Les dépenses fiscales

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Le concept des dépenses fiscales

4.1 Le régime fiscal du Canada a deux grands objectifs : percevoir des recettes et répondre à d'autres besoins économiques et sociaux. Le concept des dépenses fiscales découle du principe que les recettes fiscales auxquelles on renonce pour répondre à ces autres besoins sont l'équivalent de sommes engagées dans le cadre de programmes de dépenses directes approuvés par le Parlement.

4.2 Perception des recettes. La perception des recettes a pour objet de transférer le contrôle des ressources réelles d'organismes privés de prise de décisions au gouvernement, afin de permettre à ce dernier de poursuivre ses objectifs en matière de politique. L'équité, l'efficacité et la simplicité sont devenues les critères prédominants dans la conception et l'évaluation du régime fiscal en tant que mécanisme de perception des recettes.

4.3 On considère que l'équité comporte une facette "horizontale", en ce sens que tous les particuliers qui se trouvent dans la même situation paient le même montant d'impôt, quelle que soit la source de leur revenu, et une facette "verticale" en ce sens que ceux qui se trouvent dans des situations différentes paient à juste titre des montants différents d'impôt. Cet aspect "vertical" est à la base du barème progressif d'impôt sur le revenu des particuliers.

4.4 L'efficience exige que le régime fiscal soit structuré de manière à ne pas fausser les décisions des particuliers ou des compagnies privées au sujet de la production, de la consommation, de l'épargne ou de l'investissement. Autrement dit, le régime doit être neutre. Dans les cas où de telles distorsions sont inévitables, il faut les garder au minimum. Cela vient appuyer l'idée que les choix privés qui émanent des préférences personnelles ou des jeux du marché sont efficients du point de vue social et ne doivent pas être influencés par des considérations d'ordre fiscal.

4.5 La simplicité exige que la Loi de l'impôt sur le revenu soit claire pour que les contribuables puissent se prévaloir de ses dispositions sans engager des frais énormes et puissent comprendre les répercussions fiscales de toute ligne de conduite. Cela veut aussi dire, par exemple, que les dispositions visant les petites entreprises doivent être plus simples que celles qui concernent les corporations multinationales. La loi doit être facile à comprendre, car le régime repose sur l'observation spontanée et l'autocotisation. En outre, la simplicité de la loi en facilite l'application.

4.6 Répondre à d'autres besoins. Le deuxième objectif consiste à utiliser le régime fiscal comme instrument ou ensemble d'instruments pour répondre à d'autres besoins économiques et sociaux, comme le développement économique en général, le développement régional, le changement des modes d'épargne et d'investissement et la redistribution des revenus. Il en résulte donc des écarts au régime fiscal normatif ou au régime de référence qu'on appelle dépenses fiscales. Le régime fiscal de référence n'est pas nécessairement le régime à adopter. Le fait de considérer une dépense fiscale comme une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu en vue de la réalisation de l'un ou l'autre de ces autres buts économiques ou sociaux nous donne une règle décisionnelle qui nous permet de faire une distinction entre cette dépense fiscale et une caractéristique de la structure fiscale normative ou de référence. Nous n'avons qu'à nous demander s'il s'agit d'une mesure nécessaire à la conception d'un régime de perception de recettes qui respecte les principes d'équité, d'efficacité et de simplicité ou si elle a été conçue pour réaliser d'autres buts économiques ou sociaux. Les objectifs qu'elle vise nous fournissent aussi une manière d'organiser et de répertorier les mesures selon leurs buts, tout comme le Système de gestion des secteurs de dépenses.

4.7 Le concept des dépenses fiscales permet aussi d'éclaircir les choix et les dilemmes propres à cette façon d'utiliser le régime fiscal. Les deux buts distincts du régime, qui comportent tous deux des avantages, vont souvent à l'encontre l'un de l'autre. Une dépense fiscale peut être importante pour la réalisation d'un but économique ou social recherché, mais elle peut aussi rendre le régime moins équitable, efficace et simple. La renonciation aux dépenses fiscales peut améliorer le fonctionnement du régime comme générateur de recettes, mais ce, au détriment d'un instrument éventuellement valable pour réaliser d'autres buts sociaux ou économiques. Lorsque les deux objectifs sont souhaitables, il faut en arriver à des compromis.

4.8 Définition de dépenses fiscales. Le ministère des Finances a défini et répertorié les dépenses fiscales dans le cadre du régime fiscal. Il s'agit d'exemptions, de déductions, de crédits, de taux réduits d'imposition ou de reports d'impôt. Inversement, des pénalités fiscales sont imposées pour dissuader les contribuables d'adopter une ligne de conduite particulière. Quelle qu'en soit la forme, ces dépenses supposent un traitement fiscal spécial pour des particuliers et des groupes choisis.

4.9 Les dépenses fiscales peuvent aussi être classées selon qu'elles offrent un traitement de faveur en vue d'améliorer le concept de la capacité de payer du régime ou d'encourager les contribuables à adopter une ligne de conduite particulière.

4.10 Dans la première catégorie, le traitement de faveur est fondé sur les caractéristiques propres des contribuables et n'a pas pour objet de modifier leur comportement. Ainsi, ces dispositions n'ont généralement pas d'incidence sur les décisions économiques prises dans le marché, mais elles admettent différentes circonstances personnelles ou familiales. Notons par exemple la déduction pour invalidité et l'exemption en raison d'âge.

4.11 Dans la deuxième catégorie, les dispositions sont généralement conçues pour modifier le comportement des contribuables. À titre d'exemples, citons le programme des immeubles résidentiels à logements multiples (IRLM), les déductions d'impôt liées aux ressources, le traitement de faveur des économies en vue de la retraite, les dons de charité et les placements dans les actions canadiennes.

4.12 Par exemple, l'épargne fiscale associée aux dons de charité, que le ministère des Finances a estimée à 515 millions de dollars en 1983, représente la part du gouvernement. Cette dépense fiscale se compare aux programmes de dépenses directes qui ont pour but d'accorder des subventions spéciales à certains groupes ou à certaines activités, en ce sens qu'elle détourne des ressources publiques pour encourager le secteur privé à affecter ses ressources aux secteurs qui ont besoin d'aide.

Objet du présent examen

4.13 Au cours des ans, nous avons demandé que des mesures soient prises pour améliorer l'information que le gouvernement présente au Parlement et ainsi améliorer la responsabilité du gouvernement face au Parlement. Dans notre rapport de 1979, nous indiquions des améliorations à apporter au fond et à la forme du Budget des dépenses. Nous demandions que soit fournie de l'information sur les dépenses fiscales pour permettre l'établissement de rapports historiques uniformes et nous recommandions que l'incidence des coupures fiscales et des transferts fiscaux choisis soit exposée dans le Budget des dépenses. Le rapport indiquait comment l'omission de rendre compte de cette incidence pouvait entraîner une sous-évaluation des dépenses des programmes et des ressources totales des contribuables affectées aux secteurs favorisés.

4.14 Notre Rapport de 1984 portait, entre autres, sur le programme du crédit d'impôt pour la recherche scientifique. Nous indiquions aussi que l'attention accordée aux dépenses directes était loin d'être la même pour les dépenses fiscales. On a établi des mécanismes pour mesurer la rentabilité, l'efficience et l'efficacité des dépenses directes et rendre compte de ces questions au Parlement.

4.15 Dans notre Rapport de 1985, nous avons fait ressortir, dans les notes de vérification sur le décret de remise relatif à la Hudson's Bay Oil and Gas Company Limited et sur les répercussions fiscales de l'acquisition de Petrofina par Pétro-Canada en 1981, notre préoccupation constante à l'endroit du problème des dépenses fiscales et plus précisément le fait que les députés ne reçoivent pas suffisamment d'information à ce sujet.

4.16 En faisant un sondage sur les besoins qu'ont les utilisateurs de posséder des renseignements financiers clairs sur les opérations du gouvernement dans le cadre de notre Étude sur les rapports financiers des gouvernements fédéraux, nous avons demandé à certains députés de nous exprimer leurs besoins d'information sur les dépenses fiscales. Ils ont répondu qu'en général, sans ces renseignements, il leur était impossible d'évaluer l'enjeu des politiques socio-économiques du gouvernement.

4.17 Les dépenses fiscales sont devenues l'un des principaux moyens qu'utilise le gouvernement pour attribuer des ressources, pour encourager certaines décisions et pour influencer le secteur privé. Nous ne disposions pas de renseignements précis sur la valeur annuelle totale des dépenses fiscales du régime fiscal, mais, pour en indiquer l'ampleur, nous avons fait une estimation. Selon le Compte du coût des mesures fiscales sélectives, publié par le ministère des Finances en 1985, qui renferme des renseignements sur les années 1982 et 1983, nous estimons le montant des dépenses à environ 28 milliards de dollars par année.

4.18 Étant donné l'importance croissante des dépenses fiscales, nous croyons qu'il est temps de cerner les grands problèmes qui découlent de leur utilisation. Le fait que les dépenses fiscales se divisent en deux catégories indique clairement qu'elles ne se ressemblent pas toutes et qu'elles ne posent pas les mêmes problèmes de gestion. Nous nous intéressons ici aux programmes fiscaux réalisés dans le cadre du régime fiscal et conçus pour influencer le comportement des contribuables. Ces programmes se comparent aux programmes de dépenses directes qui accordent des subventions spéciales à certains groupes ou à certaines activités. Nous nous concentrons sur quatre questions fondamentales liées à ces dépenses fiscales :

Les risques que comporte l'utilisation du régime fiscal comme moyen de réaliser des programmes

4 .19 Notre examen nous a amené à conclure qu'il y a des risques importants à utiliser la Loi de l'impôt sur le revenu pour la réalisation de programmes. Le fait que le gouvernement n'ait pas agi en temps opportun pour éliminer les stratagèmes reconnus d'évitement fiscal conçus par les contribuables a entraîné des pertes de centaines de missions de dollars en recettes.

