La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada

line


Vue d'ensemble

6.1 La loi qui régit l'emploi et l'immigration a réuni, en 1977, le ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration et la Commission de l'assurance-chômage pour former la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (CEIC) et le ministère de l'Emploi et de l'Immigration.

6.2 La Commission est chargée de tous les programmes d'emploi, d'assurance-chômage et d'immigration, alors que le ministère est responsable de l'élaboration et de la mise en oeuvre efficaces de politiques et de programmes fédéraux qui se rapportent au marché du travail et à l'immigration, ainsi que de l'information au public à ce sujet.

6.3 L'administration centrale du ministère et de la Commission est située à Hull (Québec). Les opérations de la Commission sont décentralisées et se déroulent dans 10 bureaux régionaux et plus de 800 points de service permanents, bureaux itinérants et temporaires. La Commission utilise quelque 24 000 années-personnes.

6.4 Le ministère comprend deux divisions situées à l'administration centrale : Politique stratégique et planification et Affaires publiques. Bien que la majorité des activités d'Emploi et Immigration soient exécutées par la Commission, on a créé un ministère pour qu'il y ait un ministre responsable du portefeuille et pour maintenir les liens traditionnels avec les organismes centraux.

6.5 La Commission, en plus d'un président et d'un vice-président, compte deux commissaires, dont l'un est nommé après consultation des organisations de travailleurs, et l'autre, après consultation des organisations d'employeurs. Cette structure permet la représentation des travailleurs et du patronat dans l'élaboration, l'approbation et la mise en oeuvre des programmes qui les touchent. À l'administration centrale, la Commission compte sept groupes, dont quatre sont responsables de programmes de services au public, soit : Emploi, Assurance, Développement du marché du travail et Immigration. Les trois autres groupes, Personnel, Finances et administration, Systèmes et procédures, fournissent des services d'ordre professionnel, technique et administratif.

6.6 La Commission administre trois programmes : Emploi et assurance, Immigration, Services généraux et spéciaux. Le Programme d'emploi et d'assurance a pour objet de favoriser la réalisation des objectifs économiques et sociaux du Canada en rendant toutes les ressources humaines pleinement productives. Le Programme d'immigration régit l'admission des immigrants et des visiteurs en fonction des intérêts économiques, sociaux et culturels du Canada. Le Programme des services généraux et spéciaux a pour objet de fournir au ministère et à la Commission des services de soutien et d'administrer les activités reliées aux rentes sur l'État et aux numéros d'assurance sociale.

6.7 Les crédits que le Parlement octroie au ministère et à la Commission proviennent de l'enveloppe des Affaires sociales du gouvernement. En 1985-1986, la CEIC a reçu des affectations de crédit de l'ordre de 6 348 630 000 $. Nous vous donnons, à la pièce 6.1, une ventilation de ces fonds, administrés et déboursés par le ministère et la Commission pour l'exercice 1985-1986.

(Cette pièce n'est pas disponible)

Étendue de la vérification

6.8 Notre vérification a porté sur la création directe d'emplois et la formation professionnelle; de ces deux activités, nous avons choisi les sous-activités suivantes, dont le coût total excède un milliard de dollars :

6.9 En 1985, la Commission a annoncé l'introduction de la Planification de l'emploi, avec six nouveaux programmes. Au moment de notre vérification, ces activités en étaient encore à l'étape de la mise en oeuvre. Nous en avons donc reporté la vérification et le rapport à 1986-1987.

6.10 Nous avons examiné la planification, l'élaboration des programmes, la mise en oeuvre, la surveillance et le contrôle, l'évaluation des sous-activités retenues aux fins de notre vérification. Nous avons aussi examiné les systèmes utilisés pour transmettre l'information au Parlement et à la direction. Nous voulions déterminer si ces activités se déroulaient selon les principes d'économie et d'efficience et s'il existait des procédés pour mesurer l'efficacité et en rendre compte.

Programme de subventions et contributions pour la création d'emplois

Données de base

6.11 Le Programme de subventions et contributions pour la création d'emplois (SCCE) est un programme spécial de création directe d'emplois, conçu au printemps de 1982, en vue de réaliser rapidement les projets mis de l'avant dans le cadre de l'Initiative spéciale pour l'emploi annoncée par le ministre des Finances dans le Budget du 28 juin 1982. Cette Initiative faisait partie des mesures annoncées pour réduire le chômage et soutenir les secteurs durement touchés par la récession que subissait l'économie canadienne et par les taux d'intérêt élevés. L'objectif donné au Parlement était de financer des projets à forte proportion de main-d'oeuvre dans le cadre des programmes gouvernementaux existants.

6.12 En plus de servir à mettre en oeuvre des projets dans le cadre de cette initiative, le Programme de SCCE a aussi servi aux projets proposés dans le cadre du Fonds La Prade. Ce dernier a été créé en 1982 pour financer les activités entreprises en vue d'atténuer l'effet de la fermeture de l'usine d'eau lourde La Prade au Québec.

6.13 Dans le cadre du Programme de subventions et contributions pour la création d'emplois, de juin 1982 à février 1986, la CEIC a financé un total de 2 146 projets, d'une valeur cumulative approuvée de 204,7 millions de dollars. Les modalités du programme permettaient le financement des projets par voie de subvention ou de contribution. À la fin de février 1986, 96 p. 100 des sommes déboursées pour financer des projets l'avaient été au moyen de subventions.

6.14 Le Programme de SCCE demeurera en vigueur en 1986-1987 pour permettre l'achèvement d'une vingtaine de projets.

6.15 Du montant total approuvé, 92 p. 100 visaient des projets de construction dont les principaux bénéficiaires étaient des municipalités, des organisations communautaires, des organismes sans but lucratif et des organismes religieux. On retrouve entre autres la construction ou l'amélioration d'égouts, d'hôtels de ville, de ponts, de routes, de trottoirs, de parcs, de parcs industriels, de centres sportifs et récréatifs et d'églises. Le reste des fonds est allé à des projets de développement touristique, d'établissement de centres communautaires, de centres d'emploi pour les jeunes, de services de counselling et de centres d'aide aux chômeurs.

6.16 Le processus d'approbation des projets de SCCE se trouve illustré à la pièce 6.3. Le gouvernement avait chargé certains ministres (appelés ministres régionaux) de veiller aux intérêts des diverses régions. Chose inhabituelle pour les programmes de la Commission, ces ministres régionaux soumettaient les projets à la Commission pour examen et jouaient un rôle prépondérant dans leur approbation.

(Cette pièce n'est pas disponible)

6.17 Notre vérification avait comme objectif d'évaluer les processus et les contrôles de gestion mis en oeuvre pour administrer le Programme de SCCE afin de déterminer s'il était géré avec égard pour l'économie et l'efficacité.

6.18 Cette vérification a comporté l'examen d'un échantillon de dossiers de projets de cinq régions : le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique. Les projets de ces régions ont reçu 91 p. 100 de tous les fonds approuves pour les projets de SCCE.

6.19 Nous avons choisi 61 dossiers des régions retenues. Nous nous sommes assurés que l'échantillon sélectionné représentait bien l'ensemble de la population des projets. La valeur totale des subventions et contributions versées pour les projets examinés était de 32 millions de dollars.

6.20 Nous avons examiné les dossiers de projets pour évaluer les procédés appliqués par EIC avant et après la phase d'approbation. Dans le cas de 8 des projets de l'échantillon, nous avons visité les projets et rencontré les promoteurs.

6.21 Objectifs du programme. Les objectifs particuliers au Programme de SCCE n'ont pas été précisés. Le Parlement a officiellement approuvé l'objectif général du programme dans le Budget des dépenses, sous l'énoncé du crédit 15, qui stipule que les sommes dépensées par le programme sont destinées à "procurer du travail à des chômeurs et à contribuer au mieux-être de la collectivité". Par ailleurs, d'autres documents de la Commission et les ententes signées avec les promoteurs confirment que l'objectif était de créer des emplois pour les chômeurs.

6.22 Dans la conception et la réalisation du Programme de SCCE, la Commission n'a pas traduit cet objectif général en buts particuliers et mesurables et n'a pas établi de définitions opérationnelles claires. En effet, alors qu'elle établissait, pour ses autres programmes de création directe d'emplois (Canada au travail, Croissance locale de l'emploi, Compagnie de travailleurs et Accès-carrière), des objectifs en termes de nombre d'emplois ou de semaines de travail, la Commission n'a fixé aucun objectif de ce genre pour le Programme de SCCE. De même, elle n'a pas fixé de cible quant au coût de ces emplois.

6.23 Mesure des résultats. Notre vérification a démontré que la Commission n'a pas mis en place de mécanisme pour mesurer la réalisation des objectifs énoncés et pour évaluer les résultats du programme. En outre, elle n'a pas recueilli de données sur le nombre et sur le coût des emplois réellement créés pour les chômeurs par les projets approuvés.

6.24 Après avoir dépensé quelque 200 millions de dollars dans le cadre du Programme de SCCE, la Commission ne savait pas combien d'emplois ou de semaines de travail ce programme avait réellement créé ni quel en était le coût moyen.

6.25 Pour tout programme, la Commission devrait préciser les objectifs en termes opérationnels et mesurables; elle devrait mettre en place des mécanismes qui permettent d'évaluer les résultats des programmes.

Commentaire de la Commission : C'est une pratique courante à la CEIC de préciser les objectifs en termes opérationnels et mesurables. Ces objectifs n'ont pas été établis relativement aux subventions et contributions pour la création d'emplois parce que le gouvernement n'avait pas l'intention d'engager des fonds de la même manière que pour les programmes habituels, ce qui est signalé dans le Rapport. La Commission a fait clairement connaître sa position dans sa présentation du 14 septembre 1982 au Conseil du Trésor. Elle demandait alors, et a reçu depuis (Délibération no 784672), l'autorisation d'engager des fonds sous forme de subventions parce qu'elle croyait ne pas pouvoir respecter le double objectif de réaliser le genre de projets soumis et d'assurer le contrôle exigé par l'utilisation de contributions comme mode de paiement. Il faut reconnaître que la mise en place du mécanisme s'est faite en 1982, alors que le Canada était en pleine récession. Il a fallu des mesures extraordinaires, comme les subventions et contributions pour la création d'emplois, pour remédier aux différentes fluctuations du marché du travail qui avaient cours à ce moment-là.

Conception du programme

6.26 Élaboration du programme. Afin de diminuer le temps requis pour l'acceptation des projets proposés par les ministres régionaux, le gouvernement a mis sur pied un processus "express" pour la sélection, l'évaluation et l'approbation des projets qu'ils jugeaient valables. Ainsi, le programme a été conçu et élaboré en peu de temps et sa nature a été fortement influencée par les représentants élus. Nous n'avons pas trouvé de documents de planification ou autres documents de discussion sur les besoins que devait combler le programme, sur les objectifs visés, sur les options possibles et sur les répercussions financières et opérationnelles de chacune, comme c'est habituellement le cas pour les programmes de création d'emplois.

6.27 Dans les paragraphes qui suivent, nous expliquons comment les modalités et les procédés d'examen et de contrôle qui ont été établis visaient à laisser beaucoup de latitude dans la sélection des projets et à permettre de débourser rapidement les fonds. On accordait peu d'importance à l'incidence des projets en termes de création d'emplois pour des chômeurs et de coût par emploi créé.

6.28 Modalités. Même si, pour recevoir une subvention, les projets devaient respecter une série de critères d'admissibilité, ces derniers ne garantissaient pas, selon nous, que le projet approuvé créerait des emplois de manière économique et efficace. De plus, les trois principaux critères proposés par la Commission et approuvés par le Conseil du Trésor ont eu pour effet de rendre à peu près tous les projets soumis admissibles à une subvention. Ainsi, du moment que le ministre régional l'approuvait, un projet n'avait à répondre qu'à l'un des trois critères suivants :

6.29 Ce dernier était le critère le plus souvent invoqué. En effet, dans 94 p. 100 des projets de SCCE, on requéraient un financement inférieur à 250 000 $.

6.30 Les critères d'admissibilité pour les contributions étaient plus rigoureux en ce qui a trait à l'utilisation des fonds pour la création d'emplois. En effet, le promoteur devait soumettre à la Commission un plan d'emploi démontrant qu'au moins 50 p. 100 des personnes employées viendraient du rang des chômeurs.

6.31 Toutefois, la définition du terme "emploi" était tellement souple qu'un projet pouvait employer peu de chômeurs et avoir quand même droit à un appui financier. Ainsi, selon un extrait du Processus de mise en oeuvre :

... pour ménager le plus de souplesse possible, il a été convenu que la règle des 50 % ne s'appliquera qu'au nombre total de personnes employées pendant toute la durée du projet. Il n'est pas essentiel qu'au moins 50 % des employés soient en tout temps des personnes auparavant en chômage, pas même tous les mois. De plus, il est convenu que le décompte se fera en tenant compte de toutes les personnes employées, quelle que soit la période pendant laquelle elles auront travaillé. Pour donner un exemple extrême, un projet qui embauche deux chômeurs pour une journée et une personne pour toute la durée du projet répond donc au critère étant donné que deux employés sur trois étaient auparavant en chômage.
6.32 Utilisation de subventions. L'utilisation de subventions comme moyen de financer les projets de construction était contraire aux recommandations du Comité des comptes publics et aux pratiques normales du gouvernement. Les trois premiers mois du programme, les modalités permettaient le financement de projets par des contributions seulement. La majorité des projets proposés étaient des projets de construction qui devaient être exécutés, en grande partie, par des entrepreneurs et des sous-traitants.

6.33 Selon des fonctionnaires de la CEIC, l'exigence d'un plan d'emploi et d'un suivi auraient imposé aux promoteurs, aux entrepreneurs et sous-traitants des procédés fastidieux qu'il aurait été difficile d'appliquer sur un chantier de construction. Il aurait en outre été difficile de faire des prévisions quant à l'emploi des chômeurs dans les projets de construction de 26 semaines et plus. Or, la Commission exige l'application de procédés de ce genre dans le cadre d'autres projets de création d'emplois dans le secteur de la construction.

6.34 En 1977, le Comité des comptes publics a recommandé "que toute aide financière en capital soit classée comme contribution (et non subvention) et administrée en conséquence, ce qui comprend les exigences relatives à la présentation d'états financiers et de rapports sur l'utilisation des fonds".

6.35 Subséquemment, le Conseil du Trésor a modifié sa politique sur l'utilisation des subventions et contributions. Dans le chapitre 9.4 du Guide d'administration financière pour les ministères et organismes du gouvernement du Canada, la politique stipule que "Toute aide à des projets d'investissement doit être classée comme contribution, à moins que le Conseil du Trésor n'en décide autrement."

6.36 Le 20 septembre 1982, à la suite d'une proposition de la Commission, le Conseil du Trésor approuvait le principe de financer les projets au moyen de subventions. À la suite de cette décision, 96 p. 100 (196,5 millions de dollars) des sommes approuvées pour les projets de SCCE ont été versés sous forme de subventions et seulement 4 p. 100 (8,2 millions de dollars) sous forme de contributions.

