pas été clarifiée. De plus, le cadre d'exécution des services qui est issu de cette multiplicité d'autorisations est complexe, lourd et difficile à gérer.

23.47 Par exemple, le financement de l'assistance sociale par le personnel du Ministère est directement influencé par les changements apportés aux lois provinciales, que ces changements visent les conditions applicables au versement des prestations ou la nature des services. Il est donc difficile pour le personnel du Ministère de se tenir au fait des normes provinciales, de renseigner rapidement les chefs des bandes sur les changements et de fournir de la formation au besoin.

23.48 De plus, il est difficile pour le Ministère de faire en sorte que les Indiens admissibles vivant dans les réserves reçoivent des services d'assistance sociale comparables à ceux que reçoivent les autres bénéficiaires de la population générale de la même province. Nous avons remarqué que le Ministère a fait des comparaisons de certains aspects des services d'aide sociale, comme l'admissibilité. Il a ainsi comparé les manuels de procédures provinciaux avec ceux qui sont utilisés par les bandes, lesquels sont fondés sur les manuels de procédures du Ministère. Toutefois, nous avons constaté que le Ministère n'a pas encore fini de comparer les niveaux et la qualité de ses services sociaux de soutien, comme les services à l'enfance et les soins aux adultes, aux niveaux et à la qualité des services offerts dans la même province.

23.49 Dans beaucoup de cas, même surveiller la conformité des Premières nations aux lignes directrices provinciales applicables à la prestation des services d'aide sociale n'est pas une tâche simple. À titre d'exemple, soulignons que la plupart des municipalités d'une province ont exercé leur prérogative de modifier les taux et les conditions applicables aux services d'aide sociale. Surveiller la conformité aux normes lorsque celles-ci varient d'une région à l'autre dans la même province pourrait prendre beaucoup de temps et coûter cher.

23.50 Récemment, certaines provinces ont reconnu que bon nombre de leurs programmes de bien-être n'ont pas fait l'objet d'un examen rigoureux et qu'il se pourrait bien que certains d'entre eux ne soient plus appropriés dans la conjoncture actuelle. Dans un rapport provincial de 1993, on a conclu que certaines des lois provinciales régissant le bien-être n'avaient pas été modifiées depuis leur adoption et qu'elles n'étaient plus au diapason des réalités économiques et sociales des années 90. En décembre 1993, une autre province reconnaissait que pour atténuer les causes profondes de l'insécurité et de la pauvreté des familles, il fallait donner aux individus la possibilité d'acquérir de nouvelles compétences et de se réaliser pleinement. Elle laissait aussi entendre que les bénéficiaires d'assistance sociale ont aussi le devoir de chercher et d'accepter un emploi et de poursuivre leur développement personnel, leurs études et leur formation.

23.51 De plus, avec l'actuel cadre d'exécution qui est fondé sur les normes provinciales, le Ministère n'est pas certain que la qualité et le niveau des services sont adaptés aux besoins culturels des Indiens vivant dans les réserves.

23.52 Le Ministère devrait demander une autorisation législative formelle qui énoncerait les objectifs du programme et qui servirait de fondement à l'obligation qu'il a de rendre compte au Parlement de ses activités d'assistance sociale. Par ailleurs, il pourrait invoquer les lois existantes, comme le Régime d'assistance publique du Canada , comme fondement de ses activités.

23.53 Le Ministère devrait déterminer si la prestation et le financement des services sont uniformes et comparables au sein d'une même région, en tenant compte des besoins culturels des Indiens vivant dans les réserves, et prendre des mesures au besoin.

Gestion et obligation de rendre compte des activités d'assistance sociale

23.54 Dans l'administration de ses activités d'assistance sociale, on s'attendrait que le Ministère dispose de mécanismes de gestion et de reddition de compte appropriés et suffisants pour faire en sorte que les services soient fournis conformément aux autorisations et aux accords applicables. Dans les cas où les services sont assurés par un tiers grâce au financement du Ministère, on s'attendrait que le Ministère obtienne l'assurance que les responsabilités liées aux activités d'assistance sociale sont remplies convenablement. On s'attendrait aussi que le Ministère continue d'être comptable de l'utilisation des fonds publics.