4.20 Notre examen de la nature du régime fiscal a révélé que l'utilisation de la Loi de l'impôt sur le revenu pour réaliser des programmes comportait des risques importants. Nous parlons, dans les paragraphes ci-après, des risques inhérents aux dépenses fiscales, que l'on peut trouver, mais pas nécessairement dans la même mesure, dans des formes de dépenses directes comparables, soit :

Frais rattachés aux programmes non plafonnés

4.21 Tous les contribuables qui observent les dispositions incitatives de la Loi de l'impôt sur le revenu ont droit aux avantages; ni les frais ni les dépenses ne sont limités. Par exemple, tous les contribuables qui contribuent à un régime enregistré d'épargne-retraite peuvent déduire leur contribution, sous certaines réserves. Cependant, le montant total des recettes fiscales auquel le gouvernement renonce dépend de la réaction des contribuables. Par conséquent, si un nombre plus grand de contribuables choisissent de se prévaloir de cette disposition que le nombre considéré nécessaire pour atteindre l'objectif initial, il peut en coûter plus cher que prévu au gouvernement. En outre, la disposition peut finir par simplement appuyer des activités qui auraient quand même eu lieu, sans en créer de supplémentaires. Le risque que comporte la renonciation à des recettes importantes sans qu'il en résulte un gain net important, en ce sens qu'aucune activité supplémentaire n'est créée, est peut-être le plus grand risque lié aux dépenses fiscales.

4.22 Les contribuables peuvent continuer de demander une déduction, une exemption ou un crédit, une fois atteint l'objectif du gouvernement. Une disposition ne peut pas cesser d'avoir effet simplement par ce que le montant des recettes fiscales auquel le gouvernement a dû renoncer dépasse le montant prévu au départ. Cela susciterait des incertitudes et des injustices, ce qui est inacceptable dans un régime fiscal moderne. De plus, il est en général impossible d'établir le montant du manque à gagner tant que les déclarations d'impôt n'ont pas été produites, c'est-à-dire jusqu'à dix-huit mois après l'adoption de la disposition. Ainsi, le coût minimum d'une dépense fiscale est ce qu'il en coûte pour essayer le programme jusqu'au moment d'une première évaluation.

Frais "relatifs aux droits acquis" ou frais de clôture

4.23 Étant donné que les contribuables doivent prévoir à l'avance la façon dont ils vont se prévaloir d'une mesure fiscale, ils doivent être protégés contre toute modification apportée aux règles connexes, après un engagement mais avant la transaction. Selon les règles fondamentales, aucune transaction pour laquelle un engagement ferme a été pris, légale selon la loi actuelle, ne peut, après avoir eu lieu, devenir illégale par le fait d'une mesure législative avec effet rétroactif.

4.24 Chaque fois que des mesures fiscales ont été modifiées pour corriger une irrégularité ou pour mettre fin à une dépense fiscale non voulue, la loi renfermait habituellement un ensemble précis de dispositions "relatives aux droits acquis" pour protéger les contribuables qui s'étaient engagés en vertu des anciennes dispositions. Le résultat, pour le Trésor, c'est que la dépense ne prend pas fin tout de suite. Il en découle d'autres frais, alors que les frais l'emportaient sans doute déjà sur les avantages.

4.25 Dans une déclaration au Comité des comptes publics, le ministère du Revenu national, Impôt (RNI) a estimé que les frais relatifs aux droits acquis liés au crédit d'impôt pour la recherche scientifique dépasseront le milliard de dollars.

4.26 Lorsqu'on a mis fin au programme de REEL en mai 1985, les contribuables pouvaient retirer deux milliards de dollars en fonds accumulés en franchise d'impôt pour les utiliser à n'importe quelle fin. L'impôt auquel le gouvernement a renoncé sur les fonds retirés pour des raisons autres que l'achat d'un logement constitue les frais de clôture du programme.

Difficulté d'orienter les mesures vers le groupe visé

4.27 Les contribuables ont le droit d'organiser leurs affaires pour avoir à payer un minimum d'impôt; c'est là un principe fondamental de la législation canadienne de l'impôt sur le revenu. Ce droit est assujetti, bien sûr, à des règles contre l'évitement, générales et précises, qui ont force de loi. En outre, d'après la Cour suprême du Canada, les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu doivent s'interpréter suivant "l'objet et l'esprit" de la loi dans son ensemble. Toutefois, dans certains cas, les contribuables peuvent se lancer dans des transactions légitimes qui leur permettent d'éviter l'impôt de façons ni envisagées ni prévues par le Parlement. La loi et le règlement doivent préciser, dans la mesure du possible, les personnes qui peuvent se prévaloir de mesures particulières et les transactions qui y sont admissibles. Cela entraîne une certaine complexité et, souvent, il faut examiner chaque cas en particulier, comme on le ferait normalement dans les programmes de dépenses directes. Le régime fiscal se prête davantage à l'octroi de réductions de taux ou de crédits d'impôt généraux.

4.28 Il faut prendre toutes les mesures possibles pour empêcher les contribuables de se prévaloir d'une manière autre que prévue des dispositions de faveur auxquelles ils ont droit. Lorsqu'ils ont conçu la législation prévoyant l'exemption à vie de 500 000 dollars pour gains en capital, par exemple, les rédacteurs ont dû se préoccuper des abus possibles comme :

4.29 Le régime fiscal doit non seulement prévenir les abus, mais aussi contrer les tentatives constantes en vue d'esquiver les mesures conçues pour empêcher l'évitement fiscal.

4.30 Pour s'assurer qu'il n'y a pas d'abus des encouragements fiscaux, les contribuables ne peuvent habituellement pas se prévaloir des avantages prévus s'ils ne gagnent pas de revenu imposable. Les gagnants sont favorisés par rapport aux perdants. Les abus sont contrôlés en obligeant les contribuables à partager le risque avec le gouvernement. Le plus grand risque pour le gouvernement est que les contribuables réussissent à diminuer leur risque immédiat en obtenant un avantage fiscal qui réduit considérablement leurs dépenses en espèces ou réussissent à assumer peu ou pas de risque. L'épuisement des recettes rattaché au crédit d'impôt pour la recherche scientifique a été alimenté par des contribuables qui ont assumé peu de risques ou aucuns.

Stratagèmes d'évitement fiscal conçus par les contribuables

4.31 Il est à la fois légitime et recommandé que les contribuables fassent appel à des spécialistes pour s'assurer de payer un minimum d'impôt. Or, bien que les conseils de ce genre donnent lieu à des économies fiscales ils peuvent renverser ou minimiser considérablement l'efficacité des dispositions fiscales. Les stratagèmes d'évitement fiscal conçus par les contribuables n'ont été prévus ni par les concepteurs du programme ni par les législateurs. Contrairement aux dépenses fiscales qui allègent le fardeau fiscal des contribuables ayant rempli des conditions qui aideront le gouvernement à réaliser ses objectifs économiques ou sociaux précis, ces stratagèmes ne se rapportent à aucun objectif précis et sont rarement considérés comme favorisant l'esprit général de la loi.

4.32 L'affectation des dépenses fiscales aux corporations, au fil des années, a créé un "fonds commun de pertes" et de crédits d'impôt inutilisés dont le ministère des Finances a estimé la valeur fiscale à 18,5 milliards de dollars en 1982. Alors que les contribuables et les fiscalistes inventent des moyens de convertir ce fonds de pertes en argent comptant, le ministre des Finances adopte des mesures législatives pour contrer leurs efforts, ce qui complique davantage une loi déjà complexe.

4.33 Actuellement, il existe aussi une accumulation importante de problèmes techniques qui ont été cernés, mais qui n'ont pas été réglés. Les modifications nécessaires apporteraient plus de précision et corrigeraient les irrégularités. Par contre, il serait bien difficile de faire absorber au régime la complexité qu'occasionneraient les modifications nécessaires.

4.34 Mesures visant à réduire l'évitement fiscal. Il est pratiquement impossible d'enrayer les stratagèmes d'évitement fiscal conçus par les contribuables. Les rédacteurs de la législation et leurs conseillers n'ont ni les ressources ni la stimulation des spécialistes du secteur privé qui les créent. Pour diminuer leur incidence, le ministère des Finances applique des dispositions particulières conçues pour régler des cas particuliers, ce qui accroît la complexité de la Loi, ou bien il utilise des dispositions générales contre l'évitement qui sèment le doute chez les contribuables.

4.35 Ces stratagèmes d'évitement fiscal ont aussi un effet défavorable sur l'équité et l'intégrité du régime fiscal et sur les attitudes envers l'observation spontanée de la loi. Habituellement, ce ne sont que les personnes qui ont les moyens de se payer des conseils très cher qui ont accès à ces stratagèmes. Ceux qui n'en ont pas les moyens peuvent alors se voir refuser un traitement équitable ou impartial.

4.36 Il peut arriver, dans certains cas, que ces stratagèmes permettent aux contribuables de faire des placements qui avantagent le pays dans son ensemble et favorisent les objectifs économiques du gouvernement. Dans d'autres cas, cependant, les avantages fiscaux peuvent attirer des investisseurs qui ne comprennent pas la valeur ou tous les risques que comporte un projet. En fin de compte, ce sont les contribuables et l'économie qui subissent le contrecoup des placements imprudents.

4.37 Les législateurs n'ont habituellement aucun contrôle sur ces stratagèmes d'évitement et ignorent même leur existence. Souvent, même les ministères des Finances et du Revenu national, Impôt ne sont pas au courant de ces stratagèmes et de leurs conséquences, tant que des demandes de décision anticipée ne sont pas reçues ou que les déclarations d'impôt ne sont pas produites et les cotisations, établies.

4.38 Sociétés en commandite. Les sociétés en commandite sont utilisées comme abris fiscaux depuis un certain temps. Dans les années soixante, elles servaient au partage du revenu. Dans les années soixante-dix, elles servaient à financer l'exploration du pétrole et du gaz et à mettre en marché les films et les IRLM. Au début des années quatre-vingt, elles servaient d'abris fiscaux pour la recherche et le développement.

4.39 En 1983, les sociétés en commandite ont commencé à servir d'abris fiscaux pour biens amortissables importants. Cet arrangement avait essentiellement pour but de transférer d'un contribuable à un autre les avantages fiscaux rattachés à des biens amortissables, sans transférer, par contre, le titre de propriété des biens. L'exemple suivant illustre ce genre d'arrangement.

4.40 Il résulte de cette transaction que les investisseurs dans la société en commandite reçoivent un avantage fiscal garanti de 50 millions de dollars (c'est-à-dire 100 millions de dollars de déductions de biens au taux d'imposition marginal de 50 p. 100) en échange d'un paiement immédiat de 40 millions de dollars et d'intérêts débiteurs annuels déductibles d'impôt à l'égard des billets. Les 60 millions de dollars qui restent, à rembourser 10 ans plus tard, sont compensés par le remboursement de 65 millions de dollars à ce moment-là. Le remboursement entraînera tout probablement un gain en capital imposable pour l'investisseur. De plus, les investisseurs doivent recevoir un rendement garanti de 8 millions de dollars sur leur investissement chaque année pendant 10 ans. Par contre, la corporation X reçoit 40 millions de dollars comptant en échange de déductions qu'elle ne peut pas utiliser.

