Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien

LA GESTION DES FORÊTS DES INDIENS

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Vérificateur général adjoint : Elwyn Dickson
Vérificateur responsable : Larry Ting

LA GESTION DES FORÊTS DES INDIENS

Introduction

15.11 Selon Forêts Canada (FORCAN), les terres forestières productives qui se trouvent dans les réserves indiennes du Canada s'étendent sur une superficie d'environ 1,4 million d'hectares (voir pièce 15.1 ). Sur les 603 bandes qui vivent dans des réserves, 240 environ possèdent des superficies forestières qui dépassent les 1 000 hectares.

15.12 La plupart des forêts des réserves constituent un important levier de développement socio-économique pour les bandes indiennes. Les forêts, si petites soient-elles, constituent souvent le bien le plus important que possèdent de nombreuses bandes. Elles renferment de nombreuses ressources renouvelables, dont le bois de construction, le fourrage et la faune, et sont d'une importance cruciale pour l'approvisionnement en eau potable et l'air pur. De fait, pour les autochtones, les forêts représentent plus que le combustible, le gîte et le couvert. Elles sont un élément essentiel au bien-être culturel et spirituel de la population indienne.

15.13 Les grands domaines forestiers, s'ils étaient bien gérés, pourraient fournir de l'emploi et procurer un revenu stable aux membres des bandes. Un certain nombre de forêts de réserve sont situées à une distance qui se prête à une exploitation économique par les industries spécialisées.

15.14 La grande majorité des Indiens qui vivent dans les réserves se trouvent dans des régions éloignées des centres urbains. Ces gens comptent fortement sur l'assise des ressources des réserves de même que sur les quelques débouchés d'emploi qui s'offrent dans leur voisinage. La situation socio-économique des Indiens ne peut vraiment s'améliorer que dans la mesure où la mise en valeur des ressources renouvelables naturelles se fait dans une perspective durable.

15.15 Selon Forêts Canada, les forêts de bon nombre de réserves sont grandement appauvries pour avoir été négligées pendant plusieurs décennies, et faute d'un aménagement forestier. L'appauvrissement s'explique principalement par l'exploitation débridée, l'incendie, l'absence de reboisement et un entretien insuffisant.

15.16 La Loi sur les Indiens et le Règlement sur le bois de construction des Indiens créent pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien une responsabilité légale à l'égard du bois de construction des Indiens et des forêts des réserves. L'étendue de cette responsabilité est loin de faire l'unanimité; les interprétations vont d'une responsabilité de fiduciaire à une simple responsabilité de délivrance de permis et de droits de coupe dans les réserves.

15.17 Forêts Canada aide le ministère à remplir ses obligations en fournissant conseils techniques, leadership et financement en matière d'aménagement forestier. On débloqua quelque 17 millions de dollars, pour la période de 1984 à 1990, en vertu des Ententes fédérales provinciales sur la mise en valeur des ressources forestières. Ce montant a été porté à 30 millions, pour la période de 1991 à 1995. Nous n'avons effectué aucune vérification des activités de Forêts Canada en rapport avec les forêts des Indiens.

15.18 À la suite d'une étude d'évaluation sur les ressources forestières des Indiens, en 1988, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien a conclu un protocole d'entente avec FORCAN de façon à établir des rapports de travail coordonnés et des objectifs communs en ce qui concerne les programmes forestiers indiens. En dépit de cette entente, il revient en fin de compte au ministère de répondre de ses responsabilités légales.

Étendue de la vérification

15.19 Dans la présente vérification, nous avons examiné de quelle façon le ministère interprète et assume son rôle légal en ce qui touche l'aliénation du bois de construction des Indiens. Nous avons aussi examiné le rôle qu'il joue dans la gestion des forêts des réserves dans les provinces. Nous n'avons pas tenu compte des forêts des Territoires du Yukon et du Nord-Ouest.

Critères de vérification

15.20 Pour pouvoir s'acquitter avec efficience et efficacité de ses responsabilités de gestion de l'aliénation du bois, le MAINC devrait avoir :

Observations et recommandations

Absence de mandat clair

15.21 Le mandat du ministère en matière d'octroi de permis et de licences touchant le bois de construction des Indiens de même que la gestion des terres de réserve se trouve énoncé dans la Loi sur les Indiens .

15.22 La Loi sur les Indiens énonce clairement que les réserves sont détenues par la Couronne, à l'usage et au profit des bandes indiennes.

15.23 Le paragraphe 18(1) de la Loi sur les Indiens porte que : «... Sa Majesté détient des réserves à l'usage et au profit des bandes respectives ... le gouverneur en conseil peut décider si tout objet, pour lequel des terres dans une réserve sont ou doivent être utilisées, se trouve à l'usage et au profit de la bande.»

15.24 La loi définit la «réserve» comme étant : «... Parcelle de terrain [y compris les forêts] dont sa Majesté est propriétaire et qu'elle a mise de côté à l'usage et au profit d'une bande...».

15.25 En outre, sous la section de la loi intitulée «Administration des réserves et des terres cédées ou désignées», l'article 57 autorise le gouverneur en conseil à faire des règlements «autorisant le ministre à accorder des permis de couper du bois sur des terres cédées ou, avec le consentement du conseil de la bande, sur des terres des réserves et établissant des conditions et des restrictions à l'égard de l'exercice des droits conférés par les permis accordés.»

15.26 Le mandat d'aliéner le bois de construction sur les réserves est clairement énoncé. Depuis des années, la signification précise d'autres aspects de la gestion des forêts des Indiens a fait l'objet de diverses interprétations. Le fondement du débat est de savoir si le mandat représente une obligation légale ou s'il englobe une activité discrétionnaire. Le ministère devrait clarifier ses responsabilités en ce qui concerne ces aspects de la gestion des forêts.

15.27 Sans une telle clarification, il devient presque impossible de déterminer si les ressources sont vraiment utilisées aux fins requises par la loi ou si la mise en application des responsabilités du ministère est uniforme dans l'ensemble du pays.

15.28 Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, en collaboration avec Forêts Canada et avec les groupes forestiers autochtones, devrait préparer un énoncé qui délimite ses responsabilités et celles des bandes pour ce qui est des forêts des réserves indiennes et qui esquisse un plan d'exploitation pour orienter ses activités.

Absence d'objectifs de gestion

15.29 Pour pouvoir s'acquitter de ses obligations légales en matière de gestion de l'aliénation du bois dans les réserves, nous nous serions attendus que le ministère ait une politique qui énonce clairement ses objectifs, ses responsabilités et son obligation de rendre compte, comme ses stratégies, pour atteindre de tels objectifs. Après avoir élaboré un tel énoncé, le ministère devrait consulter les Premières nations afin de mettre en place un plan et des procédés applicables à l'exercice de ses responsabilités.

15.30 Nous avons constaté que le ministère n'a pas de politique ou de plan qui précise de quelle façon il entend s'acquitter de son obligation qui consiste à s'assurer que toutes les recettes provenant du bois de construction qui reviennent aux bandes sont effectivement perçues et déposées dans leurs comptes. Le ministère n'a jamais donné suite aux nombreuses tentatives faites par son personnel en région visant à mettre au point un guide de gestion des forêts.

15.31 Pour être couronné de succès sur le plan social, économique et environnemental, tout programme forestier autochtone doit bénéficier de la pleine participation des bandes au moment de sa conception et à l'étape de l'administration. Le MAINC a fourni des ressources financières et un soutien technique à l'Intertribal Forestry Association of British Columbia et à l'Association nationale de foresterie des autochtones pour la mise en place d'initiatives de nature législative. Il faut avoir une perspective à long terme pour gérer la récolte du bois sur une base durable et pour déterminer de quelle façon les activités seront financées.

15.32 Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait, en collaboration avec les bandes indiennes et Forêts Canada, préparer, diffuser et mettre en application une politique claire en matière de gestion des forêts des Indiens qui reflète les intérêts à la fois des collectivités indiennes et du gouvernement fédéral.

