Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources

Les mégaprojets énergétiques

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Vérificateur général adjoint : David Rattray
Vérificatrice responsable : Ellen Shillabeer

Les mégaprojets énergétiques

Introduction

Mise en valeur des ressources énergétiques du Canada

14.4 L'objectif du Programme de l'Énergie, des Mines et des Ressources est de contribuer à l'essor économique du Canada, conformément aux objectifs environnementaux et sociaux du gouvernement fédéral, en favorisant une mise en valeur et une utilisation opportunes et efficientes des ressources minérales et énergétiques du Canada et en enrichissant la connaissance et la compréhension de la masse continentale canadienne. Le ministère applique un large éventail d'activités à la réalisation de cet objectif. Ces dernières années, le soutien financier de certains projets énergétiques à grande échelle a représenté un mécanisme important de l'expansion du secteur énergétique.

14.5 Au cours des années 1980, le soutien accordé par le ministère à l'industrie pétrolière et gazière prenait surtout la forme de programmes d'encouragement financier tel que le Programme d'encouragement du secteur pétrolier. Le gouvernement a graduellement abandonné ces programmes généraux d'encouragement financier pour conclure des ententes de soutien financier à des projets énergétiques spécifiques. Les projets en question ont une telle envergure qu'on les qualifie de «mégaprojets».

14.6 Chacun des mégaprojets énergétiques est unique, mais ils ont en commun les caractéristiques suivantes :

14.7 Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources (EMR) appuie les mégaprojets énergétiques suivants (voir la pièce 14.1 ):

Étendue et objectifs de la vérification

14.8 Nous avons choisi de faire porter notre examen et notre rapport sur les projets d'Hibernia, d'une usine de valorisation biprovinciale et de l'usine de valorisation NewGrade, en raison de l'ampleur des engagements fédéraux en cause, ainsi que du risque et de l'importance de ces projets. La pièce 14.6 présente des précisions sur ces trois mégaprojets.

14.9 Notre objectif de vérification consistait à évaluer si le ministère exerçait une coordination suffisante de toutes les parties en cause de façon à protéger les intérêts fédéraux et à réaliser les objectifs fédéraux. Nous avons examiné plus particulièrement la clarté des objectifs de projet, ainsi que la gestion ministérielle des risques liés au projet, du processus de surveillance, de la protection de l'environnement, de la mesure de l'efficacité et de la communication de rapports au Parlement et au public. Le cas échéant, nous avons examiné si des politiques d'un organisme central fédéral s'appliquaient à la situation et avaient été respectées, et si les organismes centraux avaient fourni une orientation appropriée au ministère. Nous avons également examiné des évaluations de programmes d'encouragement financier antérieurs que le ministère avait financés, afin de cerner des préoccupations susceptibles d'influencer également des évaluations des mégaprojets énergétiques.

Observations et recommandations

Les objectifs de la participation fédérale sont mal définis
14.10 L'appui apporté aux mégaprojets énergétiques est conforme à l'objectif de mise en valeur des ressources énergétiques du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources. Toutefois, la participation fédérale à ces projets ne se limite pas uniquement à la mise en valeur de ressources énergétiques. D'autres motifs de participation fédérale à des mégaprojets énergétiques ont été communiqués dans des discours du ministre, des débats parlementaires, des communiqués de presse ministériels et autres documents fédéraux.

14.11 Les déclarations publiques sur les résultats escomptés pour les mégaprojets énergétiques comprennent l'emploi régional, le transfert technologique, la diversification économique, l'amélioration de l'approvisionnement canadien en pétrole et le rendement financier pour le Canada (voir la pièce 14.3 ). Les accords de projet signés par le gouvernement fédéral portent plus sur la façon d'en arriver à des résultats que sur les résultats précis à atteindre. Dans les accords de projet comme dans les déclarations publiques sur les projets, beaucoup d'objectifs sont énoncés de façon tellement générale qu'il est difficile d'en dégager le sens précis.

14.12 Les accords ont été négociés entre les intervenants fédéraux, provinciaux et privés. Nous reconnaissons que la négociation d'objectifs communs à tous les participants peut avoir mené à compromettre ou à abandonner certains objectifs fédéraux. Comme l'indique la pièce 14.2 , ces projets mettent en cause des fonds publics fédéraux considérables. Il est donc nécessaire de mettre l'accent sur l'objectif visé par les dépenses fédérales, en l'occurrence, les résultats ou l'aboutissement escomptés.

14.13 Le ministère nous a déclaré qu'il n'a à rendre compte que des retombées escomptées qui sont énoncées dans les accords juridiques. Au cours de notre vérification, nous avons constaté que la publicité ministérielle autour des mégaprojets continuait de citer d'autres objectifs et retombées qui ne figurent pas dans les accords juridiques. Divers documents fédéraux que nous avons examinés et que l'on peut considérer relativement fiables citent également d'autres objectifs et retombées. Tout cela dégage une multiplicité d'objectifs qui prêtent à confusion pour l'observateur. Les objectifs des mégaprojets énergétiques ne sont donc pas définis clairement.

14.14 Aucun des mégaprojets que nous avons examinés ne faisait l'objet d'un énoncé unique et définitif d'objectifs mesurables. L'absence d'objectifs clairement définis rend difficile l'évaluation des résultats. Si l'on ne peut mesurer le progrès en fonction de la réalisation d'objectifs clairs et l'atteinte de résultats précis, les députés pourraient alors ne pas être en mesure d'interroger le ministère sur la mesure dans laquelle les réalisations se comparent à ce que l'on escomptait, comme la mesure dans laquelle elles se comparent aux dépenses. Il pourrait également s'avérer aussi difficile pour le ministère ou pour d'autres personnes d'évaluer la réalisation des objectifs plus vastes du gouvernement dans son aide aux mégaprojets énergétiques.

