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Poissons et vies aquatiques

Le monde sous-marin

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LE CRABE DORMEUR

Image de la page couvertureIntroduction

Les habitants de la côte Ouest de l'Amérique du Nord connaissent bien le crabe dormeur car il est très prisé par les pêcheurs commerciaux et sportifs. L'un des 35 crabes véritables qui peuplent les eaux canadiennes du Pacifique, ce crabe porte le nom latin de Cancer magister. Littéralement, Cancer signifie crabe et magister, principal. Le nom commun anglais Dungeness désigne un port de pêche près de Puget Sound, dans l'État de Washington.

Figure 1. Crabe dormeur mâle - Cancer magister

Figure 1. Crabe dormeur mâle - Cancer magister

Description

Un crabe dormeur mâle atteint une largeur maximale de 230 mm (y compris les épines) et pèse près de 2 kg. Mais rares sont les crabes de plus de 190 mm de largeur dans les secteurs fortement exploités. Lorsqu'ils sont vivants, le mâle et la femelle ont une carapace de couleur brunâtre. Le tourteau rouge du Pacifique (Cancer productus) et le crabe maigre (Cancer gracilis), deux espèces semblables au crabe dormeur, peuvent être confondus avec ce dernier. Le crabe dormeur diffère du tourteau rouge du Pacifique par la couleur claire et la finesse du bout de ses pinces (le bout des pinces du tourteau rouge du Pacifique est gris-bleu ou noir), et du crabe maigre, par sa taille plus grande et l'absence d'une petite épine juste après le point le plus large de la carapace.

Répartition et habitat

On trouve le crabe dormeur des îles Aléoutiennes, en Alaska, jusqu'à la baie de Monterey, en Californie, de la zone intertidale jusqu'à environ 180 m de profondeur. Il fréquente les baies, les inlets, les estuaires et la plate-forme continentale. Quoiqu'on le retrouve parfois sur des fonds vaseux et graveleux, ce crabe est surtout abondant sur les fonds sableux et dans les herbiers de zostère des petits fonds. Les crabes tout juste établis sur le fond survivent le plus souvent dans des eaux peu profondes, y compris la zone intertidale, probablement pour éviter les prédateurs. Le crabe dormeur préfère des eaux froides, ce qui explique son absence générale des secteurs centre et nord du détroit de Georgia, où les eaux de surface trop chaudes en été ne permettent pas d'assurer la survie des juvéniles.

Reproduction et croissance

Le squelette des crabes se résume à leur carapace ou exosquelette. Par conséquent, la croissance ne s'effectue pas graduellement comme chez les animaux possédant un squelette interne, dont les poissons et les mammifères, mais par suite de mues périodiques. Le taux de croissance dépend de la taille des individus, oscillant entre 15 et 25 pour 100 à chaque mue. Les jeunes crabes, qui investissent l'ensemble de leurs réserves d'énergie dans la croissance somatique, muent plus fréquemment et à un taux de croissance relativement plus élevé que les adultes, qui consacrent une plus grande partie de leur énergie à la reproduction. Avant et pendant la mue, le crabe fait gonfler ses tissus en absorbant de l'eau, ce qui fait augmenter le volume du corps et exerce une pression sur l'ancien exosquelette qui se fend. Après s'être dégagé de sa vieille carapace, le crabe, qui est alors « mou », se réfugie dans des endroits sûrs jusqu'à ce que sa nouvelle carapace ait complètement durci. Chez l'adulte, cela prendra environ six semaines; il lui faudra encore quelque temps pour remplacer complètement l'eau absorbée par de nouveaux tissus, comme des muscles. Les mâles et les femelles adultes d'une population donnée ont tendance à muer à des périodes différentes, de sorte que les mâles auront acquis une carapace dure et seront prêts à s'accoupler lorsque les femelles muent.

Les promeneurs prennent souvent les dépouilles de crabe laissées sur la plage par la marée pour des crabes morts car l'animal se débarrasse de toutes ses parties dures en une seule pièce. Au moment de la mue, la vieille carapace se fend sur le dos et le long des deux côtés, ce qui permet au crabe d'en sortir en reculant. Les fentes d'une vieille carapace se referment après que le crabe l'a abandonnée, mais vous pouvez la rouvrir facilement. Si elle est vide de tout tissu, c'est une dépouille et non un crabe mort.