Règlements ultra vires

15.33 La Loi sur les Indiens autorise le ministère à établir des règlements pour lui permettre de remplir ses obligations. Les règlements devraient être valides (et non ultra vires), appropriés et applicables. En 1982, le Comité permanent mixte du Sénat et de la Chambre des communes chargé d'étudier les règlements et autres textes réglementaires a déclaré que plusieurs des dispositions du Règlement sur le bois de construction des Indiens présentaient de graves lacunes. Le règlement était, et est encore, incompatible avec la Loi sur les Indiens de même qu'avec la Charte des droits de la personne . Le ministère reconnaît ces lacunes, mais il n'a pas procédé aux changements recommandés.

15.34 Le ministère a avisé ses bureaux régionaux de ne pas utiliser les articles du règlement qui sont considérés comme étant ultra vires. Il nous a informés que seuls des amendements aux articles visés, qui ne prêtent pas à controverse, seront inclus dans un projet de loi omnibus de changement réglementaire à l'automne de 1992.

Règlements tombés en désuétude

15.35 L'adoption du Règlement sur le bois de construction des Indiens remonte à 1954. À cette époque, exploitation forestière était synonyme de coupe de bois. Le reboisement était laissé à la nature. Aussi, le règlement est-il silencieux sur toutes les pratiques de sylviculture modernes qui permettraient de récolter du bois dans les terres indiennes de manière durable. Le règlement ne permet pas davantage d'assurer la bonne gestion des ressources qui sont touchées de façon importante par les opérations forestières, comme l'eau et la faune. Qui plus est, la préservation de l'habitat naturel constitue vraisemblablement un facteur d'importance dans les coutumes agricoles, culturelles et spirituelles des bandes indiennes.

Frein aux entreprises en coparticipation

15.36 Plusieurs des petites forêts de réserve ne donnent pas lieu à des formations d'unités d'aménagement forestier viables. Des bandes qui vivent dans une petite enclave forestière doivent déborder le périmètre de leurs forêts de réserve pour aussi gérer des parcelles de terres provinciales de la Couronne. Le Règlement sur le bois de construction des Indiens freine la mise sur pied de telles initiatives en coparticipation, en raison des grandes différences qui existent entre les régimes de réglementation, à l'intérieur et en dehors des réserves. Il est arrivé qu'une bande ait pu tirer parti d'une occasion offerte par une province; pour ce faire, il a fallu qu'elle obtienne une «concession de terres forestières» au moyen d'un décret du conseil qui faisait passer du MAINC à la province les droits et responsabilités en matière de gestion forestière dans la réserve. Cette délégation allait par la suite être remise en question par le Comité permanent mixte du Sénat et de la Chambre des communes chargé des règlements et autres textes réglementaires.

Mise en application non uniforme du règlement

15.37 La mise en application du Règlement sur le bois de construction des Indiens varie beaucoup à travers le pays. Dans certaines provinces, on ne l'applique pas du tout; dans d'autres, on l'applique à des degrés d'efficacité divers. Dans une province, le personnel régional du ministère a conçu des permis détaillés pour les entreprises d'exploitation forestière afin de combler les lacunes du règlement. Ces permis précisent les normes à respecter en fait d'exploitation forestière de même que la nécessité de respecter les dispositions et règlements de la loi provinciale sur les forêts en ce qui a trait à la mesure et au marquage du bois. Ces permis prévoient également des dispositions en matière de protection de l'environnement.

15.38 Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait consulter les collectivités et les institutions indiennes lorsqu'il révise le Règlement sur le bois de construction des Indiens de façon à le rendre approprié aux pratiques de sylviculture modernes axées sur une utilisation polyvalente et à refléter les intérêts de toutes les parties.

Manque de ressources appropriées

15.39 Le ministère doit s'assurer qu'il dispose des connaissances techniques requises pour s'acquitter de ses responsabilités légales en ce qui concerne l'aliénation du bois des Indiens. À notre avis, le personnel du ministère manque de formation professionnelle ou technique en foresterie. Au MAINC, on compte un spécialiste pour toute la région des Maritimes, un pour le Québec, l'Ontario, l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan respectivement, et deux pour la Colombie-Britannique. Bon nombre de ces employés exerçant d'autres fonctions, ils disposent de peu de temps pour préparer et délivrer des permis ou des licences.

15.40 Le ministère doit déterminer de quelles ressources il a besoin et de quelles ressources il peut disposer, soit à même son effectif ou en faisant appel à d'autres ministères fédéraux ou institutions indiennes, pour s'acquitter convenablement de ses responsabilités en ce qui a trait aux forêts des Indiens. Si on se fie aux données recueillies par Forêts Canada, en 1988, les dépenses totales, par hectare de forêt productive dans les terres indiennes, n'atteignent qu'environ la moitié de la moyenne pour le Canada. Il s'agit là d'un large écart au chapitre des investissements.

15.41 Rien ou presque n'est fait pour s'assurer que l'on respecte les modalités des permis ou des licences. En outre, les peines qu'impose la Loi à ceux qui contreviennent aux règlements sont trop légères pour avoir un effet dissuasif. Bien des bandes ne tiennent aucun compte de la loi et coupent et vendent du bois à leur gré. Dans certains cas, des particuliers qui n'appartiennent pas aux bandes ont illégalement récolté du bois sur des terres indiennes. Aucun processus ne permet à l'heure actuelle à un conseil de bande de vraiment faire face à cette situation. Les bandes doivent demander au ministre de poursuivre les gens qui coupent illégalement du bois. Il s'ensuit que la forêt continue de s'appauvrir dans la plupart des réserves et on assiste à une perte de recettes.

15.42 Qui plus est, le MAINC ne garde souvent aucun registre des coupes de bois, soit parce qu'il n'est pas au courant des opérations ou encore que son personnel ne dispose pas de suffisamment de temps ou de ressources pour exercer une surveillance efficace. Le ministère n'est donc pas en mesure de veiller à ce que des normes raisonnables de pratique sylvicole soient appliquées ou que le bois qui est coupé dans la forêt se traduise par des recettes appropriées.

15.43 Des cas ont été relevés où du cèdre de qualité a été coupé et où l'entrepreneur n'a payé aucun droit de coupe, même si un permis avait été approuvé et délivré par le ministère. On n'a pas demandé de garantie de bonne exécution ou de retenue de garantie comme on aurait dû le faire dans tout marché commercial normal. Dans un autre cas, le ministère a délivré un permis pour la récolte de 56 hectares d'épinettes de grande valeur. L'entrepreneur a fait faillite, on a brûlé le bois et la bande a perdu 750 000 $ de recettes forestières.

15.44 Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait s'assurer qu'il dispose des compétences requises, tant sur le plan de la qualité que de la quantité, pour être en mesure de s'acquitter de ses responsabilités légales à l'égard des forêts des Indiens.

Manque d'information

15.45 Le paragraphe 57(a) de la Loi sur les Indiens exige du ministre du MAINC qu'il obtienne le consentement du conseil de bande au moment d'accorder des permis de couper et d'aliéner du bois dans les terres de réserve. Il revient au ministre en premier lieu de décider si le permis proposé profite ou non à la bande dans son ensemble. À défaut d'information appropriée, le ministère est incapable d'évaluer de façon réaliste le potentiel des forêts des Indiens et les problèmes qui s'y posent. Le conseil de bande doit lui aussi disposer de renseignements appropriés et pertinents pour évaluer si une licence sert au mieux ses intérêts ou non. Il faudrait, à tout le moins, que l'on dispose d'un inventaire des forêts de même que d'un plan d'aménagement forestier assortis des ressources suffisantes pour le mettre en application. Au moment de s'acquitter de ses responsabilités, le ministère doit s'assurer que le bois est vendu à des prix concurrentiels et que les coupes se font conformément au plan d'aménagement forestier de la bande (à supposer qu'elle en ait un).

15.46 Dans notre Rapport annuel de 1986, nous avons recommandé, et le MAINC en a convenu, que le ministère compile et tienne un répertoire complet, exact et à jour des forêts indiennes. Par la suite, en 1987, le ministère s'est engagé envers le Comité des comptes publics à terminer cet inventaire pour 1991 dans le cas de toutes les bandes qui ont un potentiel commercial forestier.

