Autres observations de vérification

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Introduction

2.5 Le présent chapitre traite de questions d'importance qu'il convient à notre avis de signaler à la Chambre des communes et dont nous n'avons fait état nulle part ailleurs dans le Rapport. Les questions signalées ont été relevées au cours de nos vérifications financières et de nos vérifications de conformité des comptes du Canada ou au cours de nos vérifications intégrées portant sur l'optimisation des ressources.

2.6 Le paragraphe 7(2) de la Loi sur le vérificateur général exige que le vérificateur général porte à l'attention de la Chambre des communes tous les cas importants où il a constaté que :

2.7 Chacune des questions d'importance signalées dans le présent chapitre a été examinée conformément aux normes de vérification généralement reconnues et, par conséquent, nos vérifications ont comporté les sondages et autres procédés que nous avons jugés nécessaires dans les circonstances. Les questions signalées ne devraient pas servir à tirer des conclusions au sujet de points que nous n'avons pas examinés. Les cas que nous avons observés sont décrits dans le présent chapitre, sous le nom du ministère approprié.

Observations sur les opérations des ministères

Le gouvernement du Canada

Recours inapproprié à l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture pour autoriser une dépense de 17,3 millions de dollars, dans le secteur des forêts, et défaut de signaler correctement la dépense au Parlement
Notre Bureau a déjà signalé dans le passé que le ministère de l'Agriculture utilisait fréquemment l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture ainsi que l'autorisation du gouverneur en conseil pour créer de nouveaux programmes. Cette façon de faire, jusqu'à récemment, se limitait au domaine de l'agriculture. En 1992, le gouvernement a eu recours à l'article 5 pour fournir une aide financière au Manitoba relativement aux dépenses que cette province avait engagées à la suite de feux de forêt en 1989. À notre avis, la Loi sur le ministère de l'Agriculture n'autorise pas l'engagement de dépenses en rapport avec les feux de forêt. Ce genre d'autorisation pourrait se trouver, entre autres, dans la Loi sur le ministère des Forêts ou dans la Loi sur les forêts. Parce qu'elle a évité l'utilisation de ces lois, l'opération n'a pu être signalée correctement au Parlement.

2.8 Contexte . Notre Bureau, en 1987 et à nouveau en 1989, a signalé l'érosion de l'obligation de rendre compte et du contrôle parlementaire par suite de l'utilisation faite par le ministère de l'Agriculture de l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture et de l'autorisation du gouverneur en conseil pour créer de nouveaux programmes. L'article 5 dispose que «le gouverneur en conseil peut attribuer au ministre d'autres pouvoirs ou fonctions.» Dans le cas d'un autre ministère, nous avions signalé que l'on donnait comme interprétation d'un article de loi au libellé semblable à celui de l'article 5 que celui-ci pouvait donner des pouvoirs reliés à des pouvoirs ou des fonctions déjà attribués, mais non octroyer le pouvoir d'en créer de nouveaux.

2.9 En dépit de cela, le ministère s'est prévalu à plusieurs reprises de cet article pour créer de nouveaux programmes et dépenser des milliards de dollars. Jusqu'en 1989, le ministère avait dépensé plus de trois milliards de dollars en se fondant sur l'article 5. Depuis lors, 900 millions de dollars supplémentaires ont été dépensés en vertu de cette autorisation. Comme l'indiquait le Rapport de 1989 du vérificateur général, le Parlement n'a guère l'occasion de débattre des programmes autorisés en vertu de l'article 5 et a peu de fondements pour les examiner de près, même si on lui demande de voter des argents pour financer ces programmes.

2.10 Jusqu'en 1992, les dépenses dont nous avons pris connaissance se limitaient à des questions agricoles. Toutefois, en 1992, le gouvernement s'est prévalu de l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture comme autorisation de dépenser 17,3 millions de dollars pour aider la province du Manitoba à payer les dépenses qu'avaient occasionnées les feux de forêt de 1989. À notre avis, la Loi sur le ministère de l'Agriculture présentement en vigueur ne prévoit aucun pouvoir en rapport avec des questions forestières. Cependant, l'article 9 de la Loi sur le ministère des Forêts et le paragraphe 3c) de la Loi sur les forêts autorisent de façon assez précise le ministre des Forêts à conclure des ententes avec les provinces à des fins de protection des forêts.

2.11 Ce qui suit englobe un bref rappel des principaux événements qui ont incité le ministère de l'Agriculture à défrayer les coûts qu'ont engendrés les feux de forêt :

2.12 Questions . À notre avis, l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture n'autorise pas le gouvernement fédéral à intervenir dans des questions forestières. Si l'on s'était prévalu des dispositions de la Loi sur le ministère des Forêts ou de celles de la Loi sur les forêts comme autorisation d'engager des fonds, le ministère des Forêts aurait eu à demander un budget supplémentaire pour fournir ces fonds.

2.13 Dans sa comptabilisation de l'opération, le ministère de l'Agriculture a soustrait les fonds versés pour les dommages attribuables aux feux de forêt du montant à recouvrer dans le cadre du Programme canadien d'aide aux agriculteurs victimes de la sécheresse, ce qui ne constitue pas une façon correcte de faire rapport de l'utilisation des 17,3 millions de dollars et ce qui, de ce fait, sous-estime du même montant les fonds prélevés du crédit 15 «Subventions et contributions». Les recettes non fiscales du ministère sont sous-estimées de ce même montant. L'opération a donc été menée sans l'autorisation appropriée et elle n'a pas été comptabilisée correctement dans les comptes.

2.14 Conclusion . À notre avis, la dépense aurait pu être engagée et déclarée correctement s'il y avait eu application de deux ententes différentes : une première entente entre la province du Manitoba et le ministre fédéral des Forêts pour le versement des 17,3 millions de dollars, et une deuxième entente conclue avec le ministre fédéral de l'Agriculture pour la contribution provinciale de 37,7 millions de dollars, en vertu du Programme canadien d'aide aux agriculteurs victimes de la sécheresse.

Commentaire du ministère : Le ministère de l'Agriculture est d'accord avec les faits tels qu'ils sont présentés ci-dessus. Toutefois, comme dans le passé, le ministère n'est toujours pas d'avis avec l'interprétation du vérificateur général de l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture. Les services juridiques du ministère de l'Agriculture appuient la position du ministère selon laquelle l'application de l'article 5 dans ce cas était juste.

Le ministère de l'Agriculture

Absence de contrôles appropriés sur les paiements versés à la Société du crédit agricole au titre des concessions à l'aide du Fonds d'examen de l'endettement agricole
Le ministère de l'Agriculture n'a pas exercé une gestion et un contrôle financiers efficaces sur des paiements de 160 millions de dollars provenant du Fonds d'examen de l'endettement agricole et qui ont été versés par le ministère depuis l'entrée en vigueur du Fonds, en décembre 1986, jusqu'au 31 mars 1992. À notre avis, le ministère doit voir à préciser clairement et à intégrer, au départ, dans ses programmes les modalités qui constituent le fondement des paiements ainsi que les documents requis en preuve et il doit également voir à ce que ces exigences soient clairement communiquées et comprises par tous les organismes participants. De plus, le ministère devrait voir à instaurer en temps opportun des procédés de vérification de conformité a posteriori.

2.15 Contexte . La Loi sur l'examen de l'endettement agricole est entrée en vigueur au mois de juin 1986 afin de faciliter les ententes financières entre agriculteurs et créanciers. La Loi donnait lieu à l'établissement d'un Bureau d'examen de l'endettement agricole dans chaque province. Les Bureaux devaient offrir des services de médiation aux agriculteurs en difficulté financière ou insolvables afin qu'ils puissent en arriver à une entente avec leurs créanciers. Le ministère de l'Agriculture gère et finance ces Bureaux d'examen.

2.16 La Société du crédit agricole (SCA) est une société en propriété exclusive de l'État et qui est le détenteur d'un volume important d'hypothèques agricoles, lesquelles, au moment de la création des Bureaux d'examen, formaient une partie importante de la dette agricole en difficulté. En décembre 1986, un décret du conseil émis en vertu de l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Agriculture , créait le Fonds d'examen de l'endettement agricole. Le décret autorisait le ministère de l'Agriculture à rembourser à la Société le montant de certains types de concessions aux agriculteurs, après médiation des Bureaux d'examen. Le remboursement consistait en un paiement à la Société du crédit agricole puisé à même le Fonds et versé au nom des agriculteurs concernés. Au départ, le montant total des dépenses autorisées à ce titre était de 30 millions de dollars, lequel montant fut augmenté de 300 millions de dollars en avril 1988.

2.17 Le décret du conseil fixait les conditions à respecter pour qu'une concession puisse être remboursée à la Société à même le Fonds. Premièrement, la SCA devait obtenir la certitude que l'agriculteur était capable de gérer ses affaires et qu'il possédait un plan d'exploitation établissant la viabilité future de son exploitation agricole. Deuxièmement, ne seraient pas remboursées les concessions de la Société aux agriculteurs qui seraient proportionnellement supérieures à celles accordées par d'autres créanciers garantis. Seule la Société pouvait puiser à même le Fonds.

2.18 Le ministère a approuvé les remboursements versés à la Société du crédit agricole à même le Fonds en se fondant sur une liste, présentée par la Société, des concessions accordées à chaque agriculteur. En conséquence, lorsque les remboursements ont été autorisés, le ministère ignorait si les concessions faites respectaient les modalités de remboursement prévues. Faire des paiements avant d'obtenir des preuves de conformité aux textes réglementaires est une procédure acceptable à la condition que les paiements soient rapidement suivis d'une vérification a posteriori de l'organisation à qui les paiements ont été versés afin d'obtenir l'assurance que les modalités d'admissibilité ont été respectées. Le décret du conseil attribuait justement au ministère le devoir d'agir ainsi. Toutefois, pour que la vérification a posteriori s'appuie sur une base raisonnable, il est essentiel : que le ministère s'assure que les modalités d'admissibilité sont clairement définies; que le bénéficiaire comprend et accepte ces définitions et accepte de fournir les documents exigés afin d'avoir la preuve suffisante et appropriée qu'il satisfait aux critères d'admissibilité; et que les vérifications a posteriori sont effectuées en temps opportun afin de s'assurer que l'on cerne tôt les problèmes et qu'on y trouve une solution rapidement.

2.19 En juin 1989, le service de vérification interne du ministère signalait qu'il n'y avait pas eu de vérifications a posteriori des paiements versés à la Société du crédit agricole par le ministère et recommandait à celui-ci de commencer à les effectuer. Nous avons également abordé ce point dans une lettre à la direction adressée au ministère à la suite de notre vérification des états financiers sommaires du Canada pour les exercices clos le 31 mars 1989 et aussi 1990 et 1991. Le ministère a accepté notre recommandation et a déclaré vouloir effectuer ces vérifications a posteriori en juin 1990 afin d'obtenir l'assurance que les réclamations payées étaient valides et afin d'évaluer, en ce qui a trait aux réclamations, les méthodes de traitement et les contrôles internes utilisés par la Société.

2.20 Les résultats de la première vérification a posteriori n'ont été présentés qu'en mars 1991, soit cinq ans après les premiers versements provenant du Fonds et après que le ministère eut autorisé des paiements de 120 millions de dollars, au 31 mars 1991. À notre avis, le ministère a mis trop de temps à faire effectuer les vérifications a posteriori pour évaluer si les remboursements provenant du Fonds étaient justifiés. Ce retard dans la réalisation des vérifications a posteriori est surprenant puisque l'on retrouve dans les registres du ministère des indications à l'effet que, dès 1988, l'on s'inquiétait de ce que certaines réclamations produites par la Société pourraient ne pas être conformes aux critères de viabilité établis dans le décret du conseil.

2.21 Le ministère a fait d'autres versements de quelque 40 millions de dollars, entre le 1er avril 1991 et le 31 mars 1992 après avoir reçu, en mars 1991 puis en décembre de la même année, des éléments probants indépendants qui découlaient de vérifications a posteriori, soulevant des préoccupations, à savoir, si les sommes déjà versées l'avaient été conformément aux dispositions du décret du conseil.

2.22 Afin d'évaluer si les concessions étaient conformes au décret du conseil, les vérificateurs indépendants retenus par le ministère pour effectuer les vérifications a posteriori ont établi des critères de vérification selon lesquels, entre autres choses, les dossiers de concession de la Société devaient contenir une documentation claire qui démontre la capacité de gestion; ils devaient aussi contenir des états financiers adéquats ainsi qu'un plan d'opérations satisfaisant qui démontre la viabilité future de l'entreprise agricole. Ils s'attendaient également que le plan d'opérations comprenne une analyse de l'effet net de la(des) concession(s) proposée(s) sur l'encaisse et la rentabilité de l'emprunteur. Enfin, ils ne croyaient pas qu'on puisse satisfaire au critère de proportionnalité si les créanciers privilégiés ne participaient pas au processus du Bureau d'examen de l'endettement agricole ou ne faisaient pas de concessions à l'emprunteur. En décembre 1991, les vérificateurs ont signalé que :

2.23 Au moment où s'est déroulée la vérification a posteriori, il n'existait pas de définition claire de la viabilité qui fasse l'accord de toutes les parties.

2.24 Question. À notre avis, les vérifications a posteriori n'ont pas constitué un contrôle de gestion financière significatif parce que le ministère n'a pas clarifié les modalités du décret du conseil (par exemple, les expressions «viabilité future» et «proportionnalité»); il n'a pas signalé à la Société l'obligation de fournir une information suffisante et appropriée du respect du décret du conseil; et il n'a pas effectué les vérifications a posteriori en temps opportun.

2.25 En mai 1992, alors qu'il restait moins d'un an pour faire approuver les paiements provenant du Fonds, le ministère et la Société du crédit agricole se sont mis d'accord sur des critères pour appuyer la question de la viabilité en se fondant sur une proposition du ministère. Celui-ci n'a effectué aucune recherche et aucune analyse lorsqu'il a élaboré la proposition présentée à la Société. Une recherche sérieuse sur cette question indique que ces critères sont vraiment trop optimistes car ils ne tiennent pas suffisamment compte, entre autres choses, de l'utilité d'établir une réserve suffisante pour dépenses imprévues et pour le remplacement du matériel, ou ne tiennent pas suffisamment compte de la capacité des personnes à supporter des diminutions mêmes légères des récoltes ou un léger affaiblissement des marchés.

2.26 En juin 1992, le ministère demanda et reçut une approbation par décret du conseil qui redéfinissait la proportionnalité. Le décret du conseil révisé requérait la Société d'agir comme tout autre créancier responsable dans des circonstances semblables, étant donnée sa position relative et la valeur nette de ses garanties.