14.15 La saine administration des affaires gouvernementales repose sur la prudence, qui se définit simplement comme des précautions qui sont prises en vue d'éviter des conséquences non souhaitables. Il est raisonnable de s'attendre à un énoncé clair des objectifs au début d'un projet quelconque, afin de pouvoir déterminer si on obtient les résultats escomptés et si on a pris les précautions requises pour éviter des conséquences non souhaitables. La prudence en administration exige un examen critique des aboutissements et des résultats dans le contexte de leur coût, pour être en mesure de déterminer si le Parlement et le contribuable ont effectivement obtenu ce pour quoi ils ont payé.

14.16 Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources devrait définir un ensemble complet d'objectifs clairs et mesurables pour chaque mégaprojet énergétique de façon à avoir une solide référence en vue de :

Commentaire du ministère : Compte tenu de leur nature, les mégaprojets énergétiques peuvent avoir des incidences importantes et diverses. Les descriptions de ces projets font donc état d'une multitude d'incidences possibles. Les ententes juridiques qui fixent les modalités de la participation financière du Canada exposent clairement les résultats directs que l'on s'attend à obtenir. Le ministère se fondera sur ces données pour rendre compte des retombées de chaque projet. EMR est d'accord qu'il serait utile d'élaborer un énoncé plus définitif des incidences possibles qui servirait à évaluer les résultats globaux de chaque mégaprojet énergétique.

Coordination et protection insuffisantes des intérêts fédéraux
14.17 La participation du gouvernement fédéral à des mégaprojets énergétiques vise divers objectifs. Nous ne formulons pas de commentaire sur la pertinence des décisions du gouvernement de se lancer dans de telles entreprises ou sur son droit de le faire. Nous nous attendions cependant que le gouvernement, lorsqu'il décide qu'il est important et utile qu'il apporte son aide à certaines entreprises très risquées qui ne démarreraient pas sans l'aide du gouvernement, définisse les risques qui y sont liés et prenne des mesures pour limiter ces risques.

14.18 Plusieurs mégaprojets énergétiques représentent des entreprises commerciales à risque élevé. Les chances de succès et de rentabilité sont incertaines, étant donné les facteurs de risque qu'ils comportent, notamment les défis au plan technologique, les fluctuations des prix du pétrole et du gaz et les questions environnementales. Ces projets peuvent comporter d'autres risques comme, par exemple, le retrait de l'appui d'un partenaire, comme ce fut le cas pour Gulf Canada Resources Limited qui annonça son intention de se retirer du projet Hibernia en février 1992. Les dépassements des coûts de construction constituent un autre risque éventuel lié à un mégaprojet. La part fédérale des dépassements de coûts, dans le cas de l'usine de valorisation biprovinciale, atteint jusqu'à maintenant 129 millions de dollars.

14.19 Le contribuable a le droit de s'attendre que les dépenses de fonds publics soient gérées avec prudence. Il s'agit d'un élément fondamental de l'intendance des affaires gouvernementales lorsque l'on confie à des gestionnaires fédéraux l'administration de l'argent du contribuable. Par conséquent, lorsque le gouvernement fédéral participe à des entreprises aussi risquées que la mise en valeur du gisement pétrolier Hibernia et l'usine de valorisation biprovinciale, il est nécessaire que les gestionnaires adoptent des mesures pour protéger les intérêts fédéraux.

14.20 Le gouvernement fédéral n'est que l'un des nombreux participants à ces mégaprojets et il n'est le gestionnaire de projet d'aucun des mégaprojets. Il devient alors très important que les accords juridiques conclus par le gouvernement précisent dans les termes les plus clairs possibles les droits, les limites et les obligations de la participation du gouvernement fédéral comme des autres parties.

14.21 Nous avons examiné les accords juridiques qui régissent les trois mégaprojets choisis pour cette vérification. Le mode de participation fédérale diffère dans chaque projet, mais certains risques se recoupent. Nous avons donc comparé les accords au chapitre des droits et des limites touchant le gouvernement fédéral en rapport avec certains risques communs.

14.22 Compte tenu de l'importance des fonds que le gouvernement fédéral a engagés dans le projet de l'usine de valorisation biprovinciale (530 millions de dollars jusqu'à maintenant), les accords juridiques pertinents négligent d'aborder certains types importants de risques qui sont envisagés dans les accords sur les projets Hibernia et NewGrade. Les accords sur l'usine de valorisation biprovinciale n'abordent à peu près pas les points importants suivants (voir la pièce 14.4 ) :

14.23 Dans le projet d'usine de valorisation biprovinciale, d'autres intérêts fédéraux ne sont pas aussi bien protégés comme on pourrait s'y attendre, étant donné l'envergure de la participation fédérale au capital-actions du projet. Plus spécifiquement, le gouvernement fédéral effectue d'importantes dépenses directes en contrepartie de retombées économiques, mais les dispositions pour obtenir des retombées utilisent des expressions aussi vagues que «dans la mesure du possible» (pour la réalisation des objectifs de contenu canadien). À l'opposé, dans le cas du projet Hibernia qui comporte aussi des dépenses fédérales directes, certaines dispositions de retombées économiques sont beaucoup plus précises lorsqu'elles exigent, par exemple, un certain niveau de construction et d'emploi à Terre-Neuve.

14.24 L'accès du ministère à l'information sur le projet constitue un autre contraste. Dans le cas du projet NewGrade, le ministère a un représentant au conseil d'administration. Bien que le conseil d'administration de l'usine de valorisation biprovinciale compte trois représentants fédéraux, aucun d'entre eux n'est à l'emploi du ministère. Le gouvernement fédéral a choisi pour l'usine de valorisation biprovinciale une forme de représentation moins directe que pour le projet NewGrade. Pourtant, son engagement pour le capital-actions de l'usine de valorisation biprovinciale (530 millions de dollars) surpasse de loin l'engagement fédéral d'une garantie d'emprunt pour le projet NewGrade (275 millions de dollars).