15.47 La plupart des inventaires et des plans de gestion forestière intégrée actuels sont effectués avec l'aide de Forêts Canada et sont financés en vertu d'ententes sur la mise en valeur des ressources forestières. Forêts Canada signale que moins de la moitié des terres forestières productives des Indiens ont été inventoriées de façon appropriée. La pièce 15.2 donne le détail des superficies inventoriées, par province.

15.48 Selon le MAINC, la principale raison pour laquelle on n'a pas terminé les inventaires forestiers, c'est que bon nombre de bandes n'ont pas présenté de demande à cet effet, en partie parce que le programme d'inventaire n'a pas fait l'objet d'une promotion suffisante.

15.49 Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, avec l'aide de Forêts Canada, et en collaboration avec les collectivités indiennes, devrait terminer les inventaires forestiers dans les terres des réserves indiennes le plus rapidement possible.

Rapports périodiques

Manque de rapports adéquats

15.50 Afin de remplir ses responsabilités liées à l'obligation de rendre compte concernant les forêts des Indiens, le ministère devrait obtenir des bandes les renseignements pertinents et faire rapport périodiquement au Parlement du rendement de toutes les parties concernées. Outre l'information de base que l'on trouve normalement dans ce genre de rapport, il serait utile d'indiquer à quel endroit on peut obtenir des renseignements supplémentaires, comme un inventaire des forêts indiennes dont le ministère assume la gestion, comme l'état d'avancement des travaux d'élaboration des plans d'aménagement forestier des terres indiennes, et la description des programmes ou de l'aide offerte par les ministères provinciaux et fédéraux. On pourrait y ajouter des activités de gestion forestière performantes afin qu'elles puissent servir de modèle aux autres bandes qui envisagent d'investir dans l'aménagement forestier.

15.51 Nous avons constaté que le ministère ne faisait pas régulièrement rapport au Parlement sur la situation relative au bois de construction et aux forêts des Indiens.

15.52 Forêts Canada, qui publie un rapport biennal intitulé «Récolte de bois sur les terrains fédéraux», lequel renferme des données sur le bois récolté, sur les revenus qui proviennent des droits de coupe, sur les répercussions économiques et sur la gestion forestière, éprouve aussi des difficultés à obtenir des données exactes du MAINC ou des bandes, situation attribuable au fait que l'on ne consigne et ne collecte pas systématiquement des données à des fins d'évaluation et de planification.

15.53 Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait consulter les collectivités indiennes afin d'instaurer un régime de présentation de rapports sur sa responsabilité légale et sur d'autres aspects de la gestion des forêts des réserves et il devrait faire au Parlement des rapports périodiques sur le rendement de toutes les parties concernées.

Conclusion

15.54 À la lumière des résultats de notre examen, nous en venons à la conclusion que le MAINC ne s'acquitte pas, avec tout le souci professionnel, de ses responsabilités légales en ce qui concerne la gestion des forêts des Indiens.

15.55 Compte tenu de l'incertitude qui entoure cette question et de l'obligation de plus en plus sentie dans laquelle se trouve le gouvernement fédéral de rendre compte de sa gérance des intérêts indiens, il faut que le ministère revoie, avec les diverses bandes, la façon dont il gère les forêts. À défaut de s'acquitter de ses responsabilités à cet égard, le ministère pourrait faire l'objet d'action en justice.

Autres avantages

15.56 Une saine gestion des forêts des réserves générerait des avantages sociaux et économiques, aussi bien pour les bandes que pour le Canada. À long terme, les investissements dans la gestion forestière pourraient contribuer à réduire les futures dépenses fédérales à l'égard d'autres programmes de développement économique, de santé et d'aide sociale destinés aux bandes.

15.57 Forêts Canada estime que chaque millier de mètres cubes de bois récolté crée 1,94 emploi dans le secteur forestier et 3,42 emplois dans d'autres secteurs, ce qui se traduit par des retombées économiques pour la société de l'ordre de 166 000 $ environ.

15.58 Selon les estimations de Forêts Canada, les niveaux de récolte actuels qui sont rapportés dans les forêts des réserves ne représentent que 25 p. 100 du potentiel de coupe annuelle permise. Les forêts indiennes produisent aussi moins de fibre ligneuse qu'elles ne devraient. Par conséquent, il semble que les niveaux de récolte actuels pourraient augmenter de façon sensible si on améliorait les méthodes de gestion forestière. À long terme, cette mesure pourrait éventuellement faire passer la récolte annuelle à près de cinq millions de mètres cubes par année, ce qui engendrerait des expéditions de billes d'une valeur estimée à près de 200 millions de dollars par année et se traduire par des possibilités directes d'emploi pour près de 10 000 personnes.

Exemple d'investissement avisé dans l'aménagement forestier

15.59 Quelques bandes profitent déjà d'une gestion forestière intégrée. Aux fins de notre rapport, nous en avons choisi une qui disposait de données sur les avantages économiques et sociaux qui en ont résulté.

15.60 En 1981, en raison d'une restriction légale de la Loi sur les Indiens , la bande Stuart Trembleur Lake dut obtenir un décret du conseil fédéral et constituer en société la Tanizul Timber Ltd. afin d'acquérir une concession de terres forestières du gouvernement provincial de la Colombie-Britannique. De cette façon, cette bande pourrait gérer des terres forestières tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des limites de sa réserve. La licence fut octroyée pour une période de 25 ans avec possibilité de renouvellement.

15.61 La concession s'étend sur environ 47 500 hectares de forêt de la Couronne provinciale et sur 2 200 hectares de forêts de réserve. Elle permet une coupe annuelle d'environ 132 300 mètres cubes. Selon le volume coupé et la situation du marché, l'exploitation forestière génère entre quatre millions et six millions de dollars par année. Les droits de coupe, qui sont en moyenne de 10 $ le mètre cube, génèrent des recettes d'environ un million de dollars par année pour le gouvernement provincial.

15.62 À l'époque où elle obtint la concession, la bande n'avait aucune expérience de la gestion commerciale ou des ressources. Elle ne disposait par ailleurs d'aucun capital-action pour exploiter la concession forestière. Mais, grâce à une formation dans diverses professions et à un leadership vigoureux et compétent, la bande a surmonté ces lacunes. En quelques années seulement, elle a :

15.63 La Tanizul Timber a créé cinq postes d'employés de bureau à temps plein et trois postes de gestionnaires et de superviseurs forestiers à temps plein. Pendant la saison de coupe, jusqu'à 25 employés sont engagés pour travailler à l'abattage et au tronçonnage, et pour faire fonctionner les machines dans le bois. La société engage aussi quatre entrepreneurs sylvicoles qui emploient jusqu'à 50 personnes dans les divers domaines de la sylviculture. Une scierie actuellement en construction créera de 20 à 25 emplois directs.

15.64 La réussite d'une bande tient au degré de participation de la collectivité. Les bandes doivent être disposées à mettre de l'avant, à élaborer, à mettre en oeuvre et à administrer leurs propres programmes d'aménagement forestier. Le ministère peut accélérer le processus en appuyant les institutions autochtones qui, elles, en retour, peuvent aider à former des travailleurs forestiers indiens, en faisant connaître aux bandes les occasions d'affaires et en leur citant des exemples d'entreprises à succès pour leur faire voir les retombées possibles. L'exécution d'une analyse coûts-avantages des investissements dans le développement forestier exige des données économiques et sociales de base. Les bandes ou les institutions autochtones devraient être incitées à collecter ce genre de données de façon à ce qu'une évaluation puisse être effectuée.

15.65 Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait prodiguer encouragement et soutien aux communautés indiennes de façon à ce qu'elles suivent les traces des bandes qui ont entrepris l'exploitation systématique des forêts des réserves pour leur avantage social et économique, dans une perspective de développement durable.

Commentaire du ministère : Les obligations légales du ministère sont limitées, par la Loi sur les Indiens , à la réglementation de la coupe et du transport du bois et au respect des modalités de toute cession ou désignation des terres forestières.