6.37 Dans le cas du Programme de SCCE, le Conseil du Trésor a dérogé de ses pratiques habituelles. Pour d'autres programmes de création d'emplois faisant appel au secteur de la construction, le Conseil du Trésor exige d'ordinaire un financement au moyen de contributions.

6.38 À notre avis, étant donné la nature, l'importance et la durée des projets, l'utilisation de subventions n'était pas appropriée. Les paragraphes 6.214 à 6.224 traitent du même sujet et contiennent nos recommandations à cet effet.

6.39 Guide opérationnel. Les modalités du programme attribuaient aux fonctionnaires de la CEIC la responsabilité d'examiner les demandes de financement des projets, soumis par les ministres régionaux, afin de veiller au respect des critères énoncés. Les procédés établis par la Commission pour l'examen et l'administration des dossiers de projets approuvés étaient consignés dans un guide opérationnel. Ce guide offrait peu de direction opérationnelle quant à l'interprétation des critères d'admissibilité, à l'examen des projets, à la surveillance et au suivi des résultats réels. On n'y exigeait pas, sans toutefois les interdire, les mêmes procédés de surveillance et de suivi que pour les autres programmes de création d'emplois. Nous avons constaté que chaque région interprétait le guide à sa manière.

6.40 Le guide opérationnel incitait les fonctionnaires, dans les régions, à accepter les projets proposés et à en recommander l'approbation par le ministre de l'Emploi et de l'Immigration. On y lit, par exemple, "Attendu que le gouvernement souhaite réaliser le projet, toute recommandation à l'effet contraire doit être bien étayée" et "Bien que le gouvernement ait indiqué son intention de subventionner, dans la mesure du possible, tous les projets mis de l'avant..."

6.41 Cela a donné une évaluation superficielle des demandes de financement, avec peu d'égard pour le nombre ou le coût des emplois et des semaines de travail prévus.

6.42 Le guide opérationnel n'encourageait pas les fonctionnaires à surveiller la réalisation des objectifs indiqués au Parlement pour les projets subventionnés. Par exemple, le guide opérationnel stipulait que : "Selon les directives du Conseil du Trésor, il n'est pas nécessaire de contrôler les projets financés au moyen d'une subvention."

6.43 Ainsi, les bureaux régionaux n'étaient pas obligés d'exiger que les promoteurs déclarent le nombre réel d'emplois ou de semaines de travail créés pour les chômeurs ou les non-chômeurs ni de mesurer les résultats réels. Par contre, les régions effectuaient un suivi d'autres aspects des projets tels que l'avancement de la construction.

6.44 Le guide opérationnel du programme donnait peu d'orientation aux fonctionnaires chargés de l'examen des projets de SCCE sur l'interprétation des critères d'admissibilité et sur l'évaluation des projets en termes d'économie et d'efficacité pour la création d'emplois. Aucun des critères d'admissibilité aux subventions n'était interprété clairement dans le guide. On ne demandait pas de vérifier si la proportion de main-d'oeuvre prévue dans le budget d'un projet était raisonnable, ni s'il y avait sur place des chômeurs qualifiés et disponibles pour réaliser le projet. Ainsi, à l'été de 1985, un projet a bénéficié de 500 000 $ en dépit du fait qu'il n'y avait aucun chômeur disponible dans la localité.

6.45 La Commission devrait, pour chacun de ses programmes, émettre des directives opérationnelles claires afin de faciliter la réalisation des objectifs et l'évaluation des résultats.

Commentaire de la Commission : C'est une pratique courante à la CEIC d'émettre des directives qui facilitent la réalisation des objectifs et l'évaluation des résultats. On n'en a pas émises autant que d'habitude dans le cas des subventions et contributions pour la création d'emplois à cause de la nature inhabituelle du programme et des difficultés envisagées au début de celui-ci, comme il est expliqué dans la présentation du 14 septembre 1982 au Conseil du Trésor. Comme le Rapport l'indique, les instructions du gouvernement à la CEIC étaient très explicites. Il désirait que soient financés les projets retenus par les ministres régionaux.

Le Programme de subventions et contributions pour la création d'emplois (ou la composante de stimulation immédiate de l'emploi, comme on l'appelait au début) n'a pas été établi comme un programme à part entière. Son but était d'offrir un mécanisme pour les projets que le gouvernement voulait mettre en oeuvre, à même les fonds de l'Initiative spéciale pour l'emploi, et qui ne pouvaient être réalisés en vertu des autorisations existantes ou dans le cadre d'un des programmes des ministères fédéraux. La CEIC n'a donc pas pu, par exemple, verser des fonds aux régions selon une formule établie en fonction du chômage, comme c'est sa pratique de le faire. Les versements aux régions ont été déterminés par le gouvernement, au niveau de la haute direction du fonds de l'Initiative spéciale pour l'emploi. Le montant des fonds du Programme de subventions et contributions pour la création d'emplois versé à chaque région ne faisait que refléter le type de projet soumis par les ministres régionaux.

De même, dans le cas des programmes habituels, les projets sont normalement financés entièrement par la Commission et débutent peu de temps après leur approbation. Bon nombre de projets soumis en vertu du Programme de subventions et contributions pour la création d'emplois comportaient le versement de fonds d'autres paliers de gouvernement; le gouvernement fédéral souhaitait déclencher ces versements le plus tôt possible pour mieux combattre le chômage du début des années 80. Le programme devait être une réponse rapide et non bureaucratique à des conditions exceptionnelles, et il devait être mis en oeuvre avec des ressources modestes. C'est pourquoi peu de ressources humaines ont été octroyées pour sa mise en oeuvre.

Les directives opérationnelles envoyées aux bureaux régionaux stipulaient : "Il peut être nécessaire parfois que le gouvernement fédéral donne l'impression d'accepter sa part d'un engagement avant l'entrée en scène des autres participants." Au Québec, en particulier, la situation politique d'alors empêchait certains projets de démarrer, et certains, comme le souligne le Rapport, n'ont commencé que plusieurs années plus tard. Ces longs retards ont fait que, dans certains cas, les décisions sur les modalités de paiement, prises au moment de l'approbation, sont devenues non valides, sans qu'il soit possible de les changer.

6.46 Répartition des fonds. Comme le Programme de SCCE est un programme de création d'emplois pour les chômeurs, il aurait été raisonnable de trouver une relation entre la répartition des fonds parmi les régions du pays et le nombre relatif de chômeurs dans chacune d'elles.

6.47 La Commission, puisqu'elle n'a pas participé au processus, n'a pas pu nous fournir de renseignements sur les critères qui ont été utilisés pour effectuer l'allocation des fonds du Programme de SCCE entre les régions. Le Cabinet avait confié aux ministres régionaux les fonds de l'Initiative spéciale pour l'emploi (ISE). Nous n'avons pas étudié la base utilisée pour l'allocation de ces fonds.

6.48 Nous avons compare, pour les exercices financiers 1982-1983 à 1984-1985, la distribution régionale des chômeurs et des fonds de SCCE (voir la pièce 6.2). Cette analyse a révélé des écarts importants. Alors que la province de Québec comptait, en moyenne, pour les années 1982-1983 à 1984-1985, moins d'un tiers des chômeurs canadiens, elle a reçu la moitié des fonds alloués aux SCCE. Par contre, avec environ 9 p. 100 des chômeurs canadiens, l'Alberta n'a à peu près rien reçu en vertu de ce programme. Il y a aussi un écart important dans le cas de la Colombie-Britannique.

(Cette pièce n'est pas disponible)

Mise en oeuvre du programme

6.49 Sollicitation des projets. Pour ses autres programmes de création directe d'emplois, la CEIC se charge de la sollicitation des demandes et de la sélection des projets. Contrairement aux pratiques habituelles, dans le cas du Programme de SCCE, cette responsabilité a été confiée aux ministres régionaux. Chose également inhabituelle, des ministres et d'autres députés ont joué un rôle prépondérant dans ces phases (voir la pièce 6.3).

(Cette pièce n'est pas disponible)

6.50 Au départ, le public ne connaissait pas le Programme de SCCE, ses conditions d'admissibilité et les procédés à suivre pour présenter une demande. Les députés de l'Opposition n'étaient pas plus au courant, à en juger par leurs interventions à la Chambre des communes à la fin de 1983 et au début de 1984. Ces interventions, ainsi que les questions posées au Comité parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration, laissent voir qu'il régnait une certaine confusion quant aux objectifs de l'ISE et du Programme de SCCE, et quant aux critères d'admissibilité et au processus de présentation des demandes de financement.

6.51 Ce n'est que le 1er février 1984, vingt mois après la mise en oeuvre du programme, et à la suite de ces nombreuses questions, que certains renseignements sur les objectifs et les conditions d'admissibilité ont été communiqués aux députés. Les renseignements alors fournis n'expliquaient ni les critères d'admissibilité utilisés pour évaluer les projets ni les procédés à suivre pour soumettre des demandes de financement.

6.52 Notre examen a révélé que les propositions de projets ont émané de ministres régionaux et de députés. Nous n'avons pas pu trouver les critères utilisés par les ministres régionaux pour choisir les projets qu'ils transmettaient à la CEIC; ces critères n'ont pas été communiqués à tous les députés et au grand public.

6.53 Examen et approbation des demandes de financement. Après soumission des projets par les ministres régionaux, l'administration centrale, à notre avis, n'exigeait pas des régions un examen suffisamment approfondi pour garantir que les projets recommandés atteindraient, de manière économique, les buts énoncés. Nous montrons ci-après les effets de ces faiblesses sur le processus d'examen et d'approbation des demandes.

6.54 On a approuvé des projets sans suffisamment prendre en considération leur incidence en termes de création d'emplois pour les chômeurs. Dans 51 des 61 dossiers de projets examinés lors de notre vérification, il n'y avait pas de données sur le nombre de semaines de travail ni sur le coût par semaine de travail (c.-à-d. la valeur de la subvention ou contribution par semaine de travail) que le projet prévoyait procurer à des chômeurs. Dans les cas où le promoteur indiquait le nombre de semaines de travail que le projet devait fournir à des chômeurs, ce nombre ainsi que le coût par semaine de travail prévue n'étaient pas analysés par les agents de projets pour s'assurer qu'ils étaient raisonnables.

6.55 Dans 13 des 61 dossiers examinés, il n'y avait aucun renseignement sur le nombre de semaines de travail prévues au total, que ce soit pour des chômeurs ou pour d'autres. Pour les 48 autres projets, nous avons trouvé au dossier des données concernant le nombre total de semaines de travail prévues. Nous avons ainsi été en mesure, pour ces derniers, de calculer le coût par semaine de travail prévue. Pour près de la moitié de ces projets, soit 23 sur 48, le coût par semaine de travail prévue était supérieur à 1 000 $. Dans 9 projets sur 48, ce coût dépassait même 2 000 $ par semaine. Le manque de données ne nous a cependant pas permis d'estimer le coût, pour les chômeurs seulement, pas plus que d'établir le coût réel par rapport au coût projeté.

6.56 Comme l'incidence des projets sur la création d'emplois n'a pas été considérée ou analysée, on a approuvé des projets dans lesquels la proportion de main-d'oeuvre était faible et, par conséquent, pour lesquels le coût de création d'une semaine de travail était élevé (voir la pièce 6.4).

(Cette pièce n'est pas disponible)

6.57 Ce coût par semaine de travail est de beaucoup supérieur à celui des autres programmes de création directe d'emplois administrés par la Commission; par exemple, le coût par semaine de travail prévue pour l'exercice financier 1985-1986, pour le programme Canada au travail, le programme de la Commission qui se rapproche le plus de SCCE par les objectifs et la clientèle-cible, était de 311 $. Voici quelques exemples de coûts élevés :

6.58 On a approuvé certains projets dont la nature des activités laissait supposer que peu ou pas de chômeurs y seraient employés. Or, les modalités du programme stipulaient : "les propositions (de projets) doivent démontrer que les activités sont telles que les personnes employées au projet proviendront en bonne partie des rangs des chômeurs".

6.59 Par exemple, la Commission a versé une contribution de 375 000 $ et une subvention de 1 000 000 $ à l'association d'étudiants d'une université afin de financer un programme de création d'emplois à temps partiel pour les étudiants, au cours de l'année scolaire. Lors de l'examen de la demande, le directeur régional du programme a avisé l'administration centrale que le projet ne répondait pas aux critères d'admissibilité du programme puisque les étudiants inscrits à plein temps dans une université ne sont pas à proprement parler des "chômeurs".

6.60 L'administration centrale a par la suite avisé la région de considérer les étudiants comme des "chômeurs à temps partiel", et lui a demandé d'effectuer un nouvel examen du projet et de faire une nouvelle recommandation à la lumière de cette précision. La région a alors recommandé l'approbation du projet.

6.61 La Commission a sensiblement élargi sa propre définition de "chômeurs" pour rendre ce projet admissible. Nous croyons que ce projet, de par sa nature, ne répondait ni à l'objectif indiqué au Parlement, ni aux critères d'admissibilité du programme, et n'aurait donc pas dû être approuvé.

6.62 Au cours de notre vérification, nous avons constaté que l'octroi de quelques subventions avait été annoncé publiquement ou confirmé aux promoteurs par des députés avant que les fonctionnaires de la Commission n'aient effectué ou terminé l'examen des projets. Le gouvernement ne possédait à ce moment-là qu'une description sommaire des projets et l'analyse des coûts prévus n'avait pas encore été effectuée. Les fonctionnaires se trouvaient dans une situation fort délicate, ayant à examiner des projets et à formuler des recommandations à leur sujet sachant que ces projets avaient déjà reçu l'assentiment de leur ministre.

6.63 Par exemple, trois députés annoncèrent publiquement, au nom du ministre de l'Emploi et de l'Immigration, l'octroi d'une subvention de 1,5 million de dollars à un organisme sans but lucratif en vue de la construction d'un réseau de pistes cyclables et de rampes pour mettre les bateaux à l'eau. Dans un autre cas, le ministre de l'Emploi et de l'Immigration confirma à un député l'octroi d'une subvention de 500 000 $ à une fabrique de paroisse pour la construction d'un centre communautaire. Or, dans les deux cas, les fonctionnaires n'avaient pas fini d'examiner la demande et n'avaient pas encore formulé de recommandations.

6.64 Autres constatations. Nous avons en outre constaté que six des 61 projets examinés ont été approuvés alors qu'ils ne respectaient pas les critères d'admissibilité pour les subventions. L'administration centrale n'exigeait pas une évaluation de la capacité financière du promoteur de mener à bien le projet. Cette lacune s'est reflétée dans le fait que, pour six projets, on a dû approuver des fonds supplémentaires afin de permettre au promoteur de compléter le projet.

6.65 Cependant, à notre avis, les procédés et les contrôles financiers mis en place par la Commission étaient suffisants pour assurer que les montants versés aux promoteurs servaient à financer les activités liées aux projets approuvés.

Obligation de rendre compte

6.66 En incluant le montant prévu pour le Programme de SCCE dans le Budget des dépenses d'EIC, le Parlement lui confiait la responsabilité d'administrer ce programme et de rendre compte de l'utilisation des fonds votés à ce titre.

