Notes de vérification

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Introduction

3.1 Le présent chapitre traite de questions d'importance qu'il convient, à notre avis, de signaler à la Chambre des communes. Bien qu'il n'en soit fait état nulle part ailleurs dans le Rapport, nous les avons relevées au cours de nos vérifications des comptes du Canada, des sociétés d'État et d'autres entités.

3.2 Le paragraphe 7(2) de la Loi sur le vérificateur général exige que le vérificateur général porte à l'attention du Parlement tous les cas importants où il a constaté que :

a) les comptes n'ont pas été tenus d'une manière fidèle et régulière ou des deniers publics n'ont pas fait l'objet d'un compte rendu complet ou n'ont plus été versés, lorsque cela est légalement requis, au Fonds du revenu consolidé;

b) les registres essentiels n'ont pas été tenus ou les règles et procédures utilisées ont été insuffisantes pour sauvegarder et contrôler les biens publics, assurer un contrôle efficace des cotisations, du recouvrement et de la répartition régulière du revenu et assurer que les dépenses effectuées ont été autorisées;

c) des sommes d'argent ont été dépensées à d'autres fins que celles auxquelles le Parlement les avait affectées;

d) des sommes d'argent ont été dépensées sans égard à l'économie ou à l'efficience; ou

e) des procédures satisfaisantes n'ont pas été établies pour mesurer et faire rapport sur l'efficacité des programmes dans les cas où elles peuvent être mises en oeuvre convenablement et raisonnablement.

3.3 Chacune des questions d'importance signalées dans le présent chapitre a été examinée conformément aux normes de vérification généralement reconnues et, par conséquent, nos examens ont comporté les sondages et autres procédés que nous avons jugés nécessaires dans les circonstances. Les questions signalées ne devraient pas servir à tirer des conclusions au sujet de questions qui n'ont pas été abordées. Les cas que nous avons observés sont décrits dans le présent chapitre, sous le nom du ministère ou de la société d'État appropriés.

Observations concernant les sociétés d'État

3.4 Le vérificateur général est le vérificateur attitré de 39 sociétés d'État, en vertu de la Loi sur l'administration financière ou de lois individuelles visant des sociétés particulières. On trouvera ci-après le détail des restrictions ou autres questions importantes que renferment les rapports remis à ces sociétés au cours de l'exercice. La plupart de ces questions sont déjà du domaine public, mais nous en parlons ici pour en souligner l'importance et les porter à l'attention du Parlement.

L'Énergie atomique du Canada, Limitée - Dérogation aux principes comptables généralement reconnus

L'Énergie atomique du Canada, Limitée a inscrit à son bilan, au 31 mars 1988, un élément d'actif à court terme de 16,4 millions de dollars qui a trait au programme du réacteur CANDU 300. La Société a, de ce fait, reporté des frais d'avant-projet engagés au cours de l'exercice, les dirigeants anticipant le financement de ces frais par le gouvernement. Le recouvrement de ces frais auprès du gouvernement n'était pas chose assurée puisqu'il n'y avait pas encore eu approbation des crédits parlementaires qui permettraient de rembourser les 16,4 millions de dollars de frais déjà engagés. Dans ces circonstances, en vertu des principes comptables généralement reconnus, il faudrait porter ces frais aux dépenses. Si l'on avait ainsi comptabilisé ces frais, le bénéfice net de l'exercice ainsi que les bénéfices non répartis à la fin de l'exercice auraient été réduits de 16,4 millions de dollars, ce qui aurait donné une perte nette de 6 millions de dollars pour l'exercice.
3.5 Au cours de l'exercice 1987-1988, la société a consacré 16,4 millions de dollars, au cours de la première année d'un programme quadriennal d'un coût estimatif total actuel de 109 millions de dollars, à des travaux préalables d'ingénierie liés à un réacteur CANDU 300. À la fin de l'exercice, le Cabinet avait autorisé le versement, par le fédéral, de 28 millions de dollars (d'un montant initial de 45 millions à consacrer au programme avant le 31 mars 1989), la Société devant verser les autres 17 millions sous forme de contribution en numéraire. L'on n'a pas donné suite à la demande (faite par la Société) que le gouvernement finance le reste du programme. En attendant que la Société reçoive les fonds approuvés en 1988-1989, que le gouvernement donne des éclaircissements sur la manière dont serait versée la contribution en numéraire de la Société et qu'il formule un commentaire en rapport avec la demande d'autres fonds, l'Énergie atomique du Canada, Limitée a inscrit au bilan, comme élément d'actif à court terme, les coûts de 16,4 millions de dollars engagés au 31 mars 1988.

3.6 La décision du Cabinet démontrait que le fédéral avait l'intention de verser des fonds, mais le financement réel ne devait pas se faire avant que l'on ait approuvé un Budget supplémentaire des dépenses. En outre, la décision du Cabinet n'indiquait pas que les 28 millions de dollars versés par le fédéral devaient être portés en diminution des coûts engagés au 31 mars 1988, et elle n'indiquait pas non plus le moment où la Société doit verser sa contribution en numéraire.

3.7 Le gouvernement ne s'étant pas engagé formellement à financer les coûts engagés au 31 mars 1988, il ne convient pas, selon nous, de reconnaître qu'il a versé sa partie des fonds à cette date. À notre avis, il aurait fallu que ces coûts de 16,4 millions de dollars soient passés en charges au moment où ils ont été engagés. Si cela avait été fait, l'Énergie atomique du Canada, Limitée aurait inscrit une perte nette de 6 millions de dollars au lieu de déclarer un bénéfice de 10,4 millions de dollars.

3.8 À la suite de discussions avec des représentants du gouvernement, qui se sont déroulées après notre rapport de vérification, la Société a fait savoir qu'elle chercherait à obtenir les approbations nécessaires pour le financement, en 1988-1989, des 16,4 millions de dollars par le biais d'un crédit budgétaire.