14.25 Il faut souligner que les accords qui régissent chacun de ces mégaprojets ont été négociés à des périodes différentes. De plus, les participants provinciaux et privés avaient également leurs intérêts à défendre. La protection des intérêts fédéraux a par conséquent dû se négocier dans le contexte de ces intérêts concurrents. Nous admettons la difficulté de cette tâche.

14.26 Il existe plusieurs façons d'offrir une aide fédérale, par exemple au moyen de subventions, de contributions, de garanties d'emprunts et de participation au capital-actions. Quelle que soit la forme de l'aide, certains organismes centraux du gouvernement fédéral ont un rôle clé à jouer dans l'imposition de règles et de mécanismes raisonnables pour protéger les intérêts fédéraux. La Loi sur la gestion des finances publiques rend le Conseil du Trésor juridiquement responsable de la supervision du régime d'administration financière du gouvernement du Canada. Le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du contrôleur général conseillent en matière d'administration financière. De plus, le ministère des Finances conseille sur des questions touchant sa responsabilité d'assurer la régularité des emprunts de la part du gouvernement du Canada.

14.27 Nous avons discuté des accords juridiques et des modalités de financement des trois mégaprojets avec des hauts fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, du Bureau du contrôleur général et du ministère des Finances. En général, nous avons découvert que les politiques d'organisme central ou les exigences minimales ne couvrent pas directement les coentreprises ou les projets conjoints que le gouvernement fédéral soutient financièrement sans toutefois les gérer ou les contrôler. Le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du contrôleur général avaient peu de politiques sur les conseils à dispenser en rapport avec les exigences minimales à intégrer aux modalités d'accords sur des mégaprojets.

14.28 Nous avons constaté que le ministère des Finances avait offert des conseils utiles dans la négociation des accords de mégaprojets. Cela se reflète dans des dispositions juridiques relatives au financement, à l'information sur les mouvements de trésorerie et autres questions financières relatives aux responsabilités financières du ministère des Finances. Nous avons également remarqué les conseils positifs que le Bureau du contrôleur général a formulés sur l'efficience et le rapport coût-efficacité dans la gestion de l'encaisse et sur les modalités bancaires pour les projets d'Hibernia et de l'usine de valorisation biprovinciale. Nous avons constaté que le ministère a établi des modalités satisfaisantes de contrôle de base des dépenses des mégaprojets. Toutefois, une importante question subsiste, celle de déterminer qui protège les intérêts fédéraux au-delà de ces contrôles fondamentaux sur les dépenses et la gestion de la trésorerie.

14.29 Les contrôles sur les dépenses et la gestion de la trésorerie, sans diminuer leur importance, ne suffiront pas en soi à assurer une bonne gestion des ressources. Notre Bureau a souvent répété que les opérations devraient être effectuées avec un souci de l'économie, de l'efficience et de l'efficacité et qu'il devrait y avoir de l'information qui permette de tenir les gestionnaires comptables de leur utilisation des ressources.

14.30 À notre avis, si le gouvernement a l'intention de continuer à participer à des entreprises commerciales qui mettent en cause plusieurs compétences et plusieurs partenaires, sans gestion fédérale du projet, il peut tirer de nombreuses leçons des modalités des mégaprojets énergétiques actuels. Plus spécifiquement, un contrôle centralisé classique comme celui qui s'applique à de grands projets de la Couronne ne convient pas à ce genre de projet, car il n'est pertinent que lorsque c'est le gouvernement fédéral qui exploite ou contrôle le projet. Il est clair que le gouvernement fédéral n'exploite pas ou ne contrôle pas les mégaprojets énergétiques et nous avons découvert qu'il n'y avait pas de politique d'organisme central et d'exigences minimales de contrôle qui convenaient à de tels arrangements.

14.31 Il est prudent et important de clarifier et élaborer des exigences de politique qui visent la protection des intérêts fédéraux, financiers et non financiers, dans ce genre de projet. Il s'agit en grande partie d'une responsabilité d'organisme central car d'autres ministères qu'Énergie, Mines et Ressources traitent également de questions semblables de financement. À notre avis, des organismes centraux doivent adopter des critères et des lignes directrices afin de protéger les biens publics et d'obliger les ministères et organismes responsables du financement de tels projets à rendre compte de l'utilisation des fonds publics. Il faudrait que ces critères et ces lignes directrices soient flexibles pour qu'ils s'adaptent à la diversité et la complexité des dispositions concernant les mégaprojets.

14.32 Le Secrétariat du Conseil du Trésor, en collaboration avec le Bureau du contrôleur général, devrait élaborer des exigences minimales de politique qui s'appliquent à des accords de coentreprise ou d'entreprise commune pour des projets de grande envergure qui font appel à la participation soit d'autres compétences, soit du secteur privé.

Améliorations nécessaires dans le contrôle ministériel de projet
14.33 Dans la Partie III du Budget des dépenses 1992-1993, le ministère indique qu'il s'occupe «de négocier et de surveiller l'application des ententes sur les mégaprojets avec les promoteurs du secteur privé et les gouvernements provinciaux». Nous avons examiné le travail du personnel ministériel responsable du contrôle des mégaprojets énergétiques.

14.34 Le ministère comporte un service de contrôle chargé des responsabilités suivantes :

Le service du contrôle a également la responsabilité de coordonner l'information sur les mégaprojets pour d'autres services du ministère et avec d'autres ministères fédéraux. La Direction de la gestion des régions pionnières du ministère effectue également le suivi de l'information sur les retombées d'Hibernia et de l'usine de valorisation biprovinciale et reçoit des données du suivi environnemental sur Hibernia.