6.67 SCCE était un programme spécial, largement influencé par des représentants élus, qui contournait les procédés administratifs courants afin de permettre la réalisation plus rapide qu'à l'ordinaire de projets de création d'emplois.

6.68 Certes, les représentants élus sont chargés d'élaborer des politiques. Ils doivent aussi, ultimement, rendre compte aux électeurs de la mise en oeuvre de ces politiques et des programmes connexes. Nous croyons néanmoins qu'en exerçant cette responsabilité, ils ne doivent compromettre ni la réalisation des objectifs d'un programme donné, ni son fonctionnement économique, efficient et efficace. Le rôle joué par la Commission pour atteindre l'objectif de ce programme s'est limité à celui d'intermédiaire. Les décisions importantes quant à l'allocation et à l'utilisation des fonds étaient prises par plusieurs intervenants de l'extérieur de la Commission qui n'étaient pas obligés de rendre compte de l'utilisation des fonds affectés au programme.

6.69 Nous avons montré que les critères d'admissibilité au programme étaient si larges qu'ils permettaient l'approbation d'à peu près tous les projets proposés par les ministres régionaux; que l'administration centrale incitait les fonctionnaires dans les régions à ne pas contrôler les projets et à les accepter plutôt que de leur fournir des directives opérationnelles claires pour évaluer les projets en fonction des objectifs du programme; que le rôle de la Commission se limitait à assurer la communication avec les ministres régionaux, à effectuer l'examen des propositions émanant de ces derniers et à administrer les dossiers de projets après leur approbation.

6.70 Selon la Commission, celle-ci servait d'intermédiaire et n'avait pas de pouvoir décisionnel sur la qualité des projets approuvés. Le public n'a pas été informé des objectifs visés par le programme, du processus à suivre pour présenter des demandes et des critères d'admissibilité au programme. L'information présentée au Parlement sur les fonds affectés et sur les résultats du programme ne permettait pas aux députés d'être renseignés sur ces sujets, comme nous l'expliquons plus loin aux paragraphes 6.225 à 6.231.

6.71 Néanmoins, les agents dans les régions se sont généralement bien acquittés du rôle qu'on leur avait confié dans l'administration de ce programme. Dans certains cas, ils sont même allés au-delà des procédés de contrôle et de suivi officiellement requis d'eux en ce qui concerne l'avancement des projets. On n'exigeait pas d'eux de suivre les projets afin de surveiller la réalisation des objectifs du programme en termes de création d'emplois et de coût par emploi créé.

6.72 Vu le rôle limité de la Commission dans les décisions relatives à l'utilisation des fonds affectés au Programme de SCCE, nous n'avons pas pu établir dans quelle mesure elle doit être tenue responsable des résultats du programme. La Commission n'a pas été vigilante dans l'étude des propositions de projets et dans le suivi des projets pour s'assurer que les fonds publics étaient déboursés avec prudence et probité. Les cas qui suivent illustrent plusieurs des problèmes dont nous avons fait état.

Cas no 1 - Aménagement d'un parc industriel

(La photo n'est pas disponible)

Remarques : Projet non admissible; manque d'évaluation de l'incidence du projet en termes de création d'emplois pour chômeurs; manque d'analyse du budget du projet et de la capacité financière du promoteur; absence d'analyse concernant le besoin réel du projet.

Explication et observations

6.73 Le 1er décembre 1983, le ministre de l'Emploi et de l'Immigration approuvait l'octroi d'une subvention de 3 800 000 $ à une corporation sans but lucratif pour agir comme promoteur dans un projet d'aménagement de parc industriel. Le projet comportait l'achat d'un terrain de 300 acres et la construction d'environ 16 000 pieds de rues pavées, entièrement desservies en aqueducs et en égouts. Le coût total du projet comprenait 3 144 000 $ pour l'achat du terrain et des matériaux, et 656 000 $ pour les frais de main-d'oeuvre.

6.74 L'aménagement du parc industriel devait créer 105 emplois et offrir 1 308 semaines de travail, ce qui donne, selon nos estimations, un coût de 2 905 $ par semaine de travail prévue. Le dossier ne contenait pas de données sur le nombre de semaines de travail prévues plus précisément pour les chômeurs.

6.75 Malgré les fortes réserves exprimées par un autre ministère fédéral quant au besoin réel de ce type d'infrastructure dans la région en question, la Commission a recommandé l'approbation du projet sans démontrer ni justifier l'existence d'un besoin.

6.76 Après de longues négociations entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, on a convenu de réduire l'envergure du projet. Le fédéral signa l'entente le 29 mars 1985. Selon notre analyse, au moment de la signature de l'entente, le projet ne répondait à aucun des trois critères d'admissibilité déjà énoncés pour fins de financement par subvention. De plus, l'estimation des coûts du projet par le promoteur était trop générale et la Commission l'a acceptée sans examen.

6.77 Ce projet modifié consistait en l'achat d'un terrain et la préparation d'un plan d'aménagement par un bureau d'ingénieurs. Il devait coûter 695 000 $, mais s'est élevé de fait à 773 088 $ à cause d'un dépassement budgétaire.

6.78 En avril 1986, 28 mois après l'approbation initiale du projet, une visite au promoteur a révélé qu'aucun travail d'aménagement n'avait encore été réalisé, ni aucun emploi créé pour les chômeurs.

Cas no 2 - Construction d'un musée

Remarques : Confirmation du projet au promoteur avant examen par les fonctionnaires; absence d'analyse du budget et de la capacité financière du promoteur; manque d'évaluation de l'incidence du projet en termes de création d'emplois pour les chômeurs; remboursement de dépenses engagées avant la signature de l'accord; projet non terminé.

Explication et observations

6.79 Le 23 mars 1983, les représentants d'une corporation sans but lucratif présentèrent une demande de subvention au gouvernement du Canada pour construire un musée. La corporation avait été créée dans le but précis de réaliser ce projet et fut officiellement incorporée le 12 mai 1983. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration confirmait au député de la circonscription, dans une lettre en date du 21 avril 1983, qu'une subvention de 1 200 000 $ serait versée. Le même jour, le député confirmait par écrit au promoteur l'approbation de la subvention. La corporation entreprenait donc des démarches en vue de choisir un site et de faire établir des plans préliminaires, des dessins d'exécution et des devis pour l'immeuble.

6.80 La subvention fut donc confirmée au promoteur avant même l'incorporation, alors que le gouvernement ne possédait qu'une description préliminaire du projet à réaliser et que la Commission n'avait effectué aucune analyse des coûts de construction et d'exploitation d'une telle entreprise. Les agents de programme eurent beaucoup de difficultés à obtenir l'information nécessaire pour déterminer si le projet était acceptable. Ces agents se trouvaient en outre dans une situation fort délicate puisque le projet avait déjà reçu l'assentiment de leur ministre.

(Les photos ne sont pas disponibles)

6.81 Ce n'est qu'en août 1983 que l'analyse fut complétée. À ce moment-là, on prévoyait la construction d'un immeuble de 12 000 pieds carrés, avec deux salles d'exposition et un amphithéâtre de 150 sièges. Selon les données fournies par le promoteur, le projet devait créer 560 semaines de travail, ce qui aurait donné pour le Canada, selon nous, un coût de 2 143 $ par semaine d'emploi créée. Le dossier ne précisait pas le nombre de semaines de travail prévues particulièrement pour les chômeurs. Nous n'avons pas trouvé, au dossier, de preuves d'une analyse des estimations présentées par la corporation, de la faisabilité du projet à l'intérieur du budget proposé, ni des frais d'exploitation subséquents du musée et de la capacité du promoteur de les assumer.

6.82 Au moment de la signature de l'entente avec le promoteur, le 2 décembre 1983, ce dernier avait déjà acheté un terrain de 368 110 $ et signé des contrats de construction de 260 810 $. Ces frais furent remboursés, contrairement à une clause de l'accord qui stipulait qu'aucune dépense engagée avant la signature de l'accord ne le serait.

6.83 À cause d'augmentations de coûts, le ministre régional autorisa la modification de l'entente originale en juillet 1984 et la Commission porta la subvention à 1 350 000 $. Or, le même été, le promoteur se rendit compte que la subvention majorée ne suffirait pas pour effectuer les travaux prévus. Il décida alors de retirer du contrat principal certains travaux, tels que l'aménagement extérieur, la finition, la peinture et les couvre-planchers, afin de ne pas dépasser le budget prévu.

6.84 Ce n'est qu'au printemps de 1985 que les fonctionnaires se rendirent réellement compte de la situation. Quoique le projet fut loin d'être complété, la Commission avait déjà versé 1 287 828 $ de la subvention. Ne disposant pas des 400 000 $ estimés nécessaires pour terminer les travaux, sans compter les frais d'exploitation du musée par la suite, le promoteur voulait abandonner le projet. Il était prêt à louer l'immeuble ou à s'en départir.

6.85 À l'issue de négociations rapides avec le promoteur, à l'été de 1985, le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministère des Travaux publics, se portait acquéreur du musée pour le montant des dettes accumulées par la corporation, soit environ 75 000 $. Le ministère des Travaux publics étudie présentement diverses options pour l'utilisation de l'immeuble par d'autres ministères fédéraux. Les représentants de ce ministère nous ont indiqué qu'il faudra engager de fortes dépenses pour modifier l'immeuble afin qu'il serve à d'autres fins qu'un musée.

Cas no 3 - Enseignes de magasins

Remarques : Manque d'évaluation de l'incidence du projet en termes de création d'emplois pour les chômeurs; absence d'efforts de la part du promoteur pour favoriser l'emploi de chômeurs; manque d'évaluation concernant l'augmentation de la valeur de la propriété privée.

Explication et observations

6.86 Le 8 novembre 1983, la Commission signait une entente de subvention de 1 200 000 $ avec une association de commerçants d'une grande ville, dans le cadre d'un projet estimé à 8 631 000 $, pour la construction de toitures au-dessus des trottoirs d'une artère commerciale. Selon les estimations fournies par le promoteur, le projet devait, dans l'ensemble, créer 8 840 semaines de travail.

6.87 Conformément aux modalités du programme, il fallait l'approbation du Conseil du Trésor pour ce projet et on l'obtint. En raison d'un conflit de juridiction entre le fédéral et la province concernant le financement par le gouvernement fédéral de projets à caractère municipal, le promoteur a préféré ne pas accepter le financement du projet. Par la suite, le promoteur proposa un autre projet à la Commission afin d'utiliser plutôt le montant de 1 200 000 $ pour contribuer au remplacement des enseignes qui ne cadraient plus avec le nouvel aménagement. La Commission accepta la demande et signa une entente modifiée à cet effet le 28 mars 1985.

6.88 Malgré le changement radical dans la nature du projet, EIC ne jugea pas nécessaire d'en aviser le Conseil du Trésor, considérant qu'il s'inscrivait à l'intérieur du projet approuvé initialement.

(Les photos ne sont pas disponibles)

6.89 La Commission n'a pas effectué d'estimation, pour ce projet modifié, du nombre d'emplois et de semaines de travail prévus, au total et pour les chômeurs, ni du coût de création d'une semaine de travail. Étant donné que la fabrication des enseignes fut confiée à une grande entreprise déjà établie, il ne semble pas que ce projet ait facilité l'emploi de chômeurs. La Commission et le promoteur n'ont pas été en mesure de démontrer l'emploi de chômeurs dans le cadre du projet.

6.90 Les enseignes sont devenues la propriété des commerçants de cette artère commerciale, parmi lesquels se trouvent des succursales de banques, des magasins de chaînes nationales et régionales, des sociétés d'État fédérales et provinciales et des commerçants locaux. En somme, la Commission a dépensé 1 200 000 $ pour défrayer le coût de remplacement d'enseignes commerciales qui rehaussent la valeur de propriétés privées, mais elle n'a pas démontré que cette somme a permis de créer des emplois pour des chômeurs.

Cas no 4 - Construction d'un aréna

Remarques : Manque de corroboration de l'information présentée au Conseil du Trésor; signature d'un accord incluant de l'information non réaliste; manque de contrôle du projet.

Explication et observations

6.91 Le 15 août 1983, la Commission signait un accord de subvention de 1 500 000 $ pour défrayer 75 p. 100 du coût de construction d'un aréna. Le reste devait être financé par le promoteur. Le promoteur étant incapable d'assumer sa part du financement, la Commission modifiait l'accord le 29 novembre 1983, sur instruction du ministre régional, et portait la subvention à 2 000 000 $. À cause d'augmentations de coûts et d'ajouts au projet (salles communautaires, piscine semi-olympique, bar, salles d'exercice, saunas), la subvention fut par la suite portée à 4 300 000 $ le 22 mai 1984, puis finalement à 4 900 000 $ le 27 mars 1985.

6.92 Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration approuvait, le 15 juin 1983, une présentation au Conseil du Trésor demandant l'autorisation de financer la construction de l'aréna. Cette présentation stipulait que le coût total de construction prévu de l'aréna était de 1 500 000 $. Selon l'information au dossier, la Commission était au courant, au moment où elle a fait sa présentation au Conseil, que les coûts de construction seraient plus élevés que la somme indiquée. En effet, le bureau régional avait fait parvenir à l'administration centrale, le 9 mai 1983, une estimation détaillée du coût de construction du projet de 1 700 262 $.

6.93 La Commission a signé un accord de subvention prévoyant que le promoteur financerait 500 000 $ alors que le bureau régional avait déjà déterminé que le promoteur n'était pas en mesure de verser cette somme pour la réalisation du projet.

6.94 Notre examen du dossier démontre que la Commission a été entraînée dans un projet dont l'ampleur dépassait de beaucoup la proposition initiale. En effet, alors qu'il ne disposait que d'une subvention approuvée de 1 500 000 $ et d'aucune autre source de financement, selon le dossier, le promoteur signait le 7 juillet 1983 un contrat de 2 629 100 $ avec un entrepreneur en construction. Selon ce contrat, les travaux devaient débuter le 11 juillet 1983 et être exécutés en deux phases, soit la construction de l'aréna et d'une partie du bloc central (1 825 000 $) et le reste du bloc central ainsi que le bloc des salles communautaires (804 000 $).

6.95 À l'automne de 1983, les travaux de construction de l'aréna durent être interrompus à cause de retards dans la livraison des matériaux. Le promoteur supposa que la portion de la subvention de 2 millions de dollars, déjà approuvée par le Conseil du Trésor, mais non encore dépensée pour l'aréna, pouvait être utilisée pour financer la construction des salles communautaires et il débuta ces travaux. Le promoteur se retrouva donc, après avoir entièrement dépensé la subvention de 2 000 000 $, avec un aréna et des salles communautaires non terminés. Ensuite, le Conseil du Trésor approuva les fonds nécessaires pour compléter toutes les phases du projet.

(Les photos ne sont pas disponibles)

6.96 Selon les documents qui figurent au dossier, le député de la circonscription, à l'époque, et certains membres de sa famille auraient joué un rôle actif dans l'initiation et le déroulement du projet. Après son retrait de la vie politique, le député fut nommé président de la corporation et il administre encore aujourd'hui le centre sportif.