L'Office canadien du poisson salé - Activités qui outrepassent les pouvoirs que la Loi octroie à l'Office

Au cours de l'exercice clos le 31 mars 1988, l'Office canadien du poisson salé a autorisé des garanties d'emprunt au nom des producteurs de poisson ainsi que des prêts directs aux producteurs de poisson afin d'aider à financer la construction, l'achat et la remise en état des bateaux de pêche. L'Office a continué également à participer à la vente de produits de poisson congelés et à fournir des avances de fonds aux producteurs de poisson congelé. À notre avis, ces activités ne s'inscrivent pas dans le cadre des pouvoirs de l'Office, en vertu de la Loi sur le poisson salé.
3.9 L'Office canadien du poisson salé a été établi en 1970, en vertu de la Loi sur le poisson salé, pour améliorer les gains des producteurs primaires de morue préparée. La loi précitée restreint les activités de l'Office au commerce et à la mise en marché de la morue préparée (morue salée) et des sous-produits dans la province de Terre-Neuve et sur la basse Côte nord du Québec.

3.10 La Loi autorise l'Office à consentir des prêts pour les fonds de roulement au cours de la saison de pêche, mais ne lui donne pas le pouvoir de consentir des prêts ou des garanties d'emprunt à des fins de capital, sans respecter les exigences de la Loi sur l'administration financière (LAF). La LAF autorise les sociétés d'État à consentir des prêts ou des garanties d'emprunt lorsqu'ils ont obtenu une autorisation précise pour ce faire.

3.11 Au cours de l'exercice 1987-1988, l'Office a conclu des ententes et des arrangements avec des producteurs de poisson afin de financer la construction, l'acquisition et la réparation de bateaux de pêche, afin de s'assurer une source d'approvisionnement en morue de taille plus grande. Le financement s'est fait à l'aide de garanties d'emprunt se chiffrant à 3,7 millions de dollars et des prêts directs de l'ordre de 1,4 million de dollars. De plus, l'Office a contracté des engagements qui, au 31 mars 1988, lui faisaient garantir des prêts totalisant un autre 1,2 million de dollars et consentir d'autres avances supplémentaires qui se chiffraient à 500 000 dollars. L'Office n'a pas obtenu l'autorisation, en vertu de la LAF, avant de conclure des ententes et des arrangements.

3.12 Le rapport sur les états financiers de l'Office est assorti d'une réserve depuis l'exercice clos le 31 mars 1983 en raison d'activités relatives à la vente de produits de poisson congelés. Depuis l'exercice 1982-1983, ces activités ont varié de 29 p. 100 à 48 p. 100 du chiffre de ventes totales. Les ventes de produits de poisson congelés, en 1987-1988, se sont chiffrées à 32,4 millions de dollars, soit 38 p. 100 du total des ventes déclarées.

3.13 L'Office s'occupe de la commercialisation des produits de poisson congelés en vertu de contrats passés avec un certain nombre de compagnies de production. En vertu de ces contrats, l'Office peut fournir aux producteurs des avances immédiates de fonds pouvant équivaloir jusqu'à 75 p. 100 de la valeur commerciale des produits du poisson, le solde à verser étant calculé en fonction du prix de vente final et des charges qui s'y rattachent. Comme nous le répétons depuis 1982-1983, en raison du fait que la Loi sur le poisson salé octroie à l'Office des droits qui portent uniquement sur la morue préparée, les ventes des produits de poisson congelés ainsi que l'octroi d'avances aux producteurs de poisson congelé ne comptent pas parmi les activités que l'Office serait autorisé à effectuer, en vertu de la Loi sur le poisson salé.

3.14 Le rapport du vérificateur qui porte sur l'exercice clos le 31 mars 1988 est donc assorti d'une réserve en raison d'activités effectuées sans autorisation, notamment, l'octroi de prêts directs et de garanties d'emprunt à des fins de capital et la participation à des activités relatives au poisson congelé.

Observations sur les opérations des ministères

Le ministère de l'Agriculture - Défaut de l'Office des produits agricoles de déposer des encaissements au Trésor (Fonds du revenu consolidé)

Dans notre Rapport de 1987 présenté au Parlement, nous avons signalé que l'Office des produits agricoles avait utilisé, en vertu de son Programme du surplus de raisin de l'Ontario en 1986, un million de dollars provenant de la vente de produits du raisin pour régler des dépenses de l'Office au lieu de verser ces fonds au Trésor (Fonds du revenu consolidé), comme l'exige la Loi. Au cours de l'exercice clos le 31 mars 1988, un autre deux millions de dollars en recettes, à même le programme, ont été utilisés dans le même but et cette pratique se poursuit.
3.15 L'Office achète et vend divers produits agricoles afin d'en stabiliser les prix. L'argent nécessaire pour acheter ces produits et pour compenser les pertes subies lors de leur vente provient en partie de crédits votés par le Parlement.

3.16 Dans notre Rapport de 1987 adressé au Parlement, nous signalions que l'Office, dans le cadre du Programme du surplus de raisin de l'Ontario en 1986, a pris des dispositions administratives contraires aux exigences de l'article 5 de la Loi sur l'Office des produits agricoles. Un compte en banque, distinct de ceux du Trésor, a été ouvert. La gestion fiduciaire de ce compte a été confiée à un courtier et tous les fonds publics utilisés dans le cadre du Programme du surplus de raisin de l'Ontario en 1986 ont été déposés dans ce compte et en ont été prélevés. C'est ainsi que deux millions de dollars provenant de la vente en 1987-1988 de produits du raisin, comme le million de dollars perçu en 1986-1987, n'ont pas été déposés dans le Trésor et les dépenses du programme n'ont pas toutes été payées à l'aide de fonds votés par le Parlement, comme l'exige la Loi créant cet office. Ce dernier n'est pas autorisé, et il l'admet, à utiliser ces recettes pour payer les dépenses du programme. Afin de ne pas avoir à faire autoriser par le Conseil du Trésor les dépenses supplémentaires engendrées par le programme, l'Office l'a financé à même les fonds publics dont le montant cumulatif se chiffre à trois millions de dollars.

3.17 En outre, l'Office avait, au 31 mars 1988, subi des pertes qui dépassaient de 121 000 dollars le montant autorisé par le gouverneur en conseil, en rapport avec le Programme du surplus de raisin de l'Ontario en 1986. La même situation s'est présentée dans le cas du Programme du surplus de raisin de l'Ontario, en 1984. En effet, l'Office, sans autorisation préalable, a subi des pertes qui dépassaient de 2,8 millions de dollars le montant maximal autorisé au départ par le gouverneur en conseil. Ces pertes supplémentaires liées au Programme de 1984 n'ont été approuvées que le 20 août 1987.