En plus d'assumer le mandat que lui confie la Loi, le ministère assume également un rôle de mise en valeur des terres forestières des Indiens. Ceci consiste à promouvoir la gérance des questions environnementales ainsi que le développement durable et l'amélioration de la qualité de vie des autochtones du Canada. Dans ce contexte, le ministère juge essentiel que les Indiens exploitent leur habileté et leur capacité de gérer leurs ressources forestières. À cette fin, le ministère a travaillé étroitement avec des groupes autochtones et avec Forêts Canada à l'expansion d'institutions indiennes de gestion forestière, afin d'aider les collectivités indiennes à planifier leurs programmes de gestion forestière, afin de promouvoir la gestion et la gérance des terres forestières, et particulièrement afin d'encourager chez les collectivités indiennes la récolte du bois dans le contexte de pratiques de gestion forestière responsables et efficaces.

Cette étroite collaboration entre le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Forêts Canada et des groupes autochtones se retrouve dans un énoncé de politique «Durabilité des forêts : un engagement canadien» qu'a endossé, le 4 mars 1992, le Conseil canadien des ministres des forêts et les responsables autochtones des questions forestières. L'énoncé comprend un plan d'action qui vise les forêts des Indiens.

Depuis 1990, le ministère a travaillé en collaboration avec des responsables autochtones des questions forestières à l'élaboration d'une stratégie complète de gestion des forêts. Une partie de la stratégie comprend, entre autres, l'élaboration et la mise en vigueur de lois et de politiques qui régissent la gestion des terres forestières des Indiens ainsi que la régénération des peuplements forestiers. Des représentants du ministère travaillent en collaboration avec l'Association nationale de foresterie des autochtones à un projet de texte de loi qui viendrait remplacer les paragraphes de la Loi sur les Indiens qui ont trait aux questions forestières. Une partie de ce projet apportera des modifications techniques au Règlement sur le bois de construction des Indiens . Forêts Canada et le ministère ont également appuyé un projet de l'Association nationale de foresterie des autochtones visant l'élaboration des lignes directrices sur la gestion forestière et de normes que les collectivités pourront utiliser.

Le ministère donnera suite aux recommandations du vérificateur général en autant qu'elles sont conformes au mandat légal du ministère. De concert avec les responsables autochtones des questions forestières et avec Forêts Canada, il élaborera des lignes directrices et un plan d'opération afin d'établir ses responsabilités et orienter ses activités. Le ministère entend poursuivre le travail qu'il fait actuellement en collaboration avec les responsables autochtones des questions forestières dans le but d'améliorer le cadre réglementaire qui a trait aux forêts des Indiens. Il verra à se doter des ressources nécessaires pour s'acquitter de ses responsabilités légales et enfin, il rendra compte au Parlement de son mandat légal.

En ce qui concerne ces aspects de la gestion forestière qui vont au-delà de son mandat légal, le ministère travaillera de concert avec les responsables autochtones des questions forestières et avec Forêts Canada de façon à mieux définir son rôle et le mettre en oeuvre.

LA CONVENTION SUR L'INONDATION DES TERRES DU NORD DU MANITOBA (CITNM)

Introduction

La Convention - Buts et parties

15.66 La Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba prévoit un cadre d'indemnisation de cinq collectivités indiennes en rapport avec les effets néfastes des divers projets de développement hydroélectrique entrepris ou qui doivent être entrepris par la Régie de l'hydroélectricité du Manitoba (Hydro-Manitoba). La Convention stipule que, lorsqu'elle a été signée, il régnait une incertitude autour des répercussions qu'auraient les projets hydroélectriques et qu'il n'était pas possible d'en prévoir tous les résultats néfastes.

15.67 Les projets hydroélectriques dans le cadre desquels on prévoit construire jusqu'à 14 centrales ainsi que d'autres structures de contrôle hydraulique assorties ont eu d'importantes répercussions sur le niveau et le débit d'eau du fleuve Nelson et de la rivière Churchill ainsi que sur le niveau du lac Winnipeg. Au milieu de 1988, quatre centrales étaient achevées. Hydro-Manitoba estime que les 10 autres ne seront pas terminées avant 2050.

15.68 La Convention a été signée en décembre 1977 par les parties suivantes :

15.69 L'Administration des travaux de reconstruction relatifs à l'inondation des terres du Manitoba, une société indienne a été incorporée, en vue de l'aménagement d'un réseau d'aqueduc et d'égout, comme convenu en 1988, dans le cadre d'une entente avec le Canada relative à la Convention.

15.70 En outre, d'autres ministères fédéraux, dont le ministère de l'Environnement, le ministère des Pêches et des Océans, et le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social ont participé à diverses activités liées à la Convention.

15.71 La Convention ne précise pas de calendrier de mise en oeuvre.

Données financières

15.72 Selon le MAINC, les coûts ou les engagements financiers du gouvernement fédéral qui découlent de la Convention totalisaient plus de 115 millions de dollars, au 31 mars 1990. Les coûts engagés par le Manitoba et par Hydro-Manitoba totalisaient 65 millions de dollars. En 1990, ces trois parties ont offert de régler leurs obligations actuelles en versant des sommes supplémentaires pouvant aller jusqu'à 243 millions de dollars, y compris une somme supplémentaire de 78 millions de dollars de la part du gouvernement fédéral, le financement habituel continu n'étant pas compris. Les paragraphes 15.141 à 15.143 du présent chapitre renferment nos observations au sujet des coûts pour le gouvernement fédéral et de l'offre de règlement.

Portée et répercussions matérielles des projets hydroélectriques

15.73 Le fleuve Nelson et la rivière Churchill sont deux importants cours d'eau du nord du Manitoba qui coulent à peu près parallèlement et qui se jettent dans la baie d'Hudson. En 1977, Hydro-Manitoba avait dérivé jusqu'à 90 p. 100 des eaux de la rivière Churchill dans le fleuve Nelson de façon à augmenter la capacité de production des centrales situées en bordure de ce dernier. La régularisation du débit qui sort du lac Winnipeg a eu pour effet d'élever encore davantage le niveau des eaux du fleuve Nelson. ( Voir la photo )

15.74 Le ministère reconnaît que les travaux ont eu, entres autres, les effets néfastes suivants :

Obligations du Canada

15.75 La Convention touche le mandat du MAINC, en vertu de la Loi sur les Indiens . L'article 35 de la loi autorise un organisme provincial à prendre ou à utiliser des terres de réserves indiennes, avec le consentement du gouverneur en conseil, et aux conditions prescrites par ce dernier. Le même article porte en outre que tout montant octroyé ou payé à l'égard de ces terres doit être destiné à l'usage et au profit des peuples indiens.

15.76 La plupart des responsabilités relatives à la mise en oeuvre de la Convention incombent au Canada, au Manitoba et à Hydro-Manitoba. Certaines de ces responsabilités sont conjointes, alors que d'autres incombent à une partie en particulier, selon la nature et le motif de l'obligation.

15.77 La Convention précise que les autochtones touchés par les effets néfastes des projets hydroélectriques doivent être traités équitablement. Dans la Convention, le Canada et le Manitoba reconnaissent la nécessité d'énoncer les principes qui régissent l'indemnisation.

15.78 Selon ce qui est stipulé dans la Convention, le Canada, du fait de ses responsabilités à l'égard des Indiens et des terres mises de côté pour eux, «s'engage à participer activement à la mise en oeuvre des moyens propres à assurer la viabilité des collectivités touchées... à procurer à celles-ci les ressources et les compétences en vue de la planification et de l'amélioration de leurs conditions sociales et économiques». [Traduction].

15.79 Cependant, le Canada n'est pas seul concerné. L'article 2.1 de la Convention porte en effet que «...le Canada et le Manitoba doivent prendre les mesures jugées nécessaires pour donner effet à toutes les dispositions de la présente Convention.» [Traduction] Voici quelques exemples d'obligations importantes :

15.80 La Convention demeurera en vigueur pendant toute la durée des projets de dérivation de la rivière Churchill et de régularisation du lac Winnipeg, y compris des travaux de réaménagement substantiellement semblables à ces projets. Aucune date d'achèvement ou date cible n'est précisée, en raison, semble-t-il, du caractère permanent des projets hydroélectriques.