4.41 Par suite de ces arrangements, y compris les avantages fiscaux possibles, les investisseurs ne risquent pas de subir de pertes financières considérables et il est peu probable qu'ils retireront un bénéfice supérieur au rendement fixe prévu.

4.42 Alors que ce genre d'arrangement voyait le jour en 1983, le ministère du Revenu national, Impôt a rendu deux décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu à l'égard de transactions structurées pour correspondre à son Bulletin d'interprétation à ce sujet. RNI a ensuite clarifié la position énoncée dans son Bulletin d'interprétation afin d'empêcher qu'on demande d'autres décisions anticipées semblables. À ce moment-là, toutefois, certaines décisions rendues par les tribunaux jetaient le doute sur l'interprétation de RNI.

4.43 En 1984, RNI avait reçu sept demandes de décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu qui auraient coûté aux administrations fédérale et provinciales environs un milliard de dollars. Compte tenu de ce phénomène et de l'ambiguïté de la loi quant à la position adoptée par RNI, le ministère des Finances et le ministère du Revenu national, Impôt ont annoncé, dans un communiqué de presse du 25 octobre 1984, qu'on ne rendrait plus de décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu à l'égard des sociétés en commandite.

4.44 Le 14 novembre 1984, Revenu national, Impôt annonçait dans un communiqué de presse que, par souci d'équité et pour offrir un allégement provisoire, il permettrait les décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu dans certains des cas visés par le communiqué de presse d'octobre. Une décision anticipée, entraînant la renonciation à des recettes d'environ 225 millions de dollars, qui avait été refusée en vertu du communiqué de presse d'octobre, a été rendue en vertu du nouveau communiqué de presse.

4.45 Même si l'on ne rendait plus de décisions anticipées, cela n'empêchait pas les transactions avec sociétés en commandite. Revenu national, Impôt pouvait ensuite contester les transactions qui allaient au-delà de son interprétation de la loi. Évidemment, il fallait modifier les textes de loi si le gouvernement fédéral voulait mettre fin à cette pratique.

4.46 Par un avis de voies et moyens de février 1986, on proposait que le total des avantages fiscaux dont pouvait bénéficier un investisseur ne dépasse pas le montant de l'investissement risqué. Le texte de loi proposé renfermait les dispositions habituelles relatives aux droits acquis, de sorte que certaines sociétés de personnes qui exploitaient déjà une entreprise n'étaient pas assujetties aux règles relatives au risque.

4.47 Le gouvernement a conclu que le recours à cette forme de société en commandite pour convertir en espèces les pertes fiscales inutilisées d'une compagnie en les vendant à des investisseurs passifs donnait lieu à un avantage fiscal non voulu. Nous n'avons pas pu déterminer les pertes de recettes qu'a subies le gouvernement à cause de cet avantage, mais il ne serait pas exagéré d'estimer qu'elles s'élevaient à des centaines de millions de dollars. Le manque d'information est l'un des plus grands problèmes que l'on rencontre dans le contrôle de la constitution de sociétés en commandite. Elles ne sont pas tenues de produire une déclaration d'impôt sur le revenu et Revenu national, Impôt ne peut examiner ces sociétés qu'en regroupant et examinant les déclarations de chaque associé.

4.48 Le Little Egypt Bump. L'exemple de la société en commandite illustre la façon dont les contribuables peuvent se servir de leur imagination pour se prévaloir des dispositions actuelles en matière d'impôt sur le revenu pour payer moins d'impôt. La combinaison de dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui n'ont aucun rapport entre elles peut aussi donner des résultats que n'avaient pas envisagés les rédacteurs de la loi. C'est ce qui s'est produit dans le stratagème qu'on appelle en anglais le "Little Egypt Bump". Il s'agit d'un des quelques stratagèmes célèbres qui ont fait subir à l'État d'importantes pertes de recettes lorsque certaines corporations ont organisé leurs transactions pour se prévaloir des dispositions plus généreuses à l'égard des sociétés de personnes. Les pertes exactes en recettes n'ont pas été établies, mais, d'après les cas que nous avons examinés, nous estimons qu'elles pourraient dépasser le milliard de dollars.

4.49 Lorsqu'une entité est vendue, le prix de vente est fixé en fonction de la juste valeur marchande de base des biens acquis. Le changement de propriétaire n'entraîne pas, cependant, une réévaluation des biens intrinsèques aux fins de l'impôt. Pour indiquer la valeur plus élevée des biens achetés récemment ou pour "rajuster à la hausse" leur prix aux fins de l'impôt, le nouveau propriétaire doit liquider l'entité qu'il a acquise. Si cette entité est une corporation, le rajustement à la hausse n'entraîne pas d'augmentation des déductions d'impôt, contrairement à une société de personnes. Ce traitement a été d'une importance particulière dans le cas du pétrole et du gaz. Ainsi, les corporations se sont lancées dans une série complexe de transactions intimement liées pour bénéficier des règles concernant les sociétés de personnes.

4.50 En décembre 1985, le gouvernement a modifié les dispositions relatives aux rajustements à la hausse des prix dans le cas des sociétés de personnes pour qu'elles correspondent aux dispositions relatives aux corporations. Des modifications législatives ont été conçues pour s'assurer que les acquisitions de corporations comportant un rajustement à la hausse des prix ne produiraient pas de déductions d'impôt supplémentaires.

4.51 Lorsque les deux parties à la transaction étaient des compagnies canadiennes, la perte de recettes fiscales résultant des déductions supplémentaires obtenues par l'acheteur au moment du rajustement à la hausse des prix était contrebalancée, dans une certaine mesure, par les recettes fiscales réalisées par le gouvernement à la vente des actions. Cependant, si le vendeur était un non-résident, la perte de recettes n'était pas contrebalancée si le non-résident était exonéré de l'impôt canadien en vertu d'une convention fiscale.

4.52 Comme nous l'avons indiqué dans notre Rapport de 1985, l'acquisition de Petrofina par Pétro-Canada a été organisée pour accorder à Pétro-Canada un rajustement à la hausse et pour assurer au propriétaire non résidant de Petrofina une exonération de l'impôt canadien en vertu de la convention fiscale entre le Canada et la Belgique. Les modifications législatives apportées en décembre 1985 ne tenaient pas compte du fait que les transactions pouvaient être structurées de façon à avoir recours aux dispositions de roulement et à exempter les non-résidents de l'impôt canadien en vertu de certaines conventions.

4.53 Résumé. Les stratagèmes d'évitement fiscal conçus par les contribuables sont parfois décelés, mais ne sont pas corrigés avant que l'État ait subi des pertes importantes de recettes. Il est impossible d'établir les pertes de recettes liées à ces stratagèmes, mais il ne serait pas exagéré d'estimer qu'elles pourraient s'élever à des centaines de millions de dollars.

4.54 Le gouvernement devrait réagir en temps utile afin d'éliminer les stratagèmes d'évitement fiscal conçus par les contribuables, dès qu'ils sont décelés.

Conception du processus d'administration fiscale

4.55 Le ministère du Revenu national, Impôt a pour mandat d'appliquer la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans l'exécution de son mandat, RNI insiste sur l'observation des règles énoncées dans la loi. Les vérificateurs de RNI n'ont pas pour mandat d'évaluer l'efficacité des programmes de dépenses et ils ne sont pas nécessairement les mieux placés pour le faire.

4.56 Les programmes de dépenses directes sont conçus pour atteindre les objectifs ministériels énoncés. Or, Revenu national, Impôt a des buts distincts de ceux des programmes de dépenses qu'il applique. Par exemple, il n'a pas comme première préoccupation la régie des ressources énergétiques du pays. Les employés de RNI n'ont pas d'intérêt véritable à voir la réalisation des objectifs des programmes de dépenses fiscales qui visent à encourager l'exploration pétrolière et gazière. L'incompatibilité entre les objectifs des programmes de dépenses fiscales et ceux de RNI peut en outre ajouter aux difficultés de réussite.

4.57 De plus, non seulement Revenu national, Impôt doit-il efficacement percevoir les impôts, selon les dispositions de la loi concernant la perception des recettes, mais il doit aussi consacrer beaucoup de temps et d'efforts à vérifier l'admissibilité des contribuables à certaines dispositions de la loi et au règlement de litiges dans le cadre d'une multitude de programmes de dépenses. Les problèmes rattachés au crédit d'impôt pour la recherche scientifique (CIRS) illustrent clairement comment les dépenses fiscales peuvent entraîner pour RNI des problèmes qui n'ont rien à voir avec la perception des recettes.

Incidence sur les mesures fiscales des variations dans le barème d'imposition

4.58 Toute modification apportée au barème d'imposition, pour quelque raison que ce soit, change automatiquement la valeur des déductions et des exclusions du revenu pour les contribuables. Par conséquent, les activités qu'engendrent les programmes d'impôt sur le revenu deviennent plus ou moins attrayantes, selon la nature du changement de taux. De la même façon, une majoration du niveau des exemptions personnelles peut entraîner l'élimination non voulue de certaines incitations en ramenant l'impôt que doit payer le contribuable au-dessous du montant nécessaire pour qu'il puisse se prévaloir des dispositions particulières. Les mesures que prend une administration provinciale peuvent aussi rendre un programme fédéral particulier plus ou moins intéressant.

Effet défavorable des problèmes d'observation sur les recettes fédérales et provinciales

4.59 Les abus, ou l'inefficacité d'un programme fiscal, peuvent miner la capacité du régime fiscal de produire des recettes en compromettant l'intégrité du régime. Cette situation entraîne non seulement une perte inutile de recettes, mais aussi une perte de confiance du public dans l'équité du régime et, partant, une augmentation possible du nombre de cas de non-observation. Les pertes qui en découlent semblent encore plus importantes lorsqu'on considère l'incidence de ces problèmes sur les recettes provinciales.