Le ministère de l'Agriculture - Contrôles et registres financiers insatisfaisants au sein de l'Office de stabilisation des produits agricoles

Il n'y avait pas de contrôles financiers essentiels en 1987-1988 et l'on conservait des documents à l'appui insuffisants au moment où des paiements de l'ordre de 186,8 millions de dollars ont été versés à des producteurs. On s'est penché sur ces carences.
3.18 L'Office de stabilisation des prix agricoles a pour objectif de stabiliser les profits que réalisent les producteurs afin, d'une part, d'aider l'industrie agricole à réaliser des profits équitables compte tenu de ses investissements en termes de travail et de capital et, d'autre part, de maintenir un rapport convenable entre les prix payés aux agriculteurs et le coût des biens et services qu'ils achètent. À cet égard, l'Office verse directement aux producteurs de certains produits agricoles des paiements d'appoint (qui sont généralement calculés en fonction des quantités mises en marché). Durant l'exercice terminé le 31 mars 1988, l'Office a versé des paiements d'appoint de l'ordre de 186,8 millions de dollars.

3.19 Durant ce même exercice, l'Office a connu un taux élevé de roulement de personnel et il a modifié, sans une planification suffisante, bon nombre des systèmes utilisés pour calculer et préparer les paiements d'appoint. Ces modifications ont consisté notamment en l'automatisation de certaines opérations, qui avaient été effectuées à la main antérieurement, ainsi qu'en l'élimination des déclarations individuelles des producteurs, pour les remplacer par des sommaires de marché préparés par les associations provinciales de producteurs. Or, au moment où ces paiements ont été effectués, l'Office a omis d'exercer certains contrôles financiers essentiels et de tenir des documents suffisants pour étayer les paiements. Ainsi, par exemple :

3.20 Nous avons également constaté que les agents des finances affectés à l'Office par le ministère de l'Agriculture, et qui étaient tenus d'exercer un contrôle financier sur les déboursés de l'Office, ont attesté des paiements d'appoint en se fondant sur une documentation insuffisamment étayée et sans passer par une procédure appropriée pour vérifier l'exactitude des paiements. Il s'agit là d'une façon de procéder qui est contraire aux exigences de l'article 26 de la Loi sur l'administration financière.

3.21 De plus, les calculs des taux des paiements d'appoint pour deux produits n'ont pas été vérifiés et approuvés. On a établi depuis que ces taux étaient erronés. La première erreur a donné lieu à la sous-estimation des paiements d'appoint, pour un produit, d'un montant total d'environ 580 000 $. Une deuxième erreur, commise lors du calcul du prix de soutien pour un autre produit, a éliminé des paiements d'appoint qui auraient dû s'élever à quelque 48 000 $ alors que les producteurs avaient un droit statutaire de recevoir ces paiements.

3.22 L'Office a reconnu ces carences, et il essaie actuellement d'y remédier. Ainsi, l'Office :

- a reçu une attestation appropriée de l'information fournie antérieurement par les associations de producteurs et utilisée pour le versement de paiements provisoires, et il exige maintenant d'avoir en main cette information avant même que les paiements ne soient effectués pour des programmes ultérieurs;

3.23 Finalement, le ministère de l'Agriculture a pris des mesures pour s'assurer que les agents des finances affectés à l'Office exécutent les procédés de vérification appropriés avant de certifier des demandes de paiements d'appoint.

Le ministère de l'Environnement et le ministère des Travaux publics - Terrain loué qui n'est toujours pas utilisé : une situation qui demeure non résolue après 14 ans

En 1976, 1977, 1978 et 1984, nous avons signalé le fait que le ministère de l'Environnement (MDE) versait des loyers pour un terrain de 55 acres qui, à l'exception d'une petite parcelle sous-louée, demeurait un terrain vague. Le Comité des comptes publics recommandait en 1978 que l'on résilie le bail ou que l'on négocie une nouvelle utilisation du terrain. En 1988, la situation est sensiblement la même.
3.24 Le bail remonte à 1974. Cette année-là, le ministère de l'Environnement, après avoir acquis une propriété louée à bail au coût de 4 millions de dollars, a passé un contrat de location de terrain d'une durée de 71 ans avec la bande d'Indiens Squamish pour y construire un centre de l'Environnement du Pacifique dans la région de Vancouver. Ce projet a été annulé par la suite.

3.25 Au cours des 14 premières années du bail, le gouvernement a versé environ 12,7 millions de dollars (acquisition de la propriété louée à bail, location et taxes) pour le terrain. Le loyer est rajusté en fonction des évaluations de la valeur du terrain qui se font tous les cinq ans et est compensé en partie par l'amortissement du coût d'acquisition de la propriété louée à bail (achat du bail original), selon le tableau ci-dessous. Les valeurs et les loyers sont les suivants :

1974

1979

1984

Valeur marchande, selon l'évaluation

7 108 637 $

8 315 000 $

14 782 086 $

Taux de rendement utilisé

8 %

8,5 %

9 %

Coût annuel brut du loyer

561 491

706 775

1 330 388

Moins : amortissement du coût d'acquisition de la propriété louée à bail

(320 089)

(320 089)

(320 089)

Coût annuel du loyer pour une période de cinq ans

241 402

386 686

1 010 299

Location annuelle qui provient de la sous-location à bail créditée au Trésor (Fonds du revenu consolidé)

-

-

215 208

Coût annuel net

241 402

386 686

795 091


3.26 Nous avons commenté, en 1977 et 1984, le manque de mesures prises pour régler cette affaire. Nous avons fait remarquer que, en 1978, le Comité des comptes publics avait recommandé que l'on résilie le bail ou que l'on négocie une nouvelle utilisation du terrain.

3.27 Le ministère de l'Environnement et le ministère des Travaux publics ont tenté de résoudre le problème. Bon nombre de plans et d'autres solutions ont été envisagés au cours des quelques dernières années. Il y a, cependant, une dizaine d'années que le Comité des comptes publics a formulé sa recommandation, et le gouvernement n'a encore pris aucune décision ferme sur la manière de régler l'affaire.