14.35 Dans l'examen des activités de contrôle et de coordination du ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources à l'égard des projets d'Hibernia et de l'usine de valorisation biprovinciale (encore en construction au moment de notre vérification), nous avons relevé la participation d'autres ministères et organismes fédéraux, ainsi que de l'Office Canada - Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers (un organisme mixte fédéral-provincial). Ces autres ministères et organismes effectuent une grande partie des activités de surveillance des retombées et des questions environnementales. Le service ministériel du contrôle reçoit certains renseignements directement des exploitants du projet. Toutefois, le ministère a expliqué qu'il se fie, dans la plus grande mesure du possible, aux mandats et à la compétence d'autres ministères et organismes dans la surveillance des aspects des mégaprojets énergétiques qui touchent l'environnement et les retombées.

14.36 Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources a pris des dispositions auprès du ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie et de l'Agence de promotion économique du Canada Atlantique pour qu'ils participent au suivi des retombées industrielles liées aux contrats du projet Hibernia. Le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest coordonne les activités fédérales de suivi des retombées économiques de l'usine de valorisation biprovinciale. Le ministère de l'Emploi et de l'Immigration suit les retombées d'emploi qui découlent des projets d'Hibernia et de l'usine de valorisation biprovinciale. Le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie suit aussi les retombées industrielles du projet d'usine de valorisation biprovinciale.

14.37 Le ministère a élaboré certains éléments d'un système de contrôle et de coordination, mais ces éléments ne constituent pas une méthode de contrôle définie. La plupart des dispositions en vue de coordonner le contrôle et d'échanger, avec d'autres ministères et organismes, des renseignements qui s'y rattachent manquent d'une orientation claire et bien consignée. Ainsi, dans certaines lettres d'entente avec d'autres ministères et organismes, le ministère demande seulement de recevoir des renseignements et des conseils pertinents au moment opportun. Nous nous attendions à trouver une orientation plus claire sur la nature, la forme et la fréquence des renseignements requis par le ministère.

14.38 Les renseignements de contrôle transmis par d'autres ministères et organismes dépendent en grande partie de leurs compétences et préférences respectives. Nous croyons qu'une bonne pratique de gestion exige que soient définis des critères minimaux sur l'information requise, afin d'informer et d'orienter les représentants d'autres ministères sur ce qu'on attend d'eux. Des exigences bien définies de contrôle aideraient à s'assurer des points suivants :

14.39 Le contrôle exercé par Énergie, Mines et Ressources, ainsi que par d'autres ministères et organismes, est circonscrit par les dispositions des accords juridiques. Cet aspect rejoint un point relevé au paragraphe 14.13, soit que les accords qui régissent les mégaprojets renferment des objectifs limités qui ne correspondent pas à un grand nombre des objectifs énoncés publiquement.

14.40 Un autre problème de contrôle provient du fait que certaines dispositions des accords ne précisent pas les retombées escomptées. Ainsi, des dispositions sur l'adjudication de contrats à des sociétés canadiennes comportent des expressions comme «dans la mesure du possible» et «transfert technologique». Le sens concret de ces expressions, aux fins du contrôle, n'est pas clair.

14.41 Le ministère a pris des mesures pour améliorer son contrôle du projet Hibernia. Il n'était pas satisfait de l'information qu'il recevait sur les retombées contractuelles. En janvier 1992, le ministre fédéral de l'Énergie, des Mines et des Ressources demandait à recevoir une meilleure information et demandait au ministère de passer en revue les méthodes utilisées pour suivre de près et rapporter l'information. Le ministère a étudié des façons d'améliorer les données. Il a également examiné la possibilité d'obtenir de la part de l'exploitant du projet des points de repère sur lesquels il pourrait se fonder pour signaler dans quelle mesure le projet est en voie de réaliser les retombées escomptées. On a éventuellement défini des points de repère en février 1992, bien après le début du projet, à la fin de 1990. Aucun point de repère en rapport avec les retombées industrielles n'a jamais été défini pour le projet d'usine de valorisation biprovinciale.

14.42 Au milieu de 1991, on a effectué une vérification externe sur l'information relative aux retombées du projet Hibernia. La vérification a fait ressortir de nombreuses lacunes dans la collecte et la communication de l'information sur les retombées d'Hibernia. Depuis, le ministère et l'Office Canada - Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers ont travaillé à améliorer la communication de l'information sur les retombées. Aucune vérification subséquente n'a été effectuée, bien qu'on en prévoit une pour l'automne 1992. À la lumière des conclusions de la première vérification et de la disponibilité récente de points de repère, on peut se poser des questions sur la fréquence de la vérification des retombées. Nous relevons également le fait que les renseignements sur les retombées de l'usine de valorisation biprovinciale n'ont fait l'objet d'aucune vérification. Par conséquent, il n'est pas évident, à notre avis, que le ministère possède des données fiables sur les retombées concrètes de ces deux mégaprojets.

14.43 Nous avons relevé un autre problème clé dans les accords visant les projets d'usine de valorisation biprovinciale et d'Hibernia, soit l'absence de lien entre le rendement et le paiement. Les paiements fédéraux se fondent sur les dépenses de projet, et non sur des jalons de construction ou sur la réalisation de certaines retombées économiques précises escomptées de ces projets. Même si le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources déterminait par ses activités de contrôle que certaines retombées escomptées n'étaient pas réalisées, il n'aurait aucune autorité juridique qui lui permette de cesser ses paiements liés au projet. En l'absence d'un lien direct entre le rendement et le paiement, le paiement a le caractère d'une subvention.