Pendant un certain nombre d'heures avant, pendant et après l'accouplement, le mâle enserre la femelle de façon que leurs parties ventrales soient en contact étroit. L'accouplement même a lieu dans les quelques heures suivant la mue de la femelle, car ce n'est qu'à ce moment-là que sa carapace est assez molle pour permettre au mâle de déposer son sperme. La copulation dure moins de 30 minutes, mais il arrive que le mâle transporte sa partenaire pendant plusieurs jours avant et après la mue afin de s'assurer d'être son seul compagnon. Le sperme peut survivre dans les voies génitales de la femelle pendant des années, n'étant pas rejeté au moment de la mue suivante. La femelle peut donc l'utiliser pour fertiliser plusieurs portées d'œufs, bien que la viabilité des spermatozoïdes diminue graduellement au fil du temps. La fertilisation des oeufs se produit au moment de la ponte, qui a typiquement lieu à l'automne quelques mois après que la femelle a mué et a été fécondée. Les oeufs, dont le nombre peut atteindre un million chez une grosse femelle, sont pondus et restent accrochés à l'abdomen de la femelle où ils sont portés pendant trois à cinq mois jusqu'à ce qu'ils éclosent. Les femelles oeuvées se rassemblent souvent et s'enfouissent ensemble dans un substrat adéquat pour se protéger des tempêtes d'hiver pendant qu'elles incubent leurs oeufs.

Devenu après l'éclosion larve pélagique ou nageuse dans la colonne d'eau, le jeune crabe traversera cinq stades larvaires, ou zoés, pendant environ quatre mois. La larve zoé ressemble à une crevette et est surtout transportée par les courants marins. Elle devient ensuite mégalope et ressemble alors à un jeune crabe avec de menues pinces et des pattes, mais elle possède encore la queue d'une crevette. La mégalope, très bonne nageuse, peut atteindre une vitesse de 22 cm par seconde. Elle n'est typiquement retrouvée dans les eaux de surface qu'à l'aube, qu'au crépuscule et que la nuit; le jour, elle s'enfonce habituellement dans la colonne d'eau jusqu'à au moins 20 m de profondeur.

Une dernière mue larvaire transforme la mégalope en crabe juvénile. Après s'être posé sur le fond, celui-ci mue 10 ou 11 fois pendant environ deux ans jusqu'à ce qu'il atteigne la maturité. Les femelles atteignent ce stade à une largeur de carapace d'environ 90 mm et les mâles, d'environ 150 mm. Ces derniers acquièrent la taille réglementaire (165 mm ou 6,6 po) après 11 ou 12 mues. La croissance ralentit chez les femelles après qu'elles ont atteint la maturité car elles consacrent la plus grande partie de leur énergie à la production d'œufs. Relativement peu de femelles des populations fortement exploitées atteignent la taille réglementaire.

Mœurs

Souvent, le crabe dormeur s'enfouit presque complètement dans le sable pour se protéger. Les soies qu'on observe autour des entrées d'eau situées à la base des pinces empêchent les grains de sable d'envahir les chambres branchiales. C'est en enfonçant ses pattes ou ses pinces dans le sable que ce crabe trouve et capture ses proies, constituées principalement d'animaux qui y vivent complètement ou partiellement enfouis. On associe les déplacements du crabe aux mouvements de côté, mais ces animaux peuvent se mouvoir en toutes directions. Le crabe dormeur, à l'occasion, peut courir assez vite pour fatiguer un plongeur autonome à sa poursuite.

Nourriture et prédateurs

Comme nourriture, le crabe dormeur préfère des proies vivantes comme les myes, d'autres crustacés et des petits poissons. Il utilise ses pinces pour déchiqueter les grosses proies et, à l'aide de ses pattes-mâchoires plus petites, il introduit la nourriture dans sa bouche, où elle est mastiquée par deux mandibules ou « mâchoires ». Dans l'estomac, des structures ressemblant à des dents forment le moulin gastrique où les fragments d'aliments sont davantage coupés et broyés.

Le flétan, l'aiguillat, les chabots, la pieuvre ainsi que la loutre de mer comptent parmi les prédateurs du crabe. Celui-ci s'adonne au cannibalisme, recherchant en particulier les jeunes crabes pendant les premières semaines après qu'ils se sont posés sur le fond et les individus venant de muer. Le saumon et d'autres espèces de poisson se nourrissent des larves lorsqu'elles sont planctoniques.