2.27 Conclusion . À notre avis, le ministère se doit d'améliorer ses systèmes et ses procédés de façon à ce que les modalités établies pour le versement des paiements et les documents requis en preuve à ce titre soient clairement définis et intégrés à la conception de ses programmes. Il devrait aussi voir à ce que ces exigences soient clairement communiquées à tous les organismes participants et comprises par eux. De plus, le ministère devrait instaurer en temps opportun des vérifications a posteriori continues de la conformité pour tous les programmes en vertu desquels les paiements sont assujettis à cette forme de contrôle de gestion financière - habituellement, elles devraient avoir lieu moins d'un an après le début d'un nouveau programme. Nous avons exprimé des préoccupations semblables au sujet de l'efficacité des procédés de vérification a posteriori de la conformité, dans notre vérification de 1992 de l'optimisation des ressources des programmes de sécurité du revenu agricole.

Commentaire du ministère de l'Agriculture : Le ministère est d'accord, dans l'ensemble, avec le fondement de ces observations. Toutefois le ministère croit que sa façon de faire, en ce qui a trait à cet accord de contribution, s'inscrit dans la pratique ordinaire des relations entre organismes du gouvernement qui relèvent du même ministre en ce sens qu'il s'est fié, pour la gestion du Fonds, aux connaissances et à la compétence de la Société du crédit agricole. Le ministère, lorsque ses vérificateurs lui ont signalé des lacunes, a pris les mesures correctives pour résoudre les problèmes décelés.

Le ministère des Finances

Les arrangements fiscaux pour corporations étrangères affiliées coûtent des centaines de millions de dollars au Canada en manque à gagner fiscal
En 1987, le ministère des Finances a annoncé qu'il examinerait les règles fiscales visant la déductibilité des intérêts, le revenu de source étrangère et les corporations étrangères affiliées. Ces examens ne sont pas encore terminés. L'assiette fiscale risque de s'effriter, et le Canada a perdu des centaines de millions de dollars en recettes fiscales.

2.28 Contexte . Dans notre Rapport de 1986 (chapitre 4, Les dépenses fiscales), nous avons fait état de nos préoccupations au sujet des stratagèmes d'évitement fiscal. Nous avons signalé qu'il est à la fois légitime et recommandé que les contribuables fassent appel à des spécialistes dans le but de payer un minimum d'impôt. Toutefois, même s'ils peuvent donner lieu à des économies fiscales, ces conseils peuvent renverser ou réduire considérablement l'efficacité des dispositions fiscales. Contrairement aux dépenses fiscales qui allègent le fardeau des contribuables qui ont rempli des conditions qui aideront le gouvernement à réaliser des objectifs économiques ou sociaux précis, ces stratagèmes ne se rapportent à aucun objectif législatif précis et pourraient habituellement être considérés comme allant à l'encontre de l'esprit général de la loi.

2.29 Ces stratagèmes d'évitement fiscal ont aussi un effet défavorable sur l'équité et l'intégrité du régime fiscal et sur les attitudes envers l'observation spontanée de la loi. Habituellement, ce ne sont que les personnes qui ont les moyens de se payer des conseils coûteux qui ont accès à ces stratagèmes. Ceux qui n'en ont pas les moyens peuvent alors se voir refuser un traitement équitable ou impartial.

2.30 Reconnaissant qu'il est pratiquement impossible de prévoir tous les stratagèmes d'évitement fiscal, nous avons recommandé en 1986 que le gouvernement élimine les mécanismes qui les permettent, dès qu'il les décèle.

2.31 Dans son rapport du 20 décembre 1989 concernant un problème d'évitement de la taxe fédérale de vente, le Comité permanent des comptes publics a recommandé que le ministère des Finances veille à ce que l'évitement fiscal fasse l'objet d'une étroite surveillance et à ce que des solutions aux pertes considérables de recettes fiscales soient proposées le plus tôt possible après qu'on se soit rendu compte de l'existence d'un problème.

2.32 Les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui se rapportent aux corporations étrangères affiliées et au revenu de source étrangère sont complexes, comme le sont les arrangements pour les corporations étrangères. Nous avons l'intention d'expliquer la situation fidèlement et sans complexité indue. Nous sommes préoccupés par les opérations qui peuvent être structurées de façon à circonvenir l'intention de la loi.

2.33 Questions . En 1987, le ministère des Finances a annoncé qu'il étudierait les règles fiscales visant la déductibilité des intérêts, le revenu de source étrangère et les corporations étrangères affiliées. Ces études ne sont pas encore terminées.

2.34 Les arrangements fiscaux pour les corporations étrangères affiliées constituent un secteur de préoccupation pour le ministère du Revenu national, Impôt (RNI). À maintes reprises, ce ministère a avisé le ministère des Finances de ses inquiétudes au sujet de la loi existante.

2.35 Déductibilité de l'intérêt . D'une manière très générale, la loi permet à une corporation résidante au Canada de déduire l'intérêt sur les fonds qu'elle emprunte pour investir dans une corporation étrangère affiliée. Il n'est pas nécessaire de rapprocher les frais d'intérêt relatifs à cet investissement avec les revenus qu'il génère.

2.36 Quand une société canadienne exploite une entreprise à l'étranger, par l'intermédiaire d'une corporation affiliée, les frais d'intérêt liés à son investissement dans la corporation étrangère affiliée peuvent être déduits au Canada, alors que le revenu connexe est déclaré dans le pays étranger. Le ministère des Finances nous a fait savoir que ce traitement est conforme à celui des autres pays et qu'il est conçu pour encourager la compétitivité internationale.

2.37 Cette déduction d'intérêt réduit les recettes fiscales du Canada, et le revenu connexe n'est pas nécessairement assujetti à l'impôt au Canada; il peut être reçu en tant que dividende exonéré et ne jamais apparaître dans l'assiette fiscale canadienne. Cette exemption se voulait un moyen de produire un effet semblable à celui qu'aurait eu un système canadien de crédits pour impôts étrangers.

2.38 Même si les dividendes de corporations étrangères affiliées dans des pays où l'impôt est élevé étaient inclus dans le revenu des corporations canadiennes, l'impôt canadien à payer serait neutralisé par les crédits canadiens au titre des impôts étrangers acquittés par les corporations étrangères affiliées. Cette situation ne produirait aucun impôt pour le Canada (procéder autrement engendrerait une double imposition), mais les corporations pourraient déduire de leur revenu au Canada tous les frais d'intérêt connexes.

2.39 Même si le système d'exemption était supprimé, il resterait la question du report. Autrement dit, les frais d'intérêt de la corporation canadienne seraient déductibles dans l'année courante, mais les dividendes de ses corporations étrangères affiliées ne seraient inclus dans le revenu qu'au moment où ils seraient reçus.

2.40 Si les taux d'imposition canadiens sont plus élevés que dans d'autres pays, on est incité à engager et à déduire des frais d'intérêt au Canada.

2.41 En 1990, le ministère des Finances nous a avisés que la question du rapprochement des frais d'intérêt et du revenu connexe faisait l'objet d'«un examen approfondi...dans le but d'élaborer une politique fiscale judicieuse».

2.42 Dividendes exonérés de corporations étrangères affiliées . Les règles sur les corporations étrangères affiliées permettent à une corporation canadienne de percevoir de ses corporations étrangères affiliées admissibles un revenu d'entreprise exploitée activement, sans payer d'impôt sur ce revenu au Canada. Pour être admissible, la corporation étrangère affiliée doit être résidante de l'un des pays désignés dans le Règlement de l'impôt sur le revenu (voir la pièce 2.1 ), et le revenu d'entreprise exploitée activement doit être gagné dans un pays qui est ainsi désigné ou encore au Canada. Les dividendes ne sont pas assujettis à l'impôt canadien, car on considère que le revenu a été imposé par un État étranger, à un taux à peu près équivalant aux taux canadiens. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'exonération des dividendes se voulait un moyen de produire un effet semblable à celui qu'aurait eu un système canadien de crédits pour impôts étrangers.

2.43 Comme le montre la pièce 2.1 , un certain nombre des pays désignés ont des taux d'imposition faibles ou sont de véritables paradis fiscaux, et certains types de revenu qui y sont gagnés pourraient ne pas être assujettis à un taux semblable à ceux du Canada.

2.44 De plus, une corporation étrangère affiliée, dans un pays non désigné, peut techniquement être résidante d'un pays désigné; les dividendes qu'elle rapporte peuvent ensuite être transférés à la corporation canadienne en franchise d'impôt canadien, même si le revenu auquel ils correspondent n'a pas été imposé à un taux à peu près équivalent aux taux canadiens. Le ministère du Revenu national, Impôt est au courant qu'un certain nombre de contribuables ont utilisé ce moyen pour être en mesure de transférer 500 millions de dollars au Canada en franchise d'impôt.

2.45 Déterminer le lieu de résidence est une affaire complexe et une question de fait.

2.46 Le système devait assurer que le revenu qui entre au Canada soit imposé par le Canada si le revenu n'avait pas déjà été assujetti à l'impôt par un pays étranger à un taux semblable aux taux canadiens. Mais, dans bien des cas, ce n'est pas ce qui se passe.

2.47 Pour compliquer encore plus les choses, le revenu étranger d'une corporation canadienne qui est exonéré ou peu imposé donne droit, sur les dividendes versés aux actionnaires canadiens, aux mêmes crédits d'impôt fédéral et provinciaux que le revenu de source canadienne, qui est pleinement imposé. Le revenu gagné dans un paradis fiscal peut donc faire l'objet d'un traitement de faveur par rapport à celui qui est gagné au Canada et qui est assujetti à l'impôt canadien. À notre avis, cela revient à un encouragement à maximiser le revenu de corporations étrangères affiliées. En 1990, le ministère des Finances nous a informés que le montant des crédits d'impôt demandés dans ces cas-là «n'est probablement pas assez important pour justifier une mesure législative».

2.48 Dividendes imposables de corporations étrangères affiliées. Les dividendes reçus de corporations étrangères affiliées non admissibles, soit les sociétés résidantes d'un pays non désigné dans le Règlement de l'impôt sur le revenu , et les dividendes provenant de revenus autres qu'un revenu d'entreprise exploitée activement, gagnés par des corporations étrangères affiliées, sont considérés comme provenant d'un surplus imposable. Ces dividendes sont assujettis à l'impôt lorsqu'ils entrent au Canada, un crédit étant accordé à la corporation canadienne au titre de l'impôt étranger acquitté par la corporation étrangère affiliée. Les sociétés sont donc incitées à reporter ces distributions ou à les masquer lorsque le revenu de la corporation étrangère affiliée est assujetti à des taux d'imposition étrangers inférieurs aux taux canadiens.

2.49 Grâce à un certain nombre de stratagèmes de «dépouillement des surplus», des excédents imposables sont convertis en excédents exonérés. On se sert également de «prêts en amont» pour dissimuler une distribution au Canada (la corporation étrangère distribue de l'argent à une corporation affiliée ou la société mère canadiennes par la voie d'un prêt ou d'un achat d'actions).

2.50 Problèmes connexes . Un certain nombre d'autres problèmes ont été constatés. Nous commentons l'un d'eux ci-dessous.

2.51 Revenu étranger accumulé, tiré de biens (FAPI) . Les règles sur le revenu étranger accumulé qui est tiré de biens sont un élément clé du régime actuel en vue de contrer le problème de l'évitement fiscal. Elles ont pour objet d'éliminer l'avantage fiscal résultant des revenus d'investissements passifs, par exemple des intérêts dans le cas d'une corporation étrangère affiliée contrôlée, où le revenu d'investissement passif gagné par la corporation étrangère affiliée est attribué aux actionnaires canadiens.

2.52 Une des principales préoccupations tient au fait que la Loi de l'impôt sur le revenu ne définit pas ce qu'est un revenu actif ou passif dans le contexte des règles sur le revenu étranger accumulé qui est tiré de biens. L'absence d'une définition préoccupe le ministère du Revenu national, Impôt. Elle rend la loi difficile à appliquer et, pour le contribuable, difficile à respecter. La jurisprudence limitée indique que la signification du revenu d'entreprise exploitée activement aux fins des règles sur le revenu étranger accumulé tiré de biens peut provenir de la jurisprudence portant sur la signification d'avant 1979 d'une entreprise exploitée activement dans le contexte des règles sur la déduction accordée aux petites entreprises. La signification du revenu d'une entreprise exploitée activement aux fins des règles sur la déduction accordée aux petites entreprises a été modifiée par la suite par des modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu . Ces modifications n'ont pas eu d'application aux règles sur le revenu étranger accumulé tiré de biens. Ainsi, la signification du revenu passif dans le contexte des règles sur le revenu étranger accumulé tiré de biens pourrait être très restreinte. Par conséquent, il n'y a pas de garantie raisonnable que les règles seront appliquées dans tous les cas où elles le devraient.

2.53 La Règle générale anti-évitement (RGAE) a reçu force de loi en septembre 1988, après les arrangements fiscaux relativement aux corporations étrangères affiliées qui sont mentionnés au paragraphe 2.56. La règle s'appliquera aux arrangements fiscaux qui entraînent un mauvais usage des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ou un abus, si l'on tient compte de la loi lue dans son ensemble.

2.54 Nous ne sommes pas en mesure de fournir au Parlement l'assurance raisonnable que la règle aura des répercussions importantes en ce qui concerne les problèmes relevés dans cette note. Les arrangements fiscaux relativement aux corporations étrangères affiliées continuent d'être un sujet de préoccupation pour le ministère du Revenu national, Impôt et en septembre 1990, il a de nouveau informé le ministère des Finances de ses préoccupations. Au mois de septembre 1992, on n'avait pas émis de nouvelles cotisations en ayant recours à la règle.

2.55 Utilisation des règles par les contribuables . On se sert de ces règles pour :

2.56 Les Antilles néerlandaises, la Barbade et les Pays-Bas sont considérés comme des paradis fiscaux. Le ministère du Revenu national, Impôt a relevé les arrangements fiscaux suivants relativement à des corporations étrangères affiliées.

2.57 D'importantes sommes en recettes fiscales sont en jeu . Les cas mentionnés plus haut montrent l'étendue de la situation. Il y a aussi d'autres indicateurs de l'ampleur de ce problème.

De ce montant total de 92 milliards de dollars :

Une somme de 5,2 milliards de dollars a été «investie» dans des entreprises à la Barbade, qui est un paradis fiscal. En 1990, des sociétés canadiennes ont reçu plus de 400 millions de dollars en dividendes de compagnies de la Barbade. Le revenu d'entreprises exploitées activement, gagné à la Barbade, peut entrer au Canada en franchise d'impôt. Et il donne droit à des crédits d'impôt fédéral et provinciaux à l'égard des dividendes versés à des actionnaires canadiens.

Une somme de 10,9 milliards de dollars a été «investie» dans des entreprises à Chypre, en Irlande, au Libéria, aux Pays-Bas et en Suisse, pays qui sont tous considérés comme des paradis fiscaux. En 1990, des sociétés canadiennes ont reçu plus de 200 millions de dollars en dividendes d'entreprises de ces pays. Le revenu d'entreprises exploitées activement, gagné dans ces pays, peut entrer au Canada en franchise d'impôt. Et il donne droit à des crédits d'impôt fédéral et provinciaux sur les dividendes versés à des actionnaires canadiens.