14.44 Nous reconnaissons que le ministère n'est pas en mesure de résoudre unilatéralement tous les problèmes que nous avons relevés. Les problèmes de libellé des accords juridiques, en particulier, ne peuvent être résolus sans renégocier les accords. La réouverture des accords est peu probable et elle ne constituerait pas nécessairement une solution pratique à cette étape des mégaprojets en cours. Toutefois, on peut en tirer des leçons en prévision de futurs mégaprojets.

14.45 En nous fondant sur nos observations, nous ne croyons pas que le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources ait établi un régime suffisamment rigoureux de contrôle et de coordination des intérêts fédéraux dans les mégaprojets énergétiques. Le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources ont également raté des occasions de s'assurer que les fonds fédéraux investis dans des mégaprojets énergétiques soient gérés dans un contexte d'optimisation des ressources. C'est l'étape de la rédaction des accords juridiques qui présente la meilleure occasion de protéger les intérêts fédéraux.

14.46 Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources, avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, devrait étudier des moyens d'améliorer le régime de contrôle de mégaprojets énergétiques et d'adopter des dispositions en vue d'assurer la réalisation des résultats escomptés.

Commentaire du ministère : EMR a déjà pris des mesures pour améliorer la surveillance des mégaprojets énergétiques. Le ministère affectera des ressources supplémentaires aux activités de surveillance, surtout en ce qui a trait aux retombées industrielles et à l'emploi. De plus, le ministère créera un centre unique qui sera chargé de surveiller tous les aspects des mégaprojets, en accordant une attention particulière à la coordination des activités de surveillance à l'échelle fédérale.

14.47 Plus particulièrement, le Secrétariat du Conseil du Trésor, lorsqu'il définit des exigences de politique, comme il est recommandé au paragraphe 14.32, devrait envisager d'exiger que des paiements ne soient versés qu'en fonction de l'avancement correspondant du projet et de la réalisation de conditions spécifiques de rendement.

Carences dans la surveillance exercée sur les recommandations et les engagements environnementaux
14.48 Dans le Rapport sur l'état de l'environnement au Canada publié en 1991 par le gouvernement fédéral, on désigne la côte est de Terre-Neuve comme l'endroit le plus susceptible d'être touché par un déversement pétrolier. Ailleurs dans le rapport, on estime que le projet Hibernia doit également être considéré comme une menace importante pour la vie marine locale.

14.49 Nous avons constaté que le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources a comme objectif de favoriser la mise en valeur des ressources, conformément aux objectifs environnementaux fédéraux. Nous avons examiné les mesures de protection de l'environnement qu'a prises le ministère dans les projets d'Hibernia et de l'usine de valorisation biprovinciale. Les remarques suivantes portent sur le projet Hibernia, à l'exception des paragraphes 14.64 et 14.65 consacrés à l'usine de valorisation biprovinciale.

14.50 Avant l'adoption en 1984 du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement (Décret PEEE), qui officialisait le processus du gouvernement fédéral sur l'examen et l'évaluation des incidences environnementales, le ministère réalisait l'importance d'une évaluation environnementale du projet Hibernia. En 1980, le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources référait officiellement le projet Hibernia à un examen public et le comité d'examen déposait son rapport en 1985, alors que le Décret PEEE était en vigueur.

14.51 En 1985, la responsabilité de la gestion des ressources pétrolières extracôtières, notamment au chapitre environnemental, était confiée à l'Office Canada - Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, créé en vertu de l'«Accord Atlantique». C'est à cet Office que l'on a demandé de donner suite au rapport du comité d'examen du projet Hibernia qui comportait 50 recommandations.

14.52 En vertu du Décret PEEE, l'Office Canada - Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers était reconnu comme le ministère responsable («ministère qui, au nom du gouvernement du Canada, exerce le pouvoir de décision à l'égard d'une proposition»). Le Décret précise clairement que c'est au ministère responsable qu'il revient de décider à qui les recommandations du comité d'examen seront adressées et de la mesure dans laquelle ces recommandations deviendraient des exigences du gouvernement du Canada, si le projet était approuvé.

14.53 En 1986, l'Office présentait un rapport de décision en réponse aux recommandations du comité d'examen qui relevait de sa compétence. Toutefois, il précisait clairement, et par écrit, que plusieurs recommandations échappaient à sa compétence et qu'il «les portait à l'attention des autorités compétentes» [Traduction]. Au moment de notre vérification, personne n'avait tenté de déterminer ce qu'il était advenu de ces recommandations en suspens. On ne sait pas au juste à qui incombe la responsabilité d'y voir.

14.54 En 1988, Énergie, Mines et Ressources, à titre de ministère responsable du financement, décidait d'aller de l'avant avec le projet Hibernia. Cette décision en faisait présumément le ministère responsable, au sens du Décret PEEE de 1984. À cette étape de l'évolution du projet, on ne pouvait cependant plus déterminer clairement qui était le ministère responsable directeur : Énergie, Mines et Ressources ou l'Office Canada - Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers?

14.55 Le Décret de 1984 du gouvernement fédéral sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement ne nous a pas particulièrement éclairés à cet égard. Ainsi, lorsqu'il y a plusieurs ministères «responsables», le Décret n'exige pas la désignation d'un organisme directeur. Le choix d'un organisme directeur permettrait de s'assurer, en collaboration avec les autres entités touchées par le projet, que toutes les recommandations du comité d'examen sont examinées par les ministres concernés, avant de prendre toute autre mesure en rapport avec le projet. Si on prend alors la décision de poursuivre, l'organisme directeur s'assurerait que ces recommandations acceptées soient incorporées à la conception, la construction et l'exploitation du projet. On pourrait du même coup s'assurer de l'instauration de programmes pertinents de mise en oeuvre, d'inspection et de suivi des facteurs environnementaux.