Figure 2. Carte des secteurs de pêche commerciale du crabe
Figure 2. Carte des secteurs de pêche commerciale du crabe

Pêche

Le crabe dormeur était et continue d'être un élément important du régime alimentaire des peuples autochtones côtiers. Les Autochtones en font encore une importante pêche commerciale dans les régions où il est abondant, comme le sud du détroit de Georgia, la côte centrale et la côte nord, les côtes nord et est des îles de la Reine-Charlotte et la côte ouest de l'île de Vancouver.

Les premières prises commerciales enregistrées de crabe en Colombie-Britannique, récoltées près de Vancouver, de Victoria et de Nanaimo, datent de 1885. Plus tard, la pêche s'est étendue à la côte ouest de l'île de Vancouver et aux îles de la Reine-Charlotte. Au début des années 1950, les pêcheurs de crabe ont adopté les casiers ronds en acier inoxydable, encore utilisés aujourd'hui. En 1991, l'accès à la pêche commerciale a été restreint, seuls 223 permis ont été émis. En 2000, les pêcheurs ont dû choisir un secteur de pêche parmi les sept établis (A, B, E, G, H, I ou J); ils sont tenus d'y pêcher pendant trois ans. Chaque secteur de pêche étant unique, il est l'objet d'une stratégie de pêche particulière élaborée en consultation avec les intervenants locaux.

Le détroit d'Hécate, la baie McIntyre, Long Beach et la baie Clayoquot, la baie Boundary, l'estuaire du Fraser, l'inlet Burrard, le secteur sud des îles Gulf, le détroit de la Reine-Charlotte ainsi que le passage Chatham comptent parmi les principaux endroits où l'on pratique la pêche du crabe. Bien que celui-ci soit pêché toute l'année au Canada, la plus grande partie des prises sont réalisées de mai à octobre.

La pêche commerciale du crabe est assujettie à une limite du nombre de casiers qui peuvent être utilisés. Ce nombre varie selon le secteur de gestion, oscillant entre 200 et 1 200 casiers par bateau. Chaque casier doit être muni d'un dispositif d'évasion des crabes juvéniles et d'un panneau biodégradable pour éviter la pêche-fantôme au cas où le casier serait perdu en mer. Selon le secteur de gestion, les casiers sont garnis de bouées séparées ou attachés à intervalles le long d'une ligne de fond, ancrée et munie d'une bouée à chaque bout. Dans tous les secteurs, les pêcheurs relèvent généralement leurs casiers tous les un à dix jours, mais ils sont tenus de les relever une fois tous les 18 jours pour éviter la pêche-fantôme. Comme appât, ils utilisent des coquillages, du calmar ainsi que des têtes et carcasses de poisson.

On se sert parfois de plus petits casiers, de verveux et de bolinches et les pêcheurs sportifs peuvent récolter des crabes en plongée autonome ou à marée basse, à l'aide d'épuisettes. Dans la région à l'est de l'île de Vancouver, un pêcheur sportif peut garder un maximum quotidien de quatre crabes, tandis que dans toutes les autres régions, il peut en conserver six par jour au maximum. Tous les engins de pêche sportive du crabe doivent porter le nom et le numéro de téléphone du pêcheur.

Il existe des usines de transformation du crabe à Masset, Prince Rupert, Nanaimo, Vancouver, et Sidney. On y produit du crabe entier cuit, frais ou congelé, du crabe congelé non décortiqué, mais éviscéré, ainsi que de la chair de crabe fraîche ou mise en conserve.

Figure 3. Pêcheur relevant un casier à crabe
Figure 3. Pêcheur relevant un casier à crabe

Gestion

Une limite de taille minimum (165 mm), un accès limité à la pêche et des règlements visant les engins et les périodes de fermeture de la pêche sont les principaux outils utilisés pour gérer cette pêche. L'imposition d'une limite de taille permet de protéger le crabe jusqu'à ce qu'il atteigne la maturité sexuelle afin qu'il ait l'occasion de s'accoupler au moins une fois avant d'être capturé. De récentes données scientifiques semblent toutefois indiquer que cela n'est pas le cas chez toutes les populations et que les gestionnaires devraient peut-être considérer d'autres mesures de gestion de la pêche. En outre, sur l'avis de l'industrie, la pêche est gérée de sorte à éviter la capture de crabes mous. Les prises annuelles fluctuent considérablement au fil du temps en raison de la variabilité du taux d'établissement et de survie du crabe, provoquée par l'environnement. Tous les stocks canadiens de crabe dormeur sont pleinement exploités à l'heure actuelle.