Objectif et étendue de la vérification

15.81 Nos travaux visaient à évaluer la Convention et son processus de mise en oeuvre sous l'angle du respect de la Convention de la part du Canada et de saines pratiques de gestion. Nous avons tenu compte des responsabilités qui incombent au MAINC en vertu de la loi à l'égard des autochtones ainsi que des effets de la Convention sur les bandes touchées et sur les contribuables canadiens.

15.82 Nous ne tirons aucune conclusion en rapport avec les questions qui ne font pas l'objet d'un examen dans le présent chapitre. Bien que, pour les besoins de la cause, nous fassions allusion aux autres parties, nos observations concernent les participants fédéraux à la Convention, en particulier le MAINC.

Observations

Ambiguïté des dispositions

15.83 En raison de l'importance de la Convention, nous nous attendions que ses dispositions et les responsabilités de chaque partie soient clairement établies. Nous croyons que la clarté est essentielle pour assurer la mise en oeuvre appropriée de la Convention et pour l'obligation de rendre compte des résultats.

15.84 Selon le MAINC, les obligations du Canada en vertu de la Convention tombent dans deux catégories, à savoir les obligations qui incombent spécifiquement au Canada et celles qui sont partagées avec d'autres.

15.85 Nous avons constaté que plusieurs années après la signature de la Convention, le ministère avait demandé une analyse juridique approfondie de ses obligations. La Convention est un document d'environ 100 pages. En 1983, les avocats du gouvernement ont publié un rapport de 72 pages concernant les interprétations possibles de la Convention. En 1987, un expert-conseil au plan juridique, engagé à contrat par le ministère, a publié une analyse de 200 pages. Cette analyse tentait de préciser la nature et la portée des obligations du Canada, en vertu de la Convention. Il a noté que les diverses parties à la Convention ont interprété celle-ci de façon très différente.

15.86 Étant donné que la Convention prévoit le versement d'indemnités, certaines données financières sont nécessaires pour établir l'étendue des obligations qui incombent aux parties. Nous nous attendions donc que la Convention précise les critères et les méthodes de calcul des estimations de coût pour toutes les obligations importantes, les dates limites d'exécution et de paiement et les obligations financières précises de chacune des parties.

15.87 La Convention renferme des renseignements appropriés à propos de quelques-unes seulement des nombreuses obligations énoncées. Par exemple, la Convention prévoit que le Canada a comme obligation principale d'assurer un approvisionnement continu en eau potable (financé à 50 p. 100 par Hydro-Manitoba), mais ne précise pas les coûts qui doivent être partagés, les échéances de financement et d'achèvement des projets ni même le mode d'acheminement de l'eau (par camion ou par canalisation).

15.88 La part des coûts d'approvisionnement en eau qui incombe à Hydro-Manitoba est fondée sur la partie des coûts attribuables aux effets néfastes des projets hydroélectriques. Cependant, l'expression «effets néfastes» n'a pas été définie et on n'a précisé aucune méthode d'établissement de la répartition.

15.89 Au moment de notre vérification, le Canada avait versé environ 88 millions de dollars au titre de l'aménagement d'un réseau d'approvisionnement en eau potable et des exigences qui s'y rattachent. Ce montant a été versé par l'intermédiaire d'une entente de contribution distincte qui date de 1988, conformément à la Convention, et il constitue la principale dépense effectuée par le Canada à ce jour. Hydro-Manitoba n'est pas partie à cette entente et n'a acquitté aucun frais malgré l'obligation à laquelle elle est restreinte, en vertu de la Convention, de rembourser au Canada 50 p. 100 des coûts applicables. Les paragraphes 15.131 à 15.137 examinent les questions en litige qui impliquent le Canada et Hydro-Manitoba en ce qui concerne l'approvisionnement en eau.

15.90 De plus, la Convention ne précisant aucune date d'expiration (voir le paragraphe 15.80), certaines obligations qui y sont prévues pourraient se prolonger pendant une période indéfinie.

Carences dans la mise en application de la Convention

Mise en oeuvre par voie d'arbitrage
15.91 La mise en oeuvre de la Convention s'est avérée un processus interminable et frustrant pour le MAINC et probablement aussi pour les autres parties.

15.92 Très peu de mesures ont été prises au cours des années qui ont suivi la signature de la Convention. L'approche consensuelle exigée dans la Convention a fait place à une approche conflictuelle, mise en évidence par un recours fréquent aux dispositions d'arbitrage prévues à la Convention. Toutes les parties sont devenues demandeurs ou répondants, ou les deux, soit conjointement, soit séparément.

15.93 Jusqu'en novembre 1991, les parties avaient présenté plus de 150 plaintes à l'arbitre. Trente-cinq d'entre elles étaient des plaintes portées par les bandes, entre 1980 et 1991, contre le Canada, principalement en tant que répondant conjoint avec le Manitoba et Hydro-Manitoba.

15.94 Les problèmes comprennent des allégations de non-respect de la Convention, de dommages liés à la contamination par le mercure, d'absence de mécanismes de surveillance et de rapports en matière d'environnement, de lacunes dans l'approvisionnement en eau potable et de manquement aux engagements pris en ce qui a trait aux mesures correctives.

15.95 En outre, en 1984, le Canada a présenté cinq plaintes contre le Manitoba ou contre Hydro-Manitoba, dont une visait à recouvrer sa part de 50 p. 100 des coûts engagés au titre de l'aménagement du réseau d'approvisionnement en eau potable. Le Canada estimait à plus de 160 millions de dollars ses coûts totaux d'immobilisations et d'exploitation au titre de ce réseau. Au moment de notre vérification, cette réclamation était encore en suspens.

15.96 En novembre 1991, sur les 40 réclamations mettant en cause le Canada, soit à titre de répondant ou de demandeur, huit avaient été réglées et 32 faisaient l'objet d'un examen par l'arbitre ou étaient en voie de négociation entre les parties. Toutes ces réclamations en suspens, sauf une, ont été présentées entre 1980 et 1984.

15.97 Nous ne formulons pas de commentaire sur le bien-fondé ou les résultats de quelque réclamation que ce soit. Cependant, nous sommes préoccupés du fait que la Convention soit mise en oeuvre par recours à un mécanisme de règlement des différends plutôt que dans un esprit de concertation et de collaboration de la part de toutes les parties. À notre avis, ceci est préjudiciable non seulement aux parties à la Convention, mais aussi aux contribuables du Canada qui, en définitive, sont ceux qui en font les frais.

15.98 D'après nous, nombre des difficultés tiennent à l'absence d'un plan de mise en oeuvre acceptable par toutes les parties. À notre avis, un tel plan aurait dû être négocié avant la signature de la Convention et aurait dû porter sur les points suivants :

15.99 Nous avons constaté qu'en 1982, le MAINC s'est dit préoccupé par l'absence de mise en application de la Convention.

15.100 Qui plus est, en janvier 1987, le ministère a comparu devant le Comité permanent des comptes publics au sujet de notre rapport de 1986 sur un règlement de revendication territoriale globale. À cette époque, le MAINC a indiqué que 10 ans, c'était «terriblement long» pour établir les obligations des parties et mettre en application une entente.

15.101 En réponse à une question d'un des membres du Comité au sujet des obligations éventuelles du gouvernement en vertu d'autres ententes semblables, le ministère a mentionné la Convention sur l'inondation des terres du Nord du Manitoba. Or, voilà que 15 ans après la signature de cette dernière, les obligations du Canada n'ont encore pas été entièrement établies (voir le paragraphe 15.143).

Lacunes en matière de surveillance
15.102 En raison du nombre de parties à cette Convention et de leurs responsabilités conjointes, nous nous attendions qu'il existe un groupe de surveillance formé de représentants de chacune des parties, dont le travail contribuerait à l'application et au respect de la Convention.

15.103 Étant donné que le MAINC assume une responsabilité générale de fiduciaire en ce qui concerne les questions touchant les autochtones, nous aurions cru qu'il aurait dû exercer un rôle prépondérant dans la surveillance, ce qui eût été conforme à ses engagements généraux, en vertu de la Convention.