23.55 Les données du Ministère montrent que plus de 90 p. 100 des bandes indiennes assurent des services d'aide sociale à leurs membres grâce au financement du Ministère. À l'extérieur de l'Ontario, le Ministère conclut généralement des accords avec une collectivité ou un organisme des Premières nations pour que les services sociaux de soutien soient fournis sans l'intervention du gouvernement provincial. Aux termes de l'accord de 1965 entre le Canada et l'Ontario, la province de l'Ontario fournit et finance les services d'assistance sociale destinés aux Indiens vivant dans les réserves et se fait rembourser par le Ministère. Le gouvernement de l'Ontario s'arrange aussi avec certaines bandes pour qu'elles assurent les services directement par l'intermédiaire de leurs propres collectivités ou agences. Pour ce qui est des services à l'enfance et des services sociaux de soutien, les provinces participent plus directement, conformément aux lois et règlements provinciaux.

23.56 Le Ministère voit son rôle de la façon suivante : fournir des fonds aux Premières nations pour que les individus vivant dans les réserves et les familles admissibles à des services d'aide sociale reçoivent des services comparables à ceux que reçoit la population générale de la même province. Selon le Ministère, son rôle l'amène aussi à aider les Premières nations à fournir aux Indiens vivant dans les réserves des services sociaux de soutien qui soient comparables à ceux que reçoit la population générale de la même province.

23.57 Comme le Ministère compte sur les bandes indiennes et les provinces pour exécuter la plupart de ses activités d'assistance sociale, nous croyons qu'il doit définir les assurances que ces relations doivent lui procurer et tenter de les obtenir.

Le Ministère n'a pas obtenu une assurance suffisante que ses responsabilités de gestion sont bien remplies
23.58 Les accords de financement et de service sont généralement négociés entre le Ministère, les bandes et les agences indiennes et les provinces, selon les services à fournir. Le financement des services est principalement régi par les modalités d'un accord de financement. On s'attend que les bandes et les agences prouvent que les services fournis sont conformes aux politiques du Ministère et aux normes de la province en cause.

23.59 Les accords de financement obligent les bandes indiennes à soumettre annuellement des états financiers vérifiés, habituellement dans les trois mois suivant la fin de l'exercice. Lors de nos visites régionales, nous avons été informés que les états financiers vérifiés des bandes tardent souvent de plusieurs mois et que parfois, ils restent à venir.

23.60 Nous avons examiné les statistiques du Ministère et nous avons été heureux de constater que les états financiers vérifiés de 1992-1993 avaient été présentés beaucoup plus tôt que ceux de 1991-1992. Par exemple, en septembre 1993, le Ministère avait reçu 78 p. 100 de tous les états financiers vérifiés de 1992-1993, comparativement à 57 p. 100 l'année précédente. Au moment où nous avons terminé notre vérification, c'est-à-dire en mai 1994, moins de 1 p. 100 des états financiers de 1992-1993 restaient à venir.

23.61 Toutefois, le rapport type du vérificateur fournit une attestation comptable au sujet des états; il ne contient généralement pas d'observation sur le respect, par les bandes, des modalités de l'accord de contribution ou des politiques et procédures du Ministère. Il fournit donc au Ministère une assurance limitée que ses responsabilités à l'égard de la prestation des services d'assistance sociale ont été bien remplies.

23.62 La politique du Ministère l'oblige aussi à surveiller les activités d'assistance sociale en effectuant des analyses de dossiers et des examens sur place. Les analyses de dossiers portent sur la validité et la vraisemblance des données soumises et ne comportent pas de visites dans les collectivités des Premières nations. Les examens sur place comportent l'examen des dossiers et des livres tenus par les bandes et les agences indiennes. Ils ont pour objet de déterminer s'il y a conformité aux critères d'admissibilité ainsi qu'aux barèmes et aux conditions applicables. Depuis septembre 1990, les lignes directrices du Ministère exigent que des examens sur place de toutes les bandes soient effectués, généralement tous les deux ans.

23.63 Dans chacune des régions visitées, nous avons choisi et revu un certain nombre d'examens sur place exécutés et documentés par le Ministère. En Ontario, le Ministère s'était organisé avec des représentants du gouvernement provincial pour que nous examinions les rapports de certains examens de programme effectués par la province.