14.56 Des recommandations du comité d'examen du projet Hibernia visaient plusieurs ministères et organismes fédéraux et provinciaux, y compris les ministères fédéraux de l'Énergie, des Mines et des Ressources, de l'Environnement, des Transports et des Pêches et des Océans. Ces recommandations comprenaient l'établissement de systèmes de gestion des glaces, de systèmes de prévision météorologique, de programmes de suivi environnemental et de plans d'urgence en cas de déversement pétrolier.

14.57 Une importante recommandation n'a pas fait l'objet d'un suivi. On proposait au gouvernement d'élaborer une stratégie d'ensemble pour la mise en oeuvre des recommandations du comité d'examen jugées nécessaires au succès du projet, en définissant des sources et niveaux pertinents de financement.

14.58 Que le Décret PEEE ait ou non défini une orientation claire pour le traitement des recommandations du comité d'examen du projet Hibernia, nous sommes d'avis que, compte tenu de l'importance accordée par le gouvernement fédéral à l'évaluation environnementale, on aurait dû se pencher entièrement sur les questions suivantes, mais cela n'a pas été fait : comment allait-on donner suite aux recommandations du comité d'examen, qui serait responsable d'y voir et de veiller à ce que ces décisions soient étayées et qu'on en tienne compte lors de la décision finale d'aller ou non de l'avant avec le projet?

14.59 En 1990, le projet Hibernia a subi deux changements importants, soit des modifications à sa conception et un changement d'emplacement pour la construction de la plate-forme. L'Office Canada - Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers estimait que les modifications à la conception constituaient un nouveau plan de mise en valeur, qui exigeait son approbation. L'Office a procédé à un examen détaillé et présenté sa décision aux ministres de l'énergie fédéral et provincial.

14.60 Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources a décidé que les modifications à la conception et le changement d'emplacement pour la construction de la plate-forme justifiaient tous les deux un examen, en vertu du Décret PEEE de 1984. Il fut désigné à titre de ministère responsable directeur et coordonna des examens ministériels et des évaluations environnementales, qui ont donné lieu à deux décisions distinctes d'examen approfondi. Dans les deux décisions, on concluait que les éventuelles incidences environnementales négatives et les effets sociaux qui en découleraient directement seraient négligeables ou atténuables au moyen de la technologie connue. Toutefois, ces décisions d'examen approfondi comportaient plusieurs engagements environnementaux supplémentaires qui allaient au-delà des cinquante recommandations originales du comité d'examen en rapport avec Hibernia.

14.61 Nous constatons que le Décret PEEE n'offre pas d'orientation précise sur le suivi à donner à des recommandations du comité d'examen acceptées par le ministre ou à tout engagement pris dans les décisions d'examen environnemental approfondi susmentionnées. Lors de nos entrevues auprès des divers ministères et organismes en cause dans le projet Hibernia, aucun organisme distinct n'a été en mesure de nous faire rapport sur l'état d'avancement global des mesures de protection environnementale.

14.62 Nous nous serions attendus qu'Énergie, Mines et Ressources, à titre de ministère responsable du financement, aurait eu à sa disposition des données complètes et à jour sur l'état d'avancement des recommandations et engagements acceptés qui découlaient de l'évaluation environnementale. Nous n'avons découvert aucun mécanisme de production de ce genre d'information autre que des réunions et des appels téléphoniques occasionnels.

14.63 Pour le projet Hibernia et tout projet éventuel de cette nature, le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources devrait suivre de près et consigner l'état d'avancement des recommandations et engagements de nature environnementale acceptés par le ministre.

Commentaire du ministère : Le ministère a fait le suivi des recommandations adoptées, des conditions fixées et des engagements pris en matière d'environnement relativement au projet Hibernia. On a aussi mis sur pied un système complet de surveillance environnementale en collaboration avec le promoteur et avec les ministères et organismes gouvernementaux qui, dans le cadre du projet Hibernia, ont des responsabilités en matière de réglementation environnementale. Ce système demeurera en application.

14.64 Dans le cas de l'usine de valorisation biprovinciale, nous avons trouvé que le ministère n'avait pas non plus suffisamment d'information sur la conformité aux modalités de l'approbation environnementale. L'évaluation environnementale de l'usine de valorisation biprovinciale, terminée en 1991, comportait des modalités fédérales d'approbation. Nous nous serions attendus à un meilleur système de suivi de l'information, dans le contexte de l'évolution de l'approche du gouvernement fédéral à l'examen et l'évaluation des questions environnementales depuis l'adoption du Décret de 1984 sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement.

14.65 Le ministère nous a indiqué qu'il procède à la dotation d'un nouveau groupe chargé des responsabilités environnementales, qui devrait aborder les préoccupations susmentionnées à l'égard du projet d'usine de valorisation biprovinciale.

14.66 Nous constatons que le projet Hibernia a été lancé avant l'adoption du Décret PEEE en 1984, ce qui soulève des questions sur le caractère applicable du Décret au projet, mais nous estimons que le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources devrait mettre un accent plus poussé sur ses contrôles des recommandations et engagements environnementaux et ce, pour les motifs suivants :

14.67 Nous continuerons de suivre la mise en oeuvre des nouvelles mesures législatives, des règlements et des lignes directrices de fonctionnement en matière environnementale, afin de déterminer si l'on comble les lacunes que nous avons relevées.