3.28 Le Bureau de gestion des biens immobiliers, qui a été mis sur pied en 1986, coordonne actuellement les efforts que font les ministères en cause en vue de dépêcher l'examen d'autres solutions et de trouver au plus tôt une solution à la question.

3.29 On est à préparer une présentation au Conseil du Trésor, dans laquelle sont exposées les solutions de rechange, pour qu'elles soient soumises à l'étude des ministères participants.

Le ministère des Finances - Subvention non déclarée versée à l'Administration du pont du port de Saint-Jean

Une subvention non déclarée est présentement versée à l'Administration du pont du port de Saint-Jean (ci-après nommé l'Administration) par suite de la mise en vigueur d'une entente conclue en 1966. Sont parties à cette entente le gouvernement fédéral, le Nouveau-Brunswick, la ville de Saint-Jean et l'Administration. La subvention prend en fait la forme d'une dette à payer au gouvernement fédéral, qui se chiffre présentement à 30 millions de dollars. Les déclarations du gouvernement à l'époque où a été signée l'entente laissaient prévoir que cette dette serait remboursée au gouvernement fédéral, alors qu'elle ne fait que croître chaque année.
3.30 Une entente portant sur la construction du pont et sur le financement de l'Administration a été signée au mois de juillet 1966 par les quatre intervenants. En vertu de cette entente, le gouvernement fédéral finançait la construction du pont (au coût d'environ 18 millions de dollars) à l'aide de prêts consentis et d'obligations émises par l'Office de développement municipal et des prêts aux municipalités et par le Conseil des Ports nationaux (rebaptisé depuis «Société canadienne des ports»). Cette entente exige de l'Administration qu'elle perçoive des droits de péage pour la traversée du pont et précise que les modifications aux droits de péage devront être approuvées par le gouvernement fédéral et par le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Elle demande également au gouvernement fédéral qu'il fournisse, par l'intermédiaire du ministre des Finances, des avances à l'Administration afin de combler l'écart annuel entre, d'une part, le montant des droits perçus et, d'autre part, les coûts d'exploitation augmentés du coût du service de la dette. L'entente deviendra caduque une fois que l'Administration aura remboursé la totalité de sa dette ou, au plus tard, en l'année 2021.

3.31 À l'époque où a été signée l'entente, deux communiqués de presse émis par le Bureau du Premier ministre du Canada faisaient mention de dispositions de financement et de recouvrement de dettes par le biais de droits de péage perçus. Le premier communiqué, émis en février 1965, affirmait que des droits de péage seraient perçus pour la traversée du nouveau pont, droits qui permettraient éventuellement l'autofinancement du pont. En 1966, alors qu'il cherchait à obtenir, pour le gouvernement fédéral, l'autorisation du Parlement de verser des avances, le ministre des Finances a indiqué à la Chambre des communes que : «les avances seront remboursées au cours des années subséquentes lorsque les revenus du péage seront suffisants à cette fin».

3.32 Toutefois, il n'y a pas eu de hausses des droits de péage depuis le début de leur perception, il y a vingt ans, et l'Administration subit chaque année un déficit. Qui plus est, l'entente n'exige aucun examen d'étapes de la suffisance des recettes perçues. Chaque fois que le Canada a demandé une augmentation des droits de péage, la dernière fois en 1982, le Nouveau-Brunswick s'y est opposé. Le gouvernement fédéral a donc, contrairement à l'intention originelle qui était de voir à ce que les droits de péage puissent rendre l'exploitation autosuffisante, continué de couvrir les déficits de l'Administration.

3.33 Au 31 mars 1988, la dette totale à l'égard du gouvernement fédéral se chiffrait à 30 millions de dollars (ce qui comprend le solde des prêts consentis pour la construction du pont, soit 16 millions de dollars, et les avances octroyées pour couvrir les déficits qui se chiffrent à 14 millions). L'entente conclue stipule en outre que l'Administration aura à payer l'intérêt sur la plupart des avances uniquement si l'Administration dispose de fonds excédentaires. Le Canada n'a donc reçu, au cours de toutes ces années, aucun intérêt sur ces montants. Cela représente, aujourd'hui, des revenus de 12 millions de dollars auxquels on a renoncé.

3.34 Le ministère des Finances estime que le montant dû au gouvernement central, si aucune mesure n'est prise, sera d'environ 85 millions de dollars en l'an 2021, alors que l'entente viendra à échéance. Également, des intérêts créditeurs de plus de 100 millions de dollars à percevoir sur les avances auront été perdus.

3.35 À notre avis, cet arrangement financier constitue en fait une subvention constante et sans cesse croissante plutôt qu'une obligation de remettre au gouvernement fédéral, comme cela était prévu à l'origine, les sommes versées par ce dernier. Le Parlement devrait être informé de cette situation.

Le ministère des Pêches et des Océans - Ententes de développement économique et régional

3.36 À l'époque où nous avons effectué notre vérification, des ententes de développement économique et regional pour les pêches étaient en vigueur dans trois provinces : la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'île-du-Prince-Édouard, ententes pour lesquelles l'engagement initial total du gouvernement fédéral s'élevait à 67,5 millions de dollars répartis sur 5 ans, et 150 projets par année. Nous avons examiné les travaux prévus dans les ententes conclues avec la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. L'île-du-Prince-Édouard n'a pas été incluse à cause de l'envergure relativement réduite de l'entente. En général, nous avons pu constater que le contrôle exercé sur l'application des ententes était satisfaisant et qu'il y avait respect des modalités et des lignes directrices émises. Il y a toutefois à signaler trois exceptions que nous décrivons dans les trois notes qui suivent.