23.64 Au total, nous avons examiné plus de 40 p. 100 des rapports sur les examens sur place de portée ministérielle qui ont été effectués en 1992-1993 et en 1993-1994. Ces rapports contiennent des constatations sur quelque 2 400 dossiers de cas examinés par le Ministère.

23.65 Même si les rapports font ressortir des constatations précises, nous avons remarqué que les bureaux régionaux et les bureaux de district n'avaient pas tous colligé l'information. Certains n'étaient pas en mesure de nous informer du nombre d'examens sur place exécutés. De plus, il n'a pas été facile de trouver de l'information sur la mesure dans laquelle les lignes directrices du Ministère sur la fréquence de ces examens avaient été respectées.

23.66 Nous avons colligé les cas de non-conformité relevés dans l'échantillon à l'échelle nationale de 2 400 dossiers et constaté que le degré de non-conformité aux exigences était considérable (voir la pièce 23.5 ). Par exemple, nous avons noté que plus de 70 p. 100 des dossiers des bandes n'étaient pas suffisamment documentés. Les cas de non-conformité allaient de l'absence de formulaires de demande ou d'autres documents demandés, comme un certificat médical, à la présence de formulaires mal remplis. Nous avons remarqué que ces cas et d'autres cas de non-conformité aux exigences avaient fait l'objet d'une certaine forme de suivi. Toutefois, en raison de la situation financière de nombreuses réserves, il est souvent difficile, voire impossible de prendre des mesures de recouvrement même si elles sont justifiées.

23.67 L'insuffisance de la documentation est telle qu'elle révèle un problème systémique. Toutefois, on n'arrive pas à établir clairement si la non-conformité se situe au niveau de la forme ou de la substance. Dans le premier cas, cela voudrait dire qu'il faut plus de formation ou que l'exigence en matière de documentation est trop bureaucratique et incompatible avec la culture des Premières nations. Toutefois, dans le second cas, cela pourrait indiquer que les fonds publics sont menacés. Le Ministère doit déterminer la nature de la non-conformité et, au besoin, modifier ses mécanismes de contrôle de manière à respecter la culture des Premières nations tout en préservant les fonds publics.

23.68 En outre, nous nous inquiétons du fait qu'il n'existe pas de sommaire ou d'analyse nationale des résultats des examens sur place et que le Ministère n'a pas obtenu une assurance suffisante que ses responsabilités de gestion à l'égard de la prestation et du financement des services d'assistance sociale sont bien remplies. De plus, le Ministère n'est pas en mesure d'évaluer correctement l'importance de la non-conformité et de prendre les correctifs appropriés. Sans mesures de suivi efficaces et sans correctifs appropriés, aux fonds publics utilisés pour financer ces paiements pourraient bien ne pas servir aux fins pour lesquelles ils étaient prévus. C'est pourquoi il est difficile pour le Ministère de fournir au Parlement l'assurance que les fonds ont été vraiment utilisés pour les activités d'assistance sociale.

Le Ministère devra adopter une méthode plus rentable pour surveiller ses activités d'assistance sociale
23.69 La rationalisation continue du Ministère et la dévolution croissante des responsabilités aux bandes indiennes ont, dans l'ensemble, fait baisser le niveau des ressources anciennement consacrées à l'administration des activités d'assistance sociale. À notre avis, la baisse du niveau des ressources à un moment où la demande d'assistance sociale augmente obligera le Ministère à adopter une méthode de surveillance plus rentable.

23.70 Une possibilité serait d'utiliser les profils de risque. D'après les données tirées des analyses de dossiers et des examens sur place antérieurs, le Ministère pourrait classer les bandes et les agences selon divers profils de risque et déterminer la fréquence et l'étendue appropriées des examens sur place en conséquence. Les résultats d'examens successifs serviraient à mettre à jour les profils de risque des bandes. Le recours aux profils de risque donnerait au Ministère la souplesse dont il a besoin pour adapter l'étendue de sa surveillance par région.

23.71 Une autre possibilité serait de recourir davantage aux examens analytiques pour arriver à équilibrer les analyses de dossiers et les examens sur place. Le Ministère pourrait déterminer si un changement du niveau de financement accordé à une bande est raisonnable dans les circonstances et décider si une analyse de dossiers suffirait. Au nombre des autres possibilités pourrait figurer une meilleure utilisation de la technologie de l'information et des techniques d'échantillonnage.