Possibilités d'améliorer la mesure de l'efficacité
14.68 Les mégaprojets produisent-ils les résultats que l'on attendait? La mesure de l'efficacité aide à répondre à cette question. Nous avons déjà mentionné que les objectifs des mégaprojets n'étaient pas définis clairement, ce qui permet difficilement de déterminer si l'on a obtenu les résultats escomptés. De plus, une grande partie des estimations de retombées socio-économiques, comme la création d'emploi et les contrats pour des sociétés canadiennes, provient des entreprises qui ont proposé les projets d'Hibernia et de l'usine de valorisation biprovinciale. Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources n'a pas effectué ses propres estimations indépendantes. Il a étudié les estimations préparées par les sociétés privées, mais la portée de cet examen n'est pas claire. Nous avons également éprouvé de la difficulté à déterminer l'ensemble des hypothèses sous-jacentes dont découlent ces estimations.

14.69 Le ministère possède des modalités de suivi de certains effets directs, par exemple, l'emploi direct qui découle des projets. Toutefois, ces modalités ne prévoient pas un examen des incidences plus larges sur l'emploi et d'autres facteurs socio-économiques, par exemple, l'effet sur le logement et les affaires dans les collectivités avoisinantes. Dans le cas du projet Hibernia, les sociétés qui ont proposé le projet estimaient que ces retombées élargies sur l'emploi dépasseraient considérablement les retombées directes.

14.70 Au moment de notre vérification, le ministère n'avait défini aucune structure d'encadrement pour l'établissement d'indices de rendement et d'un plan de collecte et d'interprétation de données de rendement sur l'un ou l'autre des mégaprojets. En vertu de la politique du Conseil du Trésor sur l'évaluation de programme, une telle structure d'encadrement devrait être préparée aussi tôt qu'à l'étape de la conception initiale. Selon nous, si le ministère avait entrepris d'élaborer des structures d'encadrement pour chacun des mégaprojets, il aurait décelé certains des problèmes que nous avons relevés. Les structures d'encadrement auraient donné au ministère l'occasion d'aborder des questions comme la clarté des objectifs, la mesure des retombées directes comme des retombées plus vastes et l'importance du besoin d'instaurer des systèmes pour la collecte régulière de données essentielles. Toutes ces étapes sont nécessaires afin de déterminer ce que réalisent exactement les mégaprojets.

14.71 En plus des facteurs susmentionnés, nous avons entrepris un examen d'évaluations que le ministère avait entreprises et menées à terme à propos de mesures antérieures de stimulation financière des secteurs énergétique et minier. Ces programmes partaient d'une orientation différente de celle des mégaprojets, mais ils représentaient eux aussi un niveau considérable d'aide au secteur, avec l'accent mis sur l'exploitation plus productive des ressources énergétiques. Ces programmes ont été abandonnés, mais nous avons cru important d'examiner la façon dont le ministère a évalué leur efficacité. Nous avions comme objectif de déterminer les leçons tirées de la façon dont le ministère avait abordé l'évaluation dans le secteur énergétique, leçons qui pourraient s'appliquer à toute évaluation future des mégaprojets. Notre Bureau a déjà commenté, en 1983 et en 1985, l'évaluation par le ministère des mesures de stimulation financière du secteur énergétique. Cette année, nous avons analysé en profondeur les évaluations du Programme d'encouragement du secteur pétrolier (PESP), du Programme canadien d'encouragement à l'exploration et à la mise en valeur (PCEEMV) et du Programme de stimulation de l'exploration minière au Canada (PSEMC). Ces évaluations ont été achevées en 1985, 1991 et 1992, respectivement.

14.72 Il faut donner au ministère le mérite d'avoir élaboré des données de suivi sur l'efficacité des programmes dans ces domaines importants qui sont complexes à mesurer. Notre examen indiquait que les renseignements produits devraient s'avérer particulièrement utiles dans l'amélioration du rendement opérationnel de programmes de ce type. Toutefois, l'évaluation des incidences et effets d'ensemble de programme laisse encore place à l'amélioration. La mesure de l'efficacité joue un rôle important dans le compte rendu, au Parlement, des crédits votés. Cette mesure peut également dégager les résultats d'une expérience précieuse en vue de futures initiatives de programme.

14.73 Quant au moment des évaluations, elles ont été entreprises après l'annonce de l'annulation des programmes, pour les trois programmes de stimulation : le Programme d'encouragement du secteur pétrolier, le Programme canadien d'encouragement à l'exploration et à la mise en valeur ainsi que le Programme de stimulation de l'exploration minière au Canada. Le ministère souligne que le PCEEMV et le PSEMC ont pris fin plus tôt que prévu. Nous estimons qu'il est crucial d'effectuer l'évaluation au moment opportun et dans les cas du PESP et du PCEEMV, un délai suffisant s'était écoulé pour permettre de procéder plus tôt à une évaluation. À notre avis, il aurait été raisonnable de procéder plus tôt à l'évaluation, compte tenu de l'étape de mise en oeuvre des programmes, de l'envergure des fonds en cause et, dans le cas du PCEEMV, de la nature temporaire du programme.

14.74 Nous avons également examiné la qualité des évaluations entreprises à propos des trois programmes de stimulation, pour découvrir des lacunes dans la manière dont ces évaluations abordaient les questions de coût-efficacité. Ces carences ont rendu les évaluations moins utiles et n'ont pas permis de dégager une image claire des résultats du programme.

14.75 Le rapport d'évaluation du PCEEMV n'abordait pas suffisamment les questions de coût-efficacité soulevées par les éléments probants à l'effet que le programme pourrait ne pas avoir réussi à produire une hausse de l'investissement en forage de grandes sociétés. Les sociétés en question avaient reçu quelque 41 p. 100 des stimulants versés au cours de la vie du programme.