Le ministère des Pêches et des Océans - Deniers publics non déposés au Trésor et non-respect des autorisations de programmes

Le ministère des Pêches et des Océans a signé un accord de contribution avec une compagnie afin d'aider à la création d'un centre de recherche sur l'élevage des salmonidés. Il s'agissait d'un projet expérimental du ministère qui devait permettre d'évaluer diverses techniques piscicoles utilisées pour le saumon et communiquer les résultats au secteur privé. Cette disposition a eu comme conséquence que l'on a omis de verser au Trésor les revenus provenant de la vente des saumons produits dans ce centre. Cette façon de faire contourne les contrôles financiers normaux et l'autorité du Parlement puisque ce que l'on aurait dû considérer comme des deniers publics n'a pas été versé au Trésor comme l'exige la Loi sur l'administration financière et qu'en plus, la contribution approuvée par le ministère dépassait de 900 000 $ la limite pour des contributions individuelles autorisée par le Conseil du Trésor.
3.37 L'autorisation d'aller de l'avant avec ce projet d'un centre de recherche sur l'élevage des salmonidés (Salmonide Culture Demonstration and Development Farm) a été signée au mois d'août 1985. Une somme de 1,5 million de dollars était versée dans le cadre de l'entente auxiliaire Canada-Nouveau-Brunswick pour le développement des pêches. Le ministère finançait entièrement seul le projet. Le ministère et une compagnie ont signé un accord de contribution qui prévoyait le versement de plus d'un million de dollars pour le financement du projet et la location des biens d'équipement. Le ministère a acheté de la compagnie le terrain sur lequel il désirait bâtir le centre et a loué les droits d'aquaculture. Les piscicultures fédérales fournirent les poissons. Le ministère mit sur pied un comité consultatif chargé de surveiller les activités du centre et un employé du ministère fut nommé administrateur de l'établissement pendant les trois premières années du projet. Le produit des ventes de poissons ne devait servir qu'à payer les frais d'exploitation du centre d'élevage et la compagnie ne pouvait vendre de saumons sans avoir au préalable obtenu l'autorisation du comité consultatif.

3.38 Bref, cette compagnie n'avait financé d'aucune manière les immobilisations du centre, n'assumait que peu de responsabilités financières si ce n'est les garanties offertes par le ministère et n'exerçait aucun contrôle sur les travaux. La compagnie avait pour fonction d'administrer l'exploitation du centre de recherche et les fonds qui s'y rattachaient. Cette compagnie, en retour, devait recevoir 90 000 $ pour l'utilisation de ses droits d'aquaculture et un remboursement de ses frais généraux qui étaient évalués à 148 500 $.

3.39 À notre avis, le projet, tel qu'il a été conçu, visait à utiliser le produit des ventes comme fonds à consacrer au projet au lieu de considérer ce produit comme étant des deniers publics à verser au Trésor fédéral. L'étude des documents nous a appris que le produit des ventes de poissons étant destiné à être déposé dans le compte d'entreprise du bénéficiaire, pour couvrir les frais d'exploitation du centre de recherche en 1988, et au cours des années subséquentes, plutôt que de verser ces sommes au Trésor fédéral. Cela va à l'encontre des dispositions de la Loi sur l'administration financière. Au 31 mars 1988, le produit des ventes se chiffrait à 600 101 $ et avait été utilisé de la manière suivante : 448 191 $ avaient été utilisés pour réduire les contributions à verser au cours de l'exercice 1987-1988. Le reste, 151 910 $, ainsi que le produit futur des ventes, serviront à réduire les contributions à verser en 1988-1989.

3.40 Les modalités approuvées par le Conseil du Trésor au chapitre des contributions fixent une limite de 100 000 $ pour les projets pilotes. L'accord de contribution signé avec le bénéficiaire autorisait le versement de contributions se chiffrant à plus d'un million de dollars. Bien que ce montant ne dépassât pas le budget alloué à la composante de développement de ressources de l'entente secondaire, il dépassait de 900 000 $ la limite de contribution autorisée par le Conseil du Trésor.

3.41 Le ministère nous avise qu'il a pris conscience des carences du projet au plan administratif et qu'il a instauré des mesures correctives en rapport avec les autorisations et la procédure de la direction. Le ministère est d'avis que ce projet innovateur a apporté une contribution substantielle au transfert de technologie et qu'il a aidé l'industrie en développant celle de l'élevage des salmonidés dans la Baie de Fundy, ce qui a porté le nombre de cinq producteurs qui avaient réalisé des ventes de l'ordre de 600 000 $ en 1985, à 30 producteurs qui ont vendu pour plus de 20 millions en 1987.

Le ministère des Pêches et des Océans - Une décision du Conseil du Trésor contournée

Au mois de mars 1987, le ministère des Pêches et des Océans a approuvé un contrat de 600 000 $, signé avec le ministère des Pêches du Nouveau-Brunswick afin d'offrir des services qui avaient trait à un centre de services maritimes sur l'île du Grand Manan, au Nouveau-Brunswick. De fait cependant, il s'agissait d'une contribution au financement de la construction du centre de services. Cela venait à l'encontre d'une décision du Conseil du Trésor qui excluait la province comme bénéficiaire admissible aux contributions, aux fins de l'entente auxiliaire Canada-Nouveau-Brunswick pour le développement des pêches.
3.42 Il y eut, avant février 1986, des entretiens prolongés entre le ministère fédéral et la province du Nouveau-Brunswick sur la question du financement conjoint d'un centre de services maritimes sur l'île du Grand Manan. Toutefois, le 20 février 1986, le Conseil du Trésor rejetait une proposition de modification de l'entente auxiliaire de développement économique et régional conclue avec le Nouveau-Brunswick, modification qui aurait fait du ministère provincial des Pêches un bénéficiaire admissible à des contributions en vertu de l'entente.

3.43 Le 30 mars 1987, le ministère fédéral signait un formulaire d'autorisation afin de partager avec la province du Nouveau-Brunswick le coût de la construction d'un centre de services maritimes à Ingalls Head, sur l'île du Grand Manan. Le même jour, le ministère fédéral passait un contrat avec le ministère provincial des Pêches, en vertu de l'entente auxiliaire Canada-Nouveau-Brunswick pour le développement des pêches, afin de fournir des services professionnels dans le cadre du projet d'un centre de services maritimes à Ingalls Head afin de satisfaire aux intentions du gouvernement en rapport avec les centres de services maritimes, en vertu de l'entente. Le coût total et approuvé du projet se chiffrait à 2,7 millions de dollars, la part du ministère étant de 600 000 $. La propriété et l'exploitation du centre de services devaient être confiées à la province et ce centre devait être construit sur un terrain que le gouvernement fédéral louerait à cette dernière.