Programme de croissance locale de l'emploi

Données de base

6.97 Le Programme de croissance locale de l'emploi (CLE) faisait partie du Programme de création directe d'emplois. En avril 1983, le Cabinet approuvait une nouvelle politique générale en matière de création d'emplois. En vertu de cette politique, 3 des 12 programmes de création d'emplois qui existaient à cette date étaient fusionnés pour former ce nouveau programme. Ce regroupement s'inscrivait à l'intérieur du grand objectif qui était de veiller à la croissance à long terme de l'emploi dans les secteurs affectés par un chômage chronique. Le Programme de CLE était axé vers la création d'emplois permanents dans les localités frappées par un taux de chômage élevé. Ces programmes devaient créer des commerces, des entreprises et des infrastructures dans des petites localités où les possibilités de croissance économique étaient restreintes.

6.98 Les bénéficiaires admissibles au Programme de CLE étaient les organisations qui représentaient les intérêts de la collectivité en matière de développement communautaire et qui étaient établies dans une collectivité comptant habituellement moins de 50 000 habitants. Le programme s'est réalisé au moyen de "sociétés" CLE ou de "projets" CLE.

6.99 Pour ce qui est des sociétés CLE, on versait des contributions et des subventions à des organismes de développement représentant les intérêts de la collectivité afin de leur permettre d'y stimuler la création d'emplois permanents. Ces sociétés offraient des ressources en matière de planification, ainsi qu'un appui technique et professionnel aux entreprises locales. Les sociétés recevaient des contributions afin de défrayer les salaires et les autres coûts de fonctionnement. La CEIC leur octroyait des subventions aux fins de placement sous forme de prêts ou d'apport en capital à des entreprises locales. Les sociétés devaient recouvrer ces prêts et s'en servir pour de nouveaux investissements. Ainsi, le fonds de subventions devait, par l'intermédiaire des sociétés CLE, offrir à la collectivité un fonds de placement sans cesse croissant auquel les entreprises locales pouvaient avoir accès.

6.100 Quant aux projets CLE, il s'agissait de contributions versées à des organismes communautaires, pour leur permettre d'effectuer des projets de trois genres : des projets de planification, qui visaient à analyser la situation actuelle de la collectivité et à établir un plan d'action pour l'avenir; des projets d'entreprise, qui visaient à accroître le nombre d'emplois permanents en mettant sur pied des entreprises; des projets d'infrastructure, qui visaient à établir des installations qui créeraient des emplois permanents dans la localité.

6.101 Les dépenses du Programme de CLE se sont élevées à plus de 188 millions de dollars pendant ses deux ans et demi d'existence. Néanmoins, le Programme de CLE continuera d'exister pendant encore quelques années.

6.102 Nous avons vérifié les modalités, les guides des opérations, ainsi que les processus et contrôles de gestion du Programme de CLE. Nous avons examiné un échantillon de 71 projets et sociétés CLE sur un ensemble de 737 projets et sociétés; cet échantillon comptait pour 36,5 millions de dollars ou 19,4 p. 100 du total versé en vertu du programme. Nous avons effectué notre sélection au hasard, compte tenu des caractéristiques importantes de l'ensemble des projets. Nous avons rencontré huit bénéficiaires du programme.

Évolution du programme

6.103 CLE est un exemple du genre de programme de création d'emplois qui continue d'exister à travers les changements de politiques et de stratégies. En moins de trois ans, la Commission aura à deux reprises annoncé l'introduction de nouveaux programmes de création d'emplois permanents. Ces changements devaient donner au Canada une nouvelle stratégie au titre de la création d'emplois et permettre ainsi de mieux combattre le problème de chômage que connaissait le pays.

6.104 En 1983, trois anciens programmes étaient regroupés pour former les composantes de CLE. En 1985, la Commission annonçait un programme nommé Développement des collectivités. Deux de ses cinq composantes devaient assurer la continuation de certaines parties du Programme de CLE. Les trois autres composantes en étaient aux premières étapes de la conception et de la mise en oeuvre au moment de notre vérification. Ce programme est présentement en voie de mise en oeuvre. Nous donnons à la pièce 6.5 un résumé de l'objectif visé par les programmes antérieurs et par les composantes qui ont suivi le Programme de CLE.

(Cette pièce n'est pas disponible)

6.105 L'introduction des nouveaux programmes se faisait chaque fois à grand renfort de publicité et entraînait des activités de restructuration et de mise en oeuvre onéreuses tant à l'administration centrale que dans les régions de la Commission. Parfois, à cause de ces efforts pour instaurer des changements, les fonds devenaient périmés. Or, selon notre analyse des programmes précédents, sous des dehors neufs, il n'y a pas eu de changement fondamental aux objectifs et aux procédés opérationnels. Il s'agissait davantage d'une présentation différente où trois programmes devenaient les volets d'un autre programme. Deux des volets du Programme de développement des collectivités accusent, par leurs modalités, de fortes ressemblances à deux volets du Programme de CLE.

6.106 Il ressort de notre examen des dossiers qu'une bonne partie des projets et des sociétés CLE avaient participé à un ou deux programmes antérieurs qui visaient également la création d'emplois permanents. Seize des 21 projets CLE et 8 des 18 sociétés CLE examinés avaient reçu des fonds de programmes antérieurs. Par conséquent, plusieurs projets avaient encore les caractéristiques propres aux anciens programmes, par exemple s'adresser surtout à des groupes cibles tels les autochtones. Selon les plans régionaux du programme des dernières années, une partie appréciable du budget était destinée à soutenir d'anciens projets, à cause d'engagements antérieurs. Par exemple, dans les plans de 1985-1986, au Québec et au Nouveau-Brunswick, on consacrait 70 p. 100 du budget à financer le renouvellement de projets et de sociétés; en Saskatchewan, ce chiffre était de 100 p. 100.

6.107 Notre examen des modalités du programme a fait ressortir très peu de changements lors du passage des activités de création d'emplois d'un programme à un autre.

6.108 Toutefois, nous constatons une évolution vers une plus grande souplesse. Les nouvelles composantes de programme exigent moins de contrôles et permettent des conditions plus généreuses dans l'octroi des subventions et des contributions.

6.109 Les seuls changements apportés dans les modalités du programme qui remplace le Programme de CLE ont pour effet de les assouplir et de les rendre financièrement plus généreuses pour les bénéficiaires. Par exemple :

6.110 Toutefois, la Commission nous a informé que les lignes directrices et les contrats contiendront les contrôles nécessaires.

6.111 Nous n'avons vu ni analyse ni évaluation des résultats du programme qui justifieraient la décision d'assouplir les composantes du nouveau programme et de leur affecter plus de fonds qu'auparavant.

6.112 La Commission devrait s'assurer que les changements aux programmes s'appuient sur l'évaluation et l'analyse des résultats obtenus dans les programmes précédents.

Commentaire de la Commission : La CEIC rejette l'analyse sur laquelle s'appuie cette recommandation, à savoir qu'il n'y a eu que des modifications mineures entre le Programme de CLE, les programmes précédents et les programmes subséquents, lesdites modifications ne s'appuyant sur aucune évaluation ni analyse des résultats. La CEIC croit que l'analyse du vérificateur général est particulièrement trompeuse dans son évaluation du Programme de CLE et du programme qui lui a succédé, le Développement des collectivités. On ne précise pas, dans cette analyse, que le Programme de CLE comportait trois éléments très distincts, dont l'un est devenu, sous une forme modifiée, le Développement des collectivités. Les éléments "infrastructure" et "entreprise" ont été abandonnés, tandis que les sociétés CLE, qui fonctionnaient bien, ont été incorporées au Développement des collectivités. Ce dernier programme s'écarte de façon marquée du programme initial quant aux responsabilités locales concernant les différentes options de programme à retenir. Une seule des cinq options du Programme de développement des collectivités, soit les Centres d'aide aux entreprises, modelés sur les sociétés CLE, s'inspire d'un élément du Programme de CLE.

Le coût par emploi créé dans le cadre des projets d'infrastructure et d'entreprise du Programme de CLE était très élevé. Des contrôles et des études suivis ont révélé l'existence d'importants problèmes dont certains sont signalés dans le Rapport du vérificateur général. De plus, une analyse de programmes semblables en vigueur dans d'autres pays a été entreprise et une étude a été effectuée par le groupe de travail Nielsen. Elles en arrivaient toutes aux mêmes conclusions : certains éléments du Programme de CLE n'étaient pas efficaces (entreprise et infrastructure) alors que d'autres étaient très prometteurs (sociétés). Le développement des collectivités est une entreprise difficile et risquée et, lorsque le Programme de CLE a été lancé, la CEIC croyait sensé d'y aller avec les trois volets. Elle croit aussi qu'elle a eu raison d'abandonner deux de ces éléments lorsqu'ils se sont révélés moins efficaces que d'autres éléments du programme.

Création d'emplois : définition opérationnelle

6.113 Le principal objet du Programme de CLE était d'accroître le nombre d'emplois permanents. Même si le programme fournissait des éléments de définition opérationnelle de cet objectif, ces éléments n'étaient pas suffisants pour mettre le programme en oeuvre avec efficacité et rendre compte de ses résultats.

6.114 À plusieurs reprises, les modalités du programme et le guide des opérations mentionnent le caractère permanent que devraient avoir les emplois créés. Par exemple, les subventions aux sociétés de CLE devaient servir uniquement à appuyer les initiatives commerciales susceptibles de créer des emplois permanents à plein temps ou à temps partiel. Le guide insiste sur la création "de débouchés viables à long terme" qui augmentent le nombre "de postes permanents". Le sens de ces termes n'a pas été davantage précisé. Un autre exemple de définitions imprécises est celui où l'on définit comme emplois permanents les emplois qui fournissent du travail à plein temps ou à temps partiel pour des périodes indéterminées ou pour des périodes régulières.

6.115 Le manque de clarté quant à l'objet du programme se manifeste par une définition plutôt vague du terme "emploi permanent". De plus, on ne s'est pas suffisamment attardé à comptabiliser les emplois de ce type. L'analyse des propositions de projets et l'évaluation des résultats s'en sont ressentis.

6.116 Au cours de nos visites dans les régions, nous avons constaté qu'il y avait confusion quant à l'objectif central du programme. Nous avons remarqué que la priorité des gestionnaires du programme n'était pas de financer les propositions sur la base de leurs possibilités de créer des emplois permanents. Par exemple, on ne faisait pas de distinction entre la création ou le maintien d'un emploi, sa nature permanente ou non. On nous a mentionné que les conditions du programme n'exigeaient pas la création directe d'emplois permanents par les projets d'infrastructure. On nous a également mentionné que les gestionnaires n'étaient pas tenus d'effectuer le suivi des emplois permanents créés par de tels projets et que la permanence des postes créés lors de projets de planification n'était pas un objectif.

6.117 Aucun indicateur de rendement mis au point pour le système d'information de gestion ne portait sur le nombre d'emplois permanents créés. Les indicateurs en place portaient sur le nombre de semaines de travail. Même si le nombre de semaines de travail constituait un indicateur utile, des données sur le nombre d'emplois réels créés et sur le nombre de ces emplois qui étaient permanents auraient été plus appropriés au Programme de CLE.

6.118 Les sociétés CLE signalaient à la Commission le nombre d'emplois indirects créés par leur intervention. Nous avons constaté que la CEIC n'était pas en mesure de vérifier la validité de ces renseignements. Son système d'information de gestion ne pouvait pas comptabiliser ces emplois indirects.

6.119 Afin de s'assurer que la mise en oeuvre des programmes de création d'emplois soit axée sur la réalisation de leur objectif premier, la Commission devrait fournir des définitions opérationnelles claires de ce qui constitue la création d'emplois permanents et elle devrait établir des indicateurs de rendement qui renseignent sur le nombre réel d'emplois permanents créés.

Commentaire de la Commission : La CEIC n'accepte pas les prémisses de cette recommandation. La définition des objectifs du Programme de CLE n'a pas été un problème. Le Rapport lui-même, au paragraphe 6.114, donne la définition de l'expression "emplois permanents".

Avec le Programme de CLE, la CEIC essayait d'utiliser trois approches (composantes) entièrement différentes pour atteindre l'objectif de créer des emplois permanents, et ce, dans des localités où sévissait un taux de chômage chronique élevé. Les programmes gouvernementaux devaient créer des emplois directs et indirects. Les emplois créés se répartiraient en emplois à temps partiel et saisonniers et en emplois à plein temps et annuels; la définition de l'expression devait forcément inclure tous ces types d'emplois. La CEIC prévoit améliorer sa façon de mesurer l'incidence directe du Développement des collectivités sur la création d'emplois. Mais elle doit aussi signaler que l'évaluation rigoureuse de la permanence des emplois directs et indirects créés serait très coûteuse et peu pratique parce qu'elle exigerait des enquêtes répétées auprès des détenteurs d'emplois pendant de nombreuses années.

Continuité et autosuffisance

6.120 L'objet du Programme de CLE était de fournir l'aide nécessaire pour créer des débouchés viables et permanents dans les régions à croissance lente. Les divers volets du programme comportaient un thème commun : créer une capacité technique au sein des collectivités pour leur permettre de réaliser des initiatives de création d'emplois et de fonder des entreprises, et fournir des fonds d'appoint aux fins de placement. La continuité et l'autosuffisance étaient également des objectifs implicites dans l'appui accordé aux initiatives et aux entreprises susceptibles d'être viables à long terme. À notre avis, cela supposait aussi que les entreprises deviendraient rentables à un moment donné et n'auraient plus besoin d'injection supplémentaire de deniers publics. L'incapacité d'atteindre le seuil de rentabilité constituerait donc un grave obstacle à la création d'emplois permanents.

6.121 Sociétés CLE. Dans les modalités approuvées par le Conseil du Trésor pour les sociétés CLE, nous relevons que la Commission peut fournir des fonds au moyen de subventions et de contributions pour une durée maximale de cinq ans ou jusqu'à concurrence de 2,1 millions de dollars. Le programme de 1986 prévoit également le financement pour une durée maximale de cinq ans. Les modalités de ce programme permettent la continuation de plusieurs sociétés existantes. La Commission semble d'avis que conserver la même durée de financement devrait permettre aux sociétés de se constituer un portefeuille de placements et de s'établir une clientèle régulière, s'assurant ainsi continuité et autosuffisance.

6.122 Notre examen a révélé que les modalités et le guide des opérations n'abordent pas clairement les questions de la continuation et de l'autosuffisance de ces sociétés au-delà de la période de cinq ans ou de la limite de 2,1 millions de dollars imposée aux subventions et contributions. Voici quelques-unes des questions qui demanderaient des précisions :

6.123 Dans le cadre de notre vérification, nous avons examiné le rendement d'un échantillon de sociétés CLE pour ce qui est de leur aptitude à devenir autosuffisantes. Nous avons noté que sept sociétés sur 18 en étaient à leur cinquième année de fonctionnement et qu'elles avaient chacune reçu des fonds d'au-delà d'un million de dollars de la Commission sous forme de contributions et de subventions. Nous avons également constaté que les sept éprouveraient des difficultés à subsister au-delà la cinquième année sans un financement continu de la Commission ou d'autres sources.