Les déclarations de renseignements n'indiquent pas toute l'ampleur de l'activité financière entre les parties, au Canada et à l'étranger. Elles font seulement état des opérations qui sont en principe définies comme n'étant pas des opérations sans lien de dépendance. Par exemple, une société canadienne qui a une participation de 50 p. 100 dans une entreprise résidante d'un paradis fiscal désigné et qui, en 1990, avait reçu de cette dernière plus de 17,5 millions de dollars en dividendes de la non-résidante, n'était pas tenue de produire la déclaration de renseignements T106.

2.58 À notre avis, on peut raisonnablement conclure que des centaines de millions de dollars en recettes fiscales ont déjà été perdus et continueront d'être en jeu.

2.59 De l'avis du ministère des Finances, il n'est pas possible de quantifier le montant de recettes fiscales perdues sous le régime actuel ou de prédire si oui ou non le fait de modifier le régime actuel engendrerait un accroissement des recettes fiscales. Selon le ministère, tout changement à la loi de l'impôt serait accompagné de changements dans le comportement des contribuables. Dans cette optique, les contribuables tenteraient de structurer les opérations de façon à éviter tout impôt supplémentaire, et où cela ne serait pas possible, ils n'effectueraient même pas d'opérations. Dans un cas comme dans l'autre, le ministère croit qu'on ne sait pas au juste jusqu'à quel point le fait de changer les règles procurerait davantage de recettes fiscales au gouvernement.

2.60 Cependant, les règles fiscales sur le revenu de source étrangère et qui concernent les corporations étrangères affiliées sont en place depuis 16 ans environ. Nous reconnaissons que ces problèmes sont complexes et qu'ils ne sont pas uniques au Canada. Néanmoins, l'assiette fiscale risque de s'effriter, et les pertes se poursuivront tant qu'on ne prendra pas des mesures pour les régler.

2.61 Il importe que l'étude de la déductibilité de l'intérêt, du revenu de source étrangère et des sociétés étrangères affiliées, déjà annoncée, soit achevée. Lorsque des modifications seront présentées au Parlement, un énoncé de l'esprit de la loi devrait les accompagner de sorte que le gouvernement puisse par la suite être comptable de ses actions.

Commentaire du ministère : La note de vérification soulève certaines préoccupations quant au régime d'imposition des sociétés étrangères affiliées et du revenu de source étrangère. Le vérificateur général déclare, en particulier, que des centaines de millions de dollars en recettes fiscales sont perdus. Cette déclaration n'est pas corroborée. Le régime actuel de société étrangère affiliée reflète de façon précise l'esprit de la politique du Parlement et prévoit l'imposition de tout revenu qui est destiné à être soumis à l'impôt sur le revenu. Qui plus est, tout gain théorique de recettes fiscales qui pourrait être réalisé en modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu serait largement effacé par suite de changements de comportement chez les contribuables. Plus précisément, toute modification d'importance aux règles actuelles aurait pour résultat le déménagement à l'étranger d'un grand nombre d'entreprises. Cela affaiblirait l'économie du Canada sans générer aucune recette fiscale supplémentaire.

Nonobstant le fait que les règles concernant la société étrangère affiliée n'engendrent pas la perte de revenus que déclare le vérificateur général, dans bon nombre de cas, les préoccupations soulevées par le vérificateur général sont aussi celles du ministère des Finances et ont fait l'objet d'analyses approfondies et de mesures correctives au cours des dernières années. Toutefois, les dispositions sur les sociétés étrangères affiliées et le revenu de source étrangère comptent parmi les plus complexes de la Loi de l'impôt sur le revenu et, bien que leur application semble souvent aboutir à des résultats contestables, il n'en demeure pas moins que ces résultats découlent de considérations générales fondamentales. En conséquence, avant d'examiner chacune des préoccupations du vérificateur général, il est important de donner quelques précisions sur certaines des considérations fondamentales dont il faut tenir compte lors de l'élaboration d'un régime d'imposition du revenu de source étrangère.

Historique. En particulier, le Canada est aux prises avec deux objectifs incompatibles. L'objectif de l'efficacité économique nécessite un régime qui garantit la neutralité des exportations de capitaux. Cet objectif est atteint lorsque le revenu de source étrangère est soumis au même taux d'imposition réel que le revenu de source canadienne, ce qui laisse les contribuables indifférents, du moins sur le plan fiscal, quant à la destination -- canadienne ou étrangère -- de leurs investissements. Inversement, l'objectif du maintien de la compétitivité nécessite un régime qui assure la neutralité des entrées de capitaux. Pour ce faire, les Canadiens qui investissent à l'étranger doivent être imposés au même taux réel que les résidents du pays étranger en question. Sur le plan fiscal, un tel régime permet de maintenir l'équilibre entre les entreprises canadiennes et étrangères multinationales.

Dans un monde où les régimes fiscaux sont aussi différents que les pays qui les adoptent, il est impossible d'atteindre la neutralité des exportations et des entrées de capitaux. Aussi, le Canada a-t-il opté pour un régime qui garantit la neutralité des exportations de capitaux pour ce qui est de certains types de revenus, et la neutralité des entrées de capitaux pour ce qui est d'autres types de revenus. Plus précisément, dans le cas du revenu passif (c'est-à-dire le revenu de placements comme les intérêts, les dividendes et les loyers), la crainte du point de vue de la politique fiscale est que les contribuables tentent d'abriter leurs revenus dans des paradis fiscaux en vue de différer le paiement de l'impôt canadien. C'est pourquoi la Loi de l'impôt sur le revenu renferme des dispositions communément appelées les règles sur le revenu étranger accumulé, tiré de biens. Ces règles ont pour objet de veiller à ce que le revenu passif gagné par certaines sociétés étrangères affiliées s'accumule et soit soumis à l'impôt canadien régulièrement (c'est-à-dire annuellement), ce qui élimine les risques de report et supprime, par le fait même, l'incitation fiscale à déplacer son revenu vers l'étranger.

Pour assurer le maintien de la compétitivité des entreprises canadiennes sur le plan international, le revenu d'une entreprise exploitée activement qui est gagné à l'étranger par une société étrangère affiliée n'a pas à être accumulé et n'est soumis à l'impôt que dans le pays étranger. De plus, lorsque ce type de revenu est gagné dans un «pays désigné» (de façon générale, un pays avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale), il est possible de le ramener au Canada en franchise d'impôt (en le versant sous forme de dividendes). La capacité de toucher des dividendes en franchise d'impôt d'une société étrangère affiliée constitue, du moins en partie, un mécanisme de remplacement du crédit pour impôts étrangers dont la compagnie canadienne aurait pu profiter si elle avait exercé ses activités par l'intermédiaire d'une succursale étrangère plutôt que d'une filiale. Cette capacité permet aussi de veiller à ce qu'aucune règle fiscale n'intervienne pour empêcher les sociétés de réinvestir leurs revenus étrangers dans leurs activités au Canada.

Enfin, lors de la formulation de notre politique en matière d'imposition du revenu de source étrangère, il a été nécessaire de reconnaître que la mise sur pied d'un régime qui diffère beaucoup des normes internationales se traduit par des coûts importants. Comme nous l'avons indiqué plus loin, ces normes internationales sous-tendent en grande partie le principe voulant qu'il soit peu souhaitable de restreindre spécifiquement la déductibilité des intérêts sur de l'argent emprunté pour investir dans une société étrangère affiliée. Au bout du compte, le Canada se retrouve dans une position qui l'oblige à créer l'équilibre entre la théorie fiscale et les réalités économiques du marché international. Dans une large mesure, les normes internationales limitent les choix qui s'offrent au gouvernement canadien et, dans ce contexte, la politique du gouvernement tend de façon générale à favoriser la compétitivité plutôt que l'accroissement des recettes. Il n'en demeure pas moins que le ministère des Finances continue d'examiner le régime d'imposition du revenu de source étrangère, tant au Canada qu'à l'étranger, en vue de veiller à l'application équitable de la Loi de l'impôt sur le revenu et de maintenir un équilibre acceptable entre des objectifs de politique parfois incompatibles.

Évitement fiscal. La note de vérification commence par des observations générales sur le problème de l'évitement fiscal et laisse entendre que les mesures prises pour l'enrayer dans le domaine des sociétés étrangères affiliées sont insuffisantes.

Toutefois, la note passe sous silence le fait que de nombreuses modifications ont été apportées aux règles sur les sociétés étrangères affiliées au cours des dernières années. En outre, devant l'esprit créatif des contribuables en matière de conception de nouveaux stratagèmes d'évitement, il est souvent impossible soit de prévoir la mise en oeuvre du stratagème, soit d'adopter des dispositions législatives en vue d'y faire obstacle. C'est dans ce contexte que la règle générale anti-évitement a été incorporée à la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette règle, qui est en vigueur depuis 1988, a pour objet de doter Revenu Canada des outils législatifs nécessaires pour bloquer les opérations d'évitement non prévues. Bien que cette règle soit relativement nouvelle, on prévoit que Revenu Canada s'en servira de façon systématique en cas d'application abusive des dispositions fiscales. Plutôt que de tenter de s'attacher à chaque stratagème d'évitement, il est beaucoup plus utile de faire obstacle aux opérations d'évitement par l'application de la règle générale anti-évitement. Il est vrai que cette règle n'existe que depuis peu de temps, mais les milieux professionnels se sont vite aperçus que tout projet de planification fiscale devait en tenir compte.

Déductibilité des intérêts. La principale préoccupation soulevée dans la note porte sur la possibilité, pour les résidents canadiens qui empruntent de l'argent en vue d'acquérir des actions d'une société étrangère affiliée, de déduire, sous réserve des règles générales sur la déductibilité des intérêts, les intérêts sur cet argent comme s'il s'agissait d'une dépense, même si le revenu gagné par la société n'est pas systématiquement soumis à l'impôt canadien et peut, dans de nombreux cas, être ramené au Canada en franchise d'impôt.

Bien qu'un tel mécanisme entraîne de toute évidence une discordance entre le revenu et les dépenses, il est important de noter que cela est conforme, du moins historiquement, à la norme internationale. Le fait de s'écarter de cette norme (c'est-à-dire, refuser aux Canadiens une déduction pour intérêts alors que d'autres pays en accordent une à leurs résidents dans des circonstances semblables) aurait des conséquences importantes sur la compétitivité du Canada sur le plan international et au bout du compte, pourrait obliger bon nombre d'entreprises canadiennes soit à s'établir à l'étranger, soit à se retirer des marchés étrangers. De plus, il n'est pas toujours souhaitable que les dépenses liées à un investissement donné soient déductibles uniquement du revenu provenant de l'investissement. Par exemple, lorsqu'un investissement donne lieu à des pertes, une approche aussi limitée aurait pour effet de refuser aux contribuables une déduction pour de véritables dépenses d'entreprise et pourrait décourager l'investissement canadien dans de nouvelles entreprises. Enfin, la possibilité de ramener certains revenus au Canada en franchise d'impôt constitue à la fois un mécanisme de remplacement du crédit pour impôts étrangers applicable au revenu de source étrangère et une façon d'éliminer tout obstacle fiscal aux sociétés qui choisissent de réinvestir leurs gains étrangers dans leurs activités canadiennes.

Par conséquent, le gouvernement, tout en continuant de suivre les développements dans d'autres pays, s'abstient d'apporter des changements qui pourraient éventuellement nuire à la compétitivité du Canada sur le plan international. Comme nous l'avons indiqué plus haut, l'équilibre précis entre la neutralité des exportations de capitaux et celle des entrées de capitaux est difficile à atteindre. À cet égard, le Canada -- à l'instar de la plupart des pays industrialisés -- a choisi de favoriser la compétitivité internationale plutôt que l'accroissement des recettes. Cela n'empêche pas pour autant de rectifier les anomalies remarquées dans les règles existantes au fur et à mesure qu'elles sont identifiées.

Dividendes exonérés provenant de sociétés étrangères affiliées. La note de vérification réprouve le fait que les dividendes de sociétés canadiennes donnent droit au crédit d'impôt pour dividendes même lorsqu'ils sont versés sur le revenu de source étrangère qui n'a été soumis ni à l'impôt canadien ni, dans bon nombre de cas, à l'impôt étranger. La note fait également remarquer que, bien que la capacité de toucher des dividendes en franchise d'impôt («dividendes exonérés») soit censée être un mécanisme de remplacement du régime de crédit pour impôts étrangers, il est possible de toucher des dividendes exonérés d'une société étrangère affiliée même si celle-ci est établie dans un paradis fiscal et n'est pas, par conséquent, soumise à l'impôt étranger. À cet égard, le vérificateur général donne certains exemples d'opérations prétendument abusives et conclut que des centaines de millions de dollars en recettes fiscales sont perdus.

Le crédit d'impôt pour dividendes est essentiel à l'élimination de la double imposition. Cet objectif est tout aussi valable dans le contexte du revenu de source canadienne que dans celui du revenu de source étrangère. La possibilité pour les sociétés étrangères affiliées de verser des dividendes exonérés constitue en outre un fort encouragement pour d'autres pays d'entreprendre des négociations en vue de la conclusion de conventions avec le Canada, ce qui aide également à éliminer la double imposition en général.

En outre, le crédit d'impôt pour dividendes est tout autant un moyen d'encourager l'investissement dans l'entreprise canadienne qu'il est un crédit applicable aux impôts payés par les sociétés. Dans ce contexte, la composition exacte du revenu d'une société importe peu. Dans le régime fiscal canadien, les gains ne sont pas ventilés selon leur source. Les fonds sont plutôt confondus, et le crédit d'impôt pour dividendes peut s'appliquer à l'ensemble des gains, peu importe le montant intrinsèque d'impôt que la société a payé. Sur le plan pratique, l'élimination du crédit d'impôt pour dividendes relatif aux dividendes versés sur les gains de source étrangère n'aurait pour effet que d'obliger les sociétés à verser des dividendes uniquement sur leurs gains de source canadienne. De plus, les exemples donnés dans la note ne font aucunement état de la mesure éventuelle dans laquelle les dividendes exonérés provenant de sociétés étrangères affiliées sont transmis aux contribuables canadiens, qui ont droit au crédit d'impôt pour dividendes. Aussi, est-il difficile d'affirmer que l'existence du crédit d'impôt pour dividendes à l'égard du revenu de source étrangère pose un grave problème.