3.44 À notre avis, il était incorrect de passer un contrat pour ce projet puisque le gouvernement fédéral n'a reçu aucun bien ni aucun service en retour. Le système de contributions aurait constitué la méthode appropriée de financement si le ministère avait obtenu l'autorisation que la province soit reconnue comme bénéficiaire admissible aux contributions.

3.45 Le ministère nous avise qu'il prend conscience que le recours à un contrat, dans ce cas, était inapproprié et qu'il a renforcé la procédure de surveillance et de contrôle afin d'éviter la répétition de ce problème isolé.

Le ministère des Pêches et des Océans - Manque de souci d'économie

En vertu de l'entente auxiliaire Canada-Nouveau-Brunswick pour le développement des pêches, quatre de huit senneurs de harengs devaient être achetés et leurs quotas répartis également entre les quatre autres bateaux. Les bateaux devaient être vendus et les revenus (ou les pertes) de la vente devaient être redistribués, à part égale, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. En fin de compte, il y a eu achat, au mois de septembre 1985, de deux bateaux pour une somme de 1,3 million de dollars, les deux gouvernements assumant à part égale ce coût. Ces bateaux (évalués entre 1,5 million de dollars et 1,9 million), qui avaient une valeur marchande de 800 000 $, selon un évaluateur indépendant, ont été revendus, au mois de mai 1986, 380 000 $. À notre avis, l'achat des bateaux s'est fait sans juste souci d'économie.
3.46 La Société d'aménagement régional a été choisie comme agent du comité de gestion du Comité auxiliaire de développement des pêches (avec l'approbation du Conseil du Trésor) pour effectuer l'achat puis la revente des bateaux et des permis qui s'y rattachent. Le comité de gestion était un comité conjoint des gouvernements fédéral et provincial. Au mois de mai 1985, le ministère a fait parvenir par lettre à la Société, au nom du comité de gestion, une directive l'autorisant à effectuer les opérations décrites ci-dessus et énoncant les modalités de déroulement de ces opérations. En conformité avec les directives du Conseil du Trésor, les instructions du ministère insistaient énormément sur le souci d'économie dont il fallait faire preuve à l'achat et lors de la revente des bateaux et des permis qui s'y rattachaient. Les instructions, en ce qui a trait à l'achat, étaient que le montant payé ne devait pas être moindre que la valeur de récupération desdits bateaux et ne devait pas dépasser, au total, 250 000 $ par bateau, augmenté de la valeur d'expertise de chaque bateau calculée dans le cadre du Régime d'assurance des bateaux de pêche (RABP). On ordonnait également à la Société de faire tout en son possible pour réduire les coûts et accroître le produit de la vente des éléments d'actif dans le cadre de l'entente conclue.

3.47 Les évaluateurs du RABP établirent la valeur des bateaux à 1,9 million de dollars. Une évaluation effectuée par une société indépendante fixait leur valeur à 1,5 million de dollars; toutefois, cette société indiqua que la valeur marchande maximale que l'on pouvait espérer pour les deux navires était de 800 000 $. L'exploitation des deux bateaux s'était soldée par une perte au cours des deux années précédentes.

3.48 Les bateaux et les permis furent achetés au coût de 1,8 million de dollars. Ce montant comprenait le prix négocié pour chaque bateau, plus 250 000 $ (valeur estimative des permis) par bâtiment, en conformité avec les instructions données à la Société. Ainsi donc, le prix payé pour les bateaux a été de 1,8 million de dollars, duquel il faut soustraire le 500 000 $ des permis, soit un prix net de 1,3 million de dollars. Les bateaux furent vendus ultérieurement, de façon «non privilégiée», au coût de 380 000 $, par un processus d'appel d'offres qui s'est déroulé de façon raisonnable. Il y avait donc possibilité d'un trop-payé de 910 000 $. Les bateaux n'ont pas été vendus à des ferrailleurs. Nous avons appris que les deux navires sont utilisés dans un autre secteur de pêche : l'un comme bateau de pêche et l'autre, comme ravitailleur.

3.49 À notre avis, ce programme n'a pas été réalisé avec un juste souci d'économie. Aucun des documents que nous avons examinés ne donne d'explications satisfaisantes pour justifier l'écart important entre les deux évaluations, 1,9 et 1,5 million de dollars, et la valeur marchande estimative, soit 800 000 $, et entre cette valeur marchande estimative (800 000 $) et le produit de la revente (380 000 $). L'un des bateaux a été évalué à 425 000 $ puis à 665 000 $, sa valeur marchande estimative a été fixée à 225 000 $, et il a été revendu seulement 30 000 $.

3.50 Nous croyons que le prix d'achat maximal à retenir pour ces bateaux était 800 000 $, soit la valeur marchande maximale. De fait, le prix d'achat des bateaux aurait même dû être moindre parce que, comme l'a indiqué l'évaluateur indépendant et confirmé par la valeur de revente, l'on n'avait pas tenu compte, dans le cas de la valeur marchande estimative, de la situation difficile de l'industrie de la pêche.

3.51 Le ministère répond que, comme on l'a souligné, il a insisté, dans ses instructions à la Société d'aménagement régional, sur l'économie dans le déroulement du programme. Le ministère a souligné que la Société a agi comme agent à la fois pour les gouvernements fédéral et provincial et elle s'est acquittée de ses responsabilités, selon les instructions qu'elle avait reçues. La question de valeur estimative versus valeur marchande est une question que le ministère ne peut traiter, bien qu'il serait bon de souligner que les conditions du marché peuvent varier énormément étant donné l'écart de deux ans environ entre le moment de l'évaluation originelle et la vente des deux bateaux.