14.76 À notre avis, dans le rapport d'évaluation du PSEMC, l'estimation d'ensemble de l'un des effets clés escomptés du programme (un financement accru des sociétés d'exploration) n'était pas exacte. Cette lacune s'explique par le manque de preuve explicative dans l'analyse et par le fait que plusieurs des entreprises elles-mêmes n'arrivaient pas à estimer la mesure dans laquelle le programme avait permis d'accroître leur financement. De plus, l'évaluation comportait une autre lacune importante. Elle ne tenait pas compte des questions de rentabilité qui émanaient des propres conclusions du ministère sur les entreprises qui avaient reçu une aide. Le ministère a conclu que près de 40 p. 100 des entreprises sondées (qui avaient reçu une aide financière en vertu du programme) avaient cessé d'exister au moment du suivi d'évaluation. Dans l'évaluation, on n'a pas considéré la question de savoir à quelles réalisations a mené le programme dans ce cas.

14.77 L'évaluation du Programme d'encouragement du secteur pétrolier (PESP) comportait elle aussi de sérieuses lacunes dans des domaines qui auraient dû, raisonnablement et de façon appropriée, être abordés. Il s'agit d'un motif de préoccupation si l'on songe à la très grande dépense des fonds publics en cause (7,33 milliards de dollars, entre 1981 et 1988). L'évaluation n'a pas fourni une analyse valable de la rentabilité du programme. Ainsi, la portée de l'évaluation ne s'étendait pas à la question de déterminer si d'autres options de programme auraient pu encourager la mise en valeur d'approvisionnements pétroliers moins coûteux ou moins risqués. De plus, l'évaluation n'abordait pas suffisamment la question de la contribution du programme à l'accroissement des réserves pétrolières récupérables du Canada, à cause de la quantité limitée de données disponibles au moment de l'évaluation. Il s'agit pourtant d'une question cruciale de coût-efficacité et d'optimisation des ressources dans un programme qui met en cause des niveaux de dépenses importants. Rien n'indique que le ministère ait poussé plus loin cette question dans quelque activité d'évaluation subséquente.

14.78 Afin de mesurer l'efficacité des mégaprojets d'Hibernia et de l'usine de valorisation biprovinciale, le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources devrait :

Commentaire du ministère : Pour ce qui est du projet Hibernia, EMR procédera en temps et lieu à l'évaluation proposée dans le document intitulé «Modalités des ententes de contribution et de gestion», qui a été approuvé par le Conseil du Trésor.

Conformément à son Plan d'évaluation des programmes pour la période de 1992 à 1995, EMR détermine actuellement les exigences de l'évaluation des mégaprojets. La nature des évaluations variera en fonction de l'importance de l'information recueillie pour les décisions relatives aux projets en cours et de la nécessité de rendre davantage de comptes.

Nécessité d'une meilleure information à l'intention du Parlement et du public
14.79 Au paragraphe 14.14, nous indiquions que les parlementaires devraient pouvoir interroger le ministère sur les résultats obtenus grâce aux mégaprojets, surtout compte tenu de l'envergure des montants, des retombées et des risques en cause. Une vaste campagne publicitaire a haussé les attentes du public à l'endroit de ces projets.

14.80 Nous avons examiné diverses façons dont le ministère fait rapport au Parlement et au public. Celles-ci comprennent des communiqués de presse, des témoignages devant des comités parlementaires, le rapport annuel du ministère, les Comptes publics du gouvernement du Canada et le Budget des dépenses principal, Partie III. Nous avons choisi de concentrer notre examen sur la façon dont on fait rapport sur les mégaprojets dans la Partie III du Budget des dépenses. Notre travail de vérification a pu ainsi se conformer à une étude distincte sur l'information présentée au Parlement et contribuer à cette étude réalisée à l'échelle du gouvernement (voir le chapitre 6).

14.81 Notre examen de l'information sur les mégaprojets présentée par le ministère dans la Partie III, ces trois dernières années, révèle que l'information clé suivante n'a pas été rapportée, ou ne l'a été que partiellement :

14.82 Le ministère admet que toute cette information n'est pas rapportée dans sa Partie III, mais il déclare qu'il fournirait de l'information plus détaillée sur demande, en particulier à des parlementaires.

14.83 De plus, les rapports sur les mégaprojets dans la Partie III manquent de cohérence. Il faut examiner des références diverses et rassembler des bribes d'information. Le projet d'usine de valorisation biprovinciale, dans la Partie III de 1992-1993, constitue un exemple parfait d'information incohérente et incomplète. Le financement fédéral d'importants dépassements des coûts de construction dans ce projet n'est pas clairement désigné ou expliqué et on ne révèle pas les responsabilités du gouvernement à titre de participant au capital-actions.

14.84 Nous reconnaissons qu'il faut trouver un compromis entre un déluge d'information et une information insuffisante. Nous ne préconisons pas une expansion massive d'information sur les mégaprojets. Nous croyons que l'on pourrait améliorer les rapports sur ces projets.

14.85 Les responsabilités du ministère en rapport avec les mégaprojets dépassent de loin les seules questions qui font actuellement l'objet de rapports publics. Ces données portent principalement sur des aspects financiers. Toutefois, les mégaprojets comportent d'importants objectifs autres que financiers qu'il faut considérer, notamment les retombées économiques comme les incidences environnementales. On ne fait à peu près pas mention de ces aspects non financiers au Parlement et au public.

14.86 Le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources devrait présenter une meilleure information au Parlement et au public sur les résultats financiers autant que non financiers des dépenses fédérales dans les mégaprojets. Ces rapports devraient à tout le moins expliquer les points suivants :

Commentaire du ministère : Conformément aux lignes directrices du Bureau du contrôleur général concernant la préparation de la Partie III du Budget des dépenses, EMR fournira davantage d'information sur les mégaprojets énergétiques de façon à combler les lacunes relevées par le vérificateur général.