Pour ce qui est de la possibilité pour les sociétés de toucher des dividendes de sociétés étrangères affiliées établies dans des «pays désignés» qui sont aussi des paradis fiscaux, la politique du Canada a toujours été de ne désigner un pays qu'une fois entamées avec lui des négociations en vue de la conclusion d'une convention fiscale. Dans certains cas, les négociations étaient entreprises, mais aucune convention n'était ratifiée. En dépit de cela, certains pays continuaient d'être désignés dans l'espoir qu'une convention fiscale serait conclue à une date ultérieure. Cependant, depuis le début des années 1980, le Canada a pour politique générale de ne pas désigner les pays qui sont considérés comme des paradis fiscaux, ni de conclure des conventions fiscales avec eux. Toutefois, des difficultés se présentent lorsqu'un pays légifère en vue d'accorder des avantages fiscaux une fois la convention conclue avec le Canada. À cet égard, bon nombre de pays qui accordent de tels avantages ne sont pas si différents du Canada, qui offre aussi des avantages limités afin de stimuler certains secteurs de l'économie.

Il n'en demeure pas moins que le ministère des Finances est à étudier un certain nombre de propositions concernant ces questions. Notamment, la liste des pays désignés fait l'objet de révisions continues pour tenir compte des changements de notre réseau de conventions. C'est ainsi qu'on y ajoute des pays avec lesquels des conventions fiscales ont été conclues et qu'on retranche ceux avec lesquels les conventions ne sont pas en vigueur. En outre, la Loi de l'impôt sur le revenu et son règlement renferment diverses dispositions qui veillent à ce que le revenu gagné dans les paradis fiscaux ne puisse pas, de façon générale, être ramené au Canada en franchise d'impôt. Lorsque l'on pense qu'une société étrangère affiliée établie dans un paradis fiscal a tenté de se soustraire à l'application de ces règles, le stratagème employé est examiné par Revenu Canada à la lumière soit des règles précises contenues dans la loi de l'impôt sur le revenu, soit de la règle générale anti-évitement.

Dividendes imposables provenant de sociétés étrangères affiliées. La note de vérification avance qu'il existe peut-être une incitation pour les sociétés étrangères affiliées à reporter la distribution de leur revenu en vue de différer le paiement de l'impôt canadien, et ce, même si elles sont dans l'impossibilité de verser des dividendes exonérés. La note donne aussi certains exemples de cas où les règles sur les sociétés étrangères affiliées ont peut-être été contournées.

Une fois de plus, pour établir une politique cohérente en matière de report de revenus, il faut peser les avantages de la neutralité des exportations de capitaux et ceux de la neutralité des entrées de capitaux. Ainsi, dans le cas où il est raisonnable de conclure que la principale raison de gagner un revenu d'une société étrangère affiliée, ou d'y laisser un revenu, consiste à se soustraire à l'impôt canadien, les règles sur le revenu étranger accumulé, tiré de biens sont censées veiller à ce que le revenu s'accumule et soit systématiquement soumis à l'impôt canadien. En revanche, lorsqu'un revenu est gagné ou laissé à l'étranger pour des raisons commerciales légitimes, le maintien de la compétitivité exige que le revenu ne soit imposé qu'une fois ramené au Canada.

Autres problèmes connexes. Les règles sur le revenu étranger accumulé, tiré de biens -- qui ont pour objet d'empêcher les contribuables de soustraire leurs revenus de placements à l'impôt canadien en les gardant à l'étranger -- sont fondées sur la distinction entre le revenu actif et le revenu passif (ce dernier étant le seul qui soit soumis à l'impôt au fur et à mesure qu'il s'accumule). La note de vérification déplore le fait que ces termes ne sont pas définis. Elle met de l'avant une liste d'exemples qui prétendument démontrent avec quelle facilité apparente l'évitement fiscal se produit.

Bien que la loi de l'impôt sur le revenu ne précise pas en quoi consistent le revenu actif et le revenu passif, la politique qui sous-tend ces notions est bien comprise par le milieu des affaires. Les termes ont également fait l'objet de commentaires détaillés de la part des tribunaux, et les principes qui les caractérisent sont bien établis. C'est pourquoi le commentaire du vérificateur général selon lequel «nous n'avons pas l'assurance que les règles s'appliqueront dans les circonstances voulues» est peu fondé.

La note de vérification contient une liste d'exemples qui sont trompeurs. Tout d'abord, dans bon nombre de ceux-ci, le revenu en question semble être un revenu étranger accumulé, tiré de biens et, à ce titre, devrait s'accumuler et être régulièrement soumis à l'impôt canadien. En outre, bon nombre des exemples semblent représenter des cas d'évitement que Revenu Canada pourrait vraisemblablement examiner à la lumière soit des dispositions anti-évitement précises contenues dans la loi de l'impôt sur le revenu, soit de la règle générale anti-évitement. Par conséquent, l'affirmation voulant que des centaines de millions de dollars en recettes fiscales soient perdus n'est pas corroborée par les exemples et n'est donc pas fondée.

Conclusion. Bien que le vérificateur général ait soulevé un certain nombre de préoccupations relatives à l'application des règles sur les sociétés étrangères affiliées qui ont un effet défavorable sur les recettes de l'État, il n'a pas indiqué que la plupart des préoccupations découlent de décisions de principe réfléchies de la part du gouvernement et témoignent de la volonté de celui-ci de favoriser la compétitivité internationale plutôt que l'accroissement des recettes. De plus, il a exagéré l'incidence des règles sur la perception des recettes tout en minimisant la mesure dans laquelle certaines questions ont déjà été réglées par l'application des dispositions législatives existantes. Il ne serait pas prudent d'instaurer un système d'imposition du revenu de source étrangère qui s'écarte de façon substantielle des normes internationales et omet de prendre en considération comme il se doit la question de la compétitivité. Dans cette optique, les coûts au plan de l'économie, inhérents au fait de modifier la législation sur l'impôt sur le revenu afin de tenir compte des préoccupations apparentes du vérificateur général, dépasseraient de beaucoup tout gain marginal sur les recettes qui pourrait être réalisé par ce moyen.

Le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie

Non-respect du Règlement sur les marchés de l'État et paiement à un organisme de service qui a eu pour effet d'éviter l'annulation de fonds non utilisés en fin d'exercice
Le Secrétariat de la prospérité, au ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie a conclu 22 marchés «non concurrentiels» d'une valeur de 3,3 millions de dollars qui, à notre avis, n'étaient pas conformes au Règlement sur les marchés de l'État. Le ministère a aussi versé à un organisme de service 2,5 millions de dollars, ce qui a eu pour effet d'éviter l'annulation de fonds non utilisés à la fin de l'exercice 1991-1992. La présente note est fondée sur les résultats de la vérification de tous les marchés conclus par le Secrétariat de la prospérité. Nous avons effectué cette vérification afin d'établir la mesure dans laquelle les activités liées aux marchés respectaient les dispositions du Règlement sur les marchés de l'État et la Loi sur la gestion des finances publiques.

Non-respect du Règlement sur les marchés de l'État
2.62 Contexte . Les marchés publics ont pour objectif d'acquérir des biens et des services «... de la manière la plus rentable ou, le cas échéant, de la manière la plus conforme aux intérêts de l'État et du peuple canadien.»

2.63 De plus, la politique du gouvernement sur les marchés d'approvisionnement indique que les marchés publics doivent pouvoir «résister à l'examen du public au chapitre de la prudence et de l'intégrité, encourager la concurrence et constituer une dépense équitable de fonds publics.»

2.64 Le recours au processus d'appel d'offres concurrentiel s'applique pour tous les marchés, sauf dans les circonstances où on satisfait à un des quatre critères suivants :

2.65 Lorsqu'une offre de marché ne présente pas l'une des possibilités susmentionnées, le ministère qui voudrait conclure un marché non concurrentiel doit obtenir au préalable un décret du Conseil autorisant la dérogation aux dispositions du Règlement.

2.66 Questions . Le 24 mai 1991, le Conseil du Trésor a approuvé la création d'un Secrétariat provisoire de la prospérité pour que le Cabinet examine l'ordre du jour et le calendrier proposés à cet égard. Cet organisme a un budget de 21,6 millions de dollars étalé sur deux ans. L'un des objectifs du Secrétariat est d'accroître la compétitivité du Canada, tant sur la scène nationale qu'internationale.

2.67 Le projet «Initiative de la prospérité» a été lancé publiquement le 29 octobre 1991. Le but de ce projet, entre autres choses, était d'effectuer, à partir de l'automne 1991, quelque 200 consultations populaires et régionales. Afin de réaliser ces activités et d'autres tâches, le Secrétariat de la prospérité a conclu verbalement 22 marchés non concurrentiels dont la valeur allait de 35 000 $ à 743 000 $, soit au total 3,3 millions de dollars. Ces marchés conclus de vive voix et juridiquement valables ont été par la suite confirmés par le ministère des Approvisionnements et Services, sous forme de contrats écrits.

2.68 Le Secrétariat de la prospérité, lorsqu'il a conclu ces 22 marchés non concurrentiels, n'a pas respecté le Règlement sur les marchés de l'État. Le Manuel du Conseil du Trésor stipule, en ce qui a trait à l'interprétation à donner du Règlement autorisant les marchés non concurrentiels, que «les urgences sont ordinairement inévitables et exigent des mesures immédiates qui empêchent la stricte application de la procédure établie pour les soumissions résultant des appels d'offres. Une urgence peut être un danger pour la vie, réel ou imminent, un désastre qui menace la qualité de la vie ou qui a causé la mort, ou encore un événement pouvant conduire à des pertes ou à des dommages importants pour les biens de l'État.» Aucune «urgence», au sens où l'entend le Conseil du Trésor, ne venait justifier l'un ou l'autre des marchés conclus par le Secrétariat de la prospérité en vue de consultations populaires. Les trois autres critères d'exception ne pouvaient être invoqués pour cette non-conformité au Règlement. Les 22 marchés avaient tous une valeur supérieure à la limite admise de 30 000 $ pour justifier une dérogation et avaient été conclus pour la réalisation de travaux directement liés à des consultations et à des communications auprès du public dont la réalisation avait été confiée à un certain nombre de personnes et d'entreprises différentes.

2.69 Conclusion . À notre avis, le Secrétariat de la prospérité n'a satisfait à aucun des critères prévus dans le Règlement sur les marchés de l'État pour se justifier d'avoir conclu des marchés non concurrentiels, et il n'a pas obtenu non plus l'autorisation par décret du conseil de déroger au Règlement.

Paiement versé à un organisme de service, qui a eu pour effet d'éviter l'annulation de fonds non utilisés en fin d'exercice
2.70 Contexte . En février 1992, le Secrétariat de la prospérité du ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie recevait du Cabinet l'autorisation d'engager des dépenses de deux millions de dollars pour une campagne publicitaire de quatre semaines qui devait se dérouler du 15 février au 15 mars 1992. Le 27 mars, le ministère signait un contrat de deux millions de dollars avec le Groupe Communication Canada (GCC), un organisme de service qui relève du ministère des Approvisionnements et Services, pour la réalisation de cette campagne publicitaire. Il a versé deux millions de dollars au Groupe avant la fin de l'exercice 1991-1992. Le ministère a également autorisé l'organisme à greffer à ce contrat un montant supplémentaire de 521 000 $, un surplus qui provenait d'un contrat antérieur. Les opérations du Groupe Communication Canada sont financées à l'aide d'un fonds renouvelable des approvisionnements, du ministère des Approvisionnements et Services, lequel est un fonds permanent.

2.71 La campagne publicitaire n'a eu lieu qu'au cours de l'exercice suivant. Industrie, Sciences et Technologie justifie le paiement fait en 1991-1992 dans un ajout manuscrit au contrat dans lequel il est dit que les fonds étaient requis immédiatement afin de pouvoir profiter de remises importantes sur l'achat d'espace publicitaire dans les médias.

2.72 Question . Le contrat que le ministère a signé avec le Groupe Communications Canada précisait que les dépenses étaient engagées pour l'exercice 1992-1993 et qu'ISTC acceptait qu'on lui facture immédiatement les services pour paiement en 1991-1992. À notre avis, ce paiement, en 1991-1992, a été effectué avant que cela soit nécessaire. Le ministère affirme qu'il a fait ce paiement afin d'obtenir des remises importantes à l'achat d'espace publicitaire dans les médias. Toutefois, le contrat passé avec le GCC visait la production de plusieurs espaces publicitaires à la télévision et l'impression de documents en format tabloïd. Il n'y est pas question d'achat d'espace publicitaire, sauf pour un contrat de publicité télévisée. Nous avons constaté qu'aucune remise n'avait été obtenue pour les contrats de production ou d'achat d'espace publicitaire.

2.73 La Loi sur la gestion des finances publiques autorise des paiements anticipés, si ce genre de paiement est stipulé dans le contrat. À notre avis, cependant, rien ne justifiait une telle stipulation dans ce contrat puisque le Groupe Communication Canada n'a pas effectué de paiements anticipés à ses fournisseurs au cours de l'exercice 1991-1992 et qu'il n'a obtenu aucune remise.

2.74 Conclusion . À notre avis, le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie a utilisé, pour ce paiement, des fonds tirés d'un crédit annuel qui ont été versés dans un fonds renouvelable, et permanent, des approvisionnements du ministère des Approvisionnements et Services. À notre avis, ce paiement a eu pour effet d'éviter l'annulation de fonds non utilisés en 1991-1992. Le paiement de 2,5 millions de dollars n'incluait aucune remise et en conséquence, cette opération ne faisait rien épargner à la Couronne.

Commentaire du ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie : Non-respect du Règlement sur les marchés de l'État. Le Secrétariat de la prospérité a été mis sur pied le 14 juin 1991, de manière provisoire, pour les exercices 1991-1992 et 1992-1993. Il a reçu mission d'organiser et de mener un vaste processus consultatif, y compris des consultations populaires qui ont eu lieu dans 186 centres ruraux et urbains de tous les coins du Canada, des consultations nationales avec des guides d'opinion canadiens provenant des milieux d'affaires, du monde syndical, du secteur de l'enseignement, de la communauté autochtone et des groupes d'action sociale, ainsi que des pourparlers avec d'autres ministères et organismes fédéraux et des administrations provinciales.

Un plan opérationnel détaillé a été élaboré de sorte que le processus se déroule selon le calendrier établi par le gouvernement en vue de la production, d'ici l'automne 1992, d'un plan d'action sur la prospérité future du Canada. Dès le départ, l'on était conscient que le plan opérationnel devrait être constamment modifié et que le Secrétariat aurait toute latitude dans ses opérations pour tenir compte de changements de dernière heure. Par conséquent, il n'a pas toujours été possible de procéder par demande de soumissions ouvertes pour confier à contrat une partie de la charge de travail tout en respectant les délais pour l'obtention de résultats qui soient utiles et opportuns.

Paiement versé à un organisme de service, qui a eu pour effet d'éviter l'annulation de fonds non utilisés en fin d'exercice. Au cours des négociations contractuelles, le Ministère a reçu du Groupe Communication Canada une confirmation écrite du fait que le versement d'un paiement par anticipation l'aiderait à mieux négocier l'achat d'espace médiatique. Par la suite, nous avons passé un contrat avec le GCC, qui stipulait que nous devions verser un paiement par anticipation. Nous avons ensuite exécuté le contrat et respecté ses modalités.