15.104 Nous avons constaté qu'un comité interministériel avait été établi pour discuter des questions d'intérêt pour les divers ministères fédéraux qui peuvent être touchés par la Convention. Cependant, aucun groupe de surveillance n'a été créé et le ministère n'a jamais surveillé de manière systématique l'activité des autres parties ou la sienne; aucun rapport sommaire n'a été établi de façon périodique, au ministère, sur les résultats de la mise en application de la Convention.

15.105 À notre avis, l'absence de mécanismes de surveillance coordonnés a accru le recours à l'arbitrage et entraîné des retards, des frustrations et des coûts supplémentaires.

Dossiers environnementaux

Effets négatifs et pollution par le mercure
15.106 Les parties reconnaissent dans la Convention qu'il y a eu et qu'il pourrait continuer d'y avoir des effets néfastes sur les terres, les activités et les habitudes de vie des résidents des réserves. C'est à Hydro-Manitoba qu'il incombe d'établir, lorsqu'un effet néfaste est constaté, que ses projets n'en sont pas la cause ou n'y ont pas contribué. ( Voir la photo )

15.107 Au fil des ans, les ministères fédéraux de l'Environnement, des Pêches et des Océans, de la Santé nationale et du Bien-être social, le gouvernement du Manitoba, Hydro-Manitoba et les bandes ont participé à diverses études visant à déterminer ou à surveiller les effets néfastes. La contamination du poisson par le mercure constitue un exemple d'effet néfaste potentiel grave.

15.108 En mars 1987, le rapport sur une étude réalisée conjointement par le Canada et le Manitoba dans la région visée par la Convention révélait la présence, en concentrations anormalement élevées, de mercure chez certaines femmes en âge de procréer. Il révélait en outre que même si le taux de mercure dans l'eau était normal, le niveau de mercure dans le poisson, le long de l'itinéraire de dérivation, était élevé. D'après le rapport, cette situation serait attribuable à l'inondation, par Hydro-Manitoba, de certaines matières organiques qui influent sur les concentrations de mercure qui se retrouvent dans les tissus du poisson. Le groupe estimait qu'il faudrait des décennies pour que les concentrations de mercure chez les poissons prédateurs reviennent à leurs niveaux historiques.

15.109 Ce danger réel ou potentiel a été étudié de façon approfondie pendant de nombreuses années et a fait l'objet d'une réclamation contre le Canada, le Manitoba et Hydro-Manitoba en 1981. Les bandes ont réglé conditionnellement la revendication pour diverses périodes de temps se terminant en décembre 1994.

Démarche de gestion environnementale
15.110 Nous n'avons pas effectué de vérification environnementale ou tenté de remettre en question les nombreux rapports et études sur les questions environnementales. Nous avons plutôt examiné de quelle façon le MAINC, à titre de signataire de la Convention au nom du Canada, gère les questions environnementales.

15.111 Nous nous attendions qu'il existe entre les parties à la Convention, et sous l'égide du ministère, une approche coordonnée visant à cerner, à évaluer et à régler les questions environnementales relatives à la Convention. Nous nous attendions aussi que le ministère ait établi un plan approprié quant à la façon de mettre en application ses propres responsabilités environnementales, en vertu de la Convention. Sans ces mécanismes, nous croyons que l'efficacité de la gestion est réduite et que les possibilités de non-respect de la Convention s'en trouvent accrues.

15.112 Notre examen a révélé que divers programmes et comités ou commissions de surveillance environnementale représentant les parties étaient établis périodiquement aux fins d'analyser les problèmes, d'effectuer des études, de surveiller l'incidence des projets hydroélectriques et de fournir des conseils à ce sujet. Cependant, aucun de ces organismes n'avait le pouvoir d'attribuer des responsabilités aux parties et de prendre les mesures nécessaires. Finalement, ces entités ont disparu, abandonnant les questions environnementales non résolues aux lenteurs du processus d'arbitrage sur les réclamations.

15.113 Nous avons aussi constaté que le ministère ne possédait pas de plan pour procéder aux activités de surveillance environnementale requises et qu'il ne s'était pas conformé à l'exigence de la Convention en vertu de laquelle il doit faire rapport aux bandes chaque année sur la mise en application des recommandations faites par le Groupe d'étude du fleuve Nelson, de la rivière Churchill et du lac Winnipeg en 1975. Plus de 40 p. 100 des 47 recommandations concernant les effets des projets hydroélectriques ont été attribuées au Canada et aux autres parties, aux fins de mise en application conjointe.

15.114 Ces recommandations comprenaient la surveillance des répercussions sociales, économiques et écologiques continues liées aux projets hydroélectriques. Le rapport le plus récent déposé par le Canada couvre une période de onze ans terminée en décembre 1987. Nous n'avons pu trouver de motif consigné qui justifie un écart dans la présentation de rapport pour les quatre années terminées en 1991.

15.115 Nous croyons, devant les effets permanents des projets hydroélectriques, que le Canada doit continuer à faire rapport. Nous avons noté qu'une réclamation présentée par les bandes en 1981 contre le Canada et les autres parties en rapport avec les recommandations du Groupe d'étude du fleuve Nelson, de la rivière Churchill et du lac Winnipeg était encore en suspens en novembre 1991.

Imputation des répercussions aux projets hydroélectriques
15.116 La Convention prévoit des mesures de dédommagement des effets néfastes des projets hydroélectriques. Pour pouvoir imputer à ces projets des effets sur l'écologie ou d'autres effets, il est souhaitable de posséder des renseignements appropriés antérieurs et postérieurs qui permettent de comparer les données de base ou les données antérieures aux aménagements du projet avec les données recueillies pendant et après la construction ou le processus d'aménagement.

15.117 Les autres méthodes visant à déterminer les changements survenus dans les zones touchées pourraient comprendre la comparaison du territoire après aménagement d'un projet avec d'autres emplacements qui présentent des caractéristiques semblables, mais qui n'ont pas fait l'objet d'aménagements.

15.118 Les opinions concernant la disponibilité et l'utilisation des données de base aux fins de la Convention n'étaient pas concluantes. Certains ont avancé que puisque l'inondation des territoires par Hydro-Manitoba a débuté dans les années 70, il se peut que les données de base n'aient pas été recueillies de façon satisfaisante. D'autres croyaient qu'il n'en existait pas du tout de données significatives ou que celles qui existaient étaient incomplètes ou qu'elles avaient été mal analysées. Quoiqu'il en soit, nous n'avons trouvé aucune preuve qu'une évaluation d'impact globale sur l'environnement ait été effectuée. À notre avis, cette évaluation est essentielle pour la mise en oeuvre de la Convention, en raison de l'objet de celle-ci qui est de dédommager pour les répercussions néfastes sur l'environnement.

15.119 Nous avons noté que, pas plus tard qu'en août 1989, soit près de 12 ans après la signature de la Convention, un comité directeur de l'environnement représentant toutes les parties à la Convention s'est dit inquiet de l'absence d'énoncés d'impact. Le comité a indiqué la nécessité d'établir de toute urgence des énoncés des effets néfastes des projets sur chacune des collectivités visées par la Convention. Au cours de notre vérification, nous n'avons trouvé aucun énoncé d'impact consigné. Le MAINC nous a informés que cette recommandation du comité n'avait pas été mise en application.

15.120 Cela signifie que même s'il existait des données de base valables et qu'elles avaient été analysées convenablement, il n'y aurait encore pas suffisamment d'information courante aux fins de comparaison. Il serait par conséquent difficile pour Hydro-Manitoba de démontrer, comme l'exige la Convention, que ses projets n'ont eu aucun effet néfaste. Il serait difficile également pour le Canada de déterminer quelle mesure corrective ou quel dédommagement serait nécessaire (voir le paragraphe 15.79).

15.121 Nous sommes préoccupés du fait que le MAINC ait procédé à la mise en application de la Convention et qu'il ait financé l'aménagement d'un important réseau d'alimentation en eau, même s'il lui manquait des éléments d'information importants pour établir ses obligations.

