10.8 Et la Société et la Commission financent leurs ventes à l'exportation à des États souverains en empruntant au pays et à l'étranger, en ayant recours au gouvernement du Canada comme garant. Comme celui-ci garantit ces emprunts, il se trouve en fait à assumer les risques, et les coûts connexes, advenant qu'un État souverain ne soit pas en mesure de rembourser ou ne respecte pas son calendrier de remboursement. Ainsi, les coûts liés à ces emprunts sont reflétés dans les états financiers du gouvernement.
10.9 Plus de 1,5 milliard de dollars ont aussi été prêtés à des États souverains au moyen du Compte du Canada pour leur permettre d'acheter à crédit des produits exportés. Le Compte du Canada est géré par la Société pour l'expansion des exportations et sert à consentir des prêts pour des opérations que l'on juge servir l'intérêt national, mais à l'égard desquelles la Société est incapable d'octroyer des crédits parce que le plafond des engagements a été atteint pour un seul pays ou parce qu'un marché est considéré comme étant trop risqué. Les prêts de ce genre sont fréquemment assortis de conditions de faveur; ils sont généralement sans intérêt, avec une période de remboursement de 40 ans, après un délai de grâce de dix ans. Le Compte du Canada est financé à même le Trésor, et les prêts assortis de conditions de faveur sont tous passés en charge, à titre de poste budgétaire, au cours de l'exercice où ils ont été accordés.
10.10 La pièce 10.2 fournit de l'information sur l'engagement global du Canada au titre des prêts aux États souverains, par pays.
10.11 Chacune des trois entités qui consentent des crédits à l'exportation est dotée d'un mécanisme distinct pour fixer les plafonds de crédit. La Société pour l'expansion des exportations les établit pour son propre compte. Quant à la Commission canadienne du blé et au Compte du Canada, les plafonds de crédit sont établis par le gouvernement en consultation avec le ministère des Finances et d'autres. À l'occasion, le gouvernement a relevé les plafonds de crédit de certains débiteurs, pas en raison d'un redressement de la solvabilité du pays débiteur, mais pour tenir compte des arriérés d'intérêt accumulés. Le ministère des Finances surveille et évalue continuellement les activités de ces trois entités distinctes. ( Voir le photo )
10.12 La décision de consentir des crédits à un pays est complexe et suppose la prise en considération d'un certain nombre de facteurs, notamment de facteurs liés à la politique étrangère et intérieure, comme la stimulation de l'agriculture canadienne. L'octroi de crédits à l'ancienne Union soviétique et la décision ultérieure de suspendre temporairement les expéditions de céréales vers la Russie illustrent l'éventail des questions qui se posent et la complexité de telles décisions (voir la pièce 10.3 ).
10.14 Nous avons surtout axé notre activité sur les 12 milliards de dollars que doivent les États souverains par suite des ventes à l'exportation à crédit effectuées par l'intermédiaire de la Société pour l'expansion des exportations et de la Commission canadienne du blé. Même s'il nous fallait, pour notre vérification, comprendre la façon dont les prêts sont administrés par ces sociétés d'État, nous n'avons pas vérifié les sociétés elles-mêmes.
10.15 Notre vérification a surtout porté sur les activités du ministère des Finances, qui coordonne le crédit accordé aux États souverains, et du Bureau du contrôleur général qui, de concert avec le ministère des Finances, est chargé d'établir les conventions comptables servant à la préparation des Comptes publics.
10.17 Le gouvernement a toujours considéré que les sommes prêtées à un État souverain sont ultimement recouvrables, à moins que celui-ci ne répudie officiellement sa dette.
10.18 Jusque dans les années quatre-vingts, époque où un bon nombre de pays débiteurs ont commencé à éprouver des difficultés de remboursement, on croyait généralement qu'il était toujours possible de recouvrer les sommes prêtées aux États souverains. Toutefois, au cours des dix dernières années, beaucoup de créanciers ont reconnu que, en fait, ce n'était pas vrai dans tous les cas, que certains prêts pourraient n'être jamais remboursés en totalité et que le remboursement d'autres pourrait être différé indéfiniment.
10.20 Avant de permettre à un pays de présenter une demande de rééchelonnement de dette, le Club de Paris exige que celui-ci mette en place un programme de réforme économique appuyé par le Fonds monétaire international.
10.21 Depuis ses débuts en 1956, le Club de Paris a toujours cherché à préserver la valeur des prêts souverains au moment d'un rééchelonnement. La plupart des rééchelonnements comportent un délai de grâce sur le remboursement du principal et sont assortis d'un taux d'intérêt établi en fonction des taux du marché, ce qui préserve la valeur actuelle du prêt. On estime que le report du remboursement de la dette contribue à permettre au pays débiteur de mettre de l'avant des activités de développement et des programmes économiques appuyés par le Fonds monétaire international; somme toute, un ensemble de mesures visant à ramener le pays à un point où il peut de nouveau assurer le service de sa dette.
10.23 À notre avis, en établissant une telle provision, le gouvernement reconnaissait, en fait, qu'il existe des risques et des réductions possibles de la valeur de certains prêts.
10.25 À titre de participant à l'allégement proposé, le Canada a accepté de réduire de moitié la dette (à la valeur actuelle) de la Pologne et de l'Égypte, à condition que ces pays respectent les objectifs du Fonds monétaire international en matière de réforme économique. La Pologne devait à la Société pour l'expansion des exportations et à la Commission canadienne du blé environ 3,5 milliards de dollars, dont plus de 2 milliards en intérêt non payé; l'Égypte leur devait 540 millions de dollars. Par ailleurs, un allégement de dette visant des montants relativement peu élevés avait été auparavant proposé aux pays les plus pauvres du monde.