Commentaire du ministère des Approvisionnements et Services : La transition du Groupe Communication Canada en organisme de service spécial a permis d'examiner les pratiques commerciales et financières afin que la probité et la rentabilité soient facilitées efficacement. Il est évident que la situation à laquelle le vérificateur général fait allusion découle certainement du résultat d'un malentendu que l'Examen des pratiques commerciales devrait à l'avenir pouvoir éliminer.

Le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social

Insuffisance des contrôles de gestion visant les marchés conclus dans le cadre de projets
Les gestionnaires de projet n'ont pas administré correctement des marchés évalués à cinq millions de dollars pendant l'étape de la planification du projet de remaniement des programmes de la sécurité du revenu. Pendant une période de deux ans, les contrôles visant à protéger les fonds publics ont été ignorés maintes et maintes fois. Les gestionnaires du ministère responsables des programmes et des finances n'ont pas exercé un contrôle efficace sur cette étape du projet.

2.75 Contexte . Les paragraphes 2.114 à 2.125 de notre Rapport de 1991 décrivaient une situation où certains gestionnaires du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (SNBS) ont outrepassé leurs pouvoirs et manqué aux nombreuses politiques et directives applicables aux pratiques de contrôle de la gestion de la trésorerie, des marchés et des voyages ainsi qu'à la préparation des rapports financiers. Nos observations étaient fondées sur les résultats d'une vérification interne effectuée par le ministère.

2.76 La situation décrite portait sur le projet de remaniement des programmes de la sécurité du revenu (PSR). Il s'agit d'un projet pluriannuel qui permettra de planifier, de définir et de mettre en oeuvre un nouveau système intégré de prestation de la Sécurité de la vieillesse, de Régime des pensions du Canada et des programmes d'allocations familiales. Le projet de remaniement des PSR se poursuivra jusqu'en 1997 et engendrera des coûts totaux évalués à 258 millions de dollars.

2.77 Le sous-ministre de la Santé nationale et du Bien-être social a demandé qu'une deuxième vérification interne soit réalisée et qu'elle porte sur l'administration générale des marchés conclus dans le cadre du projet de remaniement des programmes de la sécurité du revenu. L'étendue de la vérification englobait tous les marchés de service de plus de 10 000 $ qui avaient été signés pendant l'étape de la planification du projet. On a examiné ces marchés, qui totalisaient 5,6 millions de dollars, pour voir s'ils étaient conformes aux politiques du Conseil du Trésor et du ministère sur les marchés et aux autres pratiques de gestion financière. La vérification a été terminée en janvier 1992, et le rapport, daté de mai 1992.

2.78 Nos observations formulées ci-après reposent sur les constatations que renfermait le rapport de la deuxième vérification interne. Comme l'exige l'utilisation des travaux d'autres vérificateurs, nous avons examiné les dossiers de vérification à l'appui et conclu que les travaux avaient été effectués conformément aux normes professionnelles appropriées. Nous signalons les résultats de cette vérification interne en raison de l'étendue et de la gravité des manquements au contrôle et aussi en raison de l'envergure et de l'importance du projet de remaniement des programmes de la sécurité du revenu.

2.79 Question . La vérification interne a permis de constater que 22 des 23 marchés examinés n'avaient pas été gérés en pleine conformité avec les exigences législatives et avec les autres exigences applicables. On a à maintes reprises ignoré la Loi sur la gestion des finances publiques , le Règlement sur les marchés de l'État , les politiques et les directives du Conseil du Trésor ainsi que les propres politiques et procédés du ministère. En bref, il s'est produit une dégradation générale et répandue des contrôles de gestion, y compris les contrôles parlementaires fondamentaux, à l'étape de la planification du projet de remaniement des PSR.

2.80 Le moment où ces manquements sont survenus soulève d'autres préoccupations. Pour répondre à la vérification interne dont notre Rapport de 1991 faisait mention, les cadres supérieurs de la Direction des programmes de sécurité du revenu avaient indiqué que des mesures visant à renforcer le processus d'examen des marchés avaient été prises à l'automne de 1990. Toutefois, selon les conclusions de la deuxième vérification interne, des manquements aux contrôles visant les marchés et à d'autres contrôles financiers se sont poursuivis jusqu'en 1991. Il est clair que les premières mesures correctives ont été inefficaces.

2.81 Le Parlement a confié aux ministres et aux sous-chefs la responsabilité de contrôler et de dépenser les fonds publics par l'intermédiaire des lois de crédits, de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) et des règlements d'application connexes, comme le Règlement sur les marchés de l'État . Aux termes de la délégation écrite des pouvoirs de signer des documents financiers, les ministres et les sous-chefs délèguent ces responsabilités à des gestionnaires appropriés, au sein des ministères. Ils cherchent ainsi à déléguer les pouvoirs aux gestionnaires qui peuvent les exercer le plus efficacement et qui peuvent le mieux rendre compte des résultats obtenus. Nous donnons, ci-après, quelques exemples de circonstances où ce cadre de contrôle n'a pas été à la hauteur.

2.82 D'après la deuxième vérification interne, il est arrivé à maintes reprises que les gestionnaires responsables du projet de remaniement des programmes de la sécurité du revenu ont outrepassé leurs pouvoirs d'initiative des dépenses, soit de façon directe, soit dans le cadre d'un fractionnement des marchés. Le fractionnement des marchés a permis de garder la valeur des marchés individuels dans les limites des pouvoirs de signature délégués et, dans certains cas, en deçà des limites que le Conseil du Trésor avait imposées au ministère pour l'attribution d'un marché à un fournisseur exclusif. Ces pratiques ne sont pas conformes au Règlement sur les marchés du gouvernement .

2.83 Dans un cas, il s'est agi de dispositions prises pour obtenir des services de formation moyennant un paiement de plus de 350 000 $. Ce montant dépassait tant les pouvoirs d'initiative de dépenses des gestionnaires du projet que ceux du ministère. Il dépassait également la limite au-delà de laquelle le ministère des Approvisionnements et Services doit prendre part au processus d'attribution des marchés. Aucune preuve ne montrait que d'autres fournisseurs avaient été invités à soumissionner, et aucun document n'avait été préparé pour justifier l'attribution du marché à un fournisseur exclusif. Même s'il n'y a pas eu de contrat rédigé pour ces dispositions, le paiement a été effectué.

2.84 L'attestation de l'exécution et du prix du marché (article 34 de la LGFP) constitue un autre contrôle important. Les gestionnaires dûment autorisés attestent que les biens et les services ont été fournis conformément aux conditions du marché. La vérification interne a permis de constater que des gestionnaires du projet de remaniement des PSR demandaient à certains fournisseurs d'envoyer, avant la fin de l'exercice, des factures relatives à des travaux qui n'étaient pas encore terminés. Les gestionnaires du projet attestaient incorrectement ces factures, en vertu de l'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques et, ultérieurement, la Division des opérations de la comptabilité en autorisait le paiement, en vertu de l'article 33 de la LGFP. Les vérificateurs ont conclu que, contrairement à l'article 37 de la LGFP, les factures avaient été payées d'avance pour que les fonds correspondants ne soient pas annulés au 31 mars.

2.85 En tout, on a découvert des factures totalisant 446 000 $ qui avaient été préfacturées à la demande des gestionnaires du projet de remaniement des PSR et payées avant l'achèvement des travaux. Les marchés ne prévoyaient pas de prépaiements, les fonds avancés n'ont pas produit d'intérêt pour la Couronne et les fonds n'ont pas été protégés par des garanties d'exécution. Les vérificateurs ont aussi signalé que des factures avaient été payées, même si les tarifs demandés ne correspondaient pas aux contrats écrits.

2.86 Conclusion . Le rapport de vérification interne révèle de graves lacunes dans l'attribution des marchés et dans le paiement des services liés à l'étape de la planification du projet de remaniement des programmes de la sécurité du revenu. Les nombreux cas de non-conformité démontrent que les gestionnaires ne tiennent pas compte des contrôles dont l'objet est de protéger les fonds publics et font preuve d'un manque de souci de la prudence et de la probité.

2.87 Le projet de remaniement des PSR en est encore aux premières étapes. À notre avis, les manquements répétés aux contrôles fondamentaux de la part des gestionnaires de projet et, plus encore, le défaut, de la part des cadres supérieurs du ministère responsables des programmes et des finances, de corriger ces activités au cours de l'étape de la planification indiquent la nécessité de resserrer le cadre de contrôle de gestion au fur et à mesure que le projet avance.

Commentaire du ministère : Les cadres supérieurs de la Direction des programmes de sécurité du revenu avaient relevé, il y a plus d'un an, les problèmes dont fait état le vérificateur général. Dès octobre 1991, un nouveau cadre de contrôle de gestion avait été mis en place en vue expressément de resserrer les méthodes d'administration des marchés. Les cadres supérieurs de la Direction n'ont connaissance d'aucune lacune importante qui se serait manifestée depuis lors.

Les lacunes relevées dans les pratiques d'attribution des marchés étaient principalement concentrées dans le bureau chargé du projet de remaniement des PSR. Les travaux effectués par les vérificateurs internes du ministère ont mis au jour des particularités concernant la nature exacte des manquements au contrôle du processus d'attribution des marchés, et leur rapport a été soumis à l'examen de la Gendarmerie royale du Canada. Le ministère ne peut donc commenter les particularités de la situation.

Le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social

Le versement de prestations à des bénéficiaires qui ne sont plus admissibles donne lieu à d'importants paiements en trop au titre des pensions d'invalidité prévues par le Régime de pensions du Canada
On ne prête pas assez attention à la réévaluation de l'admissibilité aux avantages de la pension d'invalidité prévue par le Régime de pensions du Canada. Même si les résultats des travaux de vérification actuels révèlent que des sommes importantes sont versées à des bénéficiaires inadmissibles, il n'existe pas de méthode systématique de réévaluation. Des paiements en trop qui peuvent atteindre jusqu'à 65 millions de dollars par année se poursuivront tant que le processus de réévaluation ne sera pas amélioré et que les ressources nécessaires ne seront pas affectées à cette activité.

2.88 Contexte . Le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (SNBS) administre le Régime de pensions du Canada (RPC) par l'intermédiaire de la Direction générale des programmes de la sécurité du revenu. La Loi sur le Régime de pensions du Canada prévoit le paiement de pensions d'invalidité aux cotisants admissibles et le paiement de prestations à leurs enfants à charge. Une pension d'invalidité se compose d'une prestation à taux uniforme à laquelle s'ajoute 75 p. 100 du montant de la pension de retraite du cotisant. En 1992, le maximum des prestations mensuelles était de 784 $. En 1991-1992, près de 224 000 prestataires invalides et 70 000 enfants à charge ont touché des prestations qui totalisaient 1,8 milliard de dollars.

2.89 Pour être admissible à une pension d'invalidité, un demandeur doit être invalide aux termes du Régime de pensions du Canada . Ce régime stipule qu'une personne doit être «atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée.» Une invalidité est grave si elle rend la personne «régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice»; seuls les revenus tirés d'un salaire affectent l'admissibilité. L'invalidité est dite prolongée si elle semble «devoir vraisemblablement durer pendant une période longue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.»

2.90 Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada renferme une disposition sur la réévaluation de l'admissibilité à la pension d'invalidité, c'est-à-dire qu'elle peut être exigée «de temps en temps». Le ministère définit la réévaluation comme étant un examen régulier et prévu de l'admissibilité continue du prestataire. L'objectif est d'identifier les bénéficiaires qui ne répondent plus aux critères d'admissibilité et de stopper le paiement de leurs prestations.

2.91 Nous avons pris connaissance des problèmes que posait la réévaluation de l'admissibilité à la pension d'invalidité dans le cadre de nos travaux réguliers de vérification du régime, et nous avons continué à examiner la question parallèlement à notre vérification des programmes du ministère pour personnes âgées (qui doivent faire l'objet d'un rapport en 1993). Les pensions d'invalidité versées en vertu du régime ne font pas partie des programmes pour personnes âgées puisque les prestations de ce genre ne sont versées qu'aux personnes de moins de 65 ans. Nous signalons la question maintenant parce qu'il faut que des mesures soient prises rapidement pour solutionner le niveau continu des paiements en trop.

2.92 Question . Nous nous attendions à constater que les politiques et procédés du ministère permettraient de faire en sorte que les pensions d'invalidité ne soient payées qu'aux cotisants qui continuaient d'y être admissibles, en raison d'une invalidité grave ou prolongée. Nous avons constaté que ce n'était pas le cas.

2.93 Le ministère qualifie d'encombrants ses processus de réévaluation. Le soutien informatique est déficient, et certaines politiques et procédés ne sont pas officialisés. Par exemple, il n'existe pas de politique officielle pour fixer le niveau de revenus qui entraînera l'annulation de la pension d'invalidité. De plus, les activités actuelles de réévaluation ne sont ni uniformes ni effectuées en temps opportun.

2.94 Il existe un questionnaire de réévaluation qui peut être posté aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité (9 000 en 1991-1992) pour des raisons diverses. Il comprend des questions sur l'état de santé, sur les revenus et sur les autres types de prestations d'invalidité touchées par le prestataire. Il se fait un suivi pour s'assurer que tous les questionnaires sont retournés. Un bénéficiaire qui y manque peut voir ses prestations annulées immédiatement.

2.95 On nous a dit toutefois que l'on effectuait des réévaluations au moyen des questionnaires retournés seulement si les ressources le permettaient. Au cours des dernières années, afin de composer avec l'augmentation du nombre de clients et de la demande de service, on a accordé la priorité au traitement des nouvelles demandes. Résultat : les réévaluations ne sont effectuées que lorsque cela est essentiel, par exemple, quand un prestataire fournit de nouveaux renseignements au sujet d'un emploi.

2.96 Au début de 1988, le ministère a entrepris un projet visant à repérer les bénéficiaires de pensions d'invalidité qui avaient omis de déclarer des revenus d'emploi importants. Tous les dossiers actifs ont été comparés aux dossiers du Régime de pensions du Canada sur les revenus des prestataires. Cette comparaison a permis de déterminer que 31 000 bénéficiaires avaient touché des revenus après avoir été déclarés admissibles à une pension d'invalidité. Entre mars 1989 et mars 1991, 4 600 de ces comptes ont fait l'objet d'une réévaluation qui a entraîné l'annulation des prestations dans un cas sur dix. On a constaté que 360 d'entre eux n'étaient plus invalides et que huit millions de dollars avaient été versés en trop.

2.97 Les résultats du projet ont aussi révélé que 80 p. 100 des 4 600 bénéficiaires n'avaient pas été réévalués depuis qu'ils avaient obtenu le droit à une pension, certains cas remontant jusqu'à 1980-1981. Selon le rapport de projet, l'application permanente d'un programme de réévaluation des bénéficiaires qui touchent des revenus empêcherait que d'importantes sommes soient versées inutilement à des bénéficiaires qui ne sont plus admissibles à une pension d'invalidité. Même s'il se fait désormais une comparaison trimestrielle des revenus, on nous a dit ne pas avoir eu suffisamment de ressources pour faire des enquêtes sur ces comptes.