Les arrangements du Ministère avec certaines provinces doivent être réexaminés
23.72 Aux termes des autorisations fournies par les décisions du Conseil du Trésor, le Ministère a conclu des accords bilatéraux et tripartites avec des bandes individuelles et les provinces qui, selon le type de services, prévoient la prestation et le financement des activités d'assistance sociale. Le paragraphe 23.42 fait mention de l'Accord de 1965 entre le Canada et l'Ontario, le seul accord général par lequel la province a accepté d'administrer les services de bien-être destinés aux Indiens vivant dans les réserves grâce au financement du Ministère. Dans la région de l'Ontario, le Ministère dépense environ 130 millions de dollars par année pour les services d'aide sociale.

23.73 Dans une analyse de 1985, qui porte sur les services d'aide sociale fournis aux Indiens vivant dans les réserves en Ontario, le Ministère s'est dit inquiet du fait que les responsabilités liées à la gamme, à la qualité et au coût des services visés par l'Accord de 1965 étaient ambiguës. Il a conclu que l'absence d'une tribune tripartite officielle - composée des Premières nations, de la province et du Ministère - causait des difficultés constantes au niveau de la prestation et du financement des services. Il a aussi conclu que l'Accord de 1965 n'était pas approprié à la dévolution des programmes sociaux aux bandes indiennes.

23.74 Même si l'Accord de 1965 a été modifié à l'occasion, le Ministère admet que bon nombre de ses inquiétudes subsistent encore aujourd'hui.

23.75 L'Accord de 1965 exige que la province fasse des vérifications spécifiques des paiements d'aide sociale versés aux Indiens vivant dans les réserves et qu'elle fasse rapport de ses constatations au Ministère. Jusqu'au plus récent rapport présenté au Ministère, soit celui pour 1989-1990, nous avons remarqué que les vérifications semblaient porter sur le codage technique et les exigences administratives et qu'elles n'offraient pas l'assurance que les critères d'admissibilité avaient été respectés.

23.76 Nous avons aussi constaté que les rapports de vérification n'ont pas été présentés en temps opportun. Ils sont généralement en retard de trois à six années. Les mesures de suivi et les correctifs, s'ils étaient nécessaires, ne seraient probablement pas efficaces en raison justement de ce retard. En fait, dans un rapport de vérification préliminaire pour l'exercice 1989-1990, qui a été préparé en avril 1993, les vérificateurs ont indiqué ne pas avoir été capables de vérifier une importante partie des prestations d'aide sociale dans un district. Ils ont déclaré que les dossiers des clients ne contenaient pas assez de documentation ni assez de détails pour établir l'admissibilité. La question n'avait toujours pas été réglée au moment où nous avons terminé notre vérification en mai 1994. Si des prestations avaient été versées à des bénéficiaires inadmissibles, les fonds publics auraient été mal utilisés. Les prestations en question totalisaient environ 12 millions de dollars, ce qui représente environ 9 p. 100 des dépenses annuelles du Ministère au titre de l'assistance sociale dans la région de l'Ontario.

23.77 Dans une autre région, un accord officieux est intervenu entre le Ministère et la province aux termes duquel le Ministère rembourse la province de certains coûts afférents aux services à l'enfance et aux services de soutien fournis dans cette province. Les fondements de la formule de financement ont évolué au fil des ans et n'ont jamais été officialisés. Le Ministère nous a informés qu'environ 16 millions de dollars étaient versés annuellement à la province au titre de ces services.

23.78 En 1986, le Ministère a préparé un projet de protocole d'entente visant à officialiser les modalités de financement des services à l'enfance et des services de soutien avec cette province. Le projet de protocole contient les modalités applicables au remboursement des coûts par le Ministère. Il oblige notamment la province à présenter des comptes au Ministère pour vérification et accorde au Canada le pouvoir discrétionnaire de demander une vérification des dossiers de la province sur les services financés. Le projet de protocole n'a pas été signé et près de 100 millions de dollars ont été payés par le Ministère.

23.79 Depuis 1986, le Ministère continue de financer les services à l'enfance et les services de soutien aux termes de l'accord officieux. Le Ministère n'a pas surveillé la prestation de ces services ni reçu de rapport de la province au sujet des services de soutien. Il n'obtient donc pas une assurance suffisante que les services auxquels était destiné le financement ont été offerts.