6.124 Projets d'entreprise. Une entreprise "doit démontrer qu'elle deviendra viable et augmentera le nombre d'emplois permanents conformément à un plan communautaire", en fonction des possibilités de réaliser des bénéfices, des prévisions de trésorerie et des recettes projetées. Avant de renouveler le financement pour une autre année, la Commission devait évaluer la viabilité des entreprises.

6.125 Lors de notre vérification de 21 projets d'entreprise, nous avons constaté que neuf d'entre eux n'avaient pas démontré leur viabilité, comme nous l'illustrons à la pièce 6.6.

(Cette pièce n'est pas disponible)

6.126 Nous avons constaté que même au cours des cinq années où ces neuf entreprises avaient bénéficié de contributions, leur viabilité n'était pas assurée. Chaque année, on a dû approuver des contributions supplémentaires à leur intention. Ces approbations reposaient sur des projections et des attentes de la part des bénéficiaires qui n'étaient ni réalistes ni raisonnables. Ces cas démontrent un manque de capacité, au sein de la Commission, d'effectuer des évaluations réalistes des propositions pour le renouvellement des projets d'entreprise. Un comité d'évaluation régional, comprenant des membres de la CEIC et des personnes de l'extérieur, était chargé d'évaluer les propositions de projet. Ce mécanisme n'assurait pas non plus des évaluations réalistes.

6.127 Nous avons constaté que d'importantes sommes d'argent avaient été octroyées à des organisations sans but lucratif qui n'avaient aucune expérience des affaires. Le programme, tel qu'il était conçu, leur permettait de recevoir des fonds pendant cinq ans, ce qui ne les incitait pas à devenir autosuffisantes.

6.128 Projets d'infrastructure. Un projet d'infrastructure devait conduire éventuellement à la création d'emplois permanents avec le début des activités qu'appuierait le projet. Pour réaliser cet objectif, il aurait fallu qu'il existe au préalable des garanties de la viabilité du projet au moment de sa mise en exploitation, à savoir que le secteur public ou le secteur privé comptait utiliser les installations pour créer des emplois permanents. Toutefois, il n'existait pas de critères d'admissibilité exigeant de telles assurances. Nous n'avons pas trouvé de preuve de suivi ou d'évaluation portant sur la survie du projet ou sur la création d'emplois permanents lorsque cessait le financement des projets d'infrastructure.

6.129 Causes des problèmes. Nous attribuons les problèmes cités plus haut à trois grandes lacunes qui compromettaient la réalisation de l'autosuffisance des projets et des sociétés : la faiblesse du processus d'évaluation et de sélection des projets, la mauvaise gestion des projets par les bénéficiaires et le manque de connaissances préalables des agents de programme. Voici certains exemples des problèmes relevés :

6.130 La Commission devrait préciser ses exigences en ce qui concerne :

Commentaire de la Commission : En ce qui concerne le premier point de la recommandation, la CEIC tient à préciser qu'elle n'entreprend plus de projets d'entreprise (financement direct de projets commerciaux) et que, dans le cas des projets déjà en marche, elle travaille actuellement à préciser les normes qui serviront à mesurer les progrès réalisés par les entreprises en matière d'autosuffisance. Ainsi, les projets seront liés à des objectifs de rendement plus précis. Les décisions que prendra la CEIC, pour ce qui est de cesser ou de continuer de financer des projets, deviendront plus objectives.

En lançant le Développement des collectivités, la CEIC a précisé la durée du financement des Centres d'aide aux entreprises et des sociétés CLE existantes. En vertu du Développement des collectivités, par exemple, un Centre d'aide aux entreprises peut être financé pendant une période maximale de 5 ans, sous réserve d'une étude et d'une approbation annuelles, après quoi le financement par le fédéral cessera.

On s'attend à ce que, durant cette période, la collectivité détermine l'importance des avantages que le Centre d'aide aux entreprises lui a apportés et continue d'exploiter le centre à partir d'autres sources de financement. La CEIC estime que le maintien du service est une question d'initiative locale. Que le centre maintienne le même nombre de services, l'augmente ou le diminue dépendra largement de l'intérêt manifesté par la collectivité.

Quant au deuxième point, l'entente de la CEIC exigera, comme avant, que le centre soit constitué en société sans but lucratif. Cette exigence a pour effet de s'assurer qu'advenant une liquidation, l'actif de la société ne puisse pas être transféré à des particuliers. Il doit être transmis à une autre société sans but lucratif. Néanmoins, la CEIC reverra comment un centre doit utiliser les subventions à la fin de l'entente.

La CEIC aimerait faire observer que le développement communautaire entrepris aux termes du Programme de CLE est une entreprise risquée. Cette assertion s'appuie sur l'expérience d'autres pays et sur celle du secteur privé au Canada en ce qui a trait au contrôle des projets nouveaux. Il n'y a pas de formule simple qui permette de mesurer l'autosuffisance des projets.

Surveillance et suivi

6.131 Les modalités d'application du Programme de CLE, approuvées par le Conseil du Trésor, constituent la base pour le contrôle et le suivi des contributions et subventions versées. À la suite d'une observation du vérificateur général dans son Rapport annuel de 1983 au sujet du manque de contrôle financier dans trois programmes de création d'emplois, dont CLE, la Commission a publié en septembre 1985 un guide national sur le contrôle des accords de subventions et de contributions.

6.132 Pour l'ensemble des projets et des sociétés examinés, la Commission avait effectivement mené des activités de contrôle. Les propositions étaient bien préparées. La Commission avait généralement obtenu les autorisations nécessaires. Elle avait respecté les limites permises au titre des contributions et des subventions ainsi que les modalités de paiement.

6.133 Notre vérification nous a permis de relever certains cas de non-observation au sujet des états financiers, des visites de contrôle financier, du contrôle des dépenses et des recettes, et des projets bénéficiant de financement d'autres sources :

6.134 La Commission devrait se conformer aux exigences qu'elle s'est imposée en matière de contrôle et de suivi et s'assurer de contrôler les résultats que donne sa contribution dans les projets qui bénéficient d'autres sources de financement.

Commentaire de la Commission : La CEIC examinera la mesure dans laquelle elle respecte les exigences qu'elle s'est imposées en matière de contrôle et de suivi des projets. Il y a eu des erreurs et les exigences n'ont peut-être pas toujours été suivies uniformément dans l'ensemble de la vaste organisation décentralisée qu'est la CEIC.

Pour ce qui est du second point, la CEIC rembourse sous forme de contribution certaines dépenses précises inscrites au budget des projets. En vertu du Développement des collectivités, on accordera encore plus d'importance au partage des responsabilités pour le développement local et il faut, à tout le moins, que l'information sur les programmes indique clairement les activités des partenaires de la CEIC.

Cas no 5 - Fabrication de cercueils

(La photo n'est pas disponible)

Remarques : Manque d'analyse technique et financière quant à la viabilité de l'entreprise lors de l'évaluation de la proposition; manque de capacité technique pour dépister et corriger les problèmes d'ordre financier, de production et de mise en marché; objectifs en matière de création d'emplois permanents non réalisés.

Explication et observations

6.135 En 1982, une organisation recevait une contribution de 21 073 $ afin d'effectuer une étude sur l'opportunité de créer une entreprise. Cette étude allait conduire à la création d'une compagnie de fabrication de cercueils en fibre de verre. Selon un accord couvrant l'exercice 1983-1984, la CEIC allait fournir un financement jusqu'à concurrence de 213 000 $. En réalité, le démarrage du projet se fit de façon boiteuse et la CEIC versa une contribution de 7 000 $ seulement.

6.136 Au cours d'une période de quatre ans, la Commission a versé 395 976 $ à cette compagnie à partir de trois programmes différents et de sa réserve ministérielle.

6.137 L'objectif des projets d'entreprise est de créer des entreprises susceptibles de devenir viables et, partant, de créer des emplois permanents.

6.138 À la lumière des données au dossier, il y a lieu de mettre en doute la qualité de l'évaluation initiale et des évaluations annuelles des propositions du projet, aussi bien sur le plan financier que sur le plan du potentiel de viabilité d'une telle entreprise dans un secteur essentiellement traditionnel.

6.139 En 1984-1985, la première année de fonctionnement réel, la CEIC versa 197 292 $. On avait prévu des ventes de 49 910 $ et le promoteur devait investir 51 250 $ dans le projet. Or, la seule recette enregistrée au cours de l'année fut un revenu d'intérêt de 5 689 $. L'entreprise a connu toutes sortes de difficultés de production et de mise en marché.

6.140 En janvier 1985, les représentants de la Commission reconnaissaient que le projet éprouvait de graves problèmes financiers. Néanmoins, la compagnie présenta une proposition de financement pour une période supplémentaire et on retrouve dans le procès-verbal du Comité régional d'évaluation, en date du 27 février 1985, (traduction) "Le Comité régional d'évaluation, en examinant la proposition, ne s'est pas dit inquiet et a recommandé le financement de (nom de la compagnie) pour une deuxième année". La CEIC accorda une contribution supplémentaire de 132 036 $. Les gestionnaires de programme de la région exigèrent toutefois des analyses mensuelles du budget, ainsi que des rapports sur les activités de vente. Au dossier, nous avons retrouvé un seul rapport de ventes, pour avril 1985. L'accord stipulait que les dépenses, d'un total de 403 024 $, seraient en partie défrayées grâce à des ventes de 256 320 $. Cependant, la compagnie n'a vendu qu'un seul cercueil ... 400 $. La Commission a déclaré le projet non viable en juin 1985 et a cessé ses contributions en janvier 1986.

6.141 Au moment de notre visite au promoteur, au début de 1986, il restait seulement deux employés sur les 10 emplois permanents que l'entreprise devait créer.

Programme national de formation en établissement

Introduction

6.142 Depuis cinq ans, le Programme national de formation en établissement est le plus important programme de la CEIC après le Compte d'assurance-chômage. Plus de 200 000 Canadiens suivent chaque année des cours de formation des adultes grâce aux cours de formation achetés par le gouvernement fédéral auprès des écoles provinciales de formation professionnelle, des collèges et des instituts techniques. Il arrive souvent que les stagiaires reçoivent une allocation pendant leur formation à plein temps ou à temps partiel. Les participants peuvent suivre divers cours, notamment des cours de formation professionnelle (p. ex. : soudure, secrétariat, cuisine), de formation linguistique, de perfectionnement en mathématiques, en sciences et en communication, de formation préparatoire au travail, ou d'apprentissage.

6.143 En 1985-1986, 151 000 Canadiens ont participé à plein temps au Programme national de formation en établissement alors que 55 000 y ont participé à temps partiel. Environ 14 millions de jours de formation ont été achetés au coût de 521 042 000 $. Cette somme représente 56,5 p. 100 des crédits relatifs au programme; le reste est formé des sommes versées aux bénéficiaires, soit sous forme d'allocations de formation (153 623 000 $), de prestations d'assurance-chômage versées en vertu de l'article 39 de la Loi sur l'assurance-chômage (234 800 000 $) ou d'indemnités de déplacement (12 177 000 $).

(Les photos ne sont pas disponibles)

Situation actuelle

6.144 Depuis le 1er avril 1986, le Programme national de formation en établissement n'existe plus comme tel; la formation en établissement fait désormais partie intégrante du Programme de planification de l'emploi. Il faudra conclure de nouvelles ententes avec les provinces afin de préciser cette intégration. Les ententes, conclues en 1982 entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires en vertu de la Loi nationale sur la formation, devaient expirer en mars 1985, mais elles ont été prolongées jusqu'à la fin de mars 1986.

Étendue de la vérification

6.145 Nous avons vérifié le Programme national de formation en établissement, énoncé dans la Loi nationale sur la formation, pour les 10 provinces canadiennes. Nous avons examiné, plus précisément :

6.146 Nous avons demandé à la Commission d'organiser des rencontres avec des représentants des gouvernements provinciaux. Nous en avons eu avec toutes les provinces sauf le Québec et la Colombie-Britannique, car de nouveaux accords étaient en cours de négociation avec ces deux provinces.

6.147 Lorsque nous avons examiné la façon de procéder pour choisir les stagiaires en vertu du programme et pour verser les allocations aux stagiaires admissibles, nous avons surtout étudié la question du soutien du revenu. En Nouvelle-Écosse, au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, nous avons visité les administrations régionales de la CEIC, et trois Centres d'emploi du Canada qui se consacrent à la formation.

Objectifs du programme

6.148 Conformément aux objectifs énoncés dans la Loi nationale sur la formation, le programme a pour but d'assurer une "formation professionnelle qui favorise l'adaptation des qualifications professionnelles de la population active aux besoins et à l'évolution de l'économie et augmente les chances d'emploi ou de rémunération." La Commission tient compte de ces objectifs lorsqu'elle achète des cours de formation. Les décisions d'achat sont cependant prises conjointement par les représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, par l'intermédiaire de divers comités mixtes.

6.149 Dans ses rapports, la Commission fait plus particulièrement état du taux de réussite de son programme dans le contexte de la formation professionnelle, puisque ce type de formation est directement lié aux objectifs du programme. En 1984-1985, 37 p. 100 des stagiaires à plein temps ont reçu une formation professionnelle et 30 p. 100 ont reçu une formation en apprentissage. Quant aux autres stagiaires, ils ont suivi des cours de formation générale, de formation linguistique et d'orientation professionnelle.

6.150 Nous avons constaté que les mesures utilisées par la Commission comportaient certaines limites (voir la section intitulée Évaluation du programme). Les résultats ci-après, obtenus en 1984-1985, alors que le taux de chômage était élevé, dénotent quelques difficultés à atteindre les objectifs.

6.151 La Loi nationale sur la formation précise les objectifs du programme au palier fédéral; cependant, le programme exige la collaboration des provinces et des territoires, conformément aux douze accords bilatéraux conclus en vertu de la loi. Ces accords stipulent qu'un montant garanti sera affecté à la formation, peu importe les besoins du marché du travail, limitent la quantité de cours qui peuvent être achetés auprès d'établissements privés et précisent que toutes les décisions relatives au programme doivent être prises par consensus du gouvernement fédéral et de chaque gouvernement provincial ou administration territoriale.

6.152 Bien que les gouvernements provinciaux partagent les objectifs de la Commission pour ce qui est de répondre aux besoins du marché du travail et d'augmenter les chances individuelles d'emploi et de rémunération, ils ont également comme objectif d'offrir un programme stable et permanent de formation en établissement. Pour assurer le financement de ces structures de formation, les gouvernements provinciaux et les administrations territoriales se fient de plus en plus sur les achats de cours par le gouvernement fédéral. On estime les achats de cours par le fédéral à environ un quart des coûts de fonctionnement des collèges communautaires et des établissements de formation professionnelle.