Le ministère de l'Expansion industrielle régionale - Défaut de percevoir une somme due au gouvernement fédéral

Un événement pour lequel le ministère de l'Expansion industrielle régionale (MEIR) a consenti un financement en partie de 2,3 millions de dollars s'est soldé par un surplus. La part de ce surplus qui revenait au gouvernement fédéral devait être en fonction de sa participation, et être créditée au Trésor (Fonds du revenu consolidé). Le MEIR, selon ses calculs, aurait dû recevoir 115 000 $. La société mise en cause n'a pas versé au fédéral le remboursement auquel il avait droit, bien que les conditions prévues à cet effet étaient remplies, et le MEIR n'a pas cherché pendant plus d'un an à être remboursé.
3.52 Au mois de décembre 1986, le Conseil du Trésor a approuvé le versement d'une somme de 2,3 millions de dollars à une société sans but lucratif, dans le cadre de Rendez-vous 87, une semaine de festivités au cours de laquelle ont été offertes, dans la ville de Québec, des activités sportives et artistiques. Ces 2,3 millions de dollars étaient ainsi ventilés : une subvention d'un million de dollars pour payer une partie des frais de fonctionnement de la société en question et une contribution de 1,3 million de dollars pour financer des activités précises au cours de cette fin de semaine. C'était là la contribution du gouvernement fédéral au financement prévu de 9,2 millions de dollars. À la contribution fédérale vient s'ajouter celle des gouvernements d'autres niveaux et des commanditaires du secteur privé et les revenus commerciaux. Une condition spéciale imposée par le Conseil du Trésor exigeait, si l'événement se soldait par un surplus, qu'il y ait partage de ce dernier entre ceux qui avaient contribué au financement de cette semaine, en proportion de la contribution de chacun, et que l'argent qui revenait ainsi au fédéral soit versé au Trésor.

3.53 Le MEIR a signé deux contrats avec la société, contrats qui, entre autres choses, précisaient les modalités à respecter pour le remboursement de surplus. Le remboursement devait avoir lieu au moment de la réception, par le MEIR, d'un rapport final et des états financiers vérifiés. Les contrats précisaient que la présentation du rapport et des états financiers ainsi que le remboursement, s'il y avait surplus, devaient avoir lieu au plus tard le 30 juin 1987.

3.54 L'événement a eu lieu comme prévu, entre le 8 février et le 15 février 1987. La société a reçu, en conformité avec les modalités des contrats, la subvention complète d'un million de dollars et 90 p. 100 de la contribution, soit 1,17 million de dollars. La semaine fut un succès et les états financiers vérifiés présentaient un surplus de 1,5 million de dollars, au 31 mars 1987. Une autre vérification effectuée au mois de septembre 1987, pour le compte du MEIR, a confirmé l'existence du surplus établi cette fois à 1,1 million de dollars. La société a publié son rapport final sur la semaine de festivités au mois de juin 1987, comme l'exigeaient les contrats.

3.55 Le MEIR estimait que la part du surplus pour le gouvernement fédéral se chiffrait à 245 000 $. Tenant compte du 10 p. 100 de la contribution qui n'avait pas été versé, soit 130 000 $, le MEIR a calculé que la société devrait lui remettre 115 000 $.

3.56 Bien que toutes les dispositions relatives au remboursement aient été respectées, ce dernier n'a jamais été effectué. Le MEIR n'a pas cherché à obtenir ce remboursement et n'a pas établi de compte débiteur. On a envisagé la possibilité de réclamer le remboursement, mais aucune mesure n'a été prise. Selon les documents que renfermaient les dossiers, la société a suggéré que la part du surplus revenant au fédéral serve à financer d'autres projets dans la région plutôt que d'être versée au Trésor.

3.57 Le fait que le ministère ne se soit pas efforcé, depuis le mois de juin 1987, d'obtenir le remboursement que prévoyaient les contrats, remboursement qui constituait une condition préalable à l'approbation de la participation fédérale, nous inquiète. La saine gestion des deniers publics exige que soient prises sans délai les mesures requises pour recouvrer les sommes dues au gouvernement.

3.58 Vers la fin du mois d'août 1988, le MEIR demandait à la société de lui rembourser la somme de 115 000 $.

Le ministère de l'Expansion industrielle régionale - Versement prématuré

Le ministère de l'Expansion industrielle régionale (MEIR) a versé, à dates fixes, des paiements à un constructeur de navires afin de contribuer au financement de la construction d'un traversier. Toutefois, une grande partie des paiements a été versée avant que ceux-ci ne soient requis pour les travaux de construction. La société a investi les fonds dans des titres à court terme. Ces derniers procureront au constructeur de navires, en intérêt, un montant net de 4,25 millions de dollars à la fin du mois de mars 1988.
3.59 Le MEIR a signé, au mois de janvier 1987, une entente qui prévoyait le versement d'une contribution, remboursable, de 125 millions de dollars afin de contribuer au financement de la construction du Caribou II, un traversier que devait utiliser la société Marine Atlantic pour assurer la traversée entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse.

3.60 Une disposition de cette entente prévoyait des versements à dates fixes, disposition inhabituelle dans le domaine de la construction navale où l'on a coutume de fixer les dates des versements en fonction des diverses étapes ou de l'état d'avancement des travaux. Des fonctionnaires du ministère de l'Expansion industrielle régionale ont indiqué que les versements anticipés avaient été demandés par le constructeur et que ces versements étaient partie intégrante des négociations qui avaient trait au financement de la construction du navire.

3.61 En raison du fait que les montants versés étaient supérieurs à ceux qui étaient requis pour la construction du traversier, le constructeur a investi les fonds dans des titres à court terme afin d'en retirer l'intérêt. En 1987-1988, l'excédent versé a varié de 20 millions de dollars à plus de 78 millions de dollars.

3.62 Selon nos calculs, les placements du constructeur lui ont rapporté, en intérêt, plus de 4,25 millions de dollars à la fin du mois de mars 1988. D'ici à ce que les travaux soient achevés, le constructeur pourrait empocher environ 1,8 million de dollars en intérêt supplémentaire.

3.63 Nous avons examiné les documents du MEIR en rapport avec le processus d'approbation du projet et nous avons remarqué que les dispositions relatives aux versements à effectuer à dates fixes avaient été approuvées par le Conseil du Trésor et par le Cabinet. Ces documents, toutefois, n'indiquaient nullement la mesure dans laquelle les versements pouvaient être effectués avant que le constructeur en ait véritablement besoin, et ils ne faisaient mention d'aucune estimation de l'intérêt que le constructeur pouvait retirer du placement des fonds reçus.

3.64 Depuis le mois de septembre 1987, le gouvernement a eu comme politique que les ministères précisent et justifient les coûts d'emprunt associés à des versements de contributions anticipés.

Le ministère des Transports - Manque de contrôle sur les versements faits à VIA Rail Canada Inc.