4.60 Un programme fiscal mal conçu peut aussi avoir un effet défavorable non voulu sur les recettes provinciales. On visait, par l'impôt remboursable dans le cadre du programme du CIRS, à éliminer ce qu'en coûtait le crédit au gouvernement dans les cas où la recherche et le développement n'avaient pas été effectués. L'impôt remboursable correspond à 50 p. 100 d'un montant désigné par le chercheur et va au gouvernement fédéral. Pour les investisseurs qui étaient des particuliers, la partie du CIRS destinée au fédéral correspondait à 34 p. 100 du montant désigné et la partie destinée au provincial était calculée au taux provincial applicable.

4.61 Comme l'a démontré le contrôle qu'a exercé sur le programme Revenu national, Impôt, certains chercheurs n'ont pas pu faire la recherche et le développement nécessaires pour ramener à zéro leur impôt remboursable à payer. Par conséquent, RNI a pris des mesures pour recouvrer cet impôt. Dans ces cas, les provinces fournissent indirectement au gouvernement fédéral une subvention qui correspond à la différence entre l'impôt remboursable recouvré et le montant du crédit d'impôt fédéral accordé aux divers investisseurs. Cela correspond à 16 $ pour chaque tranche de 50 $ d'impôt remboursable recouvré.

Coordination des programmes de dépenses entravée

4.62 Le recours aux dépenses fiscales peut gêner les efforts de planification budgétaire du gouvernement. Selon la pratique actuelle, lorsque des programmes de dépenses sont intégrés au régime fiscal, ils sont retirés du processus normal de budgétisation qui s'applique à toutes les dépenses directes. Par exemple, les dépenses fiscales ne sont pas prévues dans les objectifs détaillés de dépense qui guident l'étude des choix de dépenses directes du point de vue législatif. De cette façon, les sommes dépensées dans le cadre du régime fiscal évitent, dans une bonne mesure, toute concurrence explicite avec d'autres priorités pour les ressources budgétaires restreintes. Comme cette concurrence est le mécanisme qui permet de déterminer la valeur relative des diverses options de dépenses, elle est à la base d'une bonne conception budgétaire. Par conséquent, la réalisation de programmes par le truchement du régime fiscal empêche le gouvernement d'estimer avec précision la valeur de ces programmes par rapport à d'autres besoins, ce qui nuit à la formulation coordonnée et uniforme d'un plan budgétaire.

Contrôle budgétaire difficile

4.63 Les dépenses fiscales ne facilitent guère le contrôle des dépenses gouvernementales, car les sommes dépensées dans le cadre du régime fiscal sont plus difficiles à contrôler que les dépenses engagées dans les programmes d'aide directe. Les dépenses directes, qu'elles soient effectuées dans le cadre de programmes qui comportent des plafonds de dépenses ou de programmes qui n'en n'ont pas, sont très visibles. Les ministères responsables des paiements peuvent remarquer rapidement les augmentations ou diminutions non prévues de dépenses dans des programmes particuliers. Ils peuvent alors apporter rapidement les rajustements voulus aux programmes.

4.64 En revanche, les changements apportés à des dépenses fiscales particulières ne se traduisent que par des fluctuations dans le total des recettes recouvrées. Il est donc très difficile de déterminer et de contrôler l'incidence de ces changements, car l'utilisation du régime fiscal pour offrir des incitations n'exige habituellement pas l'approbation préalable de chaque transaction. Par conséquent, le gouvernement peut ne pas être en mesure de répondre d'une manière efficace à une tournure non prévue et non souhaitable des programmes de dépenses fiscales.

Gestion des dépenses fiscales

4.65 La gestion des dépenses fiscales comprend l'application de procédures appropriées avant et après la mise en oeuvre. Nous avons conclu que, puisque le ministère des Finances ne soumet pas les programmes fiscaux à ces procédures, il ne gère pas de manière satisfaisante les programmes réalisés dans le cadre fiscal.

4.66 Nous avons étudié le processus de gestion et nous avons examiné deux programmes fiscaux : le programme du régime enregistré d'épargne-logement (REEL) et le programme des immeubles résidentiels à logements multiples (IRLM). Le public était parfaitement au courant de ces programmes, tous les deux axés sur le logement, un secteur économique important. De plus, ces deux programmes sont en grande partie terminés, ce qui nous a permis d'examiner la façon dont ils ont été conçus, contrôlés et évalués. Le ministère des Finances n'a pas d'historique écrit de la gestion de ces programmes.

4.67 Le REEL, qui a été institué en 1974, permettait aux contribuables âgés de plus de 18 ans, qui n'étaient pas déjà propriétaires d'un logement, de verser dans un régime enregistré un maximum de 1000 $ par année, jusqu'à concurrence de 10 000 $ leur vie durant. Les contributions étaient déductibles d'impôt. Les contributions pouvaient être retirées en franchise d'impôt, si elles servaient à l'achat d'une maison ou, dans certains cas, d'ameublement. Les révisions apportées au REEL en avril 1983 permettaient aux contribuables qui achetaient une maison nouvellement construite de déduire un maximum de 10 000 $. Ces révisions ont été apportées expressément pour faire d'un programme qui fournissait un mécanisme d'épargne en vue de la mise de fonds un programme qui visait à stimuler la demande à court terme et à réduire l'épargne future. Le programme s'est terminé en 1985 et les fonds qui se trouvaient dans les régimes à ce moment-là pouvaient être retirés en franchise d'impôt à n'importe qu'elle fin.

4.68 Le programme des IRLM a été institué en 1974 et a été en vigueur jusqu'au 31 décembre 1981, sauf pendant la période de janvier à octobre 1980. Les propriétaires d'immeubles résidentiels à logements multiples certifiés, construits et loués pendant la durée du programme, pouvaient demander une déduction pour amortissement du revenu de toute provenance. La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) certifiait un projet d'IRLM si 80 p. 100 de la superficie prévue servait à des fins résidentielles et si la construction commençait dans un délai précis.

4.69 Les programmes du REEL et des IRLM ont tous deux servi à la réalisation d'objectifs de logement du secteur privé plutôt qu'à la réalisation d'objectifs d'aide sociale.

4.70 Nous avons tout particulièrement examiné les questions suivantes, car nous les considérons essentielles à l'examen de tout programme.

Avant la mise en oeuvre :
Après la mise en oeuvre :

Mesures prises avant la mise en oeuvre

4.71 Y a-t-il eu des discussions à ce stade avec d'autres ministères intéressés au secteur de l'habitation? Lorsqu'un programme fiscal est présenté dans un budget, le travail de préparation est limité par le caractère secret du budget, bien que cette tradition soit en voie d'évoluer avec le temps. Par conséquent, les ministères axiaux, qui sont les spécialistes d'un domaine particulier, ne participent pas nécessairement à l'élaboration des programmes.

4.72 Comme la SCHL possède la capacité d'analyse et est structurée pour administrer, contrôler et évaluer les programmes d'habitation, elle semble être l'organisme le mieux placé pour s'occuper de faire le lien entre les programmes directs et les programmes fiscaux dans ce secteur. Bien qu'elle n'ait pas eu de rôle important à jouer à l'étape de la conception du programme du REEL, elle a participé à la conception du programme des IRLM.

4.73 A-t-on envisagé d'autres façons de réaliser les programmes? Les représentants des Finances connaissaient les autres instruments d'habitation ou instruments macro-économiques. Le ministère des Finances n'a pas pu nous prouver qu'il avait suivi un processus méthodique ou des critères de sélection pour orienter le choix des programmes, pas plus au moment où les programmes ont été institués qu'au moment où ils ont été modifiés.

4.74 Les Finances n'ont pas pu nous démontrer qu'un examen approfondi d'autres modes de réalisation avait été fait au stade où les programmes ont été proposés ou que la question de l'optimisation des ressources avait joué un rôle important dans le choix de l'instrument.

4.75 A-t-on examiné l'incidence que ces programmes pouvaient avoir sur les programmes existants dont les objectifs étaient semblables? Lorsque le programme du REEL et le programme des IRLM ont été institués et pendant qu'ils étaient en vigueur, la SCHL dirigeait quatre programmes touchant le secteur de l'habitation. Le Programme d'aide pour l'accession à la propriété et le Programme canadien d'encouragement à l'accession à la propriété avaient pour but d'aider les Canadiens à devenir propriétaires et le Programme d'aide au logement locatif et le Régime canadien de construction de logements locatifs offraient une aide dans le domaine du logement locatif. Les Finances n'ont fourni aucune preuve d'un processus interne en vue de tirer le maximum des effets positifs des programmes fiscaux en les coordonnant avec ces autres programmes gouvernementaux. Nous n'avons donc pas pu établir si l'on avait bien pris en considération l'effet possible de l'interaction des programmes.

4.76 Comment a-t-on fait les prévisions de coûts et de résultats pour ces programmes? Vers le milieu des années soixante-dix, le concept des dépenses fiscales était tout nouveau. La capacité analytique de prévoir les résultats des dépenses fiscales n'existait à peu près pas. Il peut être difficile de faire des prévisions lorsqu'un programme est mis sur pied ou que bien d'autres facteurs, comme les conditions économiques en général ou d'autres mesures gouvernementales, changent rapidement. Le ministère des Finances avait fait des estimations assez justes relativement à la mise en oeuvre des programmes, mais nous n'avons trouvé aucune indication de la méthode utilisée ni du fondement des estimations.

4.77 Une bonne estimation des coûts est importante, mais la prévision des résultats l'est tout autant.

4.78 Pour ce faire, il faut d'abord établir ce qui se serait produit sans le programme donné. Ce qui semble découler du programme se serait peut-être produit de toutes façons. Le résultat net du programme peut être minime par rapport au manque à gagner. Par exemple, le REEL a été institué pour aider les jeunes familles à mettre de côté les fonds nécessaires pour acheter une maison. Il est fort probable que des familles qui auraient quand même fait des économies en vue d'acheter une maison ont bénéficié du programme. En outre, les contribuables pouvaient se prévaloir des exemptions du programme uniquement pour reporter leur impôt.

4.79 Dans les premiers temps du REEL, les prévisions visaient essentiellement le montant net des économies induites. Lorsque l'objectif a été modifié, l'accent est passé sur la demande supplémentaire de logements neufs que le régime pouvait engendrer.

4.80 Sur le plan plus général de l'analyse des programmes d'habitation et de la prévision des résultats de ces programmes, il y a deux questions critiques : dans quelle mesure l'offre peut-elle être influencée et quelle est l'incidence à long terme des stimulants temporaires? La réponse à la première fixe les limites d'intervention et la réponse à la deuxième indique le bénéfice attendu. Même si les fonctionnaires responsables ont reconnu l'importance de ces questions, rien n'indiquait que les résultats des programmes avaient été prévus.