Planification et répartition des ressources budgétaires

6.153 Conformément aux accords bilatéraux, la planification et l'achat de cours doivent faire l'objet d'un consensus entre les parties en cause. Notre vérification a permis d'examiner le processus fédéral de planification et de répartition des ressources budgétaires dans le cadre des accords conclus avec les provinces.

6.154 Dans toutes les régions, nous avons constaté que l'analyse du marché du travail et le taux de réussite des anciens participants servaient, dans une certaine mesure, à sélectionner les cours à acheter. Toutefois, on n'a pas évalué l'utilité ou l'incidence de ces données sur les achats de cours.

6.155 Nous avons relevé un certain nombre de facteurs, dont il est question ci-après, qui compliquent la tâche de s'assurer que les fonds qui sont utilisés pour l'achat de cours le sont à bon escient. C'est le cas, notamment, de la méthode de répartition des ressources budgétaires, de l'incidence des promesses d'achat sur les budgets de l'année courante, ainsi que de l'absence de directives claires et cohérentes de l'administration centrale concernant l'achat de cours reliés aux professions d'importance nationale.

6.156 Répartition des ressources budgétaires. Nous avons examiné le processus employé en 1985-1986 pour répartir les ressources budgétaires afin de déterminer dans quelle mesure on a tenu compte des objectifs du programme lors de cette répartition. Or, nous avons constaté que la garantie de verser un minimum de 90 p. 100 de l'allocation de l'année précédente, prévue dans les accords conclus avec les provinces, constituait le plus important facteur à influer sur la répartition des ressources budgétaires. La Commission exerce un pouvoir discrétionnaire uniquement pour la répartition de fonds au-delà du minimum garanti. Le montant de cet excédent est indiqué ci-après.

1982-1983 1983-1984 1984-1985 1985-1986
Ressources (en millions de dollars) 490,2 523,9 522,2 522,5
Pourcentage au-dessus du montant garanti 8,8 7,6 7,9 9,6

6.157 La Commission a établi une série de critères, fondés sur le rendement, en vue de répartir les fonds entre les provinces et les territoires pour 1984-1985 et 1985-1986. Bien que ces critères aient été appliqués lors de la répartition des ressources budgétaires en 1984-1985, en 1985-1986, ils n'ont pas été utilisés de la façon indiquée aux gestionnaires. Par suite de décisions prises par des sources externes, l'allocation a permis aux provinces d'obtenir un montant au moins égal à leurs crédits de base pour 1984-1985. En fait, la méthode de répartition employée en 1985-1986 consistait à prendre des fonds, 13,5 millions de dollars environ, aux provinces qui avaient respecté les critères en matière de rendement pour les remettre aux provinces qui ne les avaient pas respectés.

6.158 Incidence des promesses d'achat sur les budgets de l'année courante. Dans certaines régions, les sommes consacrées chaque année aux achats sont fonction des "obligations morales" que croient avoir les gestionnaires de programmes d'acheter des cours auprès des établissements de formation qui ont été financés par la Caisse d'accroissement des compétences professionnelles. Cette Caisse était un programme distinct, régi par la Loi nationale sur la formation, visant à assurer la construction de locaux et l'achat de matériel pour la formation liée aux professions d'importance nationale. Il n'y avait aucune obligation légale d'acheter des cours auprès des établissements qui avaient déjà bénéficié de subventions si ces établissements ne respectaient pas les critères du programme de formation.

6.159 Nous avons constaté que les écarts les plus importants entre les besoins du marché du travail et les achats de cours étaient liés aux achats effectués auprès de certains établissements établis en vertu de la Caisse d'accroissement des compétences professionnelles entre 1982 et 1985. Nous avons relevé un certain nombre de cas où la formation n'était plus nécessaire dans des professions où il y avait toutefois eu auparavant une pénurie de travailleurs. Dans d'autres cas, une formation semblable à celle offerte pouvait être obtenue auprès d'autres établissements, à un coût moindre. Dans ces cas, les achats se poursuivaient en raison d'un engagement moral envers les établissements en question. Vous trouverez quelques exemples dans les paragraphes qui suivent.

Prix par jour
en 1985-1986

Établissement financé par
la Caisse d'accroissement des
compétences professionnelles

Établissement
provincial
comparable

Colombie-Britannique 120 $ 52 $
Saskatchewan 200 $ 55 $
Manitoba 70 $ 41 $

6.160 En Colombie-Britannique, un centre de formation était financé par la Caisse d'accroissement des compétences professionnelles sous forme d'entreprise privée à but non lucratif, afin d'offrir des cours spécialisés en métallurgie. Or, en raison de changements dans l'économie et dans l'industrie, ces cours ne sont plus offerts. Le centre continue cependant d'exister, et il offre des cours que d'autres établissements donnent à un coût inférieur.

6.161 En Saskatchewan, un institut de formation technique a été constitué en société sans but lucratif et a reçu de l'aide financière de diverses sources fédérales, notamment la Caisse d'accroissement des compétences professionnelles (2 millions de dollars) et le Programme de subventions et contributions pour la création d'emplois (115 000 $). Cet institut, établi par des autochtones, avait pour but de former des autochtones dans les secteurs du pétrole et du gaz. Or, la demande de travailleurs dans ce domaine a baissé considérablement. En raison des coûts liés à l'élaboration des cours, le coût de la formation offerte par l'institut en 1985-1986 correspondait à près de quatre fois le coût d'une formation semblable dans un autre établissement. Selon les prévisions pour 1986-1987, les coûts devraient alors s'établir à deux fois ceux des autres institutions.

6.162 Au Manitoba, on a fondé un centre de formation technique par le biais de la Caisse d'accroissement des compétences professionnelles. La formation y est assurée par une entreprise privée, mais elle est administrée par la province. Le centre a été créé en vue de répondre aux besoins prévus en matière de formation en informatique. Or, les besoins à ce chapitre ont changé, d'où une formation qui coûte 29 $ de plus par jour que toute autre formation semblable offerte par d'autres établissements provinciaux.

6.163 Dans certaines régions, nous avons constaté que le fait de respecter ces "obligations morales" donnait lieu à des achats peu économiques et réduisait les achats qui auraient pu être faits par ailleurs pour répondre aux besoins courants du marché du travail.

6.164 La Commission devrait s'assurer que l'achat des cours respecte les critères courants en matière d'achats, et que l'impression d'obligations morales ne donne pas lieu à des achats qui ne respectent pas ces critères.

Commentaire de la Commission : La Commission est d'accord avec l'esprit de cette recommandation. En vertu du Programme de planification de l'emploi, le problème des obligations morales présumées sera résolu puisqu'il n'est pas prévu d'aide en capital semblable à celle que procurait la Caisse d'accroissement des compétences professionnelles.

Il convient toutefois de souligner que l'égalité d'accès à la formation pour les membres des groupes cibles fait partie des critères d'achat actuels et que les "obligations morales" sont souvent, en réalité, une simple question d'équité. Des mesures transitoires seront prises jusqu'à la fin de l'exercice 1986-1987 pour permettre aux établissements de s'adapter, mais on se conformera désormais aux critères applicables aux programmes de Planification de l'emploi, notamment au critère d'égalité des chances.

6.165 Absence de directives claires et cohérentes venant de l'administration centrale. Les décisions d'achat de cours particuliers sont régies par la répartition des ressources budgétaires, le processus fédéral-provincial de détermination des besoins en formation, et les instructions fournies par l'administration centrale aux gestionnaires de programmes en vue des négociations. D'après la Loi nationale sur la formation, une profession d'importance nationale est une profession où l'on s'attend à une pénurie de main-d'oeuvre suffisamment grave pour justifier une intervention spéciale. En 1984-1985, 27 p. 100 des stagiaires en formation professionnelle suivaient des cours reliés à des professions d'importance nationale.

6.166 La liste initiale, dressée en 1982-1983, faisait état de 47 professions d'importance nationale. L'administration centrale n'a jamais fixé d'objectif précis quant au nombre de stagiaires devant recevoir une formation liée à ces professions, mais elle encourage l'achat de ce type de cours de formation par le processus de répartition des ressources budgétaires.

6.167 Les gestionnaires régionaux de la CEIC ne perçoivent pas tous de la même façon le rôle de la liste dans l'achat des cours de formation professionnelle. Au Québec, par exemple, la liste ne constituait qu'un élément dans les décisions d'achat; en Ontario, le comité mixte a établi un objectif régional précis. La liste a été utilisée différemment dans chaque région, d'où les différences au niveau des achats de cours, et ce malgré la priorité qu'on lui accordait.

6.168 Jusqu'en mars 1984, la liste des professions d'importance nationale était distribuée aux régions au début de chaque exercice, alors que la planification annuelle venait de prendre fin. En conséquence, il était impossible d'en tenir compte pour les achats de l'année en cours. En 1985-1986, les gestionnaires régionaux de la CEIC n'étaient pas sûrs de la validité de la liste des professions d'importance nationale qu'on leur avait distribuée puisqu'il s'agissait d'une liste préliminaire apportant des révisions à la liste de 1984-1985. Les régions n'ont pas reçu de liste finale, dûment approuvée.

6.169 La liste des professions d'importance nationale, susceptibles d'être frappées d'une pénurie suffisamment grave pour justifier des programmes spéciaux de formation, devrait être mise à jour, dûment approuvée et distribuée à temps pour être utilisée au moment de la planification des achats. La Commission devrait donner aux gestionnaires des instructions claires et précises quant à l'utilisation de cette liste.

Commentaire de la Commission : La CEIC met déjà en oeuvre l'essentiel de cette recommandation dans les nouvelles procédures liées au Programme de planification de l'emploi. Le nouveau processus est axé sur la désignation de professions d'importance régionale.

Négociation du prix des cours et paiements aux provinces

6.170 Les accords de formation précisent les méthodes d'administration des programmes, y compris la méthode de paiement et la négociation annuelle du prix des cours et des frais d'administration. Par négociation, le gouvernement fédéral essaie d'acheter le plus grand nombre de jours de formation possible pour répondre aux objectifs du programme de la Commission, et de s'assurer que les prix fixés par le gouvernement provincial concerné sont raisonnables, que seuls les frais admissibles sont inclus, et qu'il obtient un bon rapport qualité-prix.

6.171 Les provinces et les territoires sont tenus de présenter, dans un délai de 12 à 18 mois après la fin de chaque exercice, des états financiers certifiés sur lesquels sont fondées les négociations ultérieures des prix et qui, dans certaines provinces, permettent également d'ajuster les paiements insuffisants ou de recouvrer les paiements en trop.

Négociation du prix des cours

6.172 Les accords de formation prévoient le versement, aux provinces et aux territoires, d'un montant aussi près que possible du coût réel du cours, soit par une certification des coûts, soit par la négociation d'un prix fixe. Comme plus de 90 p. 100 des fonds sont garantis par les accords, et comme les cours sont achetés presque exclusivement auprès des gouvernements provinciaux, le paiement du coût réel des cours n'incite pas les provinces et les territoires à offrir des cours à meilleur prix. Les gestionnaires régionaux n'analysent pas systématiquement les autres options possibles.

6.173 Dans notre Rapport de 1978 (paragraphe 14.37), nous recommandions à la Commission de resserrer son processus de négociation sur les prix des cours en obtenant des renseignements plus appropriés sur les frais et en renforçant les compétences financières des équipes de négociation. En 1980, en vertu de la Loi sur la formation professionnelle des adultes, la Commission établissait des lignes directrices concernant la négociation annuelle des prix et demandait aux agents régionaux des finances de participer plus activement aux négociations, conformément aux lignes directrices énoncées dans le Guide d'administration financière de la Commission. Les accords conclus en 1982 en vertu de la Loi nationale sur la formation stipulaient que les provinces devaient fournir des données pertinentes sur les prix ainsi que des documents de planification à la Commission.

6.174 Les lignes directrices élaborées en 1980, en vertu de la Loi sur la formation professionnelle des adultes, n'ont pas été mises à jour. En outre, elles n'ont pas été respectées par toutes les régions. Ainsi, à Terre-Neuve, au Québec et en Colombie-Britannique, on se contentait de vérifier si l'augmentation de prix demandée par la province semblait raisonnable. De plus, les bureaux régionaux ne disposaient d'aucun renseignement sur les prix approximatifs ni sur les éléments qui composaient ces coûts et dont ils auraient pu se servir comme points de repère pour déterminer si les prix fixés par les provinces étaient raisonnables.

6.175 La Commission devrait mettre à jour et faire respecter ses lignes directrices sur la négociation des prix et l'administration des accords conclus entre le gouvernement fédéral et les provinces en matière de formation.

Commentaire de la Commission : La Commission prévoit mettre à jour ses lignes directrices, compte tenu surtout des nouveaux accords en voie de négociation.

6.176 La Commission devrait inclure dans ses lignes directrices des données- repères sur les prix pour chaque catégorie de cours de formation, afin de permettre aux bureaux régionaux de déterminer si les prix fixés par les provinces sont raisonnables.

Commentaire de la Commission : La Commission s'est abstenue de fixer des repères pour négocier le prix des cours avec les provinces à cause des différences d'une province à l'autre et du fait que les accords de formation reconnaissent que les éléments qui composent les coûts inhérents aux cours offerts relèvent des provinces. La grande diversité des méthodes pédagogiques, des brevets d'enseignement, des charges d'enseignement, etc. empêchent pratiquement la normalisation sur le plan national. Toutefois, des statistiques sur le coût réel des cours, par type de formation dans chaque région, sont transmises à tous les bureaux régionaux. La CEIC tendra plutôt, graduellement, à distribuer un pourcentage accru de fonds destinés à la formation en établissement, par l'intermédiaire de parrains de projets et d'intervenants du secteur privé, afin de mieux laisser les forces du marché jouer librement sur l'achat des cours.

Non-conformité aux accords de formation

6.177 Nous avons relevé des cas où la Commission et les provinces n'ont pas respecté les accords de formation. Dans un cas, notamment, la Commission a omis de respecter le délai convenu pour informer les provinces de la répartition annuelle des ressources budgétaires de l'exercice suivant. La CEIC a également, avant l'exercice 1985-1986, effectué des ajustements à partir de certifications de coûts qui ne suivaient pas les méthodes précisées dans les accords conclus avec la Colombie-Britannique, l'île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan. Dans d'autres cas, les paiements dépassaient les plafonds fixés ou portaient sur des achats dont les taux n'avaient pas été approuvés.

6.178 Réception de la certification des coûts. Dans notre Rapport de 1978 (paragraphe 14.161), nous faisions remarquer que la certification des coûts "...arrive parfois avec des retards importants..." et que, dans certaines provinces, les coûts n'étaient pas toujours certifiés par un vérificateur indépendant. La situation ne s'est guère améliorée depuis. Dans plusieurs cas, la Commission n'a rien pour s'assurer de l'exactitude et de l'admissibilité des coûts que demandent les provinces.

6.179 La Commission devrait veiller à se conformer aux accords de formation conclus avec les provinces.

Commentaire de la Commission : Bien qu'elle reconnaisse ne pas s'être entièrement conformée à tous les détails de chaque accord de formation, la CEIC croit néanmoins que l'incidence d'un tel manque de conformité est négligeable. Certaines modalités qui ont entraîné des dérogations aux méthodes convenues ont été retirées du modèle d'accord en voie de négociation. En règle générale, les nouveaux accords sont plus courts et plus simples que les anciens. À partir de 1986-1987, les prix des cours seront fermes et définitifs dans toutes les provinces (territoires), ce qui élimine en grande partie l'utilité de la certification des coûts.