10.28 Si le financement du secteur privé se révélait insuffisant, les gouvernements pourraient aussi être invités à augmenter les crédits octroyés aux républiques de l'ancienne Union soviétique.
10.29 Le 16 juin 1992, le secrétaire d'État aux Affaires extérieures a déclaré :
«Les "modalités de Trinité", telles qu'elles sont libellées actuellement, coûteront au Canada environ 100 millions de dollars. C'est là un coût que nous nous sommes engagés à assumer. Si nous réduisions de 100 p. 100 les dettes des pays les plus pauvres, le coût se situerait dans les environs de 250 millions de dollars. Nous avons indiqué que nous étions prêts à prendre ces mesures pour les pays qui ont besoin d'une aide supplémentaire en matière d'allégement de la dette. Quant aux pays à revenu faible, la réduction coûterait beaucoup plus cher, soit jusqu'à un milliard de dollars, selon le pourcentage de réduction et les pays concernés. C'est pourquoi dans les discussions internationales sur cette question, nous avons souligné que toute réduction pour ces pays doit être évaluée en fonction d'un besoin réel. Toutes les réductions de dettes entraînent des coûts. Éliminer la dette officielle de tous les pays en développement susceptibles d'avoir du mal à rembourser leurs dettes coûterait plus de cinq milliards de dollars aux contribuables canadiens. C'est beaucoup plus que ce que nous pouvons nous permettre.» [italiques de nous]
10.31 De l'avis du secrétaire d'État aux Affaires extérieures, d'autres pays pourraient aussi avoir besoin d'un allégement de dette. S'il était décidé de prendre d'autres mesures d'allégement, le solde de la provision pourrait être insuffisant.
10.32 La convention comptable du gouvernement en ce qui concerne l'évaluation de l'actif est la suivante : «L'actif est enregistré au coût et fait l'objet d'une évaluation annuelle afin de refléter les diminutions de la valeur enregistrée à la valeur estimative de réalisation». Étant donné que le gouvernement considère les prêts aux États souverains comme étant ultimement recouvrables, il ne voit pas la nécessité d'évaluer annuellement la valeur de son portefeuille de prêts. À notre avis, le gouvernement devrait rectifier annuellement sa provision pour allégement de dette de manière à tenir compte des risques financiers changeants que comporte l'octroi de prêts aux États souverains.
10.34 Toutefois, selon un rapport de la Banque mondiale (1991), le Club de Paris reconnaît maintenant que, dans certaines circonstances, il convient de rééchelonner une dette pour aider à régler des problèmes de solvabilité en plus des problèmes temporaires de liquidités. Alléger une dette peut être nécessaire pour assurer la viabilité extérieure à certains pays qui connaissent des problèmes de remboursement, c'est-à-dire leur permettre de respecter leurs obligations financières internationales sans obtenir un autre rééchelonnement ou allégement de dette tout en parvenant à une croissance satisfaisante. La viabilité extérieure complète veut dire le retour à la solvabilité, soit la capacité de contracter des emprunts selon les conditions normales du marché.
10.35 Désormais, beaucoup d'institutions financières, y compris la Banque mondiale (voir les paragraphes 12.65 à 12.71 du chapitre 12) et les banques commerciales, reconnaissent et quantifient les risques liés aux prêts aux États souverains.
10.36 En raison de ce qui précède et de la possibilité d'avoir à octroyer d'autres allégements de dette, le gouvernement doit déterminer si ses politiques actuelles de comptabilisation de ces risques sont adéquates et réalistes.
10.39 Le Parlement doit recevoir un rapport annuel utile sur les engagements financiers internationaux du Canada. Un tel rapport ferait notamment état du portefeuille de prêts aux États souverains, y compris l'engagement par pays, et des activités annuelles, y compris les mesures d'allégement de dette. Il traiterait aussi de l'enveloppe de l'aide internationale et de la participation du Canada au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale et aux autres institutions financières internationales qui octroient des prêts aux États souverains.
10.41 On s'attendrait à ce que la Partie III du Budget des dépenses offre de plus amples renseignements sur l'allégement de dette et sur les coûts liés à l'acceptation des risques connexes. Par exemple, elle ne contenait pas les renseignements utiles suivants : l'allégement de dette accordé à la Pologne et à l'Égypte a une valeur actuelle de plus de 2 milliards de dollars et, sur une période allant de 18 à 25 ans, un montant évalué à 3,1 milliards de dollars sera prélevé sur la provision afin de dédommager la Société pour l'expansion des exportations et la Commission canadienne du blé des coûts liés à l'allégement de dette accordé à ces pays et à d'autres.
10.43 Le gouvernement doit aussi fournir au Parlement une meilleure information sur son engagement global au titre des prêts aux États souverains et divulguer adéquatement les coûts et les engagements totaux liés aux allégements de dette accordés.
Commentaire du ministère : Le ministère des Finances n'est pas d'accord avec la prémisse fondamentale du présent chapitre qui met en doute l'ultime possibilité de recouvrer les prêts consentis aux États souverains. La façon dont tous les créanciers du Club de Paris continuent de traiter la dette internationale des États souverains repose sur le principe de l'ultime possibilité de recouvrer les sommes prêtées. Les politiques et les pratiques convenues du gouvernement fédéral reflètent cette approche. Le ministère des Finances croit que tout ce chapitre repose sur une fausse prémisse. Il n'est donc pas possible de faire des commentaires sur le contenu du chapitre paragraphe par paragraphe.