4.81 Les buts des programmes correspondaient-ils à leurs objectifs? La première étape dans le choix des programmes est de définir des objectifs clairs et mesurables. Nous avons conclu que les objectifs du REEL et des IRLM étaient vagues.

4.82 Au niveau macro-économique, l'objectif du REEL était au départ de stimuler l'épargne en vue de l'achat d'un logement et de faire diminuer la pression exercée sur le prix des maisons. Plus tard, le REEL a commencé à servir d'encouragement direct grâce au programme de déduction complémentaire pour les contribuables qui achetaient une maison neuve. Le programme des IRLM a été conçu pour augmenter le nombre de logements locatifs.

4.83 Les objectifs du REEL et des IRLM illustrent combien il est difficile d'orienter précisément les mesures fiscales pour atteindre le but recherché. Alors que le REEL a été mis sur pied dans l'espoir d'encourager l'épargne chez les jeunes, il aurait été difficile d'appliquer une telle mesure fiscale générale seulement à des gens d'un certain âge. De la même façon, alors qu'une des raisons pour lesquelles le programme de IRLM a été institué était d'augmenter le nombre de logements à loyer modique, le programme avait aussi comme objectif d'augmenter le nombre de logements locatifs en général. Il aurait été difficile et compliqué d'axer le programme des IRLM sur les logements à loyer peu élevé seulement. Pour s'assurer qu'un logement était toujours loué à un salarié à faible revenu et pour en annuler le statut d'IRLM s'il devenait un logement de type propriétaire-occupant, il aurait fallu mettre en place des contrôles comme ceux des programmes directs. Il est plus facile pour les programmes directs de viser de tels objectifs précis.

4.84 À un niveau général, nous avons examiné comment les programmes visaient des bénéficiaires réels plutôt que des bénéficiaires de nom. Les bénéficiaires de nom dans le cas des IRLM seraient les investisseurs ou les promoteurs qui ont choisi de se prévaloir de la mesure fiscale en question, tandis que les bénéficiaires réels seraient les personnes à revenu modéré qui louent les logements en question. Deux problèmes pouvaient se poser : les investisseurs en bénéficieraient selon leur taux d'imposition marginal et, si le programme faisait grimper le prix des terrains, les principaux bénéficiaires ne seraient pas les locataires, mais les propriétaires des terrains. Comme les réactions possibles au programme n'avaient pas été bien prévues et que certains objectifs n'étaient pas très précis, le bénéfice net prévu pour les bénéficiaires réels n'est pas connu.

4.85 De qui les programmes relevaient-ils? Le ministère des Finances est chargé de la conception et de l'évaluation des programmes. Au sein du ministère, la responsabilité des programmes fiscaux est diffuse. Bien que la Direction générale de la politique fiscale ait de toute évidence la main haute en ce qui concerne les mesures fiscales, le REEL et le programme des IRLM ont été motivés par des préoccupations de logement et par des objectifs macro-économiques, plutôt que par des besoins en matière de fiscalité. Des agents de la Politique sociale et fiscale ont dû s'y intéresser.

4.86 La conception des programmes semble se faire de manière non formelle, par divers groupes de travail au sein du ministère des Finances. Ces groupes travaillent ensemble et discutent entre eux des problèmes qui se présentent. Cette façon de procéder convient au processus d'établissement des budgets, mais elle ne délimite pas clairement les responsabilités pour le contrôle et l'évaluation des programmes.

4.87 Les Finances créent les programmes fiscaux et Revenu national, Impôt applique les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui permettent aux contribuables de se servir de ces programmes. Ce partage des responsabilités entraîne des difficultés et peut empêcher les concepteurs de programmes de modifier leurs programmes si des problèmes administratifs se présentent pendant la mise en oeuvre.

Mesures prises après la mise en oeuvre

4.88 Comment les programmes ont-ils été contrôlés? Le ministère des Finances n'a pratiquement pas participé à la réalisation de ces programmes. C'est surtout le ministère du Revenu national, Impôt qui s'en est chargé en appliquant la Loi de l'impôt sur le revenu.

4.89 RNI interprétait la législation fiscale pertinente, rédigeait des bulletins d'interprétation en collaboration avec les Finances et publiait des décisions anticipées. Dans le cadre du programme des IRLM, la SCHL délivrait des certificats pour attester que les immeubles étaient considérés comme des IRLM, que les semelles avaient été installées, qu'il s'agissait d'immeubles à logements multiples et qu'au moins 80 p. 100 de la superficie était utilisée à des fins résidentielles. Des promoteurs et d'autres entrepreneurs ont participé à la réalisation du programme des IRLM, surtout en offrant des projets aux investisseurs. Les compagnies de fiducie et autres établissements financiers ont participé au programme du REEL.

4.90 RNI est la principale source de données sur l'utilisation des IRLM et des REEL, mais il n'interprète pas ou n'évalue pas ces données, sauf dans le contexte des problèmes d'observation.

4.91 La SCHL a contrôlé indirectement les REEL et les IRLM, vu qu'elle est responsable en général des questions qui touchent le logement. Toutefois, elle considérait que le ministère des Finances était responsable et n'a donc pas inclus les données concernant les REEL et les IRLM dans sa publication Statistique du logement au Canada.

4.92 Le ministère des Finances a obtenu des réactions aux programmes grâce à des contacts au gouvernement fédéral et à l'extérieur. Ces contacts l'ont aidé à interpréter les rouages du programme du REEL et du programme des IRLM et à déceler les problèmes.

4.93 Le programme des IRLM a été renouvelé à quelques reprises. Il n'y a pas eu d'examen méthodique en vue de juger de la réalisation des objectifs affichés au départ. Les objectifs du programme sont restés à peu près les mêmes, mais ils étaient trop vagues et trop généraux pour qu'on puisse mesurer leur réalisation. Comme le programme des IRLM ne devait pas être permanent, nous nous attendions à ce que le programme soit évalué aux dates de renouvellement. Nous n'avons trouvé aucunes preuves de telles évaluations.

4.94 Les programmes ont connu certains problèmes, des problèmes de contrôle, qui sont toujours sans solution ou qui ne font que commencer à se régler :

4.95 Le problème le plus grave, c'est que personne n'a exercé de contrôle en vue de comparer éventuellement les résultats obtenus aux objectifs fixés ou d'établir les répercussions du programme sur le secteur de l'habitation, sur les prix et sur l'emploi.

4.96 De quelle façon les programmes ont-ils été évalués? Aucune évaluation officielle du programme des IRLM ni du programme du REEL n'a été faite par le ministère des Finances ou par la SCHL. En janvier 1982, sans qu'on en ait fait la demande, une étude de l'incidence du Programme d'aide au logement locatif et du programme des IRLM sur le marché de l'habitation de Vancouver a été réalisée grâce à une subvention de la SCHL, en vertu de son Programme de subventions de recherche. L'étude a révélé que les personnes qui avaient investi dans des IRLM avaient payé, pour acquérir l'investissement, une prime moyenne correspondant à peu près à la valeur actuelle de leurs avantages fiscaux futurs. L'étude a aussi révélé que le programme des IRLM était une subvention coûteuse et qu'il n'était pas efficace comme programme d'aide au logement. On nous a laissé entendre que cette étude avait joué dans la décision de ne pas renouveler le programme.

Procédures de gestion

4.97 Le régime fiscal comme mode de réalisation de programmes comporte des grands risques, c'est pourquoi les programmes fiscaux doivent être assujettis à des procédures de gestion qui tiennent compte de ces risques. Ne pas le faire constituerait une grave lacune dans le contrôle des deniers publics. Malgré tout, il faut reconnaître qu'il y a des limites à l'utilisation du régime fiscal pour promouvoir les objectifs économiques et sociaux si l'on ne veut pas exposer les deniers publics à de trop grands risques.

4.98 Au stade de proposition des programmes, il faut absolument examiner d'autres modes de réalisation afin que l'optimisation des ressources joue un rôle clé dans le choix du moyen.

4.99 On considère prudent d'évaluer les programmes de dépenses directes sur le plan de leur efficacité en fonction de la réalisation de leurs objectifs, sur le plan de leur efficience en fonction de leurs coûts et de leurs avantages, sur le plan de leur équité en fonction des objectifs sociaux atteints, et sur le plan de leurs priorités globales dans le contexte d'une bonne répartition des ressources. Nous estimons que les programmes de dépenses fiscales devraient être évalués de la même façon.

4.100 Le ministère des Finances devrait s'assurer d'assujettir les dépenses fiscales à des procédures pertinentes avant et après leur mise en oeuvre et d'élaborer à cette fin un cadre approprié d'analyse, de renseignements sur les coûts et d'évaluation. Le ministère des Finances devrait s'assurer de disposer des ressources nécessaires pour exécuter ces procédures.

Évaluation des programmes

4.101 Dans notre Rapport de 1983, nous avions fait remarquer que le ministère des Finances était le seul grand ministère à ne pas avoir nommé de gestionnaire pour l'évaluation des programmes et à ne pas avoir établi d'unité d'évaluation des programmes. En 1984, le ministère a répondu au Comité des comptes publics qu'en modifiant les politiques et les mesures fiscales courantes, la Direction générale de la politique fiscale et de la législation évaluait les programmes. Le ministère a mentionné plusieurs études importantes sur le fonctionnement du régime fiscal, dont une évaluation de l'efficacité des mesures dans la réalisation de leurs objectifs et des objectifs en matière de politique fiscale. Nous avons examiné quatre de ces études.

4.102 Le Ministère utilise le terme "évaluation" dans un sens large, habituellement pour signifier une étude, alors qu'une évaluation de programme est un processus bien défini. Aucune des évaluations que nous avons examinées ne respectait les lignes directrices du contrôleur général sur l'évaluation des programmes. Le ministère n'a pas de politique ou d'exigences uniformes pour les travaux d'évaluation interne, et chaque évaluation est fonction des besoins et des circonstances.

4.103 Le ministère des Finances devrait s'assurer que les programmes réalisés dans le cadre du régime fiscal sont évalués suivant les lignes directrices publiées par le Bureau du contrôleur général.