23.80 Le Ministère a formulé des inquiétudes au sujet du caractère approprié de l'Accord de 1965 en tant qu'instrument de prestation des services en Ontario. Le rapport demandé aux termes de l'Accord de 1965 ne fournit pas au Ministère une assurance suffisante que sa responsabilité de gestion est remplie. Les accords officieux avec l'autre province ne fournissent pas non plus l'assurance dont le Ministère a besoin pour financer les services. À notre avis, le Ministère doit réexaminer certains des accords qu'il a signés avec les provinces pour exécuter ses activités d'assistance sociale.

La gestion et la reddition des comptes exigent de meilleures données sur la démographie et sur l'assistance sociale ainsi que de meilleurs indicateurs de rendement
23.81 L'information de gestion dont le Ministère dispose sur ses activités d'assistance sociale comprend principalement des données sur les fonds dépensés et des données opérationnelles, comme le nombre de dossiers.

23.82 Le Ministère reconnaît avoir besoin de meilleures données sur la démographie des bandes et sur l'assistance sociale. En 1990, il a obtenu l'autorisation de procéder à une enquête fondée sur le recensement des peuples autochtones au coût estimatif de 14 millions de dollars. Son fournisseur, Statistique Canada, devait mettre à peu près cinq ans pour réaliser l'enquête. On cherchait notamment des données sur les facteurs favorables à l'emploi, les obstacles à l'emploi, les activités de subsistance, les niveaux d'alphabétisme, le recours aux programmes de formation et les tendances concernant la mobilité.

23.83 Même si le mandat et les produits de l'enquête ont fait l'objet de discussions, nous avons noté que le Ministère et Statistique Canada n'avaient pas signé d'accord ou de protocole d'entente pour officialiser le tout. En mai 1994, un grand nombre des produits d'enquête des ministères avaient été traités. Statistique Canada nous a informés que le reste des produits d'enquête serait publié en 1994-1995.

23.84 Au paragraphe 23.29, nous avons signalé qu'en 1993, le Ministère avait reporté un projet de recherche devant permettre l'étude de la hausse des coûts de l'assistance sociale, partiellement en raison d'un manque de certaines données essentielles. Comme le précisait la proposition de projet, les éléments de données nécessaires englobaient :

23.85 Nous sommes inquiets du fait que le Ministère ne possède pas suffisamment de données pour analyser les principales causes de la demande d'assistance sociale et appuyer la recherche de moyens permettant de les atténuer. Par exemple, nous avons demandé de l'information sur les taux de dépendance par bande, et le Ministère n'a pas été en mesure de nous fournir de données qui, selon lui, étaient assez fiables.

23.86 Le Ministère a défini des indicateurs de rendement dans la Partie III du Budget des dépenses . Au nombre des indicateurs de rendement établis pour les services d'aide sociale se trouvent le pourcentage de requérants bénéficiant d'une aide et la comparabilité des critères d'admissibilité du Ministère et de la province. Pour ce qui est des services sociaux de soutien, on trouve le pourcentage des services d'aide à l'enfance et à la famille administrés par les Premières nations au cours de l'année et la comparabilité de l'accès aux services d'aide à l'enfance et à la famille pour les Indiens vivant dans les réserves et pour la population générale vivant dans la même province.

23.87 Comme nous l'avons indiqué au paragraphe 23.48, le Ministère se demande toujours s'il est possible de comparer les niveaux et la qualité des services sociaux de soutien, comme le soutien de l'enfance et les soins aux adultes.

23.88 Cependant, nous croyons que le Ministère doit élaborer des indicateurs supplémentaires de rendement pour connaître les résultats de ses activités d'assistance sociale. Il lui faut de meilleurs indicateurs sur les répercussions de ses activités s'il veut aider la direction et le Parlement à apprécier l'ampleur des progrès.

23.89 Pour ce qui est des services de soutien à l'enfance et à la famille, de tels indicateurs pourraient inclure le niveau de succès des placements en foyer collectif, en foyer d'accueil ou en institution, c'est-à-dire les cas où l'enfant s'ajuste à son nouvel environnement et ne nécessite plus d'aide par la suite. Pour ce qui est de l'aide permettant de subvenir aux besoins essentiels, les indicateurs pourraient porter sur la durée et sur la fréquence de l'aide.