2.98 Dans une présentation de 1991 au Conseil du Trésor, le ministère prévoyait que la mise en oeuvre d'un nouveau programme de réévaluation de l'admissibilité à une pension d'invalidité donnerait lieu à des économies de 1,2 milliard de dollars sur neuf ans, c'est-à-dire jusqu'en 2000-2001. Récemment, il a entrepris un projet d'élaboration et de mise en oeuvre d'un nouveau processus de réévaluation de l'admissibilité. Le projet s'étendra sur deux ans et doit coûter 10 millions de dollars. La portée de ce projet englobera l'organisation de la fonction de réévaluation, les processus, les systèmes et les procédés, de même que la formation du personnel. L'un des avantages escomptés est la réduction du montant des paiements en trop.

2.99 Le ministère a reçu un rapport d'experts qui renferme des prévisions plus conservatrices, soit des économies de 730 millions de dollars pour la même période. Les données préliminaires ont indiqué que si des méthodes appropriées de tri et de présélection étaient en place, les prestations pourraient cesser dans une proportion de 30 à 35 p. 100 des comptes réévalués. Cependant, il est peu probable que les importants avantages auxquels devrait donner lieu l'actuel projet d'élaboration de nouveaux processus de réévaluation puissent être réalisés avant 1994-1995, ce qui représente un retard de deux ans par rapport au plan original. Entre temps se continuera le niveau élevé de paiements en trop à des bénéficiaires de pensions d'invalidité qui n'y sont plus admissibles. Cela entraînera des pertes d'envergure dans le compte du Régime de pensions du Canada. Le ministère estime que les versements en trop atteignent présentement jusqu'à 65 millions de dollars par année.

2.100 Conclusion . Les activités de réévaluation de l'admissibilité à une pension d'invalidité sont insuffisantes depuis de nombreuses années, même si le ministère possède des preuves solides que d'importantes sommes d'argent sont versées à des bénéficiaires inadmissibles. À notre avis, les mesures prises pour corriger cette situation sont insuffisantes tant pour ce qui est des activités courantes de réévaluation que pour ce qui est de l'élaboration d'un processus d'évaluation amélioré.

2.101 À titre d'administrateur du Régime de pensions du Canada, le ministère a la responsabilité d'en gérer le fonctionnement, y compris la réévaluation de l'admissibilité à une pension d'invalidité, de la façon la plus rentable possible, et ce, dans l'intérêt des cotisants et des bénéficiaires. Le ministère devrait prendre immédiatement des mesures pour rattraper l'arriéré dans le traitement des questionnaires et pour réévaluer les cas à la lumière des renseignements sur les revenus qui lui ont été communiqués. Le nouveau processus de réévaluation, qui est en voie d'élaboration, devrait, en plus de prévoir des critères de sélection pour la réévaluation des nouveaux demandeurs, comprendre des mesures qui permettent de déterminer les cas actuels qui doivent être réévalués en priorité.

Commentaire du ministère : Même si l'élaboration de processus de réévaluation révisés s'est faite plus lentement que prévu, plusieurs améliorations aux questionnaires et autres formulaires ont été introduites en janvier 1992. Par ailleurs, le ministère a reconnu la nécessité d'améliorer les processus de réévaluation de l'admissibilité à une pension d'invalidité de façon à composer avec une augmentation importante du volume de travail et il a fait un investissement considérable dans ce domaine en tant que composante du programme de remaniement des programmes de la sécurité du revenu. Cet important projet de la Couronne en est à l'étape de la définition. Le ministère cherche activement d'autres moyens de rattraper immédiatement l'arriéré de réévaluations tout en tenant compte des contraintes au niveau des ressources.

Le ministère du Revenu national, Impôt

Exonération d'impôt non autorisée sur l'intérêt réalisé par des corporations de «condominium»
Une pratique de cotisation qui n'est pas autorisée par la Loi de l'impôt sur le revenu permet aux corporations de «condominium» de retirer en franchise d'impôt des revenus d'intérêt pour le compte de leurs membres, les propriétaires individuels de «condominium». Cette exonération d'impôt n'est pas offerte aux propriétaires en général et elle viole le principe selon lequel le Parlement détient le droit de lever des impôts au moyen du processus législatif.

2.102 Contexte . Dans une entente administrative non autorisée par la loi, et dont traite la Circulaire d'information 79-7 (qui exclut le Québec), le ministère du Revenu national, Impôt permet à des corporations de «condominium» de gagner des intérêts exempts d'impôt sur l'argent qu'elles mettent de côté dans des fonds d'exploitation et de réserve pour défrayer certaines dépenses d'entretien. Les corporations de «condominium» réglementent l'utilisation du bien en copropriété, voient à la réparation des parties communes et fournissent d'autres services aux propriétaires.

2.103 La seule limite applicable est que les fonds d'exploitation et de réserve ne peuvent pas être maintenus à un niveau «déraisonnablement élevé» par rapport au but pour lequel ils ont été créés. L'expression «déraisonnablement élevé» ne fait toutefois l'objet d'aucune interprétation de la part du ministère.

2.104 Question . L'exonération d'impôt sur des intérêts tirés à même les fonds d'exploitation et de réserve d'une corporation de «condominium» procure indirectement des avantages aux propriétaires de condominium. Les propriétaires de résidences, qui n'habitent pas des condominium, doivent payer de l'impôt sur tout intérêt qu'ils ont perçu sur des fonds qu'ils mettent de côté pour l'entretien de leur résidence. Cette situation est source d'injustice; elle favorise les propriétaires de «condominium» au détriment des propriétaires d'autres types de résidences. Qui plus est, cette pratique de cotisation, en raison du fait qu'elle n'est pas autorisée par la Loi de l'impôt sur le revenu , viole le principe selon lequel le Parlement détient le droit de lever des impôts au moyen du processus législatif.

Commentaire du ministère : Les associations de copropriétaires sont établies non pour réaliser des bénéfices à long terme, mais pour l'entretien des parties communes du condominium concerné. La circulaire d'information 79-7 a été rédigée pour répondre aux questions soulevées par les lois provinciales, qui différaient d'une province à l'autre et n'avaient pas fini d'évoluer.

Le ministère étudie la situation des associations de copropriétaires à la lumière des lois provinciales actuelles et il mettra à jour sa circulaire d'information en conséquence.

Le ministère du Revenu national, Impôt et le ministère des Finances

Réclamations excessives aux fins du crédit d'impôt à l'investissement
Les contribuables ont la possibilité de réclamer des crédits d'impôt à l'investissement excessifs en gonflant la valeur de l'équipement usagé qu'ils cèdent lors de l'achat de machines neuves.

2.105 Contexte . Le crédit d'impôt à l'investissement est calculé à partir d'un pourcentage du coût en capital des biens admissibles spécifiques - essentiellement de nouvelles machines - qui doivent être utilisés pour des activités qui comprennent l'exploitation agricole, la pêche, l'exploitation forestière, la fabrication, la construction, la production de pétrole ou de gaz et l'exploration minière. Ces crédits sont entièrement déductibles des impôts qui doivent autrement être payés. Au début des années quatre-vingts, le ministère du Revenu national, Impôt (RNI) a pris connaissance d'une situation d'évitement fiscal où les crédits d'impôt à l'investissement réclamés étaient excessifs. Les contribuables qui achetaient de l'équipement neuf, avec reprise, structuraient les opérations de manière à accroître le coût en capital de l'équipement acheté, ce qui donnait lieu à l'attribution d'une valeur excessive aux fins du crédit d'impôt à l'investissement (voir la pièce 2.2 ). Même si les crédits d'impôt à l'investissement ont été considérablement réduits après 1988, ils s'appliquent toujours aux biens admissibles dans les Maritimes et dans les régions situées au large des côtes ainsi qu'aux dépenses de recherche et développement, partout au Canada.

2.106 En 1982, le ministère du Revenu national, Impôt a pris les mesures suivantes :

2.107 Un cas type d'attribution de crédit excessif a été porté à l'attention de la Cour canadienne de l'impôt, mais la décision rendue le 23 avril 1991 fut défavorable au ministère du Revenu national, Impôt [Zeiben c. Ministre du Revenu national]. Le ministère de la Justice a porté la cause en appel, mais il a abandonné cet appel quatre jours plus tard à la demande du ministère du Revenu national, Impôt. Nous ne savons pas très bien pourquoi le ministère s'est désisté. Il a décidé d'appliquer la décision de la Cour canadienne de l'impôt en faveur des 700 contribuables qui avaient vu les valeurs de reprise de leur équipement agricole réévaluées. Le ministère a obtenu un décret de remise d'impôt qui lui a permis de rembourser environ cinq millions de dollars au titre de l'impôt fédéral, des cotisations au Régime de pensions du Canada et de l'intérêt payé par ces contribuables. Les contribuables qui ont déclaré une juste valeur de reprise aux fins du crédit d'impôt à l'investissement, conformément aux principes comptables généralement reconnus, ne profiteront pas du décret de remise.

2.108 Question . Les contribuables ont maintenant la possibilité de gonfler la valeur de reprise de leur équipement usagé et, par conséquent, d'accroître le coût en capital de leurs achats de nouvel équipement. Ils peuvent donc accroître le montant de leurs crédits d'impôt à l'investissement et éviter l'impôt. De plus, cette situation crée une injustice entre les contribuables qui achètent de l'équipement au comptant seulement et ceux qui achètent de l'équipement au comptant avec une valeur de reprise pour leur équipement usagé.

Commentaire du ministère du Revenu national, Impôt : La Cour canadienne de l'impôt a conclu que le contrat d'achat et de vente entre les deux parties constituait l'élément de preuve le plus important et qu'il n'avait pas été discrédité de façon à justifier son rejet. Bien que, selon les principes comptables généralement reconnus (PCGR), la base pour déterminer la valeur d'un nouveau bien acquis dans le cadre d'une opération avec reprise corresponde à la juste valeur marchande de la contrepartie donnée en échange, la Cour n'était pas convaincue que la jurisprudence concernant les PCGR allait jusqu'à rejeter les sommes convenues par les parties d'un contrat authentique.

Il a été décidé de ne pas en appeler de la décision en raison des faits particuliers au cas, dont le champ d'application est limité et qui, par conséquent, n'aura pas de conséquences sur les autres crédits d'impôt à l'investissement, c'est-à-dire les crédits d'impôt régionaux et les crédits d'impôt pour la recherche et le développement. Également, depuis la réforme fiscale, une disposition générale anti-évitement prévient les abus.

Un certain nombre de cas touchant le même secteur commercial et présentant des faits similaires avaient été mis de côté en attendant le règlement du cas ci-dessus, et il a été décidé d'accepter ceux de ces cas pour lesquels un appel avait été interjeté. De plus, il y a d'autres cas liés au même secteur commercial pour lesquels les contribuables touchés n'avaient pas protégé leurs droits en interjetant appel. Pour ces cas-là, un décret de remise a été recommandé et approuvé.

Le ministère des Travaux publics

Manque de souci de l'économie relativement au bail avec option d'achat signé pour l'immeuble Louis St-Laurent
Le ministère des Travaux publics (MTP) a signé, en septembre 1991, un bail d'une durée de vingt-cinq ans, assorti d'une «entente sur une option d'achat», pour la location de locaux dans l'immeuble Louis St-Laurent, à Hull, au Québec. Les paiements annuels sont calculés en fonction de la valeur négociée de la propriété, soit 73 millions de dollars. Nous avons constaté que :

Les deux dernières constatations ont des répercussions plus importantes sur les autres investissements immobiliers du gouvernement.

2.109 Contexte . Le Conseil du Trésor a autorisé le ministère des Travaux publics, en octobre 1983, à louer des espaces à bureaux dans un immeuble qui n'était pas encore construit (l'immeuble Louis St-Laurent), à signer à cette fin un bail de dix ans et à tenter d'assortir le bail d'une option d'achat à long terme. Le ministère n'a pu négocier l'option d'achat, mais il a obtenu le bail de dix ans.

2.110 La construction de l'immeuble était en gros achevée en 1985 et son coût se chiffrait à 41,5 millions de dollars (y compris le coût du terrain), selon les données des états financiers vérifiés. L'immeuble offre environ 40 800 mètres carrés d'espace à bureau et d'espace de rangement. Le loyer brut annuel se chiffrait à quelque 9,6 millions de dollars, selon le premier bail signé en 1985.

2.111 L'immeuble abrite quelque 2 150 employés du ministère de la Défense nationale (MDN), soit 18 p. 100 du personnel du Quartier général de la Défense. Le ministère est le seul locataire de l'immeuble depuis le mois de juin 1985.

2.112 Au cours de la période allant de décembre 1990 à mai 1991, le propriétaire a formulé au ministère des Travaux publics des propositions spontanées dans lesquelles il demandait de renégocier le bail en vigueur, lequel venait à échéance en mai 1995, et d'en prolonger la durée. Ces propositions comprenaient une option pour des baux d'une durée de dix à vingt-cinq ans. Le ministère des Travaux publics a rejeté ces propositions à cause du loyer exigé.

2.113 En mai 1991, le ministère n'ayant pu réussir à renégocier le renouvellement du bail avec le propriétaire, a proposé un bail avec option d'achat fondé sur la valeur marchande estimative de l'immeuble. Le tout a abouti à la signature d'un contrat, le 30 septembre 1991.

2.114 Les principales dispositions du contrat sont les suivantes :

2.115 En droit, l'immeuble Louis St-Laurent appartient en titre au propriétaire. Toutefois, ce contrat transfère substantiellement tous les avantages et les risques du titre de propriété à la Couronne. Il s'agit là en fait, par définition, d'un bail de «location-acquisition». Somme toute, le contrat représente donc une acquisition d'un bien et le ministère des Travaux publics a fidèlement présenté cette opération dans les Comptes publics du Canada comme étant le résultat d'un contrat de location-acquisition.

2.116 En résumé, la valeur actuelle globale du contrat de location, avec option d'achat, se chiffre à 74 millions, en dollars de 1991 (le montant de 73 millions de dollars à partir duquel est calculé le loyer auquel vient s'ajouter un million de dollars (valeur actualisée), s'il y a exercice de l'option d'achat).

2.117 Question. Le MTP a accepté un bail avec option d'achat sans connaître au préalable la durée exacte du besoin du client. Le paragraphe 17.94 du Rapport de 1991 du vérificateur général recommandait au MTP d'améliorer ses procédés qui ont trait à la planification de la location et à la location de locaux. Le présent cas vient ajouter à la nécessité de donner suite à cette recommandation.