Le projet de réseau d'alimentation en eau

15.122 En mai 1988, le MAINC, l'Administration des travaux de reconstruction relatifs à l'inondation des terres du Manitoba, le Comité de l'inondation des terres du nord du Manitoba Inc. et les cinq bandes visées par la Convention ont conclu une entente de 88,5 millions de dollars visant à permettre au Canada de s'acquitter de son obligation, en vertu de la Convention, d'assurer aux bandes un approvisionnement continu en eau potable. Comme nous l'avons noté précédemment, la Convention ne précise pas le coût ni le type de réseau nécessaires pour remplir l'obligation du Canada.

15.123 En vertu de l'entente de mai 1988, l'Administration était responsable de la gestion des travaux d'aménagement d'un important réseau d'alimentation en eau aux bandes. L'objectif était de mettre en place des réseaux d'aqueduc et d'égout entièrement opérationnels comportant des services d'approvisionnement en eau par canalisation et par camion à 90 p. 100 des unités de logement des cinq réserves. Selon l'Administration, cet objectif était assujetti au recouvrement, par le Canada, de la part des coûts de l'Hydro, en vertu de la Convention. Les travaux comprenaient l'aménagement d'une infrastructure municipale, la rénovation de logements et l'installation de tuyauterie et de salles de bain dans 1 309 unités d'habitation.

15.124 Les parties ont convenu qu'une fois que les dispositions de cette entente auraient été exécutées, le Canada serait réputé s'être acquitté de l'obligation qu'il avait, en vertu de la Convention, de fournir un réseau d'alimentation en eau potable. En outre, toujours en ce qui a trait à cette obligation, l'entente prévoyait qu'aucune des parties n'aurait recours à l'arbitrage pendant 20 ans.

15.125 Les responsabilités du ministère comprenaient le financement et la surveillance du projet et l'approbation de certains documents ou de certaines activités liés aux travaux de construction. Le ministère s'était aussi engagé, sous réserve de l'approbation du financement par le Parlement, à remettre à l'Administration des travaux de reconstruction relatifs à l'inondation des terres du Manitoba toutes les sommes reçues d'Hydro-Manitoba relativement aux obligations de celle-ci en vertu de la Convention. Ces sommes devaient être utilisées, avec l'approbation du MAINC, pour étendre le réseau d'alimentation en eau ou le modifier.

15.126 Au moment de notre vérification, le ministère avait réglé presque entièrement son engagement de 88,5 millions de dollars. Le ministère a effectué les versements à l'Administration qui, à son tour, a versé aux sous-traitants les sommes correspondant aux travaux exécutés par eux dans le cadre du projet.

15.127 Nous nous sommes informés de la façon dont le ministère avait obtenu l'assurance que l'Administration s'était conformée à l'entente et, en particulier, aux exigences relatives à la qualité, à la quantité et au coût. Nous nous sommes aussi renseignés sur l'état d'avancement général du projet.

15.128 Nous avons constaté que pour s'assurer que l'entente avait été respectée, le MAINC s'était fondé principalement sur le système de contrôle interne de l'Administration, sur les rapports d'étapes établis par le ministère fédéral des Travaux publics en ce qui concerne les projets et sur la vérification annuelle des états financiers de l'Administration effectuée par ses vérificateurs externes.

15.129 Bien que les sources susmentionnées puissent fournir un certain degré d'assurance, elles ne remplacent pas, à notre avis, une vérification de la construction qui aurait permis d'évaluer de manière impartiale le respect des exigences relatives au coût, à la qualité et à la quantité. Une telle vérification fournirait au ministère un plus grand degré de certitude quant à la conformité. Nous avons noté que l'entente prévoit la tenue d'une vérification indépendante, à la discrétion de l'une ou l'autre des parties.

15.130 Quant à l'état d'avancement général du projet, nous avons constaté que l'important différend suivant entre les parties n'était toujours pas réglé au moment où nous avons achevé notre vérification.

Différend entre les trois parties
15.131 En avril 1984, le MAINC a présenté une réclamation contre Hydro-Manitoba exigeant, entre autres, le remboursement de sa part de 50 p. 100 des coûts d'exploitation et d'aménagement du réseau d'alimentation en eau. Le montant de la réclamation n'était pas précisé. En octobre 1988, le ministère estimait que l'obligation d'Hydro-Manitoba envers le Canada, en vertu de la Convention, pourrait atteindre 80 millions de dollars. Ce montant comprenait la part des coûts d'Hydro-Manitoba en vertu de l'entente de 1988 conclue avec l'Administration des travaux de reconstruction relatifs à l'inondation des terres du Manitoba (à laquelle Hydro-Manitoba n'était pas partie) ainsi qu'une part des autres dépenses.

15.132 Selon le ministère, Hydro-Manitoba croit que sa part des coûts du réseau d'alimentation en eau se limite à 300 000 $. Hydro-Manitoba soutient que c'est au gouvernement fédéral qu'il incombe de fournir l'eau potable aux collectivités indiennes, que les effets néfastes des projets de développement hydroélectrique sont mineurs et que le réseau d'alimentation en eau financé par le ministère allait au-delà de ce qui était raisonnablement nécessaire pour assurer l'approvisionnement en eau potable.

15.133 En septembre 1991, l'Administration des travaux de reconstruction relatifs à l'inondation des terres du Manitoba et le Comité de l'inondation des terres du nord du Manitoba Inc. ont résilié, après avoir émis un avis, l'entente d'approvisionnement en eau de mai 1988 après que le ministère eut presque entièrement versé à l'Administration les sommes prévues à l'entente. De l'avis de l'Administration et du Comité, cette résiliation a eu pour effet de lever la dispense de 20 ans accordée au Canada en ce qui a trait à l'approvisionnement en eau potable (paragraphe 15.124).

15.134 Il semble que les parties aient mis fin à l'entente parce que le Canada n'avait prétendument pas fait tous les efforts nécessaires, comme l'exigeait l'entente d'approvisionnement en eau, pour recouvrer la part des coûts d'Hydro-Manitoba (paragraphe 15.79). L'Administration s'estimait en droit de recevoir toutes sommes recouvrées auprès d'Hydro-Manitoba de façon à pouvoir élargir les services d'approvisionnement en eau.

15.135 En novembre 1991, les cinq bandes ont présenté au Canada une réclamation qui venait confirmer la résiliation de l'entente d'approvisionnement en eau de mai 1988. Les bandes demandaient, entre autres, que l'arbitre ordonne au Canada d'effectuer les versements (montant non précisé) aux demandeurs ou de verser toute autre forme d'indemnisation que l'arbitre pourrait juger appropriée concernant le manquement allégué du Canada à se conformer de manière efficace aux dispositions de la Convention relativement à l'approvisionnement en eau potable.

15.136 On reprochait entre autres au Canada de ne pas avoir financé les divers projets d'aménagement de réseaux d'aqueduc et d'égout dans chacune des cinq réserves visées par l'entente de mai 1988. En janvier 1992, le ministère demandait à ses avocats de contester la réclamation.

15.137 Même si nous ne nous prononçons pas sur le bien-fondé ou sur l'issue de ce différend, nous croyons que celui-ci illustre certaines des difficultés liées à la Convention et à sa mise en application.

Échange de terres

15.138 Le paragraphe 15.79 donne une description de l'obligation qu'ont le Canada et le Manitoba de dédommager les bandes en leur remettant quatre acres de nouvelles terres pour chaque acre de terres prises ou endommagées par Hydro-Manitoba. Le ministère juge qu'il s'agit là d'une obligation majeure.

15.139 En 1979, les bandes ont demandé que le Manitoba établisse les critères qui seraient appliqués dans le processus de sélection des terres. Cependant, les bandes et le Manitoba ne sont pas parvenus à s'entendre sur ces critères. En conséquence, à l'exception de 149 acres (60 hectares), le Manitoba n'a transféré aucune terre au Canada, comme l'exigeait la Convention. Le Canada, pour sa part, n'a remis que les 60 hectares aux bandes, à titre d'indemnités, en vertu de la Convention. Ceci représente moins de un pour cent du nombre de terres qui avaient été promises aux bandes, sous réserve des dispositions de la Convention.

15.140 En 1984, les bandes et le Canada ont présenté des réclamations contre le Manitoba, ce dernier étant réputé avoir manqué à son obligation de fournir de nouvelles terres de réserve. Bien qu'au fil des ans, les parties aient réalisé certains progrès en ce qui concerne l'identification et la sélection de terres convenables, les réclamations n'étaient toujours pas réglées en date de notre vérification.