4.104 Lorsque les programmes de dépenses directes sont utilisés de concert avec des programmes fiscaux et autres pour réaliser les objectifs du gouvernement dans un domaine ou un secteur particulier, la participation des gestionnaires de tous les modes de réalisation est nécessaire. Il faut effectuer des évaluations pour éliminer la répétition et jauger les résultats nets. Pris à part, tous les programmes peuvent être efficaces, mais ensemble, ils peuvent ne pas répondre aux exigences minimales de rendement. Vu l'interaction des répercussions des programmes fiscaux et de celles des programmes directs dans certains secteurs, l'évaluation de chaque programme peut ne pas être possible, pour ne pas dire inutile. Dans ce cas, il est logique de procéder par secteur. Cependant, pour qu'une évaluation sectorielle soit fructueuse, il faut faire appel aux compétences de tous les participants.

4.105 Le ministère des Finances devrait, avec l'aide du Bureau du contrôleur général, jouer un rôle de premier plan dans l'établissement d'un cadre d'évaluation d'envergure gouvernementale pour s'assurer que, lorsque les programmes fiscaux sont utilisés de concert avec d'autres programmes, on effectue des évaluations interministérielles.

Le régime fiscal et les sociétés d'État

4.106 Les sociétés d'État qui sont, en principe, des corporations canadiennes imposables peuvent passer outre au processus budgétaire normal du Parlement et obtenir des fonds supplémentaires par l'intermédiaire du régime fiscal.

4.107 Canadien National (CN). Dans notre Rapport de 1981, nous indiquions que le CN avait bénéficié de doubles avantages parce qu'on n'avait pas pris en considération toutes les retombées financières importantes d'une nouvelle loi. Les états financiers du CN révèlent que la société a demandé une réduction d'impôts sur le revenu par ailleurs payables pour les années 1978, 1979 et 1980 en réduisant son revenu imposable pour ces années-là grâce à la déduction de pertes d'années antérieures. Une partie ou la totalité de ces pertes avait été subie avant le 1er janvier 1978, alors que les déficits de la société étaient remboursés au complet par le ministère des Transports en vertu des lois annuelles portant affectation de crédits.

4.108 Acquisition de Petrofina par Pétro-Canada. Dans notre Rapport de 1985, nous indiquions comment le régime fiscal avait contribué aux fonds d'achat de Petrofina. Petrofina a échangé ses avoirs pour des actions d'une filiale de Pétro-Canada. Cet échange garantissait que la vente de Petrofina par la compagnie mère non résidante serait exonérée de l'impôt canadien sur le revenu que nous avons estimé à 200 millions de dollars. Les avoirs de Petrofina ont ensuite été transférés à une société de personnes, permettant ainsi à Pétro-Canada de "rajuster à la hausse" la base d'imposition des avoirs acquis. À la liquidation de la société de personnes, Pétro-Canada devait retirer des avantages fiscaux que nous avons estimés à 250 millions de dollars.

4.109 Crédits d'impôt pour la recherche scientifique. Nous avons constaté que certaines sociétés appartenant entièrement ou partiellement à l'État se sont prévalues du programme de crédit d'impôt pour la recherche scientifique. Ces sociétés ont reçu plus de 100 millions de dollars dans le cadre du programme du CIRS.

4.110 Résumé. Les questions d'impôt sur le revenu pourraient avoir une importance dans l'étude des opérations des sociétés d'État. La manière de structurer les transactions commerciales pour obtenir des avantages fiscaux peut, en gros, être un moyen indirect d'obtenir des fonds gouvernementaux qui ne seraient pas accessibles par voie d'affectations de crédits.

4.111 Les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant la confidentialité ne permettent pas à Revenu national, Impôt de révéler l'information touchant les contribuables. Ce manque d'information peut empêcher le Parlement d'examiner à fond les activités des sociétés d'État.

4.112 Le gouvernement devrait s'assurer que les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant la confidentialité n'empêchent pas le Parlement de recevoir tous les renseignements pertinents concernant les sociétés d'État.

L'information destinée au Parlement

4.113 Le Parlement a absolument besoin d'information sur les dépenses fiscales pour pouvoir à la fois examiner les textes de loi proposés et tenir le gouvernement responsable de l'utilisation des ressources publiques.

4.114 Nous craignons que le Parlement soit coupé du régime fiscal canadien qui comprend plus que la seule Loi de l'impôt sur le revenu. Il y a aussi les règlements et les décrets de remise approuvés par le Conseil des ministres, les bulletins d'interprétation et les circulaires d'information rédigés par Revenu national, Impôt, les décisions anticipées publiées par Revenu national, Impôt, les procédures de recouvrement et d'établissement des cotisations de Revenu national, Impôt et les décisions des tribunaux.

Comptes rendus

4.115 Une des grandes fonctions du gouvernement consiste à réattribuer les ressources du pays, grâce à la perception des impôts, à l'établissement de règlements et à l'engagement de dépenses, de la façon jugée la plus avantageuse pour les Canadiens. De plus, grâce à des lois qui régissent ou influencent la façon dont les échanges commerciaux doivent s'opérer, le gouvernement aide à établir ou à influencer les prix.

4.116 En prélevant les fonds sous forme d'impôts et en dépensant ces fonds, le gouvernement réattribue les ressources pour offrir aux Canadiens ce qu'il estime nécessaire. Cela comprend des services, comme la défense et les soins de santé financés par l'État, qui ne seraient peut-être pas offerts par le secteur privé, des subventions et des octrois à des producteurs et à des acheteurs de biens, et des prestations à des groupes défavorisés du point de vue physique, social ou financier.

4.117 Trois grandes sources d'information sur le processus de répartition et d'utilisation des ressources sont destinées au Parlement : le Plan financier, le Budget des dépenses et les Comptes publics. Nous décrivons ci-dessous ces trois documents et les renseignements qu'ils renferment. Nous avons aussi examiné les sources de renseignements courantes sur les dépenses fiscales.

4.118 Le Plan financier. Le Plan financier du gouvernement fait partie du budget ou de l'exposé économique présenté par le ministre des Finances. Ce plan est fondé sur les recettes projetées d'après la législation fiscale courante ou annoncée et sur les dépenses prévues. La prévision des dépenses tient compte des priorités globales du gouvernement et du financement de nouvelles initiatives, ainsi que du coût prévu des programmes existants.

4.119 Un des buts principaux du Plan financier est d'informer le Parlement sur la façon dont le gouvernement se propose de répartir les deniers publics. Il indique aussi l'importance du déficit et la façon dont il sera financé. Étant donné l'importance du Plan financier, le Parlement y accorde toute son attention.

4.120 Même si le Plan financier se veut une description complète de la répartition des ressources par le gouvernement, il ne divulgue pas toute l'étendue de la répartition qui se fait par l'entremise du régime fiscal. Il ne renferme que des renseignements sur les nouvelles initiatives fiscales.

4.121 Le Budget des dépenses. Le Budget des dépenses a pour but de communiquer au Parlement le détail du niveau et de la nature des programmes de dépenses du gouvernement pour l'année suivante. Le Budget des dépenses tient compte du plan de dépenses présenté dans le Plan financier.

4.122 Le Budget des dépenses répond aux besoins en information des députés qui doivent le comprendre et l'évaluer pour tenir le gouvernement responsable de sa gestion des deniers publics.

4.123 Le Budget des dépenses est divisé en trois parties. La Partie I est un aperçu. La Partie II, plus précise, présente les dépenses par ministère, organisme et programme et renferme le libellé proposé des conditions qui régiront les dépenses que le Parlement devra approuver. La Partie III est la présentation de chaque ministère et organisme, qui renferme des renseignements sur le ministère et ses programmes.

4.124 Comme le Plan financier, le Budget des dépenses n'indique pas non plus l'étendue prévue des dépenses du gouvernement par l'entremise du régime fiscal.

4.125 Comptes publics. Les Comptes publics portent sur les opérations financières du gouvernement au cours de l'année. Ils comprennent les états financiers de sociétés d'État et de certaines autres entités liées au gouvernement dont les comptes sont tenus séparément des comptes du Canada. Ils n'indiquent pas l'étendue des dépenses du gouvernement par l'entremise du régime fiscal.

4.126 Il devient plus difficile pour le Parlement de tenir le gouvernement responsable de ses décisions en matière de répartition de ressources, lorsque le Plan financier, le Budget des dépenses et les Comptes publics n'indiquent pas les activités entreprises par le gouvernement dans le cadre du régime fiscal. Les coûts sont cachés et les décisionnaires peuvent alors supposer que les programmes coûtent moins cher qu'en réalité.

Renseignements sur les dépenses fiscales

4.127 Le Parlement reçoit actuellement des renseignements sur les programmes de dépenses fiscales de trois sources principales : les documents budgétaires, les notes explicatives sur des projets de loi visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu et les comptes de dépenses fiscales. Les députés peuvent aussi obtenir des renseignements sur les dépenses fiscales de sources qui ne sont pas officiellement déposées au Parlement, comme la publication annuelle de Revenu national, Impôt intitulée Statistique fiscale.

4.128 Documents budgétaires. Les programmes de dépenses fiscales sont présentés au Parlement dans le discours du budget. Les documents budgétaires, qui renferment des renseignements supplémentaires et des avis de voies et moyens, sont déposés comme documents de base. Les documents budgétaires des dernières années prévoient, pour plusieurs années, l'incidence des dépenses fiscales envisagées sur les recettes. Des documents de consultation et d'autres documents semblables sont aussi diffusés de temps à autre. La quantité de renseignements fournis varie considérablement.

4.129 Dans le cas du régime enregistré d'épargne-logement, les seuls renseignements divulgués portaient sur le fonctionnement prévu du programme et les pertes de recettes envisagées pour le premier exercice financier. Un bref exposé des objectifs du programme était inclus dans le discours du budget.

4.130 Pour ce qui est du crédit d'impôt pour la recherche scientifique, un document de consultation a été déposé à la Chambre. Ce document avait pour objet de résumer les programmes fiscaux visant à stimuler la recherche et le développement, de proposer des modifications à apporter à ces programmes et d'introduire le CIRS.

4.131 Notes explicatives sur les projets de loi visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Depuis quelques années, le ministère des Finances publie des notes explicatives au sujet des modifications législatives envisagées pour expliquer la nécessité des modifications et parfois aussi l'incidence de ces modifications.