2.118 En janvier 1991, peu après que le propriétaire et le ministère des Travaux publics aient commencé à renégocier et à parler de prolonger la durée du bail alors en vigueur, le ministère de la Défense nationale s'est dit intéressé à une location à long terme de l'immeuble, sans en préciser la durée exacte. Le MTP justifia sa signature du contrat de location avec option d'achat en évoquant la demande du ministère de la Défense nationale. Selon des représentants du MDN, le ministère désirait garder ces locaux afin de ne pas avoir à déplacer inutilement les employés tant que n'aurait pas été dressé un plan à long terme de regroupement de tous les employés du Quartier général sous un même toit (de préférence sur un terrain appartenant au ministère de la Défense nationale).

2.119 En mars 1992 (environ six mois après la signature du contrat), le ministère de la Défense nationale informait le ministère des Travaux publics que dans dix ou quinze ans, le ministère n'aurait plus besoin des locaux de l'immeuble Louis St-Laurent.

2.120 Conclusion . À notre avis, la décision du MTP d'acquérir l'immeuble Louis St-Laurent à l'aide d'un bail avec option d'achat n'était pas conforme au plan d'aménagement à long terme de la Défense nationale. Le MDN prévoit, d'ici dix ou quinze ans, regrouper tout le personnel du quartier général sous un même toit et il a indiqué qu'il n'aurait plus besoin alors des locaux de l'immeuble Louis St-Laurent. Nous avons également constaté que cet immeuble n'était pas inclus dans la stratégie de location du MTP pour la région de la Capitale nationale.

2.121 Question. Le MTP a accepté un bail avec option d'achat sans juste souci d'économie . La construction de l'immeuble a pris fin en 1985, le coût des travaux (valeur du terrain y compris) s'établissant alors à 41,5 millions de dollars. Selon Statistique Canada, la valeur des immeubles commerciaux de la région de la Capitale nationale a augmenté de 28 p. 100, de 1985 à 1991. Si l'on applique cette hausse à l'immeuble Louis St-Laurent, sa valeur de remplacement en 1991 aurait été de 53 millions de dollars. Au début de juillet 1991, deux évaluateurs ont estimé que le coût de remplacement de l'immeuble (terrain compris) se situait entre 48 millions et 64 millions de dollars. Le ministère des Travaux publics n'a pas examiné d'autres façons d'acquérir des locaux (tel la construction des locaux par la Couronne ou la signature d'un bail avec option d'achat avec d'autres promoteurs immobiliers), même si le premier bail ne venait à échéance qu'en mai 1995. On aurait eu alors quatre ans pour construire un nouvel immeuble à un coût se situant, selon les estimations des évaluateurs, entre 48 millions et 64 millions en dollars de 1991.

2.122 Les deux évaluateurs ont estimé la valeur commerciale de l'immeuble à 62 millions de dollars et à 65 millions de dollars, respectivement. Ces évaluations tenaient compte du fait que le loyer que le gouvernement devait payer en vertu du bail alors en vigueur dépassait de six millions à dix millions de dollars la valeur du marché des loyers en 1991.

2.123 Le MTP a utilisé pour ses négociations une valeur marchande estimative de 65 millions de dollars, ce montant étant la valeur jugée la plus crédible par les représentants du ministère.

2.124 Le 9 juillet 1991, le MTP a indiqué au propriétaire que des rapports d'évaluation avaient été établis et il a fait sa première offre en utilisant une valeur marchande estimative de 65 millions de dollars. Après négociations, le MTP a accepté une valeur de 74 millions de dollars pour l'ensemble de ce bail avec option d'achat.

2.125 Pour justifier l'écart entre la valeur marchande estimative (65 millions de dollars) et la valeur négociée (74 millions de dollars), le MTP a évoqué divers facteurs. Ceux-ci comprenaient la valeur du terrain adjacent (1,1 million de dollars), des travaux de peinture et de pose de moquette (1,3 millions de dollars), les économies réalisées en n'ayant pas à reloger le personnel et en n'ayant pas à utiliser des appels d'offre (831 000 dollars) et l'hypothèse voulant qu'un écart de dix pour cent entre la valeur estimative et la valeur négociée était acceptable.

2.126 Le 65 millions de dollars correspondait à la valeur marchande estimative de l'immeuble alors que le 74 millions de dollars représentait l'estimation, par le MTP, de la valeur de l'immeuble pour la Couronne. Dans l'estimation de ce 74 millions de dollars, le MTP incluait un montant de 9,7 millions de dollars, soit la valeur non amortie des aménagements à effectuer dans la propriété à bail. Les aménagements avaient déjà été payés par le gouvernement, une des dispositions du bail original en faisant une exigence d'occupation des lieux.

2.127 Le propriétaire nous a avisés, le 30 septembre 1992, que le ministère des Travaux publics avait conclu un bail à long terme raisonnable, accompagné d'une entente sur une option d'achat pour l'immeuble Louis St-Laurent.

2.128 À notre avis, il est difficile d'établir une véritable valeur marchande d'un espace à bureaux dans la région de la Capitale nationale puisque l'administration fédérale occupe environ 40 à 55 p. 100 des espaces à bureaux offerts par le secteur privé. Dans le cas présent, la chose était encore plus difficile du fait que le gouvernement était en réalité le seul locataire de l'immeuble. Un des évaluateurs a indiqué que les dimensions globales de l'immeuble, les vastes surfaces offertes sur les étages et son emplacement isolé faisaient du gouvernement fédéral le seul locataire possible de ce bâtiment. De fait, l'évaluation des valeurs marchandes se fait en fonction d'un marché créé par le gouvernement.

2.129 Selon des représentants du MTP, les possibilités d'investissement étaient restreintes par la politique du gouvernement voulant que 75 p. 100 de la fonction publique soit logée du côté ontarien et 25 p. 100 de celle-ci du côté québécois de la région de la Capitale nationale. À leur avis, il était irréaliste de penser pouvoir trouver du côté québécois un autre immeuble du genre ou de penser que le gouvernement relogerait les employés du MDN du côté ontarien.

2.130 Conclusion . À notre avis, certains facteurs ont contribué à la position de faiblesse du ministère dans sa négociation du bail avec option d'achat pour la location de l'immeuble Louis St-Laurent.

2.131 Le ministère était au courant des risques susceptibles d'être créés si l'on faisait de la Couronne un «locataire captif» de l'immeuble Louis St-Laurent. En janvier 1984, dans une lettre au Secrétariat du Conseil du Trésor, le ministère indiquait que la Couronne, si elle continuait à occuper les locaux de cet immeuble à l'échéance du premier bail, se verrait financièrement désavantagée pour le temps où elle demeurerait locataire de l'immeuble.

2.132 En résumé, compte tenu des diverses estimations faites du coût de remplacement de l'immeuble et de la prévision d'un marché peu actif pour les espaces à bureaux en 1995, nous en arrivons à la conclusion que le ministère a signé, sans souci de l'économie, le bail avec option d'achat pour la location de l'immeuble Louis St-Laurent. En outre, comme nous l'indiquons ci-dessous, il est possible que le coût total pour la Couronne soit vraiment plus élevé selon le traitement fiscal retenu pour cette opération.

2.133 Question. Le MTP ne tient pas compte des incidences fiscales de ses opérations immobilières . Dans le milieu commercial, toutes les parties à une opération immobilière tiennent compte des répercussions fiscales. Habituellement, le propriétaire a intérêt à structurer un bail avec option d'achat de manière à ce que l'opération de location, aux fins de l'impôt, soit traitée comme une location et non comme une vente. Du point de vue de la Couronne, le plus souvent, elle tire moins de revenus fiscaux d'une location que d'une vente.

2.134 Dans le présent cas, le propriétaire, si l'opération était présumée être une vente, réalisait un gain de quelque 32,5 millions de dollars (74 millions de dollars, moins 41,5 millions de dollars à titre de coût initial de construction de l'immeuble). Ce profit pouvait être imposé comme gains en capital et serait pleinement imposable sur cinq ans. De plus, il pourrait y avoir une autre obligation fiscale découlant de la récupération de toute déduction pour amortissement réclamée antérieurement par le propriétaire.

2.135 Par contre, si l'opération était présumée être une location, il y aurait eu imposition, comme revenu s'étalant sur la durée du bail, de la différence entre les revenus de location et les frais d'entretien. Toutefois, dans le cas de l'utilisation d'un bail, le montant de la déduction pour amortissement réclamée au cours des premières années serait normalement plus élevé afin de reporter à plus tard l'imposition des revenus.

2.136 Des représentants du ministère des Travaux publics ont indiqué qu'on ne tient pas compte des incidences fiscales lorsque se font les analyses et les évaluations des possibilités d'investissement, par exemple, dans le cas des baux à long terme ou des baux avec option d'achat. Les représentants du ministère ont dit qu'ils n'avaient pas fait d'analyse du genre dans le cas de l'immeuble Louis St-Laurent.

2.137 Conclusion . À notre avis, le ministère, s'il désire savoir le coût total pour la Couronne du choix d'un investissement immobilier, devrait faire l'estimation des incidences fiscales des diverses options et en tenir compte. Il serait possible de faire cette analyse en utilisant des hypothèses standards, évitant ainsi de porter atteinte aux droits des contribuables. Les incidences fiscales sont particulièrement importantes dans le cas qui nous occupe puisqu'il met en cause de forts montants d'argent et que l'opération n'est pas assujettie au processus concurrentiel des soumissions publiques. Les avantages fiscaux peuvent avoir une incidence importante sur les offres que les promoteurs immobiliers ont à présenter en réponse à une demande de soumissions publiques pour la fourniture de locaux à la Couronne.

2.138 Question. La méthode qu'utilise l'État pour comptabiliser ses acquisitions d'immobilisations peut imposer un choix d'investissements immobiliers peu justifiables économiquement. Cette opération de location bail-achat démontre que les pratiques du gouvernement lui-même peuvent donner lieu à des décisions peu avantageuses économiquement, lorsque le gouvernement cherche à se procurer des espaces à bureaux. Ces pratiques demandent que les sorties de fonds pour immobilisations soient portées aux dépenses au cours de l'exercice où elles sont effectuées et ajoutées au déficit de l'exercice courant. Dans le cas des baux avec option d'achat, cependant, les frais annuels sont ajoutés aux dépenses de l'État chaque année, mais graduellement seulement, ils viennent grossir le déficit accumulé, tout le temps que dure le bail. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une période de vingt-cinq ans.

2.139 Le vérificateur général, dans des rapports annuels antérieurs, a relevé le fait que le système du bail avec option d'achat était une façon coûteuse de se procurer des espaces à bureaux. Au paragraphe 13.45 du Rapport de 1984 du vérificateur général, on constate que le taux d'emprunt pour un promoteur immobilier était d'environ deux points de pourcentage plus élevé que le taux d'emprunt consenti au gouvernement. Dans notre Rapport de 1988 (paragraphe 19.42) nous signalions que l'acquisition de l'immeuble du gouvernement du Canada à Edmonton, en Alberta, à l'aide d'un bail avec option d'achat, avait coûté presque 20 p. 100 de plus que le choix de faire construire l'immeuble par la Couronne.

2.140 Conclusion . Un promoteur immobilier calcule ses loyers en tenant compte de ses frais d'emprunt. À chaque augmentation de un point de pourcentage d'intérêt par rapport à ceux du gouvernement correspond une hausse d'environ dix pour cent des loyers. Ainsi, le gouvernement pourrait réaliser des économies importantes s'il se contentait d'acheter un immeuble dont il a besoin et s'il en finançait l'achat au taux d'emprunt qui lui est consenti.

Commentaire du ministère : Dans des situations de restrictions budgétaires et lorsque les dépenses en immobilisations sont limitées, le bail avec option d'achat peut s'avérer une solution pratique et avantageuse en ce qui concerne les besoins en locaux de l'État. Historiquement, les conventions de bail comprenant une option d'achat ont prouvé qu'elles étaient les plus avantageuses. On peut citer en exemple l'immeuble C.D. Howe, les tours de l'Esplanade Laurier et Les Terrasses de la Chaudière.

Point no 1, le ministère des Travaux publics a conclu une entente de bail-achat en se fondant sur des besoins dont la durée n'était pas précisée. Le ministère des Travaux publics (MTP) a reçu le mandat de fournir des locaux pour bureaux à vocation générale à tous les ministères fédéraux. Dans le cadre de ce mandat, le MTP gère un répertoire de locaux, pas seulement un immeuble particulier. Les besoins en locaux changent au fil des ans. Afin de mieux répondre aux besoins opérationnels à court et à long termes des clients, et cela de façon la plus économique possible, le MTP évalue continuellement les options visant à réduire et à éliminer les locaux vacants dans les installations qu'il gère.

Le ministère de la Défense nationale (MDN) a précisé qu'il avait besoin de locaux pour une période à long terme dans l'immeuble Louis St.-Laurent. Bien que le MDN ait plus tard déterminé qu'il aurait besoin de locaux pour une période de 10 à 15 ans, le MTP n'est au courant d'aucun plan consolidé visant à remplacer les locaux occupés par le MDN dans l'immeuble en question. En tout cas, des locaux seront mis à la disposition d'autres locataires de la région de la Capitale nationale (RCN), conformément à la stratégie de location de la RCN.

Point no 2, le ministère des Travaux publics a conclu une entente de bail-achat sans se soucier de l'aspect économique. Le MTP a conclu une entente de bail-achat pour l'immeuble Louis St.-Laurent en se préoccupant de l'aspect économique et a signé la meilleure convention possible dans les circonstances.

Selon les renseignements disponibles à ce moment-là, la récession semblait tirer à sa fin, les loyers dans la région d'Ottawa-Hull étaient en train de se stabiliser et les taux d'intérêt étaient à leur plus bas. En se fondant sur ces renseignements, il semblait prudent et pratique de louer l'immeuble Louis St.-Laurent avec une option d'achat afin de répondre aux besoins élevés en locaux.

En analysant la situation, le MTP a conclu que le gouvernement avait là une occasion d'obtenir environ 40 000 m2 de superficie louable à un prix avantageux. Ces locaux, qui étaient offerts dans un seul emplacement, étaient considérés comme une solution à long terme dans la région de l'Outaouais. Le MDN a précisé que ses besoins à long terme en matière de locaux équivalaient à cette quantité. Également, l'obtention d'un bail avec option d'achat a permis au gouvernement de maintenir le pourcentage du nombre d'employés de la fonction publique de la RCN à 25 p. 100 au Québec et 75 p. 100 en Ontario.

Le ministère a, par conséquent, décidé de répondre aux offres du bailleur, mais il a tout d'abord voulu obtenir l'accord de ce dernier sur le fait que le loyer serait fondé sur la valeur du bien immobilier établie par des évaluateurs indépendants choisis par l'État.

Point no 3, le ministère des Travaux publics ne tient pas compte des répercussions fiscales des investissements immobiliers. Le MTP est au courant que, en général, les opérations immobilières entraînent des répercussions fiscales. Même s'il est un ministère fédéral, le MTP ne connaît pas les répercussions fiscales particulières qu'ont à subir les propriétaires par suite de leurs opérations immobilières. Ces renseignements sont confidentiels et connus seulement du propriétaire et de Revenu Canada, Impôt. Le MTP agit donc comme tout investisseur prudent lorsqu'il conclut une opération immobilière et se fie énormément à la valeur marchande du bien en question.