Lectures recommandées :

Butler, T.H. 1960. Maturity and breeding of the Pacific edible crab, Cancer magister Dana. J. Fish. Res. Board Can. 17 (5): 641-646.

Butler, T.H. 1961. Growth and age determination of the Pacific edible crab, Cancer magister Dana. J. Fish. Res. Board Can. 18 (5): 873-891.

Hart, J.F.L. 1982. Crabs and their relatives. BC Prov. Mus. Handb. 40: 267 p.

Jamieson, G.S. 1996. Moulting patterns in southern British Columbia Dungeness crab and implications for fisheries. p. 397-410. In High Latitude Crabs: Biology, Management and Economics. Edited by B.R. Melteff. Univ. Alaska, Sea Grant Rep. 96-2, Fairbanks.

Jamieson, G.S. 1999. Selective effects of fishing on the population dynamics of crustaceans. p. 627-641. Edited by J.C. Von Vaupel Klein and F.R. Schram. The Biodiversity Crisis and Crustacea: Proceedings of the Fourth International Crustacean Congress, Amsterdam, The Netherlands, July 20-24, 1998.

Jamieson, G.S. and A. Phillips. 1993. Megalopal spatial distribution and stock separation in Dungeness crab. pp. 416-429. In Effects of Ocean variability on Recruitment and an Evaluation of Parameters used in Stock Assessment Models. Edited by R.J. Beamish and G.A. McFarlane. Can. J. Fish. Aquat. Sci. 50.

Jamieson, G.S., A. Phillips and S. Hugget. 1989. Effects of ocean variability on the abundance of Dungeness crab larvae. Can. Spec. Publ. Fish. Aquat. Sci. 108:305-325.

Jamieson, G.S., A. Phillips, and B.D. Smith. 1998. Implications of selective harvests in Dungeness crab (Cancer magister) fisheries. In Proceedings of the North Pacific Symposium on Invertebrate Stock Assessment and Management. Edited by G.S. Jamieson and A. Campbell. Can. Spec. Publ. Fish. Aquat. Sci. 125. p. 309-321.

Smith, B.D. 1988. An evaluation of the current minimum legal size limit for the Dungeness crab (Cancer magister Dana) fishery near Tofino, British Columbia. Ph.D. Thesis. University of British Columbia, Vancouver. 160 p.

Smith, B.D., and G.S. Jamieson. 1989a. Exploitation and mortality of male Dungeness crabs (Cancer magister) near Tofino, British Columbia. Can. J. Fish. Aquat. Sci. 46:1609-1614.

Smith, B.D., and G.S. Jamieson. 1989b. Growth of male Dungeness crabs near Tofino, British Columbia. Trans. Amer. Fish. Soc. 118:556-563.

Wainwright, T.C., and D.A. Armstrong. 1993. Growth patterns in the Dungeness crab (Cancer magister Dana): synthesis of data and comparison of models. J. Crust. Biol. 13:36-50.

Les fiches d'information du Monde sous-marin sont de courts comptes rendus illustrés sur les ressources halieutiques et les phénomènes du monde marin, préparés tant pour renseigner que pour éduquer le public. On y trouve une bonne description du cycle de vie, de la distribution géographique, de l'état et de l'exploitation des stocks de poissons, de mollusques, de crustacés et d'autres organismes vivants du monde marin, ainsi que des renseignements sur la nature, l'origine et les effets de phénomènes ou de réactions du monde marin.

Les espèces de cette série sont réparties entre sept catégories :

  • Poissons de fond
  • Poissons pélagiques
  • Invertébrés
  • Espèces diadromes (anadromes et catadromes)
  • Mammifères marins
  • Poissons d'eau douce
  • Faune et flore aquatiques

À quelle catégorie cette espèce appartient-elle?

Mise à jour (2002) par :
Glen S. Jamieson
Pêches et Océans Canada
Station biologique du Pacifique
3190, chemin Hammond Bay
Nanaimo (Colombie-Britannique)
BC V9R 5K6

Publié par :
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© Sa majesté la Reine du Chef du
Canada, 2002
No de catalogue Fs 41-33/37-2002F
ISBN 0-662-86811-0

Disponible à cette adresse : 
www.dfo-mpo.gc.ca (en format HTML et PDF)
Also available in English - Dungeness Crab

 

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Dernière mise à jour : 2004-08-17

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