4.132 La partie XII de la Loi de l'impôt sur le revenu, présentée en décembre 1979 et adoptée en février 1981, assujettit à un impôt les régimes enregistrés de pensions et les personnes exonérées d'impôt qui tirent un revenu de l'exploration de mines ou de la production de pétrole et de gaz les obligeant à payer des redevances à des personnes imposables. Cette partie visait à empêcher le recours à des intermédiaires exonérés d'impôt pour contourner les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu.

4.133 L'impôt en question a été adopté en grande partie en réponse à un stratagème d'évitement fiscal de 1979 qui mettait en cause une grande compagnie canadienne et dix-neuf fonds de pensions canadiens. Par suite de longues discussions avec les représentants des fonds de pensions, des dispositions transitoires ont été adoptées pour les exempter de l'impôt jusqu'en décembre 1983 et pour frapper d'un impôt inférieur par la suite les biens acquis avant l'adoption de la modification en décembre 1979.

4.134 En 1984, les représentants des fonds de pensions ont demandé que la loi soit modifiée pour prolonger la période d'exemption de l'impôt jusqu'en décembre 1989. Les modifications demandées ont été proposées en juin 1984 et sont entrées en vigueur en décembre 1984.

4.135 À notre avis, il aurait fallu aviser le Parlement du fait que la législation qui prolongeait la période de transition jusqu'en décembre 1989 avait été conçue expressément pour dix-neuf fonds de pensions et que la perte de recettes avaient été estimée à environ cinq millions de dollars par année, soit 30 millions de dollars au bout de six ans.

4.136 Modification technique visant la Dome Petroleum . En juin 1981, la Dome Petroleum a acquis une participation de 52,9 p. 100 dans la Hudson Bay Oil and Gas Company Limited, puis a acquis le reste en mars 1982.

4.137 En mars 1982, Dome a disposé indirectement de certains biens pétroliers de Hudson's Bay Oil en faveur de trois compagnies. Dome avait déjà informé le ministère des Finances que Revenu national, Impôt ne voulait pas lui fournir une décision anticipée favorable pour cette transaction. De l'avis de Revenu national, Impôt, la transaction était imposable en vertu du paragraphe 55(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Selon Dome, elle ne l'était pas. On estimait entre 300 et 468 millions de dollars l'impôt à payer dans le cadre de cette disposition.

4.138 En juin 1984, un avis de voies et moyens renfermant des modifications techniques de l'article 55 a été déposé à la Chambre des communes. L'effet rétroactif de certaines de ces modifications aurait radié l'impôt sur le revenu exigible de Hudson's Bay Oil. Cependant, les vacances de la Chambre ont commencé avant que la modification ne soit adoptée. Le 9 juillet 1984, le gouvernement a annoncé son intention d'accorder par décret à Hudson's Bay Oil une remise d'impôt en vertu de l'article 17 de la Loi sur l'administration financière. Deux points étaient à la base du décret de remise : le statut fiscal de la disposition des biens et l'incapacité de Dome de déduire, aux fins de l'impôt, les frais de financement qu'elle avait engagés pour acquérir Hudson's Bay Oil. Le décret de remise a été accordé le 5 février 1985 et n'a porté que sur le deuxième point.

4.139 En novembre 1984, les modifications techniques de l'article 55 qui avaient déjà été présentées en juin ont été présentées de nouveau dans le projet de loi C-7, lequel a été promulgué le 20 décembre 1984.

4.140 La modification apportée rétroactivement à l'article 55 a été traitée comme faisant partie d'une série de modifications techniques apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu, alors qu'en réalité, elle visait expressément Dome. À notre avis, il aurait fallu indiquer au Parlement que l'effet rétroactif du texte législatif modifiant les dispositions de l'article 55 avait pour but d'accommoder Dome en garantissant l'exonération de la transaction décrite au paragraphe 4.137.

4.141 Comptes de dépenses fiscales. En 1979, le gouvernement a publié le premier compte de dépenses fiscales. Il y énonçait le concept des dépenses fiscales et estimait l'incidence de ces dépenses sur les recettes fiscales de l'État. Des mises à jour ont été publiées en 1980 et en 1985.

4.142 Ces comptes de dépenses fiscales ont aidé à relever les nombreux programmes établis dans le cadre du régime fiscal et à estimer leur coût par rapport au manque à gagner des années d'impositions antérieures. Cependant, on n'y relève pas les avantages financiers ou sociaux retirés.

4.143 En outre, ces comptes renfermaient de vieilles données. Par exemple, dans le compte de 1985, les données sur les particuliers s'arrêtaient à 1983 et celles sur les corporations, à 1982. De plus, ces renseignements se présentaient selon différentes formes et différentes classifications dans les trois comptes, ce qui en rendait la comparaison difficile. On n'a pas tenté de fournir les prévisions budgétaires initiales des coûts des programmes afin d'aider à déterminer les dépassements ou les sous-utilisations.

Besoins en information

4.144 L'Étude sur les rapports financiers des gouvernements fédéraux, publiée en mars 1986 par le Bureau du vérificateur général et le General Accounting Office des États-Unis, a révélé que la plupart des utilisateurs de renseignements financiers du gouvernement ont besoin d'information sur les dépenses fiscales pour bien comprendre toutes les activités gouvernementales. Les députés ont indiqué qu'ils avaient surtout besoin d'information claire, précise et fiable, d'information qui leur permette de bien situer les politiques et les programmes dans l'ensemble des activités gouvernementales. Pour répondre à ce besoin, il faut leur fournir des renseignements sur les programmes de dépenses directes et sur les programmes de dépenses fiscales.

4.145 Pour évaluer les propositions relatives à la répartition des ressources, le Parlement doit connaître les objectifs de ces programmes, le niveau de financement proposé et les coûts antérieurs et projetés à des fins de comparaison. Pour évaluer l'aspect opérationnel, y compris les possibilités de succès de ces programmes, le Parlement doit connaître les programmes et les activités pour lesquels les fonds doivent servir, le genre de ressources nécessaires et la façon dont les responsabilités seront partagées. Une fois les programmes en marche, le Parlement doit disposer de suffisamment de renseignements pour pouvoir comparer le rendement des programmes aux prévisions.

4.146 Le fait de ne pas avoir fourni au Parlement des renseignements pertinents sur les dépenses fiscales, dans le Plan financier, le Budget des dépenses et les Comptes publics ou, parallèlement, dans d'autres documents, a sensiblement diminué la capacité du Parlement de tenir le gouvernement responsable.

4.147 L'information sur les dépenses fiscales doit être accessible au stade du processus normal d'examen des budgets et des dépenses; cela comprend de l'information périodique sur le montant et l'incidence des dépenses.

4.148 Le Parlement ne peut pas évaluer l'incidence des modifications législatives proposées s'il ne reçoit pas tous les renseignements pertinents. Même si les fiscalistes savent qu'une modification de la loi vise une entité donnée, le Parlement, lui, peut ne pas le savoir.

4.149 Le gouvernement doit s'assurer que les députés reçoivent tous les renseignements pertinents lorsque le Parlement doit adopter des modifications techniques à la Loi de l'impôt sur le revenu.

Rapport du Comité des comptes publics

4.150 Le 26 juin 1986, le quatorzième Rapport du Comité des comptes publics portant sur le programme du crédit d'impôt pour la recherche scientifique (CIRS) a été déposé à la Chambre des communes.

4.151 Le Comité estime que le ministère des Finances a agi avec négligence dans sa façon de gérer le programme du CIRS. Le programme n'a jamais fonctionné comme il avait été prévu et a fourni une échappatoire fiscale coûteuse. Selon les derniers calculs, l'État est aux prises avec des impôts irrécouvrables s'élevant à plus de 900 millions de dollars.

4.152 Le processus de consultation n'ayant été ni bien planifié ni bien élaboré, il a entraîné un nombre imprévu de demandes de CIRS. La procédure de vente-rachat et la définition vague des activités de recherche admissibles, ainsi que le contrôle sur ces activités, ont attiré les abus, ont diminué les fonds pouvant être attribués à la recherche véritable et ont engendré de mauvaises créances pour l'État.

4.153 Selon le Comité, certains signes d'alarme s'étaient manifestés dès le début et le ministère des Finances n'avait pas établi dès le départ un cadre d'évaluation susceptible de lui permettre de déceler les problèmes et de les régler au fur et à mesure.

4.154 Toujours selon le Comité, il faut tenir le Parlement au courant des changements apportés à l'interprétation de la loi en ce qui concerne les dépenses fiscales et les coûts estimatifs de tout grand programme de dépenses fiscales.

4.155 Le rapport complet du Comité et ses recommandations se trouvent à l'annexe C du présent rapport.

Commentaires du ministère des Finances

Le gouvernement estime que l'utilisation du régime fiscal pour la réalisation d'objectifs économiques et sociaux est valable et que dans plusieurs cas cette façon de faire peut offrir des avantages puisque le régime fournit ainsi des encouragements qui sont efficients au plan économique et qui n'exigent pas un contrôle bureaucratique tâtillon. Il y a, cependant, des limites à ce que le système fiscal peut permettre de réaliser et, selon la nature et l'ampleur des encouragements offerts, les mesures fiscales peuvent présenter les inconvénients que signale le Rapport du vérificateur général.

Le gouvernement, conscient de la prudence avec laquelle doivent être utilisés les encouragements fiscaux pour la réalisation d'objectifs sociaux et économiques, a pris des mesures pour améliorer son étude et son analyse des mesures fiscales qu'il a déjà prises ou qu'il entend prendre. Il a consacré plus de ressources à l'analyse des mesures fiscales avant qu'elles n'entrent en vigueur. Il y a eu publication de documents de travail présentant les résultats de ces analyses (par exemple, les documents publiés en mai 1985 sur le régime fiscal et le système de transfert de pertes intersociété). Il y a eu également publication de rapports d'analyse, par exemple en janvier 1985, le rapport sur la fiscalité dans le secteur agricole, qui traitent des conséquences de la structure actuelle du régime fiscal.