Point no 4, la méthode comptable du gouvernement en matière d'acquisitions d'immobilisations peut entraîner des décisions coûteuses au chapitre des investissements immobiliers. Les restrictions imposées au financement des immobilisations, qui résultent des compressions budgétaires, alliées aux besoins opérationnels, ont rendu nécessaire la conclusion de conventions de bail ainsi que de conventions de bail avec option d'achat.

Si l'on compare un bail avec option d'achat à une dépense en capital, l'on n'aura qu'un seul point de vue sur la valeur de ce bail. Pour avoir une idée plus juste, le bail avec option d'achat doit aussi être comparé à la convention de bail. Avec ce dernier type de bail, le MTP sacrifie l'accumulation de capitaux propres dont il pourrait disposer aux termes du bail avec option d'achat. Le MTP peut avoir part aux capitaux propres accumulés tout en se réservant le droit d'acheter le bien à un prix avantageux. Le gouvernement obtient donc des capitaux propres et des bénéfices à long terme pour chaque dollar du contribuable qu'il investit.

Le ministère des Pêches et des Océans

Le Régime d'assurance des bateaux de pêche
Contexte
2.141 Le Régime d'assurance des bateaux de pêche (RABP) a été établi en 1953, en vertu d'une Loi de crédits, pour aider les pêcheurs à faire face à des pertes de capital anormales. L'objectif actuel du Régime est de fournir une garantie d'assurance et des prestations, à des taux raisonnables, pour tous les bateaux de pêche admissibles au Canada, tout en maintenant le recouvrement intégral des coûts des opérations. Le régime protège tous les pêcheurs admissibles qui en font la demande, mais il vise fondamentalement à offrir de l'assurance à ceux qui ne peuvent en obtenir du secteur privé, par exemple parce qu'ils utilisent certains types de bateaux ou ils pêchent dans des régions éloignées.

2.142 Le régime est administré par un bureau d'administration à Ottawa (2,5 années-personnes) et par six bureaux régionaux (38 années-personnes). L'administration centrale exerce une autorité fonctionnelle sur le personnel des régions. À la fin de l'exercice 1991-1992, 6 224 bateaux de pêche étaient assurés pour une valeur de 264 millions de dollars.

Manque de réaction de la part de la direction à des recommandations antérieures
2.143 Nous avons effectué la vérification du Régime d'assurance des bateaux de pêche dans le cadre de notre vérification des pêches de l'Atlantique en 1988. Nous avons signalé ce qui suit :

2.144 Dans le cadre du suivi de 1991 de notre vérification de 1988, nous indiquions que le plan [en voie de préparation en 1988 au cours de notre vérification et en réponse à l'étude faite en 1988 au Ministère] n'avait pas été mis en oeuvre au moment du suivi. En conséquence, nous avons décidé, en 1992, de pousser la vérification davantage de façon à dégager et signaler l'effet cumulatif de l'inaction du ministère et de la persistance de nombreuses lacunes de longue date.

2.145 Au cours de cette vérification, des représentants du ministère ont allégué que de nombreuses mesures avaient été prises à la suite des recommandations formulées dans le plan d'action de 1988. Nous avons examiné la mise en oeuvre de ces recommandations, dont bon nombre n'étaient pas nouvelles et avaient aussi été consignées dans les études antérieures. Nous avons trouvé que même si la direction avait amorcé des mesures pour plusieurs des 32 recommandations, seulement sept avaient été pleinement mises en oeuvre. La direction déclare avoir maintenant l'intention de poursuivre la mise en oeuvre de la plupart des autres.

2.146 Depuis 1988, personne n'a été chargé de la responsabilité permanente et à plein temps de la gestion du régime. Les fonctions de gestion ont été assignées au personnel soit de façon temporaire, soit à temps partiel. Ce manque de continuité a érodé la mémoire de l'entité et contribué à l'incapacité du ministère de prendre les mesures correctives comme il l'avait promis.

2.147 Une raison importante invoquée par les représentants du ministère pour expliquer l'absence continue de mesures correctives est que l'avenir du régime a été incertain. En conséquence, on a consacré des ressources à la privatisation, entre autres. Le ministère déclare qu'en réponse à l'engagement constant du gouvernement envers la privatisation d'organismes et de programmes, il a périodiquement considéré le RABP comme un candidat. Depuis 1984, un certain nombre de propositions ont été faites dans le but de «privatiser» - ou plus exactement de «mettre fin» au régime (voir la pièce 2.3 pour la liste des principaux événements).

2.148 Peu importe leur mérite, ces propositions successives faites aux ministres pour mettre fin au programme ont eu pour effet d'écarter les ressources de la mise en oeuvre des plans d'action en vue de résoudre les nombreuses lacunes connues.

Détérioration du rendement depuis 1988
2.149 Viabilité du régime . Dans l'ensemble, la situation financière et commerciale du régime s'est détériorée depuis 1988. Le nombre de bateaux assurés a baissé de 25 p. 100 et la valeur assurée a chuté de plus de 40 p. 100. Depuis le temps, le régime a connu des excédents et des déficits d'opération; cependant, depuis trois ans, il a accusé un déficit annuel croissant qui a atteint 2,4 millions de dollars en 1991-1992, soit plus du tiers des primes perçues. Enfin, les frais d'exploitation, comme pourcentage des primes perçues, ont aussi augmenté depuis 1988-1989 pour atteindre leur maximum de 48 p. 100 des recettes en 1991-1992. Tandis que les primes moyennes reçues, par millier de dollars assuré, demeuraient relativement constantes depuis 1985-1986, les indemnités versées, par millier de dollars assuré, ont augmenté brusquement au cours des trois dernières années.

2.150 Chacune de ces tendances - base d'assurance en chute libre, déficits croissants et efficience sur son déclin - aurait fortement inquiété la direction de n'importe quel régime d'assurance, et nous nous serions attendus qu'elle en comprenne parfaitement les causes et dispose de plans pour renverser ces tendances. Les gestionnaires n'ont toutefois pas tenté de déterminer les causes de ces tendances. Par exemple, ils ignorent si ceux qui abandonnent le régime le font dans le but de s'adresser au secteur privé, de devenir auto-assurés ou d'abandonner la pêche. Le ministère accepte que son volume d'affaires diminue et ainsi, aucune mesure n'est prévue pour corriger ce manque d'information. Aucune tentative n'a été faite pour déterminer les répercussions futures de ces tendances sur le régime.

2.151 Le ministère répond qu'il a adopté une philosophie de concurrence passive avec les autres assureurs et que par conséquent, il serait heureux que les pêcheurs puissent être persuadés d'assurer plutôt leurs bateaux auprès d'assureurs du secteur privé. Cependant, comme il est mentionné plus haut, il ne sait pas pourquoi il y a une baisse du nombre d'assurés et ne peut donc renverser le mouvement.

2.152 La situation du régime peut empirer à la suite du moratoire sur la pêche de la morue du Nord annoncé dernièrement . Bien que le ministre ait fait part de son intention d'aider les pêcheurs à assumer les coûts fixes des bateaux (y compris la préparation, l'entretien, l'assurance , etc.), le régime fera peut-être face à un risque moral fortement accru et l'on pourrait avoir à élaborer de nouvelles polices d'assurance pour les bateaux devenus inactifs par suite du moratoire, ou alors envisager la perte d'une bonne part des clients.

2.153 Services aux pêcheurs . Même si le ministère n'en exerce pas la surveillance, il a convenu que les délais de traitement des réclamations sont un aspect important du service offert aux clients du Régime d'assurance des bateaux de pêche. Le régime approuve en moyenne 400 réclamations par année. En 1988, le ministère a trouvé qu'un tiers des réclamations n'avaient été réglées qu'après plus de six mois et en a conclu que cela était insatisfaisant.

2.154 Nous n'avons observé aucune mesure pour améliorer cette situation, et il reste toujours à établir des normes de traitement des réclamations. De plus, notre analyse révèle qu'au cours des trois dernières années, il n'y a eu aucune amélioration des délais de traitement.

2.155 Nous avons examiné soigneusement ces réclamations dont le traitement a pris plus de six mois, en 1990-1991 et 1991-1992. Notre analyse a démontré que près de la moitié des délais de traitement consistaient en des retards qui auraient pu être évités si la direction avait bien compris ce que couvrent les polices d'assurance du régime, si elle avait exercé un contrôle approprié et si elle avait adopté une approche proactive de l'étude des réclamations. Dans un cas, 18 mois se sont écoulés avant le paiement car l'administration centrale et la région ne pouvaient s'entendre sur le fait que le régime offrait ou non une protection contre les dommages causés par la foudre (voir la pièce 2.4 ).

Carences importantes dans les pratiques de gestion
2.156 Des carences dans les pratiques de gestion perdurent. Ensemble, elles ont contribué à faire échouer toute amélioration du service aux clients et possiblement à la baisse de clientèle.

2.157 Directives et orientation à l'intention du personnel régional . À la suite du plan d'action de 1988, l'administration centrale s'est engagée à préparer de toute urgence un manuel des réclamations et par la suite, un manuel général des méthodes. De plus, parce qu'elle avait des doutes au sujet de certains points importants de ses polices d'assurance, elle a entrepris d'effectuer une revue juridique et de donner aux régions une liste des variations approuvées à la police d'assurance.

2.158 On a fait une ébauche du manuel des réclamations, mais ce manuel n'a été ni achevé ni mis en oeuvre. Aucun travail n'a été entrepris en ce qui concerne le manuel général des méthodes. La revue juridique des polices d'assurance en cours n'a pas été menée à terme. Concrètement, les polices ne semblent pas avoir réussi à protéger le régime lors d'examens critiques au plan juridique.

2.159 De plus, on ne fournit au personnel aucune formation sur l'évaluation des bateaux et le règlement des réclamations, et le Comité de gestion du Régime d'assurance des bateaux de pêche, composé des gestionnaires de l'administration centrale et des six gestionnaires régionaux, ne s'est pas réuni depuis deux ans. Bref, le personnel ne reçoit que peu de directives et d'orientation.

2.160 Bien que la direction de l'administration centrale exerce une autorité fonctionnelle sur le régime, elle n'a pas défini de cibles de rendement; elle ne surveille pas systématiquement non plus les activités régionales pour garantir une qualité uniforme du travail. Nous avons trouvé que, dans l'ensemble, le régime n'est pas administré uniformément. Les activités varient considérablement d'une région à l'autre. Une des conséquences est que rien ne garantit que les bateaux soient assurés à leur juste valeur, ni trop, ni moins.

2.161 Étude et approbation des réclamations. Il incombe à la direction de l'administration centrale d'examiner et d'approuver les réclamations, peu importe leur importance ou leur nature, dans un effort pour assurer l'uniformité à l'échelle nationale dans ce secteur. Depuis juin 1991, le ministère n'a pas assigné de personnel permanent et à temps plein pour cette tâche. Parfois, il n'y avait personne pour s'en acquitter. Cela a aussi contribué à causer des retards dans le règlement de réclamations.

2.162 Les réclamations sont, en tout premier lieu, examinées et réglées par le personnel des régions. Elles sont ensuite examinées attentivement par le gestionnaire régional et présentées à l'administration centrale qui les examine à son tour. En raison de ces niveaux d'examen de chaque réclamation, la plupart des gestionnaires régionaux croient qu'il existe un chevauchement considérable. Souvent, des points sont soulevés au cours de l'examen, qui entraînent un désaccord entre les gestionnaires des régions et de l'administration centrale. Nous avons observé qu'un grand nombre de questions tendent à resurgir. Le règlement des désaccords n'est pas communiqué au personnel de façon à assurer le règlement rapide des réclamations analogues à l'avenir.

2.163 De plus, on ne retrouvait pas toujours dans les dossiers suffisamment d'information pour appuyer le paiement; ainsi, la justification menant à l'approbation n'était pas claire. Voir la pièce 2.4 où des cas démontrent ces lacunes.

Solution envisagée par le ministère
2.164 De nombreuses lacunes de longue date doivent être comblées. Bien qu'il y ait eu un manque de mesures axées sur des lacunes précises, on a fait des efforts pour apporter des changements à la structure du régime. En avril 1992, on a annoncé l'unification de l'administration du régime. Voici les principaux changements proposés : le Régime d'assurance des bateaux de pêche sera placé sous la direction d'un Gestionnaire général; le nombre de régions sera ramené à quatre et l'administration centrale sera située à St. John's, à Terre-Neuve.

2.165 Le ministère considère la nomination du Gestionnaire général comme impérative avant que l'on ne passe aux autres changements. Deux mois après l'annonce, le Gestionnaire général n'avait toujours pas été nommé. Les changements prévus portent sur la structure et les rapports hiérarchiques. Au moment de notre vérification, les plans provisoires n'indiquaient pas comment les changements résoudraient n'importe quelle des lacunes précises que nous avons relevées.

Conclusion
2.166 Ce programme en difficulté a fait l'objet de nombreuses études, évaluations et vérifications, mais de peu de mesures correctives concrètes. On a observé des lacunes, promis des mesures correctives et dressé des plans de mise en oeuvre. Toutefois, la haute direction n'a pas fait preuve d'engagement soutenu envers la résolution des problèmes. Le dernier examen ministériel en profondeur du Régime d'assurance des bateaux de pêche a eu lieu en 1988. Les recommandations qui ont découlé de cet examen n'ont pas été complètement mises en application et depuis, le rendement du régime s'est fortement détérioré. Ces tendances de rendement nous font nous poser de graves questions au sujet de son avenir. Les plans qu'on nous a remis au cours de la vérification et qui traitent de l'unification et du déménagement des activités du régime ne sont pas suffisamment précis pour déterminer clairement comment et quand les lacunes particulières seront comblées. À la mi-août 1992, bien après la fin de notre vérification, le ministère nous a présenté un plan d'action qui, selon lui, comblera toutes les lacunes relevées. Le ministère prétend également que ce plan entraînera la mise en oeuvre de la plupart des recommandations formulées dans son examen de 1988.

Commentaire du ministère : Le ministère convient que la gestion du régime souffre de lacunes et qu'on a défini des mesures correctives mais que, comme l'indique la note du vérificateur général, leur mise en oeuvre a du retard. Par ailleurs, le ministère a reçu la directive claire que le régime demeurera dans le secteur public en raison de son objectif qui est de garantir que tous les pêcheurs, peu importe leur région ou leur type de bateau, aient accès à de l'assurance, à taux raisonnables. Nos efforts porteront maintenant sur l'amélioration de la gestion du régime et de la qualité des services à nos clients. Dans cette même veine, le ministère a annoncé qu'un Gestionnaire général du régime sera nommé et qu'il lui incombera de combler les lacunes dont il est question plus haut.