23.90 Nous croyons comprendre que, dans un contexte général, le Ministère prend des mesures pour améliorer l'obligation des chefs de bandes de rendre compte à leurs membres. Toutefois, l'obligation du Ministère de rendre compte au Parlement continuera de nécessiter la collecte et la communication d'information sur les effets prévus et imprévus des activités.

23.91 Le Ministère devrait améliorer sa gestion et sa reddition des comptes en obtenant une assurance suffisante des bandes et des agences qui fournissent des services d'assistance sociale en son nom. Il devrait aussi songer à adopter une méthode de surveillance plus rentable.

23.92 Le Ministère devrait réexaminer ses arrangements avec certaines provinces et modifier ou remplacer les ententes existantes au besoin ou officialiser les arrangements de longue date, afin de faire en sorte qu'ils constituent un fondement approprié pour la prestation des services et qu'ils fournissent au Ministère l'assurance suffisante que les Indiens vivant dans les réserves reçoivent des services conformément aux barèmes et aux conditions applicables.

23.93 Le Ministère devrait continuer sa recherche de données appropriées, notamment terminer ses grands projets d'enquête, et élaborer des indicateurs supplémentaires de rendement afin de mieux servir les besoins de gestion et son obligation de rendre compte.

Conclusion

23.94 Les taux de dépendance à l'égard de l'assistance sociale des Indiens vivant dans les réserves sont élevés et ils ont continué de monter. À elle seule, l'amélioration de la prestation des services d'assistance sociale ne modifierait pas considérablement l'immense besoin d'aide dans beaucoup de réserves.

23.95 Dans sa recherche de solutions visant à atténuer les causes de la demande croissante d'aide, le Ministère a besoin de meilleures données pour analyser les principales causes de la tendance à la hausse. De plus, les collectivités des Premières nations et leurs chefs doivent jouer un rôle de premier plan. Étant donné le besoin fondamental de préserver les valeurs et la culture des Premières nations, il serait invraisemblable que leurs problèmes puissent être réglés par l'imposition de solutions venant de l'extérieur.

23.96 L'actuel examen fédéral des politiques sociales pourrait toucher les programmes sociaux destinés à tous les Canadiens, y compris les Indiens vivant dans les réserves. Cet examen offre au Ministère une occasion unique de formuler commentaires et conseils et de coordonner la participation des Premières nations.

23.97 Même si, dans l'ensemble, le Ministère agit comme organisme de financement aux fins de la prestation des services d'assistance sociale, il n'en demeure pas moins comptable au Parlement de l'utilisation des fonds. Il doit obtenir une assurance suffisante et appropriée que ses responsabilités de gestion sont remplies de façon convenable.

Réponse du Ministère : En règle générale, le Ministère est d'accord avec les recommandations présentées et les examine afin de prendre les mesures correctives qui s'imposent. Cette année, le Ministère a amélioré sa gestion et sa reddition des comptes à l'égard du programme; il examine actuellement d'autres possibilités de faire encore mieux en augmentant l'ampleur et l'efficacité des examens et de la surveillance de la conformité. Le Ministère tente en ce moment de recueillir des données plus fiables sur l'assistance sociale. De plus, les activités du Ministère, pour ce qui est de l'analyse des taux de dépendance dans les réserves, seront en grande partie déterminées par des initiatives de portée générale, notamment celles qui suivront l'exercice actuel de réforme sociale. Le Ministère participe activement et pleinement à la réforme sociale. Néanmoins, il considère que les Premières nations sont parfaitement capables et désireuses de formuler leurs points de vue directement aux responsables de l'initiative fédérale de réforme sociale ainsi que d'analyser et de commenter l'incidence de tout changement éventuel. Le Ministère croit que les lois et autres mécanismes existants permettent de rendre compte au Parlement de façon convenable des opérations de ce programme d'assistance sociale. En outre, le Ministère considère qu'il serait plus pertinent d'attendre les résultats de l'initiative de la réforme de la politique sociale pour déterminer s'il est approprié ou nécessaire de constituer une autorité législative particulière pour le programme d'assistance sociale, ou d'entreprendre des négociations afin d'étendre l'application du Régime d'assistance publique du Canada .