Le gouvernement sait que les dépenses fiscales peuvent ajouter à la complexité du régime fiscal et qu'elles peuvent avoir des résultats autres que ceux prévus au départ. Il est donc intervenu pour restreindre ou abolir certaines mesures - par exemple le crédit d'impôt à la recherche scientifique - lorsque les résultats des analyses ont démontré que ces mesures, de toute évidence, ne permettaient pas de réaliser les objectifs économiques ou sociaux prévus ou permettaient de les réaliser mais à un coût inacceptable. Les dispositions ayant trait aux REEL et aux IRLM, analysées dans le Rapport du vérificateur général, ont été éliminées et d'autres modifications récentes ont permis de réduire les possibilités de partage des revenus entre les membres d'une famille et de réduire le nombre d'abris fiscaux que permettaient la location de bateaux de plaisance, de véhicules récréatifs, d'hôtels et d'autres biens similaires ainsi que diverses modalités de constitution en société en commandite. Le gouvernement est également intervenu rapidement pour contrer les stratagèmes d'évitement fiscal conçus par les contribuables, par exemple ce qu'on appelle les opérations de découpage (activités comportant le transfert temporaire de biens de production appartenant à des sociétés productrices d'énergie qui font des profits à d'autres sociétés qui peuvent encore se prévaloir de déductions fiscales pour pertes subies), les paiements pour inciter à louer et l'utilisation ingénieuse d'accords de fiducie.

Le ministre des Finances, en juillet 1986, a annoncé une révision complète du régime fiscal qui comporterait entre autres l'examen de la possibilité de réduire les taux d'imposition et d'élargir l'assiette fiscale, ce qui demandera d'examiner les moyens de réduire davantage les dépenses fiscales ou la possibilité de les éliminer.

Le gouvernement, comme il l'indique dans un document publié en novembre 1984 et intitulé "Un programme de renouveau économique", reconnaît qu'un régime d'autocotisation fiscale se prête moins au contrôle direct et à l'orientation précise des encouragements fiscaux, alors que cela est plus facile avec le système des dépenses (voir le paragraphe 4.83). Toutefois, plusieurs mesures autorisant des dépenses fiscales et présentées récemment ont été formulées de manière à exiger que soit produite plus tôt que par le passé l'information destinée aux administrateurs du régime et aux concepteurs des programmes. Cette manière de procéder peut être avantageuse et peut permettre de cerner et de régler plus facilement les problèmes, notamment si le contribuable ne se voit pas imposer un joug trop lourd. Par exemple, dans le budget de février 1986, la mesure spéciale offrant aux personnes devant travailler dans le Nord canadien des avantages en ce qui a trait aux déplacements et au logement autorise une déduction sur le revenu, au moment où le contribuable doit déterminer son revenu imposable, et n'est donc pas une exemption d'impôt; cette façon de procéder permet de faire le relevé du montant des avantages et du nombre de contribuables qui s'en sont prévalus. Revenu Canada se voit ainsi faciliter l'analyse de cette concession et le contrôle de son application.

Dans plusieurs cas, les stratagèmes d'évitement fiscal dont parle le Rapport du vérificateur général comportent le transfert de pertes, d'amortissements ou de crédits d'impôt, le transfert se faisant entre des contribuables qui ne peuvent les utiliser immédiatement et des personnes qui peuvent les utiliser. Le document de travail intitulé "Le régime fiscal des sociétés : un axe de changement", publié le 23 mai 1985 par le ministre des Finances en même temps que son budget, cerne la cause principale du problème et suggère, pour s'y attaquer, de réduire dans le cadre de la réforme du régime fiscal, les amortissements et les crédits d'impôt immédiats. Comme première étape de la restructuration de l'impôt des sociétés, des mesures ont été prises dans le budget du 26 février 1986 afin d'éliminer progressivement le crédit d'impôt général à l'investissement et la déduction pour inventaire, mesures auxquelles s'ajoutait une baisse du taux d'imposition des sociétés.

Le gouvernement cherche donc à intervenir en temps opportun pour relever les effets non voulus de la loi de l'impôt et pour régler les problèmes par des mesures législatives. L'intervention rapide du législateur est certes désirable, mais ce qui est essentiel c'est, avant la formulation des mesures législatives, de cerner la nature et l'étendue du problème, de lui trouver une solution appropriée, une solution qui soit administrativement réalisable et qui permette d'obtenir les résultats espérés. La nécessité d'effectuer cette analyse essentielle avant d'agir a pour corollaire que, souvent, il s'écoulera un certain temps entre le moment où est cerné un problème et celui où seront corrigées les dispositions de la loi, notamment si l'on veut éviter que le correctif ait des conséquences fâcheuses et si l'on veut mettre en vigueur des règles transitoires valables.

Dans certains cas, la nature du correctif à un problème connu peut être plus évidente. Le gouvernement est intervenu rapidement dans le cas, par exemple, des règles relatives aux sociétés en commandite dont il est question dans le rapport et dans le cas, en 1985, de stratagèmes plus récents (par exemple, les découpages, les paiements pour inciter à louer, l'utilisation ingénieuse d'accords de fiducie pour obtenir des revenus de placement libres d'impôt et les stratagèmes visant à contourner les restrictions sur les investissements étrangers dans les caisses de retraite). Dans le premier cas, qui posait un certain nombre de problèmes épineux, il y a eu suspension des décisions anticipées en matière d'impôt afin d'être bien sûr que les résultats que cherchaient certains contribuables ne soient pas cautionnés par le gouvernement. Cette mesure a fait obstacle aux offres publiques de titres pendant la période au cours de laquelle s'est faite l'élaboration du projet de loi. Le gouvernement a présenté ses mesures législatives dans des délais raisonnables. En ce qui a trait aux autres cas, des mesures législatives furent présentées au Parlement comme solutions aux problèmes peu après que ces derniers furent connus.

Le ministère est à prendre des mesures pour accroître le nombre d'évaluations formelles des dépenses fiscales, mesures qui incluent la mise sur pied d'une unité chargée d'évaluer certaines dépenses fiscales choisies. Cette équipe cherchera avant tout à faire une analyse plus poussée de l'incidence et des retombées des mesures fiscales. Le ministère estime utile de faire des analyses supplémentaires, mais il sait également qu'il peut être difficile, particulièrement au cours des périodes où les diverses conditions économiques changent et où les politiques gouvernementales subissent des modifications, de prévoir avec précision les résultats que donneront des mesures fiscales nouvelles une fois en vigueur, difficulté que reconnaît également le vérificateur général au paragraphe 4.76 de son Rapport annuel. On continuera de tenir dûment compte, dans l'évaluation des mesures fiscales, de l'incidence de programmes connexes.

La publication régulière de renseignements sur les dépenses fiscales est souhaitable et le ministère veut augmenter la quantité de renseignements fournis sur le coût des dépenses fiscales en vigueur et voir à ce qu'ils soient publiés en temps plus opportun, en prenant soin toutefois de ne pas inonder les contribuables de demandes de déclaration. Il est admis qu'il existe certaines limites quant à la précision des renseignements sur les dépenses fiscales et quant à la célérité avec laquelle ils peuvent être publiés compte tenu du temps requis pour recueillir les données fiscales et du fait que les renseignements continueront d'être basés sur des estimations. Le ministère continuera de publier de temps à autre des documents, comme ceux qu'il a publiés sur la fiscalité des sociétés, pour fournir des renseignements sur les retombées des mesures fiscales et il verra quels renseignements additionnels sur les conséquences de dépenses fiscales précises il pourra fournir une fois mise sur pied l'équipe chargée des évaluations.

La communication, au Parlement et au public, de renseignements pertinents sur les modifications au régime fiscal est essentielle et c'est pourquoi le ministère cherche les moyens d'augmenter la quantité et la précision des renseignements qui peuvent être utilisés pour la modification des lois. Toutefois, il n'est ni pratique ni souhaitable de publier des renseignements détaillés sur les contribuables visés directement par une mesure fiscale d'un budget puisque habituellement ces mesures sont conçues en fonction d'une application générale et que les contribuables sur lesquels elles peuvent influer ne sont pas nécessairement tous connus. Qui plus est, la communication de ce genre de renseignements pourrait avoir la conséquence désastreuse de dissuader les contribuables de fournir au gouvernement des renseignements sur la manière dont le régime fiscal les touche, notamment dans les cas où la communication de ces renseignements pourrait leur nuire sur le plan de la concurrence.

De manière générale, il faudrait communiquer les renseignements décrivant l'incidence des mesures fiscales sélectives sur les recettes prévues au moment où les mesures sont présentées au Parlement. Dans certains cas, à cause de la nature des mesures proposées, il ne sera peut-être pas possible de fournir une estimation très précise. Dans le cas où il ne s'agit que de modifications purement techniques, qui visent à faire en sorte que les résultats de l'application de la loi soient conformes à la politique préalablement présentée, il n'est peut-être pas indiqué de fournir des estimations distinctes des répercussions de la politique sur les recettes, puisqu'on en a déjà tenu compte au moment de l'établissement des prévisions des recettes de l'État.

En ce qui touche les sociétés d'État, la politique actuelle sur laquelle est basée la Loi de l'impôt sur le revenu part du principe que certaines sociétés d'État désignées ont une vocation commerciale et qu'elles sont, ou pourraient être, en concurrence avec des entreprises du secteur privé. Ces sociétés d'État obéissent aux mêmes règles que les entreprises qui sont de propriété privée. Il ne semble pas justifiable, en soi, que ces sociétés aient droit à un traitement fiscal particulier ou qu'elles doivent se soumettre à des obligations différentes de celles qui s'appliquent à leurs concurrentes lorsqu'il s'agit de fournir au gouvernement des renseignements puisque cette façon de faire pourrait les défavoriser sur le plan de la concurrence.

En ce qui a trait à l'article 55 de la loi, comme cela est indiqué dans les notes techniques qui accompagnaient le projet de modification présenté au Parlement en 1984, la modification de cet article avait pour but de corriger ce que l'on croyait être une anomalie dans l'application des dispositions de l'article. Les modifications proposées faisaient suite à la présentation d'un certain nombre de doléances, y compris celles concernant le cas de la société Dome. Le gouvernement estimait justifié qu'un correctif de ce genre, même s'il avait été proposé au Parlement en 1984, puisse avoir prise d'effet pour les années antérieures afin de régler les problèmes qui avait été dépistés dans l'application des règles, et cela à partir du moment où cette lacune a été créée.

En outre, dans le cas de la société Dome, le gouvernement croyait que sans modification de la loi et que sans décret de remise d'impôt la restructuration de la dette de la société n'aurait pas pu avoir lieu, ce qui aurait eu de graves conséquences économiques pour la société, le système financier, l'économie du pays et, partant, pour le Trésor fédéral. Dans ce contexte, le coût de cette modification, pour le gouvernement fédéral, n'est peut-être pas aussi élevé qu'on serait porté à le croire.