Autres questions

Coûts pour le gouvernement fédéral
15.141 Le ministère a tenté d'identifier et de rassembler tous les coûts engagés en vertu de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Le ministère est toutefois conscient que les ministères fédéraux touchés par la Convention n'ont pas tous fait rapport de leurs coûts réels.

15.142 En l'absence de ces données, il est plus difficile pour le gouvernement de comparer les résultats de la mise en application de la Convention en regard des obligations auxquelles celle-ci l'astreint.

Proposition de règlement
15.143 En 1990, le MAINC, le Manitoba et Hydro-Manitoba ont proposé aux bandes un règlement global de la Convention. La part du gouvernement fédéral, dans le cadre de cette proposition, s'élevait à 78 millions de dollars et porterait à environ 195 millions de dollars le total connu des coûts du Canada. L'offre de règlement comprenait 206 000 acres (834 kilomètres carrés) de terres provinciales qui devaient être transférées par le Manitoba au Canada à titre de nouvelles terres de réserve pour les cinq bandes. Une bande a accepté cette proposition; les quatre autres l'ont rejetée. Au moment de notre vérification, le dossier était encore en cours de négociation.

Plans de développement communautaire
15.144 Le paragraphe 15.79 traite de l'obligation du Canada de contribuer à l'élaboration de plans de développement communautaire pour les bandes.

15.145 Le Canada a financé des plans de développement communautaire pour les cinq bandes. Ces plans ont été achevés au début de 1980. Ils couvrent une gamme de questions à caractère social et économique comme l'éducation, le logement, le transport, les services de santé et l'emploi.

15.146 Selon le MAINC, la mise en application de ces plans devait se faire par l'intermédiaire de ses programmes réguliers. Cependant, il n'existe aucun mécanisme de surveillance de l'état d'avancement des projets et aucun rapport n'a été présenté quant à l'envergure de la mise en application.

15.147 En 1983, le Comité de l'inondation des terres du Nord du Manitoba a présenté une réclamation, faisant valoir que le Manitoba, Hydro-Manitoba et le Canada n'avaient pris aucune mesure pour favoriser l'élaboration et la mise en oeuvre de plans de développement communautaire complet, comme l'exige la Convention. En septembre 1991, le ministère a proposé de financer les réunions annuelles des bandes et des ministères du gouvernement fédéral pour favoriser la coordination des efforts de planification en rapport avec les collectivités visées par la Convention. Cependant, ce financement libérerait de façon complète et inconditionnelle le Canada de ses obligations en matière de planification communautaire. Au moment de notre vérification, la question n'avait pas encore été résolue.

Recommandations

15.148 En élaborant les recommandations suivantes, nous avons tenu compte du fait que la Convention est une entente multipartite qui remonte à une quinzaine d'années. Nous avons aussi pris en considération le fait que les progrès réalisés dans la mise en application de la Convention dépendent, dans une large mesure, de la clarification des responsabilités et des obligations de toutes les parties en matière de financement.

15.149 Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait :

a) établir et mettre en oeuvre des procédés pour favoriser le respect de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba par toutes les parties et exercer une surveillance;

b) s'assurer qu'on procède à une évaluation environnementale valable aux fins d'établir les répercussions des projets hydroélectriques et de pouvoir faire rapport à ce sujet;

c) utiliser les résultats de l'évaluation environnementale aux fins de l'élaboration d'un plan de mise en application future de la Convention ou évaluer la pertinence de tous les plans proposés;

d) colliger tous les coûts liés à la Convention ainsi que des renseignements pertinents sur le rendement, notamment les répercussions de la Convention, les réalisations, le règlement des réclamations et la nature et le coût des travaux à effectuer et publier toute cette information dans son rapport annuel.

Avant de conclure une autre entente de cette nature, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien devrait :

e) s'assurer que l'entente définit clairement la nature et l'étendue de toutes les obligations financières et autres de chacune des parties;

f) s'entendre avec toutes les parties sur les questions de mise en oeuvre, par exemple les dates cibles d'avancement, les priorités, les procédés de surveillance et les méthodes d'évaluation de la conformité du processus de mise en application.

Conclusion

15.150 La mise en application de la Convention a été et demeure difficile, en partie à cause de la nature de la Convention et du nombre de parties qui y sont engagées. Beaucoup de différends qui ont trait à des allégations de non-respect opposent encore les parties.

15.151 Nous croyons toutefois qu'il y a place pour de l'amélioration dans la façon dont le ministère gère ses responsabilités, en vertu de la Convention. Vu le mandat que lui a confié la loi en ce qui a trait aux questions touchant les Indiens, le ministère devrait faire preuve de plus d'initiative et de leadership pour résoudre les questions liées à la Convention. Il ne suffit pas, selon nous, que le ministère se contente tout simplement de réagir aux problèmes après coup, comme il l'a fait au fil des ans.

15.152 En outre, il y a des enseignements à tirer de la Convention en ce qui a trait aux ententes futures concernant l'utilisation des ressources naturelles qui peuvent toucher des terres de réserve indiennes. Le ministère devrait examiner la possibilité d'accorder une plus grande importance, dans de telles ententes, à la clarté des obligations en matière de financement et des responsabilités de chacune des parties. Enfin, des plans visant à en faciliter l'application doivent être préparés et acceptés par toutes les parties.

Commentaire du ministère : Le MAINC est d'accord avec les faits signalés et les observations formulées en ce qui a trait à la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Comme l'indiquait le vérificateur général dans sa conclusion, la mise en oeuvre de cette Convention a été difficile, en partie à cause de la nature de cette Convention et du nombre de parties en cause.

En ce qui concerne les recommandations, le ministère formule les commentaires suivants :

a) Le MAINC admet que le respect de la Convention précitée par toutes les parties est important. Le MAINC, de concert avec les autres parties, mettra donc en oeuvre des procédés qui inciteront les parties à mieux respecter l'entente et permettront de mieux en surveiller l'application.

b) et c)

À l'époque où a été signée cette Convention, en 1977, les questions environnementales n'avaient pas la priorité qu'elles ont aujourd'hui. Au cours des années, le MAINC et d'autres ministères fédéraux ont participé à diverses études et à diverses collectes de données en ce qui a trait à l'incidence environnementale de la Convention. Par exemple, le programme fédéral de surveillance de l'écosystème (Federal Ecological Monitoring Program) a fait des études quantitatives et qualitatives de l'eau, des sédiments, des concentrations de mercure, de l'écosystème aquatique et d'autres questions qui s'y rattachent. Le MAINC est toutefois d'accord pour dire que les résultats de ces efforts ne peuvent être considérés comme une évaluation exhaustive des incidences environnementales.

En conséquence, le MAINC effectuera la synthèse et l'analyse de l'information actuelle afin de voir ce qu'il reste à faire pour obtenir des énoncés d'impact qui soient complets. Le MAINC incitera les autres parties à participer au processus afin qu'ensemble nous puissions planifier et mettre en oeuvre les mesures appropriées qui nous permettront de compléter notre évaluation environnementale et de concevoir les correctifs appropriés. Le MAINC croit que le rapport final du programme de surveillance de l'écosystème, publié en avril 1992, ainsi que d'autres mesures du MAINC, contribueront à l'élaboration d'un plan pour la poursuite de la mise en oeuvre de la Convention.

d) Le MAINC améliorera ses procédés pour s'assurer qu'il recueille et communique l'information désirée, notamment les coûts des règlements proposés.

e) et f)

Le MAINC admet la nécessité, entre autres, de mieux préciser, dans les futures ententes, les questions d'obligations et de mise en oeuvre. C'est pourquoi le ministère, en ce qui concerne la Convention même, a élaboré la base d'une proposition de règlement qui clarifierait, pour chaque bande, comment sera mise en oeuvre la Convention, dans le cas propre à chacune. La récente entente de règlement de Split Lake démontre les efforts soutenus du ministère pour remédier aux difficultés de mise en oeuvre de la Convention.