Le ministère des Transports est incapable de calculer le montant exact des sommes qu'il doit à la société VIA Rail Canada Inc. à la fin de quelque exercice particulier que ce soit, et les dépenses qui s'y rattachent, présentées dans les états financiers du gouvernement du Canada, continuent d'être des données erronées. Le ministère n'a toujours pas resserré ses contrôles comptables sur ses versements à la société VIA et il n'a pas réussi à éliminer les dissemblances qui existent entre les dispositions de la Loi, du Règlement et des ententes qui régissaient ces versements.
3.65 Données de base. Le ministère des Transports verse à la société VIA Rail Canada Inc. des fonds provenant d'un crédit voté chaque année par le Parlement. Les versements ainsi effectués servent à financer les dépenses en capital et les frais d'exploitation nets de la société VIA. Cette dernière a, par contre, des ententes d'exploitation avec les deux sociétés ferroviaires nationales, le CN et le CP, lesquelles autorisent VIA à utiliser leurs voies ferrées, leur matériel et leur personnel contre remboursement des coûts ainsi engagés. En outre, des paiements d'aide à la main d'oeuvre versés à VIA ainsi qu'au CN et au CP proviennent du même crédit et sont effectués par suite des coûts engendrés par les modifications apportées au programme du transport des passagers. En 1987-1988, le total des charges imputées au crédit s'est élevé à 604 millions de dollars.

3.66 Examen insuffisant des dépenses en capital à payer. Nous avions signalé, en 1987, que le ministère avait, à cause de contrôles comptables insuffisants, surévalué d'au moins 15 millions de dollars les sommes à verser à VIA en fin d'exercice, au titre des dépenses en capital. Notre dernier examen nous a fait constater que le ministère n'avait fait que peu d'efforts pour resserrer ces contrôles. Notre examen a en outre révélé que, pour 1987-1988, le ministère avait fixé à 36 millions de dollars les sommes à verser à VIA pour les dépenses en capital sans avoir obtenu au préalable suffisamment de documents justificatifs appropriés. Notre analyse démontre que cet élément de passif et le montant des dépenses qui s'y rattachent sont mal évalués parce qu'on y a inclus une somme de 5,5 millions de dollars pour des locomotives que VIA n'est pas obligée de payer avant le mois de février 1989.

3.67 Incapacité d'établir le total des frais d'exploitation en fin d'exercice. La Loi de 1977 portant affectation de crédits qui créait la société VIA précisait que cette société se verrait rembourser le montant net de ses frais d'exploitation, sous réserve des dispositions du Règlement. Certains de ces frais proviennent de factures finales reçues du CN et du CP. En 1987-1988, 4,7 millions de dollars ont été payés par le ministère à VIA et 6,7 millions ont été courus en règlement des factures finales des exercices 1985 et 1986, lesquelles totalisaient 79 millions de dollars. Comme il n'existe aucune date d'échéance pour la compensation et l'approbation finale de ces factures et puisqu'elles sont assujetties à une vérification par l'Office national des transports (ONT), le ministère est incapable de calculer ce qu'il doit à VIA à la fin d'un exercice financier particulier. Cela a également pour conséquence l'imputation des versements à un crédit de l'exercice qui n'est pas le bon et de fausser les données sur les dépenses présentées dans les états financiers du gouvernement du Canada.

3.68 Qui plus est, puisque les dispositions du Règlement prévoient le remboursement à VIA du montant estimatif de ses frais d'exploitation, en principe, les factures finales produites par le CN et le CP n'ont pas, en vertu des dispositions du Règlement, à être payées.

3.69 Il faudrait que soit réexaminée la méthode actuellement utilisée pour calculer les montants à verser à VIA, afin de pouvoir établir avec plus d'exactitude, et en temps plus opportun, le montant net des frais d'exploitation de cette société.

3.70 Le ministère étudie présentement la question en travaillant à l'ébauche de modifications au Règlement. Qui plus est, VIA, le CN et le CP ont reçu instruction du ministère de conclure des marchés qui reflètent l'esprit de la loi provisoire sur les passagers ferroviaires et, dans la mesure du possible, le concept des marchés à prix fixe. Si l'on se conforme à ce concept, aucune révision par l'ONT ne sera requise.

3.71 Versements faits dans le cadre du programme d'aide à la main-d'oeuvre - non-vérification de la validité des réclamations. En 1986-1987, le ministère a versé 9,1 millions de plus que ce qui était prévu au crédit. Le ministère a justifié cet état de choses par l'augmentation non prévue des réclamations faites par le CN à la suite de la réduction du volume de travail dans ses ateliers d'entretien et du transfert de ses employés d'entretien à la société VIA. Le ministère a versé 5,6 millions de dollars au CN et 100 000 $ à VIA pour des dépenses liées à l'exercice 1985-1986 et a inscrit au passif une somme de 10,7 millions pour les dépenses liées à l'exercice 1986-1987. Des mesures prises par le ministère ne lui ont pas assuré s'il s'agissait là de réclamations valables selon la définition qu'en donne le Règlement.

3.72 Au cours de l'exercice 1987-1988, des fonctionnaires du ministère des Transports et du ministère de la Justice ont examiné les demandes de versements et ils en sont arrivés à la conclusion qu'elles ne satisfaisaient pas aux exigences du Règlement. Le ministère des Transports a contrepassé une somme de 10,2 millions de dollars sur le montant des imputations au passif, mais il était trop tard pour contrepasser les imputations au crédit. De ce fait, les dépenses du ministère des Transports ont été surévaluées de 5,7 millions de dollars pour l'exercice 1985-1986 et de 10,7 millions de dollars pour l'exercice 1986-1987. Rien de tout cela ne se serait produit si ce ministère avait tout d'abord vérifié la validité des réclamations, au sens que le Règlement donne à cette expression.

3.73 Au mois de juin 1988, le Conseil du Trésor approuvait une soumission du ministère qui visait à redresser les problèmes d'autorisations dans le Règlement, et il y a eu des modifications apportées au Règlement, lesquelles sont entrées en vigueur au mois de juillet 1988. Le ministère cherche présentement à obtenir du Conseil du Trésor l'approbation rétroactive d'un nouveau programme de contribution qui l'autoriserait à donner suite aux réclamations préalablement refusées.