Procédés pour mesurer l'efficacité du programme et en faire rapport

6.180 Nous avons examiné les systèmes en place pour mesurer de façon continue et périodique l'efficacité du Programme national de formation en établissement.

Mesure continue de l'efficacité du programme

6.181 Divers indicateurs de rendement sont utilisés régulièrement, par le biais du système des rapports de gestion. Parmi ceux-ci, mentionnons le nombre de jours de formation, le nombre de stagiaires pour les divers types de formation, le nombre de cours achetés pour la formation dans des professions d'importance nationale, et le suivi effectué auprès des stagiaires 90 jours après la fin de leur formation. Ce suivi constitue l'une des principales mesures de l'efficacité quant à l'intégration des stagiaires au marché du travail, et la Commission s'en sert pour rédiger ses rapports internes, ses rapports au Parlement, planifier les achats de cours et répartir ses ressources budgétaires.

6.182 Les gestionnaires de programmes, surtout dans les provinces, estiment que le suivi est effectué trop tôt pour permettre de bien mesurer les résultats. Selon une évaluation de programme de la Commission, le suivi après 90 jours ne permet pas de bien prédire le taux de réussite à long terme. Les évaluateurs ont constaté que, pour les mêmes participants, le suivi après 90 jours avait très peu de liens avec les résultats du sondage effectué pour l'évaluation environ 16 mois après la fin des cours.

6.183 Il faudrait améliorer les indicateurs de rendement, ou retarder le suivi, pour mieux mesurer les résultats en terme d'emploi à long terme des stagiaires. Cela est d'autant plus important que les indicateurs servent à prendre des décisions relativement aux achats de cours et à la répartition du budget.

6.184 Pour mesurer de façon continue l'efficacité du programme, la Commission devrait envisager de retarder le suivi effectué après la formation afin de mieux évaluer l'expérience sur le marché du travail.

Commentaire de la Commission : La CEIC préférerait deux suivis à l'approche recommandée : un à court terme et l'autre à long terme. Certaines des critiques à l'égard du suivi après 90 jours sont valables, mais ce sondage constitue toujours un outil indispensable pour les décisions prises plutôt à court terme. Un sondage effectué après une longue période ne fait que retarder les réponses. Un suivi après douze mois a été effectué dans le passé pour enrichir les renseignements fournis par les contrôles à court terme et il deviendra partie courante du suivi des résultats des programmes de la Planification de l'emploi. Il en résultera une méthode complète de contrôle qui sera sans précédent au Canada.

Évaluation du programme

6.185 Le Programme national de formation en établissement a fait l'objet de trois évaluations au cours des quatre dernières années. Deux de ces évaluations étaient fondées sur un échantillon de stagiaires ayant reçu une formation en 1978-1979 en vertu de la Loi sur la formation professionnelle des adultes, alors que la troisième était fondée sur un échantillon de stagiaires ayant reçu une formation en 1983-1984, principalement en vertu de la Loi nationale sur la formation. Nous avons examiné la plus récente évaluation, fondée sur une enquête menée auprès de stagiaires 16 mois après la fin de leur formation. Cette évaluation avait pour but de mettre à jour et de compléter les évaluations antérieures.

6.186 Les évaluateurs ont surtout cherché à savoir si les objectifs de la Commission étaient atteints à l'échelle nationale. Dans ses lignes directrices, le Conseil du Trésor recommande l'examen de toutes les questions pouvant être soumises à une évaluation avant de définir le domaine d'évaluation. Cependant, l'étendue de l'évaluation a été établie sans détermination préalable de toutes les conséquences, prévues ou non, que le programme pouvait avoir. Par exemple, on aurait pu mesurer l'économie attribuable à la formation en termes de prestations d'assurance-chômage. Par ailleurs, comme l'évaluation a été entreprise peu après l'adoption de la Loi nationale sur la formation, on aurait pu établir ou analyser les liens entre les objectifs prévus par cette loi et d'autres objectifs du programme, notamment les objectifs énoncés dans les accords de formation.

6.187 Les gestionnaires de programme au niveau des provinces estiment que l'évaluation n'a pas tenu compte de leurs objectifs, soit mettre sur pied des établissements de formation professionnelle stables et fournir une population active mieux formée. Ces objectifs provinciaux, qui ont joué dans bon nombre d'achats de cours prévus dans les accords, n'étaient pas inclus à titre de questions d'évaluation.

6.188 La réalisation du programme est fondée sur la collaboration fédérale-provinciale. L'étendue de l'évaluation, fondée sur l'examen des objectifs fédéraux, n'a pas englobé pleinement toutes les activités qui sont décrites dans les accords et qui se déroulent chaque jour dans les régions.

6.189 Les conclusions de l'évaluation s'appliquent généralement à tous les stagiaires au pays. Le rapport n'indique pas s'il y a des exceptions en ce qui concerne les principales constatations. Ainsi, l'examen des professions pour lesquelles il y a surplus de main-d'oeuvre est fondé uniquement sur les résultats pour l'ensemble du Canada et ne tient pas compte des données régionales sur la population active. L'analyse est également fondée sur des classifications générales qui peuvent comprendre à la fois des professions en demande et d'autres où il y a surplus. De même, la conclusion voulant que la formation n'ait amené aucune amélioration marquée des possibilités d'emploi ou de la rémunération s'applique en règle générale à tous les programmes de formation offerts. L'analyse contenue dans le rapport ne cherche pas à isoler l'incidence de la formation en établissement pour divers groupes de stagiaires, dans chaque province, susceptibles d'avoir bénéficié de leur participation au programme.

6.190 La CEIC devrait veiller à ce que les prochaines évaluations du programme soient suffisamment générales pour inclure un examen des objectifs du programme, un relevé complet des résultats du programme et une analyse qui fasse ressortir les différences régionales.

Commentaire de la Commission : La CEIC convient qu'une évaluation idéale devrait être à la fois générale et précise pourvu qu'elle permette de mieux comprendre les faiblesses et les points forts des programmes, qu'elle indique les mesures correctives à prendre de façon raisonnablement concluante et qu'elle le fasse en justifiant le coût du processus. La CEIC s'est engagée à cet égard et tiendra compte des recommandations des vérificateurs pour améliorer le processus. À son avis, la récente évaluation est un excellent exemple d'une approche qui a été complète et suffisamment ponctuelle pour faire une différence. Les résultats de l'évaluation ont influencé le nouvel accord.

Sélection des stagiaires et versement des allocations

6.191 En 1984-1985, 95 p. 100 des stagiaires en formation à plein temps ont reçu un soutien de revenu sous forme d'allocations de formation ou de prestations d'assurance-chômage. Les dépenses totales à ce chapitre ont été de 345 millions de dollars.

Soutien de revenu

Stagiaires à plein temps

1984-1985

Nombre initial de stagiaires
Nombre de stagiaires bénéficiant d'un soutien de revenu

153 646
146 213

Prestations d'assurance-chômage versées aux stagiaires
Allocations de formation versées aux stagiaires

227,2 millions de dollars
117,8 millions de dollars

Soutien de revenu - Total 345 millions de dollars

6.192 Ce sont les conseillers des Centres d'emploi du Canada (CEC) qui choisissent tous les stagiaires sauf les apprentis, ces derniers étant choisis par les provinces. Presque tous les stagiaires à plein temps sont admissibles à un soutien de revenu pendant leur formation, que ce soit en vertu de la Loi nationale sur la formation ou de la Loi sur l'assurance-chômage. Depuis septembre 1985, les stagiaires à temps partiel qui reçoivent plus de 10 heures de formation par semaine sont également admissibles à un soutien de revenu.

Observation des critères fixés pour la sélection des stagiaires

6.193 Nous avons examiné le processus en place pour contrôler les décisions des conseillers en ce qui concerne la sélection des stagiaires, ainsi que les dossiers des stagiaires, afin de déterminer si les critères d'admissibilité énoncés dans la Loi nationale sur la formation étaient respectés. D'après ces critères, les candidats choisis doivent être des adultes qui ont quitté l'école depuis au moins 12 mois, et le cours choisi doit répondre aux besoins du stagiaire et lui permettre éventuellement d'augmenter ses chances d'emploi et sa rémunération.

6.194 Nous avons constaté qu'on appliquait généralement des méthodes de contrôle élaborées par les régions et que l'on cherchait à améliorer le contrôle. Les conseillers sont au courant des critères d'admissibilité énoncés dans la Loi nationale sur la formation et, dans l'ensemble, ils les comprenaient bien et les appliquaient.

Déclarations des stagiaires

6.195 Pour inscrire un candidat à un cours et inclure son nom sur la liste des bénéficiaires d'allocations, le conseiller doit remplir un formulaire dans lequel il indique si le stagiaire reçoit un salaire, des prestations d'assurance-chômage ou d'autres formes de revenus, quel est le revenu du conjoint, etc. Ces données permettent de déterminer l'admissibilité aux allocations, ainsi que le montant de celles-ci, le cas échéant.

6.196 Nous avons constaté que le seul contrôle généralement effectué pour s'assurer de la validité des déclarations des stagiaires consistait à vérifier s'ils recevaient des prestations d'assurance-chômage. On laissait surtout au stagiaire le soin d'informer la Commission de tout changement dans sa situation financière ou familiale pouvant influer sur son admissibilité aux allocations.

6.197 Si le stagiaire a des personnes à charge, il doit également remplir le formulaire "Déclaration du stagiaire : Allocation pour frais de garde" afin de recevoir une allocation supplémentaire. En 1984-1985, la Commission a versé 17 millions de dollars en allocations pour frais de garde.

6.198 Certains CEC exigeaient une preuve de l'existence des personnes à charge, généralement un certificat médical, mais ce n'était pas le cas dans tous les CEC. De plus, aucun contrôle n'était exercé pour s'assurer que les stagiaires encouraient réellement des frais de garde.

6.199 Comme on peut le constater, la Commission exigeait bien peu de preuves à l'appui de ces deux déclarations et effectuait peu de contrôles pour s'assurer de leur exactitude. Il y a donc possibilité que, de façon intentionnelle ou non, les stagiaires fassent de fausses déclarations.

6.200 Lors d'une étude menée en 1980-1981 au sujet des fraudes et des abus relatifs aux paiements de soutien du revenu autres que les prestations d'assurance-chômage, la Commission a relevé peu de cas où les stagiaires fraudaient de façon intentionnelle, mais elle a constaté que 16 p. 100 des stagiaires de l'échantillon recevaient des allocations trop élevées. Ces paiements en trop représentaient 8 p. 100 de la valeur monétaire totale de l'échantillon. Cette année-là, la somme de 104 millions de dollars avait été versée sous forme d'allocations de formation à plus de 100 000 stagiaires. Ces paiements en trop venaient du fait que le stagiaire ou le conseiller avait mal compris ou mal appliqué les règles prescrites pour déterminer l'admissibilité aux allocations, ainsi que le montant de celles-ci. La Commission a amélioré les contrôles administratifs au chapitre des déclarations des stagiaires, mais elle n'a pas assuré le suivi de cette étude afin de déterminer si cette amélioration a contribué à réduire le nombre de paiements en trop.

6.201 La Commission devrait effectuer le suivi périodique de son étude de 1981. Elle devrait également procéder à un contrôle continu ou périodique de la validité des déclarations des stagiaires au sujet de leur situation financière et familiale.

Commentaire de la Commission : La CEIC prévoit instaurer des vérifications permanentes et convient qu'un suivi de l'étude de 1981 pourrait permettre de déterminer le degré de validité générale des déclarations des stagiaires et l'importance des abus à cet égard. Il est peu probable qu'il y ait des problèmes graves, étant donné les constatations favorables de l'étude de 1980-1981 et la mise en place d'un système de paiement plus rigoureux. Toutefois, on pourrait exiger des clients qu'ils fournissent aux conseillers des preuves qui justifient les déclarations.

Vérification de l'exactitude des allocations versées aux stagiaires

6.202 En examinant les fiches de paiement de 433 stagiaires dans les quatre régions visitées, nous avons pu constater que 13 p. 100 d'entre eux recevaient des paiements en trop et 10 p. 100, des paiements insuffisants. L'erreur moyenne, au chapitre des allocations versées à un stagiaire pour la durée d'un cours donné (18,5 semaines en moyenne) était de 106 $, soit l'équivalent de l'allocation moyenne versée pour une semaine. Cette situation dénote un problème quant aux services offerts aux stagiaires.

6.203 Nos constatations ressemblent peu à celles de l'étude réalisée par la CEIC en 1980-1981 pour déceler les fraudes et les abus. Cette étude portait sur la vérification de l'exactitude des déclarations des stagiaires; nous avons surtout examiné le traitement et l'administration des allocations versées aux stagiaires (nous avons accepté comme telles les déclarations des stagiaires si elles ne contenaient pas de vices de forme et si elles correspondaient à d'autres documents disponibles à la CEIC).

6.204 Nous avons déterminé trois grandes causes d'erreurs au chapitre des allocations (voir la pièce 6.7) :

(Cette pièce n'est pas disponible)

6.205 De plus, comme il n'existe pas de lignes directrices nationales au sujet des procédures détaillées du système, les régions et les CEC spécialisés dans la formation doivent élaborer leurs propres méthodes pour tenir à jour et contrôler les dossiers des stagiaires, effectuer les redressements d'allocations et assurer le suivi.

6.206 Les allocations sont versées aux stagiaires par le ministère des Approvisionnements et Services (MAS), en vertu d'un contrat passé avec ce ministère. Nous ne pouvons imputer les erreurs directement au système de paye du MAS parce que l'exactitude des allocations incombe à la CEIC. Cependant, vu l'augmentation de la charge de travail des commis aux écritures de la CEIC, nous sommes d'avis que le système de paye a donné lieu à certaines erreurs. Ainsi, chaque CEC a élaboré son propre système de contrôle du travail fait par le MAS, et consacre beaucoup de temps à ce contrôle, ainsi qu'au redressement et au nouveau traitement des documents de paye. Nous avons constaté que le contrat entre ces deux ministères ne faisait état d'aucune norme de rendement concernant l'exactitude du service de paye offert et qu'on ne disposait d'aucun mécanisme satisfaisant pour contrôler ce service.

6.207 La Commission devrait prendre des mesures dans le but d'assurer l'exactitude des allocations versées aux stagiaires, notamment :

Commentaire de la Commission : La CEIC a entrepris, le 20 avril 1986, la mise en place graduelle d'un mécanisme pour améliorer l'exactitude des allocations versées aux stagiaires en refondant le système exploité par le MAS. Les points soulevés sont généralement valables et ont déjà été pris en considération; des mesures peuvent être prises pour préciser les rôles, élargir la portée des directives existantes et surveiller la qualité du travail effectué par la CEIC et le MAS.

Étant donné la difficulté d'obtenir des ressources humaines, il continuera d'y avoir, dans une certaine mesure, compromis entre l'exactitude des allocations et l'efficacité du service d'orientation professionnelle lui-même. Bien que nous ayons pris des mesures pour améliorer le premier point, nous continuerons d'accorder la priorité aux besoins du client.

Évaluation de l'incidence du soutien du revenu

6.208 Dans notre Rapport annuel de 1978, nous indiquions que la Commission n'avait pas effectué d'étude systématique afin de déterminer l'incidence du système de soutien du revenu. Nous recommandions donc à la Commission d'entreprendre une évaluation de l'effet des allocations de formation.

6.209 Quelques études ont été effectuées au moment de la révision des allocations, mais la seule analyse systématique et officielle à être effectuée l'a été dans le cadre de la plus récente évaluation du Programme national de formation en établissement. Nous avons examiné les constatations de l'évaluation et l'analyse à la base des plus récentes modifications dans la structure des allocations.

6.210 En 1985, d'importantes modifications ont été apportées à la structure des allocations. Ces modifications ont donné lieu à une augmentation de 50 p. 100 du montant des allocations régulières, à une augmentation du nombre de personnes admissibles aux allocations, ainsi qu'à une augmentation de l'ordre de 63 millions de dollars des fonds affectés au paiement d'allocations. Bien que ces modifications aient donné lieu à une augmentation des incitations financières à la formation et aient éliminé certaines injustices du système, l'analyse connexe a laissé un certain nombre de questions sans réponse.

6.211 Par exemple, la Commission ne s'est pas assurée du caractère raisonnable du soutien total dont pouvaient disposer les stagiaires. Les stagiaires peuvent être admissibles à une allocation régulière ou à des prestations d'assurance-chômage, à une allocation pour frais de garde ainsi qu'à des allocations de transport ou de séjour et à des indemnités de déplacement. Ensemble, ces allocations peuvent représenter un montant substantiel, qui peut même être de beaucoup supérieur aux possibilités de rémunération dans le domaine visé par la formation. Dans notre échantillon de stagiaires, nous avons constaté que plus de 5 p. 100 recevaient plus de 300 $ par semaine, et que le taux hebdomadaire moyen dans ce groupe était de 373 $.

6.212 L'évaluation de programme menée en 1985 a permis d'examiner brièvement si le niveau actuel du soutien de revenu constituait un facteur d'encouragement ou de démotivation à la formation. On concluait que les niveaux existants étaient à tout le moins suffisants pour encourager la formation. Les deux principales constatations étaient que 5 p. 100 seulement des stagiaires qui ont abandonné les cours l'ont fait pour des raisons d'ordre financier, et que 72 p. 100 des stagiaires auraient suivi les cours même s'ils n'avaient reçu qu'une faible allocation ou pas du tout d'allocation (27 p. 100 auraient accepté une allocation moindre et 45 p. 100 auraient accepté de ne recevoir aucune allocation). Ces constatations ne concordent pas avec une étude subséquente, qui proposait une augmentation du montant des allocations comme motivation. La Commission n'a pas assuré de suivi, ni vérifié ou étendu ces constatations, ce qui soulève des questions au sujet de la structure globale du soutien du revenu.

6.213 La Commission devrait donner suite aux constatations de l'évaluation menée en 1985, et évaluer de façon plus poussée l'incidence des allocations versées aux stagiaires.

Commentaire de la Commission : L'évaluation menée en 1985 constituait une importante contribution canadienne à l'évaluation d'un programme axé sur le marché du travail. On accordera encore plus d'attention, dans les évaluations ultérieures, à la question des allocations. Il importe de constater que la récente évaluation indiquait que les allocations convenaient aux participants d'alors. L'objectif des allocations accrues était toutefois d'encourager la formation de bénéficiaires appartenant à de nouvelles catégories, surtout ceux qui sont actuellement sous-représentés et qui ont le plus besoin de formation.

Subventions et contributions

6.214 Dans le chapitre 12 de notre Rapport de 1977, nous avons mentionné certains des problèmes entourant la distinction entre subvention et contribution. Nous avions alors recommandé, entre autres, de "faire un effort particulier pour minimiser le nombre de subventions". Par la suite, le Conseil du Trésor émit de nouvelles directives sur les subventions et les contributions et, pendant un certain temps, les ministères, y compris la CEIC, eurent moins recours aux subventions.

6.215 Au cours de la présente vérification, nous avons constaté qu'avant 1981-1982, la Commission utilisait surtout des contributions pour financer les projets de création d'emplois. Depuis, elle a demandé et obtenu l'autorisation d'utiliser le mécanisme des subventions, d'abord dans le cadre du Programme de SCCE, puis de CLE. La pièce 6.8 montre l'évolution des dépenses sous forme de subventions au cours des dernières années.

(Cette pièce n'est pas disponible)

6.216 La Commission nous a fourni sa justification pour expliquer son recours au mécanisme des subventions pour financer les projets de SCCE et les sociétés CLE. Toutefois, elle n'a pas répondu à la question de savoir dans quelle mesure les subventions lui permettaient d'atteindre plus facilement les objectifs des programmes.

6.217 Selon les politiques du Conseil du Trésor, les subventions et les contributions sont des paiements de transfert versés à un bénéficiaire duquel le gouvernement ne reçoit ni marchandise ni service. Les transferts par le biais de subventions sont inconditionnels et ne comportent aucune obligation de vérification, tandis que les contributions sont des paiements conditionnels, assujettis à une vérification, qui doivent faire l'objet d'un accord précisant les modalités de paiement.

6.218 La définition d'une subvention, contenue à la section 9.4 du Guide d'administration financière du Conseil du Trésor, peut faire l'objet d'interprétations diverses. Interprétées largement, les directives du Conseil du Trésor permettraient de verser des subventions sans obligations pour les bénéficiaires et sans vérification des versements effectués pour s'assurer que les sommes versées ont été utilisées aux fins prévues. Interprétées étroitement, les contrôles appliqués pour s'assurer que les subventions ont été dépensées aux fins prévues peuvent être les mêmes que pour les contributions. Les directives n'obligent pas, mais n'empêchent pas non plus, la conclusion d'un accord et la vérification de l'utilisation conforme des fonds.

6.219 Depuis quelques années, à cause de la latitude dans l'interprétation du caractère inconditionnel d'une subvention, la distinction entre contribution et subvention s'est pratiquement estompée. La Commission n'a pas adopté une position différente dans le cas des SCCE et de la CLE pour ce qui est de la surveillance et de l'évaluation exigées lorsqu'il s'agit de projets financés au moyen de subventions. Par exemple, pour les SCCE, elle n'avait pas précisé si les ententes à l'égard des projets subventionnés devaient faire l'objet d'une mise en application stricte, alors qu'il le fallait dans le cas du Programme de CLE. Nous avons également constaté que certaines sociétés CLE refusaient à la Commission l'accès à certains renseignements en invoquant le fait que les subventions constituent un transfert inconditionnel qui ne comporte aucune obligation de rendre compte.

6.220 Dans le cas du Programme de SCCE, les procédés pour évaluer l'efficacité du programme de subvention en regard des objectifs de la Commission n'étaient pas précisés.

6.221 À notre avis, puisque les subventions n'exigent pas de surveillance ou de suivi, il faudrait en minimiser l'usage. Bien que les subventions puissent être moins dispendieuses à administrer, il ne faudrait accorder aux organismes donateurs l'autorisation de se servir de ce mécanisme que s'il est clairement démontré que le programme atteindra plus ou aussi aisément ses objectifs ainsi. Si l'organisme croit qu'il y a lieu d'imposer une certaine surveillance et un certain suivi, il devrait utiliser les contributions comme mode de financement. Toutefois, il faut ajuster les procédés de surveillance aux besoins de chaque programme.

6.222 Si un organisme a recours aux subventions, il doit retenir des mécanismes de contrôle, par exemple des critères d'admissibilité appropriés, le paiement des subventions par versements et l'évaluation du programme.

6.223 La Commission devrait réduire au minimum l'usage des subventions pour financer ses programmes de création d'emplois. Si elle doit utiliser des subventions, elle devrait, en collaboration avec le Conseil du Trésor, démontrer que ce mécanisme constitue une façon plus efficace d'atteindre les objectifs de programme.

Commentaire de la Commission : Le choix de subventions dans le cadre du Programme de CLE en vue d'investir des fonds dans les sociétés CLE visait à établir un rapport sans lien de dépendance avec les clients ultimes.

Bien que des contrôles et des vérifications ne soient pas exigés dans le cas des subventions, ces fonds ont effectivement été contrôlés dans le cadre du Programme de CLE; aussi la CEIC perfectionne-t-elle et resserre-t-elle davantage ses contrôles sur l'utilisation des subventions dans le cadre du Développement des collectivités.

Dans le cadre du Programme de SCCE, on a eu recours à des subventions parce que l'envergure et la nature des activités des projets faisaient que les exigences liées aux contributions semblaient trop restrictives du point de vue opérationnel.

Le Conseil du Trésor a été consulté et a approuvé l'utilisation de subventions pour les programmes de CLE et de SCCE.

La CEIC est d'accord avec la suggestion voulant qu'il y ait une certaine confusion quant à savoir si une subvention ou une contribution constitue la modalité de paiement la plus appropriée.

La CEIC évaluera l'utilisation de l'une ou de l'autre dans le cadre de son examen de la mise en oeuvre du Programme de planification de l'emploi vers la fin de l'exercice 1986-1987. Elle le fera en étroite collaboration avec le Bureau du contrôleur général et le Conseil du Trésor.

6.224 La Commission devrait préciser la méthode d'évaluation qui sera utilisée pour déterminer l'efficacité des programmes de subvention.

Commentaire de la Commission : La CEIC a une excellente feuille de route au chapitre des évaluations. Depuis plusieurs années déjà, elle dispose d'un cycle d'évaluation structuré.

Tous les programmes sont formellement évalués et le Programme de CLE fait déjà effectivement l'objet d'une telle évaluation.

Contrairement aux programmes dont les objectifs se mesurent plus facilement, tels que les emplois à court terme créés ou les cours de formation suivis, le Programme de CLE et le Développement des collectivités ont des objectifs qui exigent une analyse plus minutieuse des résultats et un suivi qui permette de déterminer la nature et la durabilité des résultats. Le programme vise également des résultats moins matériels, qui ne peuvent être jaugés qu'à l'aide d'une évaluation approfondie structurée de manière à produire des appréciations aussi bien quantitatives que qualitatives.

Information au Parlement

6.225 Le Parlement n'a pas été convenablement renseigné sur la nature du Programme de SCCE, sur l'utilisation des sommes qui y étaient affectées, sur les objectifs visés ni sur les résultats réels. L'information fournie au Parlement sur les résultats du Programme de CLE n'était ni fiable ni exacte.

6.226 Selon les directives du Conseil du Trésor, le Parlement doit, dans le cas des subventions, autoriser les bénéficiaires ou les catégories de bénéficiaires de façon précise. Dans les Budgets principaux et supplémentaires présentés depuis la mise sur pied des programmes de SCCE et de CLE, la CEIC n'a pas indiqué dans le tableau des subventions les catégories de bénéficiaires visés par ces programmes. Les députés n'étaient donc pas informés et n'ont, en pratique, pas approuvé les catégories de bénéficiaires de subventions en vertu de ces deux programmes.

6.227 Les parties III du Budget des dépenses et les rapports annuels de la Commission ne contenaient aucune description détaillée du Programme de SCCE. Toutefois, on retrouve une telle description pour le Programme de CLE, ainsi que pour d'autres programmes de création d'emplois. Nous avons noté que tous les programmes de création d'emplois ont le même objet dans le Budget des dépenses, soit "la réalisation de projets destinés à procurer du travail à des chômeurs et à contribuer au mieux-être de la collectivité". Cette description, qui s'applique à tous les programmes, ne fait pas ressortir les différences, parfois marquées, entre les objectifs, les méthodes et les clientèles cibles des divers programmes.

6.228 On s'attendrait à ce que les parties III du Budget des dépenses et les rapports annuels contiennent de l'information sur le rendement escompté et réel des programmes. Nous avons constaté que, dans le cas du Programme de SCCE, ces documents ne contenaient rien au sujet des résultats du programme. Pour ce qui est du Programme de CLE, il y a de l'information sur son rendement. Toutefois, en l'examinant, nous avons constaté de graves lacunes. Parce qu'elle avait de la difficulté à recueillir et à analyser l'information provenant des projets, la Commission a dû recourir à des estimations pour donner les résultats du programme au Parlement. Dans le cas des sociétés CLE, certains renseignements disponibles ont été omis.

6.229 Ainsi, on trouve dans la partie III du Budget de 1986-1987, au sujet des projets et des sociétés CLE, pour l'année 1984-1985, "la création de 320 021 semaines de travail et de 7 294 emplois" comme étant le "rendement réel en fonction des plans de 1984-1985". Le texte indique que les chiffres "sont inférieurs aux objectifs établis", même si ces chiffres étaient des estimations plutôt que des données réelles. En outre, les emplois et les semaines de travail créés ne sont pas donnés de façon distincte; il s'agit en réalité de deux façons différentes de mesurer la même chose. Nous avons examiné comment la CEIC en était arrivée aux chiffres cités. Dans le cas des projets, la Commission a estimé que 120 521 semaines de travail ou 3 304 emplois avaient été créés. Le nombre de semaines de travail a été obtenu à partir d'un échantillon d'ententes signées et supposait que, dans l'ensemble, toutes les ententes avaient créé des semaines de travail dans la même proportion que l'échantillon. Pour convertir ces semaines de travail en emplois, la Commission a établi que ceux-ci avaient une durée variable selon la composante du programme en cause. Or, tant pour le nombre de semaines de travail que pour la durée des emplois, la Commission n'a pas été en mesure de confirmer ces estimations par des résultats réels.

6.230 Dans le cas des sociétés, l'estimation que 3 900 emplois ou 199 500 semaines de travail ont été créés repose sur l'hypothèse que le nombre d'emplois créés durant l'année en cause est proportionnel au nombre d'emplois de l'année précédente et que tous ces emplois sont à temps plein. Toutefois, la Commission ignorait si le nombre d'emplois créés l'année précédente était une base de calcul valable. Le calcul effectué par la Commission supposait aussi l'existence de 85 sociétés. Or, dans un document obtenu de la Commission, on indique que les emplois "ont été suivis à la trace". Cependant, selon ce même document, le nombre de sociétés, en 1984-1985, était de 37 et le nombre d'emplois créés s'établissait à 1 094, dont 168 (15 p. 100) avaient disparu par la suite. La création nette d'emplois se chiffrait donc à 926, alors qu'on avait estimé en créer 3 900.

6.231 L'objet premier du Programme de CLE était de créer des emplois permanents; il est donc étonnant que la Commission n'ait pas fourni au Parlement d'information sur la permanence des emplois créés, que ce soit dans le cadre des sociétés ou des projets CLE. Le Parlement n'a donc pas été informé des progrès enregistrés dans la réalisation de l'objectif premier du programme.